37:
1-2
§ 501. Ici commence proprement l'histoire des
fils de Jacob, parmi lesquels Joseph occupe un rang si distingué.
Il avait dix-sept ans au moment où nous le voyons paraître sur la
scène. Ce pouvait être l'an 619 après le déluge. Trois ans
s'étaient écoulés depuis que Joseph avait eu le malheur de perdre
sa mère et que Jacob l'eût remis aux soins de Bilha et de Zilpa,
quoiqu'il eût été bien plus naturel que Léa l'adoptât, et avec lui
le petit Benjamin. Mais il paraîtrait que sa jalousie contre
Rachel se reportait sur les deux fils de sa sœur. Au surplus, ce
que nous avons déjà vu du caractère violent de Siméon et de Lévi,
tout comme de l'immoralité de Ruben, fait concevoir que Jacob ne
fût pas très porté à laisser Joseph dans la société des fils de
Léa.
§ 502. Toutefois, le jeune homme aidait ses frères dans les soins qu'ils donnaient aux nombreux troupeaux de Jacob; et il nous est dit qu'il rapportait à son père leurs mauvais discours, ou plutôt, la mauvaise réputation qu'ils se faisaient. Ainsi Joseph ne trempait pas dans leurs turpitudes et il en avait honte; mais faisait-il bien de les rapporter à Jacob? Pour répondre à cette question, il faudrait connaître plusieurs circonstances que nous ignorons. Si Joseph commença par avertir et reprendre ses frères autant que sa jeunesse le lui permettait, s'il obéissait à un ordre de son père en lui racontant les choses dont il avait été témoin, s'il s'acquittait de ce devoir avec douleur, on n'hésitera pas à prononcer qu'il faisait bien; mais si au contraire c'était sans y être provoqué par Jacob, ou avec un secret plaisir qu'il lui dévoilait la mauvaise conduite de ses aînés, oh! alors, certainement il faisait mal. Or, quoique Joseph nous paraisse avoir eu dès son enfance les germes d'une vraie piété, nous ne saurions affirmer que sa conduite envers ses frères fût de tout point irréprochable.
37:
3
§ 503. Il ne serait pas étonnant que son
amour-propre eût été de bonne heure excité par la préférence que
son père lui témoignait. Il était naturel que Jacob aimât
tendrement le fils de Rachel, et même qu'il lui voua une affection
plus vive qu'à ses frères; car il voyait poindre en son âme la foi
d'Abraham et d'Isaac, sa propre foi à lui-même. Cependant rien
n'excuse le patriarche d'avoir manifesté de la manière qu'il le
fit, sa préférence pour le fils aîné de sa femme chérie. Le trait
que nous en donne la Bible, nous autorise à penser qu'en toutes
choses Jacob en agissait ainsi. Il montrait hautement que Joseph
était son favori, sans songer qu'il pouvait enfler par là son
orgueil, tout en irritant celui de ses frères.
37:
4
§ 504. Cela ne manqua pas d'arriver. Au lieu
d'excuser le faible de leur vieux père, qui ne laissait pas de les
aimer aussi malgré leurs vices, au lieu de comprendre que c'était
leur faute, après tout, s'ils n'occupaient pas une meilleure place
dans son cœur, les frères de Joseph, semblables à Caïn et à Esaü,
se prirent d'une haine violente contre lui, et ils ne pouvaient le
rencontrer sans le lui témoigner par des discours pleins
d'aigreur. Hélas! c'est le tableau de plus d'une famille!
37:
5-8
§ 505. Les choses en étaient là quand Joseph
fit un songe qu'il s'empressa de raconter à ses frères. Comme la
plupart de nos songes, celui du jeune homme avait quelque chose
d'assez étrange pour qu'il en fût frappé. D'un autre côté, il est
aisé d'y voir le reflet des idées qui peut-être n'occupaient que
trop son amour-propre. En sorte qu'il n'y a proprement rien de
fort extraordinaire dans le rêve de Joseph. Il avait pensé,
endormant, à ce qui faisait quelquefois l'objet de ses
imaginations durant la veille. La suite de son histoire montre
qu'il y avait aussi là quelque chose qui venait de Dieu; mais Dieu
se sert assez souvent de moyens très simples et très naturels pour
accomplir ses desseins, et je ne voudrais pas que vous vissiez
dans le songe de Joseph un miracle comme dans celui de Jacob, par
exemple, quand il dormait sur la pierre de Béthel.
§ 506. Lors même qu'on nierait que ce songe ne fût, en grande partie, le fruit de la vanité même de Joseph, on ne saurait douter qu'il n'en mît un peu dans le récit qu'il se hâta d'en faire à sa famille. Il y avait tout au moins beaucoup d'imprudence de sa part, vu les dispositions qu'il connaissait à ses frères. Il ne faut pas l'excuser en disant qu'il était jeune, car la charité donne la vraie prudence et à tout âge la charité est compagne de la foi. Cependant Joseph aimait ses frères; mais il s'aimait encore beaucoup trop lui-même. Aussi, tout cela ne fit qu'accroître la haine qu'ils nourrissaient contre lui.
37:
9-11
§ 507. À quelque temps de là, Joseph eut un
songe semblable au précédent et plus extraordinaire encore. Cette
fois il vit non seulement ses frères, mais encore son père et sa
mère qui se prosternaient devant lui. Rachel était morte; mais il
arrive bien souvent, dans les songes, qu'on voit ceux qui sont
morts comme s'ils étaient vivants. Joseph, toujours conduit par
les mêmes sentiments, n'eut rien de plus pressé que de rapporter
la chose à ses frères. Ce qui prouve pourtant qu'il n'avait pas
l'intention de les humilier, c'est qu'il en fit aussi part à
Jacob. L'irritation des frères de Joseph fut à son comble, leur
père lui-même ne put retenir une expression de dépit; mais en quoi
il se montra meilleur que ses fils, c'est, nous dit Moïse, qu'il
conserva les paroles de Joseph dans son cœur. En voyant la
méchanceté de ses aînés et en se souvenant des péchés de sa vie,
peut-être se disait-il: Qui sait en effet si l'Éternel ne réserve
pas à mon cher Joseph d'être notre Seigneur à tous?
37:
12-14
§ 508. Vous vous rappelez que Jacob avait
acheté un fonds de terre à Sichem (§
485). De là il avait dû transporter ses tentes à Béthel;
mais ensuite, il s'était rapproché d'Isaac son père, et maintenant
il habitait Hébron, là même où Abraham avait eu sa principale
résidence et où reposait sa dépouille mortelle et celle de Sara.
Peu de temps après les songes de Joseph, Ruben et ses frères
étaient partis avec leurs troupeaux pour les conduire en leurs
pâturages de Sichem. Comme Jacob n'en recevait pas de nouvelles,
il prit de l'inquiétude à leur sujet, inquiétude assez justifiée
par le crime dont Siméon et Lévi s’étaient rendus coupables en ce
même lieu, trois ou quatre ans auparavant, et dont les Cananéens,
semble-t-il, devaient se souvenir. Il avait gardé Joseph auprès de
lui, mais il se résolut à l'envoyer vers ses frères pour
s'informer de ce qu'ils faisaient. Le patriarche ne se doutait pas
des dangers auxquels il exposait son fils chéri, ou bien il avait
pour tous ses enfants une affection qui le rendait maître de ses
soupçons. Quant à Joseph, il suffisait que son père le lui
demandât, pour qu'il partit sans hésiter: «Me voici,» lui avait-il
dit aussitôt.
37:
15-20
§ 509. Voyez avec quelle confiance Joseph va
au-devant du triste sort qui lui est préparé. Certainement, il
aime ses frères, car il les croit incapables de lui faire du mal.
Ne les trouvant pas à Sichem, il erre par la campagne jusqu'à ce
qu'enfin il rencontre un homme qui le dirige sur Dothaïn, et
bientôt il voit de loin les troupeaux et les tentes des fils
d'Israël. Ceux-ci l'aperçurent aussi de loin, et avant qu'il fût
près d'eux, ils avaient déjà arrêté de saisir l'occasion pour le
faire mourir. Combien il est vrai que «celui qui hait son frère
est un meurtrier!» il ne lui manque que d'oser et de pouvoir
accomplir le crime.
§ 510. Mais pourtant le cœur humain se révolte à l'idée de répandre le sang de son semblable. Aussi faut-il auparavant exciter ses propres passions, et c'est ce que firent les frères de Joseph: «Voici ce maître songeur vient!» Par ces mots insultants ils se remettent en mémoire tous les griefs qu'ils ont contre lui. Ce n'est pas Joseph, ce n'est pas leur frère qu'ils vont tuer; c'est ce maître songeur, c'est leur rival, leur tyran en expectative, leur ennemi mortel!
§
511. Il faut avant de commettre le crime qu'on
pourvoie au moyen de le cacher. C'est-à-dire qu'il faut préparer
le mensonge, ce noir manteau dont se recouvrent tant d'iniquités.
Les frères de Joseph diront donc qu'une bête féroce l'a dévoré, et
qui pourra leur prouver le contraire? Après quoi, l'on verra bien
ce que deviendront les songes! Il y a ici quelque chose de
remarquable. Les frères de Joseph attachent à ces songes une
importance qui pourrait faire penser qu'ils y voyaient un
avertissement de Dieu, et pourtant ils ont la folle prétention
d'en rendre la réalisation impossible. Il y avait chez eux ce
mélange de foi et d'impiété qu'on appelle la superstition. Ou si
l'on veut, on peut voir en eux une image des hommes, par exemple,
qui s'efforcent d'arrêter les progrès de la foi dans une âme, ou
dans une Église, tout en sentant au fond de leur cœur que cette
foi est une œuvre de Dieu. Pauvres gens, hélas! qui font la guerre
à l'Éternel comme les fils de Jacob.
37:
21-24
§ 512. Ruben n'avait pas plus que ses frères la
crainte de Dieu devant les yeux: rappelez-vous l'horrible crime
dont il s'était rendu coupable (§
498). Il n'avait pas non plus pour Joseph une affection
meilleure. Ce qui le prouve, c'est le peu d'énergie qu'il mit à le
protéger. Il était l'aîné de tous; il remplaçait le chef de la
famille; s'il eût déclaré à ses frères qu'ils le tueraient, lui,
le premier, avant de jeter les mains sur Joseph, on ne saurait
douter que ces méchants ne se fussent arrêtés dans leur mauvaise
voie. Cependant, soit que Ruben fût d'un caractère naturellement
moins violent, soit que, par faiblesse plus que par horreur du
mal, il s'effrayât de la responsabilité particulière qui pèserait
sur lui, il fit tout ce qu'il crut pouvoir faire pour délivrer
Joseph. Par son conseil, on le jeta dans une citerne desséchée,
après qu'on l'eut dépouillé de la malheureuse robe qui rappelait
tant de choses; et, pendant que Ruben espérait pouvoir l'en sortir
pour le rendre à son père, les autres comptaient bien qu'il y
mourrait de faim.
37:
25-28
§ 513. Insensibles aux cris et aux
supplications de leur victime, plus sourds encore à la voix de
leur conscience, ils s'assirent tranquillement pour faire leur
repas, comme Esaü après avoir vendu son droit d'aînesse. Quel
affreux endurcissement! et quelle terrible passion que la haine!
Du reste, il en est ainsi de toutes les passions. On est hors de
soi jusqu'à ce qu'on les ait assouvies; et après, on a le cœur
entièrement desséché.
§ 514. Pendant que les frères de Joseph mangeaient, des Ismaélites passèrent près de là portant en Égypte du baume de Galaad et des drogues aromatiques. Il y avait aussi avec eux des Madianites; en sorte que c'étaient tous des descendants d'Abraham comme les fils de Jacob (§ 395). Ismaël était né 190 ans auparavant. Marié de bonne heure, il avait eu une nombreuse famille, en sorte que sa postérité formait déjà un petit peuple. On en peut dire à peu près autant de Madian, fils de Kétura. Ainsi, bien que parents, ces hommes étaient étrangers les uns aux autres. Dans tous les cas, il ne faut pas s'attendre à beaucoup de bienveillance de la part des petits-fils d'Ismaël envers ceux d'Isaac. — En voyant cette caravane qui se dirigeait du côté de l'Égypte, où l'on faisait grand usage de drogues aromatiques pour le culte des dieux et pour la sépulture des morts, et où une certaine civilisation s'était assez avancée pour que tout s'y vendît aisément et même des esclaves, il vint à Juda une idée qu'il s'empressa de communiquer à ses frères. «Si nous vendions Joseph à ces marchands? Nous en serions débarrassés pour toujours; c'est ce que nous voulons, et nous ferions de plus une bonne affaire!»
§ 515. Ce ne fut pas en ces termes que Juda s'ouvrit à ses complices, car il n'est pas de passion qui sache mieux que l'amour de l'argent se colorer de belles apparences; il n'en est point, hélas! qui soit plus hypocrite. Personne ne s'avoue qu'il soit avare, ce vice est trop ignoble; mais on apprécie, comme on le doit, les biens de Dieu; on veut faire un sort à ses enfants; on prend ses mesures pour n'être point à charge à autrui... Juda parle bien du profit que leur procurera la vente de Joseph , mais il insiste sur la considération qu'il est leur frère, leur propre chair. Malheureux! Est-il plus permis de vendre son frère que de le tuer? La mort n'est-elle pas souvent préférable à l'esclavage? — Ce fut ainsi que Joseph fut vendu par ses frères pour vingt pièces d'argent!
XL. Joseph chez Potiphar.
37:
29-30
§ 516. Ruben connaissait mal le cœur humain,
s'il avait pu réellement croire que ses frères consentiraient
jamais à ce que Joseph revît Jacob, après l'attentat dont ils
s'étaient rendus coupables en le jetant dans une fosse. Il leur
fallait trouver le moyen de l'éloigner pour toujours, ou aviser à
lui fermer la bouche en le tuant. Quand ils complotaient contre
Joseph, il était encore temps de les retenir; mais plus tard,
Ruben y aurait perdu tout son crédit. Quoi qu'il en soit, on ne
peut douter que sa douleur n'ait été grande, et, pour montrer le
déchirement de son cœur, il déchira ses vêtements. Mais c'était
sur lui-même plus que sur Joseph qu'il se lamentait; car, si son
affliction eût été moins égoïste, il aurait couru après le jeune
homme pour le racheter et le ramener.
