Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

GENÈSE

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II. La Création.


Chap. 1-1

§ 15. La Bible, dans sa première ligne, nous enseigne une grande doctrine: c'est que tout, excepté Dieu, a eu un commencement. Rien ne devait être plus connu des hommes de l'Ancien Monde que cette vérité de fait; mais insensiblement le souvenir des origines se perdit ou s'altéra, en sorte que nous devons regarder comme une grâce de Dieu que sa Révélation débute en nous rappelant que les deux et la terre, c'est-à-dire toutes choses, ont eu un commencement, et que c'est Dieu qui les a appelées à l'existence. Les peuples et les individus qui ne possèdent pas la Bible ou qui la rejettent, ignorent cette vérité, qui est pourtant le point de départ de toute religion. Ils croient, non pas proprement que le monde ait toujours été ce qu'il est, mais que la matière dont le monde est formé a constamment existé d'une manière ou d'une autre, et ils en attribuent l'arrangement actuel au hasard ou à des circonstances absurdes. En sorte que, pour eux, c'est le monde qui est Dieu, l'Éternel. Ces hommes, hélas! sont bien à plaindre et bien coupables tout à la fois!

§16. Créer signifie quelquefois simplement arranger ou organiser. C'est le sens dans lequel on dit qu'un homme a créé un beau domaine là où il n'y avait auparavant que des buissons et des pierres. Mais créer signifie aussi donner l'existence à ce qui n'existait pas, le sortir du néant. Acte de puissance le plus mystérieux de tous, et que notre intelligence reconnaît avoir été nécessaire, sans qu'elle puisse le concevoir. Dieu a créé de ces deux manières. Après avoir appelé les choses à l'existence, il les a organisées.

§ 17. La Bible ne nous dit pas quand eut lieu le commencement. Nous verrons, d'après les renseignements fournis par la Genèse même, que l'homme fut formé environ 2500 ans avant que ce livre fût écrit par Moïse; mais la formation de l'homme n'a pas eu lieu au commencement de toutes choses. Sans parler des autres mondes, le nôtre paraît avoir eu une existence antérieure à l'organisation actuelle, à cette organisation dont l'homme fut comme le couronnement ou le chef-d'œuvre. Pendant son existence antérieure, la terre a pu être couverte d'arbres et d'animaux plus ou moins rapprochés ou différents de ceux d'aujourd'hui. Il se peut aussi qu'elle ait été le séjour d'êtres intelligents assez semblables à l'homme et qui auraient déjà reçu leur rétribution. Après une durée dont on ne saurait assigner l'étendue et par des raisons que nous entreverrons peut-être bientôt, ce premier monde aurait été détruit; non pas anéanti, mais bouleversé pour reparaître sous sa forme actuelle.

§ 18. C'est alors que, pendant un temps d'une durée qu'on ne saurait déterminer, la terre informe et nue (vraie traduction) fut recouverte d'eau, comme l'indique le mot abîme, sans qu'aucune lumière vînt éclairer et vivifier ce chaos momentané. Mais l'Esprit de Dieu planait sur tout cela, tel qu'un aigle qui dresse au vol ses petits; circonstance qu'exprime le mot hébreu qu'on a traduit par se mouvait.

1: 2
§19. L'Esprit de Dieu; c'est le même qui est si souvent appelé ailleurs le Saint-Esprit. Vous le voyez présider à la création ou à la réorganisation de ce monde. Celle-ci donc, loin d'être l'effet du hasard, est vraiment un acte de la suprême intelligence, aussi bien que de la souveraine puissance de Dieu.

1: 3-5
§ 20. Après que la masse confuse de notre globe eut été, je ne sais combien de temps, sous l'action combinée de l'eau et des ténèbres d'une part, et, d'autre part, sous celle du Saint-Esprit, Dieu forma la lumière, qu'il fit en quelque sorte émaner des ténèbres. Représentez-vous un appartement parfaitement clos, au milieu d'une nuit très noire. Vous allumez une bougie, puis encore une autre, et mille bougies si vous les avez à votre disposition; de cette manière vous avez fait sortir la lumière des ténèbres. Cette explication est destinée à vous montrer comment la lumière pouvait être enveloppée dans l'obscurité. Toujours est-il qu'il faut qu'elle ait été créée une fois. Et quelle magnifique œuvre de Dieu! Les savants en connaissent-ils bien la nature intime? j'ose en douter; mais ce que nul n'ignore, c'est que la lumière est indispensable à la vie et au développement de toutes choses; c'est qu'elle se propage avec une admirable rapidité; c'est qu'elle a une action merveilleuse sur tout ce qu'elle pénètre, et qu'elle se trouve là même où il ne semble pas qu'elle soit. Belle image de Dieu et de ses grâces; aussi ne vous étonnerez-vous pas lorsque notre Seigneur Jésus-Christ dira, en parlant de lui-même: «Je suis la lumière du monde.» — Voilà aussi pourquoi vous lisez au verset 4: «et Dieu vit que la lumière était bonne.»


§ 21. Quand nous voulons avoir de la lumière, il nous faut user de certains moyens et y employer des instruments; encore ne sont-ils pas toujours à notre portée. Dieu, au contraire, n'eut qu'à le vouloir; ce qui est exprimé par ces mots significatifs: et Dieu dit. Ces mots renferment cependant quelque chose de plus encore. Vous les lisez aux versets 6, 9, 14, 20, 24, 26. Ailleurs la Bible, comme nous le verrons plus tard, insiste sur ce fait, que Dieu a créé toutes choses par sa Parole toute-puissante. Puis elle nous dit du Seigneur Jésus-Christ qu'il est la Parole éternelle du Père, et que c'est par Lui que toutes choses ont été faites (Jean I, 1-3). Dès les premières lignes de la Bible, vous voyez donc se manifester dans sa plénitude, bien qu'obscurément encore, le Dieu au nom duquel vous avez été baptisés et qui vous a créés; savoir, le Père, le Fils et le Saint-Esprit (§ 19).

§ 22. Cette observation me ramène à une particularité remarquable du premier verset. En hébreu le mot Dieu est pluriel, et pourtant il y a bien créa, au singulier; comme ceci: Au commencement, les Dieux créa. Cette forme de langage s'entend d'elle-même, quand on se rappelle qu'il n'y a qu'un seul Dieu, mais qu'en ce seul Dieu il y a le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

§ 23. Dieu ayant séparé la lumière des ténèbres, il ne permit pas qu'elle se confondissent de nouveau; mais, par un procédé qu'il nous est impossible de connaître, il fit succéder les ténèbres à la lumière, de façon que celle-ci reparut pour marquer un second jour. Comme le soleil n'existait point encore, on ne saurait dire que ces jours fussent de même longueur que les nôtres. Étaient-ils plus ou moins longs? peu importe. Dieu a pu faire, et il a fait dans cet intervalle, quel qu'il ait été, tout ce qu'il fallait pour l'accomplissement de son œuvre.

§ 24. Voici donc quelle était la situation des choses à la fin du premier jour: la terre recouverte d'eau avait ressenti l'action puissante de la lumière, sous le souffle en quelque sorte de l'Esprit de Dieu. Le reste était encore à venir; mais quel commencement splendide! C'est ainsi qu'il arrive à une âme que Dieu convertit. Elle était dans les ténèbres; le Saint-Esprit l'illumine, et tout va sortir de là.

1: 6-8
§ 25. Pendant la nuit qui précéda le second jour, sur le matin peut-être, Dieu fit élever, des eaux qui couvraient la terre, les vapeurs et les nuages dont le ciel ne devait pas cesser d'être dès lors traversé en tous sens. Ce sont les eaux supérieures. Mais, afin que les nuées et les vapeurs pussent s'élever de la sorte et demeurer suspendues au-dessus de la terre, il fallait quelque chose pour les soutenir. C'est l'air qui nous environne et que nous respirons, ou autrement notre atmosphère. Dieu dégagea, pour ainsi dire, l'atmosphère de la terre et des eaux qui la contenaient, et c'est là cette étendue, ce corps transparent, mais ferme après tout, auquel aussi l'on donne le nom de Ciel. Non pas le Ciel où Dieu manifeste particulièrement sa présence et sa gloire, ce qu'on pourrait appeler le ciel des anges; ni même l'espace où se meuvent les astres et ce ciel qui nous les montre si brillants au milieu de la nuit; mais le ciel des nuages, ou si l'on veut des oiseaux, qui est comme un verre au travers duquel nous voyons le ciel des astres, et qui nous fait penser, si naturellement, au ciel du bonheur et de la gloire de Dieu. Telle fut l'œuvre du second jour.

§ 26. À la fin de ce jour l'eau recouvrait encore toute la terre, mais l'air et les nuages étaient venus ajouter leur action à celle de la lumière, et la terre se préparait ainsi, par l'Esprit de Dieu, à recevoir les êtres qui végéteraient bientôt à sa surface. Quel beau spectacle et quel moment plein d'attente pour les anges du Seigneur, témoins de ses œuvres magnifiques!


III. La Création. — Suite.


1: 9-10
§ 27. Au troisième jour, pendant la nuit peut-être, 9_ 10 les eaux inférieures, celles qui recouvraient encore toute la terre, furent, par la puissance du Seigneur, réunies en un lieu pour former le vaste Océan. S'il n'est pas parlé des lacs et des fleuves, c'est qu'ils sont peu de chose en comparaison de la mer, et que d'ailleurs toutes ces eaux constituent, à bien dire, une seule et même œuvre de Dieu. Mais, pour que les eaux pussent se réunir ainsi et laisser les continents à découvert, il fallut de nécessité que Dieu soulevât les plateaux et les montagnes; il le fit probablement au moyen du feu que recèlent les entrailles de notre globe. Ce fut ainsi que le sec, c'est-à-dire la terre ferme, parut. Elle existait déjà, sous la pression de l'eau et sous l'action de la lumière, mais jusqu'à ce moment on n'aurait pu la voir.

1: 11-13
§ 28. Alors aussi se montrèrent les plantes, arbres, arbrisseaux, arbustes, mais les herbages avant tout (le plus humble et à la fois le plus utile); chaque plante portant son fruit et sa semence avec soi, les diverses espèces étant bien déterminées, de manière à ne pouvoir se confondre. En sorte que si, par le travail de l'homme et par le concours de certaines circonstances, il est des végétaux qui ont contracté maintes variétés, tout cela ne s'est fait que dans des limites fixées par le Créateur.

§ 29. C'est quelque chose de bien admirable et qui confond la pensée, que cette faculté de reproduction donnée aux plantes par le Seigneur. Il en résulte que tous les arbres, toutes les fleurs qui existent aujourd'hui, étaient contenus en germe dans les fleurs et dans les arbres qui ornaient le monde au commencement! Cela même, au surplus, démontre qu'il a dû se faire une première création, de rien; car il faut nécessairement qu'il y ait eu un premier noyer, par exemple, ou plusieurs noyers créés simultanément, d'où tous les autres sont sortis.

1: 14-19
§30. Au quatrième jour se fit le partage du temps en jours, mois, saisons et années, au moyen du soleil et de la lune. On ne sait quel est le plus magnifique d'un jour de printemps éclairé par un brillant soleil, ou d'une nuit d'été avec la lune en son plein. Quoi qu'il en soit, on voit que la division du temps, telle qu'elle existe maintenant, s'effectua par le Seigneur au moment où elle devenait nécessaire, savoir lorsque les êtres animés allaient être appelés à l'existence. — On voit aussi, pour le redire, que le soleil n'est pas proprement la source de la lumière, puisque Dieu sépara celle-ci des ténèbres avant que le soleil fût devenu notre flambeau; mais il est comme le foyer où le Seigneur l'a concentrée, et d'où elle se porte sur la lune et sur les planètes, qui nous la réfléchissent.

