Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LE PROPHÈTE AMOS.

CLVI. — Menaces, exhortations et promesses.

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2064. (1:1.) Amos marque lui-même d'une façon très précise l'époque où il entra dans la carrière prophétique. C'était deux ans avant le tremblement de terre. Mais comme nous ignorons quand eut lieu cet événement, il faut nous en tenir à l'indication plus générale qui nous est donnée en ce même endroit. Amos prophétisa du temps de Jéroboam II et d'Hosias, fils d'Amazias, c'est-à-dire lorsque ces deux rois régnaient simultanément, l'un à Samarie, l'autre à Jérusalem, entre l'an 810 et l'an 784 avant l'ère chrétienne.

2065. Rien, dans les antécédents d'Amos, ne présageait sa destination future (7: 14, 15). Il n'avait point été mis à part de bonne heure comme Samuel, ni même comme Élisée; il n'avait fréquenté aucune école de prophète. Amos était un des bergers de Thékoa, ville au sud de Bethléhem, à l'entrée des vastes pâturages de Juda. Un jour qu'il cueillait des figues, l'Éternel l'avait appelé et lui avait dit: «Va, et prophétise à mon peuple d'Israël.»

2066. Quoique Jéroboam II ne fût pas un Achab, ce n'était pas une mission facile pour un simple pâtre et pour un homme de Juda, que de se présenter dans le royaume d'Israël au nom du Seigneur, surtout quand on pense qu'il s'agissait de dénoncer à ce royaume les jugements de Dieu, et cela au moment où un prince victorieux semblait vouloir rendre à Israël sa première splendeur [2048]. Cependant Amos accomplit son œuvre, non sans courir quelques dangers, comme nous allons le voir, et, à son retour chez lui, on le présume, il écrivit ses discours prophétiques, du moins ce qu'il a plu au Saint-Esprit d'en conserver.

2067. (2.) Le second verset du chapitre premier peint le caractère général des prophéties d'Amos. Elles sont menaçantes comme le rugissement du lion ou comme le grondement du tonnerre, de manière à jeter l'épouvante dans le cœur des petits et des grands. Les cabanes des bergers désignent les pauvres, les chétifs; et les hameaux du Carmel, les riches et les puissants. Le livre d'Amos est plein de ce langage figuré, qui, la plupart du temps, n'est pas très difficile à entendre. Par exemple, au commencement du chapitre 4, verset 1, les génisses de Basçan représentent les hommes qui, affranchis de tout lien et courant où leurs vagues désirs les mènent, foulent aux pieds la justice et l'équité, comme au pâturage une jeune vache écrase l'herbe tendre et la fleur récemment éclose.

2068. (1; 2: 1-3.) Le livre d'Amos s'ouvre par des prophéties contre la plupart des peuples qui étaient en relation avec les Israélites: les Syriens, ou Damas et Aram [237]; Gaza, Asdod, Askalon et Hékron, ou les Philistins [1325]; les Tyriens, Edom ou les Iduméens, les Hammonites, les Moabites. Ils entendent successivement la sentence sommaire qu'ils ont méritée par leur idolâtrie et par des crimes dont le nombre exact n'est connu que de Dieu. C'est peut-être ce que signifie cette formule: «À cause de trois crimes, même à cause de quatre.» — Or, tous ces peuples ont disparu du nombre des nations, et tous par des catastrophes plus ou moins violentes. Ainsi s'accomplit la Parole de l'Éternel.

2069. (4,5.) Vient après cela le royaume de Juda, non moins coupable et non moins menacé que les vieux ennemis de l'Éternel et de son peuple, car c'est aussi «à cause de trois crimes, même à cause de quatre» Au moment où prophétisait Amos, rien ne pouvait faire présager la ruine de Jérusalem, ce fut plus tard seulement que l'idolâtrie y établit son règne; mais le berger de Thékoa parle du péché comme s'il était déjà commis, et il annonce que les palais de la ville sainte seront dévorés par les flammes, nouvelle preuve que l'Esprit de l'Éternel était en lui, car l'Éternel seul peut connaître à ce point l'avenir.

2070. (6-16.) Mais c'est particulièrement le royaume d'Israël que le prophète doit avertir de sa ruine plus prochaine, et qui pourtant se fit encore attendre plus de soixante-dix ans. Israël, dit Amos, a commis toutes sortes d'injustices et d'impuretés, fruits d'une abominable idolâtrie. Oubliant les délivrances que l'Éternel avait accordées à leurs pères, rejetant la parole des prophètes qu'il n'avait cessé de leur envoyer, Élie, Élisée, Michée fils de Jimla et d'autre encore, ils ont foulé aux pieds la loi de l'Éternel et réduit au silence les interprètes du Très-Haut. C'est pourquoi leur terre sera foulée sous les pieds de l'étranger, et malheur à ceux qu'une prompte fuite ne mettra pas à l'abri des coups de l'ennemi!

2071. Tout le reste du livre, jusqu'au verset 8 du dernier chapitre, n'est qu'un développement de la prophétie contre Israël. Les désordres de ce peuple y sont signalés dans un style plein d'énergie, et c'est avec une force non moins redoutable que le prophète décrit les calamités qui le menaçaient. L'étude en est importante, non seulement par la peinture qui nous y est faite des mœurs de l'époque, mais encore parce que les crimes que le Seigneur reprochait à son peuple ne sont que trop fréquents de nos jours, dans les pays même qu'on appelle la chrétienté.

2072. (3.) L'Éternel avait fait une grâce infinie aux fils d'Israël en leur adressant sa Parole, dès le temps de leurs pères. Seuls entre tous les peuples, ils connaissaient le Seigneur, parce qu'il lui avait plu de se révéler à eux. Leur idolâtrie était donc sans excuse, et leurs crimes ne pouvaient demeurer impunis. Comme le lion rugit en apercevant sa proie, comme l'oiseau tombe dans le filet qu'on lui a tendu, comme une ville s'effraye quand la trompette sonne l'alarme, de même les désordres d'Israël doivent nécessairement porter leurs fruits amers, car toute cause produit ses effets: quand l'Éternel a parlé, il faut que sa parole s'accomplisse, et les hommes dont il fait ses organes ne sauraient absolument se taire (1-8). Comment d'ailleurs l'Éternel ne s'irriterait-il pas en voyant de misérables pécheurs passer leur vie à s'ériger de magnifiques palais tout éclatants d'or et d'ivoire, y consumer en quelque sorte la substance des malheureux, et s'étourdir dans les délices? C'est pourquoi l'ennemi enveloppera le royaume d'Israël, le ravagera, détruira sa magnificence, et il n'en restera que des débris semblables à ceux que laisse un lion qui a dévoré une brebis (9-15).

2073. (4.) Il sera terrible le châtiment d'Israël! (1-3.) Terrible à proportion du zèle qu'on mettait à observer la religion nationale instituée par Jéroboam. On avait multiplié les lieux saints en ajoutant Guilgal à Béthel et à Dan, comme on bâtit aujourd'hui force temples pour se faire illusion sur l'absence générale de toute foi; l'on y offrait volontairement des sacrifices, on y apportait régulièrement la dîme de ses récoltes; nous avons vu que tout cela se faisait au nom de l'Éternel, mais devant les veaux d'or, et c'était au fond le veau d'or, le dieu de ce siècle qu'on adorait (4, 5). L'Éternel avait successivement employé tous les moyens pour rappeler à lui ce peuple idolâtre: la sécheresse, les fléaux destructeurs du blé et de la vigne, des figuiers et des oliviers; la peste et la guerre; puis, au milieu de tout cela, de nombreuses délivrances Mais Israël avait refusé de se convertir, et la bouche du Seigneur le répète quatre fois, du ton qu'y mettrait un homme dont le cœur serait plein d'amertume (6-11). Et pourtant, celui qui parle ici n'est pas un homme. C'est le Tout-Puissant, le créateur des cieux et de la terre. Dans sa miséricorde infinie il a révélé aux fils d'Abraham ses pensées; mais il peut changer l'aurore en ténèbres, c'est-à-dire leur retirer ses bienfaits; car il est au-dessus de tout, maître absolu de tout, et c'est pour cela qu'il se nomme I’ÉTERNEL DES ARMÉES (12, 13).

2074. (5.) Ce chapitre est un mélange d'exhortations et de menaces, avec mention ignominieuse des crimes d'Israël. Le royaume des dix tribus tombera, et il ne sera jamais relevé (1-3). Cependant le Seigneur invite les rebelles à le chercher, lui, au lieu des idoles, et s'ils le font, ils pourront encore subsister (4-7). Quelle bonté de la part de Celui qui n'a qu'un mot à prononcer pour que ses jugements s'exécutent! (8, 9). Quelle bonté, quand on pense aux prévarications sans nombre des misérables auxquels il s'adresse. La corruption de ce temps était telle, que les sages se tenaient tristement dans la retraite et le silence. Mais l'Éternel, quant à lui, ne cessait de parler à ces iniques! (10-13.) Et voici ce qu'il leur dit par la bouche de son prophète, ce qu'il nous dit à nous-mêmes: «Poursuivez le bien et non le mal, afin que vous ayez la vie. Haïssez le mal et aimez le bien. — Vous vous plaisez à vous persuader que l'Éternel est avec vous. Oui, il est là, mais c'est pour vous crier: Malheur! malheur! malheur à vous qui l'offensez» (14-17). — «Vous voudriez déjà être morts, dites-vous quelquefois! Vous voyez avec joie approcher le jour du Seigneur! Mais est-il bien sûr que ce jour sera pour vous lumière et non ténèbres? Ne ressembleriez-vous point à un homme qui, fuyant devant le lion, tomberait sous les pattes d'un ours, ou qui, rentrant chez lui fatigué, voudrait s'appuyer à la paroi de sa maison et mettrait la main sur un serpent? Quelles images du danger auquel on s'expose en se faisant des illusions sur son véritable état spirituel! (18-20.) Et souvent ce qui les entretient, ces illusions, c'est le culte qu'on célèbre avec pompe, avec joie quelquefois, culte de nulle valeur aux yeux de l'Éternel, aussi longtemps que le cœur n'est pas converti (21-27).

2075. (6.) Pleins de mépris pour les menaces du Très-Haut, ou peut-être croyant à ces menaces plus qu'ils ne voulaient le dire et cherchant à s'étourdir, les Israélites du royaume de Jéroboam, comme les impies et les mondains de tous les temps, se livraient aux excès infiniment variés du luxe et de la mollesse; ils passaient leur vie dans les fêtes, sans souci apparent du lendemain; et, en écartant la pensée du jugement, il leur semblait qu'ils retardaient le jugement lui-même (1-6). Mais le voici qui vient, d'autant plus terrible; car si la folie de l'homme est grande, la justice de Dieu est grande aussi, et l'arrogance ne sauva jamais personne! (7-14.)