37:
31-35
§ 517. Quand Jacob reçut la robe de son fils et
qu'il la vit teinte de sang, il ne douta pas qu'une bête sauvage
ne l'eût en effet dévoré. Un père ne saurait croire ses fils
capables d'un crime aussi atroce que le fratricide. Mais sa
douleur fut extrême; et, ses enfants étant venus pour le consoler,
il ne put s'empêcher de repousser des paroles de consolation qu'il
avait de la peine à croire sincères. Quelle épreuve pour ce pauvre
Jacob! Le voilà privé de son fils de prédilection, du fils aîné de
sa trop chère Rachel! II a autour de lui des fils et des filles,
peut-être déjà des petits-enfants; Benjamin lui reste, âgé
d'environ trois ans; mais rien ne peut lui remplacer Joseph;
aussi, comme il le dit: il n'y aura désormais plus de bonheur pour
lui dans le monde. Il ne savait pas tout ce que la bonté de Dieu
lui réservait encore de jouissances; mais qui aurait pu les
prévoir, et d'ailleurs il sentait bien qu'il n'en était pas digne.
Quant aux fils de Jacob, il est impossible qu'ils ne fussent pas
touchés de l'affliction de leur père. Ils y auraient dû penser
plus tôt. Mais la passion, tout entière à son objet, ne voit pas
les tristes résultats auxquels si souvent elle aboutit.
38:
§ 518. Tout nous atteste que ces fils de Jacob
étaient des hommes fort pervertis. Vous vous rappelez les crimes
de Siméon et de Lévi, puis celui de Ruben. Dans le chapitre
XXXVIII, l'historien sacré nous fait connaître ce qu'était Juda,
celui qui vendit Joseph aux Ismaélites. Les faits contenus dans ce
triste épisode ont dû, en partie du moins, se passer beaucoup plus
tard; car Juda n'avait guère que vingt-deux ans lorsque Joseph fut
mené en Égypte. Or, ce chapitre nous le montre non seulement
marié, mais encore père de deux fils qui s'étaient mariés à leur
tour. Ces deux fils, Her et Onan, nés d'une Cananéenne, ayant
attiré sur eux par leurs impuretés les jugements de l'Éternel,
moururent fort jeunes, après avoir eu pour femme, l'un après
l'autre, la Cananéenne Thamar. Celle-ci, demeurée veuve sans
enfants et s'estimant lésée dans ses droits par son beau-père,
conçut la coupable idée de devenir sa femme. Elle se présenta à
lui voilée et comme si elle eût été une fille perdue. Juda, qui
était un homme sans mœurs, alla avec elle et il en eut deux fils
jumeaux, Zara et Pharez. Or, quoique la première femme de Juda fût
morte à l'époque où il eut ces relations criminelles avec Thamar,
et quoiqu’il ne sût pas d'abord que c'était sa belle-fille, sa
conduite n'en fut pas moins aussi honteuse que coupable. Tel était
Juda, le quatrième fils de Jacob. Qu'attendre de bon d'hommes si
dépravés?
§ 519. Cette histoire du mariage de Juda avec Thamar est importante sous un point de vue d'une tout autre nature. Nous verrons plus tard que le roi David, et par conséquent notre Seigneur Jésus-Christ, sont descendus de Juda et de Thamar par Pharez. C'est ainsi, comme nous l'avons déjà remarqué dans l'histoire de Lot et de ses filles (§ 344), que tout l'Ancien Testament a trait à Jésus-Christ, même ce qui paraît au premier coup d'œil être le moins en rapport avec lui.
39:
1-2
§ 520. Pour revenir à Joseph, l'Égyptien entre
les mains de qui Dieu le fit tomber était un homme haut placé. Ses
fonctions l'appelaient fréquemment près de Pharaon, c'est-à-dire
près du roi, car les rois d'Égypte portaient tous ce même nom.
Potiphar, le maître de Joseph, devait avoir un grand train et
beaucoup d'esclaves; en sorte que ce fut à peine si, dans les
premiers temps, il prit garde au jeune homme qu'on lui avait
acheté. Mais l'Éternel était avec Joseph; ce qui veut dire que le
Seigneur consolait son cœur, et il devait en avoir grand besoin.
Quelle douleur et quelle humiliation pour le petit-fils d'Abraham
de se voir ainsi loin de son père, bien plus loin encore de la
gloire qu'il avait rêvée. Cependant, sa foi le soutenait. IL
comptait sur les promesses de Dieu; il ne pouvait envisager le
pays de Canaan comme entièrement perdu pour lui. Quand et de
quelle manière le reverrait-il? c'est ce qu'il ignorait. Mais son
avenir avait beau être enveloppé de ténèbres, il n'en espérait pas
moins en son Dieu. Plein de paix, par la grâce de l'Éternel, il se
mit courageusement et fidèlement aux rudes travaux de la
servitude. Bientôt il se fit remarquer, et on lui confia des
occupations qui l'appelèrent à vivre dans la maison de son maître
et sous ses yeux. Quand on jouit de la communion du Seigneur, il
n'est pas de devoir qui ne devienne facile, pas de position qui ne
soit agréable et tout réussit au-delà de ce qu'on pourrait croire.
39:
4-6
§ 521. Au bout de quelque temps, Potiphar
attacha Joseph à sa personne; il en fit, comme nous dirions, son
valet de chambre; et, après quelques années d'un service dans
lequel l'eunuque de Pharaon put apprécier les nobles sentiments,
la fidélité, la douceur et le savoir-faire de son esclave, il lui
donna l'intendance de sa maison. Joseph pouvait avoir alors
environ vingt-quatre ou vingt-cinq ans. La promesse que Dieu avait
faite à Abraham s'accomplissait en sa faveur, car une grande
bénédiction reposait sur toute son œuvre (Gen. XII, 3), son maître
s'attachait toujours plus à lui et lui montrait la confiance la
plus entière. D'ailleurs Joseph avait un extérieur qui
correspondait à l'excellence de sa foi et de sa charité; il était
de belle taille et d'une physionomie remarquable.
§ 522. Que de jalousie son élévation n'avait-elle pas dû exciter parmi ses camarades! Comme ils l'estimaient heureux, non pas de sa piété peut-être, mais de ses succès, et lequel d'entre eux n'eût pas voulu être à sa place! Lui-même, dans ces moments où l'esprit et le cœur se mettent à anticiper sur l'avenir, lui-même devait envisager ces circonstances comme les moyens dont l'Éternel allait se servir pour lui procurer la liberté. Bientôt Potiphar, qui l'aime tant, lui permettra de retourner au pays de ses pères! en attendant, n'est-il pas aussi heureux qu'on puisse l'être sous le joug? Hélas! Joseph ne tarda pas à faire la triste expérience que les avantages extérieurs, la beauté, le pouvoir, l'amitié des hommes, sont pleins de pièges horribles, et qu'au moment où l'on se croit le plus près du bonheur, on touche souvent à de grandes catastrophes.
39:
7-9
§ 523. La femme de Potiphar s'éprit d'une
passion criminelle pour ce beau jeune homme, les services qu'il
rendait à son maître ayant dû quelquefois le rapprocher d'elle.
S'il se fût agi de quelqu'un d'autre, elle aurait su probablement
cacher le feu qui la dévorait, sans être pour cela moins coupable
devant Celui qui sonde les cœurs. Mais cette malheureuse femme,
persuadée qu'elle n'avait qu'à commander à son esclave pour être
obéie, lui déclara sa passion dans les termes à la fois les plus
clairs et les moins ménagés. Quel abîme s'ouvre alors devant les
pas de Joseph, soit qu'il consente au crime, soit qu'il s'y
refuse! Mais il n'a pas besoin de contempler les suites de
l'infamie pour qu'il s'en détourne; il lui suffit de la pensée de
son maître, et encore plus de celle du Seigneur.
§ 524. Rien n'est beau comme la simple réponse de Joseph. Auprès de cette femme qui s'oublie, il n'oublie point, lui, qu'il est son esclave; aussi ne lui adresse-t-il ni reproche, ni censure et il ne la couvre point de son mépris. Du ton grave et calme que prend tout naturellement la vraie chasteté, il dit l'indigne abus de confiance dont il se rendrait coupable envers Potiphar et l'offense grave qu'il ferait à son Dieu. Il a compris, Joseph, que tout péché est contre l'Éternel; et l'on est bien fort quand, par la foi, l'on s'est convaincu de cette vérité.
39:
10-16
§ 525. Pour ce qui est de la femme de Potiphar,
hélas! elle ne connaissait point Dieu, et sa passion s'irrita des
refus mêmes de Joseph et de sa haute vertu. Ne songeant qu'à
satisfaire ses criminelles convoitises, comme il arrive à tout
pécheur non converti, elle saisissait avidement les occasions de
voir Joseph et de l'attirer dans le piège. Jusqu'à ce qu'enfin se
sachant seule avec lui dans la maison, cette femme insensée,
autant qu'impudique, le retint violemment par sa robe, et Joseph
dut s'enfuir, lui laissant entre les mains ce gage de sa présence.
Il est facile de se représenter quelles durent être la fureur et
la confusion de l'Égyptienne. Que faire maintenant, si ce n'est
d'accuser Joseph du crime même qu'il n'avait pas voulu commettre?
Hélas! nous le voyons toujours; d'une manière ou d'une autre, le
mensonge vient fournir au péché son dangereux abri.
39:
17-20
§ 526. Potiphar rentrant chez lui sur ces
entrefaites, sa femme n'eut, comme on le conçoit, rien de plus
pressé que de se présenter à lui le front rouge de colère; elle
lui montre la robe de Joseph, et, en des termes que cette fois
elle sait rendre honnêtes, elle l'accuse d'avoir voulu lui faire
insulte. On s'étonne que Potiphar ait cru si facilement sa
malheureuse femme et l'on voudrait qu'il eût interrogé Joseph.
Peut-être le fit-il; mais le pieux et fidèle esclave dut, par
ménagement pour sa maîtresse, se contenter de montrer le visage
serein de l'innocence. Peut-être aussi que Potiphar, pressentant
là-dessous quelque mystère d'iniquité, ne voulut pas
l'approfondir. Le châtiment même qu'il infligea semblerait prouver
qu'il ne jugeait pas Joseph aussi criminel qu'on le disait, ou du
moins il atteste combien il avait d'affection pour lui; car, au
lieu de le faire mourir, comme il l'eût mérité s'il avait été
coupable, il l'envoya dans une prison, et non pas dans une prison
vulgaire, mais dans celle où le roi mettait ses prisonniers.
XLI. Joseph en prison et devant Pharaon.
39: 21-23
§ 527. Il ne faut pas juger du mérite moral de nos actions par leurs résultats immédiats. C'est une observation que nous avons faite à l'occasion d'Abraham (§ 266) et qui se représente ici sous une autre face. Joseph semble puni de sa bonne conduite; mais cette nouvelle épreuve fut un acheminement vers son entière délivrance. D'ailleurs, il fut sûrement plus heureux dans sa prison que s'il eût cédé aux attraits du péché. C'est ce que l'Écriture exprime quand elle nous déclare que l'Éternel fut avec Joseph et qu'il étendit sur lui sa gratuité ou son amour.
§ 528. On ne saurait trop admirer les grâces dont le Seigneur enrichit Joseph. Peu de jeunes hommes réunirent à un extérieur si agréable une âme plus entièrement à leur Dieu. Sans se laisser abattre, mais au contraire, plein de paix et de confiance, il accepta sincèrement sa nouvelle position, malgré ce qu'elle avait de triste; aussi ne tarda-t-il pas à gagner le cœur du gouverneur de la prison. Peut-être Joseph lui confia-t-il les secrets de sa vie; dans tous les cas, cet homme vit bien qu'il n'avait pas sous sa garde un prisonnier ordinaire. Comprenant que Joseph n'abuserait pas de sa confiance pour chercher à s'évader, il lui accorda toute la liberté possible, l'employa au service de la maison, et le fils d'Israël, toujours plein de zèle dans l'accomplissement de ses devoirs, béni d'En-Haut, selon la promesse, s'acquittait au mieux de tout ce dont on le chargeait.
40:
1-4
§ 529. Il pouvait y avoir deux ou trois ans que
Joseph était dans les prisons du roi. lorsqu’on y conduisit un
jour deux des principaux officiers de Pharaon qui s'étaient
attirés par quelque faute grave la colère de leur prince. Quoique
d'une autre manière que Joseph, on peut bien dire que ce n'étaient
pas des prisonniers ordinaires; aussi le gouverneur leur
donna-t-il quelqu'un pour les servir, et il ne pouvait mieux leur
témoigner ses égards qu’en les confiant à Joseph.
40:
5-8
§ 530. Le temps est long pour le prisonnier que
sa conscience accuse et qui ne connaît pas la grâce de Dieu. Aussi
cherche-t-il à tromper son ennui en mettant un vif intérêt aux
premières choses venues. S'il a un compagnon de captivité, tout
devient sujet de conversation, et, pour commencer la journée, on
se racontera les songes qu'on a faits. Ainsi en allait-il de
l'échanson et du panetier de Pharaon. Un jour donc Joseph les
trouva fort tristes et fort préoccupés. Moins par curiosité sans
doute que par la tendre compassion que ces hommes lui inspiraient,
il leur demanda ce qui leur était survenu. C'étaient deux songes
qu'ils s'étaient communiqués. Ces songes avaient tant d'analogies
que les prisonniers ne pouvaient en détourner leur attention;
d'ailleurs Dieu lui-même répandait dans leur âme le trouble qu'ils
ressentaient.
40:
9-15
§ 531. Les officiers de Pharaon auraient voulu
avoir près d'eux quelqu'un de ces hommes qui se vantaient de
pronostiquer l'avenir; mais Joseph, que l'Éternel revêtit en ce
moment de l'Esprit de prophétie, leur déclara que Dieu seul
pouvait interpréter les songes, à supposer, ce qui allait sans
dire, que ces songes vinssent de lui. Cédant alors à la confiance
que le jeune homme lui inspirait, l'échanson récita le rêve qu'il
avait fait et que vous pouvez lire dans la Bible. Vous y verrez
aussi une bonne nouvelle Joseph fut chargé de lui annoncer de la
part du Dieu que ce grand seigneur, hélas! ne connaissait pas:
trois jours après, il reprendrait ses fonctions auprès de Pharaon.
Or, si Joseph avait revêtu la prison avec une pleine soumission à
la volonté de l'Éternel, ce n'était pas à dire qu'il ne dût point
mettre en usage les moyens que Dieu lui fournirait pour en sortir.
