Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

XII. Caïn et Abel.

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§ 133. Si vous regardez une page plus loin que l'endroit où nous sommes parvenus, vous verrez au chapitre V, verset 4, qu'Adam eut beaucoup de fils et de filles. La Bible ne nomme aucune des filles d'Adam, et elle ne nous parle que de trois de ses fils, savoir Caïn, Abel et Seth. Quoique cela ne soit pas dit, ils durent avoir pour femmes leurs propres sœurs, comme Adam eut pour femme celle qui était en quelque sorte sa sœur et sa fille.

§ 134. On pense généralement que Caïn fut le fils aîné d'Adam, mais on n'en a pas de preuve positive. Ce qu'il y a de sûr, toutefois, c'est qu'il était l'aîné d'Abel. Quand il naquit, sa mère en eut une grande joie, comme il arrive toujours, et elle en exprima sa reconnaissance envers Dieu dans le langage d'une vraie piété. Quelques personnes supposent qu'Adam et Ève virent en ce petit enfant la postérité promise qui devait briser la tète du serpent (ch. III,15). Il n'y aurait là rien d'impossible; car Dieu n'avait pas dit à quelle époque le Sauveur viendrait, et plus Adam et Ève avaient foi en la promesse, plus il devait leur tarder qu'elle s'accomplît. Quoi qu'il en soit, s'ils eurent raison de s'en réjouir et de bénir Dieu, ils virent plus tard combien nos joies d'ici-bas sont souvent trompeuses par un effet du péché. Hélas! dans ce monde frappé de malédiction, il n'est qu'une seule chose qui puisse produire une joie parfaite à notre âme, c'est la réconciliation avec Dieu!

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§ 135. De même que leur père, les fils d'Adam se livraient aux travaux de l'agriculture et aux soins des troupeaux. Ce sont encore à présent les occupations les plus répandues et au fond les plus utiles, comme aussi les plus favorables à la piété. Il ne faut pas croire cependant que le salut de notre âme dépende absolument de la profession particulière que nous exerçons; Caïn nous en est bien une preuve.

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§ 136. «Au bout de quelque temps...» Il y a proprement en hébreu: «Au dernier des jours,» ou «à la fin des jours,» c'est-à-dire, selon toute apparence, au dernier jour de la semaine, en ce jour que Dieu avait béni et consacré, et où la famille d'Adam offrait son culte à l'Éternel.! Ce culte, en ce qu'il avait d'extérieur, se composait d'offrandes et de sacrifices. On apportait quelques fruits de la terre dont on faisait hommage à Dieu en reconnaissance de ses biens, et, dans la même intention, l'on immolait des victimes qui étaient en outre le mémorial de la sentence que Dieu avait prononcée contre l'homme pécheur, sans parler d'une autre signification que nous verrons plus tard. Caïn, laboureur, offrait des fruits de la terre; Abel, berger, offrait des premiers-nés de son troupeau et de leur graisse. C'est-à-dire qu'il choisissait dans son troupeau ce qu'il avait de plus beau et qu'il consumait au feu la victime; en sorte que c'était vraiment un sacrifice,

§ 137. L'offrande de Caïn était bien aussi une espèce de sacrifice; mais cela n'empêcha pas que celle d'Abel ne fût meilleure que la sienne (Héb. XI, 4). Dieu accueillit l'oblation d'Abel et non pas celle de son frère. Ceux qui pensent que Dieu institua les sacrifices sanglants lorsqu'il revêtit Adam et Ève de robes de peau, n'ont pas de peine à comprendre d'où vient qu'il rejeta le culte imparfait de Caïn. Mais, en étudiant attentivement le texte sacré, l'on voit que ce qui fit essentiellement la différence entre les deux offrandes, ce furent les dispositions très différentes qui animaient les deux frères. Dieu eut égard à Abel d'abord, puis à son offrande par amour pour lui; et s'il n'eut point égard à celle de Caïn, c'est parce que son cœur était demeuré étranger à l'amour de Dieu.

§ 138. Le passage de l'épître aux Hébreux auquel je vous ai renvoyés tout à l'heure, nous dit clairement la chose: C'est par la foi qu'Abel offrit un sacrifice plus excellent que celui de Caïn.» Et vous avez la confirmation de cette vérité dans la 1ere épître do Jean, ch. III, vers. 11 et 12. Caïn «était du malin,» «ses œuvres étaient mauvaises;» voilà finalement pourquoi il fut rejeté de Dieu, qu'il prit de la haine contre son frère et qu'il le tua.

§ 139. Mais avant de raconter cette terrible catastrophe, tâchons de nous rendre un compte exact de ce que Caïn et Abel étaient, l'un et l'autre, devant Dieu. Pécheurs tous les deux assurément, il y a cette grande différence entre eux, que l'un est appelé le juste par notre Seigneur lui-même (Matth. XXIII, 35), et que l'autre nous est donné comme le type des hommes méchants (Jude 11). Cependant, Caïn n'était pas un impie proprement dit, puisqu'il offrait un culte à l'Éternel. Non; mais, d'un autre côté, il ne l'offrait pas dans les sentiments de cette foi humble et confiante qui animait le cœur d'Abel. Celui-ci était un pécheur converti, qui, regardant à la promesse (§ 102), faisait à Dieu l'offrande que Dieu avait instituée. Caïn était un pécheur non converti qui, sans doute, ne sentait pas, comme son frère, le besoin de la grâce de Dieu, et qui, destitué d'une véritable affection pour le Seigneur, lui rendait un culte tout de forme, et naturellement imparfait dans sa forme même.

§ 140. N'y aurait-il pas là pour mes lecteurs matière à de sérieuses réflexions? IL n'en est probablement aucun qui n'ait été souvent au temple pour prier, quelques-uns même pour communier; plusieurs ajoutent à cela des prières domestiques, et ils font dans l'occasion des aumônes et des dons aux sociétés religieuses; toutes ces choses sont des sacrifices auxquels Dieu prend plaisir. Mais souvenons-nous de l'oblation de Caïn! Si nous avons la foi d'Abel le juste, notre culte tout entier est agréable à Dieu; mais autrement nous ne pouvons rien en attendre de bon. Ah! dites-le vous bien: Si vous ne rendez pas à Dieu une adoration semblable à celle d'Abel, vous vous approchez de lui à la manière de Caïn. Il n'y a pas de milieu; et si vous n'êtes pas actuellement convertis, voyez à quelle espèce d'adorateurs vous appartenez.

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§ 141. Comment Caïn s'aperçut-il que le culte d'Abel était accepté et non pas le sien? Pour répondre à cette question, les peintres vous montrent le feu du ciel descendant sur la victime offerte par Abel et la consumant, comme cela eut lieu lors du sacrifice d'Élie (1 Rois XVIII); mais rien, dans le texte sacré, n'autorise à donner pour certaine cette intervention miraculeuse du Seigneur. Les artistes, même les plus distingués, trompent souvent les esprits par leurs imaginations. Pour peindre avec vérité les faits contenus dans la Bible, il faut être aussi bon théologien et aussi bon chrétien que pour les exposer de vive voix ou par écrit. Défiez-vous donc avec soin de ces tableaux et de ces estampes, aux moyens desquels on cherche à reproduire aux yeux les enseignements de l'Écriture Sainte. Non seulement, on y commet souvent le péché de représenter Dieu sous des images, mais encore on y donne quelquefois des démentis formels à la Parole de Dieu. C'est ce que je vous ai déjà montré à l'occasion de la tentation (§ 72). Dans les estampes, vous voyez un énorme serpent qui enveloppe de ses plis les branches d'un arbre chargé de pommes. Or la Bible ne dit point que ce fut un fruit de cette espèce dont Ève mangea; surtout, elle dit expressément que le serpent ne rampait point alors sur son ventre: c'était un tout autre animal et personne ne saurait le représenter, puisqu'il n'existe plus. — Dans le cas qui nous occupe, celui du sacrifice d'Abel, le tort, ou dirai-je l'ignorance des peintres est moins grave; mais enfin ils ont inventé une circonstance que, grâce à eux, beaucoup de gens regardent comme vraie et à laquelle ils attachent une importance qu'elle ne mérite pas, par cela même que c'est une pure supposition.