2076. (7: 1-9.) Amos rapporte ensuite les visions dont il fut favorisé et par le moyen desquelles Dieu jugea bon de confirmer ses menaces et en même temps de les modifier. Ce furent d'abord des sauterelles qui broutaient tout, puis un feu qui consumait jusqu'à l'eau de la mer. Est-ce donc, s'écrie le prophète, que tu détruiras entièrement ton peuple, ô Éternel? Sur quoi le Seigneur le rassure, mais tout en lui faisant connaître par une troisième vision, celle du niveau, que l'ennemi ferait main basse sur le pays, sur les lieux consacrés au culte et sur la maison de Jéroboam II, ou autrement de Jéhu [2031].

2077. (10-17.) Ce fut alors qu'Amatsia, sacrificateur de Béthel, dénonça le prophète comme conspirateur, qu'il lui intima l'ordre de retourner dans son pays, et qu'Amos raconta comment l'Éternel l'avait appelé à lui rendre témoignage. Bien loin de se laisser ébranler par les menaces d'un homme qui concourait, pour sa part, à entretenir Israël dans son faux culte, Amos lui prophétise à lui-même les plus grandes infortunes, et persiste résolument à proclamer la ruine du royaume de Jéroboam.

2078. (8.) Nouvelle vision accordée au berger de Thékoa. C'était un panier plein de fruits d'été ou de fruits mûrs, pour annoncer le prochain accomplissement de ses prophéties. Les palais où se promènent tant de joyeux convives seront remplis de cadavres, et ainsi sera punie la cupidité qui avait fait tant de riches aux dépens de tant de pauvres (1-10). Mais ce qui sera pis encore, c'est que le pays se verra complètement privé de la Parole de Dieu. On la voudra peut-être alors, mais elle ne se fera plus entendre: le temps des consolations et des avertissements, même celui des menaces sera passé; la fin est venue, et quelle horrible fin! (11-14.)

2079. (9.) Dans une dernière vision, le prophète dut, au commandement du Seigneur, frapper le chapiteau de l'autel, afin que l'édifice entier s'écroulât et qu'il couvrît de ses décombres tous les habitants du pays (1). Est-ce l'autel du veau d'or dont il est ici question, ou n'est-ce pas plutôt celui de Jérusalem? Dans cette supposition, le chapiteau qu'Amos dut abattre, en vision et en prophéties, ne devait-il pas être celui des colonnes Jachin et Boaz? [1784.] C'est ce qu'on pense généralement. De cette manière l'oracle aurait eu trait à la ruine de Jérusalem, mais comme au second plan, par la raison que le temps en était encore éloigné. Remarquez toutefois en quels termes d'une saisissante grandeur la Parole de Dieu déclare qu'il est impossible d'échapper au jugement à venir (2-4). Remarquez aussi de quelle manière le prophète célèbre encore une fois la suprême puissance et l'auguste nom de l'Éternel (5, 6).

2080. (7-15.) Les huit derniers versets d'Amos offrent un intérêt particulier à raison de ce que la prophétie qu'ils renferment n'a pas encore obtenu son entier accomplissement. Après avoir annoncé de nouveau que les royaumes d'Israël et de Juda seraient détruits, et après avoir répété en termes plus clairs que, cependant, le peuple d'Israël ne se verrait pas réduit à néant, le Seigneur annonce le triste état dans lequel vivrait ce peuple au milieu des nations, selon l'antique prédiction de Moïse [1030]. Cependant la hutte déchue de David sera relevée, Israël possédera de nouveau le pays de ses pères et même il l'agrandira; il y jouira d'un parfait repos, et, à partir de cette époque, Israël n'en sera plus arraché, ce qui veut dire qu'il ne se détournera plus de son Dieu.

2081. Tout cela sans doute est destiné à figurer le bonheur, la sainteté, la gloire du peuple de Dieu, c'est-à-dire des rachetés de Christ, dans la Canaan céleste; mais tout cela, nous dit aussi la Parole de Dieu (Actes 15: 14-17), s'est accompli, en un certain sens et dans une certaine mesure, par la venue de Jésus, le fils de David, par la fondation de l'Église et par la conversion des peuples païens. Toujours est-il que cet endroit de l'Écriture, avec nombre d'autres, autorisent à penser que le peuple juif, maintenant dispersé sur la terre, est destiné par le Seigneur à conquérir une seconde fois le pays de la promesse, pour y servir l'Éternel dans l'esprit d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. C'est ce que Moïse, notamment, avait aussi prophétisé [1034].


LE PROPHÈTE JOËL.

CLVII. — Calamités et délivrances. Effusion de l'Esprit de Dieu. Jugement et repos.


2082. Sans qu'on puisse déterminer d'une manière sûre ni le lieu ni le temps où Joël prophétisa, il y a tout lieu de penser que ce fut à Jérusalem ou près de cette ville, et qu'il fut contemporain d'Amos: l'un envoyé par l'Éternel au royaume de Juda, l'autre à celui d'Israël, lorsque Jéroboam II régnait ici, et que là régnait Hozias.

2083. Joël consacre les deux tiers de sa prophétie à décrire, du style le plus magnifique et sous les traits les plus saisissants, l'invasion et les ravages d'une armée de sauterelles dans un temps où déjà le pays était affligé d'une grande disette. Est-ce qu'en effet le prophète avait un tel spectacle sous les yeux, ou bien était-il chargé d'annoncer cette horrible calamité? Il n'est ni facile ni fort nécessaire de le déterminer. Dans tous les cas, cette irruption de sauterelles est une image effrayante des armées babyloniennes qui couvrirent plus tard la Judée et la désolèrent. Puis, ce que nous devons y voir surtout, c'est un type des jugements que le Seigneur exercera sur le monde des impies, jugements auxquels ils ne pourront pas mieux échapper qu'on ne le peut à une nuée de sauterelles, un des plus terribles fléaux de Dieu, et qui a le même caractère de destruction totale et soudaine.

2084. C'est pour cela qu'à plusieurs reprises le prophète proclame la venue d'un jour qu'il appelle la journée du Seigneur, «jour ténébreux et sombre, jour de nuées et d'obscurité;» et c'est en vue de ce jour qu'il invite les âmes à se convertir. «Maintenant donc, dit l'Éternel (2: 12-17), revenez à moi de tout votre cœur, et avec jeûne et avec larmes et avec gémissements! Déchirez vos cœurs et non vos vêtements, et retournez à l'Éternel votre Dieu, car il est miséricordieux et compatissant, lent à la colère et plein de grâce, et il se repent d'avoir affligé» [847]. Ensuite (18-27), le prophète supposant que le peuple s'est enfin converti, il lui fait de magnifiques promesses; il lui annonce l'abondance au lieu de la famine, bénédiction qui, au sens spirituel, s'étend sur quiconque donne son cœur à Jésus-Christ.

2085. (2: 28-32.) La seconde partie du livre est tout entière une prophétie messianique, c'est-à-dire une prophétie relative aux temps qui ont commencé à la venue du Sauveur et qui ne seront complets qu'au dernier jour. L'ouverture de cette période de grâce s'ouvrira, dit le prophète, par une abondante effusion du Saint-Esprit; par des miracles dans le ciel et sur la terre, miracles qui prendront un caractère particulièrement effrayant à l'approche de la grande et redoutable journée de l'Éternel; mais à cause de la rédemption opérée sur le mont de Sion, tous ceux qui invoqueront le nom de l'Éternel seront sauvés. Or s'il est vrai que cette prédiction ne soit pas encore entièrement accomplie, on ne saurait méconnaître qu'elle l'est du moins dans quelques-uns de ses traits essentiels, comme la lecture du Nouveau Testament nous le montrera; il n'est donc pas douteux qu'elle ne doive se réaliser une fois en son entier.

2086. (3.) À l'époque où prophétisait Joël, Juda et Jérusalem jouissaient de leur indépendance et leurs habitants n'avaient point encore été menés en captivité. Cela n'empêche pas qu'il ne prophétise leur rétablissement, ce qui était annoncer indirectement leur chute, mais l'annoncer avec des paroles de miséricorde. En même temps qu'aurait lieu la restauration de Juda, les ennemis du peuple de Dieu devraient recevoir leur châtiment; ce qui, dans son ensemble, forme un type solennel des rétributions finales. Dieu fera venir toutes les nations dans la vallée de Josaphat (ce mot veut dire l'Éternel juge) et il leur fera rendre compte de leurs voies (2). Mais tandis que la destruction fondra sur les âmes qui seront demeurées étrangères à l'alliance du Tout-Puissant, d'immenses bénédictions reposeront sur le peuple fidèle, «éternellement, et d'âge en âge,» dit l'Éternel; parole pleine de consolation et d'espérance, au milieu des calamités de la vie présente (18-21).


II CHRONIQUES. — II ROIS. (Suite.)

CLVIII. — Règnes d'Hozias, de Jotham et d'Achaz en Juda. Décadence du royaume d'Israël.


2087. (2 Chron. 26: 1-15.) Pour reprendre l'histoire des rois de Juda, histoire que nous avons laissée à la mort d'Amazias, l’an 810 [2046], nous devons parler de ses successeurs, et d'abord de son fils Hozias, autrement nommé Azarias (2 Rois 15: 1). Il monta sur le trône à l'âge de seize ans et régna cinquante-deux ans. Il eut pour précepteur un homme pieux, appelé Zacharie, qui lui inculqua la connaissance de Dieu; et, aussi longtemps qu'Hozias suivit ses conseils, le Seigneur le fit prospérer.

2088. Son règne fut glorieux en effet. Hozias se montra prince habile, actif, vaillant à la guerre et administrateur plein de sagesse. Avec l'aide du Seigneur, il battit les ennemis de son royaume. Non seulement il finit par s'en faire respecter, mais encore il en tira des tributs, au moins de la part des Hammonites. Il augmenta la force de sa capitale par la construction de quelques tours sur les murailles; il accrut le nombre de ses soldats, les arma et les disciplina. Puis, ces opérations militaires ne détournèrent pas son attention des soins plus importants de l'agriculture. En somme, Hozias parvint à un degré de gloire et de puissance que n'avaient pas atteint la plupart de ceux qui le précédèrent sur le trône illustre de David et de Salomon ses ancêtres.

2089. (16-23.) Mais son orgueil le perdit. Si Jéroboam et même quelques rois de Juda, avaient imaginé d'introduire de nouveaux cultes pour se rendre indépendants de l'Éternel, Hozias tendit au même résultat d'une autre manière. Il voulut unir à la dignité royale l'office de sacrificateur. Il entra dans le lieu saint, dont la porte était fermée à tout le monde, sauf aux descendants d'Aaron. Il eut la hardiesse de saisir l'encensoir et d'offrir le parfum. Mais le sacrificateur Azarias, accompagné de quatre-vingts sacrificateurs, s'opposa résolument à cette entreprise; et, comme Hozias se livrait à sa colère contre les ministres de l'Éternel, il fut frappé de lèpre. Punition fort douce assurément quand on la compare à celle de Coré et de ses complices [956], et punition bien méritée, car Hozias n'ignorait pas la loi de l'Éternel.