Les relations amicales qu'il avait eues avec l'échanson, l'espèce
de service qu'il lui rendait en dissipant son angoisse, lui firent
penser aussitôt que c'était probablement par cet homme que le
Seigneur le voulait délivrer lui-même. C'est pourquoi il se mit à
lui raconter en deux mots son histoire, mais avec tous les
ménagements de la charité. Sans inculper, ni ses frères, ni sa
maîtresse, ni Potiphar, il protesta de son innocence, et supplia
l'échanson de se souvenir de lui auprès de Pharaon.
40:
16-19
§ 532. Le panetier, quoique plus coupable que
l'échanson, ou moins aimé du roi, ne douta pas que Joseph n'eût à
lui annoncer aussi de bonnes nouvelles; mais non, le prophète de
l'Éternel dut, avec douleur assurément, lui déclarer que dans
trois jours il serait mort. Quel terrible arrêt pour une âme qui
n'est pas prête. Au reste, que ce soient trois jours, trois ans,
ou trente ans, c'est bien la même chose. Oh! mon âme, es-tu prête?
car bientôt tu comparaîtras devant ton Dieu!
40:
20-23
§ 533. Tout arriva selon la prophétie, preuve
que les songes et l'interprétation procédaient également de Dieu.
Mais tout n'alla pas comme Joseph l'avait pu raisonnablement
espérer: l'échanson ne se souvint point de l'esclave captif.
Hélas! dans un jour de fête mondaine, on peut bien faire pendre un
homme; mais s'occuper d'un pauvre prisonnier, ce n'est pas aussi
facile. L'échanson laissa donc passer le jour de fête de Pharaon
sans se souvenir de l'Israélite. Plus tard, il ne sut trop comment
reparler de son temps de prison; comment dire qu'il avait un ami
dans les cachots et avouer que cet ami était un esclave!
D'ailleurs, après avoir retrouvé sa prospérité, il avait bien
autre chose à faire. Tout occupé de lui et des siens, il ne pensa
plus à Joseph. Voilà la double source de l'ingratitude de
l'échanson: l'orgueil et l'égoïsme; voilà aussi pourquoi nous
sommes tous naturellement ingrats, c'est que nous sommes, par
nature, des égoïstes et des orgueilleux.
41:
1
§ 534. Deux années s'étaient écoulées. Ce fut
la plus rude épreuve qu'essuya la foi de Joseph, par cela même
qu'il s'était bercé de l'espoir d'une prochaine délivrance. Les
jours, les semaines, les mois, une année, deux ans se passent;
point de changement dans son état! Souvent sans doute, il demande
au gouverneur de la prison s'il n'est point venu d'ordre à son
sujet, et toujours une réponse négative. Eh bien! il ne paraît pas
que la patience de Joseph se soit démentie, car la Parole de Dieu,
si fidèle à nous raconter les chutes des saints, n'aurait pas
manqué de nous le dire. La liberté cependant devait être rendue à
Joseph , et cela se fit par des voies fort remarquables.
41:
2-8
§ 535. Dans une même nuit, Pharaon eut deux
songes, si semblables et si extraordinaires tout à la fois, que,
sans être superstitieux, ce qu'il pouvait bien être quoique roi,
il n'y avait pas moyen de ne pas s'en laisser frapper. Des vaches
qui engloutissent d'autres vaches, et encore ce sont les plus
petites qui avalent les plus grosses! et puis des épis de blé qui
font quelque chose de tout semblable! Aussi voulut-il, dès le
matin, se faire expliquer ses songes par les devins qui
prétendaient s'y entendre; mais, saisis d'un esprit de crainte que
Dieu répandit sur eux, ils n'osèrent, cette fois, donner cours à
leurs impostures, et Pharaon n'en fut que plus bouleversé.
41:
9-13
§ 536. À ce moment, l'échanson se souvint de
Joseph. Commençant par avouer le tort dont il s'était rendu
coupable, il raconte à Pharaon ce qui s'était passé entre lui et
cet esclave hébreu deux ans auparavant. On aime toujours à voir un
homme reconnaître ses fautes et les réparer. Mais est-il bien sûr
que le repentir de l'échanson fût de bon aloi? N'avait-il pas plus
à cœur de se rendre agréable à Pharaon que de s'acquitter de sa
dette envers Joseph? Je ne prononce pas; l'échanson toutefois se
souvient si à propos du pauvre captif, qu'il est permis de
suspecter son désintéressement. Il en est ainsi, par exemple, de
ceux qui attendent le moment de leur mort pour se convertir. La
conversion à ce moment suprême peut être sincère et réelle; mais
combien il est à craindre qu'elle n'ait souvent que l'apparence du
repentir.
41:
14-24
§ 537. Quoiqu'il en soit, ce fut par là que
Dieu tira Joseph de sa prison pour l'introduire dans une situation
bien différente de celles qu'il avait occupées depuis treize ans
au moins. Après qu'on l'eut mis en état de paraître devant
Pharaon, celui-ci lui demanda s'il était vrai qu'il sût expliquer
les songes. Sur quoi Joseph se hâta de détromper le roi, en lui
faisant entendre que Dieu seul connaît l'avenir et peut le
dévoiler quand il lui plaît. Saisi de respect pour ce pieux et
modeste jeune homme, Pharaon lui raconta ce qu'il avait vu durant
son sommeil.
41:
25-32
§ 538. Le sens des songes de Pharaon ne
s'offrait pas aussi naturellement qu'il peut le sembler au premier
abord. Il est vrai que des vaches maigres qui engloutissent des
vaches grasses, et surtout des épis étiolés qui absorbent des épis
bien nourris, ne représentent pas mal la disette qui détruit et
consume tout ce qu'a pu produire une abondance antérieure. Mais
sept années de famine! voilà certes la chose du monde la plus
rare, et, en Égypte, une calamité inouïe qui pouvait sembler
impossible, grâce aux inondations du Nil. En sorte qu'on doit bien
reconnaître, comme Joseph le dit à Pharaon, que c'est Dieu
lui-même qui déclara, par la bouche de son serviteur, ce que sa
puissance seule pouvait opérer. Or, remarquez encore avec quelle
fidélité Joseph profita de l'occasion pour parler au roi du Dieu
qu'il ne connaissait pas.
41:
33-38
§ 539. Encouragé par l'attention religieuse que
lui prêtait Pharaon et conduit par l'Esprit du Très-Haut, Joseph,
après avoir interprété les songes, s'enhardit à donner des
conseils au monarque; conseils bien simples, mais auxquels
personne n'eût pensé peut-être, tant on était effrayé, sans parler
du peu de progrès que devait avoir faits alors la science de
l'administration. En proposant la création de commissaires qui,
dirigés par un ministre d'État, fussent chargés de recueillir
pendant les années d'abondance de quoi suffire à la famine des
années suivantes, Joseph n'avait pas sûrement l'idée que, pour
exercer cet office, Pharaon jetterait les yeux sur un jeune homme
tel que lui, sur un étranger, sur un esclave arraché à la prison.
Mais Pharaon, comme tous les idolâtres de son temps et comme la
plupart de ceux de nos jours, n'ignorait pas qu'il y a un Grand
Dieu, un Grand Esprit dans le Ciel; seulement, il ne le
connaissait, ni ne le servait. Il ne put pas douter qu'il n'eût
devant lui un humble serviteur de ce Dieu, et il lui parut que nul
n'était plus digne de recevoir le gouvernement de son royaume que
cet aimable interprète des conseils du Tout-Puissant.
41:
37-40
§ 540. Pharaon revêtit donc Joseph de
l'autorité royale. Dans le palais même du monarque, tous, hors le
roi, devraient lui obéir; le peuple le baiserait sur la bouche,
c'est-à-dire l’aimerait et l'adorerait; Pharaon lui remit le
cachet avec lequel il scellait ses commandements; il le fit mener
en triomphe sur son chariot, et tout le monde s'agenouilla devant
Joseph. Enfin, le voilà heureux, dira quelqu'un. Eh! non; Joseph
eût bien préféré qu'on le renvoyât auprès de son père et d'Isaac,
son respectable aïeul, mort depuis environ deux années, mais que
Joseph pouvait croire encore vivant. Et puis son cher Benjamin et
même ses méchants frères, qu'il n'avait cessé d'aimer, combien
n'eut-il pas donné pour les revoir après treize ans de séparation!
Ce fut donc une nouvelle épreuve de sa foi que ces honneurs qui le
retenaient pour longtemps en Égypte.
§
541. Cependant, il avait trop de perspicacité
pour ne pas prévoir, en partie du moins, ce qui allait arriver.
S'il avait pu oublier les songes de sa jeunesse, lorsqu'il avait
plu à Dieu de l'humilier, il s'en était sûrement ressouvenu à
l'occasion des rêves de l'échanson et du panetier, surtout quand
il expliquait ceux de Pharaon. Et maintenant qu'ils commencent à
se réaliser par son élévation, il lui est aisé de comprendre que
la disette lui amènera sa chère famille, car le pays de Canaan ne
manquerait pas d'être, sous ce rapport, plus misérable encore que
l'Égypte. Mais il fallait attendre sept années au moins, et pour
tout autre que pour Joseph il y avait bien là de quoi perdre
patience.
41: 45-46
§ 542. Du reste, notre ami ne manqua pas
d'occupations. Nous l'avons toujours vu se porter tout entier aux
45 i6 devoirs que lui imposait la situation où Dieu l'avait placé;
cette fois il en fut de même. Pharaon avait changé son nom hébreu
contre un nom égyptien qui voulait dire. Sauveur Du Monde. Par là
il avait eu l'intention de faire oublier à ses sujets l'origine
étrangère de leur gouverneur, tout en leur annonçant les bienfaits
dont ils lui seraient redevables. Puis Joseph se mit à parcourir
l'Égypte afin de préparer l'exécution de ses grands projets. Il
avait trente ans lorsqu'il fut présenté à Pharaon. Il épousa la
fille d'un des gouverneurs de l'Égypte, Asenath, fille de
Potiphérah, et c'est ainsi qu'il s'unit toujours plus étroitement
au pays que Dieu lui faisait un devoir d'envisager comme sa patrie
adoptive.
XLII. Premier voyage des frères de Joseph en Égypte.
41:
47-49
§ 543. Ce fut donc avec le plus parfait
dévouement à ses nouveaux devoirs, que Joseph prit les mesures
nécessaires pour que l'Égypte pût traverser les sept années de
famine dont Dieu la menaçait. Outre la cinquième partie des
abondantes récoltes qui précédèrent la disette, il recueillit tout
ce qui dépassait les besoins de la consommation courante; et,
serrant en de nombreux greniers le superflu, il évita par là même
que le peuple ne prît des habitudes de prodigalité.
41:
50-52
§ 544. Joseph eut à cette époque une grande
joie. Dieu lui donna successivement deux fils qu'il appela, l'aîné
Manassé et le cadet Ephraïm, noms par lesquels il avait à cœur de
consacrer sa reconnaissance, car le premier signifie oubli et le
second fructifiant. Jusqu'alors, il ne s'était vu entouré que
d'étrangers; maintenant il lui naît une famille et il voit sortir
de lui deux rameaux de l'arbre que l'Éternel avait planté en
Abraham. Il apprit même plus tard qu'ils étaient destinés à former
deux branches principales de cet arbre illustre.
41:
53-57
§ 545. Les sept années d'abondance étant
accomplies, la disette arriva comme Dieu l'avait annoncé par la
bouche de Joseph. Celui-ci après avoir tenu un certain temps ses
greniers clos, pour que les Égyptiens s'imposassent quelques
privations et que ses approvisionnements fussent moins vite
épuisés, vendit du blé, non seulement aux sujets de Pharaon, mais
encore aux peuples du voisinage, qui n'avaient pas les mêmes
ressources que l'Égypte.
42:
1-2
§ 546. Jacob et sa famille ne tardèrent pas à
se ressentir du fléau. Isaac, ce pieux fils d'Abraham, cet homme
qui ne fut pas sans péché, mais dont les mœurs eurent de la pureté
dans un temps où cette pureté n'était pas commune, ce patriarche
dont la vie ne fut pas marquée par beaucoup d'événements, mais qui
ne laissa pas d'être fortement éprouvé dans sa foi et dans ses
affections, Isaac était mort que Joseph était encore en prison (§
499). Il avait vu plus qu'Abraham l'accomplissement de la
promesse, car il laissait Jacob âgé de 120 ans, père d'une
nombreuse famille, de fils, de filles et de petits-enfants, sans
compter sans doute une foule de serviteurs. Tout ce monde
souffrait de la faim depuis assez longtemps, et les fils de Jacob
hésitaient à descendre en Égypte pour y chercher du pain, ce
qu'avaient déjà fait bien des Cananéens. Ce voyage en Égypte ne
pouvait leur sourire. N'était-ce pas là que vingt et un ans
auparavant les marchands d'esclaves avaient emmené Joseph? Ils ne
craignaient pas sans doute de le rencontrer. Mais c'est son
souvenir qu'ils y rencontreraient plus que nulle part; et, pour
des cœurs qui n'ont pas cherché et trouvé auprès du Seigneur le
pardon de leurs crimes, le souvenir en est d'une affreuse
amertume.
42:
3-5
§ 547. Les fils de Jacob partirent enfin; tous,
à l'exception de Benjamin, qui devait avoir à cette époque environ
vingt-cinq ans. On comprend pourquoi ils allèrent si nombreux. Le
gouverneur de l'Égypte était trop sage pour donner à des étrangers
tout le blé qu'ils demandaient; afin d'en avoir suffisamment, il
fallait que ces dix pères de famille se présentassent devant lui.
On comprend aussi que Jacob ne se soit pas séparé de Benjamin. Non
seulement, à son âge, il avait besoin que ses fils ne lui
laissassent pas tout le soin de leurs familles, mais encore
l'affection que Jacob avait eue pour Joseph s'était reportée sur
cet autre fils de sa bien-aimée Rachel. Peut-être que, de leur
côté, ses frères le haïssaient comme ils avaient haï Joseph;
peut-être hélas! s'élevait-il quelquefois dans l'esprit du
vieillard des doutes sur la vérité de l'histoire qu'on lui avait
faite à l'occasion de la disparition du frère de Benjamin. Quoi
qu'il en soit, il craignait que quelque accident mortel ne lui
arrivât.
42:
5-8
§ 548. Ainsi donc les fils d'Israël, s'étant
joints à une caravane de Cananéens, descendirent en Égypte.
