EXODE.
XLIX. Naissance de Moïse.
1:
1-6
§ 620. Le mot EXODE est un mot grec qui veut
dire sortie. J'ai expliqué précédemment (§
13) d'où vient que i des livres écrits d'abord en hébreu
portent des noms d'origine grecque. Si le second livre de Moïse
est appelé l’Exode, c'est qu'il nous raconte l'histoire de la
sortie des fils d'Israël hors d'Égypte et la manière dont Dieu les
conduisit après les avoir délivrés de leur esclavage.
§ 621. L'historien sacré commence par rappeler les noms des fils de Jacob, la mort de Joseph et le nombre des Israélites qui étaient venus en Égypte avec leur père. Nous retrouvons ici le chiffre de 70, que nous avons vu au chapitre XLVI de la Genèse, verset 27; mais il est toujours plus manifeste que ce n'est qu'un nombre approximatif, puisqu'il nous est dit que ces soixante-dix descendaient de Jacob, et pourtant Jacob lui-même s'y trouve compris. Il faut nous rappeler aussi que les femmes des fils d'Israël ne sont pas renfermées dans ce dénombrement, ni leurs serviteurs, avec leurs femmes et leurs enfants (§§ 574, 575).
1:
7
§ 622. Cette tribu de bergers hébreux, déjà
passablement considérable du temps de Jacob, s'accrut
prodigieusement en Égypte. Protégés par les princes, placés dans
une contrée fertile, les Israélites et les leurs se mariaient
jeunes (§ 606), ils
avaient de nombreuses familles, leurs enfants ne mouraient pas en
bas âge, eux-mêmes ils atteignaient généralement la vieillesse;
c'est ainsi que, sans miracle proprement dit, mais par une
intervention spéciale de la Providence, ils prirent un
accroissement merveilleux. Non seulement ils remplirent la terre
de Goscen, mais encore ils formèrent des établissements en divers
lieux de l'Égypte, ce qui dut leur être d'autant moins difficile
que Pharaon leur avait donné le gouvernement de ses bestiaux (§
577).
1:
8-10
§ 623. Les princes, en général, ne craignent
pas de voir la population de leurs états prendre un certain
accroissement. Mais s'il s'agit d'étrangers qui, conservant leur
langue, leurs coutumes et leur nationalité, augmentent dans une
proportion beaucoup plus forte que le reste du peuple, on conçoit
que le prince commence à en prendre quelque inquiétude. Aussi
longtemps que vécut le pharaon de Joseph, et même son fils, tout
alla bien. Mais, plus tard, les craintes qu'inspiraient les
Israélites firent oublier ce que l'Égypte devait à leurs pères, et
le pharaon alors sur le trône ne songea plus qu'à écraser un
peuple qui faisait la richesse de ses états, mais qui, dans son
opinion, en menaçait l'indépendance.
1:
11-14
§ 624. Les moyens auxquels on eut recours
étaient fort bien entendu. Les Israélites furent surchargés
d'impôts et on les soumit à des travaux immenses, non pas en les
payant, mais en les traitant à la manière des esclaves. Ces deux
circonstances combinées devaient nécessairement les plonger dans
une profonde misère; la misère à son tour devait engendrer des
maladies, provoquer des morts prématurées, rendre les mariages
plus rares ou moins féconds et amener une dépopulation presque
inévitable. Mais l'homme ne peut arrêter Dieu dans l'exécution de
ses plans. Combien de fois les ennemis de l'Évangile n'ont-ils pas
essayé de le détruire en persécutant les chrétiens! cependant, la
persécution n'a servi, pour l'ordinaire, qu'à étendre le règne de
Dieu. C'est ainsi qu'il en fut des Israélites. Pharaon eut beau
les opprimer, l'Éternel leur donnait une prospérité croissante.
1:
15-21
§ 625. En voyant échouer des mesures si bien
concertées, le roi d'Égypte se prit d'une violente colère et donna
aux sages-femmes des Hébreux un ordre auquel on aurait de la peine
à croire, si l'on ne savait pas de quoi est capable un despote qui
trouve quelque résistance à ses volontés. Il est probable,
toutefois, que Pharaon n'osa pas faire exécuter son édit dans la
terre de Goscen; car il ne nous est parlé que de deux sages-femmes
à qui la volonté du roi fut intimée; sans doute qu'elles
habitaient la capitale. Sciphra et Puha, tels étaient leurs noms,
comprirent que, si nous devons obéir aux lois du pays où nous
demeurons, ce n'est que pour autant qu'elles ne nous prescrivent
pas le péché. Aussi, obligées de choisir entre leur devoir envers
Dieu et leur devoir envers le roi, elles n'hésitèrent pas à obéir
à Dieu plutôt qu'à l'homme; puis, comme il arrive quelquefois, le
Seigneur leur facilita l'exécution de leur devoir, en donnant aux
femmes des Hébreux assez de force pour qu'elles pussent se
délivrer de leurs enfants sans aucun secours. C'est ainsi qu'il
mit Sciphra et Puha à l'abri de la colère du roi; il les bénit
pour avoir pris en leur cœur une ferme et sainte résolution, quoi
qu'il pût leur arriver.
§ 626. L'explication que je viens de donner n'est pas universellement admise. On pense plutôt que, par une crainte coupable, Sciphra et Puha se laissèrent aller à mentir, comme si l'Éternel ne pouvait par les garder, et comme s'il ne valait pas mieux souffrir quelque mal que de faire le mal. La chose hélas! n'est pas impossible; car l'homme est si naturellement pécheur, qu'il n'y a pas un seul cas peut-être où il s'acquitte d'un devoir sans le souiller de quelque péché. Mais, dans cette supposition, il est clair (comme, au reste, cela est écrit au verset 21) que, si Dieu bénit les sages-femmes, cène fut pas à cause de leur mensonge, mais parce qu'elles avaient craint l'Éternel. Et véritablement, si Dieu ne nous bénissait que lorsque nous faisons le bien sans alliage quelconque, il ne nous bénirait jamais.
1:
22
§ 627. Le roi d'Égypte devait bien s'apercevoir
qu'il luttait contre une force supérieure à la sienne; mais, dans
son impiété, il se figurait que des mesures de plus en plus
violentes finiraient par triompher du Dieu d'Israël. Il ordonna
donc à ses sujets de faire mourir tous les fils qui naissaient aux
Israélites, en les jetant dans le Nil. Cet ordre (qui rappelle
celui qu'un roi de France donna de massacrer d'une même nuit tous
les protestants) ne pouvait naturellement s'exécuter que dans les
lieux où les Israélites se trouvaient mêlés avec des Égyptiens, et
même dans la capitale. C'est ce qu'indiquent les termes de l'édit
royal, puisqu'il y est ordonné de jeter ces pauvres petites
créatures dans le fleuve. D'ailleurs, il fallait trouver des
bourreaux, et quelle que fût la haine des Égyptiens pour les
Hébreux, il n'est pas probable qu'il se soit rencontré beaucoup de
gens capables de commettre un tel crime.
2:
1-4
§ 628. De diverses manières donc il échappa
bien des enfants. Nous le voyons entre autres par ce qui se II
passa chez un Israélite descendant de Lévi. Sa femme ayant mis au
monde un très bel enfant, elle put le tenir caché durant trois
mois. Ce terme écoulé, Dieu lui-même, on peut bien le dire,
suggéra à cette femme l'idée d'exposer son nouveau-né sur les
bords du fleuve, à l'endroit où la fille de Pharaon allait
ordinairement se baigner; encore eut-elle soin de placer près de
là sa fille aînée, pour veiller sur le sort du petit garçon et de
la corbeille qui le contenait.
2:
5-10
§ 629. Si nous avons admiré l'œuvre de la
Providence dans l'histoire de Joseph (§§ 608-614),
nous n'avons pas moins à le faire ici. Ce bel enfant que
recueillit la fille de Pharaon; que, sans le savoir, elle rendit à
sa propre mère; qu'elle fit nourrir à ses frais, devait être un
des plus grands serviteurs de Dieu. Il fallait non seulement qu'il
fût conservé, mais encore qu'il n'ignorât pas de quel sang il
était; qu'il apprît à connaître le Dieu de ses pères, et, de plus,
qu'il reçût une éducation relevée: tout cela s'accomplit au moyen
de la fille de ce même Pharaon qui ne respirait que meurtre et
carnage contre les Hébreux. Celui qui devait délivrer Israël et
châtier l'Égypte fut, par la volonté de l'Éternel, élevé à la cour
même de l'oppresseur de son peuple! Quelle œuvre magnifique du
Seigneur t
§ 630. Quand l'enfant eut quelques années, sa mère le rendit à la fille de Pharaon. Celle-ci l'appela Moïse, ou le Sauvé. C'est ce Moïse qui plus tard, écrivit la Genèse et le livre même de I’Exode dont nous commençons l'étude. Vous ne vous étonnerez pas s'il y parle de lui à la troisième personne. Certainement cette forme est plus modeste que s'il avait toujours dit: je et moi. D'ailleurs, ce ne sont pas ses mémoires qu'il écrit, mais c'est l'histoire du peuple de Dieu et des délivrances dont il fut l'objet. Pour tout dire, le Saint-Esprit est celui qui parle ici de Moïse; Moïse lui-même n'a fait en quelque sorte que tenir la plume. Cependant vous verrez que la plupart des choses qu'il raconte dans l'Exode, il les avait vues et entendues lui-même.
L. Faite et vocation de Moïse.
2:
11-12
§ 631. Nous apprenons du livre des actes des
Apôtres (Chap. VII, 21), que Moïse passa quarante ans à la cour de
Pharaon. Or, soit que Dieu l'eût déjà favorisé de ses révélations,
soit plutôt que Moïse cédât simplement aux inspirations d'un cœur
plein de foi et de patriotisme, il entretenait la pensée que le
Seigneur le destinait à faire de grandes choses pour son peuple.
Moïse voyait celui-ci toujours plus opprimé; il croyait de tout
son cœur aux promesses des anciens temps; et, préférant l'opprobre
du Christ aux délices de l'Égypte (Héb. XI, 25, 26), il quitta la
cour pour se joindre à ses frères. Un jour qu'un Égyptien
maltraitait un Hébreu, Moïse, prenant la défense du faible, tua
l'Égyptien et cacha son corps dans le sable. Par cet acte de
dévouement et de courage, il voulait montrer à ses frères tout ce
qu'il était capable de risquer pour eux; mais la pureté de ses
motifs n'excuse nullement une pareille violence. C'était, je
l'avoue, l'œuvre de Dieu que Moïse voulait faire, mais il eut le
tort de la commencer par des moyens charnels; aussi fut-il loin
d'obtenir le succès dont il s'était flatté.
2:
13-15
§ 632. Le lendemain, comme il essayait de
remettre la paix entre deux Hébreux qui se querellaient, ceux-ci
lui parlèrent de manière à le convaincre que ses frères ils ne
comprenaient, ni n'appréciaient ses intentions; qu'ils se
défiaient plutôt de lui, sans doute parce qu'il avait été élevé à
la cour, et que, d'ailleurs, ils en étaient à ce point de
servitude où l'on n'est pas assez misérable pour songer à se
délivrer coûte que coûte, mais où on l'est assez pour ne pas
croire à la possibilité d'une délivrance. Moïse, voyant donc qu'il
n'avait nul appui à recevoir de ses frères et qu'il s'était
inutilement compromis en leur faveur, prit la fuite à cause du
meurtre même qu'il avait commis pour s'accréditer auprès des
siens, et voilà ce qui arrive quand on s'appuie sur ses propres
forces plus que sur celles du Seigneur; non seulement on échoue
dans ses entreprises, mais encore on perd courage au premier échec
un peu sérieux.
2:
15-22
§ 633. Moïse s'enfuit dans l'intérieur de
l'Arabie, où il trouva une tribu de Madianites nomades au milieu
desquels il se fixa. Ces Madianites descendaient d'Abraham comme
Moïse (§ 395); ils
avaient, à ce qu'il paraît conservé! a connaissance du vrai Dieu
et le culte d'Abel, de Noé et d'Abraham leurs pères. Introduit
chez eux par une circonstance où nous retrouvons le généreux
courage de Moïse et où nous voyons l'aimable hospitalité de ces
temps-là, l'Israélite fugitif passa quarante années dans cette
famille qui devint la sienne. Il y épousa une des filles ou plutôt
des petites-filles de Réhuel, nommée Séphora, et le premier des
fils qu'elle lui donna reçut le nom de Guersçom (étranger, hôte),
pour rappeler tout à la fois qu'il était né dans l'exil, mais sous
un toit hospitalier. En effet, malgré l'énorme changement survenu
dans la position de Moïse, accoutumé aux jouissances d'une cour,
on ne peut douter que ces quarante années n'aient dû être le temps
le plus fortuné de sa vie. Oh! si seulement il avait senti ses
frères aussi heureux que lui!
2:
23-25
§ 634. Au lieu de cela, les nouvelles qu'il
pouvait en recevoir de loin en loin par le moyen des caravanes,
venaient lui apprendre que, si son peuple continuait de
s'accroître prodigieusement, les persécutions de ses ennemis
étaient loin de diminuer. Le pharaon, père de sa mère adoptive,
était mort; mais son successeur n'était ni moins impie, ni moins
acharné contre les Israélites. Leur misère enfin devint telle
qu'ils commencèrent tout de bon à soupirer après la délivrance et
à tourner leur cœur vers l'Éternel. La prospérité dont ils avaient
d'abord joui en Égypte les avait attachés à ce royaume, comme il
peut arriver à un enfant de Dieu de s'affectionner aux choses du
monde quand elles lui sourient; ils avaient perdu de vue le pays
de Canaan et les promesses de Dieu; ils ne se souvenaient plus des
paroles de Jacob ni de celles de Joseph sur leur lit de mort.
C'était donc pour les châtier de cette incrédulité et de cette
indifférence, comme pour les en retirer, que Dieu avait permis
l'horrible état de souffrance où ils étaient tombés. Mais sitôt
que les Israélites, rentrant en eux-mêmes, eurent élevé leurs cris
vers le Seigneur, ce grand Dieu, toujours plein de miséricorde,
consentit à les délivrer, moins pour l'amour d'eux sans doute, que
pour l'amour d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, et de l'alliance
qu'il avait faite avec ses serviteurs.
3:
1-6
§ 635. Comme Moïse paissait les troupeaux de
son beau-père Jéthro, fils de Réhuel (à moins que Jéthro et Réhuel
ne soient deux noms appartenant au même individu), il eut une
vision extraordinaire. Une flamme enveloppait un buisson, sans que
le buisson se consumât. Ce spectacle étonnant attira naturellement
l'attention de Moïse; et pendant qu'il le contemplait, il ouït une
voix qui l'appelait par son nom. C'était la voix de l'Ange qui
avait parlé jadis à Agar, à Abraham, à Jacob de l'Ange de
l'Éternel appelé aussi l'Éternel, du Médiateur entre Dieu et les
hommes, qui, invitant Moïse à se déchausser en signe de respect,
usage qui s'est conservé dans l'orient, lui déclara qu'il était le
Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. À ces mots, Moïse cacha sa
face, parce qu'il craignait de regarder vers Dieu. Sa conscience
lui faisait-elle des reproches sur ce qu'il avait si longtemps
abandonné ses frères opprimés, ou bien sa confusion venait-elle
simplement du sentiment général de ses fautes? c’est ce qu'il est
difficile de résoudre; dans tous les cas, on comprend que l'homme,
même le meilleur, doive éprouver de l'émotion à la rencontre de
son Dieu (§ 93).
3:
7-10
§ 636. Il semble quelquefois que Dieu ne voie
pas ce qui se passe dans le monde et qu'il soit insensible aux
douleurs de ses enfants. Mais non, rien ne lui échappe, et si la
délivrance se fait attendre, c'est notre manque de foi que nous
devons en accuser; car le Seigneur est d'une parfaite miséricorde
et il tient fidèlement ses promesses. C'est pour cela même qu'il
est venu auprès de Moïse, et voici le moment où il va l'appeler à
être le libérateur de son peuple.
3:
11
§ 637. A cette nouvelle, le cœur de Moïse
aurait dû il palpiter d'une vive joie. Au lieu de cela, nous le
voyons hésiter en se rejetant sur son insuffisance. Certainement,
nous ne saurions être trop humbles, ni sentir trop vivement notre
incapacité en toutes choses; mais, quand Dieu nous appelle, il ne
faut pas que nous disions: qui suis-je pour t'obéir! car Dieu a le
pouvoir de nous fortifier. Si Moïse avait ajouté: toutefois me
voici prêt à aller sous ton commandement, c'eût été de la vraie
humilité; mais comme son objection renfermait un refus, nous ne
saurions y voir que la pensée d'un homme qui regarde trop à
lui-même et pas assez au Seigneur.
3:
12
§ 638. Pour encourager son serviteur, l'Éternel
lui promet d'être avec lui, et cette promesse il la fait à tous
ceux qu'il sollicite de se convertir et de se consacrer à son
service. Puis, le Seigneur assure Moïse que sa mission sera
fructueuse, et que les Israélites viendront célébrer leur culte
auprès de cette même montagne d'Horeb où il se trouvait
maintenant. La parole du Seigneur est bien remarquable. Il veut
que Moïse marche par la foi; pour cela il lui donne un signe qui
ne s'accomplira pas avant qu'il ait fait la volonté de son Dieu.