2090. On a toujours, et avec raison, considéré ce fait comme un avertissement aux princes qui, non contents de l'autorité civile dont le symbole est l'épée, ont tenté de s'arroger l'autorité religieuse représentée par l'encensoir. Cette confusion du temporel et du spirituel est une lèpre qui ronge encore beaucoup d'États, et l'on ne saurait dire combien de rois et de républiques y ont trouvé leur ruine. Sous l'Évangile, tout vrai fidèle est sacrificateur [857]. Si donc un prince ou un magistrat est, du cœur, membre de l'Église de Jésus-Christ, il y peut officier comme tout autre chrétien, mais ce ne sera pas en sa qualité de magistrat ou de prince. Dans aucun cas, son autorité ne doit intervenir en matière de culte. S'il s'arroge des prétentions à cet égard, les fidèles, tous sacrificateurs, sont appelés à y faire une vigoureuse opposition, mais en n'employant à leur tour que des moyens avoués par l'Évangile.

2091. Exclu par sa maladie de la société de ses semblables, Hozias dut résigner le sceptre entre les mains de son fils Jotham, puis il mourut à l'âge de soixante-huit ans. Ce fut à la fin de son règne que les prophètes Osée et Ésaïe commencèrent leur long ministère. Nous avons vu qu'à son époque appartiennent aussi Joël et Amos.

2092. (27.) Jotham monta sur le trône l'an 758, à l'âge de vingt-cinq ans, et il régna seize ans. Il imita son père en ce qu'il avait eu de bon et non dans son péché, ce qui est exprimé par ces mots: «Il n'entra pas dans le temple de l'Éternel.» Aussi Dieu lui accorda-t-il une grande prospérité. Sous son paisible règne, pendant lequel toutefois une grande corruption gagnait le peuple, Osée et Ésaïe continuent à prophétiser, Michée le Morasçite entre dans la carrière. Bientôt nous nous occuperons des écrits laissés par ces trois hommes de Dieu.

2093. (28: 1-8.) L'an 741, Jotham eut pour successeur son fils Achaz, monarque bien différent de son père et même de son aïeul. Non seulement il adora les Bahalins, mais encore il institua dans la vallée de Hinnon le culte abominable de Moloch, qui prescrivait les sacrifices humains et surtout l'immolation des enfants et leur destruction par le feu. De telles horreurs ne pouvaient demeurer impunies. C'est pourquoi Retsin, roi de Syrie, et Pékach, roi d'Israël, poussés par la main de l'Éternel, se coalisèrent contre les enfants de Juda. «Alors le cœur d'Achaz et le cœur de son peuple trembla, comme tremblent les arbres de la forêt au souffle du vent.» (2 Rois 16: 5; Ésaïe 7: 2.) Le Seigneur, qui voulait effrayer à salut le royaume infidèle et non encore le détruire, fit rassurer le monarque par l'organe d'Ésaïe et il ne permit pas que les coalisés s'emparassent de Jérusalem (Ésaïe 7: 3-9). Ils ne laissèrent pas de faire un mal infini à l'impie Achaz et à son peuple, non moins coupable que lui. Retsin s'empara d'Elath ou Etsonguéber, ce port de la mer Rouge par où Salomon avait fait un si riche commerce avec les Indes et qui demeura dès lors entre les mains des étrangers. D'un autre côté, Pékach emmena une foule immense de captifs d'entre les Juifs, après en avoir passé plus de cent mille au fil de l'épée.

2094. (9-15.) Mais l'Éternel eut pitié de ce malheureux peuple. Il suscita un prophète nommé Hoded, qui, se présentant aux Israélites lorsqu'ils rentraient à Samarie, leur fit un vif tableau du crime dont ils se rendraient coupables s'ils réduisaient en servitude leurs frères de Juda. C'en était déjà trop de cet horrible carnage! L'Éternel, sans doute, s'était servi d'eux pour châtier l'idolâtrie d'Achaz, mais rien ne justifiait la passion qu'ils avaient portée dans cette guerre. Les avertissements du prophète trouvèrent accès auprès de quelques cœurs généreux. On fit toute sorte de bien aux captifs, et on les reconduisit jusqu'à Jéricho.

2095. (16-27.) Tranquille du côté de Pékach, Achaz continuait d'avoir tout à redouter de Retsin, auquel il ne pouvait opposer que les débris d'une armée; car les Philistins et les Iduméens lui avaient aussi fait une guerre meurtrière. Au milieu de ces calamités, les fidèles étaient soutenus et consolés par les oracles d'Amos et de Joël, comme par les prophéties plus récentes d'Ésaïe, qui annonçaient que Dieu triompherait un jour de tous ses ennemis; pensées également consolantes pour les fidèles de nos temps. Quant à Achaz, il ne pouvait pas, comme Asa ou comme Josaphat, ses ancêtres, tout attendre de l'Éternel dont il avait délaissé le culte et auquel son mauvais cœur ne voulait pas revenir. Il eut donc recours à Tiglath-Pilnéser ou Téglath-Phalasar, roi d'Assyrie (2 Rois 16: 7-16). Celui-ci prit Damas, fit mourir Retsin et transporta une bonne partie de ses sujets à Kir, dans la Haute-Médie, selon la parole d'Amos (1: 5). Achaz alla lui-même à Damas faire sa cour au vainqueur, mais il paya chèrement sa protection. Non seulement il dut dépouiller le temple de ses plus riches ornements afin d'acquitter les contributions que Tiglath-Pilnéser lui imposa, mais encore il fallut, en vue de lui complaire, introduire à Jérusalem ses idoles et son culte, comme pour reconnaître d'autant mieux sa suzeraineté. Hélas! le roi de Juda trouva même un sacrificateur, nommé Urie, qui consentit à le seconder. Et voilà comment Achaz, au lieu de se corriger par ses épreuves et d'écouter les prophètes, allait plutôt en empirant. Aussi passa-t-il en proverbe de dire: «Achaz est toujours Achaz.» Après un règne de seize ans, il mourut l’an 725 ou 726, laissant le trône à son fils EZÉCHIAS.

2096. Pour reprendre l'histoire des rois d'Israël, il faut remonter jusqu'à Hozias. Ce prince avait atteint la moitié de son règne lorsque Jéroboam II mourut à Samarie, l'an 784, après avoir été lui-même fort longtemps sur le trône [2047]. Puis, il y avait eu un interrègne de onze années. Ensuite, cinq rois s'étaient rapidement succédé en Israël: Zacharie, Sçallum, Ménahem, Pékachja, et ce Pékach dont nous venons de raconter l'expédition contre Jérusalem. Enfin, après un nouvel interrègne de huit ans, Hosée, le dernier roi d'Israël, s'était emparé de la couronne vers la fin du règne d'Achaz. Nous avons à jeter un coup d'œil rapide sur ce royaume qui, après avoir si longtemps fatigué la patience de Dieu, se dissout comme un cadavre en putréfaction.

2097. (2 Rois 15: 8-12.) Il paraît qu'à la mort de Jéroboam II, jusqu'à l'an 773, trente-huitième du règne d'Hozias, les partis se disputèrent le trône d'Israël. C'est ce qu'on appelle l’Interrègne et ce qui mériterait mieux le nom d'anarchie, temps pendant lequel tous voulaient gouverner et où par conséquent il n'y avait personne qui maintînt le bon ordre. À ce moment, Zacharie, fils de Jéroboam II (quatrième génération depuis Jéhu), monta sur le trône; mais au bout de six mois, il fut assassiné par Sçallum, qui ceignit le diadème, selon la parole de l'Éternel (2 Rois 10: 30).

2098. (13-26.) Sçallum, à son tour, assassiné par Ménahem, ne gouverna qu'un mois. Pendant les dix années que le meurtrier de Sçallum régna, il n'est pas de cruautés qu'il ne sût commettre; aussi fut-il assujetti à Pul ou Phul, prédécesseur de Tiglath-Pilnéser sur le trône d'Assyrie. Il eut pour successeur son fils Pécakja, qui suivit le train des rois d'Israël et fut assassiné au bout de deux ans par Pékach, fils de Rémalja. Tout cela s'était passé tandis qu'Azarias ou Hozias [2088] poursuivait son règne paisible et glorieux en comparaison. Dans la retraite où sa maladie le confina sur la fin de ses jours, combien ne dut-il pas être touché de la différence qu'il avait plu à la miséricorde divine de mettre entre son royaume et celui d'Israël!

2099. (27-31.) Pékach régna vingt ans. Nous avons vu quel fléau il fut pour les enfants de Juda et pour leur roi Achaz [2093]; mais bientôt il subit le joug de Tiglath-Pilnéser. Ce prince s'empara d'une si grande partie du territoire d'Israël sur les deux rives du Jourdain, que les États de Pékach n'étaient plus qu'une ombre de ce qu'on les avait vus sous les deux Jéroboam. C'était comme un mourant auquel il ne reste qu'un souffle de vie.


CLIX. — Hosée, dernier roi d'Israël.


2100. (17.) Hosée, meurtrier de Pékach, ne ceignit pas tout de suite le diadème, ce que l'on conclut du rapprochement des dates indiquées. Il paraît qu'on avait voulu essayer d'une sorte de république, ou bien que le royaume étant déchiré par les partis (circonstance assez fréquente lorsque les États sont près de leur chute), on ne s'entendait pas sur le choix d'un monarque. Enfin, au bout d'environ huit ans d'interrègne, Hosée monta décidément sur un trône qui allait s'écrouler sous ses pieds. Ce devait être l'an 731 ou 730; Achaz régnait à Jérusalem depuis onze ans.

2101. (1-23.) Hosée ne fut point un homme aussi méchant que ses prédécesseurs immédiats; mais l'iniquité des Israélites était parvenue à son comble, et l'heure de la justice divine allait enfin sonner. D'abord, Hosée se vit assujetti à Salmanasar, successeur de Tiglath-Pilnéser, auquel il payait un tribut d'autant plus onéreux que son royaume, réduit à d'étroites limites [2099], ne lui offrait que peu de ressources. Dans sa détresse, il eut recours au roi d'Égypte, et, se fiant sans doute sur les promesses que lui fit ce puissant monarque, il cessa de payer le tribut. Salmanasar eut bientôt châtié cette révolte. Il prit Samarie et transporta les Israélites en des contrées où tout fait croire qu'on a retrouvé dernièrement une partie de leurs descendants. C'était l'an 722 ou 721 avant Jésus-Christ. D'où il suit qu'il y a plus de 2,500 ans que le royaume fondé par Jéroboam fut détruit, et, bien que les membres en soient encore épars sur la terre, jamais il ne se reformera. Or, la Parole de Dieu expose fort au long les causes de cette ruine (7-23). Israël s'était livré à l'idolâtrie, il avait suivi le culte de Jéroboam au lieu de s'attacher au Dieu de David; c'est pourquoi l'Éternel finit par le rejeter selon de nombreuses prophéties [1910, 2070]. Autant doit-il en arriver à quiconque suit la religion de l'homme, au mépris de celle qui nous est révélée dans la Bible.