§ 142. Comment donc Caïn sut-il que le Seigneur acceptait l'oblation d'Abel et non pas la sienne? — Peut-être Dieu le lui dit-il expressément, car, dans un temps où les hommes ne possédaient pas la Parole de Dieu écrite, il se révélait à eux en personne. C'est ce qui expliquerait comment un impie de cœur, tel que Caïn, ne pouvait s'empêcher de rendre un culte à Dieu. — Peut-être aussi qu'il en fut du frère d'Abel comme des mondains de nos jours. Ils voient que les enfants de Dieu sont plus heureux qu'eux et ils s'en irritent. Caïn donc remarqua la paix qui remplissait l'âme de son frère, tandis que la sienne demeurait dans le trouble. Il ne put douter que le Seigneur ne fût avec Abel, et il sentait parfaitement, quant à lui, qu'il ne jouissait pas de la communion du Seigneur. De là sa jalousie et son abattement.

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§ 143. La plus terrible peine que Dieu puisse infliger à un homme ici-bas, c'est de ne plus lui parler. Alors on peut bien dire que tout est fini pour lui. Caïn n'en était pas encore là. L'Éternel, s'adressant à sa conscience, lui représenta que tout son mal venait, non pas de la piété d'Abel, mais de sa propre impiété. C'est encore ainsi de nos jours. Les incrédules s'irritent contre les gens pieux, oubliant qu'ils ne doivent imputer leur misère qu'à eux-mêmes. S'ils avaient la foi des chrétiens, et s'ils vivaient d'une vie sainte, ils n'auraient assurément à se plaindre, ni de Dieu, ni de personne; mais tant qu'ils demeurent dans le mal, «le péché est à la porte,» (le péché dit Dieu, et non pas la peine du péché, comme Osterwald a cru pouvoir traduire, mais en indiquant toutefois par des italiques l'idée qu'il ajoute), oui, «le péché est à la porte;» le péché appelle le péché, le péché suit le péché, du péché il ne peut sortir que le péché, et dans une âme toute au péché, il ne peut entrer que le péché. Oh! que cette parole de Dieu est grave, et de quelle vive clarté elle brille, malgré son apparente obscurité.

§ 144. La fin du verset n'est pas non plus très facile à comprendre. Il semble au premier abord que l'Éternel parle encore du péché dont les désirs se rapporteraient à Caïn et que celui-ci devait dompter; mais, en rapprochant ceci du verset 16 du chapitre précédent, on voit qu'il s'agit d'autre chose. Aussi pense-t-on généralement qu'il est ici question d'Abel, et que cette parole de Dieu doit s'entendre de cette manière: «Tu as d'ailleurs bien tort de te plaindre d'Abel; car tout son désir est de t'être agréable, et il reconnaît lui-même que, étant ton cadet, il te doit du respect, qu'il te devra peut-être une fois obéissance.» Si tel est le vrai sens du passage, nous y voyons de nouveau combien Abel était un homme humble et fidèle à son devoir. Nous y apprenons également qu'il ne nous est pas permis de mépriser nos supérieurs, quels qu'ils soient, lors même que leur conduite et leur piété ne seraient pas telles qu'elles devraient être.


XIII. Caïn et Abel. — Suite.


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§ 145. Caïn entretenait donc de la haine contre son frère. Abel cependant ne lui avait fait aucun mal, mais Caïn ne pouvait souffrir la piété d'Abel et il était jaloux de son bonheur. Un jour qu'ils se trouvaient ensemble dans la campagne, loin du reste de leur famille, Caïn, plus sombre et plus irrité que de coutume (c'était peut-être un lundi, comme nous dirions, jour mauvais pour celui qui a mal passé son dimanche), Caïn, dis-je, toujours plus mal disposé envers son excellent frère, se mit à lui parler selon son méchant cœur. L'Écriture, ici et partout, dit beaucoup de choses en peu de mots. Caïn parla à Abel; mais de quoi et comment? Cela n'est pas dit, et pourtant il est facile de deviner ce que dut être une conversation qui se termina par un horrible fratricide. De la part de Caïn ce fut sans doute un débordement de reproches et d'insultes, comme on en voit chaque jour sortir des cœurs aigris et enflammés par la haine et par la colère. De la part d'Abel, on peut, sans craindre de se tromper, imaginer des réponses pleines de calme et de douceur; ou tout au moins, ce silence qu'il est prudent quelquefois de garder en présence d'une personne qui se laisse aller à la passion. Mais cette conduite charitable et patiente, bien que la meilleure devant Dieu, ne fait souvent qu'irriter toujours plus la colère de l'homme. Aussi, Caïn se voyant seul avec Abel et oubliant que l'œil de l'Éternel est en tous lieux, s'élève contre son frère; il le menace, il le frappe et... il le tue.

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§ 146. Alors Caïn eut sous les yeux un spectacle auquel, hélas! nous sommes habitués, mais qui était tout nouveau pour lui et qui dut le remplir d'épouvante et d'horreur. Un homme dépouillé de la vie! un mort! un cadavre! un visage glacé, des yeux éteints, une bouche devenue muette, un cœur qui ne bat plus, des membres qui se roidissent! Et puis, dans cette mort d'Abel, du sang qui se fige sous la main criminelle de I'homicide !! Il paraît que Caïn s'enfuit, après avoir, peut-être, caché dans la terre ce corps inanimé. Mais où fuir loin de l'Éternel? L'homme a beau faire, il n'est jamais seul. Une voix, venant de Dieu, poursuivit Caïn et lui demanda compte de son frère Abel.

§ 147. L'insolence avec laquelle Caïn répondit à l'Éternel ne doit pas trop vous surprendre, car elle est toute semblable à celle que vous avez si souvent manifestée lorsque le Seigneur, ou par le moyen de votre conscience, ou par les réprimandes de vos supérieurs, vous a demandé compte de vos péchés. Combien de fois n'avez-vous pas dit en vous-mêmes ou à haute voix: «Que m'importe!» Hélas! c'était dire comme Caïn: «Suis-je le gardien de mon frère, moi?»

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§ 148. On ne peut, toutefois, se moquer de Dieu. Ce que l'homme sème, il le moissonne. Caïn a semé le sang d'Abel; il va recueillir la malédiction. Il a beau se refuser à confesser son crime, le sang d'Abel crie à Dieu. Il crie vengeance contre le meurtrier. Ce n'est pas Abel qui veut que son frère soit puni; c'est la justice divine qui ne permet pas que le péché demeure sans châtiment.

§ 149. Tout péché est suivi de malédiction, et nous l'avons bien vu dans l'histoire d'Adam (III, 14, 17); mais il est des péchés particulièrement odieux qui attirent sur les coupables une malédiction plus grande. C'est ce qui est rendu manifeste par la sentence que l'Éternel prononça contre Caïn. Celui-ci se vit doublement maudit; et, comme pécheur, ainsi que le sont tous les hommes, de plus, comme coupable du sang de son frère. 