§ 31. Il y a ici une difficulté que je ne dois pas passer sous silence. Elle résulte des mots qui se lisent à la fin du verset 16: «il fit aussi les étoiles.» On a remarqué avec raison que les étoiles sont des soleils indépendants de notre système solaire, et selon toute apparence centres de mondes qui existaient déjà. On estime en conséquence, que les étoiles ne sauraient avoir été créées le quatrième jour, époque assignée à la création du soleil et de la lune. Mais il n'est pas dit que le soleil et la lune aient été créés ce jour-là; il n'est ici question d'eux que relativement à notre globe. Le soleil fut sans doute créé au commencement (§ 15), c'est-à-dire une fois, et bien longtemps avant l'organisation actuelle. Seulement, ce fut au quatrième jour que Dieu fit du soleil, et par conséquent de la lune, nos deux grands luminaires, et ce jour aussi que la lumière des étoiles parvint jusqu'à la terre. C'est tout ce que porte la Bible, quand on y fait bien attention.

§ 32. Remarquez ensuite que ces deux mots: il fit, sont imprimés en caractères dits italiques. Je vous dirai j une fois pour toutes que, dans les livres ordinaires on imprime en lettres italiques les mots sur lesquels on veut attirer l'attention, tandis que, dans les versions de la Bible, on l'a fait pour les mots qu'on a du ou qu'on a cru devoir ajouter à l'original, par suite de sa concision ou de la différence des langues. Moïse a donc écrit simplement: «et les étoiles.» C'est une courte parenthèse, un mot jeté en passant; ce qui confirme l'observation précédente.

§ 33. Il y a là un enseignement indirect que je ne veux pas négliger. Bien des gens s'inquiètent considérablement de ce qui se passe dans les étoiles, de la nature et de la destination des êtres pour qui elles furent créées. Peut-être le saurons-nous un jour; mais en attendant, il est manifeste que cela ne nous est aucunement nécessaire. Admirons donc ces belles œuvres de Dieu, ou plutôt Celui qui les a faites, et contentons-nous de ce qu'il a permis ou voulu que nous en connussions.Je n'ai pas besoin d'ajouter sans doute que les étoiles n'ont en aucune manière été créées pour régler notre vie, et qu'il n'y a rien de plus absurde ni de moins pieux, que d'étudier le cours des astres dans ce but. C'est ce que fait, comme vous le savez, l'astrologie, science fausse, dans laquelle, à la honte du nom chrétien, tant de faiseurs d'almanachs trouvent leurs moyens d'existence.

1: 20-23
§ 34. Nous voici arrivés au cinquième jour. La terre ayant, par sa rotation sur elle-même, présenté successivement toute sa face au soleil et à la lune, durant un temps qui, je le pense, a pu être plus long qu'à présent, se trouva occuper vis-à-vis du soleil et de la lune sa position précédente. Ainsi commença une nouvelle journée, et avec elle une nouvelle manifestation de la puissance de Dieu. Alors parurent enfin les créatures vraiment vivantes. Ce furent toutes celles qui habitent l'air et les eaux, ces êtres qui, par leur structure, ont beaucoup de ressemblance les uns avec les autres et qui vivent, au sein de deux éléments pareils à tant d'égards. Comme les plantes, ils furent créés avec leurs espèces respectives, et doués de la faculté de se reproduire. Peut-être furent-ils créés en moins grand nombre d'individus de chaque espèce que ne l'avaient été les végétaux; ce que semblent indiquer ces mots: «Croissez et multipliez;», mais les espèces diverses existaient; et s'il est certains oiseaux, savoir ceux auxquels l'homme donne des soins domestiques, qui ont pu varier dans leur espèce, toujours est-il qu'ils n'ont formé que des variétés. — Il est bien important de remarquer comment, en toutes choses, ce que Dieu a nettement distingué, personne ne doit ni ne peut le confondre, comme ce que Dieu a joint, personne ne peut le séparer. Ainsi, le fidèle ne saurait jamais être confondu avec l'infidèle, et le bonheur sera toujours inséparable d'une vie selon Dieu.


IV. La Création. — Suite.

1: 24-25
§ 35. Le sixième jour étant venu, le Seigneur tira de la terre les animaux qui s'y meuvent, depuis les plus grands jusqu'aux plus petits, et tous parfaitement distincts dans leurs espèces respectives.

1: 25-28
§ 36. Enfin, tout étant prêt pour recevoir l'homme, ce fut alors que Dieu l'appela à l'existence. De quelque manière que nous envisagions la chose, il est bien évident que ce monde a été créé pour l'homme; mais l'homme lui-même pour qui fut-il créé? Toute l'Écriture nous répond que ce fut pour DIEU et pour Sa Gloire, d'où il résulte que le monde entier se trouve aussi avoir été créé pour la gloire de Dieu. C'est un point important qu'il ne vous faudra jamais oublier. Sans doute que chaque œuvre de Dieu atteste la majesté de son Auteur, mais il n'y a que l'homme ici-bas qui puisse la discerner et la célébrer véritablement. Et puis, la nature de l'homme et sa destinée sont tout autres que celles dés êtres qui l'entourent. C'est par là que Dieu l'a fait pour sa gloire. Il ne faudra pas nous étonner, en conséquence, si la création de l'homme est accompagnée de circonstances très particulières.

§ 37. Dieu créa toutes ses œuvres par sa Parole (§ 21). Il en fut de même pour celle-ci; mais l’écrivain sacré ne se contente pas de rappeler le: «Dieu dit», il nous révèle comme un Conseil que Dieu aurait tenu avant de former l'homme. Nous avons dans cet endroit (verset 26), une nouvelle trace du mystère de la pluralité dans l'unité de Dieu (§ 22): FAISONS l’homme; et nous en retrouvons une au verset suivant, quand il est dit que Dieu créa l'homme à l'image de Dieu, comme s'il y avait plus d'un Dieu. — Mais ce Dieu pluriel, si l'on peut dire ainsi, est un seul et même Dieu. Encore une fois, il n'y a qu'un Dieu, savoir le Père, le Fils et le St.-Esprit; trois en un. Je ne vous dis pas cela pour que vous cherchiez à le comprendre, car c'est au-dessus de notre portée; mais je vous le dis afin que vous le croyiez, parce que Dieu s'est révélé à nous de la sorte et que ce qu'il dit est vrai.

§ 38. Ce Conseil que Dieu tient avec lui-même, c'est pour nous faire sentir l'importance de l'œuvre dernière qu'il allait effectuer, quoique, à le bien prendre, Dieu ne fasse quoi que ce soit à la légère, et que toutes ses œuvres sortent du conseil profond de son infinie sagesse. Ici, nous avons pour résultat de la suprême volonté de Dieu, que l'homme fut fait à son image et à sa ressemblance, il s'agit, vous comprenez, du premier homme; car nous sommes loin d'être ce qu'il était à ce moment, et le premier homme lui-même ne demeura pas toujours tel que Dieu l'avait formé. Mais il ne faut pas trop anticiper sur ce qui doit venir tout à l'heure.

§ 39. Dire que l'homme fut fait à l'image de Dieu, c'est dire qu'au moment de sa création, il ressemblait à Dieu. Cette ressemblance consistait, extérieurement du moins, dans la domination que l'Éternel lui donna sur les œuvres de ses mains ici-bas. Car ce qui caractérise Dieu, c'est d'être le maître de toutes choses. En attribuant à l'homme une autorité pareille à la sienne dans une certaine mesure, Dieu constitua par là une ressemblance entre l'homme et lui.

§ 40. Mais qu'est-ce qui donnait à l'homme sa supériorité sur tous les autres êtres de ce monde? Ce n'était ni sa taille, ni sa force, ni son agilité, ni rien de pareil; c'était son âme. Il y avait en lui la pensée et la volonté. Voilà ce qui le rendait maître de tout, parce que l'esprit est nécessairement supérieur à la matière. Or cet esprit, c'est précisément l'image de Dieu dans l'homme. Ainsi, vous le comprenez, l'homme est doué d'une âme; par cette âme il peut exercer la domination sur tout ce qui l'entoure: telle est l'image et la ressemblance de Dieu.

1: 27-30
§ 41. L'humanité ne devait, ni ne pouvait être le partage d'un seul individu. Il fallait sans doute qu'elle fût une dans son ensemble, et c'est pour cela que Dieu n'a pas créé, pour commencer, une multitude d'hommes; toujours est-il que cette terre n'avait pas été créée pour un seul. Bien plus, je vous dirai que le UN tout seul n'existe nulle part. Même dans celui qui est UN par excellence, il y a une pluralité, comme nous l'avons vu. Ce que Dieu a voulu créer, c'est donc l'espèce humaine et non pas un homme. Aussi nous est-il dit (vers. 27) qu'il créa deux êtres humains, l'homme et la femme. Plus tard, nous verrons de quelle manière il le fit.

§ 42. Quand Dieu annonçait au premier homme que se postérité remplirait toute la terre, il ne semblait pas que cela fût possible; et cependant, bien que, au moment du déluge, toutes les branches de ce grand arbre aient été retranchées sauf une, la branche qui fut conservée alors s'est ramifiée de manière à remplir presque notre globe. Que Dieu est admirable dans ses œuvres! Il est sans doute de grandes portions de la terre qui manquent encore d'habitants. Mais la Parole de Dieu se réalisera. Et quand la terre sera complètement couverte d'êtres humains, alors aussi, nous l'espérons, la connaissance de Dieu la remplira tout entière. Quel temps que celui-là, et comme nous devons le hâter par nos prières!

§ 43. Nous voyons aux versets 29 et 30 que, dans les premiers jours du monde, et l'homme et les animaux, sauf les poissons et peut-être aussi quelques espèces qui vivent loin de la vue de l'homme, ne se nourrissaient que de végétaux, qui donnaient, tous, des fruits propres à l'alimentation. Ainsi, la mort ne régnait point encore, et les yeux de l'homme n'avaient que le spectacle du bonheur et de la paix. — Quand les voyageurs nous racontent qu'il y a dans l'Inde des peuplades entières, ou du moins certaines sectes, qui regardent comme un grand péché de manger de la viande, on est porté à croire que c'est l'effet de quelque antique tradition et comme un souvenir de ce qui avait lieu lorsque l'homme était dans son innocence primitive. Du reste, il est bien prouvé que l'homme peut parfaitement se passer de viande; et quant aux animaux actuellement carnassiers, on en voit assez fréquemment se nourrir de fruits ou de racines d'arbres lorsqu'ils sont pressés par la faim. D'ailleurs, nous pouvons dire, sans crainte de nous tromper, que l'Éternel avait pourvu, d'une manière ou d'une autre, à ce que les animaux pussent vivre comme il nous est dit qu'ils le faisaient. Ainsi fut, dit la Bible. — Avant de passer outre, je ferai remarquer que la conjonction, mais qui est au commencement du verset 30, doit être remplacée par le mot et, ce que permet très bien l'original.

1: 31
§ 44. À la fin de chaque jour, comme après la création de la lumière (§ 20), il est dit que Dieu vit que cela était bon; c'est une manière d'attirer notre attention sur l'excellence de chacune des œuvres prise à part. Puis, quand Dieu eut tout achevé, il vit que cela était très bon; c'est-à-dire parfaitement tel qu'il le fallait et qu'il le voulait. Il ne s'agit pas de savoir s'il y a d'autres mondes plus parfaits que celui-ci; la vérité est que tel qu'il sortit des mains de Dieu, et même tel qu'il est devenu plus tard, ce monde est précisément ce qu'il devait être pour la plus grande gloire du Seigneur. Après quoi, il est certain que, si chaque œuvre de Dieu, une plante, un insecte, une goutte de pluie, est admirable quand on l'étudie à part, l'ensemble des œuvres de Dieu ne l'est pas moins. Oh! oui, tout cela réuni est beau, excellent, magnifique; et plus vous connaîtrez les êtres qui vous entourent, plus vous serez pénétrés de cette vérité.