2102. Juda, nous le verrons, en vint aussi à mépriser entièrement la loi de l'Éternel, et la main de la justice céleste ne manqua pas non plus de l'atteindre. Déjà, pendant la période qui s'écoula de Roboam à Ezéchias, nous avons eu le douloureux spectacle de nombreuses infidélités de la part des successeurs de David et de leur peuple. Il faut reconnaître toutefois que, relativement à Israël, le royaume de Juda présente le tableau de l'ordre et de la piété, autant du moins que le peut une nation vue en masse. Rappelez-vous les longs règnes d'Asa, de Josaphat, même d'Hozias, puis celui de Jotham. Aussi ces deux États nous offrent-ils de frappants contrastes. Pendant les deux cent cinquante ans environ que dura le royaume d'Israël, on vit dix-neuf rois s'y succéder, sans compter deux interrègnes, au lieu qu'en Juda il n'y en eut que onze, et douze si l'on compte Athalie. D'où il suit qu'en Juda, la moyenne de la durée de chaque règne fut de vingt et un ans environ, tandis qu'en Israël, cette moyenne ne fut que de douze ans. Mais ce qu'il y a de plus remarquable, c'est qu'en Israël il y eut huit changements de dynastie, pendant que, selon la promesse faite à David (2 Sam. 7: 16), le trône de Juda appartint toujours à sa famille, et il en fut ainsi jusqu'à la fin. Comme tous ces faits nous montrent d'un côté la malédiction et de l'autre la bénédiction!

2103. (24-41.) Cette malédiction continua de peser sur le sol qu'avaient occupé les tribus rebelles et sur les hommes qui les y remplacèrent. Ces derniers étaient des sujets de Salmanasar, auxquels il partagea le pays vacant. Mais ce pays était devenu un désert qu'infestaient les bêtes sauvages, et le roi d'Assyrie présumant que les malheurs de cette province résultaient de ce qu'on n'y adorait pas le Dieu de la contrée, envoya l'un des sacrificateurs captifs, afin d'enseigner aux nouveaux habitants le culte de Jéhovah. On comprend ce que durent être les enseignements d'un sacrificateur de Béthel. Aussi tout ce que firent les colons assyriens, ce fut d'ajouter au culte de leurs dieux celui du Dieu d'Israël; c'est-à-dire que, dans le fond, le Dieu d'Israël n'était point adoré par eux, car le culte du vrai Dieu n'admet pas de partage. Telles furent l'origine et la religion de ce peuple samaritain, dont nous retrouverons l'histoire plus d'une fois mêlée avec celle des Juifs.

2104. Tandis que le sol occupé jadis par les dix tribus demeurait le théâtre de l'idolâtrie et le séjour d'une horrible confusion, tout porte à croire que la dissémination des fils d'Israël ne fut pas sans quelque bénédiction pour les peuples païens au milieu desquels ils durent vivre. Plusieurs de ceux qui furent transportés en Assyrie par Salmanasar s'enfoncèrent plus avant dans l'intérieur du continent asiatique; quelques-uns même, pense-t-on, atteignirent de proche en proche, par les îles Aléoutes, les côtes occidentales de l'Amérique du Nord. D'un autre côté, combien n'y en eut-il pas qui, ayant pris la fuite devant les armées victorieuses du roi de Ninive, passèrent dans l'Asie Mineure, en Grèce, même en Égypte! Or, ces Israélites, si dégradés relativement à leurs pères, portaient cependant avec eux des doctrines religieuses qui étaient devenues nouvelles pour le monde païen. Ils professaient la croyance à un Dieu suprême, à un grand Esprit créateur de toutes choses; ils avaient la notion du péché et le souvenir de la chute de l'homme; ils connaissaient la miséricorde de Dieu par ses promesses; ils attendaient une rédemption. Quelques-uns, demeurés fidèles à l'Éternel, partageaient les malheurs de la nation sans avoir entièrement trempé dans sa révolte; et de tout cela dut résulter que la dispersion des Israélites fut un moyen par lequel le Seigneur répandit quelque lumière au milieu des peuples dont la nuit était encore plus profonde que la leur. Aussi fut-ce en ce temps, selon toute apparence, que parut Zoroastre chez les Perses, et, environ cent cinquante ans après, Confucius chez les Chinois. Quant aux Grecs et aux Romains, ceux-là n'en étaient qu'à leur quinzième olympiade, et ceux-ci venaient à peine de bâtir leur ville. Ni les uns ni les autres ne comptaient encore pour quelque chose parmi les peuples qui se partageaient l'empire du monde et qui exerçaient quelque influence sur la destinée des nations.

2105. Après cette excursion sur un terrain qui n'est proprement pas le nôtre, bien qu'il y touche de près, retournons à la Bible. Dès cet instant, le champ de notre étude se simplifie beaucoup. Nous n'avons plus affaire qu'avec un seul royaume, celui de Juda, que nous avons laissé au moment ou Ezéchias montait sur le trône [2095]. C'est là que nous devons retourner, mais non pas avant d'avoir lu les écrits d'un prophète dont les paroles éclairèrent d'une dernière lueur le ciel obscur du royaume d'Israël. Ce prophète est Osée, le contemporain d'Ésaïe. Après l'avoir lu, vous verrez que les avertissements n'avaient pas manqué aux malheureux enfants d'Abraham, comme ils ne manquent pas non plus à tant de pécheurs qui, de nos jours, aussi bien que jadis, refusent obstinément de se convertir à l'Éternel.


LE PROPHÈTE OSÉE.

CLX. — Prophéties concernant surtout Israël.


2106. (1:1.) On ne sait à laquelle des tribus d'Israël Osée appartenait par sa naissance. L'inscription qui est en tête de son livre, semble dire qu'il vécut sous les lois d'Hozias et de ses successeurs, qu'il était donc du royaume de Juda, mais qu'il exerça dans celui d'Israël sa charge prophétique, tout au moins pendant les dernières années de Jéroboam II. Il fut donc quelque temps le collègue d'Amos [2064].

2107. Les prophéties d'Osée sont généralement difficiles à comprendre, et je dépasserais les limites que j'ai dû me tracer si j'essayais d'en donner un commentaire approfondi, sans compter que je devrais souvent me borner à des conjectures. C'est un des livres de l'Écriture où nous rencontrons le plus de passages propres à stimuler notre sagacité tout en nous faisant sentir le besoin de l'interprétation même du Saint-Esprit. Chose admirable! Dieu a voulu placer dans sa Parole, au milieu de récits qui sont à la portée des plus simples, quelques livres où l'intelligence des habiles est confondue, et où pourtant les fidèles ne laissent pas de trouver de solides aliments pour leur âme!

2108. (2.) Le livre commence par un récit fort extraordinaire, mais dont voici la clef. Nous avons vu que l'union du Seigneur avec son peuple est représentée sous l'image de l'union conjugale [1662, 1892, 1899], et que l'idolâtrie, en conséquence, est comparée à l'infidélité dont une femme se rendrait coupable envers son époux, ou, plus généralement, qu'elle est appelée une prostitution, la prostitution des âmes [773, 889, 982 et ailleurs]. Or, soit simplement pour attirer l'attention des Israélites sur son prophète, soit plutôt afin que les circonstances mêmes de l'homme de Dieu prêchassent au peuple ses iniquités, l'Éternel enjoignit à Osée d'épouser une femme qui se fût prostituée au culte impur des idoles. Pour cela, le prophète n'eut pas besoin de prendre une étrangère. Hélas! Israël ne s'était-il pas corrompu tout entier?

2109. (3-11.) De cette femme nommée Gomer, mot qui signifie consumé, ruiné, ou consomption, ruine, Osée eut d'abord un fils qu'il dut appeler Jisréel, dont le sens est Dieu sème, et aussi Dieu disperse. C'est à cause du premier de ces sens qu'on avait donné ce nom à la fertile vallée où coule le Kison [1160,1161]; mais c'est en vue du second sens que le fils aîné d'Osée fut nommé Jisréel, car l'Éternel allait disperser Israël, ce fils de prostitution, c'est-à-dire ce peuple tout souillé de ses idolâtries. Puis le prophète eut une fille que, par l'ordre de Dieu, il appela Lo-ruhama, c'est-à-dire Celle à qui l'on ne fait pas miséricorde, ou la Disgraciée, ou encore Point en grâce, nom qui désignait de nouveau l'avenir que l'Éternel réservait au peuple infidèle. Enfin, un second fils d'Osée et de Gomer fut nommé Lo-hammi: Tu n'es pas mon peuple, ou Point mon peuple.

2110. Mais comme s'il en coûtait au Seigneur de ne faire que des menaces, il entremêle celles-ci de promesses magnifiques pour la maison de Juda, promesses qui s'accomplirent en partie sous le règne du sage et pieux Ezéchias, ainsi que nous le verrons. Bien plus, réunissant de nouveau sous un seul nom toute la postérité d'Abraham, trop longtemps divisée, il annonce que, dans sa dispersion même, Israël continuera de former un peuple très nombreux, et qu'un jour il rentrera dans la magnifique vallée de Jisréel, avec un illustre chef à sa tête (7, 10, 11).

2111. (2: 1.) Avant cette merveilleuse délivrance, une merveille non moins grande illustrera la miséricorde du Seigneur. Il appellera dans son alliance des nations qui y étaient demeurées étrangères. Celles-ci recevront, avec Israël relevé, les noms de Hammi, Mon peuple, et de Ruhama, Rentrée en grâce. Alors aussi, Jisréel ne sera plus Dieu disperse, mais Dieu sème. — L'usage que l'apôtre saint Paul fait de la prophétie contenue dans les deux derniers versets du premier chapitre, autorise pleinement l'interprétation que nous donnons ici, ou plutôt il la détermine. C'est le Saint-Esprit s'expliquant lui-même (Rom. 9:25, 26).

2112. Le reste du chapitre renferme une description saisissante des égarements du peuple de Dieu et des châtiments qui allaient fondre sur lui (2-13), menaces suivies de grandes promesses (14-23). — Le crime d'Israël était d'avoir aimé Bahal au mépris de Dieu; d'avoir honoré les divinités des nations comme s'il leur avait dû sa prospérité plutôt qu'à Jéhovah; de les avoir crues capables de satisfaire à tous ses besoins spirituels. C'est par cette odieuse prostitution morale qu'Israël s'était avili et dépravé, qu'il s'était abusé lui-même et qu'il avait encouru la juste colère de son premier Époux. Ainsi en est-il de quiconque fait du monde son dieu. Quelle folie et quelle honte! (2-13.) Voyez d'un autre côté les prodiges de l'amour de Dieu. Après qu'Israël aura longtemps erré dans le désert, sous le poids de la justice divine, l'Éternel ira au-devant de lui, les mains pleines de grâces. Il redeviendra l'époux de son peuple, il le redeviendra pour toujours. Scellée d'un sceau de justice et tout à la fois d'amour et de fidélité (19, 20), l'union du Seigneur avec ses élus est non seulement une union éternelle, mais encore une union pleine de paix, de bénédictions et de la plus douce intimité. Ainsi donc, selon l'infaillible parole du Tout-Puissant, Jisréel sera semé, Lo-ruhama, reçue en grâce, et Lo-hammi, favorisée d'une nouvelle adoption (14-23).