Présentés au gouverneur du royaume, ils se prosternèrent devant
lui, et celui-ci les reconnut aussitôt. Ses frères aînés étant des
hommes lorsqu'ils l'avaient vendu, leur extérieur n'était pas
devenu méconnaissable. Peut-être s'étaient-ils nommés; on avait
sans doute annoncé à Joseph de quel pays ils venaient, d'ailleurs
il les attendait. Il savait que la famine serait rude en Canaan,
contrée que la sécheresse désolait assez souvent (§§ 263
, 414), et il était
impossible qu'ils ne vinssent pas les uns ou les autres.
Toutefois, quel ne dut pas être le saisissement de Joseph en
voyant ses dix frères aînés, tous les dix, prosternés à ses pieds,
selon les songes qu'il avait faits dans sa jeunesse et que
plusieurs fois il avait dû traiter de chimère. Aussitôt, il se
trace la ligne de conduite qu'il devait suivre. D'un ton auquel
son émotion concentrée ne pouvait que donner l'apparence de la
dureté, il leur dit: D'où venez-vous? Ce fut en langue égyptienne
qu'il leur fit cette question, et un interprète la leur traduisit
(verset 23); en sorte que, même après qu'il leur eut parlé, ses
frères ne le reconnurent pas. Il avait alors au moins trente-huit
ans; or, que de changements les années et les infortunes
n'apportent-elles pas dans un homme qu'on n'a pas vu depuis l'âge
de dix sept ans! Et puis, comment les fils de Jacob auraient-ils
pu se douter que Tsaphenath-Pahanéah, ce grand seigneur, cet
égyptien, était le pauvre jeune garçon qu'ils avaient vendu jadis?
42:
10-11
§ 549. Joseph voulut faire parler ses frères.
Il voulait, sans les interroger là-dessus, avoir des nouvelles de
son père et de Benjamin; il voulait découvrir les dispositions où
ils étaient, ne pas provoquer des sentiments hypocrites en se
faisant connaître, et amener leurs cœurs à Dieu s'ils étaient
encore sans repentance. C'est là ce qui explique sa conduite;
conduite d'ailleurs où il est admirablement dirigé par l'Esprit du
Seigneur; car, à l'exemple de notre Père Céleste, c'est à la fois
avec sévérité et avec bonté qu'il traite ses frères coupables. Il
commença donc par les effrayer en leur faisant entendre qu'il les
tenait pour des espions.
§ 550. Leur réponse fut pleine de naturel, sinon de vérité dans tous ses points: «Non, Monseigneur, nous n'avons pas d'autre intention que d'acheter des vivres. Enfants d'un même père, comment croire que, de son consentement, nous vinssions tous nous exposer à la peine dont on punit les espions! D'ailleurs, nous sommes gens de bien.» Hélas! parce qu'ils sortaient de parents pieux, parce qu'ils avaient habituellement gardé certains dehors, ils s'estimaient d'honnêtes gens; et combien n'est-ils pas de personnes qui font comme eux?
42:
12-13
§ 551. Là-dessus, Joseph leur ayant témoigné
très nettement qu'il ne les croyait pas, ils se mirent à lui faire
plus en détail leur histoire; c'est ce que Joseph cherchait. Mais
ils la firent comme on le peut, quand on a commis de grands péchés
et qu'on n'en a pas un vrai repentir. Ils dirent donc qu'ils
étaient autrefois douze frères; que l'un d'entre eux était mort
(ils le croyaient peut-être, que sais-je, ils l'espéraient) et que
le plus jeune de tous était resté avec leur père.
42:
14-17
§ 552. Joseph avait ce qu'il voulait. D'un mot
il apprend qu'Isaac et Rebecca sont morts, puisque ses frères n'en
font pas mention. mais que Jacob vit encore et son cher Benjamin
aussi. Les fils de Léa n'ont donc pas fait mourir son jeune frère,
comme il lui arrivait peut-être quelquefois de le craindre, et la
douleur n'a pas tué Jacob. Mais cela ne suffit pas à Joseph.
Poursuivant la marche qu'il s'était tracée, il déclare à ses
frères que, pour s'assurer de la vérité de leurs discours, il va
les mettre en prison, que l'un d'eux ira chercher leur frère
cadet, et que, s'il ne le ramène pas, ils mourront tous. Joseph
espérait peut-être que Jacob viendrait lui-même, avec Benjamin,
délivrer ses enfants. Quoi qu'il en soit, il fit ce qu'il venait
de dire: tous furent enfermés, et peut-être dans la prison même où
Joseph avait passé plusieurs années.
§ 553. Il est permis de se demander si Joseph ne poussa pas les choses trop loin; s'il est parfaitement irréprochable de s'être contrefait de la sorte auprès de ses frères; s'il eut raison d'employer, pour les tromper mieux, cette espèce de jurement: «Vive Pharaon!» qui était destiné à leur faire croire toujours davantage qu'ils avaient affaire avec un Égyptien? Je dis qu'il est permis de s'adresser ces questions, parce que, enfin, Joseph était homme. Bien que dirigé par l'Esprit du Seigneur, il ne serait pas étonnant qu'il eût mêlé de sa propre sagesse à la sagesse de Dieu. Joseph fut plein de piété, mais aussi d'habileté, et souvent les gens habiles se laissent entraîner dans des routes quelque peu obliques, dont une piété plus simple fermerait l'entrée. Ceci, tout en nous montrant quelques taches dans le beau caractère de Joseph, ne nous empêchera pas de l'aimer; car, d'ailleurs, l'œuvre de la grâce de Dieu en son cœur brille d'une merveilleuse beauté.
42:
18-21
§ 554. Quand les fils de Jacob eurent été trois
jours en prison, Joseph les fit revenir devant lui. Pour les
rassurer, il leur déclara qu'il avait la crainte de Dieu; que, par
conséquent, il ne leur ferait essuyer aucune injustice. Puis, afin
de leur prouver sa bienveillance, il leur permit à tous de partir
avec des vivres, sauf un seul toutefois qu'il jugeait à propos de
garder comme gage de leur retour. Alors, ce que la sévérité seule
n'avait pu faire, la sévérité et la bonté réunies le produisirent
incontinent. Ils s'adressèrent à eux-mêmes de vifs reproches pour
la dureté de cœur avec laquelle ils étaient demeurés sourds aux
cris du pauvre Joseph, lorsqu'ils l'avaient jeté dans la citerne.
Que de fois ils avaient pensé à lui depuis qu'ils étaient en
Égypte; que de fois pendant leurs trois jours de captivité! Mais
il ne s'étaient probablement rien communiqué de leurs sombres
pensées. À cette heure, ils n'y tiennent plus, et en apprenant
que, décidément, l'un d'entre eux va demeurer prisonnier dans
cette Égypte où ils ont fait emmener Joseph pour être esclave, ils
laissent éclater les transports de leur affliction. Mais était-ce
la douleur d'une vraie repentance? Y avait-il dans leur âme autre
chose que des remords? Hélas! ils ne songent, ni les uns, ni les
autres, à profiter de l'occasion pour aller à la recherche de
Joseph. Ils ne disent pas au gouverneur de l'Égypte, devant lequel
ils se trouvent: Nous sommes des misérables. Nous t'avons menti en
te disant que notre frère n'est plus. Il est, ou du moins il doit
être en Égypte; aide-nous à le trouver! S'ils eussent parlé de la
sorte, tout eût été fini, et Joseph se serait fait connaître à
eux.
42:
22
§ 555. Ruben lui-même, Ruben l’aîné et le chef,
se u contente de leur faire des reproches, comme s'il n'avait été,
quant à lui, coupable d'aucun tort. Le faible Ruben, toujours le
même, croit s'excuser suffisamment en prononçant ces mots, devenus
si communs dans la bouche de ceux qui participent à quelque péché
après y avoir résisté mollement: «Je vous l'avais bien dit.»
Toutefois Ruben et ses frères sentent qu'ils ont été coupables;
ils comprennent que ce qui leur arrive est un jugement de
l'Éternel, et c'était déjà quelque chose quoique ce ne fût pas
encore le vrai repentir.
42:
23-24
§ 556. S'ils avaient su que Joseph les
comprenait, et surtout qui il était, ils eussent sans doute tenu
un autre langage; mais ne valait-il pas mieux que leurs sentiments
se manifestassent tels qu'ils les éprouvaient? Joseph ne put
retenir ses larmes. En vérité, pour achever son œuvre, il dut lui
en coûter comme à une mère qui châtie son enfant. Mais il sentait
que ce devoir lui était imposé, et il le remplit jusqu'au bout. Il
fit donc garrotter un de ses frères devant tous les autres, et il
choisit Siméon. Ce choix est une nouvelle preuve de l'admirable
sagesse de Joseph. Il fallait qu'il retînt un fils de Léa, afin
d'avoir du retour de ses frères un gage plus précieux à leurs yeux
que ne l'eût été le fils d'une des servantes. Il ne voulut garder
ni Ruben, ni Juda, parce que, plus tard, ses frères auraient pu
croire qu'il s'était plu à se venger de l'un, pour ne l'avoir pas
protégé, de l'autre, pour avoir proposé de le vendre. Il était
bon, toutefois, qu'un des aînés demeurât son prisonnier, et, par
tous ces motifs, ce fut Siméon qui dut voir partir ses frères et
leur dire un triste adieu. — Pour expliquer ce choix, les poètes
font de Siméon un monstre de méchanceté, bien que la Bible ne le
caractérise point de la sorte; mais les poètes, comme les
peintres, sont quelquefois bien en dehors du vrai (§§ 72,
141, 359).
XLIII. Second voyage des frères de Joseph en Égypte.
42:
25-28
§ 557. L'intention de Joseph en faisant mettre
l'argent de ses frères dans leur sac, était moins sans doute de
les intriguer, que de les préparer, par des impressions
favorables, à comprendre plus tard que, s'il les avait en
apparence maltraités, ce n'était nullement dans un esprit de
ressentiment. Mais il leur arriva comme à tout homme qui n'a pas
une bonne conscience: ce bienfait inattendu ne servit, au premier
moment, qu'à les troubler. Du reste, Joseph est encore ici une
frappante image de la Providence de Dieu. Souvent le Seigneur
comble de grâces des méchants et des ingrats, et c'est après leur
conversion seulement qu'ils voient et comprennent combien Dieu fut
bon envers eux, dans le temps même qu'ils le haïssaient.
42:
29-36
§ 558. Quand les fils de Jacob furent de retour
auprès de leur père, il fallut bien lui expliquer l'absence de
Siméon, en lui racontant ce qui s'était passé. La douleur du
malheureux vieillard fut extrême. Il ne put retenir des pensées
qui, depuis longtemps, agitaient vaguement son pauvre cœur: «Vous
m'avez privé d'enfants!» s'écria-t-il. Jacob, on le dirait du
moins, soupçonne ses fils d'avoir fait mourir Joseph, et même
Siméon. Puis, voilà qu'ils veulent encore lui prendre son
Benjamin! Toutefois, sa douleur est une sainte douleur. Il
reconnaît qu'il a mérité ces rudes épreuves: «Toutes ces choses,»
dit-il, «sont contre moi.»
42:
37
§ 559. La réponse de Jacob équivalant à un
refus, Ruben, l'aîné de ses fils, prend la parole pour l'engager à
les laisser retourner en Égypte avec Benjamin; mais c’est en des
termes dans lesquels il est facile de reconnaître un esprit tout
mondain. «Fais mourir mes deux fils, si je ne te ramène
Benjamin...» Belle consolation pour Jacob, et quel langage de la
part d'un père! «Confie-le-moi, et je te le ramènerai...» Comme si
Ruben était la Providence elle-même! Mais voilà le langage de
l'homme; il faut qu'il se fasse Dieu lorsqu'il n'a pas Dieu dans
le cœur.
42:
38
§ 560. Non, dit Jacob, mon fils n'ira point
avec vous; et, adoucissant ce qu'il y avait eu d'un peu dur dans
ses premières paroles, il exprime seulement la crainte que quelque
accident mortel ne lui arrive en chemin. On serait tenté d'accuser
Jacob de manquer à son devoir envers Siméon, qu'il s'agissait
pourtant de tirer de sa captivité. Mais les cheveux blancs sont
timides, et puis, pouvait-il se fier à ses fils? Était-il bien sûr
que l'histoire qu'ils lui avaient faite ne fût pas une pure
invention?
43:
1-6
§ 561. Cependant c'était la volonté de Dieu que
Jacob et sa famille se transportassent en Égypte. Le patriarche ne
s'attendait pas que la famine durerait plus d'une année. Il
pouvait bien savoir que telle était l'opinion des Égyptiens; mais
qui lui garantissait la vérité des prédictions de
Tsaphenath-Pahanéah? Lors donc qu'il vit que les provisions
allaient leur manquer, il fut le premier à inviter ses fils à
retourner en chercher. Sur quoi Juda lui rappela, comme il était
bien naturel, la condition que le gouverneur de l'Égypte leur
avait imposée, non seulement pour ravoir leur frère Siméon, mais
même pour qu'ils pussent se représenter devant lui. «Quel tort
vous m'avez fait!» répondit Jacob. «Qu'aviez-vous besoin de dire à
cet homme qu'il vous restait encore un frère?» Aigri par la
douleur, le patriarche fait à ses fils un reproche qu'ils ne
méritaient pas; car, ainsi que Juda le lui fit observer,
pouvaient-ils prévoir que cet homme exigerait qu'ils lui
amenassent Benjamin?
43:
7-10
§ 562. Cependant Juda, cédant au triste
penchant que nous avons de mêler le faux avec le vrai, ou
autrement de mentir, prétendit que Joseph leur avait demandé
expressément s'ils n'avaient point de frère, ce qui n'était pas
exact (XLII, 9 , 12); puis il sollicita son père de laisser aller
Benjamin, et nous le voyons, à cette occasion, tenir un langage
tout semblable à celui de Ruben quelques mois auparavant (§
559).
43:
11-14
§ 563. C'était le moment de se décider. Israël
le fit d'une manière qui montre bien les grâces que l'Éternel
avait répandues en son âme. D'abord, il invite ses fils à porter
avec eux de quoi faire un présent au gouverneur de l'Égypte;
c'était du baume, du miel, des drogues aromatiques et quelques
fruits que la sécheresse n'avait pas empêché aux arbres de
produire. Après cela il exige qu'ils prennent de l'argent, non
seulement de quoi payer le blé qu'ils allaient chercher, mais
encore de quoi rendre les sommes qu'on avait remises dans leurs
sacs, car il avait trop de probité pour se prévaloir de ce qui
n'était peut-être qu'une erreur, quoiqu’il n'y en eût pas
d'apparence. Ce n'est pas tout, Jacob est un homme de prière, et,
comme à Mahanajim (§ 474),
il se recommande instamment à la grâce de l'Éternel, afin qu'il le
préserve des malheurs qui semblaient le menacer. Mais enfin, s'il
plaît à Dieu, dit Jacob , que je sois privé de mes fils, que sa
volonté soit faite! Voilà, mes chers lecteurs, un bel exemple à
suivre. Prudence, prière et résignation, c'est ce que nous
admirons en Jacob. Il nous enseigne notamment, par sa conduite,
que la vraie prudence consiste à faire ce qui est juste et droit.