De la même manière, le Seigneur déclare que celui qui se convertit
est bienheureux, mais il est sûr que, pour connaître et goûter ce
bonheur, il faut commencer par se convertir.
3:
13-15
§ 639. La foi de Moïse était si faible que nous
le voyons hésiter encore: «Qui dirai-je qui m'a envoyé?» À cette
question du serviteur paresseux, le Seigneur répondit en faisant,
pour la première fois, la révélation solennelle de son nom
ineffable. Je Suis: tel est le glorieux nom de notre Dieu, de
Celui qui a créé les cieux et la terre, et qui d'éternité en
éternité a pu dire: Je Suis, ce qui n'est le propre d'aucun autre
être. C'est aussi ce que veut dire le mot JÉHOVAH, l’Éternel, nom
par excellence du Grand Dieu qui parlait avec Moïse et qui est le
Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob.
3:
16-22
§ 640. Mais le Seigneur ne se contente pas de
déclarer son nom à Moïse, il lui annonce que, s'il avait été mal
compris jadis par le peuple d'Israël, il serait mieux accueilli
cette fois; qu'il rencontrerait, il est vrai, dans sa mission une
opposition d'autant plus violente de la part de Pharaon; mais que
ce roi devrait enfin céder à la puissance divine et que les
Israélites sortiraient de leur servitude comblés de biens par les
Égyptiens eux-mêmes.
4:
1
§ 641. Il est beaucoup de gens qui pensent que,
si l'Éternel s'adressait à eux directement, comme il le fit
autrefois, ils recevraient sa parole sans balancer. C'est une
grande illusion. Car sa parole, nous l'avons dans la Bible; et si
nous n'écoutons pas Dieu parlant ainsi, nous ne l'écouterions pas
mieux autrement. L'Éternel a parlé à Caïn, et Caïn n'a point cru.
Si Abraham, ce père des croyants, obéit au premier mot quand il
fut appelé de Dieu, nous voyons, hélas! qu'il n'en fut pas ainsi
de Moïse. À peine l'Éternel vient-il de lui dire: tes frères
obéiront à ta parole (Ch. III, v. 18), qu'il répond: «mais voici,
ils ne me croiront point et ils n'obéiront point à ma parole.»
Moïse sans doute n'était pas un incrédule, ici toutefois, il agit
en incrédule, et vous voyez par son exemple ce que c'est que
l'incrédulité et combien elle est criminelle: c'est un démenti
qu'on donne à Dieu; œuvre de Satan , s'il en fût, car c'est lui
qui, le premier sur la terre, osa traiter Dieu de menteur (§
81).
4:
12-10
§ 642. Admirons la bonté de l'Éternel et sa
patience envers le pauvre Moïse. Pour lui ôter tout prétexte de
défiance, il lui fait opérer, en ce même instant, deux miracles
qui étaient de nature à le convaincre que le Seigneur serait avec
lui et qu'il le revêtirait d'une puissance à laquelle ni le peuple
d'Israël, ni Pharaon ne pourraient résister. Mais les miracles, on
peut en voir, même en faire et y demeurer insensible. On est
convaincu, étonné, effrayé et non persuadé, ni sérieusement
pénétré. Les répugnances de Moïse demeurèrent les plus fortes, et
reprenant le langage d'une fausse modestie, il objecta la
difficulté qu'il avait à s'énoncer. On pense qu'il était bègue ou
que, par suite de quelque accident, il lui était effectivement
difficile de parler à voix haute et devant une multitude. Voilà sa
dernière ressource pour éluder le commandement de Dieu.
4:
11,12
§ 643. Mais est-ce donc que l'Éternel ne
connaît pas aussi bien que nous quelles sont nos circonstances?
Est-ce qu'il ne sait pas parfaitement que le pauvre est pauvre,
que le faible est faible, que l'ignorant est ignorant? Et, s'il
nous appelle à quelque devoir dont il nous semble que nous sommes
incapables, ne nous donnera-t-il pas tout ce qu'il nous faut pour
le remplir? C'est là ce qu'il voulait faire entendre à Moïse quand
il lui dit: «Qui a fait la bouche de l'homme, ou qui a fait le
muet, etc?»
4:
13-17
§ 644. Moïse, enfin, va se rendre sans doute!
Les mots qu'il prononça pourraient être interprétés de la sorte;
mais la suite prouve que, dans sa pensée, ils signifiaient: «Non,
Seigneur, ce n'est décidément pas moi que tu dois charger de cette
mission!», car souvent l'homme veut être plus sage que Dieu. —
Alors la colère de l'Éternel s'embrasa contre Moïse, mais c'était
la colère d'un père envers son enfant. Au lieu de le rejeter, il
lui inflige un châtiment qui respirait plus d'amour que
d'irritation. Il lui déclare qu'il n'aurait pas tout l'honneur de
la délivrance de son peuple, mais qu'il le partagerait avec son
frère aîné Aaron. Celui-ci venait de recevoir cette belle
vocation, et déjà il se disposait à partir pour rencontrer son
frère. Ce serait donc Aaron qui porterait la parole de la part de
Dieu, et Moïse qui posséderait la puissance miraculeuse que
l'Éternel allait déployer en Égypte.
§ 645. Tout ce récit, convenons-en, ne nous montre pas Moïse sous un jour très favorable; mais, avant de jeter la pierre contre ce serviteur de Dieu, il faut nous mettre un peu dans sa position. Quatre-vingts années pesaient sur sa tête. Quarante ans s'étaient écoulés depuis qu'il avait quitté l'Égypte. Il n'y connaissait plus personne; à peine si quelques vieillards s'y souvenaient de lui, et, quand il pensait comment il avait échoué dans ses desseins, à une époque où toutes les circonstances lui étaient favorables, il ne pouvait s'imaginer que cette immense entreprise lui fût plus facile maintenant. Son tort, et il est grand, fut de n'avoir pas compris que, s'il avait échoué quand le Seigneur n'était pas avec lui; il ne s'ensuivait pas qu'il échouerait, maintenant que le secours du Tout-Puissant lui était assuré. Son tort fut de regarder beaucoup trop à lui-même, et pas assez à Celui qui lui parlait. Quel est l'enfant de Dieu qui n'est jamais tombé dans ce péché-là?
§ 646. Mais ce que peu d'enfants de Dieu sauraient faire, c'est d'avouer leurs fautes aussi ingénument que Moïse Quand on pense que c'est lui-même qui nous raconte comment il tua l'Égyptien, comment il eut peur et s’enfuit, comment il résista par incrédulité aux invitations du Seigneur, comment il s'attira sa colère et fut châtié par lui, il n'est pas possible de ne pas admirer sa parfaite véracité; sans compter l'humilité remarquable qui lui interdit toute justification, toute excuse. En sorte que si nous voyons aisément, nous, ce qui atténue les torts de Moïse , il ne semble pas l'avoir aperçu lui-même. Oh! comme cela montre, ainsi que je l'ai déjà fait observer, que, si Moïse a tenu la plume pour retracer cette histoire, c'est bien réellement sous la dictée ou sous l'inspiration de l'Esprit Saint!
LI. Retour de Moïse en Égypte.
4:
18
§ 647. Je ne me lasse pas de faire remarquer à
mes lecteurs le respect que les patriarches avaient pour le chef
de la famille. Voilà Moïse, octogénaire, appelé de Dieu lui-même à
rejoindre son peuple, et qui ne veut pas partir avant que son
beau-père le lui ait en quelque sorte permis! Il est vrai que
Jéthro connaissait le Seigneur, aussi ne s'opposa-t-il point au
départ de Moïse et de sa famille.
4:
19-23
§ 648. Moïse reçut-il de Dieu une nouvelle
commission, ou n’avons-nous ici qu'une répétition de ce qui lui
avait été dit précédemment, c'est ce qu'il importe peu de
déterminer. Dans tous les cas, le récit nous présente deux
circonstances nouvelles; ou plutôt le Seigneur exprime en d'autres
termes ce qu'il avait dit auparavant à Moïse, savoir que le roi
d'Égypte ne laisserait point aller les enfants d'Israël qu'il n'y
fût forcé (III, 19, 20): «J'endurcirai son cœur,» dit-il en
parlant de Pharaon, ce qui veut dire: Je l'abandonnerai à sa
méchanceté. Puis il annonce quel serait le moyen extrême dont il
se servirait pour lui forcer la main: «l'Éternel fera mourir son
premier-né.» Nous avons déjà vu plus d'une fois combien sont
terribles les jugements de Dieu. Rappelez-vous la punition d'Adam
et celle de Caïn, le déluge, la malédiction de Canaan, Sodome et
Gomorrhe; eh bien, cette portion de l'histoire sainte va nous
montrer toujours mieux ce que c'est que de tomber entre les mains
du Dieu vivant,
4:
24-28
§ 649. Comme Moïse était près d'entrer en
Égypte, il fut traversé par une épreuve sur la nature de laquelle
il est difficile de se former une juste idée, à cause de la
brièveté du récit. Je ne puis pas dire que j'aie jamais rencontré
une explication très-satisfaisante de ce passage, et puisque Dieu
a permis qu'il eût une si grande obscurité, nous devons penser
qu'il ne nous est point nécessaire de pénétrer le fond de cette
espèce d'énigme. Ce que j'y aperçois de plus clair, c'est que, par
la volonté de Dieu, Moïse se vit en danger de mort, afin de donner
à son âme tout le sérieux qu'exigeait la solennité de sa mission
auprès du roi d'Égypte. Il me paraît aussi que, Moïse ayant
négligé de circoncire le cadet de ses fils et se sentant repris de
cette faute en sa conscience, exigea, tandis qu'il était malade à
la mort, que sa femme s'acquittât de cette cérémonie; or Séphora,
dans un mouvement de violente émotion, fit à son mari des
reproches qui durent singulièrement aggraver ses souffrances.
4:
27-28
§ 650. Pendant la maladie de Moïse, Aaron son
frère eut le temps de le joindre avant qu'il fût entré en Égypte.
Quelle joie pour ces deux vieillards qui ne s'étaient pas vus
depuis quarante ans! Que de choses ils eurent à se communiquer!
Mais ce qui leur tenait le plus au cœur, c'était la délivrance de
leur peuple; aussi est-ce le seul objet de leur entretien dont la
Bible fasse mention. Je ne saurais m'en étonner, car il n'y a que
les conversations pieuses qui aient quelque valeur pour
l'éternité.
4:
29-31
§ 651. Arrivés en Égypte, Moïse et Aaron
convoquèrent les anciens de leur peuple; et, tandis qu'Aaron leur
faisait part de la commission qu'ils avaient reçue l'un et
l'autre, Moïse les remplissait d'admiration par ses prodiges; en
sorte que les deux frères furent reçus de tous comme des messagers
de l'Éternel. La misère des enfants d'Israël était devenue telle
qu'ils soupiraient sans relâche après la délivrance, et tout leur
disait qu'ils avaient réellement devant eux leurs libérateurs.
C'est ce que la Parole de Dieu entend lorsqu'elle nous dit qu'ils
crurent; mais, hélas! nous verrons plus tard que leur foi n'était
pas semblable à celle de leur père Abraham.
5:
1-3
§ 652.
Encouragés, on le comprend, par ce bon accueil, Aaron et Moïse se
rendirent auprès de Pharaon. Pour ne le pas trop irriter, ils
commencèrent par lui demander simplement qu'il permît aux
Israélites de s'en aller au désert afin de rendre leur culte à
l'Éternel. On a lieu de croire que, par un effet de l'oppression
sous laquelle ils gémissaient, ou simplement parce qu'ils étaient
hors du pays de la promesse, les Israélites avaient suspendu
l'usage des sacrifices. Quoi qu'il en soit, lorsque Moïse et Aaron
sommèrent Pharaon au nom de Jéhovah, il leur répondit avec
hauteur: Qui est Jéhovah? je ne connais pas votre Jéhovah! Pauvre
idolâtre; si on lui eût parlé de ses faux dieux, il aurait cru
savoir de qui on lui parlait, quoique les idoles ne soient rien;
mais, du vrai Dieu, de l'Éternel, il ne voulait avoir aucune
connaissance!
§ 653. Il ne faut pas nous étonner, du reste, que Pharaon répugnât à laisser aller les Israélites. Ces esclaves lui étaient fort utiles pour ses grands travaux et ils ne lui coûtaient rien, sans parler de la jouissance infernale que les méchants goûtent à opprimer leurs semblables. Ainsi l'avarice et l'orgueil se liguaient avec l'impiété, pour enlever du cœur de Pharaon toute pensée de miséricorde et de justice envers le peuple de Dieu. C'est hélas! l'histoire de bien des persécutions.
5:
4-19
§ 654. Que fit donc le roi d'Égypte? Irrité
contre Moïse et contre Aaron, et afin d'achever la ruine d'un
pauvre peuple qui osait avoir l'air de se plaindre, il exigea de
lui plus encore qu'auparavant. Il fallait qu'ils livrassent la
même quantité de travail, quoiqu'on leur diminuât les moyens de le
produire. Ce fut en vain que les chefs des ouvriers allèrent en
représentations auprès du monarque; il leur répondit, avec une
cruelle ironie, que les Israélites n'étaient sûrement pas trop
chargés, puisqu'ils avaient le temps d'écouter Moïse et Aaron.
5:
20-23
§ 655. En revenant de chez le roi, les
commissaires des enfants d'Israël rencontrèrent ces deux
serviteurs de Dieu. Aigris par la douleur, ils ne purent
s'empêcher de leur faire d'amers reproches de ce que, sous
apparence de les délivrer, ils avaient aggravé les difficultés de
leur position. Sur quoi Moïse fit sa plainte à l'Éternel, comme il
convient à un enfant de Dieu; car on ne doit pas nécessairement
voir dans ses paroles l'expression du murmure. «Oh! mon Dieu,»
semble-t-il dire, «que tes actes sont incompréhensibles! Tu
m'envoies pour opérer la délivrance d'Israël et son esclavage va
plutôt en empirant. Oh! mon Dieu, explique-moi ton conseil et tes
desseins, qui me paraissent si extraordinaires!» — En effet, Moïse
ne comprenait pas que Dieu permettait ce redoublement de
persécution, afin qu'on vît toujours mieux d'où viendrait la
délivrance et qu'on l'appréciât et la désirât d'autant plus. Si
Pharaon eût cédé au premier mot, on aurait pu croire que la
puissance de l'Éternel n'était entrée pour rien dans sa
détermination. Ce n'est pas à dire que Dieu ait inspiré à Pharaon
son mauvais vouloir; mais, ainsi que nous l'avons vu déjà plus
d'une fois, l'Éternel se sert du mal pour amener le bien. Au
surplus, ce que le Seigneur lit en cette occasion n'est pas chose
rare. Il permet assez fréquemment que, soit pour le corps soit
pour l'âme, ses enfants se voient réduits à l'extrémité, afin de
rendre leur délivrance plus éclatante.
6:
1-8
§ 656. Et puis, nous le savons, quand les
enfants de Dieu crient à lui, il ne laisse jamais leurs prières
sans réponse. Aussi le voyons-nous encourager Moïse en l'assurant
que non seulement Pharaon laisserait aller les Israélites, mais
bien plus, que, tout joyeux enfin de les voir partir, il les
chasserait après une résistance que l'Éternel saurait vaincre. Car
il avait fait jadis alliance avec Abraham, Isaac et Jacob; et,
bien qu'il n'eût pas été connu d'eux sous le nom de Jéhovah, il
n'en avait pas moins été leur Dieu, et ses promesses sont
immuables. Voilà sur quoi Moïse pouvait compter d'une manière
positive. Israël rentrerait au pays de Canaan et y servirait le
Dieu de ses pères: rien n'était capable d'invalider le serment
qu'en avait fait à Abraham celui qui est l'Éternel (§
366). Ces paroles encourageantes ne sont pas tellement
particulières à Moïse et à Israël, que nous ne puissions nous en
prévaloir. Si nous croyons en notre Seigneur Jésus-Christ, il y a
aussi pour nous des promesses qui ne sauraient manquer de
s'accomplir, malgré toutes les apparences contraires, pourvu
seulement que nous mettions notre attente dans le Seigneur, et non
pas en nous-mêmes.
6:
9-13
§ 657. Nouvelle épreuve pour la foi de Moïse.
Quand il alla rapporter au peuple les paroles de l'Éternel, on ne
voulut pas le croire, tant on était découragé par les nouvelles
rigueurs de la tyrannie. Un long esclavage avait dégradé et abruti
les enfants d'Israël, et, dans leur terreur, ils ne veulent plus
rien entendre. Moïse aussi, quand l'Éternel lui ordonne de
retourner auprès de Pharaon, se laisse aller à un coupable
abattement; il refuse cette commission, presque dans les mêmes
termes VI qu'il l'avait fait en Madian.