2: 1-3
§ 45. Voilà donc comment furent créés les cieux et la terre, et toute leur armée. Par ces derniers mots, il faut entendre les êtres dont la formation eut lieu pendant les six jours, et qui, semblables à une armée, belle et nombreuse, obéissaient à leur Créateur, comme la troupe obéit à son chef. Les anges aussi sont appelés l'armée des cieux; et, bien que leur existence ait dû être antérieure à celle de l'homme, il ne faut pas oublier qu'ils sont, de même que nous, des créatures du Tout-Puissant.

§ 46. Après le travail vient le repos; mais le repos de Dieu n'est pas de l'oisiveté et il n'a pas pour cause la lassitude. Lors donc qu'il nous est parlé du repos dont Dieu se reposa, c'est pour montrer que son œuvre fut si bien achevée qu'il n'y eut plus rien à y ajouter. Tout ce qui est venu après n'a été qu'un développement, mais un développement produit lui-même par la puissance de Dieu et sous sa direction souveraine.

§ 47. Puis, Dieu bénit le septième jour, ce jour qui fut le premier dont l'homme vit lever le soleil; jour qu'il passa sûrement dans l'adoration de Dieu et dans la contemplation de ses œuvres. — Avant qu'Adam eût péché, toutes ses journées étaient saintes et bénies. Toutefois l'Éternel voulut qu'il y eût un jour particulièrement béni, un jour mis à part, ce que signifie le mot sanctifié. Or ce n'est pas pour lui-même que Dieu a béni et mis à part ce saint jour; ce ne peut être que pour l'homme.

§ 48. Par la consécration de ce jour, Dieu introduisit dans le temps une division nouvelle et fort importante. Le soleil était là pour régler les jours, les saisons, les années; la lune conduisit par son renouvellement régulier à l'idée des mois; le jour du repos de Dieu vint à son tour marquer la semaine, division du temps à la fois si utile et si sainte. Plus tard, Dieu établit divers jours de fêtes pour le peuple d'Israël, comme nous le verrons; mais au commencement, il n'institua qu'une seule solennité et cette solennité revenait tous les sept jours. Quelle belle fête ne devait-ce pas être pour l'homme tout plein de l'amour de Dieu! Quelle fête aussi pour nous, à supposer que nous ayons dans notre âme le repos, ou la paix du Seigneur!

§ 49. En terminant l'étude de cette portion si grande de la Parole de Dieu, je veux vous faire remarquer les mots qui se lisent à la fin du verset 3, chapitre II: «l'œuvre que Dieu avait créée pour être faite;» ou, plus littéralement, «l'œuvre que Dieu avait créée et faite.» Ceci confirme l'observation que je vous ai présentée plus haut (§ 16, 17), savoir que l'histoire contenue dans le premier chapitre de la Genèse, à l'exception du premier verset, est l'histoire de l'organisation actuelle de ce monde, plutôt que celle de sa création proprement dite. Le premier verset se rapporte seul à la création première de toutes choses.


V. L'homme en Éden.



2: 4-5
§ 50. Il y eut donc un moment où nulle plante ne croissait sur la terre et où l'homme n'existait pas; mais dans ce qui précède sont les origines ou la Genèse de toutes choses! voilà ce que signifient les versets 4 et 5 du second chapitre.

§ 51. Si je pouvais vous donner ici un résumé des diverses fables qui ont circulé parmi les hommes sur la cosmogonie, c'est-à-dire sur la formation du monde, vous admireriez toujours davantage le récit de Moïse. Quelle simplicité, quelle majesté et surtout quelle vérité, en comparaison de ces contes absurdes qui constituent, encore à présent, le fond des religions païennes, ou même en comparaison des systèmes philosophiques que tant d'hommes habiles ont vainement proposés, pour expliquer la création de l'Univers. Mais si le récit de Moïse porte le cachet de la vérité, si les travaux des savants viennent de jour en jour le confirmer, il en résulte que Moïse fut bien réellement inspiré de Dieu; car il est évident que ni lui, ni aucun homme quelconque n'avaient vu ce qu'il nous raconte, et en conséquence il n'a pu le savoir que par une révélation expresse du Seigneur.

2: 5-6
§ 52. Il y a, au verset 6, une erreur de traduction assez singulière, et comme il n'en est peut-être pas deux semblables dans toute la Bible. Au lieu de «et aucune vapeur ne montait de la terre,», il faut lire: «mais une vapeur montait de la terre.» En sorte que, dans le commencement, ce n'était pas au moyen de la pluie que le Seigneur répandait sur les plantes l'humidité nécessaire, mais c'était par de légères vapeurs, telles que la rosée ou les brouillards du matin, avant-coureurs d'un beau jour. Bien des personnes estiment qu'il en fut ainsi jusqu'au déluge. Je ne sais trop ce qu'on en doit penser. Toutefois, il faudra nous souvenir plus tard de cette idée.

§ 53. Il est encore à observer sur ces versets, que nous y voyons paraître pour la première fois l'expression: l’Éternel Dieu, ou le Dieu Jéhovah, car ce dernier mot est le mot hébreu qu'on traduit l'Éternel. C'est par ce nom surtout que Dieu se distingue de tout ce qui existe hors de lui. Toutes choses doivent leur existence à Dieu; mais Dieu possède l'existence en lui-même. Il a toujours été, et il sera toujours ce qu'il est. Quant aux dieux que les hommes ont inventés, il est clair qu'ils ne sont pas éternels, puisqu'ils n'existent pas même: ils ne sont pas Dieu.

2: 7
§ 54. Voici où commence proprement l'histoire de l'homme. Après nous avoir dit qu'il fut créé à l'image de Dieu, l'écrivain sacré raconte plus en détail de quelle manière l'Éternel le forma. Il y a trois choses à distinguer en l'homme: le corps, la vie et l'âme. Le corps d'Adam fut pris de la terre; et c'est encore de là que viennent nos corps, non seulement parce que nous sommes issus d'Adam, mais aussi parce que la nourriture qui développe et entretient notre corps sort bien réellement de la terre. Puis Dieu anima le corps d'Adam en y répandant la vie. C'est quelque chose d'admirable et de bien mystérieux que la vie! toujours est-il que la source en est dans le Dieu vivant et en lui seul. Les animaux T aussi avaient reçu leur vie de Dieu, et, avec la vie, des instincts et une certaine mesure d'intelligence; mais l'homme eut plus que cela. Une âme douée d'une vie immortelle, une âme propre à de hautes pensées, à de saintes affections, à de fortes volontés, voilà ce qui constitue l'homme, et ce qui lui fut donné avec l'existence. Ainsi, un corps animé d'une âme vivante, tel est l'homme. Ce n'est pas le corps qui est l'homme; ce n'est pas non plus l'âme toute seule; mais c'est le corps et l'âme réunis. — Quand on pense qu'il existe sur la terre une foule d'individus qui ignorent complètement cette vérité si simple et si grande, quelle reconnaissance ne devons-nous pas à Celui qui a daigné nous la révéler; car, sans la Bible, nous l'ignorerions comme tant d'autres hommes. Mais nous qui savons, grâces à Dieu, que nous possédons une âme, prenons garde de la négliger. Il s'agit de penser à notre âme; il s'agit d'aimer notre âme, de l'éclairer, de la sauver; et c'est pour la sauver que la Bible nous a été donnée.

2: 8-15
§ 55. Après nous avoir dit comment l'homme fut fait, l'Écriture nous apprend en quelle contrée l'Éternel-Dieu le plaça. C'était à l'orient du pays où se trouvait Moïse quand il écrivit la Genèse, ou, mieux encore, à l'orient de celui vers lequel les Israélites marchaient à cette époque; ainsi donc en Asie, et à une certaine distance dans l'intérieur. L'Asie est encore à présent la partie du monde la plus peuplée, et tout démontre qu'elle fut effectivement le berceau du genre humain. Or, quand on voit son étendue, la diversité de son sol et de ses climats, aussi bien que son heureuse position relativement aux autres parties du monde, on comprend que Dieu l'ait choisie pour en faire le séjour des premiers hommes.

§ 56. Toute la terre, et les continents, et les îles, et les mers, furent, dès l'origine, disposés en vue du genre humain qui devait les habiter et les parcourir; mais, pour l'établissement du premier homme, Dieu avait spécialement préparé une contrée qui reçut le nom d'Éden, ce qui veut dire Plaisir, ou les Délices. Tandis que, partout ailleurs sans doute, le sol fertile était recouvert de forêts, ici les arbres semblaient avoir été plantés comme ceux d'un jardin, et la plupart d'entre eux portaient les plus beaux fruits que l'homme pût désirer pour sa nourriture. Parmi ces arbres s'en trouvaient deux dont les noms nous sont donnés au verset 9, et qui jouèrent un rôle important dans les relations d'Adam avec Dieu. Mais, avant d'expliquer ce que faisaient là ces deux arbres et pour suivre pas à pas l'écrivain sacré, il nous faut faire plus ample connaissance avec le jardin.

§ 57. C'était une contrée assez étendue, qu'arrosait un beau fleuve. Le nom de ce fleuve n'est pas indiqué; seulement on voit que, au sortir du jardin, il se partageait en quatre rivières, desquelles deux encore existent à ce jour, et l'une des deux sous son même nom, savoir l'Euphrate. L'autre rivière c'est l'Hiddekel, qui doit être le Tigre. Quant au Pison et au Guihon, l'on ignore ce que c'était, de même que le pays de Havila. Tout ce territoire a pu subir de grandes métamorphoses, soit à l'époque du déluge, soit auparavant. Il ne s'agit donc pas de vouloir déterminer d'une manière exacte la position géographique du jardin d'Éden. On peut dire seulement qu'il était à l'intérieur du continent asiatique, sans être trop loin de l'Afrique ni de l'Europe.

2: 15
§ 58. L'homme fut mis dans le jardin pour le garder et le cultiver. Il ne faut donc pas croire que, avant son péché, l'homme n'eût aucune occupation. Par cela même qu'il avait été fait à l'image de Dieu, l'activité, le goût de l'ordre et de l'arrangement devait être une nécessité de sa nature. Il avait six jours pour ce genre de travail, puis venait le jour béni et sanctifié. Mais l'homme faisait son travail sans fatigue, sans contretemps, sans mécomptes; et son repos n'était pas plus commandé par la lassitude que ne le fut celui dont Dieu se reposa après avoir achevé son œuvre. — Cela étant, je prie mes lecteurs, jeunes et vieux, de remarquer combien l'oisiveté est peu honorable pour l’homme. Vivre sans rien faire est une vraie dégradation. Au contraire, vivre d'une vie occupée, c'est vivre d'une vie semblable à celle de Dieu et à celle d'Adam avant sa chute; pourvu toutefois, c'est bien évident, qu'on s'occupe à de bonnes choses.

2: 16-17
§ 59. Puis Dieu donna à l'homme une permission et un commandement. Il lui permit de disposer librement de tous les fruits du jardin, y compris l'arbre de vie, qui était comme le symbole du bonheur dont Adam jouissait alors; mais il lui commanda de respecter le fruit d'un arbre, de celui qui était appelé l'arbre de la connaissance du bien et du mal. — Si Dieu avait fait l'inverse ; s'il n'avait permis à Adam de manger que le fruit d'un seul arbre, il en était bien le maître, et certainement l'homme n'aurait pas eu le droit de se plaindre. En faisant autrement, Dieu s'est montré plein de bienveillance envers l'homme, c'est incontestable. La même chose arrive pour nous. Il nous semble quelquefois que Dieu restreint prodigieusement notre activité par ses prohibitions; tandis que, au fond, je suis porté à penser qu'il nous permet plus de choses qu'il ne nous en interdit.