2113. (3: 1-3.) Quelques personnes pensent qu'après avoir renoncé quelque temps aux désordres de l'idolâtrie, la femme d'Osée s'y était replongée et que son cœur s'était ainsi éloigné de son mari. Dans leur pensée, on aurait déjà au chapitre second (2-5), une allusion à ce fait, et c'est là qu'il faudrait chercher l'explication du chapitre 3. Ici donc seraient décrites, sous l'image de Gomer et d'Osée, d'un côté les nombreuses rechutes d'Israël et d'un autre les compassions infinies du Seigneur. La femme que le prophète aurait rachetée (et remarquez que le mot Osée veut dire Sauveur), cette femme, dis-je, ne serait autre que la mère de Jisréel, de Lo-ruhama et de Lo-hammi. Il n'y aurait là qu'un développement de la première prophétie; mais cette fois elle se termine d'une manière encore plus étonnante que l'autre.

2114. (4, 5.) Les enfants d'Israël demeureront longtemps sans gouvernement et sans culte. Ils ne seront plus idolâtres; toutefois ils n'auront pas l'éphod ou la sacrificature: c'est leur état depuis dix huit cents ans. Mais de meilleurs jours sont promis: «Les enfants d'Israël reviendront et chercheront l'Éternel leur Dieu et David leur roi, et ils précipiteront leurs pas vers l'Éternel et vers sa grâce, dans la suite des temps.» Or, ce David ne peut être que notre Seigneur Jésus-Christ, le fils de David par excellence. D'où il résulte que l'oracle n'est pas encore accompli; mais il est bien propre à réjouir le cœur des amis d'Israël, en attendant qu'il réjouisse celui des Israélites eux-mêmes par son accomplissement.

2115. Au travers des obscurités de ces trois chapitres, on voit donc en résumé que de grandes clartés y brillent. Pour s'emparer de l'attention des hommes au milieu desquels Osée dut prophétiser, le Seigneur voulut que tout un drame s'ajoutât à ses paroles; c'est ce que nous avons appelé une prophétie symbolique, et nous en avons eu plus d'un exemple [1802, 2025, 2040]. Ce qui se passait dans l'intérieur domestique du jeune prophète et dont il avait soin d'expliquer le sens, prêchait les jugements et la miséricorde de l'Éternel, plus que ne l'eussent pu faire beaucoup de discours. À cela, je dois ajouter que, selon quelques interprètes, ces événements se seraient passés en visions semblables à celles que nous avons vues dans Amos [2076, 2078], et le prophète les aurait racontées comme si elles eussent été la réalité même. Un tel récit ne pouvait induire en erreur les contemporains, pas plus que ne le fait une parabole; et dans l'intérêt de l'enseignement, cela conduisait au même résultat.

2116. Osée étant entré de cette façon dans son ministère, le continua pendant environ soixante années, jusqu'à la prise de Samarie ou peu s'en faut. En tout cas, ce fut au milieu des scènes orageuses qui précédèrent cette catastrophe et qui lui fournirent fréquemment l'occasion d'annoncer la Parole de l'Éternel. Les onze derniers chapitres de son livre rapportent quelques-unes de ses prédications. Je vais en indiquer la substance.

2117. (4.) L'idolâtrie est en elle-même une horrible révolte, puisqu'elle consiste à adorer la Créature au lieu du Créateur béni éternellement (Rom. 1: 25). Mais ce qui la rend doublement criminelle, ce sont les désordres moraux qu'elle engendre. La peinture que le prophète fait des mœurs de son temps, confirme les tableaux du même genre que nous avons vus dans Amos. Il n'existait plus au sein du pays, ni vérité, ni charité, ni aucune connaissance de Dieu. Au lieu de cela, il n'y avait que parjures, mensonges, meurtres, larcins, adultères (1, 2). Ceux qui se disaient prophètes et les sacrificateurs eux-mêmes, oubliant la loi de Dieu, exploitaient à leur profit les superstitions du peuple et ses égarements: c'étaient eux, après tout, qui donnaient le branle à l'iniquité. Il n'y aura donc pas à s'étonner quand Dieu les châtiera comme ils le méritent (3-19). Hélas! mes chers lecteurs, quand nous parlons ainsi de l'idolâtrie d'Israël, n'oublions pas celle qui règne encore sur une si grande partie de notre globe et même dans les pays soi-disant chrétiens; et disons-nous bien que l'idolâtrie produit toujours et partout les mêmes effets.

2118. (5.) Prononcé selon toute apparence à une autre époque, le discours contenu dans ce chapitre et dans le suivant reproduit les mêmes censures et les mêmes menaces. Ici néanmoins le prophète prend à partie non seulement les sacrificateurs, mais aussi la maison royale, dont l'exemple exerçait une influence d'autant plus funeste qu'elle venait de plus haut (1,2). Puis, le nom de Juda arrive ici avec une menace qui donnait à entendre que les tribus fidèles à David et à ses fils, deviendraient infidèles à l'Éternel non moins que le royaume des dix tribus (5). Un mot de ce même verset mérite une attention particulière. Israël était plein d'orgueil! Et de quoi pouvait-il être fier? Ah! cherchons la réponse dans notre propre cœur. Nous y verrons que si la repentance ne suit pas le péché, l'arrogance et la fierté lèvent la tête pour le protéger et le couvrir (Gen. 4:9). — Quant à ce Beth-Aven dont nous lisons le nom au verset 8, comme déjà au ch. 4, v. 15, c'était une ville voisine de Béthel (Josué7: 2). Mais Beth-Aven signifiant maison de vanité, c'est bien de Béthel qu'il s'agit ici. Béthel (la maison de Dieu) [438] était devenu.un Beth-Aven depuis que Jéroboam en avait fait le siège du nouveau culte.

2119. (6: 1-5) Ici, le prophète décrit les bons mouvements qui portent quelquefois les pécheurs à se rapprocher de Dieu; mais ils sont passagers comme une nuée du matin, et comme la rosée de l'aube du jour qui s'en va. Or les bonnes résolutions qui ne sont pas suivies d'effets, ne sauraient éloigner les jugements de l'Éternel. Ce ne sont pas non plus les sacrifices ni les holocaustes (6), c'est la piété, la connaissance de Dieu, ou autrement l'amour produit par la foi. Ainsi, nous voyons Osée, comme Salomon [1872], comme David [1537], comme Samuel [1385], comme Moïse [1011], s'élever contre la trop grande estime qu'on aurait voulu faire des formes du culte, même de celles du culte établi par l'Éternel.

2120. (7.) Quand Dieu s'approche des pécheurs pour leur parler de grâce et de repentance, c'est alors, bien souvent, que se montre le mieux la profonde dépravation de leur cœur. On l'avait bien vu en Israël au temps d'Élie, d'Élisée, d'Amos, chaque fois que l'Éternel avait fait inviter son peuple à se retourner vers lui (1, 2). Désireux de plaire à leurs méchants rois plus qu'à Dieu, ce qui d'ailleurs s'accommodait mieux avec leurs passions, les Israélites consumaient leur temps en des fêtes mondaines, qui, pour eux comme pour leurs princes, dégénéraient en orgies et en affreuses immoralités (3-7). Ces fils d'Abraham, que Dieu s'était choisis pour s'en faire une nation sainte, se mêlaient avec les peuples étrangers, sans voir que ceux-ci finiraient par être leurs maîtres. Déjà le royaume d'Israël était semblable à un vieillard dont les cheveux blanchissent, et ils se refusaient à croire que sa fin approchait. L'orgueil les empêchait de se convertir, et avec cela leur stupidité était telle, qu'ils cherchaient du secours de la part de ceux mêmes qui devaient les perdre (8-12). Aussi, voyez la véhémence des reproches et des menaces que le Seigneur leur adresse. Il s'exprime en des termes dont il est facile de faire l'application à tout pécheur qui fuit son Dieu, qui lui est infidèle, qui se révolte contre lui, ou qui ne s'approche de lui qu'avec hypocrisie. Dieu voudrait le sauver, ce pécheur; mais il court volontairement à sa ruine. Malheur à lui, dit l'Éternel (13-16).

2121. (8.) Lorsque la colère de Dieu fondra sur Israël, plusieurs peut-être voudront se réclamer de lui; mais ce sera trop tard. Israël a rejeté ce qui était bon, il s'est donné des rois en dehors de la famille établie de Dieu, il s'est fait avec son or une idole dès longtemps odieuse, idole destinée à la même destruction que ses adorateurs (1-6). Comme le vent ne saurait souffler avec violence sans qu'il soulève les flots de la mer, de même l'impiété ne peut que susciter la malédiction, et tout ce que l'impie imagine pour sa délivrance, doit nécessairement se tourner contre lui (7-10). Ah! quel peuple fut jamais plus coupable qu'Israël! Dieu lui-même avait été son législateur après l'avoir retiré de la servitude de l'Égypte, et le voilà qui traite ses lois comme si elles ne le concernaient pas, le voilà qui oublie celui qui fut doublement son créateur; aussi retournera-t-il en Égypte; c'est-à-dire qu'il sera de nouveau captif et esclave en terre étrangère (11-14).

2122. (9.) Plus coupable qu'aucun autre peuple, Israël devra subir un châtiment tel qu'on n'en vit jamais. C'est l'idée qui est reprise au commencement de ce chapitre (1-9). Puis l'Éternel dit l'affection qu'il avait montrée jadis aux fils d'Abraham, et comment ils l'avaient payé d'ingratitude, déjà au temps de Baal-Péhor (Nomb. 25: Deut. 4: 3, 4; 29: 19, 20). Leur crime, sans cesse renouvelé, doit attirer sur eux un renouvellement de malédiction; ils ont rejeté Dieu, Dieu aussi va les rejeter (10-17).

2123 (10). Cependant le Seigneur, dans sa bonté, ne se lasse pas de convier les âmes à la repentance. Tout en continuant d'avertir les Israélites des calamités qui les attendaient, il les invite à semer la justice, pour moissonner la miséricorde (ou l'amour et la grâce), c'est le mot que nous avons rencontré si souvent dans les psaumes et ailleurs. Puis il leur dit que c'est le temps de chercher l'Éternel, jusqu'à ce qu'il vienne et qu'il fasse pleuvoir sur eux la justice (12). Ce sont là de belles et d'importantes paroles qui ne concernent pas le seul Israël. Tout homme est, ici-bas, un semeur qui doit récolter au temps de la moisson, c'est-à-dire quand le Seigneur viendra pour juger les vivants et les morts. Ceux qui sèment le vent moissonneront la tempête (8: 7); ceux qui sèment la justice, moissonneront la miséricorde, ou, comme le dit un apôtre: «Ce qu'un homme sème, il le moissonnera aussi, parce que celui qui sème pour sa chair, moissonnera de la chair la corruption; mais celui qui sème pour l'Esprit, moissonnera de l'Esprit la vie éternelle (Gal. 6: 7, 8). Que chacun donc se demande: Et moi, qu'est-ce que je sème? quelle sera ma récolte? Et si quelqu'un désire de savoir ce qu'il doit faire pour porter des fruits d'éternelle durée, je lui dirai, avec le Seigneur: Cherchez l'Éternel, invoquez-le; n'attendez pas qu'il soit là pour vous juger; réclamez sa grâce, et il fera lui-même pleuvoir la justice sur vous.