6:
14-30
§ 658. Ici l'historien sacré s'interrompt pour
donner les noms de quelques enfants d'Israël, surtout de la tribu
de Lévi. L'on y voit que Moïse et Aaron descendaient du troisième
fils de Jacob par Kéhath; que leur père se nommait Hamram, et leur
mère Jokbed; qu'Aaron avait quatre fils: Nadab, Abihu, Eléazar et
Ithamar. On y voit aussi que les fils et petits-fils de Jacob
atteignirent généralement un très grand âge, ce qui explique en
partie comment ce peuple pouvait être fort nombreux au temps de
Moïse (§ 622). Lévi vécut
137 ans, Kéhath 138, Hamram 137. Lévi était mort environ quinze
ans après Joseph, et soixante-neuf ans après Jacob.
7:
1-5
§ 659. Il ne faut pas nous lasser d'admirer la
patience vif de Dieu. Il excite de nouveau Moïse à faire son
œuvre, 15 en lui répétant qu’il serait auprès de Pharaon le
représentant même de la puissance divine, tandis qu'Aaron serait
l'interprète de sa volonté; c'est-à-dire qu'Aaron parlerait et
agirait pendant que Moïse le soutiendrait de sa présence. Il lui
répète aussi que Pharaon résisterait, ce qu'il importait que Moïse
sût pour ne pas se décourager de nouveau; mais ce roi cruel ne
devait faire par là qu'attirer sur lui de plus terribles
jugements, précurseurs de la délivrance d'Israël. Pareille chose
arrivera dans les derniers temps. Lorsque la délivrance des
enfants de Dieu approchera de son terme, il y aura de grands
jugements sur les nations.
§ 660. Quant à ceux dont Pharaon et son peuple allaient devenir les objets, ils n'étaient que trop mérités. Ces hommes méchants devaient enfin recueillir le fruit de leurs péchés, mais surtout de leur idolâtrie, de l'oppression dont ils avaient accablé les Israélites au mépris de la reconnaissance qu'ils devaient à Joseph, de la persécution que leur impiété avait dirigée contre le peuple de Dieu. C'est un terrible crime que la persécution, puisque Dieu dit que le mal qu'on fait aux siens, c'est comme si on le lui faisait à lui-même. Ces jugements devaient d'ailleurs avoir pour effet de convaincre les Égyptiens que Jéhovah est le Dieu fort et puissant (verset 5). — Nous verrons que ce but fut atteint, et que toute cette lutte de la puissance des ténèbres contre le Seigneur, tourna pleinement à la gloire de Dieu, ainsi qu'on pouvait s'y attendre.
LII. Les plaies d'Égypte.
7:
6-13
§ 661. Moïse était âgé de quatre-vingts ans et
Aaron de quatre-vingt-trois quand ils se présentèrent devant le
roi. Leur aspect vénérable eût dû, semble-t-il, attirer les égards
de Pharaon. Il fallait que la haine l'aveuglât bien fort pour ne
pas comprendre qu'il n'avait pas affaire à des hommes exaltés par
le fanatisme, ni à des agitateurs politiques. C'étaient des
messagers de Dieu, qui, pour premier avertissement, firent devant
le roi un miracle dont l'effet fut paralysé, plus encore par
l'impiété du monarque que par le miracle analogue que ses
magiciens eurent le pouvoir de faire.
7:
15-25
§ 662. Ce fut alors que commencèrent Les Plaies
ou Les Fléaux dont Dieu frappa l'Égypte. Pharaon étant descendu,
le matin, vers le fleuve, peut-être pour l'adorer, car les
Égyptiens appelaient le Nil le Père des dieux, Aaron étendit la
verge de l'Éternel sur le fleuve, et, par la puissance du
Très-Haut, ses eaux, ordinairement si bonnes à boire, devinrent
puantes, rougeâtres et nauséabondes comme du sang. Les ruisseaux
qui vu se rendent au Nil, les bassins dans lequel on le
recueillait, présentèrent le même phénomène, et c'était en vain
qu'on cherchait à filtrer cette eau dans des vases de bois et de
pierre, selon la coutume; les Égyptiens durent creuser le sol pour
y trouver quelque peu d'eau à boire. C'est là, sans doute, que les
magiciens de Pharaon prirent celle qu'ils changèrent aussi en
sang.
8:
1-14
§ 663. Ce fléau ayant cessé au bout d'une
semaine, l'Éternel y fit succéder, mais pour un jour seulement,
une horrible invasion de grenouilles qui infestèrent tout le pays,
jusqu'à remplir les maisons des Égyptiens. Plus effrayé de ce
miracle que du précédent, Pharaon promit de laisser aller les
Hébreux, et, à la requête de Moïse, les grenouilles se retirèrent.
8:
16-19
§ 664. Mais comme le roi, une fois délivré, se
montrait infidèle à sa parole, un nouveau châtiment, plus
terrible, vint jeter la consternation dans le cœur même de ses
magiciens. Une multitude immense de cousins (et non pas de poux,
comme disent nos versions) fondit sur les hommes et sur les bêtes,
et ils leur faisaient à tous des piqûres insupportables; car
c'étaient probablement les moustiques des pays chauds.
8:
20
§ 665. À cette calamité, l'Éternel en joignit
une autre de même nature. Ce que nos versions appellent un mélange
d'insectes, semble avoir été une mouche dans le genre de celles
qui tourmentent les chiens, et dont les blessures sont extrêmement
cruelles, surtout près des tropiques. Vaincu en apparence par tant
de maux, Pharaon consentit à céder quelque chose. Il permit aux
Israélites d'offrir leurs sacrifices, pourvu que ce fût en Égypte
même, et non pas dans le désert. Mais Dieu voulait donner à son
peuple une pleine liberté et non une simple tolérance. Moïse
persista donc dans sa première demande, et, Pharaon la lui ayant
accordée, l'Éternel, à la prière de son serviteur, détruisit tous
ces insectes jusqu'au dernier.
9:
1-7
§ 666. Pharaon ayant encore une fois retiré sa
promesse, une terrible mortalité s'étendit sur son bétail, en
sorte que si la destruction ne fut pas totale, il n'y eut pas de
localité qui ne s'en ressentît. Partout chez les Égyptiens, il y
avait des chevaux, des ânes, des chameaux, des bœufs et des brebis
qui avaient succombé à cette rapide et épouvantable épizootie,
tandis que le bétail des Hébreux était demeuré intact, tout comme
ils avaient été garantis des plaies précédentes et qu'ils le
furent de celles qui parurent ensuite.
9:
8-11
§ 667. Immédiatement après l'épizootie vint une
espèce de peste qui, frappant les hommes, n'épargnait pas ce qui
était resté du bétail des Égyptiens; en sorte que tout être vivant
se vit menacé de la mort, et, pour ajouter à ce que ce fléau avait
de terrible, l'Éternel fit annoncer à Pharaon une grêle qui
détruirait tout ce qu'elle rencontrerait.
9:
12-35
§ 668. Rien n'est affreux comme une grêle,
grosse, serrée, prolongée, qui, tombant de haut ou chassée par le
vent, brise et broie tout ce que frappent ses coups redoublés.
C'est l'Éternel-Dieu qui, de sa main forte, lapide les hommes
pécheurs. Comme on était au printemps, le lin et l'orge furent
entièrement détruits, et, en fait d'hommes et de bêtes, il n'y eut
d'épargnés que ceux qui s'étaient réfugiés à temps dans les
maisons.
10:
1-20
§ 669. Pour cette fois, Pharaon fut tout à fait
humilié (IX, 27), mais ce n'était qu'une vaine apparence. Il
fallut que ses serviteurs vinssent le supplier de laisser aller
les enfants d'Israël, et encore voulut-il y mettre des conditions
que Moïse ne pouvait accepter. Il donna clairement à entendre au
roi qu'il s'agissait d'une émigration de tout le peuple, et
Pharaon, trop orgueilleux pour s'avouer vaincu, déclara qu'il n'en
serait rien; même il fit chasser Moïse et Aaron de devant lui.
Alors des nuées de sauterelles couvrirent toute la face de
l'Égypte pour y brouter ce que la grêle avait laissé de reste.
Pharaon, toujours le même, dit aux Israélites: partez; puis, le
fléau s'étant retiré, il retira pareillement son autorisation.
10:
21-29
§ 670. Cependant la délivrance approchait. Une
plaie plus terrible que les précédentes jeta la consternation dans
le cœur de Pharaon et des Égyptiens. Il se fit de telles ténèbres,
que, pendant trois jours, nul n'osa se lever du lieu où il était.
Que de combats les passions impies du monarque et de ses
courtisans ne durent-elles pas se livrer durant ces trois
mortelles journées! Il faut céder; il n'y a pas moyen de lutter
plus longtemps contre une puissance souveraine. C'est pourquoi
Pharaon appelle Moïse et ne met plus qu'une seule réserve à la
permission qu'il donne de partir; c'est que les Israélites
laisseront leur bétail, sans doute pour remplacer celui des
Égyptiens que les fléaux de l'Éternel avaient détruit. Pas un
ongle, répond Moïse avec fermeté. Pas un ongle! eh bien,
retire-toi, lui dit Pharaon dans sa colère, et sache que, si tu te
représentes devant moi, tu es un homme mort! «C'est bien,» ajoute
le serviteur de l'Éternel, «je ne verrai plus jamais ta face.»
11:
§ 671. Une dixième et dernière plaie devait
achever l'œuvre de l'Éternel, soit pour le jugement des Égyptiens,
soit pour le salut des Hébreux Dans une nuit, chaque maison se
verrait privée du fils aîné de la famille, et même du premier-né
des animaux qui existaient encore. Dans cette même nuit, les
Israélites partiraient de leurs demeures, emportant avec eux les
riches présents que les Égyptiens n'hésiteraient pas à leur faire.
— Tel est le résumé du récit que renferment ces chapitres de
l'Exode. J'ai voulu l'exposer dans son ensemble, avant de
présenter les réflexions auxquelles il donne lieu.
§ 672. C'est ici, pour la première fois, que nous voyons Dieu déployer sa puissance dans une suite de miracles proprement dits. Nous avons eu le miracle de la création du monde, le miracle du déluge, les apparitions du Seigneur à Abraham et à ses fils, la destruction de Sodome, la naissance d'Isaac, la famine au temps de Joseph, l'interprétation des songes; mais je ne sais pourquoi l'on ne donne pas ordinairement le nom de miracles à ces actes de la puissance divine, ou du moins à la plupart d'entre eux. Quant au changement de la verge de Moïse en serpent et aux dix plaies d'Égypte, on n'hésite pas à y voir des faits miraculeux, c'est-à-dire des faits qui supposent l'intervention immédiate et surnaturelle du pouvoir divin.
§ 673. En effet, s'il est quelques-unes de ces plaies qui semblent au premier abord avoir été produites par des causes assez naturelles, un examen un peu attentif montre qu'elles furent bien réellement des miracles. Ainsi, l'on voit assez souvent des sauterelles faire de terribles ravages en Asie et en Afrique; mais jamais ce fléau n'eut le degré d'intensité que Dieu lui donna dans cette occasion. Quant au changement de l'eau du Nil en sang, et à la plupart des autres plaies, on chercherait en vain à les expliquer autrement que par la toute-puissance de Dieu. C'est lui qui étendait sa main pour frapper, et qui la retirait quand il lui plaisait; Moïse et Aaron n'étaient que ses instruments.
§ 674. Quelque étonnantes que soient ces œuvres du Seigneur, il n'y a rien en elles d'incroyable. Si la Bible nous disait que ce fut Moïse qui fit tout cela, nous aurions de quoi nous récrier; mais non, c'est le bras de l'Éternel qui a agi. Or Celui qui créa les cieux et la terre a bien pu opérer des merveilles beaucoup moindres après tout que celles de la création. Quant à la réalité de ces miracles, plus nous avancerons, plus vous verrez combien Moïse mérite d'être cru, et véritablement on ne comprendrait pas qu'il eût osé inventer des faits au sujet desquels tant de gens auraient pu lui donner des démentis.
§ 675. Nous devons donc croire aussi que les magiciens de Pharaon imitèrent, comme il nous est dit, les premiers miracles de Moïse, non par de vains prestiges, ce que font quelquefois les prêtres des faux dieux, mais par des effets véritables. Pour expliquer cela, les uns ont dit qu'ils agirent par la puissance de Satan; les autres, que Dieu leur accorda momentanément un pouvoir qui dut les étonner plus que personne. Dans l'une et l'autre de ces suppositions, leurs miracles se seraient faits par la permission de Dieu, et, quand on voit quels en furent les résultats, il n'y a rien là d'incroyable. Car ce fut le moyen dont l'Éternel se servit pour confondre les ministres du mensonge et de l'impiété. Concluons enfin de cet exemple, que des hommes auraient beau faire des miracles, s'ils ne les font pas à l'appui de la vraie religion, nous ne devons pas les écouter.
§ 676. Après cela, il est extrêmement intéressant d'observer l'effet que les jugements de Dieu produisirent sur ceux qui en essuyèrent les terribles coups. Les magiciens, comme je viens de le dire, furent les premiers à y voir le doigt de Dieu (VIII, 19); puis il y eut beaucoup d'Égyptiens qui apprirent à craindre sa parole (IX, 20); ensuite, les hommes qui approchaient la personne de Pharaon le sollicitèrent de mettre un terme à ses rigueurs (X, 7); enfin, la généralité des Égyptiens, remplis d'admiration pour Moïse, montrèrent la plus grande bienveillance envers les Israélites si longtemps leurs esclaves (XI, 3); nous verrons même qu'ils les suivirent en foule dans le désert.
§ 677. Quant à Pharaon, sa méchanceté n'alla qu'en empirant, ou, comme le dit l'Écriture, son cœur se montra de plus en plus endurci. L'Éternel avait annoncé à Moïse que les choses se passeraient de la sorte, et, dans le récit qui nous occupe, il est exprimé plusieurs fois en effet, que l'Éternel endurcit le cœur de Pharaon. Est-ce donc que Dieu fut la cause de son incrédulité, de sa haine, de ses violences? Non, assurément; Dieu ne saurait être l'auteur du péché. Aussi voyez ce qui est dit, chap. VII, vers. 22; VIII, 15, 32; IX, 34; vous vous convaincrez que c'est par sa propre méchanceté que Pharaon devint toujours plus méchant. D'un autre côté, il est incontestable que Dieu a endurci son cœur, comme il endurcira celui des réprouvés au dernier jour, en l'abandonnant à sa propre malice, par un juste et terrible jugement.
§ 678. Et, si vous voulez savoir comment on arrive à cet horrible état, remarquez ce qui se passa chez Pharaon. Il méprisa tout à la fois la parole de Dieu et les coups de sa verge. Par moments, il semblait humilié, il témoignait l'intention d'obéir; mais, dès que la calamité était passée, il reprenait toute son audace, avec un accroissement de colère. C'est qu'au fond, il ne voyait que l'homme Moïse, et après chaque plaie il se flattait probablement que son pouvoir était épuisé. C'est ainsi que sont beaucoup de gens au milieu de nous. Ils ne croient réellement pas en Dieu; si bien qu'ils tiennent pour néant ce qu'on leur dit de sa part et, après chacun de ses châtiments, ils oublient ceux dont il peut les frapper encore.Ah! que mes lecteurs prennent garde de ne pas mépriser, comme Pharaon, le Dieu qui les avertit et les reprend, car leur cœur s'endurcissant de la même manière que le sien, ils pourraient se voir rejetés dès ce monde, comme il le fut lui-même. Moïse finit par lui dire: «Je ne verrai plus ta face,» et, si vous vous détournez de Dieu, Dieu aussi se détournera de vous.
§ 679. Remarquez, au milieu de tout cela, comment Dieu sut préserver Aaron et Moïse de la fureur du roi, et quel courage Moïse avait retrouvé par la grâce de Dieu. Le Seigneur lui tint donc fidèlement la promesse qu'il lui avait faite d'être avec lui! Souvent on a vu des enfants de Dieu gardés par la puissance de l'Éternel contre la rage de leurs persécuteurs, mais jamais peut-être cela ne se vit avec tant d'éclat; car on s'étonne que Pharaon n'ait pas, dès les premiers jours, livré Moïse à la mort. Lors donc que nous nous verrions exposés à quelque danger dans le service que nous rendons au Seigneur, ne craignons rien et comptons sur la miséricordieuse protection de notre Dieu.
§ 680. Le bouclier dont il couvrit les enfants d'Israël pendant que tant de fléaux sévissaient contre les Égyptiens est une autre preuve de sa fidélité envers ceux qui lui appartiennent. Les Israélites qui vivaient mêlés avec les sujets de Pharaon dûrent naturellement participer à quelques-unes de leurs plaies, mais ceux du pays de Goscen en furent complètement préservés. Voilà comment Dieu a voulu montrer qu'il distingue très bien son peuple d'avec le monde. Si donc nous vivons ici-bas dans la foi aux promesses de Dieu et en nous séparant du mal qui règne sur la terre, ne craignons pas qu'il nous confonde avec ses ennemis. Quand viendra le jour du jugement et de la délivrance, nous serons mis à part pour le bonheur des cieux, comme déjà dans ce monde nous aurons été garantis des ténèbres et des plaies du péché.