§ 60. Remarquez donc combien la défense du Seigneur était facile à observer. — Non seulement cela, mais encore elle était extrêmement salutaire à l'homme. Par le fait même que l'Éternel lui avait remis une grande autorité sur toutes ses œuvres d'ici-bas, il importait que l'homme se souvînt pourtant qu'il n'était pas son propre maître, mais qu'il avait pour Maître, dans le Ciel, ce Dieu qui l'avait créé et qui lui parlait. Afin donc de bien établir sa souveraineté, le Seigneur fit comprendre à l'homme que s'il mangeait de tous les fruits du jardin, c'était par sa permission, et de plus il réserva celui d'un arbre particulier. En sorte que si Adam pouvait être tenté d'oublier Dieu en prenant sa nourriture de chaque jour (comme, hélas! tant de gens le font), il n'y avait pas moyen qu'il passât devant l'arbre dont il s'agit sans se souvenir de son Créateur, souvenir bien doux et bien utile assurément.

§ 61. Mais ce n'est pas tout. L'Éternel ajoute une menace à son commandement. Lors même qu'il ne l'aurait pas fait, Adam eût dû néanmoins obéir, et la désobéissance eût été également suivie de la punition; mais Dieu, dans sa bonté, voulut que l'homme sût bien à quoi il s'exposerait s'il violait la défense qu'il venait d'ouïr. Sans doute qu'Adam ne pouvait comprendre ce que c'était que la mort, car il n'avait encore rien vu de pareil. Il ne laissa pas de sentir que ce devait être quelque chose de terrible. Nous, de même, quand la Bible nous parle des peines éternelles, nous ne pouvons pas savoir au juste en quoi elles consisteront, mais il n'y a pas besoin de le savoir pour en être effrayé. Nous entendons assez que ce sera quelque chose d'épouvantable. Eh bien! puisque j'ai été conduit à faire ce rapprochement, rappelez-vous, ô vous qui lisez ces lignes, rappelez-vous que Jésus-Christ est venu pour nous racheter de la mort, et regardez vers lui afin d'être sauvés. — Quant à Adam, nous avons dit ce qui se passa entre Dieu et lui, tout au commencement; et si jamais il vous est arrivé d'y méconnaître la bonté divine, j'espère qu'il m'aura été donné de rectifier vos idées sur ce sujet.



VI. L'Homme en Éden. — Suite.

2: 18-21
§ 62. On lit en certains livres que la vie sauvage fut la vie primitive du genre humain, et on l'appelle en conséquence l'état de nature. C'est une idée bien fausse que celle-là! L'homme, au contraire, a été créé pour vivre en société, et de fréquents rapports avec ses semblables sont nécessaires à son développement; vérité d'expérience que la Parole de Dieu établit d'une manière positive, lorsqu'elle dit: «Il n'est pas bon que l'homme soit seul.» Sans méconnaître les bienfaits de la solitude et de la retraite, on peut affirmer qu'une vie de complet isolement ne saurait être avantageuse à notre âme. Ce n'est pas, d'un autre côté, que l'homme ne se fasse jamais de mal dans la compagnie de ses semblables, ni, en particulier, qu'il n'y ait pas en ce monde des sociétés peu convenables pour les enfants de Dieu. Mais combien de choses qui étaient bonnes dans l'institution primitive de l'Éternel et qui sont maintenant plus ou moins dangereuses! Toujours est-il que la société humaine est d'ordonnance divine, ou, pour le dire en d'autres termes, Dieu veut que les hommes vivent avec leurs semblables, qu'ils vivent les uns pour les autres, et non pas seulement chacun pour soi.

§ 63. Au moment même où l'homme fut créé, il ne se trouva point seul sur la terre. Entouré d'animaux qui, tous lui obéissaient par une impulsion divine, il dut avoir une véritable jouissance à les passer en revue, comme nous pouvons nous en faire une faible idée par le plaisir que nous cause un cabinet d'histoire naturelle ou une belle ménagerie. Il donna des noms à ce grand nombre d'êtres vivants dont Dieu avait peuplé et animé le jardin; non pas à tous les animaux qui se mouvaient sur le globe, c'est bien évident; ni même à tous ceux qui étaient en Éden; car vous voyez que, parmi les animaux auxquels Adam imposa des noms, il n'est fait mention ni des poissons, ni des reptiles. Quoi qu'il en soit, le premier homme fit là une chose qui n'est pas aussi facile qu'elle le semble au premier abord. Quelle puissante intelligence il fallait qu'il eût reçue de son Créateur, pour savoir distinguer les unes des autres les diverses espèces et donner à chacune un nom à part! C'est encore ce que l'homme est obligé de faire à mesure qu'il découvre de nouveaux êtres dans la nature; mais, pour y réussir, il faut des connaissances ou un génie que tous ne possèdent pas.

§ 64. Cependant, parmi ces êtres il ne s'en trouvait point d'assez semblables à Adam pour qu'il en fît sa société. Il put bien voir que, par le corps, il n'y avait pas trop de différence entre lui et certains animaux; mais l’âme, c'est-à-dire l'esprit, le cœur, la conscience et, par-dessus tout cela, le don magnifique de la parole, voilà ce qui leur manquait; car l'homme n'est pas un simple animal, comme quelques-uns, hélas! le prétendent. Adam n'avait donc là personne pour partager ses sentiments envers son Créateur et pour devenir l'objet de ses affections humaines; personne à qui communiquer ses pensées, ni de qui recevoir d'autres pensées en échange. Je n'oublie pas que Dieu était avec Adam, et que ce fut là le principe de ses connaissances et de son développement; mais, bien que l'homme eût été fait à la ressemblance de Dieu, cependant Dieu n'était pas son semblable, ou un second lui-même, comme il le fallait. C'est pourquoi l'Éternel lui donna enfin une compagne qui, vraiment assortie à sa nature, vint en quelque sorte doubler son existence.

2: 21-24
§ 65. Il a été déjà fait mention de la femme au chapitre Ier, verset 27 (§ 41); mais, de même que l'Histoire Sainte a repris le récit de la création de l'homme pour dire plus en détail comment elle fut effectuée, nous la voyons revenir, avec la même intention, sur la création de la femme. — On ne saurait trop admirer la sagesse de Dieu dans la manière dont il s'y prit pour donner au premier homme la compagne de sa vie. Il voulut qu'elle fût à la fois son égale et sa subordonnée; que l'homme vît en elle un second lui-même, et que
la femme reconnût en l'homme son chef; que ni l'un ni l'autre ne pussent s'envisager comme d'une autre nature; et, enfin, que le genre humain n'eût bien réellement qu'une seule tige. Pour réaliser ce dessein, l'Éternel prit la femme de l'homme, selon la grandeur de sa puissance et son infinie bonté.

§ 66. Si le Seigneur fit tomber sur Adam un profond sommeil, ce ne fut pas assurément pour le mettre à l'abri de la souffrance; car Celui qui a pu former la femme d'une côte de l'homme pouvait dans tous les cas le préserver de la douleur. Mais il voulut sans doute qu'Adam, à son réveil, eût la joie d'une douce surprise et qu'il comprît de lui-même les intentions bienveillantes de l'Éternel.

§ 67. C'est ce qui eut lieu. Adam se reconnut dans sa compagne. Pour cette fois, dit-il, il n'en est pas comme des autres créatures vivantes qui m'entourent; mais celle-ci est mes os et ma chair; c'est moi, moi-même que je retrouve en elle. Et voilà comment Dieu institua les liens sacrés du mariage; union, sainte encore malgré le péché qui a tout changé pour l'homme, mais union toutefois qui n'est plus aussi intime, ni aussi douce, ni aussi complètement bienfaisante qu'elle devait l'être avant que le cœur humain fût devenu méchant. Elle n'en demeure pas moins la plus étroite et la plus sérieuse des relations; car la parole contenue au verset 24 reste vraie. Non seulement la femme en se mariant quitte sa famille pour appartenir à son mari, mais encore l'homme lui-même, sans cesser d'aimer et d'honorer son père et sa mère, ne peut plus avoir avec eux exactement les mêmes rapports que jadis; il se joint à sa femme pour devenir le chef d'une nouvelle famille. Ceci même est nécessaire dans l'intérêt de la paix domestique et de l'éducation des enfants, comme une expérience constante le démontre.

§ 68. Quelles que soient les moqueries auxquelles se sont abandonnés des hommes pervers au sujet de ce récit, il n'en est pas moins vrai que, dans tous les pays où le fait qu'il nous rapporte est ignoré, la femme se voit dans la condition la plus misérable. Et même au milieu de nous, il est des gens qui font un mal immense à la société, les uns en dégradant la femme comme si elle n'était destinée qu'à être l'esclave des volontés et des passions de l'homme, les autres en prétendant l'élever à une position d'indépendance et à un genre d'activité qui ne sont pas sa véritable destination. Tout cela vient du mépris de la Bible. D'après le Saint Livre, la femme ne doit être ni esclave, ni souveraine; elle n'est pas d'une autre nature que l'homme, ainsi que le prétendent les Indous, mais elle n'a pas non plus à jouer ici-bas le même rôle que l'homme. Qu'elle soit épouse, mère, fille, sœur ou amie, elle a droit au respect, à l'affection, aux égards; mais, dans tous les cas, elle ne saurait, sans mépriser Dieu, oublier qu'elle est simplement appelée à servir d'aide et de compagne. Ce n'est pas à dire qu'elle puisse jamais être privée de toute indépendance de pensée et d'activité, ni de toute influence morale sur l'homme son semblable; mais encore faut-il reconnaître que son action et son influence sont d'une nature différente de celles de l'homme. À celui-ci la force et le commandement; à la femme la douceur et la persuasion. Telle est l'institution divine; et je ne saurais penser que la femme ait à se plaindre de la part que le Seigneur lui a faite.

§ 69. De même qu'Adam imposa des noms aux êtres vivants que Dieu avait réunis près de lui, nous le voyons aussi en donner un à sa chère compagne. Ce nom était destiné à rappeler son origine et sa nature. Il paraît qu'Adam s'était désigné lui-même par le mot Isch, et, en conséquence, il appela sa femme lscha, c'est-à-dire qu'au fond il l'appela comme lui, vu qu'elle réfléchissait sa propre image. Nos traducteurs ont été fort embarrassés pour exprimer la même idée, et ils ont inventé le nom de «hommesse» qui ne fut jamais un mot français. Peut-être eût-il mieux valu dire qu'Adam l'appela de son nom. Mais encore se fût-on exposé de la sorte à être mal compris, parce que l'homme Isch reçoit de Moïse un autre nom, par lequel il est demeuré connu de tous, celui d'ADAM. Ce mot-ci est très significatif; car Adama, en hébreu, veut dire la terre, le sol; et l'on comprend aisément pourquoi le même mot, ou à-peu-près, désigne à la fois la terre et l'homme, puisque le corps de l'homme fut tiré de la poudre.

2: 25
§ 70. Jusqu'ici la Bible n'a point parlé de l'innocence de nos premiers parents. On ne saurait douter néanmoins qu'ils ne fussent sans péché. Cela résulte de ce qu'ils sortaient des mains mêmes de Dieu; aussi Dieu déclara-t-il, d'abord après les avoir créés, que tout était très bon. Mais voici un verset qui exprime la chose d'une autre manière. Adam et Ève, innocents et purs comme les anges de Dieu, et plus encore que l'enfant qui vient de naître, n'éprouvaient pas le besoin de se cacher de devant leur Père céleste. Ils ne savaient pas ce que c'est que la honte, parce qu'il n'y avait point de mal en eux.