§ 150. Tel fut le crime de Caïn, crime énorme, épouvantable; néanmoins, il importe de ne pas s'en exagérer la gravité. Caïn ne saurait être mis au rang des scélérats qui, pour quelque argent, prêtent leur main à de secrètes vengeances et versent froidement le sang innocent. Caïn ne fut pas un assassin; il n'avait nullement formé le projet de tuer son frère. Savait-il d'ailleurs, d'une manière certaine, comment il fallait s'y prendre pour tuer un homme? Il fut homicide, meurtrier, c'est vrai; voilà son crime dans ses derniers développements; mais son vrai crime, au fond, fut de haïr son frère, de lui porter envie, d'en être jaloux. De là vint son humeur contre lui; de là aussi la querelle qu'il lui chercha, de là enfin les coups sous lesquels il le fit succomber lorsqu'il ne songeait qu'à satisfaire son courroux et sans prévoir, peut-être, ce qui allait en arriver. Et même, pour remonter plus haut, le vrai péché de Caïn, ce fut d'offrir à Dieu un culte hypocrite, de vivre loin de sa grâce, de porter dans sa poitrine un cœur non converti.

§ 151. Envisagé de la sorte, le crime de Caïn et la malédiction prononcée contre lui sont d'une grande et terrible instruction. Oh! vous tous, pécheurs qui refusez de vous convertir à Dieu! je ne crains pas d'affirmer que vous avez fréquemment et habituellement contre quelqu'un de vos frères des sentiments de jalousie, d'envie et de haine semblables à ceux de Caïn. Comme lui, vous vous laissez aller à des paroles offensantes. La passion vous égare souvent, comme elle l'égara; et, dans votre emportement, n'avez-vous jamais frappé?... Malédiction, tout cela! effets de la malédiction qui repose sur le pécheur non converti! source d'une malédiction éternelle pour quiconque demeure dans cet état! Prenez donc garde à vous-mêmes! L'esprit de Caïn n’a pas entièrement disparu d'ici-bas, car c'est, l'esprit de Satan, et le crime de Caïn n'est pas rare en ce monde, car c'est le crime de quiconque n'aime pas son prochain.

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§ 152. Or, quiconque n'aime pas son frère ne saurait être véritablement heureux. Il cherche le bonheur sur la terre, et la terre ne lui rend pas son fruit. Comme un vagabond, il est isolé de ses semblables; car l'homme égoïste et haineux a beau se voir entouré de beaucoup de monde, il ne laisse pas d'être profondément solitaire en son cœur. Voilà quelle fut, déjà sur la terre, la malédiction de Caïn.

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§ 153. C'est une chose terrible que de tomber, à la manière de Caïn, entre les mains du Dieu vivant! Voyez la différence entre lui et son frère. Malgré la mort violente et prématurée d'Abel, nous n'hésitons pas à le proclamer bienheureux, tandis qu'il n'est aucun homme de bon sens qui puisse envier à Caïn les longues années de remords et de souffrances qu'il eut encore à passer dans ce monde. Ce sont bien effectivement les reproches de sa conscience qui lui firent tenir le langage que nous retracent les versets 13 et 14. Mais il y a loin du remords au repentir. On goûte un certain bonheur dans le repentir; il n'y en a point dans le remords. Le repentir est un retour vers le bien, tandis que le remords se rencontré souvent avec un grand endurcissement. Caïn, sans nier la justice de Dieu, murmure toutefois contre l'excessive sévérité de la sentence. Ah! ce n'est pas ainsi que les choses se passent chez l'enfant de Dieu. S'il a fréquemment à souffrir pour ses péchés, bien loin de se plaindre aigrement comme Caïn, il trouve plutôt que Dieu le traite avec beaucoup de ménagements.


4: 13-14
§ 154. Il y a pourtant du vrai dans ce que dit Caïn. Il exprime trois idées: la première, c'est que le châtiment qui lui est infligé le charge d'un fardeau sous lequel il ne pourra que succomber; la seconde, c'est que Dieu lui retirera toutes ses faveurs et qu'il ne fera plus luire devant lui la clarté de sa face, ce qui était, à bien dire, sa punition; la troisième, enfin, qu'il n'oserait se montrer devant qui que ce fût, par crainte qu'on ne lui fît ce qu'il avait fait à son frère.

§ 155. Quant au premier point, avouons en effet que, pour tout pécheur, comme pour Caïn, la peine du péché est terrible. Il n'y a pas moyen d'être heureux en la subissant. Aussi, malheur à ceux qui refusent de croire en ce Jésus qui a porté nos péchés sur la croix! Si Caïn avait eu la foi dans le Rédempteur promis à Adam , il n'aurait pas commis son horrible péché; mais si, après l'avoir commis, il eût dirigé ses regards vers la promesse, il n'eût pas dit que sa peine était plus grande qu'il ne pouvait la porter. Voulons-nous que nos peines de ce monde nous soient légères, regardons à Jésus et il les portera avec nous. Voulons-nous éviter la peine éternelle que nos péchés méritent, peine insupportable destinée au pécheur impénitent; regardons à Jésus, car c'est par Lui qu'on passe de la mort à la vie.

§ 156. Quant au second point, il est également vrai que le péché nous prive de la douce communion de Dieu. Mais il y a un Médiateur entre Dieu et nous; celui, comme nous le verrons plus tard, qui est appelé l'Ange de sa face. Croyons au Sauveur Jésus-Christ, car il a fait notre paix avec Dieu, et à cause de lui, nous retrouverons en Dieu un visage et un cœur de Père. Vous voyez donc, par les plaintes mêmes de Caïn, que ce qui lui manqua, dès le commencement jusqu'à la fin, ce fut la foi, la foi des enfants de Dieu, la foi d'Abel, la foi au Rédempteur.

4: 15
§ 157. Quant au troisième point, le seul sur lequel l'Éternel rassura Caïn, sans doute qu'il avait raison de penser que les hommes ses frères, ou leurs descendants, se croiraient autorisés à le faire mourir. Mais Dieu, dans sa bonté, voulut laisser au coupable le temps de se convertir. Caïn profita-t-il de ce délai? C'est ce que l'Écriture ne nous dit pas et sur quoi il est inutile de se livrer à des conjectures. Tout ce que nous savons, c'est, d'un côté, qu'il est infiniment précieux d'avoir du temps pour se convertir; et, d'un autre côté, qu'il ne suffit pas d'en avoir le temps. Caïn vécut encore de longues années, et peut-être mourut-il sans avoir voulu de la grâce de Dieu. Ah! que chacun prenne garde à soi-même!

§ 158. Dieu mit une marque sur Caïn pour qu'on ne le tuât pas. En quoi consistait-elle, c'est ce que nous ignorons et la chose importe peu. Mais ce qu'il vaut la peine de remarquer comme une nouvelle preuve de la bonté du Seigneur, c'est que cette marque était un signe de protection et non point une note d'infamie. Mes lecteurs n'admireront-ils pas, sans que je le leur dise, ce mélange de bonté et de sévérité que Dieu déploie envers Caïn. Quel exemple pour nous dans nos relations avec les méchants! Il faut que, même lorsque nous avons le droit de reprendre et de punir, nous le fassions toujours de manière à montrer que nous n'y mettons pas de malveillance. Dieu hait le péché d'une haine sainte et implacable, mais il est plein de compassion pour le pécheur; de là vient que, souvent, il place les plus méchants mêmes sur la voie du repentir et de la réconciliation.