LIII. Institution de la Pâque.
12:
1-2
§ 681. Le moment de la délivrance approchant,
Moïse et Aaron enseignèrent aux Israélites, au nom de l'Éternel,
de quelle manière ils devaient faire leur dernier repas. D'abord,
ils ordonnèrent que le mois où ils se trouvaient fût à l'avenir
compté pour le premier mois de l'année. C'était au printemps; et
puisque l'occasion s'en présente, je vais donner à mes lecteurs le
tableau des mois de l'année chez les Hébreux:
Correspondait
au
mois de: |
||
1 | NIZAN ou ABIB, | Mars. |
2 | JIAR ou ZIPH | Avril |
3 | SIVAN | Mai |
4 | THAMMUZ | Juin |
5 | AB | Juillet |
6 | ELUL | Août |
7 | TISRI ou ETANIM | Septembre |
8 | MARCHESVAN ou BUL | Octobre |
9 | CISLEU | Novembre |
10 | TEBETH | Décembre |
11 | SEBAT | Janvier |
12 | ADAR | Février |
Mais, comme c'étaient des mois lunaires, il fallait de temps en temps ajouter un treizième mois à l'année; on l'appelait Véadar ou Second Adar. Par cela même aussi que les Hébreux suivaient les lunaisons pour compter les mois, NISAN correspondait en partie à notre mois de Mars et en partie au mois d'Avril, ZIPH en partie à Avril et en partie à Mai; ainsi de suite.
12:
3-13
§ 682. Pour en revenir aux Israélites, nous
voyons que le dixième jour de la lune de Mars, au mois de Nisan,
ils durent prendre un agneau ou un chevreau qu'ils séparèrent du
reste du troupeau jusqu'au quatorzième jour, c'est-à-dire jusqu’à
la pleine lune. Cet animal devait être jeune, mâle et sans défaut,
et il fallait l'immoler entre les deux vêpres, c'est-à-dire à
trois heures de l'après-midi; les deux vêpres renfermaient le
temps qui s'écoule de midi à trois heures, et de trois heures à
six heures. Du sang qui sortirait de la victime, ils devaient
arroser les poteaux et les linteaux de leurs maisons. Après quoi,
ils rôtiraient l'agneau tout entier, et, se réunissant en assez
grand nombre pour qu'il n'y eût pas de restes, ils le mangeraient
en famille, avec des pains sans levain et des herbes amères, ayant
leurs robes retroussées par la ceinture et tenant un bâton en leur
main. Tout ce repas devait se faire avec grande hâte, et on
l'appellerait La Pâque ou le PASSAGE DE L'ÉTERNEL, parce que, en
cette même nuit, l'Éternel ferait passer sur les adorateurs des
faux dieux ses terribles jugements.
§ 683. Non seulement à cause de cela, mais encore parce que l'Éternel passerait sur les maisons des Hébreux sans leur faire aucun mal, pourvu, toutefois, qu'ils montrassent leur foi et leur obéissance en teignant leurs portes du sang de l'agneau sans défaut et sans tache qui aurait été immolé.
12:
14
§ 684. Mais il ne s'agissait pas de faire ce
souper de la Pâque une seule fois. Dieu enjoignit aux Israélites
de le répéter chaque année à la même époque, comme un mémorial de
leur délivrance; ce fut la première loi qu'il leur donna par le
ministère de Moïse.
15-20
§ 685. En même temps que la Pâque proprement
dite, les enfants d'Israël devaient célébrer la fête des pains
sans levain. Le jour même où ils immolèrent l'agneau, ils durent
enlever de leurs maisons tout le vieux levain et tout ce qui
restait de pain, pour ne manger une semaine entière que du pain
non levé. Le premier jour de cette semaine, il devait y avoir de
saintes assemblées, et pareillement le dernier jour; la Pâque se
mangeait la nuit qui suivait ce jour-là, c'est-à-dire le quinzième
jour du mois. Si quelqu'un violait la loi des pains sans levain,
il était menacé de se voir retranché du sein de*son peuple, en
punition de sa révolte, et les étrangers devraient se conformer à
cette loi, aussi bien que les enfants d'Israël.
12:
12-28
§ 686. Telle fut l'ordonnance que l'Éternel
intima aux Israélites par l'organe de Moïse, qui, en la leur
communiquant, insista sur l'importance qu'elle avait comme
mémorial de leur affranchissement. Il fallait que leurs enfants et
leurs petits-enfants, de siècle en siècle, n'oubliassent pas que
leurs pères avaient été esclaves en Égypte et que la miséricorde
du Très-Haut les avait délivrés, mais non sans verser le sang de
leurs oppresseurs, et c'est à quoi servirait la Pâque. Tout le
peuple s'inclina et se prosterna à la parole de l'Éternel; puis,
les enfants d'Israël firent ainsi que Dieu l'avait commandé.
§ 687. Représentez-vous donc le spectacle qu'offrit le peuple hébreu dans cette nuit mémorable, le 15 Mars-Avril de l'an 1490 avant la naissance de notre Seigneur. Pharaon ne leur avait point encore donné la permission de partir; la dernière fois qu'il avait vu Moïse, il s'était montré plus furieux que jamais; n'importe, domptés eux-mêmes par la puissance divine qui éclatait en Moïse, ils avaient, à sa parole, fait tous les préparatifs du départ. L'agneau, séquestré quatre jours d'avance, avait été immolé dans la journée et les maisons, soigneusement balayées, étaient pures de tout vieux levain. — Maintenant, les voilà debout, un bâton à la main; leurs épaules sont chargées de leurs effets personnels, les troupeaux mugissent à la porte des étables, l'agneau rôti au feu est mangé à la hâte, avec quelques herbes amères. Comme le cœur devait leur battre! quelle foule de sentiments divers les agitaient, surtout ceux dont les habitations se trouvaient mêlées avec celles des Égyptiens! Minuit approche, l'heure que le Seigneur a indiquée (ch. XI, v. 4), et à minuit un cri d'effroi sort de toutes les demeures, depuis le palais de Pharaon jusqu'à la pauvre cabane du dernier de ses sujets.
12:
29-32
§ 688. Les premiers-nés des hommes et des bêtes
venaient de mourir subitement. Toutes les autres plaies n'avaient
rien été en comparaison de celle-ci. Sans attendre le jour,
Pharaon fait venir Moïse et Aaron. «Allez, leur dit-il, servez
l'Éternel, prenez tout ce qui est à vous; allez et bénissez-moi.»
Bénissez-moi! Quel beau témoignage l'impie Pharaon rend aux
serviteurs de l'Éternel! Ah! certes, ils auraient bien eu de quoi
le maudire pour tout le mal qu'il leur avait fait, mais il les
connaissait assez pour savoir qu'ils ne le haïssaient pas; en
effet, les enfants de Dieu aiment leurs ennemis et prient pour
ceux qui les persécutent.
12:
33-36
§ 689. Les Égyptiens, de leur côté, épouvantés
par les maux que venait d'attirer sur eux la persécution qu'ils
avaient fait subir aux enfants d'Israël, s'empressèrent de
faciliter leur départ; ils les contraignaient en quelque sorte à
déloger promptement, et ce fut de grand cœur qu'ils leur remirent
des objets de prix qui n'étaient que le juste salaire des
Israélites, après tant de travaux qu'on leur avait extorqués.
C'est ainsi qu'ils s'en allèrent chargés des riches dépouilles des
Égyptiens; nous verrons plus tard ce que Dieu voulait faire de ces
trésors.
12:
37-39
§ 690. Quand on pense qu'il s'était écoulé
seulement deux cent dix ans depuis que Jacob était arrivé en
Égypte, il est permis de s'étonner que les Israélites comptassent
alors 600,000 individus, sans compter les petits enfants.
Cependant, par les raisons que j'ai dites ailleurs (§§ 622,
656), ce peuple a pu se
doubler quatorze ou quinze fois pendant cette période, et, en ne
doublant que quatorze fois le nombre de 70 (§ 621),
on arrive à 413,440 hommes, sans compter les femmes, les enfants
et les esclaves. Puis il faut ajouter le grand nombre d'étrangers,
Égyptiens et autres, qui partirent avec les Israélites et
s'incorporèrent dans leurs tribus. Ainsi s'accomplit la promesse
faite à Abraham (Gen. XXII, 17) que sa postérité, tant sa
postérité naturelle que sa postérité par adoption, serait comme le
sable de la mer et comme les étoiles du ciel qui ne se peuvent
compter.
12:
40,
41
§ 691. Alors aussi s'accomplit une autre
prophétie, mais d'une manière bien inattendue. Dieu avait dit à
Abraham que sa famille habiterait comme étrangère un pays qui ne
lui appartiendrait point, et qu'elle serait affligée pendant 400
ans; mais qu'il jugerait la nation à laquelle ses descendants
seraient assujettis et qu'ils sortiraient avec de grands biens
(Gen. XV, 13,14). À prendre cette prophétie dans son sens le plus
évident, il pouvait sembler que les Israélites seraient 400 ans
esclaves des Égyptiens. Or, non seulement leur servitude n'a pas
duré tout le temps qu'ils furent en Égypte, mais de plus il s'en
faut de beaucoup qu'ils y aient passé quatre siècles. Ainsi, avant
que la prophétie fût accomplie, il était impossible de la
comprendre parfaitement. Mais si nous ajoutons 430 à 1490, qui est
l'année où le peuple d'Israël sortit d'Égypte, nous trouvons 1920,
et c'est précisément l'année où Abraham, chassé par la famine, fit
un séjour dans le royaume des Pharaons (§
263).
Depuis cette époque, Abraham et sa postérité ne cessèrent
d'habiter comme étrangers au milieu des fils de Cam, soit en
Canaan, soit en Égypte; ils y furent soumis à leur domination et
plus ou moins maltraités, jusqu'à ce que vint enfin la délivrance
au bout de quatre cents ans environ. Telle est l'interprétation
que les événements, dirigés par Dieu lui-même, ont donnée de la
prophétie; l'apparence de contradiction qui existe entre elle et
les faits qui s'y rapportent, est une nouvelle preuve de la
parfaite véracité de Moïse. Rien ne lui était plus facile, s'il
eût menti, que de mettre d'accord la prophétie de la Genèse avec
le récit de l'Exode; mais il nous a raconté ce que Dieu a dit,
comme il l'a dit, et les faits, comme ils se sont passés.
12:
42-51
§ 692. À l'institution de la Pâque, telle que
nous l'avons vue tout à l'heure, l'Éternel rattacha quelques
ordonnances qui terminent ce chapitre et commencent le suivant.
Les voici en résumé: Pour qu'un étranger pût faire la Pâque avec
les Israélites, il fallait qu'il fût circoncis; les esclaves
étaient admis à y participer, par la raison que les Israélites, à
l'exemple d'Abraham leur père (Gen. XVII, 27), circoncisaient
leurs esclaves, afin qu'ils ne fissent qu'un même peuple avec eux.
D'ailleurs, toute l'assemblée d'Israël devait célébrer la Pâque,
et, circonstance remarquable, il était interdit de manger l'agneau
hors des maisons, et aussi de ne casser aucun de ses os.
13:
1-13
§ 693. Une autre ordonnance qui se rattachait à
la Pâque, c'est que les Israélites devaient sanctifier à
l'Éternel, ou lui consacrer (§
47) tout premier-né des hommes et des animaux domestiques.
Le premier veau d'une génisse, le premier agneau d'une brebis,
étaient immolés au Seigneur. S'agissait-il d'un animal qu'on ne
dût pas offrir à l'Éternel, tels que les ânes et les chevaux, on
sacrifiait à la place un agneau ou un chevreau, si l'on n'aimait
mieux leur trancher la tête. Enfin, les premiers-nés des hommes se
rachetaient au moyen d'une victime. C'était le moyen de rappeler
tous les jours aux Israélites leur délivrance, tandis que la Pâque
ne le rappelait qu'une fois l'an.
13:
14-16
§ 694. En effet, Moïse leur dit expressément
que la consécration des premiers-nés avait pour but de graver
d'âge en âge dans leur souvenir, la conservation des aînés de
leurs familles lorsque l'Éternel frappa ceux des Égyptiens.
§ 695. C'est une chose bien remarquable de voir avec quel soin le Seigneur a toujours voulu rappeler à la mémoire oublieuse des hommes ses grandes délivrances. Ce que l'arc-en-ciel fut pour l'humanité retirée du déluge, la Pâque et la consécration des premiers-nés le furent pour les Israélites miraculeusement arrachés à la servitude; et c'est toujours par des moyens très simples que Dieu fait toutes choses. Il était parfaitement naturel que les Israélites prissent un dernier repas avant de partir; la manière dont ils le prirent n'avait rien que de très naturel non plus; mais comme tout cela était significatif! Debout, le bâton à la main et, sans doute, le sac sur le dos, car ce sont des gens qui s'en vont; tout le vieux pain d'Égypte, le pain de l'esclavage, jeté hors de leurs demeures; les herbes de la saison, mais des herbes amères, symbole de leurs douleurs: combien ces diverses circonstances étaient de nature à faire impression sur les esprits! Quant au rachat des premiers-nés, la chose est encore plus évidente.
§
696. Mais la Pâque annuelle des Juifs ne fut pas
seulement un mémorial, elle était destinée à être une prophétie,
ou le type d'une autre délivrance, dont nous avons le mémorial
dans une cérémonie encore plus simple et non moins expressive; je
veux parler du souper du Seigneur, ou la Sainte-Cène. Jésus-Christ
a racheté son peuple d'une servitude pire que celle de l'Égypte,
car il est l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde, et Christ
notre Pâque, dit St.-Paul, a été sacrifié pour nous (1 Cor. V, 7).
Voyez cet agneau mis à part, cet agneau jeune et sans tache, cet
agneau immolé, cet agneau rôti au feu tout entier, cet agneau dont
le sang scelle les maisons des rachetés, cet agneau dont aucun des
os n'est brisé et qui se mange dans les maisons; n'est-ce pas
notre Jésus, doux et humble de cœur, Jésus séparé des pécheurs,
Jésus répandant son sang pour nous et sur nous, Jésus souffrant à
notre place les ardeurs du courroux céleste, Jésus se donnant tout
entier pour ceux qui font partie de l'Église qui est sa maison, ce
Jésus, enfin, dont, par une remarquable direction de Dieu, aucun
os n'a été cassé, tandis qu'on brisa ceux des malfaiteurs
crucifiés avec lui?
Voyez les herbes amères, n'est-ce pas un type de la repentance que
la foi suppose; ces pains sans levain, une image de la
purification du cœur que produit l'Esprit du Christ; l'obligation
de manger l'agneau et de le manger tout entier, la prédication
anticipée de cette grande vérité, que nous devons recevoir le
Christ dans nos cœurs par la foi et ne pas le recevoir à demi?
Voyez ces bâtons que les Israélites avaient en leurs mains et ces
ceintures qui retroussaient leurs robes; n'est-ce pas le symbole
des dispositions avec lesquelles nous devons nous approcher de
Jésus-Christ, être toujours prêts à aller à sa rencontre et à
faire son œuvre?
Voyez, enfin, la loi qui excluait de la Pâque les étrangers;
n'était-ce pas dire que le salut n'appartient qu'au vrai peuple de
Dieu? Voilà donc comment la Pâque des Juifs prophétisait toute la
doctrine de la rédemption par le sang de Christ. La consécration
des premiers-nés en est la confirmation. L'agneau, ou le chevreau
qu'on immolait à la place du fils aine de la famille, c'est Jésus
encore qui s'est donné pour nous à la mort. Mon âme, bénis
l'Éternel (Ps. CIII).
LIV. Passage de la mer Ronge.
13:
17-19
§ 697. Les merveilles dont Dieu avait résolu
d'accompagner la délivrance de son peuple n'étaient pas épuisées.
Nous allons voir les miracles se perpétuer pendant une
cinquantaine d'années, c'est-à-dire jusqu'à ce que, sous le
ministère de Josué, successeur de Moïse, l'Éternel eût mis les
Israélites en possession du pays de Canaan. Mais je ne veux pas
anticiper sur l'avenir.
§ 698. Le chemin direct entre l'Égypte et Canaan était celui qu'avaient suivi jadis Abraham, puis Joseph et plus tard Jacob avec ses fils: ou, pour mieux dire, il n'y a qu'un chemin, au travers de l'isthme de Suez. C'est par là que Moïse lui-même était sorti d'Égypte quarante ans auparavant et qu'il y était rentré depuis peu. Mais, au lieu de prendre leur route au nord-est, les Israélites se dirigèrent d'abord au sud, puis à l'est, et de cette manière ils marchèrent vers la mer Rouge, dans une voie sans issue. C'est l'Éternel lui-même qui les conduisait. Combien de fois ne lui est-il pas arrivé dès lors de diriger son église et ses enfants, par un chemin qu'ils n'auraient pas choisi et qui pouvait d'abord sembler le moins sûr!