43:
15-25
§ 564. Il fallait que Joseph fût bien soutenu
de Dieu pour ne pas éclater en voyant Benjamin. Lorsqu'il l'avait
quitté, son jeune frère n'avait que trois ou quatre ans;
maintenant c'était un homme. Comme il devait tarder à Joseph de
faire connaissance avec lui, mais il n'était pas au bout de
l'œuvre qu'il s'était proposée dans l'intérêt des siens, et il
s'agissait de se posséder. Par son ordre, les fils d'Israël furent
conduits en sa propre maison, où on leur fit toute sorte de bien
et où ils eurent la joie de revoir Siméon. Il leur avait été dit
d'ailleurs qu'ils seraient admis à la table du gouverneur, et il
semble que tout cela aurait dû les rassurer. Mais, comme je l'ai
déjà fait remarquer (§ 557),
«il n'y a point de paix pour le méchant.» Cependant, selon la
parole du maître d’hôtel de Joseph, homme qui, paraît-il, avait
été amené à la connaissance de l'Éternel par son maître, les fils
de Jacob auraient bien dû voir dans tout ce qui se passait, une
preuve de la bonté de leur Dieu, du Dieu de leur père.
43:
26-29
§ 565. On ne saurait trop admirer le beau
caractère que déploie Joseph, parce que tout y est à la gloire de
Dieu et qu'il y a là de grandes instructions. L'arrivée de ses
frères ne le détourne nullement de l'accomplissement de ses
devoirs envers le pays dont Dieu lui a confié l'administration;
mais, dès qu'il le peut, il se rend auprès d'eux, et la première
chose qu'il fait, c'est de leur demander des nouvelles de leur
père, de ce bon vieillard dont ils lui avaient parlé. Après s'être
assuré par leur réponse qu'Israël, son cher père, vivait encore,
il se tourne vers Benjamin, en qui il cherchait probablement à
retrouver les traits de Rachel, que Joseph n'avait point oubliés,
et, leur ayant demandé si c'était bien là leur frère cadet, il lui
dit: «Mon fils, Dieu te fasse grâce! «La grâce de Dieu! voilà donc
le bien que Joseph estimait le plus grand de tous, celui qu'il
avait cherché pour lui-même et qu'il souhaitait à son cher
Benjamin. Est-ce là le vœu que nous faisons les uns pour les
autres?
43:
30-34
§ 566. Ces quelques mots, le gouverneur les
prononça en langue égyptienne, et son interprète les traduisit à
mesure, ainsi que les réponses des fils de Jacob (XLII, 23).
Joseph avait eu par là plus de facilité à se contenir. Cependant
l'épreuve devenait trop forte pour son cœur aimant et sensible. Il
dut se retirer afin de pleurer à son aise. Ce ne fut qu'au bout de
quelques moments et après s'être lavé le visage pour effacer les
traces des larmes que, reparaissant au milieu du monde qui
remplissait ses appartements, il ordonna de servir le repas. Trois
tables avaient été dressées; une pour le gouverneur, une pour les
Égyptiens qui, par la raison que nous verrons ensuite, n'auraient
pas voulu manger avec les Hébreux, l'autre pour les frères de
Joseph. Or quelle ne fut pas leur surprise en voyant qu'on les
plaçait selon leur âge; ensuite, que, pour faire honneur du repas
à Benjamin tout seul, on lui servait une portion cinq fois plus
grande qu'aux autres! Ce n'était pas à dire qu'il dût la manger,
cela se comprend; c'était un hommage qu'on lui rendait, selon les
coutumes de ces temps. Son hôte voulait qu'il eût du superflu et
qu'il en disposât à son gré.
44:
1-12
§ 567. Pour bien comprendre ce qui suit, il
faut se faire une juste idée du but que se proposait Joseph. Il
voulait savoir au vrai quels étaient les sentiments actuels de ses
frères, non pas afin de leur pardonner, car il l'avait déjà fait
dans le fond de son cœur, mais afin de diriger la conduite qu'il
devait tenir à leur égard. Il y avait vingt-deux ans qu'ils
l'avaient vendu; mais le feraient-ils encore? et par quel moyen
s'en assurer? Voyons, pour cela, de quelle manière ils en agiront
quand la personne de Benjamin sera menacée. Ce fut là ce qui
détermina Joseph à faire mettre sa coupe dans le sac de son frère
bien-aimé, de celui à qui il avait accordé des honneurs
particuliers et que cette circonstance même devait faire paraître
plus coupable, car il aurait bien réellement rendu le mal au lieu
du bien. Mais, à supposer que le moyen dont Joseph se servit pour
atteindre son but n'eût rien de répréhensible, peut-on en dire
autant des paroles qu'il mit dans la bouche de son maître d'hôtel
et qu'il répéta lui-même, quand il revit ses frères? Était-il bien
à lui de se faire passer pour un devin? surtout de dire qu'il
devinait grâce à sa coupe? Hélas! il y a peu d'hommes qui aient
été plus saints que Joseph; il est sûr toutefois qu'il ne fut pas
absolument sans péché.
44:
13-34
§ 568. Quand les fils d'Israël virent que la
coupe était dans le sac de Benjamin, au lieu de poursuivre leur
route et de l'abandonner à son mauvais sort, ce qu'ils eussent
fait peut-être autrefois, ils manifestèrent la plus vive douleur.
Déchirant leurs vêtements, comme Ruben et surtout Jacob l'avaient
fait au sujet de Joseph (chap. XXXVII, vers. 29, 34), ils
n'hésitèrent pas à retourner avec Benjamin , Juda en tête, ce même
Juda qui avait jadis vendu le fils aîné de Rachel; et, cette fois
du moins, ils montrèrent par leur conduite qu'ils avaient le cœur
vraiment déchiré. Arrivés devant Joseph, c'est encore Juda qui
porte la parole. Là, il se montre plein de confusion. Il ne songe
plus à se justifier. Il reconnaît que Dieu punit avec raison leurs
iniquités. Il déclare qu'ils partageront l'esclavage de leur jeune
frère; et quand Joseph, poussant l'épreuve aussi loin qu'elle
pouvait aller, leur eut déclaré qu'il ne garderait que Benjamin,
mais que les autres pouvaient s'en aller en paix, Juda prononça un
discours d'une simplicité et d'une éloquence bien touchantes.
L'analyse que j'en ferais, ne pourrait que l'affaiblir. Vous allez
donc le relire dans votre Bible, et vous serez frappés, entre
autres choses, de l'affection que Juda y témoigne pour son vieux
père: il ne peut songer sans frémir à la douleur qu'il éprouvera
si on ne lui ramène Benjamin... Malheureux Juda! que ne pensais-tu
ainsi dans les plaines de Dothaïn! Tu te serais évité un grand
crime; tu aurais épargné bien des larmes à ton père et à ce Joseph
que tu t'efforces de croire mort!
45:
1-3
§ 569. Si Dieu attendait pour nous donner des
marques de son amour que notre repentance fût parfaite, jamais il
ne reviendrait à nous et jamais, par conséquent, notre retour vers
lui ne s'achèverait. À l'exemple de Dieu, Joseph ne renvoya pas
davantage de se faire connaître à ses frères. C'était là ce qu'il
fallait pour achever de les humilier à salut. Par un ménagement
bien digne de sa charité, il fit sortir tout le monde, et, sans
employer cette fois aucun interprète, il leur dit, dans cette
langue de leurs pères qu'il devait tant lui tarder de parler avec
eux: «Je suis Joseph, mon père vit-il encore?» Mes lecteurs
comprennent-ils pourquoi il leur redemande des nouvelles du
patriarche? Il avait déjà eu le bonheur d'apprendre de leur bouche
qu'il était vivant, mais il n'avait pas encore eu celui de
rappeler le titre par lequel Jacob lui était si cher. Quelle joie
pour Joseph! mais quelle joie plus grande encore quand un pauvre
pécheur peut s'approcher de Dieu en lui disant: Mon Père!
45:
3-15
§ 570. Les fils d'Israël ne pouvaient en croire
leurs oreilles. Ce Joseph qu'ils disaient mort, ce Joseph qu'ils
avaient vendu pour être esclave, c'est le grand Gouverneur de
l'Égypte, lui qui les a traités d'espions, qui a retenu Siméon,
qui est resté si longtemps sans se faire connaître! Oubliant, au
premier abord, toute la bienveillance qu'il leur a témoignée, ils
n'imaginent pas qu'ils aient rien de bon à attendre de sa part,
et, pleins de frayeur, ils se tiennent éloignés et le visage
prosterné contre terre. Mais avec quelle tendresse Joseph les
rassure et leur dévoile tout le plan de Dieu! «C'est bien moi que
vous avez vendu, mais je ne vous en veux pas. Voyez combien Dieu
est bon! il se sert de votre péché même pour la conservation de
vos familles. Allez auprès de notre père; racontez-lui ce que vous
avez vu et entendu, et qu'il se hâte de venir habiter en ce pays
et sous ma protection!» Cela dit, il se jette au cou de Benjamin,
et l'un et l'autre fondent en larmes. Puis il en fait de même à
tous ses frères. Oui, à Juda qui l'a vendu, comme à Ruben qui
avait si mal pris sa défense; à tous, sans exception, il prouve
par ses larmes mêmes qu'il leur accorde un entier pardon, ou
plutôt qu'il n'a jamais cessé de les aimer. Après quoi, ils eurent
entre eux quelques moments d'entretien, et l'on comprend aisément
qu'ils avaient bien des choses à se dire.
45:
16-24
§ 571. Cependant on avait entendu de dehors une
partie de ce qui venait de se passer dans les appartements de
Joseph. Bientôt on sut que les Hébreux étaient ses frères.
Pharaon, que Joseph avait probablement prévenu, donna les mains à
toutes les dispositions qu'il jugerait bon de prendre dans
l'intérêt de sa famille; et, comblés de présents, les fils de
Jacob partirent avec des chariots destinés à ramener leur vieux
père et tous ceux qui lui appartenaient. Ils partent donc. Joseph
qui avait chèrement acquis le droit de les exhorter, Joseph qui ne
craint pas de leur rappeler leurs péchés d'autrefois, précisément
parce qu'il les leur a sincèrement pardonnés, Joseph, plein de
fidélité envers ses frères, à raison même de l'amour qu'il leur
porte, Joseph les congédie en leur disant: «Ne vous querellez
point par le chemin.»
XLIV. Israël en Égypte.
45:
25-28
§ 572. Par un procédé plein de délicatesse,
Joseph n'avait point gardé Benjamin près de lui, afin de ne pas
exercer une sorte de contrainte sur le cœur de Jacob. Qu'on se
représente donc la joie du vieillard en voyant revenir tous ses
fils. Ils avaient sans doute hâté le pas, et, devançant les
chariots et les ânes, ils s'étaient présentés à lui dans sa tente
pour lui annoncer bien vite la bonne nouvelle que Joseph vivait,
et même que c'était lui qui gouvernait l'Égypte. Ce récit, loin de
réjouir le patriarche, ne fit d'abord que le troubler, jusqu'à le
priver de connaissance, car il ne pouvait croire ses fils. Ils
l'avaient si souvent trompé! Cependant, quand ils se mirent à lui
répéter les discours de Joseph; quand ils lui firent voir les
chariots qu'il leur avait confiés; quand Benjamin lui-même joignit
son témoignage à celui de ses frères, Israël comprit alors qu'on
ne l'abusait pas: «C'est assez,» dit-il, «Joseph, mon» fils, vit
encore. J'irai et je le verrai avant que je» meure.»
46:
1-4
§ 573. Jacob faisait-il bien d'obtempérer si
promptement aux vœux de Joseph? Son devoir n'était-il pas de
demeurer au pays de la promesse? Avait-il des signes suffisants
que l'Éternel l'appelait réellement en Égypte? Il est à présumer
que ces pensées occupèrent l'esprit du patriarche. C'est ce qui
expliquerait la halte qu'il fit à Béerscébah et la révélation
qu'il y reçut du Seigneur. Béerscébah était tout au midi du pays
de Canaan. Ce fut là qu'Abraham planta un bois de chêne, et qu'il
invoqua le nom de l'Éternel (Chap. XXI, 33), là qu’il habita
quelque temps (Chap. XXII, 19), là aussi qu'Isaac se trouvait avec
sa famille lorsque Jacob était jadis parti pour Caran (Ch. XXVIII,
10). Or, après que le patriarche eut offert son culte à l'Éternel,
la nuit lui apporta une vision dans laquelle le Dieu Fort, le Dieu
de son père, l'encourageait à poursuivre son chemin, lui annonçant
que sa famille deviendrait en Égypte une grande nation, que la
protection divine y reposerait sur sa personne, que Joseph lui
fermerait les yeux et qu'il reviendrait certainement en Canaan.
Nous verrons comment ces promesses se réalisèrent. En attendant,
n'est-il pas vrai qu'on est heureux quand on ne fait aucune
démarche sans être éclairé par la Parole du Seigneur?
46:
5-27
§ 574. Voilà donc comment Jacob partit enfin
pour l'Égypte, emmenant avec lui sa famille et tout ce qu'il
possédait. À cette occasion, l'historien sacré nous donne les noms
des fils et des petits-fils de Jacob, y compris Dina, fille de
Léa, et Sérah, fille d'Ascer. On ignore pourquoi ces deux-là sont
nommées et non pas les autres, ou plutôt on comprend bien que,
dans les généalogies, les noms des hommes sont les plus
importants, mais alors on ne voit pas ce que ceux de Dina et de
Sérah font en cet endroit. Le Saint-Esprit a eu sans doute quelque
raison qu'il nous importe peu de connaître, puisqu'il ne l'a pas
dite.