XIV. La postérité de Caïn.


4: 16-24
§ 159. Avant de passer au sujet que la Parole de Dieu nous invite à méditer maintenant, je ne saurais m'empêcher de porter mes regards avec une sorte de sollicitude sur deux personnes dont elle ne fait pas même mention dans le récit de la mort d'Abel. Nul doute qu'un historien ordinaire n'eût pas manqué de nous dire la douleur qu'éprouvèrent nos premiers parents, en voyant les mauvaises dispositions que Caïn entretenait à l'égard de son frère, et leur désespoir quand ils apprirent l'horrible crime qu'il venait de commettre, crime qui les privait à la fois de leurs deux fils, l’un par la mort, l'autre par la fuite. Je ne veux pas suppléer au silence de l'historien sacré, mais il serait facile de le faire. Quel coup pour Adam et pour Ève, et en même temps quelle leçon! Voilà donc l'effet du péché. Ils l'ont transmis à leur postérité avec leur propre sang, et, par le péché, la mort. Parents chrétiens qui lisez ces lignes, vous avez perdu peut-être votre Abel, quoique d'une manière moins sinistre; vos enfants vous causent sans doute bien des peines par leurs passions; humiliez-vous et ne vous aigrissez point. Tout cela n'est pas autre chose que le péché et ses fruits; le péché qui se transmet des pères aux enfants, et les fruits du péché que cueille chaque génération l'une après l'autre. Hélas! vous le voyez; dès les premiers jours du monde ces fruits furent bien amers l

§ 160. Pour en revenir à Caïn, la fin du chapitre IV jusqu'au verset 25 nous montre ce qu'il devint après que Dieu l'eut maudit et ce que fut en général sa postérité. Fuyant de devant la face du Très-Haut, il partit avec sa femme (§ 133) pour les contrées à l'orient de celles qu'habitaient Adam et sa famille. Il se peut qu'il eût déjà des enfants. Demeurèrent-ils avec Adam, ou suivirent-ils leur père? C'est ce qui ne nous est pas raconté. La Bible ne nous parle pas non plus de tous les enfants, fils et filles de Caïn, mais d'Hénoc seulement; et, pour nous dire cela, elle se sert du même terme qu'en parlant d'Adam lorsqu'il devint père de Caïn lui-même: «il connut sa femme» (IV, 1), ce qui veut dire qu'ayant demeuré avec elle, il eut un enfant, après être arrivé dans le pays de Nod.

§ 161. Cet enfant, appelé Hénoc, donna son nom à la première ville qui fut bâtie. Il peut sembler étrange qu'il y eût déjà un assez grand nombre d'hommes pour joindre maisons à maisons. Mais il faut comprendre qu'il ne s'agit pas ici d'une ville semblable à nos cités européennes, ni à ce que furent plus tard Ninive et Babylone. Ensuite, ce n'est pas à dire que la ville ait été bâtie tout entière du temps d'Hénoc. Caïn en jeta les fondements; son fils la continua; ses petits-fils l'agrandirent. Enfin, pour concevoir par qui cette ville put être habitée, il faut considérer que la vie des hommes était alors beaucoup plus longue qu'à présent. Caïn, Hénoc et leurs fils vécurent chacun plusieurs siècles; en sorte qu'à la mort de Caïn, et encore plus à celle d'Hénoc, leurs enfants, leurs petits-enfants et leurs arrières-neveux formaient sûrement une peuplade assez considérable pour remplir une ville d'une certaine étendue.

§ 162. Quoi qu'il en soit, il est remarquable de voir que ce furent Caïn et ses fils qui, les premiers, rapprochent leurs habitations les unes des autres, en forme de ville ou de bourgade. Il semble que les hommes de cette race impie éprouvassent le besoin de se serrer les uns contre les autres, comme pour se mettre à couvert des jugements de Dieu. La vie des champs leur était devenue insupportable; il leur fallait le bruit et les plaisirs de la ville pour étouffer les remords de la conscience. Ce n'est pas à dire qu'il ne puisse y avoir des gens pieux parmi les habitants des villes, ni que les campagnards soient tous des hommes fort religieux; mais il est de fait que la méchanceté des hommes ne se montre nulle part plus effrontée que dans les grandes cités, et il y a certainement plus à perdre qu'à gagner dans la société de cette multitude d'hommes qui y entassent leurs misères et y réchauffent leurs passions.

4: 18-19
§ 163. De tous les descendants de Caïn, l'Écriture n'a conservé les noms que d'Hirad, fils d'Hénoc, de Mehujaël, fils d'Hirad, de Méthusaël, fils de Mehujaël, de Lémec, fils de Méthusaël; enfin, de Jabal, de Jubal, de Tubal-Caïn et de Nahama sa sœur, tous les quatre nés de Lémec. De Caïn à Lémec il y a donc cinq générations; et, d'après le verset 24, il paraîtrait que Caïn vivait encore au temps de Lémec. Quelle déplorable famille ne devait-ce pas être que celle qui subissait l'influence d'un homme tel que Caïn! Aussi voyons-nous que Lémec prit deux femmes. Ce fut donc lui qui, le premier, donna le triste exemple de la polygamie. Au commencement, Dieu avait créé un seul homme et une seule femme; par où il avait montré assez clairement qu'un mari ne doit pas avoir plus d'une épouse. Mais, à mesure que les hommes détournèrent plus complètement leur cœur de Dieu et du droit chemin, ils se laissèrent aller à leurs passions, et, par l'influence de Satan, ils mirent le mal dans tout ce que Dieu avait pensé en bien. Nous verrons plus tard comment cet usage devint si général, que même des enfants de Dieu s'y laissèrent entraîner, mais nous n'oublierons jamais que la polygamie prit naissance au milieu des enfants de Caïn, et nous verrons qu'elle fut constamment une source de maux pour ceux qui s'y livrèrent.

4: 20
§ 164. Jabal, fils de Lémec et de Hada, l'une de ses femmes, adopta le genre de vie qui avait été celui d'Abel. Se séparant du reste de sa famille, il alla vivre sous des tentes à la manière des bergers, et, avec l'aide de ses enfants, il paissait de nombreux troupeaux. On aime à penser que cet arrière-neveu de Caïn était revenu au Dieu d'Abel, et qu'ainsi la postérité du meurtrier ne suivit pas tout entière ses coupables traces. Ceci toutefois n'est qu'une conjecture; mais la charité veut que, lorsqu'on en est réduit à faire des suppositions, on suppose plutôt le bien que le mal. D'ailleurs il est arrivé souvent dès lors que Dieu s'est plu à étendre sa grâce sur des hommes qui appartenaient à des familles d'une impiété notoire. Et quand on voudrait absolument entendre la chose d'une autre manière, c'est-à-dire quand on n'admettrait pas cette supposition, comme trop favorable à Jabal et aux siens, il en résulterait alors tout simplement qu'il ne faut pas adopter pour système, de voir du mal dans tout ce que les méchants font; car assurément ce n'est pas un genre de vie répréhensible que celui de berger. Ce fut l'occupation d'Abraham et d'une foule de fidèles après lui.