§ 699. Moïse nous dit une des raisons pour lesquelles le Seigneur en agit de la sorte avec les fils d'Israël. S'il leur eût fait prendre le chemin direct, ils auraient dû entrer en Canaan par le pays des Philistins, tribu cananéenne qui déjà possédait une certaine puissance, et les Israélites n'avaient rien de ce qu'il fallait pour se mesurer avec eux. Leur multitude était un embarras, car ils formaient un peuple et non une armée; bien qu'heureux dans un sens d'avoir enfin rompu leurs chaînes, ils quittaient l'Égypte à regret; mais ce qui leur manquait surtout, pour vaincre leurs ennemis, c'était la foi, une foi vivante, semblable à celle de ce Joseph dont ils emportaient avec eux la dépouille mortelle.
§ 700. D'autres raisons encore que nous découvrirons par la suite, avaient pu déterminer le Seigneur à retarder leur entrée au pays de Canaan. Il voulait les plier à ses lois, pendant qu'ils étaient tous réunis dans un campement et avant qu'ils eussent des combats à soutenir, ou même des champs à cultiver et une foule d'intérêts terrestres à soigner. C'était donc du côté de l'Arabie qu'il les conduisait, et il fallait, comme le Seigneur l'avait dit à Moïse, qu'ils vinssent camper quelque temps près du mont Horeb (§ 638). Toujours est-il qu'il y avait quelque chose de fort extraordinaire à les diriger vers la mer Rouge, au lieu de leur faire tourner le golfe, et combien d'Israélites qui, tout ouvertement peut-être, se permettaient de critiquer les voies de l'Éternel!
13:
20-22
§ 701. Ce fut par un moyen fort simple, et tout
à la fois très-admirable que le Seigneur marquait aux Israélites
leur itinéraire. Une nuée, sombre durant le jour et lumineuse
durant la nuit, marchait devant eux comme une colonne mobile dont
les pieds reposaient sur la terre et qui portait sa tète vers le
ciel; en sorte que tout le peuple la voyait et qu'il n'y avait pas
moyen de méconnaître la volonté d'En-Haut.
14:
1-9
§ 702. Cette multitude où se trouvaient tant de
vieillards, de femmes et d'enfants, sans parler du bétail qu'ils
emmenaient, n'avançait naturellement qu'à petites journées. Or
quand Pharaon eut appris quelle route les Israélites suivaient,
son cœur bondit d'une joie criminelle. Ils sont à moi, pensa-t-il;
leur Dieu les abandonne. Acculés à la mer, comme ils vont l'être,
ils ne sauraient m'échapper. Voici le moment de les faire rentrer
sous ma domination et de les châtier de tout le mal que ce Moïse
m'a fait! Pharaon avait été vaincu, mais non pas convaincu. Son
impiété subsistait toute délirante, et sa furie s'était accrue en
apprenant qu'un si grand nombre de ses sujets avaient voulu
partager le sort des Israélites. D'ailleurs il ne raisonnait pas
trop mal; car, à vue humaine, Israël était perdu.
§ 703. Mais rien n'est caché à l'Éternel (Gen. XVIII, 14) et il avait prévenu Moïse de ce qui allait arriver. Ce dernier crime de Pharaon devait attirer sur lui son dernier châtiment. Dans l'aveuglement de son cœur, il croira pouvoir l'emporter enfin sur le Dieu d'Israël; mais c'est alors que l'Éternel montrera toute sa puissance et le sort qu'il prépare au tyran qui ne se lasse pas de persécuter le peuple de Dieu. La main du Seigneur s'était levée (vers 8) pour appeler les fils d'Abraham hors d'Égypte, elle va se lever une dernière fois pour frapper les fils de Mitsraïm (§ 237).
14:
10-12
§ 704. Quand les Israélites se sentirent
poursuivis par Pharaon et par son armée, le cœur leur manqua; ils
se virent déjà massacrés, et, oubliant tout ce que le Seigneur
avait fait pour eux, ils se plaignirent amèrement à Moïse du
danger qu'il leur faisait courir, déclarant qu'ils étaient prêts à
se remettre sous le joug du roi. Hélas! ne nous étonnons pas trop
du découragement de ces pauvres enfants d'Israël. Ils voyaient
que, de la part de l'homme, il n'y avait pas de salut possible, et
leur cœur était trop incrédule pour se reposer entièrement sur
l'Éternel dans cette extrémité. Combien d'enfants de Dieu,
d'hommes vraiment convertis, qui ont eu peur en des circonstances
réellement moins désespérées!
14:
13-14
§ 705. La confiance de Moïse, au contraire fut
parfaite. Il ne craignit point la colère du roi (Héb. XI, 27), et
il prophétisa de la part du Seigneur, la destruction qui allait
fondre sur lui. Si donc ce serviteur de Dieu avait montré jadis de
l'hésitation, sa foi s'était maintenant raffermie, et ce vrai fils
d'Abraham avait appris, comme lui, à espérer contre toute
apparence de succès.
14:
15-18
§ 706. Il paraîtrait cependant que Moïse,
s'oubliant dans la prière, laissait passer, sans agir, un temps
que chaque minute rendait plus précieux. Quand Dieu a parlé, il
n'y a plus à lui demander ce qu'on doit faire. Il fallait que,
marchant à la tête de tout le peuple, Moïse étendît sa verge sur
la mer Rouge, et que les Israélites entrassent courageusement dans
le passage que leurs laisseraient les eaux en se retirant à droite
et à gauche.
14:
19,
20
§ 707. Cependant l'Ange de Dieu, celui qui est
appelé plus haut (Chap. XIII, 21) Jéhovah, l'Éternel, et sous la
conduite de qui marchaient les Israélites se porta lui-même avec
la colonne de nuée, entre le camp des Égyptiens et le camp
d'Israël. Et tout comme la parole de Dieu et ses diverses voies
sont pleines d'obscurités pour les mondains, tandis qu'elles
brillent de vives clartés pour les fidèles, la colonne de nuée
plongea les Égyptiens dans des ténèbres telles qu'ils ne pouvaient
avancer; les Israélites au contraire jouirent, toute la nuit,
d'une douce lumière qui éclairait leur marche.
14:
21,22
§ 708. Outre cela, l'Éternel manifesta sa
présence par un vent véhément qui, venant de l'est, divisa en deux
les flots de la mer, et par la puissance de Dieu, les retint
amoncelés comme des rochers entassés les uns sur les autres.
Quelques-uns ont pensé que le miracle consista en ce qu'il y eut
alors une marée extraordinaire qui laissa à nu une vaste étendue
du sol ordinairement recouvert par les eaux, ce qui supposerait
que les Israélites effectuèrent leur passage tout au fond du golfe
arabique; mais outre que l'indication des lieux ne s'accorde pas
trop avec cette supposition, la Bible nous dit expressément que
les eaux formaient comme une muraille à droite et à gauche,
phénomène qu'il ne faut pas vouloir expliquer autrement que par la
toute-puissance du Créateur des cieux et de la terre (§
208).
14:
23-30
§ 709. Il est probable qu'à mesure que les
Israélites effectuaient leur passage, la colonne de nuée
s'avançait derrière eux. Les Égyptiens, trompés par l'obscur
brouillard qui les précédait, entrèrent dans le lit de la mer sans
trop reconnaître le lieu où ils étaient. Quoi qu'il en soit,
l'aveuglement de leur cœur était tel que, semblables aux
incrédules qui estiment n'avoir rien de plus à craindre que les
vrais chrétiens de la part de leur souverain Juge, ils crurent
pouvoir passer là où le peuple de Dieu avait passé lui-même et ils
s'avancèrent hardiment à sa poursuite. Mais d’abord, les roues de
leurs chariots se brisèrent, la terreur se répandit au milieu
d'eux, et lorsque cette armée, le roi en tête, ne présentait plus
que le spectacle d'une horrible confusion, Moïse, au commandement
de Jéhovah, étendit la main, les eaux se rapprochèrent comme deux
montagnes qui tomberaient à la fois dans le fond d'une vallée, et
les Égyptiens furent tous enveloppés dans ce linceul funèbre.
Quelle image du jugement à venir! Combien de gens hélas, qui se
flattent d'y échapper! Mais quand il s'agira de traverser les eaux
profondes, Dieu leur ôtera ce qui faisait leur assurance; la
confusion couvrira leur face; ils diront aux montagnes: Tombez sur
tous! et leur ruine sera inévitable.
14:
31
§ 710. Voilà donc comment se termina ce drame
solennel, où Satan, le prince de ce siècle, lutta, avec toute
l'énergie dont il est capable, contre l'Éternel son Créateur et
son Roi. L'homme assurément le plus puissant de cette époque,
Pharaon et son peuple, aveuglés par la haine qu'ils portaient à
Jéhovah, voulurent détruire ceux que l'Éternel avait bénis; mais
ils périrent dans cette guerre qu'ils faisaient à Dieu, comme on a
vu dès lors tant de princes et de gouvernements persécuteurs payer
tôt ou tard de leur propre ruine leurs attentats contre la liberté
de l'Église. Quant aux Israélites, ils ne purent plus douter de la
puissance divine et de la mission céleste du frère d'Aaron; ils
craignirent l'Éternel, ils reconnurent qu'il était avec eux par le
ministère de son serviteur. Mais, hélas! la foi qu'arrache la vue
des miracles n'est pas celle qui caractérise les enfants de Dieu,
et nous verrons bien que ce peuple était loin de ne compter dans
son sein que des fidèles.
15:
1-21
§ 711. Cependant les Israélites, hommes et
femmes, se joignirent à Moïse et à Marie sa sœur pour célébrer la
gloire de l'Éternel par un très beau cantique d'actions de grâces
et d'espérance. Après avoir dit: «Jéhovah est ma force et ma
louange, et il a été mon Sauveur; je lui dresserai un tabernacle;
c'est le Dieu de mon père, je l'exalterai,» Israël raconte les
grands exploits dont il vient d'être le témoin, puis il exprime la
confiance où il est que les peuples de Canaan et ceux du voisinage
ne pourront s'opposer au bien que l'Éternel veut lui faire. Ainsi
s'établira le règne de l'Éternel; et comment ne pas le croire
après ce qui vient de se passer! Ce cantique se chanta par
l'assemblée avec accompagnement de musique instrumentale; telle
fut la première fête célébrée par le peuple de Dieu. Voilà aussi
probablement le premier cantique, ou le premier psaume qui ait été
composé sous l'inspiration divine. C'est qu’effectivement, et la
réflexion que je vais faire est importante, c'est que le cantique
suppose la délivrance; c'est de la bouche des rachetés qu'il doit
sortir, et, si nous sommes vraiment chrétiens, c'est nous qui
pouvons dire avec plénitude de foi: «l'Éternel est ma force et ma
louange; Il a été mon Sauveur; Il m'a racheté par la force de son
bras; Il me conduit par sa grâce, et certainement Il m'introduira
en la montagne de son héritage et dans le sanctuaire que ses mains
ont établi?»
LV. Les épreuves du désert. — Mara. — Elim. — La manne.
15:
22-25
§ 712. Le chemin que les Israélites prirent
dans le désert, le long des côtes de la mer Rouge, devait les
conduire près du mont Horeb, selon la Parole de Dieu (§ § 638
, 700). Au bout de trois
jours, ils commencèrent à connaître les rudes privations d'un tel
voyage. L'eau vint à leur manquer, et celle qu'ils rencontrèrent
enfin se trouva saumâtre au point qu'il n'y avait pas moyen de la
boire. Aussi appelèrent-ils cet endroit Mara, c'est-à-dire
amertume. Au lieu d'invoquer l'Éternel dans leur détresse, ils se
tournèrent contre Moïse qu'ils rendaient responsable de tout ce
qui leur arrivait de fâcheux. Celui-ci cria à l'Éternel. Par son
ordre, il jeta dans l'eau quelques morceaux d'un bois que le
Seigneur lui indiqua, et l'eau devint douce et bonne à boire.
§ 713. Vous comprenez bien que ce bois n'agit pas par une vertu qui lui fût propre. C'est le Dieu Tout-puissant qui changea la nature malfaisante de l'eau; mais il voulait que le peuple ne pût pas s'imaginer que le changement s'était fait de soi-même; de plus, cette manière de procéder était destinée à raffermir l'autorité de Moïse. Du reste, nous avons dans ce miracle une belle image de la grâce de Dieu, qui sait répandre une certaine douceur sur les afflictions que les fidèles éprouvent dans ce monde, en sorte que, pour eux, l'amertume même de la mort est changée en joie.
15:
25-26
§ 714. Après leur avoir accordé cette nouvelle
délivrance, l'Éternel montra aux Israélites, d'une manière encore
plus touchante, l'intérêt qu'il prenait à leur bonheur. Il leur
prescrivit des ordonnances et des statuts, en leur promettant que,
s'ils les observaient droitement, ils pouvaient compter sur sa
protection;car, dit le Seigneur, «je suis Jéhovah ton médecin.»
C'est ainsi proprement qu'il y a dans le texte hébreu: «Je suis
ton médecin,» dit Jéhovah! «c'est moi qui bande tes plaies, moi
qui te guéris, moi qui te sauve de la mort, et c'est pour cela, ô
Israël! que tu dois m'aimer et garder mes commandements.» Il est
facile de voir comment cette parole est applicable aux enfants de
Dieu de tous les temps, car ils sont le véritable Israël (§
483).
15:
27
§ 715. Plus vous avancerez dans l'histoire du
voyage des Israélites au travers des déserts et des montagnes de
l'Arabie, plus vous y verrez une image frappante de notre
pèlerinage terrestre, surtout des épreuves du chrétien. Par
exemple, ce que les Israélites trouvèrent à Elim fut pour eux
comme les temps de rafraîchissement que le Seigneur donne à son
peuple, après des temps d'amertume. Un bois de palmiers, de
nombreuses sources d'eau, des pâturages par conséquent, voilà ce
que les Israélites rencontrèrent sur leur chemin. Ici rien de
miraculeux, car chacun sait que le désert renferme beaucoup de ces
oasis, qui y sont, comme les îles dans le vaste Océan, des lieux
de repos pour les voyageurs; mais assurément, lorsque Dieu semait
de sables brûlants la péninsule arabique, il n'ignorait pas que
les fils d'Abraham, entre autres, les devaient traverser un jour;
il leur avait donc préparé les palmiers et les sources d'Elim. Les
Israélites firent là une station; mais bientôt il fallut quitter
cette oasis pour se rapprocher du Sinaï, car nos moments de repos
ici-bas ne sauraient être de longue durée.
16:
1-2
§ 716. Ce fut le quinzième jour du mois de Ziph
que les enfants d'Israël arrivèrent dans le désert de Sin;
c'est-à-dire un mois juste après leur sortie d'Égypte (§
681). Ils avaient épuisé leur provision de pain sans levain,
une partie de leur bétail avait dû succomber aux fatigues de la
route, d'ailleurs, ils se faisaient un devoir de le conserver pour
les sacrifices; il leur était donc facile de calculer le moment où
peut-être ils manqueraient absolument de nourriture. Or, avant
même que la famine fût là, une sombre inquiétude s'empara de leur
âme, et, oubliant tout ce que l'Éternel venait de faire pour eux,
ils murmurèrent contre Moïse et Aaron. Comme si leur Dieu pouvait
les abandonner après les avoir délivrés si miraculeusement, ils se
prirent à regretter l'Égypte où du moins ils avaient du pain en
abondance; en incrédules qu'ils étaient, ils exprimèrent hautement
le regret de n’être pas morts plutôt dans la terre de servitude!
Et pourtant, ne vaut-il pas mieux souffrir avec Dieu, s'il le juge
convenable, que d'avoir de tout en abondance loin de lui?
16:
4-12
§ 717. Admirons par quelle voie pleine de
miséricorde l'Éternel voulut montrer aux Israélites qu'en
murmurant contre Moïse et Aaron , ils murmuraient contre lui-même!
Au lieu de les châtier, il leur fait du bien. Vous craignez, leur
dit Moïse, que l'Éternel ne vous laisse mourir de faim! Il va donc
vous convaincre de l'injustice dont vous vous rendez coupables à
son égard. Il vous donnera du pain de la façon la plus inattendue
et, auparavant, il vous prouvera que, si vos bestiaux viennent à
manquer, il peut vous fournir aussi de la viande. Comme Moïse
rapportait au peuple ce que le Seigneur lui avait dit, la nuée
devint toute resplendissante de lumière, afin d'attester que
l'Éternel était au milieu d'eux.
§ 718. Le soir du même jour, Dieu envoya des volées innombrables de cailles qui s'abattirent dans le vaste camp des Israélites et le couvrirent tout entier; puis, sur le matin, il tomba du ciel, tout autour du camp, de petits grains blancs qui devaient servir de pain aux Israélites. C'étaient deux nouveaux miracles que la position même des Hébreux rendait absolument nécessaires. Il était impossible, en effet, qu'ils subsistassent dans le désert, si Dieu lui-même ne se chargeait de leur nourriture. Or, il voulut faire voir qu'il avait à sa disposition tous les oiseaux de l'air et que rien ne lui était plus facile que de les leur amener. C'est dans la saison de l'année où les Israélites se trouvaient, que des volées considérables de cailles et d'autres oiseaux de passage se dirigent du midi vers le nord, suivant leurs migrations ordinaires. L'œuvre de Dieu consista peut-être simplement à conduire par sa puissance vers le camp des Hébreux, à point nommé, une multitude de ces troupes ailées et à les arrêter toutes en un même endroit. Cependant, Celui qui créa jadis les oiseaux de l'air, n'a pas renoncé à son pouvoir de création et il n'est rien dans ce que nous raconte Moïse, qui dépasse ce qu'on peut raisonnablement attendre de l'Éternel.