§ 575. Il est encore à observer sur ce sujet que, si l'écrivain sacré indique tous ces fils d'Israël comme étant venus avec lui en Égypte, cela ne doit s'entendre que de la plupart; car, au verset 26, le nombre en est porté à soixante-dix; mais pour obtenir ce chiffre, il faut compter Joseph et ses fils, qui ne descendirent point en Égypte avec Jacob. Or, il doit en avoir été de même des petits-fils de Juda dont il est parlé au verset 12, et de quelques-uns des fils de Benjamin, à moins qu'il n'ait eu plusieurs femmes. En conséquence, cette liste nous donne les noms des fils d'Israël qui entrèrent avec lui en Égypte, puis, ceux de Joseph et de ses fils, qu'il y rejoignit, les noms enfin de quelques-uns des petits-fils de Jacob qui y naquirent avant sa mort.
46:
28-34
§ 576. Dès que Joseph apprit que sa famille
était arrivée, il accourut au pays de Goscen pour embrasser ce bon
et respectable père qu'il n'avait pas vu depuis tantôt vingt-trois
ans. Que de douces émotions remplirent leur cœur à l'un et à
l'autre! Joseph fit preuve encore une fois de son affectueuse
sensibilité. Jacob, quant à lui, déclara qu'il mourrait content,
maintenant qu'il avait retrouvé son fils et que l'Éternel avait
daigné mettre un terme aux épreuves de sa vie. Après quoi Joseph,
obligé de retourner à ses devoirs publics, expliqua aux siens de
quelle manière ils auraient à se conduire envers Pharaon. Les
Égyptiens, généralement voués à l'agriculture, méprisaient et
détestaient les peuples bergers (§
566); Israël et ses fils, en faisant connaître qu'ils
n'avaient pas d'autre occupation que le soin des bestiaux,
obtiendraient par là, sans même le demander, d'être placés dans le
territoire de Goscen, contrée de pâturages où ils vivraient isolés
et plus libres. Or, c'est justement ce que Joseph voulait et ce
que l'Éternel voulait aussi.
47:
1-10
§ 577. Ce fut de cette manière que la chose se
passa. Joseph ayant présenté cinq de ses frères à Pharaon, il fut
convenu que toute sa famille s'établirait dans le pays de Goscen.
Pharaon se montra même très disposé à lui confier le soin de ses
troupeaux et il lui voua une grande affection pour l'amour de
Joseph. Après cela, Jacob aussi fut présenté au roi, et, avec
l'autorité que lui donnaient ses cheveux blancs et sa piété si
longtemps éprouvée, Israël bénit Pharaon. Celui-ci, frappé de
l'air vénérable du patriarche, lui demanda quel âge il avait, et
Jacob lui fit cette réponse remarquable: «Les jours des années de
mes pèlerinages sont cent trente ans; les jours des années de ma
vie ont été courts et mauvais, et n'ont point atteint les jours
des années de la vie de mes pères du temps de leur pèlerinage.»
Que mes jeunes lecteurs écoutent bien de quelle manière le
patriarche Jacob parle de sa vie; car ce qu'il dit est vrai de
tous les hommes. Si nombreuses que soient nos années, elles ne se
composent que de jours, et comme une journée passe vite! Notre vie
aussi n'est qu'un pèlerinage, une route que nous faisons vers
l'éternité; et combien d'embarras et de déceptions, combien de
fatigues et de péchés qui font ce voyage aussi mauvais qu'il est
court!
§ 578. Quant à Jacob en particulier, voyez comme, en effet, sa carrière avait été une migration perpétuelle, d'un endroit de Canaan à un autre, de Canaan à Caran, puis, maintenant en Égypte; rappelez-vous les terribles épreuves de sa vie, depuis son départ de chez son père jusqu'à celui de Benjamin il y avait quelques mois; considérez, enfin, la longue vie d'Abraham , et d'Isaac, et d'Héber, et d'autres encore comparée à la sienne, alors vous comprendrez parfaitement qu'il ait pu tenir le langage qu'il fit entendre à Pharaon.
§ 579. Il avait donc 130 ans à cette époque, ce vieillard vénérable qui portait en son corps et en son âme les traces de son ancienne lutte avec l'Ange (§ 481). Joseph, il est facile d'en faire le calcul, devait en avoir à peu près 40. Jacob comptait donc 90 ans quand Joseph naquit. D'où il est facile de déduire qu'il était âgé de plus de 70 ans lorsqu'il dut fuir de la maison paternelle (§ 442). Soixante ans s'étaient écoulés dès lors, et, bien qu'il eût vu Isaac atteindre sa cent quatre-vingtième année, il est évident qu'il se regardait, quant à lui, comme au terme de sa course. Cependant, l'Éternel lui réservait quelque repos ici-bas avant de l'introduire dans le repos de l'éternité.
47:
11-26
§ 580. Jacob, ayant pris congé de Pharaon en le
bénissant une seconde fois, rejoignit les siens au pays de Goscen
dans le territoire de Rhamesès, où Joseph entretint son père et
ses frères, en sorte qu'ils ne manquèrent de rien. C'est ainsi que
Dieu pourvoit aux nécessités de ses enfants. Quant aux Égyptiens,
grâce à Joseph, ils purent aussi traverser les sept années de
famine; mais, pour se procurer du blé, ils se virent obligés de
donner en échange d'abord leur bétail, puis leurs terres, en sorte
que tout le pays appartint réellement au roi, sauf les domaines
des sacrificateurs. Qu'est-ce, en effet, que l'homme ne donne pas
pour avoir du pain, et combien il serait à désirer qu'on fît les
mêmes sacrifices pour obtenir le pain spirituel nécessaire à son
âme! Puis, lorsque toutes les terres eurent passé dans les mains
de Pharaon, Joseph les remit au peuple en fermage. Il leur fournit
de quoi les ensemencer, mais sous la condition que la cinquième
partie du produit appartiendrait à la couronne. Cet ordre de
choses subsista durant des siècles, et, de cette manière,
l'administration de Joseph laissa de longs souvenirs en Égypte.
§ 581. Par suite de ces diverses opérations, il fut facile à Joseph d'assigner à sa famille tout le territoire qui lui était nécessaire, non seulement pour les premiers temps, mais encore pour l'époque où elle se serait accrue, ce qui ne manqua pas d'arriver, comme l'Éternel l'avait annoncé à Abraham autrefois et plus récemment à Jacob. Celui-ci, néanmoins, ne vit que le commencement de cette admirable prospérité; dix-sept ans après être arrivé en Égypte, il mourut. C'est-à-dire que Joseph eut la joie de nourrir et de soigner son père, précisément le même nombre d'années qu'il avait lui-même passées en Canaan, nourri et soigné par Jacob. Oh! combien les enfants doivent s'estimer heureux lorsque Dieu leur accorde la grâce de répandre quelques bienfaits sur les vieux jours de leurs parents! Et quel horrible spectacle de voir quelquefois des hommes, eux-mêmes pères de famille, négliger les auteurs de leur existence et aller, dans une horrible impiété, jusqu'à désirer leur mort!
§ 582. Jacob mourut donc à l'âge de 147 ans. Mais encore ici ce fait nous est raconté par anticipation, comme nous l'avons vu pour Abraham et pour Isaac (§§ 401, 499); car, avant de mourir, Jacob fit et dit plusieurs choses que la Parole de Dieu rapporte avec détail, à cause de leur grande importance.
XLV. Prophéties d'Israël.
47:
29,
30
§ 583. Israël, sentant les approches de la
mort, fit venir auprès de lui son cher Joseph. D'après ce que Dieu
lui avait dit avant son départ pour l'Égypte (XLVI, 4), il aurait
pu croire qu'il lui était réservé de revoir le pays de Canaan et
que ce serait là que Joseph lui fermerait les yeux; mais
maintenant il comprend que cette prophétie devait s'entendre de sa
postérité, et, pour attester sa foi, il fit promettre à Joseph de
ne point l'enterrer en Égypte, mais de le déposer dans le sépulcre
de ses pères. C'était une manière de rappeler sans cesse à ses
fils et à ses petits-fils la promesse que l'Éternel avait faite à
Abraham et dont ils étaient les héritiers. Au reste, Jacob voulut
que Joseph accompagnât son engagement de la même formalité
qu'Abraham avait exigée de son serviteur Elihézer (§
377); il le lui demanda d'ailleurs comme une grâce, bien sûr
qu'il tiendrait fidèlement sa promesse. C'est ce que signifient
ici les deux mots de gratuité et de vérité.
47:
31
§ 584. Cela fait, Israël se prosterna sur le
chevet de son lit, ou, selon une autre manière de lire l'hébreu,
sur le haut de son bâton, car c'est le même mot avec le simple
changement des voyelles, comme seraient les mots français porte et
perte. Si on lit de la seconde manière, c'est-à-dire sur le haut
de son bâton, nous voyons le vieux patriarche prier dans la
posture de quelqu'un qui est à la fin de son pèlerinage. Quoi
qu'il en soit, nous le retrouvons ici avec toute sa piété: telle
vie, telle fin.
48:
1-6
§ 585. Cependant Jacob n'était pas encore au
dernier terme de sa course. Mais, quelque temps après, il devint
sérieusement malade et Joseph accourut avec ses deux fils. Quand
ils furent vers leur père, celui-ci. Reprenant ses forces, leur
rappela les promesses que le Dieu Fort lui avait faites à Luz, ou
autrement à Béthel (§ 435),
notamment celle de donner le pays de Canaan à sa postérité. Puis,
il déclara comme sa volonté dernière que les deux aînés de Joseph
seraient comptés au nombre de ses fils, à l'égal de Ruben, de
Siméon et des autres; qu'ils deviendraient ainsi les pères de deux
tribus en Israël. Quant aux fils que Joseph avait eus et à ceux
qu'il aurait après, leurs descendants se classeraient parmi les
enfants d'Ephraïm et de Manassé. Voilà la part qui fut faite à
Joseph: une part double de ses frères. Avouons qu'il l'avait bien
méritée.
48:
7
§ 586. On ne voit pas d'abord ce que vient
faire ici le souvenir que Jacob donne à sa chère Rachel, morte il
y avait une cinquantaine d'années. Mais rappelons-nous que c'est
un vieillard près d'expirer. Ses idées ne se suivent peut-être pas
très bien. Ou plutôt, à l'occasion des deux petits-fils de Rachel
qu'il va bénir, la plaie qu'il portait dans son cœur depuis si
longtemps se r’ouvre et saigne quelque peu. Et puis, il veut que
les enfants de Rachel sachent où dépose le corps de leur mère, et
il explique pourquoi il ne l'a pas enterrée dans la caverne de
Macpéla, près d'Abraham et de Sara.
48:
8-14
§ 587. Pendant que Jacob avait dit cela, les
deux fils de Joseph, jeunes gens de vingt et quelques années,
s'étaient approchés de leur vénérable grand-père. Celui-ci, assis
sur le bord de son lit, les avait pris dans ses bras, et, après
avoir exprimé, pour la centième fois peut-être, sa reconnaissance
envers Dieu de ce qu'il lui avait fait revoir Joseph et embrasser
ses enfants, il s'apprête à les bénir. Joseph plaça ses deux fils
de manière que la main droite de Jacob se posât sur la tète de
Manassé l'aîné, et la gauche sur celle d'Ephraïm. Mais ce n'est
pas ainsi que l'entendait Israël. Croisant ses mains, il mit sa
droite sur le cadet et la gauche sur l'aîné. Quand je dis que ce
n'est pas ainsi que l'entendait Israël, j'aurais dû dire Dieu; car
vous verrez par la suite qu'Ephraïm tint, en effet, parmi les
tribus d'Israël, une place beaucoup plus considérable que Manassé.
Or assurément, ce n'est pas Jacob qui a fait cela; en sorte que
c'est bien Dieu lui-même qui a béni Ephraïm par la bouche de son
aïeul. Cette bénédiction doit vous rappeler celle de Noé (§
233), et ici, comme là, comme dans le cas de Jacob et
d'Esaü, vous pouvez remarquer que Dieu distribue ses grâces à qui
il lui plaît.
48:
15-22
§ 588. Ce fut donc ainsi que Jacob bénit Joseph
dans la personne de ses deux fils; c'est-à-dire qu'il implora sur
eux la bénédiction du Dieu de ses pères, de celui qui l'avait
conduit et nourri comme un berger paît ses brebis, de l'Ange qui
l'avait délivré de tout mal, de cet Ange-Jéhovah avec lequel il
avait lutté à Péniel, et qu'Abraham et Isaac avaient vu aussi bien
que lui; puis il annonça qu'ils porteraient son nom d'Israël,
outre leur nom de fils d'Abraham et d'Isaac. Tout cela s'est
accompli, de même que ce qui est dit au verset 19, et au
verset 22. Ce dernier verset est d'autant plus remarquable
que Jacob n'avait rien conquis sur les Amorrhéens, mais le
Saint-Esprit lui faisait voir d'avance les victoires que sa
postérité remporterait, et il annonce par sa bouche que les fils
de Joseph auraient une double portion dans le partage du pays.
49:
1-2
§ 589. Toujours animé de ce même Esprit de
prophétie, Jacob fit venir près de lui tous ses enfants et leur
déclara, de la part de Dieu, ce qui arriverait à leur postérité
dans la suite des siècles et jusque dans les derniers jours, comme
on peut aussi traduire; en sorte qu'il faut nous attendre à
trouver là des prédictions qui ont trait à des temps fort éloignés
de celui où vivait Jacob, et même à l'époque de la venue de notre
Sauveur. Tout ce discours de Jacob est d'un style très différent
de ce qui précède. C'est de la poésie, l'Esprit Saint lui ayant
donné cette forme de langage afin de rendre plus solennel ce que
Jacob avait à dire. Cette prophétie présente d'ailleurs certaines
difficultés, mais, selon ma coutume, j'attendrai que
l'accomplissement vienne les éclaircir. Je m'en tiens donc pour le
moment à de courtes indications.
49:
3-4
§ 590. En suivant l'ordre de primogéniture,
Jacob prophétise d'abord que la tribu de Ruben, bien qu'issue de
l'aîné, n'exercerait point la suprématie sur les autres tribus. Le
Saint-Esprit, pour montrer l'horreur que lui inspire le péché,
nous présente cela comme un châtiment du crime que Ruben avait
commis envers son père (§ 498).
Ce jugement de Dieu doit rappeler à mes lecteurs l'histoire assez
semblable de Cam, le fils de Nos (§§ 231,
232).
49:
5-7
§ 591. Siméon et Lévi s’étaient ligués jadis
pour commettre les actes d'une horrible vengeance (§§ 489,
490). En punition de ce
forfait, leurs tribus seront dispersées parmi les autres; ce sera
pour elles une sorte d'opprobre et surtout une cause de faiblesse.