2124. (11.) De quel amour l'Éternel ne s'était-il pas montré prodigue envers son peuple! Cette nation naissante fut tirée par lui hors d'Égypte, et déjà, dans le désert, elle se tourna vers les faux dieux. L'Éternel ne laissa pas de la conduire comme on fait marcher un enfant, en le soutenant sous les bras; mais les fils d'Israël ne comprirent pas le bien que le Tout-Puissant leur voulait; et pourtant il les attirait à lui par ses compassions, en y employant tout ce qui est propre à fléchir le cœur de l'homme (1-4). Aussi l'Éternel répète-t-il pour la vingtième fois qu'Israël trouvera sa ruine dans la persévérance qu'il aura mise à mal faire. Et remarquez ici la précision de l'oracle. Au chapitre 9: 3, le prophète avait annoncé qu'Ephraïm retournerait en Égypte, ce qui signifiait qu'il y aurait pour ce peuple une nouvelle captivité; maintenant il est dit positivement que ce ne sera pas en Égypte, mais en Assyrie qu'Israël trouvera ses nouveaux oppresseurs (5-17), prédiction dont nous avons vu l'accomplissement. Cependant il y a comme une lutte entre la miséricorde du Seigneur et sa justice. Bien qu'Ephraïm ne soit pas moins coupable que ne l'avaient été Adma et Tséboïm, ces malheureuses sœurs de Sodome et de Gomorrhe, il n'est pas possible qu'aimé une fois il soit rejeté pour toujours; l'Éternel est Dieu et non pas homme; ses promesses et ses décrets ne sauraient être mis à néant. C'est pourquoi Ephraïm ne se verra pas entièrement détruit; ses fils vivront longtemps dispersés, mais ils retourneront habiter leurs anciennes demeures, à savoir quand l'Éternel rugira contre les peuples comme un lion (8-11).

2125. (12.) Bien qu'Osée eût essentiellement pour mission de parler aux Israélites des dix tribus, il se tourne aussi du côté des hommes de Juda, auxquels l'Éternel devait redemander compte plus tard de leur conduite. Le culte du Dieu saint et fidèle n'avait pas encore été profané à Jérusalem comme à Samarie, mais il s'en fallait toutefois que Juda fût irréprochable (1-3). À propos de cette révolte générale des fils d'Israël, le prophète parle d'Israël lui-même, de ce Jacob, fils d'Isaac et de Rebecca, en qui l'élection de Dieu se montre d'une manière si frappante, et dans sa naissance et dans sa lutte avec l'Ange. Écoutez ce que dit ici le Saint-Esprit; c'est que l'Ange dont Jacob fut le vainqueur à Péniel n'était rien de moins que le Seigneur lui-même, l'Éternel des armées, celui que le patriarche avait rencontré précédemment à Béthel [480] (4-6). «Toi donc convertis-toi à ton Dieu, garde la miséricorde (l'amour, la grâce) et la justice, et espère continuellement en ton Dieu» (7). Cette exhortation nous est adressée aussi bien qu'à l'ancien peuple, et nous y voyons en peu de mots tout ce qui constitue la vie spirituelle d'un élu de Dieu. D'abord, la conversion ou le changement complet de direction qu'ont à subir nos pensées, nos désirs, nos affections, qui de la terre doivent se tourner vers le ciel; puis l'amour de Dieu et des hommes dans le cœur ou autrement la charité, et la préoccupation constante de tout ce qui est vrai, juste et bon envers tous; enfin une confiance inébranlable dans les promesses de Dieu, ce qui n'est autre chose que l'espérance vive et assurée de la foi. Combien Ephraïm était loin de répondre à ce tableau! (8-12.) De là, revenons à Jacob. Le prophète nous le montre esclave de son oncle Laban, en Syrie; puis sa postérité esclave de Pharaon en Égypte; et il rappelle comment l'Éternel la délivra par le moyen de Moïse et la garda par ce même Moïse, ou même peut-être par Celui qui est le prophète par excellence, le Médiateur entre Dieu et les hommes (Exode 23: 20; 32: 34). Mais Ephraïm n'a tenu aucun compte de ces grâces (13-15).

2126. (13). Bien que ce chapitre semble ne reproduire que les remontrances et les menaces des chapitres précédents, il mérite une attention particulière. Ainsi, voulez-vous vous faire quelque idée du sort qui attend les pécheurs obstinés? lisez le verset 3, puis les versets 7 et 8. Et pourquoi cette horrible destruction? «Parce qu'il n'y a pas d'autre Dieu que moi, dit l'Éternel, et pas d'autre Sauveur que moi» (4). — Voulez-vous, d'un autre côté, savoir jusqu'où va le salut de Dieu pour ceux qui le réclament? Lisez le verset 14, et comparez-le avec des exclamations toutes semblables de l'apôtre Paul (1 Cor. 15: 55); c'est-à-dire que, pour celui qui croit, la mort est tuée et l’enfer, sans pouvoir. Voilà le salut que s'obstinent à rejeter tant et tant de personnes que le Seigneur appelle, qu'il sollicite, qu'il comble de biens et qu'il châtie tour à tour. Mais le monde est leur dieu, et ce dieu-là est un dieu de perdition, comme le veau de Samarie.

2127. (14.) Enfin, le prophète Osée, tout en continuant ses discours de censures, de menaces et d'exhortations, se voit conduit, par l'Esprit miséricordieux de l'Éternel, à faire entendre aussi de très belles promesses. «L'Éternel réparera la révolte des fils d'Israël, il les aimera de bon cœur; sa colère se détournera d'eux (4); il leur sera comme la rosée (5)... il les exaucera de nouveau et leur fera porter des fruits» (6-8); car le mot Ephraïm veut dire fructifiant [544], et le prophète y avait déjà fait allusion (13: 15). Mais quand est-ce que s'accomplira cette promesse: «Ton fruit sera en moi?» (8.) C'est lorsque Israël se sera converti à l'Éternel son Dieu (1), et qu'il aura fait la belle prière que le Saint-Esprit lui enseigne en cet endroit (2,3). «Que celui qui est sage comprenne ces choses! que celui qui est intelligent les considère; car les voies de l'Éternel sont droites et les justes y marcheront, mais les pécheurs y trébuchent» (6). — Voilà de belles et saintes paroles par lesquelles le prophète termine son livre. Hélas! ceux qui les entendirent ne les mirent guère à profit. Cependant, gardons-nous de croire que la Parole de Dieu puisse être anéantie. Elle fut alors sans doute pour bien des âmes un moyen de relèvement, et nous allons voir qu'en Juda du moins, les avertissements des prophètes ne laissèrent pas de produire un certain effet. Puissent mes lecteurs être du nombre de ceux qui écoutent Dieu pour le salut de leur âme! Toutes les voies de Dieu sont droites; ses plans et la manière dont il les exécute sont en parfaite harmonie avec sa justice et avec sa sainteté. C'est pour cela même qu'il y a une profonde antipathie entre les voies de Dieu et le pécheur non converti; tandis que par la foi, les justes y marchent d'un pas ferme et persévérant.


II CHRONIQUES. — II ROIS. (Suite.)

CLXI. — Règne d'Ézéchias.


2128. Nous avons vu qu'Ézéchias succéda l’an 726 à son père Achaz [2095]. Il y avait donc cinq ans qu'il régnait lorsque Samarie succomba, selon tant de prophéties, après un siège de trois années. Dès ce moment, le puissant empire des Assyriens s'étendit presque jusqu'aux portes de Jérusalem et la conservation du royaume de David allait être plus que jamais un miracle continuel. Ces circonstances furent bien propres à produire une sérieuse impression sur l'âme du jeune prince. Son histoire nous est racontée dans trois endroits de l'Écriture: au second livre des Rois, chapitres 18-20; au Second des Chroniques, chapitres 29-32; dans le livre d'Ésaïe, chapitres 36-39. C'est assez dire combien elle est importante.

2129. (2 Chron. 29: 1.) Il ne paraît pas facile au premier abord de concilier l'âge de vingt-cinq ans qu'avait Ezéchias lors de son avènement, avec celui d'Achaz, monté sur le trône à vingt ans, et mort après seize ans de règne. Mais la difficulté vient de ce que les écrivains sacrés ne donnent guère que des nombres ronds, et les fractions étant négligées, on est obligé de les remplacer approximativement. Ainsi Achaz, qui avait vingt ans quand il commença de régner, était donc dans sa vingt et unième année; il pouvait même y être fort avancé. Il régna seize ans; mais il se peut qu'il soit mort assez tard dans la dix-septième année de son règne. Peut-être aussi qu'Ézéchias entrait seulement dans sa vingt-cinquième année quand il ceignit le diadème; de cette manière son père l'aurait eu à quatorze ou quinze ans: nous avons déjà rencontré plusieurs de ces mariages précoces. Quoi qu'il en soit, il résulte de là qu'Ézéchias vécut huit ou neuf ans avec son grand-père Jotham, de qui sans doute son cœur reçut, par la grâce de Dieu, des semences de piété que le méchant exemple d'Achaz ne put étouffer.

2130. Ezéchias fut le restaurateur du vrai culte, et après un règne tel que celui de son père, il n'était pas facile de rétablir le bon ordre. Il est vrai qu'il eut pour aides et pour conseillers Ésaïe, Michée et Nahum, trois prophètes dont nous aurons bientôt à nous occuper; il est vrai aussi que la situation des affaires publiques était de nature à rendre son peuple plus docile à la voix de l'Éternel; toujours est-il qu'il lui fallut une assistance particulière du Très-Haut, mais il entra si bien dans les vues du Seigneur, que depuis David et Salomon, l'on n'avait pas vu la religion briller d'un tel lustre.

2131. (2-36.) Dès les premiers jours de son règne, le jeune roi prit toutes ses mesures pour qu'on pût célébrer les solennités du culte selon les prescriptions de la Loi. Il fit rouvrir le temple et y ordonna les réparations les plus urgentes; puis, ayant convoqué les sacrificateurs et les Lévites, il leur représenta que c'était à eux surtout de restaurer le saint lieu, si longtemps profané. Le relâchement était devenu tel, que ce fut au roi d'exhorter les ministres de Dieu et de leur rappeler les devoirs de leur charge dans le service du sanctuaire.

2132. En commençant les travaux le premier jour du premier mois [681, 682], Ezéchias avait sans doute pensé que tout serait prêt pour le moment où l'on devait célébrer la Pâque; mais le temple était dans un affreux désordre, le nombre des ouvriers peu considérable; en sorte que l'ouvrage ne fut pas achevé avant le seizième jour. Il avait fallu nettoyer le saint édifice de toutes ses souillures, y remettre chaque chose à sa place: ce n'était pas l'affaire d'un moment, car on ne se relève pas aussi vite qu'on tombe.