VII. Chute de l'homme.

3: 1
§ 71. Combien de temps Adam et sa femme, ces deux enfants de Dieu, demeurèrent-ils dans leur innocence, c'est ce qu'il est impossible de déterminer. Que ce temps ait été long ou court, hélas! par le fait cela revient bien au même, et tout semble indiquer que la félicité de nos premiers parents ne dura pour ainsi dire qu'un instant. La manière dont ils perdirent à la fois la sainteté et le bonheur, nous est racontée dans le troisième chapitre de la Genèse, une des portions les plus importantes de la Bible. Il faut convenir qu'il s'y trouve aussi de grandes difficultés; et encore ces difficultés sont-elles moins grandes pour nous qu'elles ne l'étaient pour les fidèles des temps anciens, parce que le Nouveau Testament est venu jeter un très grand jour sur cette histoire de la chute de l'homme.

§ 72. Remarquons d'abord que le serpent dont il est ici parlé devait être fort différent de l'animal qui porte maintenant ce nom. — Vous pouvez avoir eu sous les yeux des estampes qui vous auront donné là-dessus des idées très fausses, comme, au reste, le font la plupart des tableaux dont le sujet est tiré de l'Histoire Sainte. Il faut donc se défier de l'impression qu'ils laissent. — Nous voyons par le verset 14, que, dans le principe, le serpent ne rampait pas sur son ventre. Sa nature était donc autre qu'à présent. Selon quelques personnes, elle aurait eu avec la nature humaine des rapports assez étroits pour expliquer que la femme ait pu, sans trop de surprise, ouïr cet animal proférer quelques discours.

§ 73. Quoi qu'il en soit, on ne saurait lire ce chapitre sans apercevoir que ce qui nous y est dit du serpent ne peut s'entendre d'un simple animal. Il y a là l'activité d'une intelligence, malfaisante sans doute, mais puissante et même plus puissante que celle de l'homme. Aussi la Bible nous enseigne-t-elle que le vrai tentateur fut Satan, autrement appelé Diable. (Consultez Apocalypse, chap. XII, 9; et XX, 2.) La femme vit, en effet, un des animaux du jardin, le plus remarquable de tous, le plus intelligent, elle le vit, dis-je, qui mangeait peut-être du fruit que Dieu avait interdit à l'homme; mais ce fut Satan qui lui fit entendre les paroles qui l'entraînèrent dans la désobéissance. Je dirais même qu'il se contenta de les lui souffler dans le cœur, comme lorsqu'une voix intérieure nous pousse au mal, et qu'il nous semble que c'est quelqu'un qui nous parle réellement; mais notre cœur, à nous, est mauvais, tandis que celui d'Ève ne l'était point encore.

§ 74. Avant d'aller plus loin, il nous faut savoir qui est cet être si puissant et si rusé, dont le serpent ne fut, dans tous les cas, que l'instrument. La Bible seule peut nous l'apprendre; et voici le résumé de ses j enseignements sur ce point. À mesure que nous avancerons, nous approfondirons davantage ce sujet; car il est remarquable que la révélation relative à Satan est allée en se développant, à mesure aussi que se développait la révélation relative à notre Sauveur, lequel a détruit l'empire du Diable (Héb. II, 14, 15).

§ 75. Il est facile d'admettre qu'avant de créer l'homme, Dieu ait créé d'autres êtres intelligents, capables de le connaître, de l'aimer et de l'adorer. Ces êtres sont en très grand nombre, et forment, à ce qu'il paraît, bien des familles. La Bible les appelle anges, archanges, chérubins, séraphins, trônes, puissances, etc. Vous ferez, par la suite, plus ample connaissance avec eux; j'entends non pas seulement dans le ciel, si Dieu vous y reçoit, mais en continuant l'étude des saintes Écritures, où il nous est souvent parlé des anges.

§ 76. Parmi ces anges, il en est un qui s'est révolté contre Dieu, et qui a su entraîner dans sa révolte un certain nombre de ses semblables. Comment cela s'est fait, nous l'ignorons; mais quand nous voyons ici-bas tant de gens qui vivent dans un état ouvert de rébellion contre leur Créateur, nous ne devons pas avoir trop de peine à croire qu'il a pu en être de même pour une partie des anges que Dieu avait créés, comme nous, afin qu'ils le servissent et l’adorassent. Ces esprits malins , (ainsi les appelle l'Ecriture), avec Satan à leur tète, sont, de même que les impies d'entre les hommes, sans cesse occupés à contrecarrer les desseins de Dieu. Il ne peuvent être les plus forts, sans doute, ni demeurer les maîtres du champ de bataille; car, enfin, Satan n'est pas Dieu; mais l’Éternel a permis que, pour un temps, ils eussent une très grande puissance ici-bas.

§ 77. Il ne me paraît point impossible que Satan et ses anges aient habité ce monde antérieurement à l'organisation actuelle de notre globe (§ 17). Dans cette supposition, dont je n'affirme point la vérité, mais que la Bible ne me semble pas contredire, notre monde actuel serait de beaucoup inférieur au précédent; la terre aurait subi sa première catastrophe à l'occasion de la révolte des anges méchants; puis l'on comprendrait les relations qu'ils continuent d'avoir avec notre pauvre terre; on s'expliquerait enfin pourquoi Satan en est appelé le Prince (Eph. II, 2), mais prince dans une prison, tandis qu'auparavant il l'était dans un palais.

§ 78. Lors donc que Dieu eut donné à la terre une nouvelle existence et qu'il y eut placé l'homme et la femme, Satan, jaloux du bonheur dont ils jouissaient dans la communion de Dieu, conçut aussitôt l'horrible dessein de le leur enlever. Et remarquez que, de nos jours encore, Satan ne fait pas autre chose. Quand une âme jouit de la paix de Dieu, il n'aspire absolument qu'à l'en priver.

§ 79. Ce fut à la femme que s'adressa le Tentateur, soit parce qu'il la jugeait plus faible et plus facile à influencer que l'homme, soit, comme plusieurs le pensent, parce qu'elle n'existait pas encore lorsque Dieu fit la défense et qu'elle ne pouvait la connaître que par Adam. C'était une vue bien fausse (mais Satan se trompe souvent); car non seulement l’homme se montra peut être plus faible que sa compagne, mais encore il n'y avait pas besoin que Dieu eût parlé lui-même à la femme pour qu'elle crût à sa parole, telle que la lui avait transmise son mari.

3: 2-3
§ 80. Pour commencer, Satan tâche de jeter du mécontentement dans le coeur de la femme, en se servant III d'expressions quelque peu équivoques, comme si Dieu eût étendu sa défense à tous les arbres du jardin; ou tout au moins comme si Dieu s'était montré peu généreux en ne permettant pas de manger du fruit de tous les arbres. — À cette coupable suggestion, la femme répond avec une parfaite fermeté, en rappelant, et la permission si libérale du Seigneur, et sa défense si formelle. On a remarqué que la femme ne reproduisit pas textuellement la parole de l'Éternel; mais il est possible que ce qu'elle y ajouta: «et vous ne le toucherez point,» fût le commentaire qu'Adam, parlant au nom de Dieu, avait cru devoir ajouter: commentaire plein de sagesse, car ce qu'il ne nous est pas permis de posséder, nous ne devons pas y toucher, ni même quelquefois le regarder. Cependant, il est vrai de dire, en général, qu'il faut citer la Parole de Dieu telle qu'elle est, sans y ajouter, et sans en retrancher.

3: 4-5
§ 81. Après avoir échoué dans sa première tentative, mais non pas complètement, puisque la femme consentit à un entretien qui eût dû la faire fuir, attendu que le premier mot en avait été, sous une forme assez subtile, une insulte contre son Dieu, Satan se décide à franchir d'un seul pas toutes les bornes. Il contredit formellement la menace du Seigneur, et, donnant un libre cours à ses mensonges, il fait à la femme des promesses qui purent lui paraître magnifiques: «Vous ne mourrez point; vous serez tout à fait comme Dieu; vous connaîtrez des choses que vous ne connaissez pas encore;» ce qu'il entremêle d'une nouvelle insulte à l'Éternel. Insulte pleine de calomnie; car il donne à entendre que c'est par jalousie que Dieu a défendu de manger du fruit de cet arbre: «Dieu sait qu'au jour que vous en mangerez, etc.»

§ 82. Ces mensonges n'étaient pas ce qu'on appelle de grossiers mensonges. Entendus d'une certaine façon, ils avaient une apparence de vérité; mais il n'y a pas de mensonges plus funestes, ni peut-être de plus coupables que ceux-là. Il était vrai que la femme ne mourrait pas immédiatement; toujours est-il que la menace de Dieu ne pouvait pas ne point s'accomplir. Il était vrai que ses yeux seraient ouverts, mais pour voir sa honte. Il était vrai qu'en mettant sa volonté au-dessus de celle de Dieu elle deviendrait en un certain sens son propre Dieu; mais c'est là précisément ce qu'il y a d'horrible dans le péché: il sépare du Seigneur. Il était vrai qu'elle connaîtrait par expérience ce que c'est que le mal, mais c'était là ce qui devait faire sa perte. Il était vrai, enfin, que Dieu est un Dieu Fort et Jaloux, mais c'est dans l'intérêt même de ses créatures qu'il est jaloux de sa gloire; et nous avons vu combien Dieu avait montré de bienveillance à l'égard de l'homme en lui rappelant, par sa défense, sa souveraineté (§ 59).

3: 6
§ 83. Il y avait certainement dans les paroles de l'Adversaire de quoi troubler les pensées de la femme. Oubliant donc le commandement de Dieu, elle s'arrête à contempler ce fruit si beau et si appétissant. Elle ne pouvait douter que celui qui venait de lui parler ne sût beaucoup de choses qu'elle ignorait (et, en effet, le Tentateur est versé dans le mal); elle désira aussi d'étendre ses connaissances; et, cédant aux mouvements coupables que la parole de l'Impie avait su éveiller dans son âme, elle porte la main sur le fruit, elle en mange; son mari survenu, elle lui en donne, et celui-ci n'hésite pas à l'imiter.

§ 84. Que la femme ait promptement cherché à entraîner son mari dans la désobéissance, rien n'est, hélas! plus facile à comprendre. Celui qui fait le mal éprouve un trouble et une honte dont il croit se débarrasser en se donnant des complices. Mais ce qui est plus difficile à concevoir, c'est la promptitude avec laquelle Adam paraît avoir cédé. Cependant si l'on réfléchit que ces deux âmes n'en faisaient qu'une, pour ainsi dire; puis si l'on pense que, loin de mourir sur-le-champ, la femme éprouva peut-être la joie momentanée que goûte le pécheur lorsqu'il se livre au mal, on concevra comment Adam put être entraîné.

§ 85. Ce qui est propre à étonner encore, c'est que des êtres saints, tels que l'étaient Adam et sa femme au sortir des mains de Dieu, aient pu tomber dans le mal, d'où que soit venue la tentation. Mais il ne faut pas oublier que s'ils étaient sans péché au moment de leur création, ils n'étaient pas impeccables. Dieu seul est impeccable, car il ne peut pas vouloir le contraire de ce qu'il veut. Les êtres dépourvus de raison sont impeccables, car ils n'ont pas de volonté qu'ils puissent opposer à celle de Dieu. Or, voici le privilège des hommes et des anges, c'est qu'ils ont une volonté propre (§ 40), et par cela même ils peuvent pécher. Demander que Dieu eût créé l'homme impeccable, c'est demander qu'il l'eût créé Dieu, ou qu'il l'eût créé incapable de volonté; c'est-à-dire que ce n'aurait plus été l'homme.