49:
8-12
§ 592. Juda aussi se rendit bien coupable.
Cependant ce fut lui qui revint le premier à de meilleurs
sentiments (§ 568).
D'ailleurs, l'Éternel accorde sa grâce à qui il lui plaît. Le nom
de Juda signifie louange de Dieu (§
447). Le Saint-Esprit, faisant allusion à ce nom qui lui
avait été donné lors de sa naissance, déclare que ses frères le
loueront, ou l'honoreront; qu'en lui résidera la gloire de son
peuple; qu'il sera en Israël comme le lion au milieu des autres
animaux; qu'il portera le sceptre; qu'il sera plein de force et
riche en grâces spirituelles comme en biens terrestres. À lui donc
appartiendra la suprématie et il la conservera jusqu'à la venue du
Scilo, ou Shiloh. Ce mot peut être rendu de diverses manières. Il
signifie Envoyé, ou le Fils, ou le Messager de la paix, ou Celui
qui possède la puissance et l'empire. C'est à ce Scilo
qu'appartient l'assemblée des peuples (§
431).
§ 593. Or, qui est cet Envoyé puissant, ce Fils qui est le Messager de la paix, qui est-il sinon le libérateur promis à Adam (§ 102), et à Abraham (§§ 362, 367), et cet Ange-Jéhovah, qui avait apparu plusieurs fois à Jacob et à ses pères? Mais voyez comme la prophétie est allée s'éclairant progressivement d'une plus grande lumière, quant à la famille d'où il sortirait. D'abord, elle dit simplement qu'il serait homme, né d'une femme (chap. III, 15); puis, on voit qu'il descendra de Sem et non de Japhet, ni de Cam (chap. IX, 26); parmi les enfants de Sem, c'est d'Abraham qu'il sortira, par Isaac et Jacob (chap. XXI, 12; XXVI, 4); enfin d'entre les fils de Jacob, c'est Juda qui aura la gloire d'être, selon la chair, le père du Libérateur promis à Adam. Et, pour marquer son étonnante puissance, aussi bien que les richesses de sa grâce, le Saint-Esprit fournit à Jacob des images d'une grande et belle hardiesse: «Il attache à la vigne son ânon, etc.» (vers. 11, 12).
49:
13-21
§ 594. Jacob continuant son discours
prophétique, annonce que la tribu de Zabulon occupera les rivages
de la mer, que celle d'Issachar sera riche en bestiaux et peu
active; que celle de Dan, terrible à la guerre, aura une part
glorieuse au gouvernement d'Israël, comme son nom même l'indiquait
(§ 450); que Gad, souvent
subjugué, saura pourtant aussi se défendre; qu'Ascer sera riche en
produits de la terre; que Nephtali aura plus de souplesse que de
force, et que les hommes de cette tribu se feront généralement
aimer; car, au lieu de beaux discours, il faudrait plutôt des
discours aimables.
§ 595. Cependant, Jacob avait interrompu sa prophétie pour s'écrier: O Éternel! j'ai attendu ton salut, ou plutôt-, J'attends ton salut! Jéhovah! Il venait de parler des victoires que remporteraient les Danites; mais qu'est-ce là auprès du grand salut de Dieu? Voilà ce qui a fait ma force et ce qui fait maintenant ma consolation. Oh Jéhovah! j'attends ton salut! Quelle belle — confession dans la bouche d'un mourant!
49:
22-28
§ 596. Il restait à bénir les fils de Rachel.
La postérité de Joseph sera fort nombreuse, car elle comprendra
deux tribus: Ephraïm et Manassé. Il a eu bien des épreuves; on a
même voulu attenter à sa vie, mais il a été délivré, et il est
devenu le pasteur et la pierre d'Israël. C'est lui, en effet, qui
a nourri sa famille, qui l'a gouvernée et qui en a été comme la
pierre fondamentale. Aussi de grandes bénédictions seront son
partage, et toutes ces bénédictions ne sont après tout que le type
de celles qui reposent sur la tête de son frère le Nazarien, ou le
Consacré, ou le Séparé, ou encore le Saint.
§ 597. Ce Nazarien, frère de Joseph, ne saurait être que notre Seigneur Jésus-Christ. Issu d'un des frères de Joseph, il s'est consacré volontairement pour nous et il a voulu que Joseph lui servît de type d'une façon bien remarquable. Je vous ai dit ce que c'est qu'un type (§ 364). Vous avez vu comment Isaac est type de Jésus-Christ. Quelques mots me suffiront pour vous faire admirer les rapports qui existent entre notre Sauveur et le patriarche Joseph.
§ 598. Comme celui-ci fut particulièrement aimé de son père, haï de ses frères parce qu'il devait régner sur eux, vendu par Juda et, pour ainsi dire, mis à mort par les siens; de même Jésus, le bien-aimé du Père, s'est vu haï par les Juifs ses frères, comme il l'est encore par une foule d'hommes, et il a été vendu par un de ses apôtres, nommé aussi Judas. Notre Seigneur a pris la forme d'un serviteur; comme Joseph, né libre, devint esclave. Joseph fut tenté au mal et résista; Jésus de même fut tenté par l'Adversaire et celui-ci dut s'enfuir. Dans sa prison, Joseph se vit entre deux malfaiteurs, dont l'un fut gracié et l'autre pendu selon la parole qu'il leur avait dite. Pareillement, notre Jésus a souffert sur la croix entre deux pécheurs, dont l'un fut assuré du paradis de la bouche même du Sauveur. Ainsi, Joseph vécut pendant quelque temps dans un abaissement semblable à celui de notre Seigneur.
§ 599. Et puis, de même que Jésus-Christ a été souverainement élevé, Joseph reçut une grande gloire en échange de l'ignominie qu'il n'avait pas méritée; et comme tout ce qui lui arriva eut pour but le bien de sa famille et la délivrance de l'Égypte, au point qu'il reçut le nom de Sauveur du monde (Tsaphenath-Pahanéah), de même, tout ce que notre Seigneur a souffert c'est pour les siens, et c'est encore pour les siens qu'il règne dans le Ciel. On pourrait ajouter que, si «Jésus a été établi Prince et Seigneur, afin de donner la repentance et la rémission des péchés par son nom,» Joseph aussi fut l'instrument dont Dieu se servit pour procurer à ses malheureux et coupables frères la repentance et la paix. Voilà comment Joseph fut une prophétie vivante de Jésus-Christ, ce que le Saint-Esprit a voulu nous donner à entendre dans la belle prédiction de Jacob. C'est Jésus-Christ plus que Joseph qui est le souverain pasteur d'Israël et la pierre de l'angle sur laquelle repose l'édifice de l'Église.
§ 600. Il n'y avait plus à parler que de Benjamin, et Jacob annonce, en deux mots, que sa tribu sera remarquablement belliqueuse. Deux mots seulement sur son cher Benjamin! Quelle preuve que Jacob, dans tout ce discours, n'a pas parlé selon son cœur naturel, mais selon qu'il y fut poussé par le Saint-Esprit.
XLVI. Mort de Jacob et de Joseph.
49:
29-33
§ 601. Jacob avait déjà exprimé la volonté de
sa foi au sujet de sa dépouille mortelle (§ 583). Il crut devoir
la répéter devant tous ses fils, demandant qu'on l'enterrât dans
la caverne de Macpéla, à côté d'Abraham , d'Isaac, de Sara, de
Rebecca et de Léa. Un autre que Jacob aurait probablement exigé
que son corps fût déposé à Ephrat, près de la femme qu'il avait
tant aimée. Mais non; bien que, sur son lit de mort, il eût encore
donné une larme à sa chère Rachel (§
586), son affection, autrefois passionnée, est devenue une
sainte affection; Jacob n'hésite pas à préférer d'être placé avec
Abraham et Isaac qui avaient, comme lui, reçu les promesses
magnifiques du Seigneur. Toujours est-il que nous avons là une
nouvelle preuve de sa foi et un bel exemple de l'empire que la foi
peut exercer sur les affections naturelles. — Quand Jacob eut
achevé de donner ses ordres, il rentra dans son lit, sur lequel il
s'était assis pour parler à ses enfants. Dieu lui avait
momentanément prêté une force extraordinaire; car, peu après avoir
achevé son discours, il expira; son âme fut recueillie vers ses
pieux ancêtres (§ 398),
et ainsi se termina la carrière terrestre de celui qui fut à la
fois le père et le type des fidèles.
50:
1-13
§ 602. Après que Joseph eut donné quelques
instants à une douleur aussi légitime que vivement sentie, il fit
embaumer le corps de son père, opération qui dura quarante jours.
Les Égyptiens, eux-mêmes, portèrent le deuil du père de leur
bienfaiteur. Puis, avec la permission de Pharaon, toute la famille
de Jacob, accompagnée de beaucoup d'Égyptiens, et des principaux
d'entre eux, se transporta au pays de Canaan pour rendre les
derniers devoirs à la dépouille mortelle du patriarche. Il y eut
sept jours de lamentations (une semaine, §
445), et les Cananéens furent si frappés et si touchés de ce
spectacle qu'ils appelèrent cet endroit Abel-Mitsraïm,
c'est-à-dire le deuil des Égyptiens. C'était, dit Moïse, au-delà
du Jourdain; mais, pour s'orienter, il faut se rappeler que, au
moment où Moïse écrivait cette histoire, il n'était pas en Égypte:
il se trouvait, avec tout Israël, sur le chemin du pays de Canaan,
par la frontière orientale, ou tout au moins sud-est. Or,
relativement à cette frontière, la caverne de Macpéla était bien
située au-delà du Jourdain.
50:
14-15
§ 603. Après qu'ils furent de retour en Égypte,
les frères de Joseph commencèrent à craindre que, leur père étant
mort, Joseph ne songeât à se venger du mal qu'ils lui avaient
fait. Ils rendaient ainsi un bel hommage à sa piété filiale; mais
en le croyant capable de sentiments pareils à ceux d'Esaü (§
427), ils méconnaissaient d'une étrange manière son cœur
fraternel et la crainte qu'il avait de Dieu. Hélas! comme cela
n'arrive que trop souvent, ils le jugeaient peut-être d'après ce
qu'ils étaient eux-mêmes, ou du moins d'après ce qu'ils avaient
été.
50:
16
§ 604. Ce qui, du reste, explique assez bien
les craintes des fils de Jacob, c'est que leur père avait exigé
qu'ils demandassent de nouveau pardon à Joseph. Notre père pensa
donc qu'il pourrait nous vouloir encore du mal, dirent-ils entre
eux! Mais non; Jacob n'avait eu d'autre intention que de resserrer
toujours plus les liens qui devaient unir ses fils, après sa mort
plus que jamais. Il savait parfaitement ce qui arriverait, et
comme quoi, par cette démarche même, ses fils acquerraient une
nouvelle certitude de l'entière grâce que Joseph leur avait
accordée. C'est ainsi que les enfants de Dieu s'affermissent dans
la paix du Sauveur, en renouvelant fréquemment la confession de
leurs péchés et la demande du pardon, bien qu'ils sachent que Dieu
ne retire pas ses promesses; et quand on a un vrai repentir, on ne
craint pas de se souvenir de ses fautes, d'en parler à ceux qu'on
a offensés, de se les entendre rappeler par eux.
50:
17-31
§ 605. Les fils de Jacob n'avaient pas osé se
présenter eux-mêmes devant Joseph, et celui-ci fut profondément
ému à l'ouïe des paroles qui lui furent dites de leur part. Cet
aveu de leur crime et de leur péché, cette demande de pardon,
demande si humble et faite au nom du Dieu de son père, cette
pensée enfin que c'est Jacob lui-même qui le supplie par la bouche
de ses fils, tout cela trouve facilement accès dans l'âme sensible
et élevée de Joseph. Aussi quand ses frères se furent jetés à ses
pieds, s'en remettant à sa discrétion: «Ne craignez point,» leur
dit-il. Non, ne craignez rien de moi. «Suis-je en la place de
Dieu?» C'est Dieu surtout que vous avez offensé, c'est lui qui
aurait le droit de punir, c'est de lui que vous devez chercher le
pardon. Or, que ne devez-vous pas espérer de sa grâce! Voyez déjà
comment il a fait sortir le bien du mal. Ce n'était pas à dire
qu'ils pussent se vanter de n’avoir pas mal agi, mais enfin cela
montrait combien Dieu est bon et puissant. «C'est pourquoi, répète
Joseph, ne craignez point maintenant; je vous entretiendrai, vous
et vos familles; et il les consola et leur parla selon leur cœur.»
Telle est la charité que le Saint-Esprit met dans l'âme des
enfants de Dieu; une charité toute divine, car c'est ainsi que le
Seigneur fait aux pécheurs qui s'approchent de lui avec humilité,
il les rassure, les console et leur parle selon leur cœur.
§ 606. Si nous avions pu étudier l'histoire de Joseph sans nous sentir portés à aimer cet homme cher à Dieu, le dernier trait que nous venons de lire devrait lui gagner notre affection. Quel beau caractère que celui de ce patriarche! Peu d'individus ont réuni autant que lui ce qui est agréable à Dieu et aux hommes. D'un extérieur attrayant et de mœurs douces et pures, Joseph fut éminent par les facultés de son intelligence, par son exquise sensibilité jointe à une grande force de volonté, plus encore par sa foi, par sa charité et par ses habitudes pieuses. Pour le bonheur de ses enfants et de ses petits-enfants, il vécut 53 ans depuis la mort de son père. Dieu lui fit la grâce d'asseoir sur ses genoux les petits-fils d'Ephraïm et de Manassé, quoiqu'il ait vu bien moins d'années que ses ancêtres; ce qui, pour le dire en passant, nous montre que les descendants de Jacob se marièrent beaucoup plus jeunes que ne l'avaient fait Abraham, Isaac et surtout Jacob lui-même.
§ 607. Près de mourir, Joseph réunit vers lui ses frères, c'est-à-dire non seulement ceux de ses propres frères qui n'étaient pas encore morts, mais de plus tous les autres chefs de famille des fils d'Israël, qui étaient aussi ses frères dans un sens qu'il est facile de comprendre. C'était pour leur adresser des paroles de foi propres à les fortifier en Dieu. Joseph leur annonça donc que le Seigneur les ferait certainement retourner au pays de Canaan, sinon eux-mêmes, du moins leur postérité. Ce n'était pas là proprement une prophétie, car Joseph ne faisait que rappeler les promesses de Dieu. Mais, afin d'attester à ses frères qu'il y croyait réellement, il leur ordonna d'embaumer son corps et de le conserver jusqu'au moment où ils retourneraient en Canaan. Par cet ordre, Joseph rendit aux siens un service non moins éminent que tous les autres. Il leur donna un bel exemple de foi, il attira leurs pensées vers Dieu, et sa dépouille mortelle demeura parmi eux, non comme un souvenir seulement de ce qu'il leur avait été, mais plutôt comme un gage des promesses du Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. — Joseph mourut donc âgé de 110 ans; son corps fut embaumé, et sa famille le déposa provisoirement dans un cercueil.