§ 719. Sa puissance créatrice se montre d'ailleurs clairement dans le don qu'il fit à son peuple d'une nourriture extraordinaire, telle que jamais homme n'en avait vu auparavant. Quand ils aperçurent ces petits grains qui couvraient le désert, les Israélites se dirent les uns aux autres: mann, ce qui signifie en hébreu: qu'est-ce que c'est? et Moïse leur répondit: «C'est le pain que Jéhovah vous donne à manger.»
16:
16-18
§ 720. On peut se représenter avec quel
empressement chacun se mit en devoir de le recueillir. Mais il
fallait que tout se fit avec ordre. Par le commandement de Moïse,
il ne fut pas permis d'en prendre plus d'un homer par tête,
quantité qui, par la volonté de Dieu, devait suffire à tous.
Chacun pouvait manger son homer sans être surchargé de nourriture;
et, quel que fût d'ailleurs l'appétit d'un homme, cette même
ration devait pleinement le satisfaire.
16:
19-21
§ 721. Un second commandement que leur donna
Moïse fut de n'en point mettre en réserve pour le lendemain. Mais,
quand ils virent qu'au soleil levé tout ce qui n'avait pas été
recueilli se fondait, il y en eut parmi eux qui, dans la crainte
qu'il ne retombât plus de ce pain céleste, se privèrent d'une
partie de leur nourriture pour en avoir encore le jour suivant.
Ils firent comme ceux qui s'inquiètent de l'avenir, toujours en
souci sur ce qu'ils mangeront, ou ce qu'ils boiront; mais c'est là
de l’incrédulité et de la défiance. Aussi Moïse se mit-il dans une
grande colère contre eux. Bien plus, les vers détruisirent
l'épargne de leur avarice et ce fut ainsi que leurs richesses se
pourrirent.
16:
22-26
§ 722. Quand arriva le sixième jour de la
semaine, correspondant à notre vendredi, les Israélites pensèrent
qu'il y avait lieu de recueillir du pain pour ce jour et pour le
suivant, parce que c'était, dès la création du monde, le jour du
repos. L'Éternel l'avait dit expressément à Moïse, mais il ne
paraît pas que le prophète l'eût rapporté au peuple, puisque les
principaux de l'assemblée vinrent lui dénoncer le fait en
question. Or, le peuple avait très bien jugé. Le lendemain était
le repos, le saint repos de l'Éternel, leur dit Moïse, le jour
consacré et béni dès le commencement (§47), et les Israélites ne
devaient point avoir de pain à recueillir ce jour-là. Ils avaient
donc une double provision à faire le vendredi, et ils pouvaient
compter que cette fois les vers ne s'y mettraient pas.
16:
57-30
§ 723. Encore une révolte causée par
l'incrédulité. D'abord, les Israélites n'avaient pas cru qu'il pût
tomber de la manne tous les jours (§
721); maintenant, ils ne veulent pas croire qu'il n'en
tombera pas le samedi aussi bien que la veille. Déjà peut-être ils
se persuadaient qu'il n'y avait là qu'un phénomène tout naturel,
et il fallut cette interruption pour les convaincre que c'était
bien une dispensation miraculeuse. En même temps, ils ne purent
plus douter que Dieu ne les appelât à se reposer de toute œuvre
dans le saint jour de son repos.
16:
31
§ 724. Ce pain céleste, que les Israélites
obtinrent de la main de Jéhovah, ne reçut point de nom particulier
dans la langue des Hébreux. Ils continuèrent à le désigner par
l'expression de surprise Mann! qui leur était échappée lorsqu'ils
l'avaient vu pour la première fois, et qu'on a conservée, je
crois, en toutes les langues. C'était une substance sur la nature
de laquelle on ne peut faire que des conjectures. Dans tous les
cas, nous voyons qu'elle devait être agréable à manger telle que
Dieu l'envoyait, sans compter qu'on pouvait l'apprêter de diverses
façons. C'était mieux encore que le froment, cette nourriture
excellente que nous fournit la terre comme l'air fournissait la
manne aux Israélites. Mais, ai-je besoin de le dire? la terre et
l'air ne produisent que par la volonté de l'Éternel (§28).
§ 725. La manne, d'ailleurs, est un beau type de la Parole de Dieu, soit qu'on entende par là notre Seigneur Jésus-Christ qui est la Parole éternelle (§ 21), soit qu'on entende la Parole écrite, cette Bible même que nous étudions. Elle est pour nous un pain qui est descendu du ciel afin de nourrir nos âmes dans le désert de la vie. Elle a, cette Parole, de quoi fortifier les petits et les grands, les sages et les ignorants. Quand on l'étudie, on ne trouve pas qu'elle dise trop, ni qu'elle ne dise pas assez. Elle se plie à toutes les circonstances des enfants de Dieu. Riche ou pauvre, bien portant ou malade, aimé ou haï, joyeux ou triste, en pleine marche vers la sainteté ou en état de chute, le fidèle y trouve sans cesse tout ce dont son âme a besoin et il y puise chaque jour son pain spirituel. Et, de même que les Israélites ne recueillaient pas de la manne le jour du sabbat, il n'est pas trop hardi d'affirmer qu'un jour viendra où nous n'aurons plus besoin des Saintes Écritures. Le sabbat étant le type du repos glorieux des fidèles dans le ciel (§ 46), les fidèles parvenus à la perfection connaîtront le Seigneur comme ils en ont été connus; ils le verront face à face. Mais, pour arriver à ce glorieux état, il faut, par la foi, se nourrir ici-bas de Celui qui est la Parole de Dieu et méditer le Saint Livre qui a été écrit afin de nous le révéler.
16:
32-35
§ 726. C'est durant toute la vie que nous
devons le faire, comme nous voyons que les Israélites se
nourrirent de la manne pendant les quarante ans qu'ils passèrent
au désert. Du reste, Dieu voulut perpétuer le souvenir de ce grand
miracle en ordonnant de conserver religieusement un homer du pain
céleste qu'il leur avait distribué. C'est ce qui eut lieu, non pas
le premier jour sans doute, mais plus tard, savoir lorsque le
culte de l'Éternel fut solennellement institué.
16:
36
§ 727. La note qui se trouve ici nous apprend
que le homer était la dixième partie de l'épha. Or, je pense que
mes lecteurs seront bien aises d'avoir, à cette occasion, une
table des mesures de capacité usitées chez les Hébreux. En prenant
l'épha pour unité, l'on a:
Le grand Homer | 10 Éphas. |
Le Hin | 1/6 |
Le petit Homer | 1/10 |
Le Cab | 1/18 |
Le Log | 1/72 |
C'est-à-dire qu'il fallait pour un épha 72 logs, ou dix-huit cabs, ou dix homers, ou six hins; et que, pour le grand homer, il fallait dix éphas. Or, un épha pouvait contenir environ 34 litres, et, par conséquent, le homer de manne équivalait à environ 3 1/2 litres.
LVI. L'eau du rocher. — Hamalek. — Conseil de Jethro.
17:
1-3
§ 728. Toujours conduits par la nuée, les
enfants d'Israël passèrent du désert de Sin dans une contrée
encore plus méridionale et à la fois plus rapprochée du mont Horeb
où devait avoir lieu leur principale halte. Deux grandes épreuves
les attendaient avant cela. D'abord le manque d'eau, cause
perpétuelle d'horribles souffrances pour les caravanes. Il y avait
là de quoi pousser au désespoir cette immense multitude qui
traînait avec elle tant d'enfants et de bétail, criant et
mugissant de douleurs.
Si les fils d'Israël avaient eu plus de foi, ils se seraient
adressés directement à l'Éternel pour sortir de leur détresse;
mais, non, ils s'obstinent à ne voir à leur tête que Moïse et
c'est sur lui qu'ils déchargent leur irritation. Ces hommes
charnels regrettent leur esclavage, comme le ferait quelqu'un qui
aurait renoncé extérieurement au monde sans avoir donné son cœur à
Dieu. Après avoir dit à Moïse: «Veux-tu nous faire mourir de faim»
(XVI, 3)? Ils lui disent maintenant: «Veux-tu nous faire mourir de
soif?» C'est, je le répète, le cri unanime des mondains: que
mangerons-nous, que boirons-nous et de quoi serons-nous vêtus (§
721)? Leur âme les inquiète peu à proportion. Pauvres
Israélites qui ne sentaient pas la grâce d'être sous la conduite
même de l'Éternel, et qui croyaient payer trop chèrement cette
faveur!
17:
4-6
§ 729. Nous pouvons nous écrier aussi, mais
dans un autre sens: «Pauvre Moïse!», car il est sûr qu'il avait
une rude tâche. Peu s'en fallut que les Israélites ne le
lapidassent, animés qu'ils étaient du même esprit qui poussa plus
d'une fois leurs descendants à vouloir lapider Jésus-Christ, le
puissant libérateur de nos âmes immortelles. Mais, comme de
coutume, Moïse eut son recours à l'Éternel, et l'Éternel, toujours
bon et patient, donna aux Israélites, par un nouveau miracle,
l'eau qui devait les désaltérer. Il la fit sortir d'un rocher,
rocher qui est une image du Christ, nous dit St. Paul (1 Cor. X,
4), car c'est de Jésus que sort constamment l'eau qui lave nos
péchés, rafraîchit, purifie, féconde et réjouit notre âme.
17:
7
§ 730. Cependant, Dieu ne saurait être bon
jusqu'à approuver le péché; il faut au contraire qu'il le condamne
alors même qu'il montre le plus de patience envers le pécheur;
c'est pourquoi Moïse consacra la mémoire de la révolte dont Israël
venait de se rendre coupable, en appelant ce lieu Massa et Mériba.
Massa veut dire tentation, et Mériba contestation. Le péché des
Israélites était d'avoir tenté Dieu (verset 2), et si vous
voulez savoir ce que cela signifie, rappelez-vous que c'est le
même mot qui est employé dans la Genèse, Chap. XXII, v. 1, (§
352). Comme l'Éternel avait exercé la foi et l'obéissance
d'Abraham en lui redemandant son Isaac, et qu'Abraham s'était, par
son sacrifice, montré fidèle et obéissant, les Israélites tentent
Dieu en exerçant par leur incrédulité sa patience et son support;
ils exigent qu'il leur donne des preuves de sa présence, comme
s'il leur avait été permis d'en douter. Or, l'Éternel a le droit
de nous éprouver, mais nous n'avons pas celui d'éprouver ou de
tenter Dieu. Tel était le péché des Israélites; à quoi ils
ajoutèrent leur soulèvement contre Moïse, le serviteur de
l'Éternel. Massa et MÉRIBA,Tentation et Contestation; c'est donc
le nom de tout endroit où nous avons douté de Dieu et où nous
avons murmuré contre ses voies.
17:
8
§ 731. Ce n'était pas assez que les Israélites
eussent à lutter contre les difficultés naturelles du désert
qu'ils traversaient, des ennemis non moins redoutables que la faim
et la soif vinrent attaquer leur campement. Hamalek, petit-fils
d'Esaü ou Edom (Gen. XXXVI, 12) était devenu le père d'une tribu
considérable d'Edomites (§
500) qui faisait son principal séjour dans le nord de
l'Arabie, sur la frontière méridionale de Canaan. Héritiers de la
haine d'Esaü contre Jacob, et non pas des sentiments meilleurs que
leur père avait eus plus tard pour le père des Israélites (§
484) (car le péché passe de génération en génération et non
la charité), lorsqu'ils apprirent que les fils de Jacob étaient
sortis d'Égypte pour se rendre dans le pays de la promesse, leur
jalousie s'excita vivement. Croyant pouvoir s'opposer aux desseins
du Seigneur, ils vinrent à la rencontre d'Israël; mais Israël
avait dirigé sa marche vers le midi. Les Hamalékites, loin
d'abandonner leur dessein, se mirent à sa poursuite et ils
l'atteignirent à Réphidim.
17:
9,
10
§ 732. Le peuple de Dieu n'était nullement prêt
à livrer bataille, et le premier moment dut être terrible. Mais
Moïse ne tarda pas à prendre les mesures devenues nécessaires. Il
avait parmi les principaux du peuple un homme sur lequel il
pouvait pleinement compter; cet homme, alors âgé de 46 ans,
s'appelait Josué, nom qui veut dire Sauveur. Moïse lui donna le
soin de former une petite armée. Il le mit à la tête de ces hommes
d'élite, et, pendant que Josué livrait le combat, Moïse se tint
sur une colline avec Aaron son frère et un autre Israélite nommé
Hur. Ainsi Moïse ne combattit pas; il ne dirigea même pas la
bataille, mais, tenant en sa main la verge dont il avait frappé la
Mer Rouge et le rocher, il l'élevait vers le ciel.
17:
11-13
§ 733. Représentez-vous donc ce vieillard qui,
plein de sollicitude pour son peuple et surtout pour la gloire de
Dieu, regarde en haut plus qu'au champ de bataille, et qui fait, à
lui seul, plus que tous les autres. Car, lorsque, de fatigue, il
laissait tomber son bras, on voyait plier l'armée des Israélites;
en sorte qu'Aaron et Hur assirent Moïse sur une pierre, et ils
soutinrent ses deux mains jusqu'au soleil couchant. À ce moment,
la victoire fut décidée en faveur du peuple de l'Éternel.
§ 734. C'est assurément un beau spectacle et un type bien frappant des victoires des enfants de Dieu! Ils ont pour ennemis leur mauvais cœur et le monde incrédule, instruments, l'un et l'autre, du grand adversaire de Dieu et des hommes, je veux dire de Satan. Mais ils ont pour Chef dans cette bonne guerre quelqu'un qui est plus grand que Moïse, savoir notre Seigneur Jésus-Christ, lequel a combattu pour nous et combat avec nous par son sacrifice et son intercession. Nous, à notre tour, nous devons, dans toutes nos luttes contre le péché, avoir constamment les mains et le cœur levés en haut, sûr moyen d'être les plus forts; mais, si nous nous relâchons, nous ne manquerons pas d'être battus, du moins momentanément.
17:
15
§ 736. Plein de reconnaissance envers le
Seigneur, Moïse bâtit en cet endroit un autel qu'il nomma
l'Éternel mon étendard (Jéhovah-nisi), pour rappeler que c'était
sous la bannière de Jéhovah et sous sa protection qu'Israël avait
été vainqueur. Puis il offrit, sans doute, des sacrifices. Ainsi
commença de se vérifier ce que l'Éternel avait dit à Moïse: «Quand
tu auras retiré mon peuple hors d'Égypte, vous servirez Dieu près
de cette montagne (Chap. III, v. 12). Il fallait, semble-t-il, la
guerre contre Hamalek pour préparer les Israélites à rendre au
Seigneur le culte de la reconnaissance, comme il est vrai que nous
ne sommes jamais plus près de Dieu qu'après avoir, par sa grâce,
remporté quelque victoire contre le péché.
18:
1-12
§ 737. À cette époque, Moïse eut une grande
joie. En s'approchant du désert de Sinaï. Les Israélites n'étaient
plus fort éloignés des lieux où leur conducteur spirituel avait
passé quarante années, et où sa femme et ses enfants étaient
retournés après la scène de l'hôtellerie (Ch. IV, v. 24). Jéthro,
beau-père de Moïse, ayant appris que les Israélites étaient dans
la contrée, s'empressa de venir auprès de son gendre et de lui
amener sa famille. À l'ouïe des événements merveilleux qui
s'étaient passés depuis que Moïse l'avait quitté, Jéthro montra la
sincérité de sa foi par les actions de grâces qu'il rendit à Dieu,
en même temps qu'il sentit sa foi se fortifier au fond de son
cœur. Et, comme il exerçait la sacrificature parmi les Madianites,
il offrit en ce lieu même un holocauste et des sacrifices; après
quoi il réunit Moïse, Aaron et les anciens du peuple dans un repas
sacré, où ils partagèrent le pain dont ses gens sans doute avaient
apporté une bonne provision avec eux. — Si mes lecteurs voyaient
ici quelque chose de semblable à la Cène du Seigneur, ce repas de
charité qu'il nous offre ici-bas pour restaurer notre âme, je ne
voudrais pas les en empêcher; mais pourtant, il ne faut pas
convertir en types toutes choses. Une des premières conditions
pour qu'on puisse voir dans un fait une de ces prophéties en
action qu'on appelle types, c'est que la main et la volonté de
Dieu y soient manifestes, comme dans l'histoire d'Isaac, dans
celle de Joseph, dans la manne, la nuée, le passage de la mer
Rouge, Hamalek, etc., etc.
18:
13-27
§ 738. Avant de repartir, Jéthro se permit de
donner à son gendre un conseil dont la sagesse était évidente et
que Moïse suivit comme s'il lui était venu de Dieu même.
Jusqu'alors, tous les soins du gouvernement avaient reposé sur
Moïse, et il n'y avait pas moyen qu'il pût y suffire longtemps.