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§ 165. Jubal, autre fils de Lémec et de Hada, inventa les instruments de musique: le violon et les orgues, disent nos Bibles; mais on comprend que ce n'était pas ces instruments tels qu'on les a perfectionnés dès lors. On ne saurait douter que le talent musical ne soit un don de Dieu. Par cette manière d'exprimer ses sentiments, l'homme agit puissamment sur sa propre âme et sur celle de ses semblables. Mais il en est de ce don naturel comme de tous les autres, on peut l'employer pour le bien, on peut aussi le dépenser pour le mal. Quand la musique n'est qu'affaire de plaisir, quand elle ne sert qu'à remuer, à satisfaire, à exciter les passions, elle mérite qu'on la proscrive sans hésiter. Si, au contraire, on l'emploie pour exprimer et développer des sentiments honnêtes, surtout pour célébrer les louanges et la gloire de Dieu, l'on ne saurait rien imaginer de plus excellent. L'une est la musique des mondains; l'autre, la musique des anges et des prophètes. Dans lequel de ces deux esprits Jubal et ses enfants employèrent-ils leur talent musical? Je laisse à mes lecteurs le soin de prononcer.

4: 22
§ 166. Tubal-Caïn, fils de Lémec et de Tsilla son autre femme, fut un homme industrieux qui découvrit, ou mit en usage avec beaucoup de succès, l'art de fondre les métaux. Ne nous étonnons pas de voir l'industrie prendre de grands développements parmi les descendants de Caïn. Cela vint non seulement de ce qu'ils vivaient rapprochés les uns des autres dans des villes et des villages, mais encore d'une autre cause qu'il ne faut pas craindre d'avouer. En général, les hommes pieux sont moins industrieux que les autres. Ils n'ont pas l'esprit assez tendu aux choses de ce monde, assez désireux d'améliorer leur condition terrestre, assez avides de richesses et de jouissances. Sans doute que, la nécessité étant la mère de l'industrie, il n'y avait pas moyen que celle-ci ne fit quelques progrès dans le monde, lors même qu'il n'eût été peuplé que d'hommes pieux; mais on peut dire hardiment qu'ils ne l'auraient jamais, à eux seuls, poussée aussi loin qu'on l'a fait. Est-ce à dire que l'industrie soit un mal? Non, puisque nous verrons Dieu lui-même commander à Moïse, pour le tabernacle, des ouvrages d'art qui exigeaient des hommes fort habiles, hommes que Dieu remplit de son Esprit pour les effectuer. Non, encore, puisque l'industrie est en quelque sorte une imitation de la création de Dieu, et qu'elle ne fait qu'employer des matériaux et des agents que Dieu semble avoir préparés tout exprès. Mais il n'en est pas moins vrai qu'il est des industries inutiles, coupables, dangereuses, maudites: vous pourrez bien, de vous-mêmes, en trouver des exemples. Il est vrai, de plus, que l'industrie, par opposition à l'agriculture, dont on la distingue ordinairement, est peu favorable à la piété: l'homme y est, en apparence, beaucoup plus maître de son sort; elle conduit trop généralement aux extrêmes de la richesse et de la pauvreté; elle fait de l'homme une espèce de machine à tisser le coton ou la laine, à extraire le minerai du sein de la terre, à attiser le feu des fourneaux, à polir des glaces, ou à équarrir du bois; car, du matin au soir, chacun ne fait qu'une seule chose, et chaque jour voit revenir exactement le même genre de travail. Je ne conclurai pas de tout cela que la Bible déclare la guerre à l'industrie; mais je me crois permis de protester contre l'estime exagérée qu'on en fait de nos jours. Tout en admirant les facultés créatrices dont Dieu a doué l'homme, je me garderai bien de les diviniser comme tant de gens semblent le faire.

4: 23-24
§ 167. La Bible se borne à indiquer le nom de Nahama, sœur de Tubal-Caïn. Peut-être que, même dans le temps de Moïse, il se rattachait à cette femme des souvenirs que le Seigneur n'a pas jugé à propos d'enregistrer dans son Livre. Il n'en est pas de même d'un discours violent que Lémec tint un jour devant ses deux femmes. Il paraît que quelqu'un avait offensé cet homme irritable; ou bien que peut-être il avait frappé et tué quelqu'un dans sa colère. Loin de s'en repentir, il est prêt à recommencer. Il a pour lui l'exemple de son père: et si l'Éternel a pris Caïn sous sa protection après qu'il eut tué son frère sans aucun juste motif, à plus forte raison Lémec échappera-t-il au jugement, s'il ne fait que tuer un homme qui l'aura offensé! C'est à cela que revient son discours. Mais c'est le discours d'un impie et d'un homme violent, qui ne sait voir la bonté de Dieu que pour en abuser, et qui croit la vengeance légitime, parce qu'il oublie qu'elle appartient au Seigneur. Du reste, combien n'y a-t-il pas d'enfants qui pensent très bien faire en suivant les mauvaises voies de leurs pères, et précisément parce que leurs pères ont été épargnés de Dieu malgré leurs mauvaises voies. Tout cela est du malin; ou, pour le dire autrement, tout cela est de l'esprit réprouvé de Caïn et de sa postérité. La postérité naturelle de Caïn a tout entière disparu dans les eaux du déluge, mais sa postérité par imitation, existe encore sur la terre. Relisez ces pages, et voyez si vous ne seriez point de ceux qui font comme Caïn et que saint Jean signale dans son épître (1 Jean III, 12, les premiers mots)?


XV. Seth et sa postérité.


4: 25
§ 168. J'ai dit (§ 159) que l'Écriture nous raconte la mort d'Abel sans nous dire l'effet que cette horrible catastrophe produisit sur Adam; mais voici pourtant une circonstance qui fait allusion à sa douleur et qui nous montre la compassion qu'en eut l'Éternel. Pour lui tenir lieu de son cher Abel, il lui accorda, peu après sans doute, un autre fils qui devait lui être en consolation par sa foi. Ce fils reçut le nom de Seth, ce qui veut dire remplaçant. On voit au verset 3 du chapitre V, qu'Adam avait alors 130 ans, d'où, pour le remarquer en passant, on peut conclure que Caïn et Abel n'étaient plus de jeunes garçons lorsque Caïn s'éleva contre son frère et le tua. Dire exactement l'âge qu'ils avaient n'est ni facile, ni nécessaire; mais on ne s'écarte sûrement pas beaucoup de la vérité en affirmant qu'ils avaient vu déjà l'un et l'autre tout un siècle. C'était à peu près la septième ou la huitième partie du temps que les hommes vivaient alors.

4: 26
§ 169. Seth, âgé de 105 ans (Voyez chap.V, v. 6), eut un fils qu'il appela Enos. Adam comptait donc alors 235 ans; ou, en d'autres termes, il s'était écoulé 235 ans depuis que le monde avait été créé. La famille humaine devait être déjà passablement considérable. Elle se composait des fils et des filles d'Adam en grand nombre, puis de plusieurs générations de leurs descendants. «Ce fut alors que l'on commença à appeler du nom de l'Éternel.» Cela signifie probablement qu'à cette époque la différence morale qui existait entre les hommes pieux, tels que Adam, Seth, Enos, et les mondains tels que Caïn, Hénoc, Hirad et leurs pareils, devint si tranchée que ce fut comme deux familles, dont l'une s'appelait les fils de l'Éternel, et l'autre les fils des hommes; de même que nous disons, de nos jours, les enfants de Dieu et les gens du monde. Cette différence existait entre Abel et Caïn, mais on ne l'avait pas encore spécifiée par des termes exprès. Nous la verrons se perpétuer de siècle en siècle dans toute la Parole de Dieu.