2133. Quand on eut Informé le roi que le temple était prêt, il S'y rendit avec les principaux de la ville, et l'on offrit des sacrifices pour l'expiation des péchés commis auparavant et pour la réouverture du culte, car nul ne peut servir le Seigneur s'il n'a premièrement obtenu le pardon de ses offenses. Ce fut donc seulement après cela qu'Ézéchias et ses gens se mirent à chanter les louanges de Dieu selon l'institution de David; qu'ils offrirent les holocaustes et les sacrifices de prospérité ordonnés par Moïse. Toute l'assemblée en fit autant, au milieu des transports de l'allégresse publique.

2134. Il est vrai que le nombre des victimes fut bien peu considérable, relativement à ce qu'on l'avait vu en d'autres occasions; mais il faut considérer que le sceptre d'Ezéchias ne s'étendait que sur une faible portion de l'ancien royaume, que le peuple était fort appauvri par les guerres désastreuses de l'impie Achaz; et puis, il n'y avait pas alors le même zèle pour Dieu qu'au temps de Salomon ou de Josaphat. Ce défaut de zèle se voit surtout dans ce qui nous est raconté des sacrificateurs. Ils se trouvèrent en si petit nombre que les Lévites durent les suppléer. Rien de plus contraire à la lettre de la Loi; mais il s'agissait de restaurer le culte et l'on ne pouvait se laisser arrêter par le mauvais vouloir de ceux qui en étaient les principaux ministres. C'est ainsi que l'histoire de l'Église chrétienne nous montre, à plusieurs reprises, de simples particuliers ou des fonctionnaires religieux d'un ordre très inférieur, rendre à la religion un éclat et une vie que les conducteurs suprêmes avaient laissé perdre et qu'ils étaient incapables de reproduire, parce qu'ils refusaient de se purifier ou autrement de se convertir. — Toutefois, en pensant aux années qui avaient précédé et aux obstacles qu'ils avaient dû vaincre, Ezéchias et tout le peuple se réjouirent de ce que Dieu avait si bien disposé les cœurs.

2135. (30: 1-9.) Il s'agissait maintenant de célébrer la Pâque, cette grande fête qu'on avait négligée sous le règne d'Achaz et si mal observée en divers temps. Comme l'époque fixée par la loi était passée, il fut résolu qu'on ferait la solennité le quatorzième jour du second mois. Il avait été réglé par l'Éternel lui-même qu'en certains cas on devrait se conduire ainsi (Nombr. 9: 10,11). Mais cette disposition exceptionnelle ne pouvait, sans quelque illégalité, s'étendre à tout le peuple; d'ailleurs elle supposait des circonstances particulières qui n'existaient pas à ce moment. Ezéchias comprit cependant qu'il valait mieux agir de la sorte que de renvoyer d'une année. Il comprit aussi que, dans l'état où se trouvaient les Israélites des dix tribus, tous menacés des jugements de Dieu et assujettis pour la plupart aux Assyriens [2099] tandis que le reste obéissait à Hosée, le meurtrier de Pékach, il y avait un devoir de charité à remplir envers eux, en les conjurant de se convertir à l'Éternel et en les convoquant à Jérusalem pour célébrer la Pâque.

2136. (10-22.) Les messagers d'Ezéchias parcoururent donc le pays, et s'ils furent mal accueillis du plus grand nombre, il y en eut pourtant qui obéirent à la voix de leurs frères. C'est qu'au fond il y avait toujours eu en Israël quelques âmes demeurées fidèles au Seigneur (rappelez-vous ce que Dieu dit à Élie i Rois 19:18), puis, les prophètes Amos, Osée, Hoded, n'avaient pas prêché la conversion tout à fait en vain. Il s'assembla donc à Jérusalem une grande multitude, et quand on eut fait disparaître les dernières traces de l'idolâtrie, on célébra la Pâque, non sans commettre encore quelques informalités, mais avec des cœurs droits et pieux. Ezéchias supplia le Seigneur de regarder à la foi de ses enfants plus qu'à l'extérieur de leur culte. Or cette prière fut certainement exaucée, car Dieu lui-même a dit qu'il regarde au cœur (1 Sam. 16: 7).

2137. (23-27.) Ce qu'il y eut de plus remarquable encore dans la célébration de cette Pâque, ce fut la résolution qui fut prise de prolonger d'une semaine la fête des pains sans levain. Pendant ce temps on offrit des sacrifices de prospérité. Depuis Salomon, l'on n'avait pas vu à Jérusalem une telle joie. Les sacrificateurs bénirent le peuple [926] et «leur voix fut exaucée, car leur prière parvint jusqu'aux cieux, la sainte demeure de l'Éternel.» Ainsi donc le Seigneur approuva tout ce qui s'était fait. Et pourtant, de combien de manières n'avait-on pas violé la lettre de la loi! Mais c'était certainement l'Esprit de l'Éternel qui l'avait voulu et peut-être le prophète Ésaïe qui en avait donné le conseil, afin de proclamer que l'esprit est au-dessus de la lettre, et le fond supérieur à la forme. Si une intention criminelle attire la malédiction divine sur des actes en apparence peu répréhensibles, témoins soient Hozias, Huza, Saül, Coré et quelques autres [2089, 1500, 1368, 956], un désir sincère de rendre à Dieu ce qui lui est dû, vaut mieux que des observances scrupuleusement suivies, mais à contre-cœur. Et puis, si nous voyons, même sous l'Ancienne Alliance, placer ainsi les formes du culte dans un rang secondaire, à combien plus forte raison ne doit-on pas, sous l'alliance de grâce, éviter de s'assujettir à des institutions liturgiques ou autres semblables, qui, plus ou moins conventionnelles, ne sont pas sans utilité dans les temps ordinaires, mais sur lesquelles il faut savoir passer au besoin, pour l'édification des âmes et pour la gloire de Dieu. 

2138. (31:1 ) Le culte que les enfants d'Israël avaient rendu de bon cœur à l'Éternel porta quelques beaux fruits. Dans les diverses localités qu'ils habitaient, ils détruisirent tout ce qui appartenait à l'idolâtrie, pour autant du moins qu'ils en eurent le pouvoir. Ezéchias acheva de purifier son royaume de ces abominations. Il abolit le culte des hauts lieux, là même où ce culte n'allait pas jusqu'à l'idolâtrie. Bien plus, il brisa le serpent d'airain qu'avait fait Moïse et auquel les Israélites s'étaient avisés de rendre une adoration toute semblable à celle que les catholiques-romains rendent à leurs images (2 Rois 18: 4,5). Il le nomma Néhustan (ce n'est que de l'airain). À cette occasion, l'historien sacré fait observer qu'Ézéchias mit son espérance en l'Éternel et qu'il n'eut jamais son égal parmi les rois de Juda. Il s'en faut donc grandement qu'il ait agi par mépris pour la délivrance dont le serpent était le mémorial, ou pour Celui dont il était le type. De même, quand les Réformateurs brisèrent les crucifix, ce ne fut certes pas qu'ils méconnussent l'œuvre de grâce accomplie par Jésus-Christ en sa croix.

2139. (2-21.) Ezéchias, type de ce Jésus, le vrai roi d'Israël, remit sur l'ancien pied tout ce qui se rapportait au culte du Tout-Puissant. À son invitation et à son exemple, on recommença de payer la dîme due aux sacrificateurs et aux Lévites. De plus, on versa dans le trésor d'abondantes offrandes volontaires pour le service du temple, et ce fut ainsi que le culte recouvra son antique splendeur. L'Écriture termine ses récits en nous disant qu'Ézéchias «fit, par là, ce qui est bon, droit et véritable en la présence de l'Éternel son Dieu. Il travailla de tout son cœur dans tout l'ouvrage qu'il entreprit pour le service de la maison de Dieu, et dans la loi, et dans les commandements, recherchant son Dieu, et il prospéra.»


CLXII. — Suite du règne d'Ézéchias.


2140. (2 Rois 18; 13-16). La quatorzième année du règne d'Ezéchias, huit ans après la destruction de Samarie, Sanchérib, poursuivant les conquêtes de Salmanazar ou Salmanéser, son père, dirigea de puissantes armées contre Jérusalem. Il avait déjà tourné cette ville, et, l'enveloppant de toutes parts, il assiégeait Lachis dans la plaine de Séphéla, lorsque Ezéchias lui fit demander la paix, en avouant les torts dont il s'était rendu coupable envers lui. On pense que ce dont il s'accusait, c'était d'avoir cessé de payer le tribut auquel son prédécesseur avait été soumis. Il se hâta donc d'envoyer à Sanchérib tout l'argent qu'il trouva dans la maison de l'Éternel, avec l'or dont il avait de nouveau revêtu les portes du temple et qu'il eut la douleur de faire enlever lui-même pour enrichir ces étrangers. Quelle épreuve pour le pieux monarque! Mais il n'était pas au bout de ses tribulations.

2141. (2 Chron. 32: 1-8.)Sanchérib ne s'étant point retiré, Ezéchias prit toutes les mesures de défense qui étaient en son pouvoir. Il rassembla le peuple dans les murs de Jérusalem, fit combler les puits des environs, répara les fortifications de la ville, mais surtout il s'efforça de communiquer à ses frères la confiance qu'il avait en l'Éternel. «Ne vous effrayez point, leur dit-il; Celui qui est avec nous est plus fort que ceux qui sont avec le roi des Assyriens. Le bras de la chair est avec lui, mais l'Éternel notre Dieu est avec nous, pour nous aider et pour combattre avec nous.»

2142. (9-17. 2 Rois 18: 17-37; Ésaïe: 36.) Les choses en étaient là, quand on vit arriver au pied des murailles de Jérusalem, avec des forces considérables, Tartan, Rabsçaris et Rabsçaké, généraux de Sanchérib. Sur la demande qu'ils firent de parler à Ezéchias, celui-ci leur envoya trois de ses officiers, auxquels Rabsçaké tint le discours le plus offensant pour l'Éternel et le plus propre à décourager le peuple, qui entendait tout du haut des murailles. «D'où te vient ta confiance, ô roi Ezéchias? Crois-tu, avec cette poignée d'hommes, pouvoir résister à l'armée innombrable de Sanchérib? Tu ne saurais compter sur le secours de l'Égypte! Est-ce peut-être sur ton Jéhovah que tu t'appuies? Mais n'est-ce pas lui qu'on adorait dans les bocages que tu as détruits? D'ailleurs, penses-tu qu'il soit au-dessus des dieux servis par les nations que mon maître a subjuguées? Vois ce qui est arrivé à Samarie, et sache que rien ne saurait te préserver du même sort!»