§ 86. Mais quand Dieu créa l'homme ne savait-il pas qu'il pécherait? Sans doute, puisqu'il est écrit que même avant d'avoir créé l'homme, il lui avait préparé un Sauveur (1 Pier. I, 20). Ce n'est donc pas sans la volonté de Dieu que le péché est entré dans le monde, et toutefois il est manifeste que ce n'est pas Dieu qui est l'auteur du péché. Comme nous venons de le voir, c'est un ennemi qui a fait cela. Quant à comprendre pourquoi Dieu l'a permis, il nous sera, je crois, possible de le découvrir plus tard quelque peu. En attendant, souvenons-nous que Dieu est Sage et Bon, et qu'il a le mal en horreur.

§ 87. Avant d'étudier, dans la suite du chapitre, les effets de la désobéissance d'Adam et d'Ève, recueillons quelques instructions du récit qui nous est fait de leur chute. La Bible dit que nous bronchons tous de plusieurs manières. Or quels que soient les péchés que nous commettons, c'est toujours en cédant à des tentations semblables à celles qui firent succomber nos premiers parents. On a des doutes sur la Parole de Dieu, puis on l'oublie, puis on la contredit. On laisse le mal s'approcher de son âme; au lieu de le repousser, on le tourne et retourne dans son esprit, et l'on finit par le commettre. Tandis que nous devrions être plus que contents de ce que Dieu nous donne, nous nous permettons de désirer les biens, les plaisirs, la position qu'il nous refuse. Nous écoutons le regard de nos yeux et les convoitises de notre cœur, plutôt que la voix de notre conscience. Nous ne consentons pas à ignorer ce que Dieu ne veut pas nous faire connaître. Il y a dans l'homme un désir naturel et légitime de connaissance qui dégénère en coupable curiosité, en sorte qu'on se livre à des imaginations, à des entretiens, à des lectures, à des expériences dont on devrait absolument se garder. Voyez si tout cela n'est pas vrai, et puis dites-vous bien que ce désordre vient de Satan et non pas de Dieu. Satan ne vous ment pas quant il vous promet du plaisir dans le péché; mais il ment lorsqu'il vous fait croire que le pécheur peut être heureux. Et puis le grand mal qu'il vous fait, c'est de détourner vos pensées de la mort et du jugement à venir. Il ne vous dit pas crûment que vous ne mourrez point, mais c'est presque la même chose, III puisqu'il parvient à vous faire oublier la mort et le jugement; voilà comment il peut tuer votre âme, si vous n'y prenez garde. — Priez Dieu qu'il vous délivre du Malin (Matth. VI, 13).


VIII. Chute de l'homme. — Suite.

3: 7
§ 88. «Au jour que tu en mangeras, tu mourras!» Ainsi avait parlé Dieu; et il eût pu sembler d'après cela que la mort serait la conséquence immédiate de la désobéissance. Cependant, loin de mourir tout de suite Adam vécut encore, et même de longs siècles. Mais c'est qu'on peut être mort en vivant. L'homme, avant son péché, vivait de plus d'une sorte de vie. Outre la vie physique, ou naturelle, et la vie intellectuelle, ou de l'intelligence, il possédait la vie de Dieu, vie sainte et pure qu'on désigne sous le nom de vie spirituelle; et, grâce à cette vie surtout, il était assuré d'une vie ou d'une félicité immortelle. Il se pourrait donc très bien que, tout en conservant une certaine vie, Adam eût perdu ce que la vie avait pour lui d'essentiel. Bien plus, il se pourrait que l'espèce de vie qu'il conserva fût une sorte de mort en comparaison de celle qu'il possédait. Or, c'est justement ce qui est arrivé, comme nous allons le voir.

§ 89. Aussitôt que l'homme et la femme eurent violé la sainte défense de leur Dieu, ils ressentirent un malaise et une honte qui leur firent éprouver le besoin de se cacher; comme nous voyons encore quelquefois le pécheur, dans sa confusion, se couvrir le visage avec les mains, non seulement pour n'être pas vu, mais aussi pour ne pas se voir lui-même. C'est une terrible chose que les angoisses d'une conscience coupable! Encore cela vaut-il mieux qu'un entier endurcissement. Adam et Ève, vous le voyez, ne sont pas des pécheurs endurcis; toujours est-il que, par leur péché, par ce seul péché, ils ont perdu la paix de Dieu ou le repos de leur âme.

3: 8
§ 90. Cependant l'Éternel ne les abandonna pas à leur mauvais sort. Après une nuit dont il serait impossible de décrire toute l'horreur, Adam et Ève entendirent, sur le matin, la voix bien connue de leur Dieu; cette voix qui avait fait sortir la lumière du sein des ténèbres, cette voix qui avait formé celle de l'homme et qui avait jusque là retenti avec tant de douceur à ses oreilles, mais cette voix aussi qui avait dit à Adam: «Tu n'en mangeras point.» En d'autres circonstances, Adam et sa femme auraient couru au-devant de ces accents paternels; mais «le méchant fuit sans qu'on le poursuive.» — Comme un enfant désobéissant se cache de sa mère lorsqu'elle rentre à la maison, et comme le pécheur en général croit pouvoir échapper au regard de Dieu, les deux coupables se réfugient parmi les arbres du jardin, pensant fuir ainsi leur Seigneur et leur Dieu. Voyez dans quelle ignorance ils sont tombés. Ils croient follement que Dieu ne les verra pas! Hélas, il est beaucoup de mes lecteurs qui se figurent qu'il suffit d'oublier ses propres péchés pour que Dieu les oublie; beaucoup aussi qui font, quand ils sont seuls, des choses mauvaises qu'ils ne feraient point s'ils se savaient observés. Mais n'est-ce pas, comme Adam et sa malheureuse compagne, oublier que «rien n'est caché à l'Éternel?»

3: 9
§ 91. Où es-tu? dit Dieu à Adam. En deux mots que de choses! Pourquoi es-tu là? Qu'y fais-tu? Que se passe-t-il dans ton âme? Comment t'es-tu réduit à cet état? Questions que Dieu nous adresse fréquemment par sa Parole et par notre conscience, et auxquelles nous devons prêter une sérieuse attention. Car c'est dans sa bonté que Dieu nous les adresse; et malheur à ceux qui ne se demandent jamais: où es-tu? qu'as-tu fait? pourquoi es-tu troublé? Une telle indifférence est un des grands chemins de l'enfer.

3: 10
§ 92. Après cela, voyez quel esprit de mensonge s'est emparé d'Adam.  est vrai qu'il a craint; mais en dit-il la vraie raison? Ne ment-il pas quand il prétend que c'est la voix de Dieu qui l'a troublé, puisqu'il fut dans le trouble dès le moment de sa désobéissance ? ne ment-il pas encore quand il affirme que c'est de sa nudité qu'il a honte, puisque auparavant elle ne lui causait aucune peine? Ces mensonges peuvent être envisagés, ou comme une tentative qu'Adam hasarde pour tromper Dieu, ou comme une illusion qu'il se fait à lui-même. Dans tous les cas, n'est-ce pas que sa condition est devenue bien triste et bien misérable?

§ 93. Ce qui ne l'est pas moins, c'est de voir l'esprit de crainte qui est tombé sur Adam. Avant sa désobéissance, il craignait Dieu, mais de la crainte des anges, de la crainte qu'on a d'offenser une personne qu'on aime; maintenant, il le craint à la manière des démons, il a peur de lui; toute sainte communion entre lui et son, Dieu se trouve rompue.

3: 11
§ 94. Cependant, combien l'Éternel est bon! Pour ne pas exposer l'homme à entasser mensonges sur mensonges, il lui fait voir, sans prolonger l'interrogatoire, qu'il sait très bien ce qui s'est passé. À ce moment, il semble qu'Adam aurait dû avouer franchement son péché et en demander aussitôt et à deux genoux le pardon. Mais la repentance est un bon sentiment, et le coeur de l'homme était devenu incapable de toute bonne III pensée. Il fallait désormais un miracle de la grâce de Dieu pour en produire une seule dans l'âme humaine; or, la grâce n'avait point encore été manifestée; et cela même explique d'où vient que la repentance n'aborda pas même le cœur d'Adam. Il ne connaissait qu'une seule chose: la loi et la menace. Dieu ne lui avait pas dit: «Et si tu désobéis, il y aura moyen que je te pardonne.» Il n'aurait pu parler de la sorte sans anéantir lui-même son commandement; si bien que l'idée du pardon ne put pas venir à l'esprit d'Adam, ni par conséquent le repentir entrer dans son cœur. Il n'a qu'un seul sentiment, celui d'esquiver, de manière ou d'autre, la punition qu'il a méritée.

3: 12
§ 95. Pour cela, il rejette toute la faute sur sa femme, sans réfléchir qu'elle ne l'avait point contraint, que c'était de son plein gré qu'il l'avait imitée, et que d'ailleurs rien ne saurait excuser la désobéissance envers Dieu. Vous voyez comment, dès le principe, le pécheur a cherché des excuses, et comment sa première excuse fut de rejeter sa faute sur autrui. Habitués que vous êtes à agir ainsi, peut-être n'apercevez-vous pas tout ce qu'il y a de criminel dans cette manière d'éluder le châtiment. La femme m'a séduit; c'est elle qui est la vraie coupable, la seule coupable au fond; fais tomber sur elle les carreaux de ta justice et laisse-moi aller en paix. Quel manque de charité! quel effrayant égoïsme! quelle dureté envers son prochain, envers celle qui était «l'os de ses os et la chair de sa chair,» comme Adam avait appelé la compagne de sa vie!

§ 96. Il y a pis encore. La femme que tu m'as donnée... En parlant ainsi, ne semble-t-il pas qu'Adam veuille indirectement rejeter la faute sur Dieu même? Comme si Dieu lui avait donné une épouse pour qu'il cédât à sa parole, plutôt que d'observer celle de son Dieu! Quel blasphème, que d'attribuer au Seigneur, de quelque façon que ce soit, les péchés dont on se rend coupable par un effet de sa propre volonté! Ce n'est pas moi qui me suis fait, dit l'homme colère, vindicatif, débauché. Que prétendez-vous par ce langage? Dieu serait-il l'auteur de vos péchés et la source de vos passions? Vous calomniez Dieu, comme Satan (§ 81); vous le blasphémez dans votre impiété!

§ 97. Telle est donc la profonde dégradation dans laquelle la désobéissance plongea nos premiers parents, et avec eux tous les hommes. Au lieu de la paix dont ils jouissaient, voici le malaise, et le trouble et l'angoisse d'une conscience agitée; Dieu est méconnu et redouté; l'esprit de mensonge et d'illusion s'empare de l'âme du pécheur; remplie d'un odieux égoïsme, cette âme va jusqu'au blasphème contre Dieu! N'est-ce pas la lumière qui est changée en ténèbres, la vie qui est devenue une mort? Aussitôt après qu'Adam a désobéi, nous ne voyons plus en lui aucune trace de communion avec Dieu ou de vie spirituelle; il est mort dans sa faute et dans son péché. Ainsi s'accomplit à la lettre, et sous le rapport le plus important, cette parole du Seigneur: «Au jour que tu en mangeras tu mourras;» ainsi encore se trouva fausse la promesse de Satan: «Vous ne mourrez nullement.»

3: 13
§ 98. Après avoir interrogé Adam, Dieu s'adresse à la femme. Sa réponse, toute semblable à celle de son mari, prouve, hélas! qu'il y avait chez tous les deux un même cœur aveuglé et sans repentance. — Il ne restait donc plus qu'à prononcer le jugement.



IX. Promesse et Jugement.

3: 14-15
§ 99. En effet, ce sont trois sentences que les coupables vont entendre sortir de la bouche du Juge Suprême des hommes et des anges; la première contre le serpent, la seconde contre la femme et la troisième contre l'homme. Mais, ô miséricorde de Dieu! le premier de ces arrêts renferme une magnifique promesse!

§ 100. Pour comprendre la sentence dont le serpent fut l'objet, il ne faut pas oublier qu'en lui se trouve la personnification du Prince des ténèbres (§ 73). En sorte qu'il y a là des paroles qui ne se rapportent qu'à Satan, d'autres qui s'appliquent seulement au serpent, quelques-unes, enfin, qui sont vraies relativement à tous deux.