C'est pourquoi, il divisa le peuple, les hommes du moins, en
groupes de 1000, puis de 100, ensuite de 50, et enfin de 10. Sur
chacun d'eux il établit un chef qui avait une certaine compétence,
et il se réserva la direction générale et la connaissance de
quelques cas particuliers. De cette manière entre autres, il lui
fut facile de transmettre à tous, les commandements de l'Éternel,
et il dut se trouver très bien de l'idée que lui avait suggérée
son beau-père, un étranger, mais un homme sage et pieux.
§ 739. Mes lecteurs remarqueront dans peu avec quel soin l'Éternel lui-même détermina tous les détails du culte qui devait lui être rendu par les Israélites, tandis qu'en cette occasion, nous le voyons laisser à Moïse une grande initiative. Ce n'est donc pas seulement aux églises chrétiennes que le Seigneur a remis la faculté de s'organiser elles-mêmes selon les temps et les lieux, bien que ce soit un point qui ne manque pas d'importance. Mais Dieu laisse quelque chose à la prudence et à la sagesse de ses enfants. Toute manière de faire n'est pas également bonne sans doute; cependant, si l'on a réellement à cœur la gloire de Dieu, si l'on agit avec réflexion et en regardant en haut, l'on est sûr de trouver ce qui est le meilleur selon les époques et les circonstances.
LVII. Publication de la Loi.
19:
§ 740. Parmi les actes du gouvernement divin
qui nous ont été racontés jusqu'ici, il n'en est pas de plus grand
que celui qui va nous occuper. Si je voulais faire l'énumération
de ceux qui me paraissent les plus considérables, à partir de la
chute de l'homme jusqu'au moment où nous sommes parvenus, je
nommerais la Promesse (§ 102),
le Déluge, la Vocation d'Abraham et enfin la Sortie d'Égypte. Dans
tous ces faits, notre souverain Créateur se montre à la fois un
Dieu juste et sauveur; mais si, dès le commencement (§§
59, 123) il
réclama le droit de placer l'homme sous sa loi puissante, c'est
ici surtout que, se révélant en sa qualité de législateur suprême,
il pose les bases du gouvernement de son peuple. Ce gouvernement
est ce qu'on appelle la Théocratie, c'est-à-dire un ordre de
choses où la souveraineté politique demeure immédiatement entre
les mains de Dieu.
19:
1-7
§ 741. Le premier jour du mois de Sivan (§
681), six semaines juste après être sortis d'Égypte, les
enfants d'Israël transportèrent leurs tentes de Réphidim au pied
de Sinaï; c'était 1490 ans avant Jésus-Christ. Moïse étant monté
sur la montagne selon le commandement du Seigneur, en rapporta des
paroles bien propres à réjouir Israël. Tous les peuples de la
terre sans doute appartiennent à l'Éternel, mais il avait résolu
de mettre à part la famille de Jacob pour en faire un royaume de
sacrificateurs et une nation sainte. Au lieu d'une monarchie
despotique comme celle de l'Égypte, et d'une caste sacerdotale à
côté de laquelle le reste du peuple était dans une sorte de
vasselage (§ 580), les
enfants d'Israël devaient former une république où tous seraient à
la fois rois et sacrificateurs; rois, en ce sens qu'ils ne
recevraient leurs lois que de Dieu; sacrificateurs, en ce que leur
culte les mettrait directement en rapport avec le Seigneur. C'est
ainsi qu'ils seraient une nation sainte, ou consacrée, à la
condition toutefois qu'ils écoutassent la voix de l'Éternel et
qu'ils demeurassent dans son alliance.
19:
8-25
§ 742. Au premier moment, les enfants d'Israël,
pleins d'un beau zèle, se déclarèrent prêts à accomplir la volonté
de Dieu, mais ils ne tardèrent pas à voir que ce n'est pas une
chose aussi facile qu'ils le pensaient peut-être. Pour leur faire
sentir tout ce que sa loi a de redoutable aux pécheurs non
convertis, l'Éternel en accompagna la publication de circonstances
qui étaient destinées à saisir les imaginations et à pénétrer les
consciences.
D'abord, il fallut que, trois jours d'avance, le peuple se
sanctifiât et lavât ses vêtements, c'est-à-dire qu'il se consacrât
lui-même à Dieu, en offrant probablement des sacrifices, et que,
se baptisant pour ainsi dire, il comprît quelle est la pureté que
le Seigneur exige des siens.
Puis on mit des barrières au pied de la montagne et il fut annoncé
que si quelqu'un passait les limites, il serait mis à mort; image
frappante de ce que mérite un homme qui transgresse le
commandement de Dieu. Le troisième jour venu, les Israélites
durent quitter momentanément leurs femmes, afin de se livrer
entièrement à la contemplation de ce qui allait arriver. Or ce fut
une scène magnifique et terrible tout à la fois. Pendant qu'une
affreuse tempête, accompagnée de tonnerres et d'éclairs, grondait
sur le sommet du mont, l'on entendait de loin en loin comme le son
éclatant d'une trompette. Moïse s'étant approché du pied de la
montagne, parla à l'Éternel et l'Éternel lui répondit d'une voix
qui pouvait être ouïe de tous. Après quoi, Moïse monta sur le
Sinaï. Bientôt il en redescendit pour recommander encore une fois
aux enfants d'Israël, dans l'intérêt de leur propre vie, de ne pas
rompre les barrières, et, comme il allait remonter accompagné de
son frère Aaron, l'on entendit une voix du ciel qui proclamait la
loi de l'Éternel.
20:
1-2
§ 743. C'étaient les Dix Paroles, connues sous
le nom des Dix Commandements ou Décalogue. Le législateur commence
par se nommer et par indiquer les principaux motifs de ses
décrets. «Je suis Jéhovah!» l'Éternel, le Créateur des Cieux et de
la terre. Je suis «ton Dieu», le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de
Jacob, le Dieu qui t'a choisi et appelé d'entre tous les peuples.
Je suis Celui «qui t'ai tiré du pays d'Égypte, de la maison de
servitude, des lieux où tu étais esclave;» en conséquence, ô
Israël, c'est par amour et par reconnaissance que tu dois obéir à
ma voix.
20:
3
§ 744. I. Tu ne saurais te cacher de moi;
l'Ange de ma face (§ 707)
te suit partout; mes yeux sont ouverts sur ta conduite et ils
sondent les cœurs; c'est donc à moi seul que tu dois amour,
obéissance, respect et crainte; où que tu sois, quoi que tu
fasses, aie-moi toujours avec toi, à la manière du patriarche
Enoch.
20:
4-6
§ 745. II. Dans le culte que tu rendras à
l'Éternel, tu n'imiteras pas les peuples idolâtres qui se
prosternent devant des images sculptées ou peintes, n'importe; car
l'Éternel est un Dieu puissant qui est jaloux de sa gloire. Il ne
permettra pas qu'on rende culte à d'autres qu'à lui, et
l'idolâtrie est un péché qu'il punit de châtiments dont plusieurs
générations se ressentent. Néanmoins, ce Dieu Tout-puissant fait
volontiers miséricorde à ceux qui, par la foi, comme Abraham,
l'aiment et gardent ses commandements.
20:
7
§ 746. III. On ne saurait rendre culte à
l'Éternel sans prononcer son nom saint; mais malheur à celui qui,
soit en priant, soit en chantant des cantiques, soit en parlant de
Dieu, soit en jurant par son nom, le fait avec hypocrisie, ou
seulement avec légèreté! le mot en vain signifie ces deux choses.
20:
8-11
§ 747. IV. Il y a un jour que l'Éternel a
particulièrement destiné à son culte. C'est celui qu'il bénit et
consacra dès le commencement du monde. Ton devoir est de
travailler durant six jours; mais la bonté de Dieu t'a donné le
septième pour te reposer de tes fatigues et pour vaquer d'une
manière spéciale à tes devoirs religieux. C'est le Sabbat, ou le
repos de l'Éternel. Que ce jour te soit précieux, car il est
consacré et béni. Évites-y toute occupation qui te détournerait de
la seule nécessaire.
20:
12
§ 748. V. Aussi longtemps que l'Éternel te
conservera ton père ou ta mère, tu auras pour eux un profond
respect; tu le leur montreras par beaucoup d'égards de
condescendance et de soumission. Il y a une promesse attachée à ce
commandement. Ceux qui l'auront fidèlement observé jouiront d'une
longue et bonne vie dans le pays que l'Éternel a donné à Abraham,
le père des croyants.
20:
13
§ 749. VI. Tu n'attenteras d'aucune manière à
la vie de personne, et tu ne feras rien qui puisse la
compromettre.
20:
14
§ 750. VII. Tu éviteras tout ce qui est
contraire à la pureté des mœurs. Tu respecteras surtout les
relations conjugales; car il y a dans le texte: «Tu ne commettras
point adultère».
20:
15
§ 751. VIII. Tu respecteras pareillement les
propriétés d'autrui, et tu ne voudras posséder que ce qui
t'appartient d'une manière légitime.
20:
16
§ 752. IX. Tu ne porteras point atteinte à la
réputation de ton prochain par des discours mensongers, ou
seulement par des discours mêlés de vrai et de faux, ni devant les
tribunaux, ni dans la conversation, ni en particulier, ni en
public.
20:
17
§ 753. X. Enfin, tu ne jetteras point un œil
d'envie sur ce qui appartient à ton prochain, n'importe quoi, et
tu ne méditeras pas en ton cœur de lui ôter ce qui est à lui et
que Dieu lui a donné.
§ 754. Tels sont en abrégé les dix commandements du Seigneur. Il est facile de remarquer qu'ils se divisent en deux grandes classes. La première contient les quatre premiers commandements, et la seconde les six derniers. Ceux-là se rapportent essentiellement au culte que l'Éternel exige; ceux-ci, aux obligations que nous impose la société de nos semblables. Mais comme c'est Dieu lui-même qui a voulu la société (§ 62), il en résulte qu'au fond la loi tout entière règle le service que nous devons à Dieu.
§ 755. Ce qui est prescrit dans les quatre premiers commandements, c'est d'abord l'objet du culte: Dieu et Dieu seul; puis la forme du culte: point de statues ni de tableaux devant lesquels on se prosterne; ensuite la sincérité et le sérieux qu'on y doit mettre; enfin, le jour qu'il y faut spécialement consacrer.
§ 756. Dans les six derniers, nous avons successivement les devoirs de la famille, le respect des personnes, puis celui de la pudeur, de la propriété et de l'honneur d'autrui; pour conclure, le devoir de veiller sur ses propres sentiments.
§ 757. Remarquez ensuite que si plusieurs de ces commandements ont trait aux actes proprement dits, savoir le IIe, le VIe, le VIIe, le VIIIe; il en est aussi qui se rapportent exclusivement aux discours: le IIIe et le IXe. Voyez en outre qu'il en est trois qui ont pour objet les affections les plus intimes de notre âme: le Ier, le Ve et le Xe, c'est-à-dire le premier de chaque série et le dernier de tous. D'où nous apprenons qu'il peut y avoir du péché dans nos pensées et nos paroles aussi bien que dans nos actions, et même que c'est le cœur surtout qu'il s'agit de régler.
§ 758. Voyez aussi quelle importance particulière l'Éternel a voulu donner à trois de ces commandements: le IIe, le IIIe et le Ve. Ce sont les seuls auxquels se rattachent des menaces ou des promesses spéciales. Or, combien n'est-il pas triste de penser qu'il n'en est point qui soient plus universellement violés dans leur lettre même. Le monde presque tout entier, y compris la plus grande partie de l'Église qui s'appelle chrétienne, se prosterne devant des images, œuvre de l'homme ou plutôt de Satan. Il n'y a rien que la foule incrédule respecte moins que le saint nom de Dieu. Et les enfants! en est-il beaucoup qui honorent leur père et leur mère comme ils le devraient?
§ 759. Observez, enfin, le caractère particulier du IVe commandement. Le devoir du travail y est aussi clairement établi que le devoir du repos, et ce repos n'a de valeur que dans l'intérêt de la sanctification du septième jour. Après quoi, ce commandement suppose la foi en la création du monde, et vous vous rappelez tout ce qu'il y a de bénédictions pour l'âme dans la méditation de cette œuvre glorieuse de l'Éternel.
20:
18,19
§ 760. La loi des dix commandements est
magnifique dans sa simplicité et sa brièveté. Nous qui avons un
Sauveur dont les souffrances et la mort nous ont rachetés de la
malédiction, nous ne saurions étudier ces commandements sans nous
sentir pénétrés d'admiration et de reconnaissance envers Celui qui
nous les a transmis par sa révélation, après les avoir donnés
jadis à son peuple. Quant à la masse des Israélites, ce fut avec
une profonde terreur qu'ils entendirent ces paroles. Leur éclat
dominait le bruit de la tempête et le son du cornet, car la loi de
l'Éternel se fait entendre au-dessus de toutes choses. Ils
demandèrent donc avec instance que la voix se tût et que Moïse
seul leur parlât, sentant bien que, pécheurs comme ils l'étaient,
il n'y avait pas moyen qu'ils pussent, sans l'intervention d'un
médiateur, subsister devant la loi de leur Dieu.
20:
20,
21
§ 761. Cependant Moïse, si fréquemment le type
de Jésus-Christ, les rassure en leur représentant que tout ce que
Dieu faisait dans ce moment était pour leur bien. Sans doute que
la loi ne pouvait expier leurs péchés, mais enfin elle était
destinée à leur montrer combien Dieu doit être craint; et
n'était-ce pas un véritable bienfait? Toujours est-il que le
peuple se tint à distance; car c'est la grâce et non la loi qui
est seule capable de nous rapprocher de Dieu. Quant à Moïse, avec
Aaron sans doute (XIX, 24), il entra dans la nuée qui couvrait le
sommet de la montagne et d'où le Seigneur allait leur donner de
nouvelles lois.
LVIII. Diverses ordonnances.
§ 762. Ce n'était pas seulement une religion que le Seigneur voulait révéler aux Israélites. Tout à la fois leur Dieu et leur Monarque, il dut pourvoir à leurs institutions politiques, aussi bien qu'aux ordonnances du culte. Le reste de l'Exode est presque tout entier consacré à enregistrer les lois, de nature diverse, qui concernaient exclusivement le peuple d'Israël. L'étude toutefois nous en est fort utile; d'abord, parce que ces lois nous aident à comprendre l'histoire des Hébreux, ensuite, parce qu'elles nous enseignent à connaître Dieu, puisqu'elles sont toutes l'expression de sa sainte volonté.
§ 763. On les divise communément en trois classes: les lois morales, les lois cérémonielles et les lois politiques. Les premières sont celles qui, bien que données aux Israélites, déterminent ce que doivent être les mœurs des enfants de Dieu dans tous les temps et dans tous les pays. Les dix commandements appartiennent à cette sorte de lois. Les secondes sont celles qui réglaient les détails du culte chez les Israélites. Elles sont abrogées maintenant, parce qu'elles n'étaient qu'une figure des grâces que notre Seigneur Jésus-Christ nous a procurées. Mais, par cela même, elles sont toutes pour nous du plus grand intérêt. Vous avez pu le voir déjà dans ce que je vous ai dit au sujet de la Pâque (§ 696). Enfin, les lois politiques régissaient la république d'Israël par rapport aux choses civiles, comme les tribunaux, l'esclavage, les successions, la santé publique, etc. Ces lois, qui étaient excellentes pour les Hébreux, ne conviendraient pas à des peuples placés en de tout autres circonstances, et elles n'ont pu durer plus longtemps que la nation pour qui elles avaient été faites.
§ 764. Quoique ces lois fussent très diverses dans leur objet, Dieu n'a pas voulu les promulguer séparément, afin que son peuple y donnât une égale attention. Nous les étudierons dans l'ordre où elles se présenteront à nous, mais sans nous astreindre à n'en laisser aucune de côté, vu qu'une étude plus complète nous entraînerait trop loin.
20:
22,
23
§ 765. Le second commandement est si important
que le Seigneur le répète ici en d'autres termes. — C'est une loi
morale.
20:
24-26
§ 766. L'homme pécheur souille tout ce qu'il
touche. Les autels où Israël offrirait ses sacrifices devaient
donc être de terre, ou de pierres non taillées. Il fallait y
monter par un plan incliné, afin d'éviter toute immodestie. Ce
sont là deux lois cérémonielles, dont l'une rappelle une grande
vérité, et l'autre un grand devoir. Ces lois cérémonielles se
rattachent donc indirectement à la loi morale.
21:
1-11
§ 767. Les onze premiers versets du chapitre
renferment des lois civiles relatives aux esclaves. Je me borne à
y remarquer deux points: d'abord qu'un hébreu ne pouvait pas
appartenir à ses maîtres plus de sept ans, en sorte que
l'esclavage n'était pas perpétuel; c'était un service à long
terme. Cependant il était permis à un esclave, s'il le voulait, de
rester toute sa vie chez son maître. La formalité qu'on
remplissait alors explique ce qui est dit au psaume XL, verset 7:
«Tu m'as percé les oreilles;» ou autrement: tu m'as pris pour être
ton esclave à toujours. Oh, combien sont heureux ceux qui peuvent
dire en parlant de Dieu: «J'aime mon maître, et je ne sortirai
point pour être libre!»