5: 1-32
§ 170. Le chapitre V de la Genèse, qui est celui où nous sommes parvenus, semble au premier abord assez peu intéressant, puisqu'il ne renferme que des noms propres; mais ces noms valaient la peine d'être conservés, puisqu'ils nous donnent la branche de la famille d'Adam de laquelle tous les hommes du monde actuellement vivants se trouvent être descendus. En effet, c'est la généalogie de Noé, ou le tableau de ses ancêtres jusqu'à Adam. Les voici dans leur ordre:

1. Adam.

2. Seth.

3. Enos.

4. Kénan.

5. Mahalaléel.

6. Jéred.

7. Hénoc.

8. Méthuséla.

9. Lémec.

10. Noé.

§ 171. Mais ce n'est là qu’une des branches de la postérité d'Adam. On voit, au verset 4, que, outre Caïn, Abel et Seth, il eut des fils et des filles, sans doute en grand nombre, je l'ai déjà fait remarquer (§ 133). Ceux-ci de même eurent beaucoup d'enfants, comme on le voit aux versets 7, 10, 13, 16, etc. En sorte qu'au temps de Noé le monde pouvait être déjà fort peuplé, et sûrement qu'il l'était, selon ce que Dieu avait dit à Adam, chap. I, vers. 28.

§ 172. Une circonstance bien propre à remplir d'étonnement, c'est la longue vie qui fut donnée aux hommes de ces premiers âges du monde. Adam vécut 930 ans (vers. 5), Méthuséla 969 ans (vers. 27), et presque tous les autres dans cette proportion, quoique un peu moins longtemps. C'est ainsi que le monde put être peuplé plus rapidement; car, par exemple, Adam vivait encore lorsque Lémec naquit. En sorte qu'il existait à la fois sur la terre neuf générations d'hommes. Mahalaléel qui était le trisaïeul de Lémec, avait Adam pour trisaïeul et il en était de même assurément dans les branches collatérales. Or, si l'on veut se faire une idée de la rapidité avec laquelle la population du monde dut s'accroître, grâce à la longévité des hommes, il n'y a qu'à se représenter ce que serait, par exemple, la population des États-Unis d'Amérique si, depuis la fondation de la colonie, personne n'y était mort. À tous ces millions qui sont rentrés dans la poussière pendant trois siècles environ, il faudrait ajouter d'autres millions d'individus qui seraient issus de mariages que la mort a empêchés ou qu'elle a brisés d'une manière prématurée; sans compter que, dans un tel ordre de choses, la vieillesse sans doute ne serait pas arrivée aussi vite qu'à présent, en sorte que chaque famille aurait été beaucoup plus nombreuse.

§ 173. La longévité des hommes permit à chacun d'accumuler sa propre expérience, si bien que les arts utiles purent faire des progrès considérables, et en beaucoup moins de temps qu'il n'en faut maintenant. Mais surtout ce fut, entre les mains de Dieu, un moyen puissant pour conserver aisément et dans sa pureté, le souvenir de la création du monde, celui de la chute de l'homme et de la Promesse (§§ 102 , 103), avec toutes les autres révélations du Seigneur. Aussi ne paraît-il pas que dans ces anciens temps, les hommes aient commis l'énorme oubli de Dieu qu'on appelle le paganisme ou l'idolâtrie.

§ 174. Du reste, la longévité des hommes primitifs qui semble si merveilleuse, est au fond quelque chose de fort simple, puisque la vie vient de Dieu et qu'il peut la prolonger dans ses créatures aussi longtemps qu'il lui plaît. Rappelons-nous toujours que l'homme était fait pour vivre et non pas pour mourir. Si, par le péché, la mort est devenue sa fin nécessaire, rien n'établit comme nécessaire que la vie de l'homme n'ai jamais pu dépasser les limites que l'Éternel lui a maintenant assignées. De nos jours même on voit quelques individus posséder à un âge fort avancé, une vigueur qui montre que, si Dieu le voulait, il pourrait doubler leur carrière.

§ 175. Le soin que Dieu a pris de nous donner exactement l'âge qu'avait chacun des patriarches à la naissance de celui de leur fils qui entre dans la généalogie de Noé, nous permet de calculer le temps qui s'est écoulé depuis la création jusqu'au déluge, c'est-à-dire le temps qu'a duré l'Ancien Monde. Quand Seth naquit, Adam avait 130 ans; quand Enos naquit, Seth avait 105 ans et par conséquent Adam en avait 235 (§ 169). En continuant ainsi, nous pouvons dresser le tableau suivant:

Seth est né l’an d'Adam ou du monde 130
Enos "     " 235
Kénan "     " 325
Mahalaléel "     " 395
Jéred "     " 460
Hénoc "     " 622

Or, comme Adam vécut 930 ans, vous voyez par ce tableau qu'il a passé, ainsi que je le disais tout à l'heure, 56 ans avec Lémec; et Méthuséla ayant vécu 969 ans, il en résulte qu'il a passé avec Noé, juste 600 années.

§ 176. Il nous est dit de Seth, le fils d'Adam duquel Noé descendit et de qui nous descendons nous-mêmes, qu'Adam l'engendra à sa ressemblance et selon son image. Or comme Adam était devenu pécheur, c'est assez dire que Seth et ses enfants furent tous héritiers du péché. Il le furent aussi de la mort, comme l'indiquent ces mois par lesquels se terminent les versets o, 8, 11, 14, 17, etc.: «puis il mourut.» Hélas! oui, quelque longue que soit la vie, elle doit maintenant avoir un terme, et quand on est au bout, peu importe qu'elle ait été longue ou courte: ce n'est toujours qu'une vapeur qui s'en va... Puisque j'ai donné le tableau de la naissance des ancêtres de Noé, je veux aussi présenter celui de leur mort: nous y trouverons peut-être quelque instruction.

1 - Adam mourut, l'an du monde 930
3 - Seth "     " 1042
4 - Enos "     " 1140
5 - Kénan "     " 1235
6 - Mahalaléel "     " 1290
7 - Jéred "     " 1422
2 - Hénoc
987
9 - Méthuséla
1656
8 - Lémec
1651

Ce qui donne dans l'ordre des décès: d'abord Adam, puis Hénoc; après lui Seth, Enos, Kénan, Mahalaléel, Jéred, Lémec, enfin Méthuséla.

§ 177. Nous avons vu (§ 175) que Noé naquit l'an 1056. Il en résulte que, s'il n'a vu ni Adam, ni Seth, ni Hénoc, il a vécu néanmoins un temps plus ou moins long avec tous les autres patriarches.

§ 178. Il est à remarquer encore que, dans ce temps-là, il n'en allait pas comme de nos jours, où, si souvent, les enfants meurent avant leurs parents. Ici nous n'avons que Lémec et Hénoc à qui cela soit arrivé, et encore faut-il remarquer qu'à bien dire Hénoc ne mourut pas.