§ 101. Quelle qu'ait pu être la nature primitive du serpent, nous sommes sûrs que son état actuel diffère essentiellement de l'ancien; en sorte qu'on pourrait se demander jusqu'à quel point c'est le même animal, et par conséquent de quelle manière son abjection actuelle peut être la punition de ce qu'il a fait dans une autre nature. La réponse est que, à proprement parler, il n'y a pas eu de châtiment pour le serpent, et aussi n'en méritait-il point. Il n'est pas plus malheureux que les autres animaux, et l'on ne saurait dire que Dieu ait voulu le châtier. Mais ce qu'il a voulu, c'est nous montrer son horreur pour le mal, horreur telle qu'il l'étend à tout ce qui peut en être l'occasion ou l'instrument; par où il nous donne un grand exemple. D'ailleurs, la malédiction qu'il prononça contre le serpent eut en réalité pour objet le Tentateur, ange maudit depuis sa révolte, et maudit d'une malédiction nouvelle pour avoir entraîné l'homme dans le péché. — Voici la première fois que nous rencontrons ce mot maudit. Nous le retrouverons souvent par la suite. En nous rappelant alors à quelle occasion Dieu l'introduisit ici-bas, nous ne manquerons pas de nous écrier: Quelle chose terrible que d'être maudit de Dieu; c'est l'état de Satan!

3: 15
§102. Il existe réellement chez l'homme une aversion instinctive pour les serpents, et il y a dans la morsure empoisonnée de la plupart d'entre eux de quoi justifier cette aversion. Si la griffe du tigre fait peur, le venin du serpent inspire une horreur invincible, sans parler de l'allure tortueuse et toutefois assez rapide du reptile, de ces mouvements qui, tout silencieux qu'ils sont, ne laissent pas de porter le trouble dans l'âme. Quelle image de Satan lui-même, du poison qu'il glisse en notre sein et des ruses qu'il sait employer avec tant d'art et de secret! Sous cette image donc, Dieu annonce ce que l'expérience de tous les temps a démontré; savoir que Satan ne cesserait de faire la guerre au genre humain. Mais il déclare d'un autre côté que le genre humain remporterait la victoire sur Satan. Un homme, né de femme, brisera la tête du serpent. En d'autres termes, il détruira l'empire de l'Adversaire (c'est la signification du mot Satan); mais ce ne sera pas sans lutte et sans souffrance, car le serpent le blessera au talon. Cela signifie que Satan commencerait par faire à son vainqueur tout le mal qu'il pourrait, mais que, dans tous les cas, il ne l'atteindrait qu'en ce qu'il aurait de terrestre; car le talon est la partie de notre corps par laquelle nous touchons à la terre.

§ 103. Les plus jeunes mêmes de nos lecteurs savent comment cette prophétie s'est réalisée en notre Seigneur Jésus-Christ. Né miraculeusement de Marie, il a souffert Ut beaucoup en son corps et en son âme, de la part de Satan et des méchants, qui sont les enfants du diable; mais cela n'empêche pas que Jésus n'ait vaincu la mort et Satan, et qu'un jour ne vienne où il détruira complètement sa domination, par l'efficace même de ses souffrances et de la mort qu'il a endurée sur la croix.

§ 104. Sans doute que nos premiers parents ne purent pas comprendre la prophétie aussi bien que nous le faisons nous-mêmes, maintenant qu'elle est accomplie; mais si l'Éternel leur en donna l'intelligence par son Saint-Esprit, comme on peut le supposer, ils durent sentir que, sous ces paroles énigmatiques, Dieu leur promettait une délivrance; en sorte que, le péché étant entré dans le monde par un homme, un homme aussi, mais un homme bien puissant (car c'est le Seigneur) viendrait réparer le mal et châtier Satan.

§ 105. Remarquez ici l'amour infini de Dieu qui, avant de frapper l'homme coupable, lui promet un Sauveur! Et s'il vous est facile de faire cette observation, pensez que la grâce du Seigneur ne permit pas qu'elle échappât complètement à nos premiers parents. Or, par la foi en l'amour et en la promesse du Seigneur, foi qu'il nous est permis de leur supposer, le repentir put trouver accès dans leur âme. Leur désobéissance les avait privés de la vie de Dieu (§ 97); mais la grâce divine leur fit retrouver dans la promesse du Sauveur, cette vie dont ils sentaient maintenant tout le prix. Adam connaissait déjà la bonté du Créateur, mais non pas sa miséricorde; il voit à présent tout ce que le cœur de Dieu renferme de charité, et il y a là de quoi remuer profondément son âme, en la remplissant de saintes consolations.

3: 16
§ 106. Cependant il est impossible que la condition de l'humanité ne se ressente pas de la chute. Elle en subira les amères conséquences dans ce qu'elles ont de conciliable avec la rédemption des élus. Il y aura pour la femme des souffrances et des maladies bien propres à la rendre sérieuse, en lui rappelant le péché et son origine. Elle mettra au monde des enfants, puisqu'il faut que d'elle sorte le Sauveur, mais de combien de douleurs ne sera pas précédée et accompagnée la maternité! Et puis, elle sera, vis-à-vis de l'homme, dans une dépendance beaucoup plus étroite que précédemment et ce sera quelquefois pour elle une grande épreuve. C'est là ce que signifient les paroles du verset 16, paroles qu'oublient sans doute tant de femmes qui murmurent contre leur position.

3: 17-19
§ 107. Quant à l'homme en particulier, il aura aussi ses labeurs et de plus rudes labeurs que la femme; il aura sa part des soucis et des peines de la vie, et après avoir vécu un certain temps sur une terre qui, à cause de lui, portera mille traces de malédiction, il mourra; c'est-à-dire que son corps retournera dans la poussière d'où il avait été tiré. Tout cela, parce qu'il a écouté la parole de la femme, au mépris de celle de Dieu. Du reste, le travail et la mort seront aussi le lot de la femme, car sa destinée se rattache essentiellement à celle de l'homme.

§ 108. Nous donc qui descendons d'Adam et d'Ève, et qui, par nature, sommes un avec eux, ne murmurons pas des peines que nous endurons, car elles sont le fruit du péché; considérons la mort avec sérieux, et n'oublions pas, au milieu de tout cela, le charitable Sauveur que Dieu promit à l'homme pour le relever de sa chute et qu'il nous a donné en son temps.

X. Un nouvel ordre de choses.


3: 20-24
§ 109. Après avoir lu cette histoire de nos premiers parents, une curiosité fort légitime en apparence porte à demander ce qui se passa dans leur âme et ce qu'ils devinrent. Mais tandis qu'un historien humain, et surtout un conteur, n'eussent pas manqué de satisfaire ou de prévenir cette curiosité, la Parole de Dieu ne nous donne là-dessus que des indications, soit afin d'exercer notre soumission, soit pour nous apprendre à discerner ce qui est essentiel de ce qui ne l'est pas. Lors donc que Dieu nous cache quelque chose, souvenons-nous du danger que renferme le désir de tout connaître (§ 83), et contentons-nous de ce qui est clairement révélé. D'un autre côté, n'oublions pas que Dieu nous révèle souvent de grandes vérités par un mot très petit en apparence; comme nous l'avons vu au chapitre II, verset 25 (§ 70). Or nous avons ici une circonstance toute pareille.

§ 110. Pour marquer le nouvel ordre de choses dans 2» lequel ils venaient d'entrer, lui et sa femme, Adam donna à celle-ci un nouveau nom, et ce nom est bien remarquable, car il signifie Vivante. On aime à voir là comme un signe de la foi que la grâce de Dieu mit dans le cœur d'Adam , au moment où il lui fit la promesse (§ 105). Bien que l'Éternel vienne de lui annoncer que son corps et celui de sa compagne retourneront dans la poussière d'où ils ont été pris, il s'arrête avec bonheur sur l'idée que sa femme sera la mère des vivants. C'est comme s'il avait dit: «Quoi qu'il en soit, nous ne mourrons point, mais nous vivrons pour raconter les œuvres de l'Éternel.» S'il y a une mort par le péché, il y a une vie par la grâce de Dieu. Non seulement cela, mais encore, tout homme meurt pour revivre: ni Caïn, ni Abel, ni aucun autre, ne sont morts pour toujours. Ainsi, ce que le péché a détruit ce n'est pas l'immortalité de l'homme, mais sa félicité; et puis, grâce à la délivrance promise, le bonheur éternel peut redevenir le partage du pécheur. Voilà ce qu'Adam put comprendre et recevoir par la foi. On pense généralement qu'il le fit, et que, de cette manière, il devint une nouvelle créature, ou autrement que son âme se convertit à Dieu. — Et vous qui lisez ces lignes, êtes-vous, par la foi, du nombre des véritables vivants? Avez-vous saisi la vie éternelle? Vos pensées et vos désirs se dirigent-ils vers elle et vers Celui qui nous l'a procurée par son sang?

3: 20
§ 111. Du sang! il s'en est bien répandu sur la terre depuis le péché d'Adam, mais le premier dont elle s'abreuva fut sans doute celui des animaux avec la peau desquels Dieu lui-même fit à Adam et à Ève les vêtements dont ils avaient besoin. L'homme ne mangeait point encore la chair des animaux (§ 43); ce ne fut donc pas pour lui servir de nourriture que ceux-ci furent immolés. Mais Dieu, voulant qu'Adam vît de ses propres yeux ce qu'est la mort, cette mort qu'il venait d'attirer sur lui et sur sa postérité, lui ordonna de répandre le sang d'une victime, sang innocent, qui devenait en même temps une image de celui que notre Sauveur devait, plus tard, verser pour nous sur la croix et en Gethsémané. Quant à ces robes de peau, c'est une belle image aussi de la justice de notre Rédempteur, justice dont il faut que nous soyons revêtus pour entrer dans le ciel.

3: 21
§ 112. Peut-être mes lecteurs ne comprennent-ils pas tous, ce qui précède. Cela viendra plus tard. En attendant, voici deux réflexions qu'ils saisiront sans peine. D'abord, c'est que, vu l'état actuel de l'homme, le vêtement est d'une nécessité morale absolue. Il n'y a que les sauvages qui puissent se souffrir dans la nudité; et véritablement on ne sait trop que penser des hommes, des femmes surtout, qui se présentent quelquefois en public avec des habillements qui ne les couvrent que d'une manière imparfaite, ou qui dessinent des formes qu'on a l'air seulement de cacher. N'est-il pas honteux aussi qu'on expose à la vue de tout le monde, soit par la gravure, soit par la sculpture, ce qui, selon la volonté formelle de Dieu, doit être vêtu et non pas nu?

§ 113. Ma seconde réflexion, c'est que l'Éternel, en revêtant lui-même Adam et Ève, voulut leur montrer qu'il pouvait seul effacer la honte de leur péché, et aussi qu'il était prêt à le faire. Il ne les abandonne donc pas à eux-mêmes, malgré leur révolte. Il demeure leur Père, ou plutôt il l'est redevenu. Il les enveloppe de sa grâce, et ils oseront se présenter devant lui sans effroi.

3: 22-23
§ 114. Voici un passage qui a embarrassé plus d'un docteur et qui offre effectivement de grandes difficultés. Qu'est-ce à dire: comme l'un de nous? Est-ce donc que l'homme serait devenu, par le péché, semblable, ou au Père, ou au Fils, ou au St.-Esprit? C'est impossible; car il est plutôt devenu semblable à Satan. Serait-ce peut-être de Satan lui-même que l'Éternel veut parler quand il dit «l'un de nous?» Mais y a-t-il apparence que le Seigneur ait jamais pu parler de l'Adversaire comme s'il y avait quelque chose de commun entre Lui et cet ange déchu? Ne serait-ce point tout simplement une manière de dire: «l'homme a cru devenir, ou a voulu devenir comme l'un de nous?» Ou bien avec une sorte d'ironie: «Hélas, il s'en faut de beaucoup que l'homme ait atteint ce à quoi il prétendait?.... »
Quand nous nous trouvons en face de paroles obscures, comme est celle-ci, passons outre avec respect, en demandant à Dieu de nous les faire comprendre, si la chose toutefois nous est nécessaire.