XLVII. La Providence.
§ 608. Avant de quitter ce beau livre de la Genèse, qui a fait passer devant nos yeux un si grand nombre d'événements et tant d'instructions diverses, je veux communiquer à mes lecteurs celles qu'il nous donne en particulier sur la manière dont l'Éternel gouverne le monde, ou sur ce qu'on appelle la divine Providence. C'est l'histoire de Joseph qui nous les fournira, parce qu'il n'en est aucune qui nous soit racontée avec autant de détails, et que d'ailleurs elle nous met sur la voie par les paroles mêmes que Joseph fit entendre à ses frères et dont nous devons avoir le souvenir très-présent (Chap. XLV, 5,7, 8; L, 20).
§ 609. En toutes choses, Dieu se propose un but et il agit d'après un plan arrêté dans son conseil. Il voulait que la famille de Jacob habitât une contrée où, aimée et protégée, elle pût s'agrandir plus facilement et plus librement que cela ne lui eût été possible dans le pays de Canaan. C'est par cette raison qu'il la fit venir en Égypte. Mais il fallait que les Égyptiens consentissent à la recevoir, et que, pour lui accorder une protection particulière, ils eussent des obligations à Jacob ou à quelqu'un des siens. Or, c'est là ce qui eut lieu, grâce à Joseph. Mais combien de circonstances ne furent-elles pas nécessaires pour l'amener au gouvernement de l'Égypte! Les songes de Pharaon et l'explication qu'en donna Joseph, ceux de l'échanson et du panetier, l'emprisonnement du fils de Jacob, sa noble résistance aux coupables sollicitations de la femme de Potiphar, son esclavage, la haine de ses frères, l'avarice de Juda, la faiblesse de Ruben, l'imprudence avec laquelle Jacob montra sa préférence pour le fils de Rachel et même les mouvements d'orgueil dont celui-ci se rendit peut-être coupable: tout cela concourut à l'exécution des desseins de Dieu. Ce qui, d'une manière générale, y concourut plus encore, ce furent les grâces spirituelles dont le Seigneur enrichit l'âme de Joseph et la haute intelligence dont il le doua dès sa naissance, pour ne rien dire de ses avantages extérieurs.
§ 610. Les moyens que la Providence emploie sont en général fort simples. Dans toute l'histoire de Joseph, vous ne trouvez pas d'autres faits miraculeux que l'explication qu'il donna des songes de Pharaon et de ses officiers; car, dans ces songes eux-mêmes, comme dans les sept années de famine, il n'y a proprement pas de miracle. Mais il est à remarquer comment Dieu adapte à ses plans et les hommes et les choses. D'un côté, Jacob, Joseph et ses frères, Potiphar et sa femme, l'échanson, sans oublier les marchands ismaélites, d'un autre côté, la robe bigarrée, la citerne vide, la sécheresse, et par conséquent les vents et la pluie. Tout se range sous les lois de Dieu pour exécuter sa volonté.
§ 611. Et puis, avec quelle admirable puissance Dieu ne se sert-il pas des méchants comme des bons! Dans l'histoire de Joseph, on ne sait dire ce qui a eu sur son sort le plus d'influence, de sa piété ou de l'impiété de ses frères, de la compassion qu'il eut pour l'échanson ou de l'ingratitude de ce seigneur. En effet, l'avarice de Juda, l'impudicité de la femme de Potiphar, l'oubli prolongé de l'échanson, tout cela semble avoir été nécessaire pour que l'Éternel arrivât où il voulait. Cependant qu'on n'imagine pas qu'il ait besoin de nos péchés. Ce n'est pas une aveugle destinée qui gouverne le monde. Dieu dispose de mille moyens pour arriver à ses fins. Croyez que si les fils d'Israël n'avaient pas haï et vendu leur frère, l'Éternel aurait également pu conduire Joseph auprès de Pharaon pour lui expliquer ses songes, ou, d'une manière quelconque, l'élever au pouvoir. Voici donc ce qu'il y a d'admirable dans la Providence de Dieu, c'est que, sans contraindre les hommes, elle fait tourner à l'accomplissement de sa volonté, même les choses qu'ils font contre sa volonté, c'est-à-dire leurs péchés et leurs passions.
§ 612. Voulez-vous un nouveau sujet d'admiration? Observez comment les faits de l'histoire de Joseph se lient aux faits antérieurs. Il est aimé de Jacob et haï de ses frères parce qu'il est le fils de Rachel. Jacob a eu deux femmes par suite de la tromperie de Laban; et, s'il devint son gendre, c'est que Laban était frère de Rebecca et que Jacob avait dû fuir devant Esaü. Mais sa fuite elle-même eut pour cause ses tromperies, et ses tromperies lui furent suggérées par son cœur, mauvais sans doute, mais toutefois par un cœur qui n'était pas incrédule aux promesses de Dieu. En remontant plus haut, nous verrions l'histoire de Joseph se lier à la vocation même d'Abraham, comme elle eut des conséquences très prolongées sur toute la postérité de Jacob. Bien plus, elle rejoint l'histoire de notre Sauveur par celle du peuple d'Israël, en particulier par la prophétie typique dont Joseph est le sujet.
§ 613. Voilà qui nous montre la Providence de Dieu embrassant à la fois tous les siècles et l'ensemble des circonstances les plus diverses; mais remarquons aussi comment il est nécessaire qu'elle s'occupe des moindres détails. À quoi a-t-il tenu, je vous prie, que Joseph ait été vendu, au lieu de périr de faim dans sa fosse? À ce que les marchands Ismaëlites ont passé là plutôt qu'ailleurs, et assurément il n'y avait point en ce temps de grande route. Lorsque l'un d'entre eux dit, le matin: passons par Dothaïn, il ne se doutait pas qu'ils allaient concourir pour leur part à une des grandes œuvres de Dieu! À quoi a-t-il tenu que Joseph ait appartenu à Potiphar plutôt qu'à un autre maître? Si l'intendant de ce seigneur était parti pour le marché aux esclaves quelques minutes plus tard, déjà peut-être Joseph aurait-il été acheté par quelque autre égyptien. C'est ainsi que les petits événements lient les grands, comme on voit un mince fil unir les deux parties du corps d'un insecte. Il est impossible que Celui qui dirige les grandes choses ne dirige pas aussi les petites. Et c'est peut-être dans celles-ci qu'on aperçoit le plus clairement l'intervention divine; car les attribuer au hasard comme on le fait, c'est les attribuer à Dieu, attendu que le hasard n'est rien; ce n'est qu'un mot vide de sens, à moins qu'on n'entende par là une force et une volonté supérieures à celles de l'homme, c'est-à-dire la volonté et la force de la Providence de Dieu.
§ 614. Ainsi la souveraine sagesse dirige, avec une bonté et une puissance non moins souveraines, l'ensemble des êtres et des événements, sans qu'un seul de ces êtres ni de ces événements échappent à son action. D'où il résulte que chaque individu peut envisager tout ce qui se passe comme s'il y était seul intéressé, et sans qu'il prétende par là que Dieu ne s'occupe que de lui. Le plus pauvre et le plus chétif des Égyptiens dut à Joseph sa conservation, aussi bien que la masse du peuple, et il put l'envisager comme établi d'En-Haut pour son avantage particulier, quoique au fond la mission spéciale de Joseph fût de délivrer sa famille et de l'installer en Égypte. Pareillement, lorsque Dieu rend la paix au monde après de longues guerres, chaque individu, même le plus obscur, doit remercier le Dieu qui lui a rendu la paix; un malade qu'un beau jour de printemps vient ranimer dans son lit, après un long hiver, peut et doit remercier Dieu qui lui envoie une saison meilleure; un agriculteur qui voit une pluie abondante succéder à la sécheresse, doit bénir Dieu de ce qu'il arrose ses champs à lui; un pécheur enfin qui s'approche de la croix de Christ, tressaillira de joie de ce que Dieu lui a procuré un Sauveur; et nous qui venons de lire et d'étudier ce beau livre de la Genèse, ne serons-nous pas reconnaissants de ce que Dieu nous l'a donné, ainsi que tout le reste de sa Parole? Car voilà le plus grand des biens que la Providence de Dieu ait faits à chacun de nous. Non seulement elle a voulu que cette Parole fût écrite et conservée, mais encore elle nous a mis sur la terre en des temps et en des lieux où la Bible n'est pas rare; puis elle nous a conservés afin que nous en pussions faire l'étude. Oh! que gloire soit rendue à Dieu pour ce don ineffable!
XLVIII. Chronologie de la Genèse.
§ 615. Il m'a paru qu'il ne serait pas sans intérêt de présenter à mes lecteurs un résumé chronologique de l'histoire contenue dans la Genèse. Pour cela, je n'ai qu'à reprendre les dates que j'ai indiquées au fur et à mesure et les mettre en tableau. Toutefois, je dois en avertir, plusieurs personnes estiment qu'il s'est passé depuis le déluge à Abraham plus de temps que la Bible ne semble indiquer. Ils pensent que la généalogie d'Abraham , contenue au Chapitre XI, n'est pas complète. Il y manquerait plusieurs chaînons, disent-ils. Cela n'est pas impossible, car il arrive assez souvent que la Bible nous donne le nom du grand-père de quelqu'un en supprimant celui de son père; comme par exemple Jacob fils d'Abraham, Laban fils de Nacor. Néanmoins, je m'en tiens à la chronologie que j'ai admise précédemment; car il y a peu d'importance à savoir au juste combien s'écoula de temps entre Abraham et le déluge.
§ 616. Une fois arrivé à Abraham j'indiquerai les années avant la naissance de notre Seigneur, et quel que soit l'intervalle qui sépare le déluge de notre patriarche, il est clair que la période qui s'étend de lui à Jésus-Christ, demeure la même; nous verrons plus tard qu'il y a aussi plus d'une manière de compter les années qu'embrasse ce laps de temps. Après cela, je préviens mes lecteurs que je mettrai un point d'interrogation (?) à côté des dates, qui, même en suivant les données que j'adopte, ne sont pas très certaines.
§ 617. Il faut savoir en outre que, selon des calculs assez généralement suivis, l'ère chrétienne ne coïncide pas exactement avec la naissance de notre Seigneur. Elle est antidatée de quatre années. En sorte que la création du monde serait de l'an 4,000 avant la naissance de Jésus-Christ; la vocation d'Abraham de l'an 1917, et ainsi de suite. Mais tout cela, comme on le conçoit, ne change rien à la vérité des faits.
§ 618. Enfin, si je n'ai pas indiqué à côté de chaque événement une double date, savoir l'an du monde et l'année avant l'ère chrétienne, c'est pour ne pas effrayer le regard de mes lecteurs par une masse de chiffres. Au moyen d'une date, il est toujours facile de trouver l'autre, en cherchant le nombre qui complète 4000 ou 4004 suivant qu'on veut la naissance de Jésus-Christ, ou le commencement de l'ère chrétienne. Ainsi, pour le déluge qui est l'an du monde 1656; si l'on désire savoir combien d'années avant la naissance de Jésus-Christ eut lieu ce grand événement, on dit: de 1656 à 4000, il y a 2344; et s'il s'agit de l'ère chrétienne, on ajoute 4 et l'on a 2348. — Veut-on savoir au contraire quel était l'âge du monde à la mort d'Abraham, arrivée 1822 ans avant l'ère chrétienne, on ajoute à 1822 ce qu'il faut pour atteindre 4004, soit 2182.
Création Du Monde | 4004 | |
An du monde | ||
Mort d'Abel | 120 | ? |
Naissance de Seth | 130 | |
Naissance d'Enos | 235 | |
Naissance de Caïnan | 325 | |
Naissance de Mahalaléel | 395 | |
Naissance de Jéred | 460 | |
Naissance d'Enoch | 622 | |
Naissance de Méthusélah | 687 | |
Naissance de Lémec | 874 | |
Mort d'Adam | 930 | |
Translation d'Enoch | 987 |
|
Mort de Seth | 1042 | |
Naissance de Noé | 1056 | |
Mort de Caïnan | 1235 | |
Mort de Mahalaléel | 1290 | |
Mort de Jéred | 1422 | |
Naissance de Japhet | 1556 | |
Mort de Lémec | 1651 | |
Mort de Méthusélah | 1656 | |
LE DÉLUGE |
||
Naissance d'Arpaçsad | 1658 | |
Naissance de Sélah | 1693 | |
Naissance d'Héber | 1723 | |
Naissance de Péleg | 1757 | |
Fondation de Ninive | 1771 | ? |
Naissance de Réhu | 1787 | |
Naissance de Sérug | 1819 | |
Naissance de Nachor | 1849 | |
Naissance de Taré | 1878 | |
Mort de Noé | 2006 | |
Naissance d'Abraham | 2007 | |
VOCATION D'ABRAHAM |
||
Lot quitte Abraham | 1917 | ? |
Naissance d'Ismaël | 1911 | |
La Circoncision instituée |
1898 | |
Naissance d'Isaac | 1897 | |
Départ d'Ismaël et d'Agar | 1894 | |
Sacrifice d'Abraham | 1867 | ? |
Mort de Sara | 1860 | |
Mariage d'Isaac | 1857 | |
Mort de Sem fils de Noé | 1846 | |
Naissance d'Esaü et de Jacob | 1836 | |
Mort d'Abraham | 1822 | |
Mort d'Héber | 1817 | |
Jacob béni par Isaac | 1760 | ? |
Son mariage avec Léa | 1753 | |
Naissance de Joseph | 1744 | |
Retour de Jacob en Canaan | 1739 | ? |
Naissance de Benjamin . ..... | 1732 | |
Joseph vendu par ses frères | 1727 | |
Joseph en prison | 1717 | ? |
Mort d'Isaac | 1716 | |
Joseph devant Pharaon | 1715 | |
Naissance de Pharez et de Zara | 1714 | ? |
Jacob en Égypte | 1706 | |
Mort de Jacob | 1688 | |
Mort de Joseph | 1634 |
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