§ 179. Quoique Hénoc fût de 622 ans plus jeune qu'Adam, dont il était séparé par cinq générations, il fut retiré de ce monde 57 ans seulement après lui. Il y a toute apparence que les fils de Seth, ancêtres d'Hénoc, furent de ceux qu'on appelait du nom de l'Éternel (IV, 26), c'est-à-dire des fidèles, ou des enfants de Dieu. Cependant nul ne se distingua plus qu'Hénoc par sa piété. Il eut la foi, nous dit l'épître aux Hébreux, (XI, 5), et il fut enlevé au ciel. Par là sans doute Dieu voulut proclamer l'importante vérité qu'il y a pour nos corps et pour nos âmes une autre vie, et qu'il recueillera certainement ses enfants auprès de lui. Il y a donc pour l'homme un quatrième état, outre les trois dont nous avons parlé (§ 126), c'est l'état de gloire que Dieu réserve aux siens. L'enlèvement d'Hénoc, en parlant à ses contemporains d'une autre vie, était bien fait pour les consoler de la mort d'Adam et pour adoucir ce que la pensée de cette catastrophe inévitable a toujours de si sévère. Or, remarquez que les contemporains d'Hénoc étaient nombreux, quoi qu'il soit mort de bonne heure relativement aux autres, puisque Lémec avait 113 ans à cette époque. Outre cela, l'enlèvement d'Hénoc venait dire aux mondains, comme l'avait déjà fait la mort d'Abel, mais d'une autre manière, qu'il ne faut pas mesurer la faveur de Dieu à la longueur des jours qu'on passe dans ce monde. Encore une fois, heureux celui qui meurt dans le Seigneur, même à la fleur de son âge; et malheur à ceux qui se consument dans le péché jusqu'à la vieillesse toute blanche. Enfin, nous apprenons par l'enlèvement d'Hénoc qu'il n'était pas absolument nécessaire que l'homme mourût pour quitter ce monde. La mort n'est devenue naturelle et nécessaire que par le péché. Si les hommes n'eussent pas péché, il n'est pas dit qu'ils fussent toujours demeurés ici-bas, mais Dieu pouvait les enlever au ciel comme Hénoc, et comme plus tard Élie, sans les faire passer par la redoutable catastrophe de la mort.

§ 180. Quant à ce qui est dit d'Hénoc qu'il marcha avec Dieu, cela signifie que, par la foi, il était habituellement près du Seigneur; que, se nourrissant de ses promesses, il l'invoquait; qu'il vivait selon sa volonté et dans sa crainte. Marchons ainsi avec Dieu notre Père et notre Sauveur, sous la conduite de son Saint-Esprit, et nous irons où est Hénoc, ou plutôt là où est Jésus-Christ qui est aussi monté au ciel. Pour nous, il nous faudra bien mourir, mais si nous avons la foi nous ne serons pas effrayés de cette perspective, puisque notre Sauveur aussi est mort avant de ressusciter. Et, lorsque nous ressusciterons nous-mêmes, les fidèles qui seront alors sur la terre ne mourront pas, mais, comme Hénoc, ils seront transportés auprès du Seigneur dans l'air (I Thess. IV, 15-18).

§ 181. Pour terminer ce beau sujet, je dois faire observer que, d'après ce qui est dit en Jude v. 14, Hénoc fut un prophète de Dieu, et, par la prophétie qui nous est rapportée comme étant sortie de sa bouche, nous apprenons que, de son temps, l'impiété avait fait de terribles progrès dans le monde. Nous allons voir au chapitre suivant le tableau des désordres qu'engendra cette impiété, et le terrible jugement que l'Éternel fit venir sur un monde coupable.


XVI. Noé et les hommes de son temps.


5: 32
§ 182. Noé, fils de Lémec et arrière-petit-fils d'Hénoc, postérité de Seth (§ 170), eut, sans doute, comme ses pères, une nombreuse famille; cependant la Bible ne nous parle que de trois de ses fils: Sem, Cham et Japhet, que Dieu lui donna lorsqu'il était âgé de 500 ans. Ces trois patriarches naquirent donc après l'an 1556 de la création du monde.

6: 1-2
§ 183. Déjà depuis longtemps le genre humain s'était fort multiplié. On a fait des calculs qui établissent que la population du globe pouvait être aussi considérable qu'à présent, si ce n'est plus. Cependant elle ne se composait toujours que de deux classes d'hommes; et, en effet, il ne saurait y en avoir davantage: les pécheurs convertis et les non-convertis, ou les fils de Dieu et les fils des hommes, pour suivre le langage de la Bible dans cet endroit. Ils étaient tous enfants d'Adam et pécheurs par nature; mais les uns imitant la foi et la piété d'Abel, avaient recouvré la qualité d'enfants de Dieu; tandis que les autres étaient demeurés tout entiers fils de l'homme, la parfaite image d'Adam en tant que pécheur.

§ 184. D'abord, peut-être, ces deux portions si distinctes de l'humanité furent numériquement à peu près d'égale force, mais bientôt elles se mélangèrent et se confondirent par des mariages mal assortis. On appelle ainsi dans le monde les mariages qui se forment entre personnes très-différentes d'âge, de fortune, de position sociale, d'esprit, et de caractère; mais, aux yeux du Seigneur, les mariages les plus mal assortis, et par le fait les plus malheureux et les plus funestes dans leurs conséquences, sont ceux qui se forment entre deux personnes dont l'une est un enfant de Dieu et l'autre un enfant du monde. Ces époux n'ayant pas le même Dieu, la même foi, la même espérance, ni la même morale, il est impossible qu'ils soient unis de cœur et d'âme comme il le faudrait. Leur union est toute matérielle et terrestre; et, chaque homme portant en lui le penchant au mal plutôt qu'au bien, il est aisé de comprendre que, par un effet des relations intimes, longues et journalières qui existent dans la famille, l'élément mondain finit par l'emporter; car «les mauvaises compagnies corrompent les bonnes mœurs.» Or, un mondain, ou une mondaine, quelque estimable qu'il soit d'ailleurs, ne peut être pour l'enfant de Dieu, et à la longue, qu'une mauvaise société.

§ 185. Il n'est pas possible assurément que les enfants de Dieu se tiennent en dehors de toute relation avec les mondains, puisque le monde en est rempli, mais au moins ne faut-il pas qu'ils choisissent parmi eux leur société. Tel fut le péché que commirent les enfants de Dieu dans le temps des patriarches, péché si fréquemment répété dès lors et par les mêmes causes. Lorsque la piété forme alliance avec l'impiété et avec le vice, ce ne peut être, il est clair, que par des motifs terrestres; et la plupart du temps on cède à l'attrait qui est au fond le plus déraisonnable de tous: la beauté, ou ce qui plaît aux yeux. Avant que le péché fut entré dans le monde, le beau et le bon ne faisaient qu'un; mais il n'en est plus ainsi maintenant. La beauté est toujours un don de Dieu; mais un don susceptible d'abus, comme tous les dons terrestres; et, par les artifices de Satan, que de crimes et que de misères n'a pas produit le culte, ou l'adoration de ce qui est beau, mais qui n'est que cela.

6: 3
§ 186. Avant même de nous raconter quels furent les effets de ces alliances entre les enfants de Dieu et les filles des hommes, la Bible nous rapporte ce qui se passa dans le conseil de Dieu. Depuis les jours de Caïn, le Saint-Esprit n'avait cessé de plaider la cause du Seigneur auprès de la conscience des hommes, malgré leurs rébellions multipliées. Il y avait employé des prophètes, tels qu'Hénoc (§181). Mais le temps de la patience de Dieu était épuisé. Les passions charnelles absorbaient toutes les pensées des humains, et ils n'étaient que chair ou corruption. C'est pourquoi, encore cent vingt années et leurs jours seront terminés. — C'est ainsi que fut résolue, en Dieu, la destruction du monde des impies; voici maintenant ce qui justifie la résolution que prit l'Éternel.