§ 115. La suite est plus simple. Même en supposant qu'il y ait eu dans le cœur d'Adam un germe de la repentance et de la foi qui constituent le renouvellement de l'âme, il n'en était pas moins devenu pécheur. Comme tel il n'avait plus de droit à la vie ni à la félicité. C'est pourquoi Dieu le chassa de la délicieuse contrée où il l'avait placé, et il mit ainsi hors de sa portée l'arbre de vie qui était au milieu du jardin. Cet arbre, symbole de la vie sainte et heureuse qu'Adam avait reçue de son Dieu, ne fut pas détruit, vous le voyez, car toute espérance n'avait pas disparu. Cependant l'espérance du pécheur se rattache maintenant à autre chose. L'arbre de la croix, arbre maudit et béni tout ensemble, est pour nous le véritable arbre de vie. Planté sur cette terre de malédiction, sa tête s'élève jusqu'au Paradis de Dieu et c'est par lui que nos âmes y parviennent.

§ 116. Si Adam est chassé du jardin, c'est encore pour qu'il comprenne bien qu'il doit chercher ailleurs qu'ici-basson repos et sa vraie patrie. Sous ce rapport, les peines et les amertumes de notre vie terrestre sont un bienfait de Dieu. Il est hélas, malgré cela, bien des gens qui s'obstinent vainement à poursuivre le bonheur ici-bas; mais c'est qu'ils ne croient ni au paradis perdu, ni au paradis promis; et pourtant comme il leur en faut un, ils se le créent chacun à sa manière. Or, ils ont beau courir les uns dans un sens, les autres dans un autre, le paradis terrestre est fermé par la puissance invincible du Seigneur.

3: 24
§ 117. Les Chérubins auxquels Dieu confia la garde d'Éden, pour que l'homme n'y rentrât pas, sont les anges ou les messagers de sa puissance. Vous voyez ici une première révélation au sujet de ces intelligences célestes, demeurées fidèles à leur Dieu. Elles lui obéissent, elles le servent, et parce que les anges aiment Dieu de tout leur cœur, ils approuvent tout ce qu'il fait et y coopèrent selon sa volonté. De même, si le Saint-Esprit a renouvelé votre cœur, à vous-mêmes qui lisez ces lignes, vous ne vous permettrez aucune objection contre la conduite que Dieu tint envers nos premiers parents; mais plutôt vous direz avec les anges dont il est parlé dans l'Apocalypse: «Grandes et admirables sont tes œuvres, Seigneur Dieu Tout-Puissant; justes et véritables sont tes chemins, ô Roi des saints!» (Apoc. XV, 3). Que le Seigneur, notre Dieu, daigne donc incliner nos cœurs à l'aimer dans tout ce qu'il fait et dans tout ce qu'il veut! Amen.


XI. Dieu, l'Homme et le monde.


§ 118. Je voudrais maintenant engager mes lecteurs à embrasser d'un coup d'œil les trois beaux chapitres que nous venons d'étudier, afin de voir ce qui nous y est enseigné sur Dieu, sur l'Homme et sur le Monde.

1° DIEU

§ 119. Remarquez d'abord que Moïse ne commence point par nous dire qu'il y a un Dieu, ni par prouver son existence, ni par exposer longuement en quoi consiste sa nature et ses perfections. Il nous le montre agissant, parlant et pensant. Il y a donc en lui une Intelligence, ou plutôt il est l'Intelligence suprême. Dieu est Esprit.

§ 120. Il n'y a qu'un seul Dieu; car nous ne voyons pas, dans l'histoire de ces trois chapitres, l'action de deux ou plusieurs volontés suprêmes. Toutefois, nous commençons à y découvrir, bien qu'obscurément, le mystère du Père, du Fils et du Saint-Esprit, un seul Dieu béni éternellement.

§121. Ce Dieu, appelé Éternel, Jéhovah, a donné l'existence à toutes choses; par conséquent, il existait auparavant: tout a eu un commencement, lui excepté. Mais avant de créer que faisait-il? Nous ne le savons. Aurait-il pu ne jamais produire aucun être? Assurément; car en lui-même il est complet. Au surplus, nous ne connaissons de Dieu que ce qu'il a daigné nous révéler; et encore cela même confond notre pensée. C'est le caractère essentiel de Dieu d'être incompréhensible.

§ 122. Cependant, si nous observons bien ce qui nous est dit au sujet de Dieu dans ces trois chapitres, nous verrons clairement qu'il est tout-puissant, car il lui suffit de vouloir les choses pour qu'elles arrivent; parfaitement bon, car il arrange tout pour le bien de ses créatures; d'une sagesse infinie, car il n'agit pas sans un plan bien arrêté, et tout ce qu'il fait tend à l'exécution parfaite de ce plan.

§ 123. Après cela, dans la défense qu'il prescrit à l'homme, il manifeste sa souveraineté; dans l'interrogatoire qu'il lui adresse, sa présence partout et sa toute-science; dans la sentence qu'il prononce contre les coupables, il montre à la fois sa sainteté, ou son horreur pour le mal, sa justice, ou l'obligation que sa nature même lui impose de punir le péché, sa fidélité, ou la certitude avec laquelle doivent s'accomplir toutes ses paroles.

§ 124. Enfin, la promesse qu'il fait d'une délivrance et d'un libérateur, proclame sa miséricorde et sa grâce envers les pécheurs; c'est-à-dire la volonté souveraine qu'il a conçue de fournir aux criminels un moyen de salut, parce que, après tout, Dieu Est Amour. Oh! je ne sais pas si mes lecteurs sentent la chose comme moi, mais n'est-il pas vrai que, à voir même comment Dieu se conduisit avec l'homme après son péché, l'on est contraint de répéter ce qu'on se disait en son cœur lorsque l'Éternel le créait à son image, qu'il le plaçait dans un lieu de délices et qu'il lui donnait sa compagne: oui, Dieu est amour, ou comme nos versions le disent: Dieu est charité (1 Jean IV, 16).

§ 125. Tel est le Dieu qui se révèle à nous dès les premières pages du Saint Livre, et tel nous le verrons, toujours semblable à lui-même, dans toutes les portions de la Bible. Ceux qui savent en quelles absurdités sont tombés les hommes lorsqu'ils ont voulu imaginer Dieu, ou le trouver par les seules lumières de la raison, ne peuvent qu'admirer la manière à la fois simple, grande et vraie dont en parlait l'israélite Moïse, il y a 3,300 ans environ; c'est-à-dire dans un temps extrêmement reculé, plusieurs siècles avant qu'aucun philosophe eût conçu au sujet de la divinité rien de semblable, ni même rien d'approchant. Oui, nous admirerons, mais sans étonnement; car enfin, ce n'est pas Moïse qui a trouvé Dieu, c'est Dieu qui s'est révélé à Moïse; et alors il est tout simple que l'Israélite, devenu prophète de l'Éternel, ait parlé en ces termes du Créateur des cieux et de la terre. Quant à nous, quelle ne doit pas être notre reconnaissance envers le Seigneur de ce qu'il a daigné nous faire participer à cette magnifique révélation!

2° L'HOMME.

§ 126. Ces premiers chapitres de la Genèse nous montrent l'homme en trois états différents. D'abord, dans un état d'innocence: il n'était pas incapable de pécher, mais il n'y avait point de péché en lui, et il fut, pendant un temps dont on ne saurait assigner la durée, exempt de toute faute. Puis dans son état de chute, ou de péché: la volonté de l'homme s'est dépravée; elle s'est mise en opposition avec celle de son Dieu — dès ce moment il entasse les fautes les unes sur les autres, et, sans la grâce de Dieu, il lui eût été impossible de se relever. Mais la voix de la miséricorde s'étant fait entendre, il y a tout lieu de penser qu'elle sut fléchir le cœur d'Adam, l'ouvrir au repentir, à la foi, à l'espérance, et qu'il entra de la sorte dans un nouvel état, l'état de grâce qui est le troisième. Il en est un quatrième dont nous parlerons avant peu.

§ 127. De ces trois états par lesquels Adam a passé, aucun homme après lui, sauf le Christ, Jésus, n'a connu le premier. Tous au contraire sont, par nature, dans l'état de chute. Aux fidèles seuls appartient l'état de grâce. Nous verrons ces importantes vérités se développer et se justifier à mesure que nous avancerons.

§ 128. Nous voyons aussi, dans ces premiers chapitres, l'homme vivre successivement sous deux économies ou deux alliances. L'une qu'on appelle l’alliance des œuvres, l'autre l'alliance de grâce. D'abord, Adam possédait la faveur de Dieu par un effet de l'obéissance qu'il lui rendait. Ses œuvres, comme sa personne tout entière, étaient bonnes; il y avait accord ou alliance entre Dieu et lui par ses œuvres mêmes: l'arbre de vie était le signe et le sceau de cette alliance. — Mais quand l'homme eut péché, une autre alliance survint, qui, fondée sur la promesse d'un Sauveur, émanant de la pure miséricorde de Dieu et donnée à l'homme sans aucun mérite de sa part, est appelée à cause de cela l'alliance de grâce. Elle eut pour signe et pour sceau, pense-t-on, le sang des victimes qu'Adam dut immoler, et les vêtements dont Dieu couvrit sa nudité et sa honte.

§129. Aucun homme maintenant ne saurait, sans folie, compter sur ses œuvres pour avoir la vie éternelle; c'est en la seule grâce de Dieu que peut se fonder une alliance, ou une union entre lui et l'homme pécheur. Et véritablement, si nous voulons écouter notre conscience, nous verrons bien qu'il ne saurait en être autrement.

3° LE MONDE.

§130. Le récit de Moïse nous montre aussi notre globe dans plusieurs états différents. Sans parler des ténèbres momentanées et de la confusion où les plongea, selon toute apparence, un jugement de Dieu contre une race de coupables qui l'auraient habité précédemment, nous le voyons, relativement à l'homme, dans deux états fort distincts. D'abord, la terre et tout ce qu'elle contient sont expressément bénis de Dieu; c'était le séjour de la paix et de la sainteté tout à la fois. Puis la terre fut maudite à cause de l'homme, c'est-à-dire qu'elle devint le théâtre et l'instrument de toutes sortes de misères dès que le péché y eut fait son entrée.

§ 131. Mais ce monde qui est tombé sous une malédiction de Dieu avec Adam et à cause de lui, sera-t-il aussi l'objet d'une délivrance et d'un rétablissement? C'est une question à laquelle nous verrons plus tard que la parole de Dieu donne une réponse assez positive. Oui, la terre que nous habitons doit être renouvelée lorsqu'elle aura accompli son terme et que les élus de Dieu auront tous été manifestés (2 Pier.III. 13).

§ 132. En attendant, ne nous étonnons pas de ce que les choses et les événements de ce monde nous parlent si souvent de la colère de Dieu. Soumettons-nous aux maux de la vie, puisqu'ils résultent de notre condition de pécheurs. Admirons la bonté de Dieu qui, au travers de la malédiction qui pèse sur la terre, y répand tant et de si grands biens; et toutefois gardons-nous de donner notre cœur à ces biens et aux plaisirs du monde, car après tout et quoi qu'on en puisse dire, ce monde est vraiment maudit de Dieu: la première histoire qui va nous être racontée nous le prouvera bien.

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