2143. (2 Chron. 32: 18-20.) Les officiers d'Ezéchias ont beau supplier Rabsçaké de ne point parler dans la langue des Hébreux, afin que le peuple ne s'effraye pas de ses menaces; il reprend d'une voix plus haute, et s'adressant à la multitude armée qui couvrait les murs de Jérusalem, il engage les Israélites à ne point se confier en leur roi, mais plutôt à reconnaître l'autorité de Sanchérib, qui les laisserait jouir de leurs biens, ou qui, s'il se décidait à les transporter en Assyrie, les établirait dans un excellent pays. Ne valait-il pas mieux cela que de se voir tous passés au fil de l'épée? Le peuple, selon l'ordre qu'il en avait reçu du sage Ezéchias, ne répondit pas un mot à ces menaces, et les officiers du roi rentrèrent dans la ville avec leurs habits déchirés, signe d'un grand deuil. Ce fut en ce triste équipage qu'ils rapportèrent ce qui s'était passé.

2144. (2 Rois 19: 1-7; Es. 37: 1-7.) À ce récit, Ezéchias aussi déchira ses vêtements, se revêtit du sac lugubre et se rendit en la maison de l'Éternel. De là il envoya vers le prophète Ésaïe ses serviteurs Eliakim et Scebna, avec les plus vénérables d'entre les sacrificateurs, tous en deuil comme lui. Ils étaient chargés de consulter le vieux prophète; c'est-à-dire que le roi voulait joindre à la prière les conseils de la Parole de Dieu, deux sources de force et de consolation toujours ouvertes aux fidèles. Quand les messagers d'Ezéchias eurent instruit Ésaïe et réclamé son secours auprès de l'Éternel, ils reçurent de sa bouche ces paroles rassurantes: «Allez, et parlez en ces termes à votre maître: Ainsi a dit l'Éternel: Ne crains point à cause des paroles que tu as entendues, par lesquelles les serviteurs du roi des Assyriens m'ont blasphémé. Voici, je vais mettre en lui un esprit tel, qu'à l'ouïe de certaines nouvelles il retournera dans son pays, et je l'y ferai tomber par l'épée.»

2145. Cependant Rabsçaké avait rejoint son maître et l'avait trouvé faisant le siège de Libna, place encore plus rapprochée de Jérusalem que ne l'était Lachis. À peine y fut-il, qu'on reçut la nouvelle inquiétante de l'approche d'une armée éthiopienne commandée par Tiraca, événement dont l'Éternel avait instruit d'avance Ésaïe, comme nous venons de le voir (2 Rois 19: 8-37; Es. 37: 8-38). À cette époque, les Éthiopiens avaient conquis l'Égypte et ils y dominaient. Sanchérib, obligé de lever le siège de Libna pour s'opposer à ce nouvel ennemi, ne voulut pas le faire sans menacer Ezéchias d'un prompt retour. Espérant de le vaincre par la terreur, il lui expédia donc une lettre pleine des mêmes insultes et souillée des mêmes blasphèmes que son général avait proférés au pied des murs de Jérusalem.

2146. Mais quand le pieux monarque eut reçu cette missive et qu'il en eut pris connaissance, il se rendit à la maison de l'Éternel, déploya sa lettre devant le Seigneur, et lui fit une simple et touchante prière, dont les dernières paroles surtout nous montrent de quel zèle Ezéchias était animé pour la gloire de Dieu. C'était l'esprit même de Moïse [835]. Pendant qu'il priait, le Seigneur exauçait sa requête. Ce Dieu de toute grâce chargeait Ésaïe de lui adresser des paroles de nature à le consoler et à le fortifier, car elles lui annonçaient que l'Éternel, jaloux de sa propre gloire, ne permettrait pas que les blasphèmes de Sanchérib demeurassent impunis. Cette nuit même, en effet, un fléau de Dieu frappe cent quatre-vingts mille hommes dans l'armée des Assyriens; Sanchérib, justement effrayé, retourne à Ninive, et bientôt il y est assassiné par deux de ses fils, au moment où il adorait son Dieu Nisroc, dont il avait osé égaler la puissance à celle de Jéhovah. Ainsi s'accomplit de point en point la parole d'Ésaïe (2 Chron. 32: 21).

2147. (32: 22, 23.) Délivrés par cette intervention miraculeuse d'une ruine qui semblait inévitable, Ezéchias et son royaume goûtèrent de nouveau les faveurs de la paix; les riches offrandes abondèrent à Jérusalem comme du temps passé, et l'on put rendre au temple, aux palais royaux et à la ville leur précédente splendeur. En sorte que, malgré la petitesse de ses États, Ezéchias jouissait d'une grande estime auprès de tous ses voisins, nouveau trait de ressemblance avec David.

2148. (24. 2 Rois 20: 1-11; Es. 38.) À cette époque, il fit une maladie dont il pensa mourir. Ésaïe l'avertit même de la part de l'Éternel qu'il eût à s'y préparer. Or il est permis de conjecturer par la prière qu'il prononça et malgré l'abondance de ses larmes, qu'il avait besoin d'humiliations plus réelles que les précédentes. Son âme, comme celle de nombreux fidèles, ne connaissait pas encore tout le prix de la grâce de Dieu, par la raison même qu'il ne s'était jamais vu menacé de la perdre. En un mot, le pieux monarque n'était pas mûr pour l'éternité; aussi Dieu eut-il pitié de lui. Il lui fit annoncer qu'il vivrait encore quinze ans, que dans trois jours il pourrait revoir la maison de l'Éternel, et qu'il n'aurait plus rien à craindre de la part des Assyriens. Le Seigneur poussa même la condescendance jusqu'à lui garantir sa promesse au moyen d'un miracle d'une nature très étonnante.

2149. On pense qu'il existait dans un palais construit par Achab un escalier placé de telle sorte que le soleil, s'élevant au-dessus de l'horizon, en éclairait successivement tous les degrés, à partir de celui d'en haut. Le prodige consista donc en ce que l'ombre remonta, sans que pour cela il se fit aucune altération dans le mouvement de notre globe. Auquel cas, il y aurait eu une réfraction miraculeuse des rayons solaires, comme lorsqu'on plonge à moitié un bâton dans l'eau et qu'il semble brisé. Ce serait ainsi que, sous l'action de la puissance divine, l'air aurait brisé les rayons du soleil de manière à les faire frapper obliquement, dans le sens du zénith. Quant à la demande d'Ezéchias, que l'ombre rétrogradât plutôt que d'avancer, comme si l'un de ces phénomènes eût été plus divin que l'autre, elle prouve simplement qu'il ne connaissait pas certaines lois naturelles que bien d'autres ont ignorées après lui.

2150. Ce que l'Éternel avait promis s'effectua. Le prophète ordonna qu'on fit une application de ligues sur l'ulcère qui rongeait le roi, et celui-ci fut immédiatement rétabli. On comprend sans peine la joie que dut éprouver Ezéchias. Non seulement il échappait à une mort horrible, mais encore il acquérait une nouvelle certitude qu'il possédait en Dieu un tendre père. Aussi prononça-t-il alors un superbe cantique où il célèbre sa merveilleuse délivrance et la gratitude dont son cœur était pénétré. Sa vie, pensait-il, ne serait plus occupée qu'à louer l'Éternel. Mais si Dieu avait prolongé les jours d'Ezéchias, c'était, nous l'avons dit, pour que ce prince fit une étude plus approfondie de sa pauvre âme, et bientôt il put voir combien sont fragiles nos meilleures résolutions!

2151. (25-32. 2 Rois 20: 12-21; Es. 30.) En effet, telle est la profonde misère du cœur humain, qu'Ézéchias oublia bientôt son épreuve et les compassions dont il avait été l'objet. Il ne songea plus qu'à sa propre gloire, et on le vit céder aux tentations d'un fol orgueil, dans une circonstance où apparaît pour la première fois le nom d'un empire qui devait être un jour bien funeste à Jérusalem et à ses habitants. Le premier royaume des Assyriens s'étant consumé dans le désordre avec le voluptueux Sardanapale [2051], avait fait place à trois autres empires: le second royaume des Assyriens, dont Ninive demeura la capitale et qui eut entre autres monarques, Tiglath-Pilnéser, Salmanasar et Sanchérib; le royaume des Mèdes, peu considérable d'abord, mais bien important dans la suite; enfin, celui des Babyloniens, où régnait en 747 un prince célèbre, nommé Nabonassar, point de départ d'une ère chronologique. À l'époque où nous sommes parvenus, savoir environ l'an 713 avant l'ère chrétienne, Mérodac-Baladan régnait à Babylone, et depuis la triste fin de Sanchérib, auquel avait succédé son fils Esharradon, le pouvoir des Babyloniens s'accroissait de ce que perdait graduellement celui des Ninivites. Mérodac-Baladan, pensant qu'une alliance avec le royaume de Juda pouvait tôt ou tard servir sa politique, envoya des ambassadeurs à Ezéchias pour le féliciter de sa guérison, car les merveilles qui l'accompagnèrent avaient dépassé les étroites limites de ses États.

2152. Au lieu de rapporter à l'Éternel la gloire de cette ambassade et de se défier des avances du monarque étranger, Ezéchias fit devant ses députés une orgueilleuse parade de son opulence, ne prenant pas garde que c'était le sûr moyen d'éveiller leur cupidité. En conséquence, le prophète Ésaïe dut lui dénoncer que les trésors dont il était si fier seraient un jour transportés à Babylone, et que ses descendants s'y verraient assujettis à un joug odieux; menace qui ne se réalisa que cent vingt-cinq ans plus tard, et qui est d'autant plus remarquable, qu'au moment de la prophétie la puissance babylonienne n'offrait encore rien de très redoutable.

2153. Mais si Ezéchias avait commis une faute, sa réponse au prophète de l'Éternel, bien différente de celles d'un Achab, d'un Joas, et même d'un Asa (1925, 2037, 1918), montre quelle vraie piété régnait dans son âme. «La parole de l'Éternel que tu as prononcée est bonne, lui dit-il. Que la paix et la sûreté durent pendant ma vie;» c'est tout ce que j'ose demander (Es. 39: 8). Oh! bienheureuse est l'âme qui reconnaît la justice des châtiments de Dieu! Heureuse celle qui s'abandonne à sa volonté sainte et qui se plaît dans sa Parole! Heureux ce roi Ezéchias, un des hommes les plus pieux qui aient ceint le diadème, encore qu'il n'ait pas été exempt de péché! Restaurateur du vrai culte, il vécut, à tout prendre, dans la crainte de l'Éternel, fut l'illustre objet des grâces les plus signalées et mourut en paix, vers l'an 698, à l'âge d'environ cinquante-quatre ans, laissant à son fils un royaume florissant, bien que menacé. Mais avant de raconter l'histoire du fils d'Ézéchias et de ses successeurs, jusqu'à l'entier accomplissement des menaces de l'Éternel, étudions d'une manière abrégée, selon notre coutume, les écrits des hommes de Pieu qui prophétisèrent en Juda pendant la période que nous venons de parcourir; j'entends depuis Hozias jusqu'à la mort d'Ézéchias, son petit-fils. Ces prophètes sont Ésaïe, Michée et Nahum.


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