6: 4-6
§ 187. Au sein de la famille humaine, toute mélangée et toute pervertie, se trouvait entre autres hommes méchants, une race remarquable par sa taille, par sa force et par l'influence qu'elle exerça sur ses contemporains; le souvenir s'en conserva longtemps encore après le déluge, et les païens eux-mêmes le consacrèrent par leurs fables. Ces hommes ne vivaient que pour ce monde, ils ne songeaient qu'à dominer, leurs pensées étaient constamment tournées vers le mal; en sorte que «Dieu se repentit d'avoir fait l'homme sur la terre, et qu'il en eut un grand déplaisir.» Si Dieu se repentit, s'il eut du déplaisir en son cœur, il est clair que ce ne put être à la manière des hommes pécheurs. Mais Dieu ayant fait l'homme à son image, souvent aussi pour que nous comprenions ce qu'il sent, ce qu'il veut, ce qu'il fait, il s'exprime de manière à ce que nous en retrouvions l'image en nous-mêmes. Ainsi, il arriva, dans cette occasion, comme lorsque nous nous repentons d'avoir fait une chose; nous voudrions qu'elle ne fut pas faite, et nous la mettons à néant, si nous le pouvons. Quant à l'Éternel, il ne songea pas à anéantir son œuvre, car il savait bien ce qu'il faisait lorsqu'il la créa, il ne s'agissait pas même de détruire le genre humain tout entier, vu qu'il lui avait promis un Rédempteur, et le monde devait être conservé pour l'amour de ce Rédempteur. Toutefois, Dieu devait aussi manifester hautement sa haine contre les voies impies de l'humanité, et voici comment il se proposa d'atteindre ce double but.

6: 7-8
§ 188. Dieu laissera subsister la terre; mais il détruira tous ceux qui l'habitent, gens et bêtes, sauf Noé et quelques-uns des siens; les hommes à cause de leur impiété, les animaux parce qu'ils appartiennent à l'homme; et s'il préserve Noé, ce n'est pas que Noé soit un homme exempt de fautes, mais c'est parce qu'il a plu à l'Éternel de lui faire grâce.


6: 9
§ 189. Depuis que le péché est entré dans le monde, qui n'a pu être juste devant Dieu que par grâce, par la foi. Telle fut la justice d'Abel et celle d'Hénoc; ce fut aussi la justice de Noé. Il était d'ailleurs «plein d'intégrité en son temps»; c'est-à-dire qu'il n'avait pas trempé dans l'iniquité générale, ou que, vu la corruption de son époque, il était remarquable par sa piété et par ses bonnes mœurs. Cela signifie surtout que son cœur était droit devant Dieu. Noé ne suivait pas des voies détournées; et puis, il ne se croyait pas meilleur qu'il n'était. Humble et plein de confiance, il marchait avec Dieu à l'exemple d'Hénoc (§ 180). Voilà donc ce qui lui valut d'être préservé de la destruction; ce fut sa foi, une foi vraie et féconde en bons fruits; mais sa foi elle-même, il la devait à la grâce de Dieu.

6: 10
§ 190. La Bible nomme de nouveau les trois fils de Noé, mais sans nous dire quoi que ce soit sur leurs dispositions. Peut-être a-t-elle voulu nous faire entendre par là que si Dieu leur épargna le châtiment, ce fut pour l'amour de leur père. Ah! il arrive plus d'une fois que Dieu bénit une famille à cause de la piété des parents; mais cela ne veut pas dire que des enfants méchants seront sauvés ainsi de la condamnation éternelle.

6: 11-13
§ 191. Il semble que le Saint-Esprit ne puisse assez exprimer combien le monde était devenu coupable à cette époque; car voici qu'il y revient encore. Quelques-uns ont pensé que le culte des faux dieux avait pris naissance déjà dans ces temps reculés; mais on ne saurait fonder cette supposition sur aucun mot de la Bible (§ 173). C'est plus tard que nous verrons apparaître l'idolâtrie proprement dite. Avant le déluge, les hommes étaient idolâtres d'eux-mêmes. Fiers de leur force et de leur longue vie, ils oubliaient, encore plus que ne le font les hommes d'à présent, et qu'ils devaient mourir et qu'ils avaient un maître dans le ciel. C'est pourquoi ils se livraient sans réserve à leur ambition, à leur avarice, et la forme la plus générale sous laquelle se manifestait leur impiété, c'était la violence, l'oppression, la tyrannie. Tous, de cette manière, avaient corrompu leur voie, ou leur chemin. En d'autres termes, tous vivaient dans l'égarement. Je dis tous, là où la Bible dit toute chair. Ici le mot chair signifie simplement l'homme; tandis qu'au verset 3 de ce chapitre, il signifie manifestement le péché. Ainsi donc, toute chair n'était que chair; c'est-à-dire que tout homme s'était entièrement perverti; la terre était souillée de crimes, et Dieu, parlant cette fois à Noé, 120 ans avant le déluge, selon toute apparence, lui annonça que cette race de pécheurs allait être détruite, d'un genre de destruction dont la VI terre elle-même se ressentirait, afin d'en conserver le souvenir jusqu'à la fin du monde.

6: 14-21
§ 192. Alors Dieu enjoignit à Noé de se construire un immense vaisseau, dans les dimensions qu'il lui indiqua. Cette arche (car la forme en était plus semblable à un coffre qu'à un navire), devait avoir 300 coudées de longueur, c'est-à-dire environ 450 pieds ou 250 pas (la coudée étant généralement évaluée à un pied et six pouces).

La largeur était d'environ 80 pieds et la hauteur de 50. Distribuée en trois étages, et chaque étage étant composé de loges ou de cases de diverses grandeurs, l'arche ne ressemblait pas mal à une ruche d'abeilles avec ses rayons les uns sur les autres, sauf que les alvéoles des rayons de miel sont tous d'égales dimensions. Le bâtiment devait avoir des ouvertures en guise de fenêtres; une porte à l'un de ses côtés, et son toit presque plat n'avait pas deux pieds de pente. Voilà où Dieu dit à Noé de se réfugier contre le déluge, lui, sa femme, ses fils et leurs femmes, les animaux qu'il plairait à Dieu de conserver et de la nourriture pour eux tous.

6: 22
§ 193. Si Noé avait été faible dans la foi, il aurait eu bien des choses à objecter contre la Parole de Dieu. D'abord aura-t-il du temps et des aides en suffisance, pour achever cette prodigieuse construction? Ensuite, quelque vaste que soit l'arche, d'après le plan qui vient de lui être tracé, pourra-t-elle contenir tout ce qui doit y entrer? Et encore, comment Noé s'y prendra-t-il pour faire venir les animaux dans l'arche et comment les y domptera-t-il? À supposer que tout cela se puisse, est-ce qu'une masse pareille se tiendra, sans chavirer, sur la face des eaux? Plein ou vide, n'importe, il n'y a pas moyen qu'un vaisseau sans quille, sans gouvernail et sans voiles, résiste un seul moment aux flots du déluge. Mais enfin ce déluge lui-même est-il bien possible? D'où viendra donc toute l'eau capable de couvrir entièrement la terre? — Voilà sans doute des pensées qui ne manquèrent pas de s'élever dans le cœur de Noé; mais la bouche de l'Éternel a parlé; il croit, et il bâtit l'arche selon le commandement de Dieu. Oh! que ce bon Dieu daigne nous donner une foi obéissante semblable à celle de Noé notre père; car nous aussi nous avons à bâtir une arche pour échapper au jugement à venir?


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