21:
18-22
§ 768. Autres lois civiles. Celles-ci servent
de sanction au sixième commandement, dont elles sont en même temps
le commentaire. Sous ce dernier rapport, on y voit que celui qui
frappe son père ou sa mère, ou qui seulement les maudit, est
assimilé aux meurtriers, et qu'il en est de même de celui qui
dérobe un homme et qui le vend, crime horrible que tant
d'Européens commettent encore et font commettre au moyen de ce
qu'on appelle la traite des nègres. Or, chez les Juifs, le
meurtrier devait être puni de mort; mais si quelqu'un se rendait
involontairement coupable d'homicide, et par quelque accident
imprévu, le Seigneur annonce qu'il lui établirait un lieu de
refuge où il serait à l'abri de toute poursuite. Nous verrons plus
tard comment il y fut pourvu par la loi.
21:
23-25
§ 769. Ici est ce qu'on appelle la loi du
talion. Plus tard, les Juifs la pervertirent au gré de leur haine.
Ils crurent y voir la permission de se venger, tandis que Dieu
avait entendu seulement donner aux tribunaux la règle qu'ils
devaient suivre dans leurs sentences. On a dit que cette loi était
injuste, parce que la perte d'un bras, par exemple, est beaucoup
plus fâcheuse pour le pauvre que pour le riche; mais on ne
réfléchit pas qu'en Israël, et dans l'origine, il y avait une
égalité de conditions infiniment plus grande qu'elle ne le fut
jamais ailleurs.
21:
26,27
§ 770. Loi civile destinée à prévenir les
brutalités dont les maîtres auraient pu se rendre coupables envers
leurs esclaves. Nous y avons une nouvelle preuve que, chez les
Israélites, l'esclavage était bien moins dur qu'il ne le fut chez
la plupart des peuples de l'antiquité.
21:
28-32
§ 771. Les lois contenues dans ces versets nous
montrent combien nous devons éviter tout ce qui peut nuire à notre
prochain; d'un autre côté, combien est précieuse la vie de
l'homme, puisqu'on devait faire mourir un bœuf qui, de sa corne,
aurait versé le sang humain.
22:
1-15
§ 772. Nouvelles lois pénales contre les actes
attentatoires à la propriété. Comme il n'y avait point de prison
dans le désert et que les Israélites devaient être longtemps sans
connaître ce moyen de répression, le voleur était puni tout
autrement qu'il l'est parmi nous. Il devait restituer au quadruple
et même au quintuple ce qu'il avait pris; et s'il n'était pas
assez riche, on le vendait pour être esclave. C'était au fond,
comme de nos jours, le priver de sa liberté.
22:
16-31
§ 773. Parmi les lois que renferme le reste de
ce chapitre, il faut remarquer celle qui punissait de mort toute
femme qui se mêlait de sorcellerie; ou autrement, les diseuses de
bonne fortune, comme il y en avait beaucoup parmi les païens et
comme il en existe encore en certains pays soi-disant chrétiens;
peine sévère, mais juste, car il y a une grande impiété dans ces
pratiques étaient encore punis de mort ceux qui commettaient des
crimes honteux, dont on voudrait croire qu'il n'y a plus de traces
au milieu de nous. Puis, l'Israélite qui sacrifiait à d'autres
qu'à l'Éternel devait être détruit à la façon de l'interdit; ce
qui signifie que tout ce qu'il possédait était voué à la
destruction comme lui. L'idolâtrie est en effet le plus grand
crime qu'on puisse commettre, puisque c'est un entier mépris de
Dieu et la source féconde d'une foule d'abominations. C'était
d'ailleurs, chez les Juifs, le crime de lèse-majesté, puisqu'ils
avaient Jéhovah lui-même pour roi.
§ 774. Après cela, voyez comment, dans la loi de Dieu, la morale vient toujours reprendre sa place. Ce qu'un législateur politique ne peut ordonner, l'Éternel le fait; côté important par lequel sa loi est différente de toutes les autres. Il veut, qu'en souvenir de l'Égypte, son peuple ait une compassion particulière pour les étrangers, pour les veuves et pour les orphelins, dont l'Éternel se déclare le protecteur et le vengeur. Si donc, plus tard, les Juifs crurent pouvoir se dispenser d'aimer les étrangers, comme s'ils n'eussent pas été leur prochain, rien dans la loi de Dieu ne les y autorisait.
§ 775. La loi prohibait le prêt à intérêt. Ce n'était pas le moyen sans doute de favoriser les entreprises commerciales et industrielles, ni même les grandes opérations de l'agriculture; mais c'est que précisément Dieu n'aspirait point à ce que son peuple amassât de grandes richesses: il le voulait pauvre, simple, pieux et désintéressé. Cependant, celui qui prêtait de l'argent pouvait se faire donner quelque gage pour sûreté du capital; mais encore remarquez par quelles précautions Dieu empêchait que cette disposition législative ne dégénérât en abus; puis, pour exciter les Israélites à la compassion, il leur rappelle sa propre miséricorde.
§ 776. De même que Dieu avait dit: «Honore ton père et ta mère,» il ordonne ici de respecter les magistrats, et en général ceux qui administrent la société civile et y exercent la justice.
§ 777. Tout ce que nous avons appartient à l'Éternel. C'est pourquoi les Israélites lui devaient l'offrande des fruits de la terre. Quant à la consécration des premiers-nés, nous avons vu l'origine de cette loi (§ 693).
22:
31
§ 778. La prescription contenue dans ce verset
est fort remarquable. Elle tendait à rappeler aux Israélites leur
dignité morale. Consacrés à l'Éternel, ils devaient éviter de se
dégrader d'une manière quelconque, comme, par exemple, en mangeant
la viande d'un animal qu'on trouvait déchiré par un autre animal
dans la campagne. Cela se rattache aussi à certaines raisons que
nous verrons ensuite.
23:
11-9
§ 779. Règles d'équité et de droiture à
observer dans les procès civils. C'est un développement ou une
application du neuvième commandement. Mais, à cette occasion, le
Seigneur donne à Israël, et il nous donne à nous-mêmes, des
préceptes moraux dignes d'une grande attention.
§ 780. Nous voyons d'abord que de tout temps, hélas! la multitude, ou le monde, a été plongés dans le mal. Or, l'Éternel invite ses enfants à ne pas imiter la multitude, à ne pas faire les mêmes choses qu'elle, à ne pas les faire comme elle, à ne pas croire qu'il faille, suivant le dit-on vulgaire, hurler avec les loups et agir comme tout le monde.
§ 781. Puis, nous avons ici une belle loi de charité. C'est l'équivalent de ce que nous dit l'Évangile: «Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, etc.» (Matth. V, 44); et ailleurs: «Surmontez le mal par le bien (Rom. XII, 21).»
§ 782. Les enfants du Dieu vivant et vrai doivent éviter toute parole où il y a du mensonge, car le mensonge est de Satan, non de Dieu (§ 73) (Jean VIII, 44).
§ 783. Enfin, Dieu rappelle encore une fois aux Israëlites la compassion que devrait constamment leur inspirer le sort des étrangers, triste en ces temps-là surtout, où, de nation à nation, l'on se haïssait profondément. Ils n'auraient, pour cela, qu'à se souvenir de l'époque où ils avaient eux-mêmes habité une terre étrangère.
23:
10-11
§ 784. Institution de l'année sabbatique, loi
cérémonielle et civile tout à la fois. Chaque septième année
devait être pour Israël ce qu'était chaque septième jour. Un
législateur ordinaire n'aurait jamais osé donner une telle loi,
car elle supposait un miracle perpétuel; savoir, que Dieu
favoriserait la sixième année d'une abondance extraordinaire.
Aussi peut-on bien dire que la loi de Dieu contenait peu de
dispositions plus propres à éprouver la foi des enfants d'Israël.
23:
12
§ 785. À cette occasion, l'Éternel rappelle
l'importante institution du Sabbat; mais c'est ici plutôt comme
loi civile, car il n'y est pas fait mention de la sanctification
de ce jour. Or, seulement à ce point de vue, quelle admirable
institution! Un jour de repos après six jours de travail, c'est
comme une semaine sur sept, ou environ deux mois par année, ou dix
ans pour un homme qui atteint l'extrême vieillesse. Il est
impossible de ne pas voir combien l'observation de ce repos doit
être favorable à la santé et au maintien des forces de l'homme,
comme à celle des animaux qu'il emploie.
23:
13-19
§ 786. Après avoir interdit de prononcer le nom
des dieux étrangers, c'est-à-dire de jurer par eux et de les
invoquer, l'Éternel institue deux grandes fêtes, outre la fête de
Pâque: l'une après la moisson, l'autre à la fin de toutes les
récoltes. Dans chacune de ces solennités, tous les hommes devaient
se présenter devant l'Éternel en lui faisant hommage des fruits de
leur travail. Sur quoi il est à remarquer que, nous aussi, nous
devons apporter quelque chose à l'Éternel chaque fois que nous lui
rendons notre culte. Mais, quoi? Rien n'est digne de Dieu que ce
qui vient de lui. Nous ne pouvons donc lui offrir que ce qu'il
nous a donné: notre foi, un cœur renouvelé par le Saint-Esprit; ou
plutôt, c'est Jésus-Christ, son précieux sacrifice et son
obéissance que, par la foi, les vrais chrétiens offrent à Dieu
dans leurs prières et dans tout le service qu'ils lui rendent.
§ 787. Il n'est pas toujours aisé de comprendre par quels motifs le Seigneur donne certaines lois cérémonielles, bien que nous puissions être sûrs qu'elles ont toutes un sens spirituel et profond. Cependant, d'après ce que nous avons dit au sujet des pains sans levain (§ 696), il n'est pas trop difficile de concevoir la signification de ces paroles: «Tu n'offriras point avec du pain levé le sang de mes victimes.» Accomplies en Christ, qui répandit un sang non souillé par le péché, elles nous disent aussi que, pour nous offrir en sacrifice à l'Éternel, il nous faut un cœur purifié par la foi. Quant à la graisse, c'était probablement afin qu'elle ne se corrompît pas qu'il la fallait consumer de suite. Souvent, hélas! ce que nous faisons pour Dieu perd toute sa valeur parce qu'on l'a seulement différé. Dans ce que nous lisons à la fin du verset 19, et que nous retrouverons ailleurs, il semble qu'on doive voir simplement un moyen dont Dieu se sert pour former les cœurs des Israélites à la délicatesse des sentiments. Comprenez, leur dit-il, ce qu'il y aurait de révoltant à se servir du lait même d'une chèvre pour apprêter le chevreau que ses mamelles nourrissaient. Entendue ainsi, cette loi serait plus morale que cérémonielle.
23:
20-23
§ 788. Toute la fin du chapitre est une
prophétie entremêlée d'exhortations. L'Éternel y promet que, sous
la conduite de son Ange (§
707), de Celui qui pardonne les péchés et qui porte le nom
de Jéhovah, Israël entrerait au pays de Canaan; mais il annonce en
même temps que la conquête de ce pays ne se ferait pas toute d'une
fois. Puis, il exhorte son peuple à ne point contracter alliance
avec les idolâtres, à ne pas adorer leurs faux dieux. Ces
promesses et ces exhortations reparaîtront plusieurs fois dans la
suite de nos lectures, et je me réserve de m'y arrêter davantage
un peu plus tard.
LIX. L'Alliance.
24:
1-2
§ 789. Avant que Moïse redescendît de la
montagne, où toutes ces lois lui avaient été données par
l'Éternel, il reçut l'invitation d'y retourner bientôt, accompagné
d'Aaron , des deux fils aînés d'Aaron, Nadab et Abihu, et de
soixante-dix des Anciens, ou des chefs d'Israël, mais Moïse devait
seul s'approcher du Seigneur; les autres se prosterneraient à une
certaine distance, et quant au peuple, il fallait qu'il continuât
de demeurer au pied de la sainte montagne. Ces formalités étaient
destinées à inspirer aux Israélites une haute idée de la majesté
et de la sainteté de Dieu, tout en les pénétrant de respect et de
confiance pour la personne de Moïse.
24:
3
§ 790. Le moment était venu de solenniser
l'alliance, ou le contrat de l'Éternel avec le peuple qu'il avait
si merveilleusement arraché à l'esclavage et conduit jusqu'au pied
du Sinaï. Pour cela, Moïse commença par faire entendre à ses
frères les lois de l'Éternel, et peut-être leur rappela-t-il, à
cette occasion, les promesses que le Seigneur avait faites jadis à
leurs ancêtres. Dans tous les cas, il ne manqua pas de reproduire
les paroles encourageantes qu'il avait ouïes de sa bouche (§
788). Sur quoi le peuple cria tout d'une voix qu'il ferait
exactement ce que l'Éternel avait dit, engagement fort naturel
après tout; car Dieu ne donne pas des lois pour qu'on les viole.
24:
4
§ 791. Afin de marquer la stabilité de
l'alliance, Moïse écrivit la Charte de l'Éternel; puis il bâtit au
pied de la montagne un autel sur lequel, selon toute apparence, il
déposa le Saint-Écrit (Hébr. IX, 19), et près de là fut élevé un
monument de douze pierres, suivant le nombre des tribus d'Israël.
Ainsi, Dieu était d'un côté et le peuple de l'autre, savoir
l'autel et le monument; puis Moïse, type de Jésus-Christ, leur
servait de Médiateur.
24:
5
§ 792. Mais il ne fallait pas que les enfants
d'Israël pussent oublier un seul instant leur vraie condition
devant Dieu (§ 742). Ils
étaient de pauvres pécheurs, comme leurs pères, et comme eux il
fallait qu'ils accompagnassent tous leurs actes religieux de
l'effusion du sang des victimes. C'est pourquoi Moïse ordonna
qu'on offrît à l'Éternel des holocaustes (§
215) et des sacrifices d'actions de grâces. Ces offrandes
étaient celles de la joie, mais d'une joie comme il convient à des
pécheurs qui ne subsistent que par la grâce de Dieu.
24:
6-8
§ 793. Le sang des victimes était le type du
sang que notre Seigneur Jésus-Christ a répandu pour la rémission
de nos péchés. On comprend, d'après cela, pourquoi Moïse versa sur
l'autel une partie du sang des sacrifices. Par là, non seulement
il le consacrait, mais encore il proclamait que nous n'avons accès
auprès de Dieu que par grâce, par le sang des victimes, ou mieux,
par le sang du Christ. Le Livre aussi de l'alliance fut aspergé de
sang (Hébr. IX, 19), pour montrer que la Loi n'est pas ce qui
sauve l'homme; car c'est le sang du Christ et non pas la Loi qui
purifie de tout péché (1 Jean 1, 7). Enfin, Moïse aspergea de
sang tout le peuple, ou les dix pierres qui le représentaient.
Cela signifiait encore qu'il ne pouvait y avoir réellement
d'alliance personnelle entre eux et le Seigneur que par son
infinie miséricorde et par l'expiation de leurs péchés. Cet acte
de Moïse fut d'autant plus expressif, qu'il suivit immédiatement
la lecture du Livre de l'alliance et l'engagement que le peuple
renouvela de faire tout ce qui s'y trouvait renfermé. «Non, ce
n'est pas par ce que vous ferez, mais parce que le Seigneur fera
pour la purification de vos souillures que vous lui
appartiendrez;» voilà ce que semble dire Moïse au moyen de
l'aspersion du sang des victimes, images constantes de notre
miséricordieux Rédempteur.
24:
9-10
§ 794. L'alliance ayant été ainsi proclamée,
enregistrée et ratifiée, Moïse, Aaron, Nadab, Abihu et les
soixante et dix anciens montèrent sur la montagne, où ils eurent
le glorieux privilège de contempler la gloire du Seigneur. C'était
quelque chose qu'on ne saurait décrire. La splendeur du ciel le
plus pur n'en donne qu'une faible idée. Toujours est-il qu'il n'y
avait plus ces tonnerres, ces éclairs, cette tempête qui, les
jours précédents, remplissaient d'effroi toute la congrégation
d'Israël. Bien loin que les représentants du peuple ressentissent
quoi que ce soit du courroux de Dieu, il leur fut accordé de
contempler sa face, et ils mangèrent et burent en sa présence.
§ 795. Hélas! quand nous verrons plus tard la triste fin que firent la plupart de ces hommes, nous comprendrons qu'on peut avoir été témoin de grands miracles et cependant n'être pas sauvé, parce que le cœur demeure incrédule lors même qu'on est pénétré d'une vive admiration. Il n'en est pas moins vrai que ces Israélites sont ici le type des élus de Dieu, de ceux qui habiteront un jour devant lui en sa sainte montagne, qu'il nourrit en attendant du pain de vie et qu'il abreuve des eaux de M grâce, les préparant ainsi aux sublimes festins de la gloire éternelle. Du reste, si l'on vous demandait qui est Celui que virent alors Moïse et ses compagnons, vous devriez vous rappeler, avant de répondre, la parole de St.-Jean que j'ai déjà citée: «Personne ne vit jamais Dieu, le Fils unique qui est dans le sein du Père,» ou un avec le Père, «est Celui qui l'a fait connaître.» (Jean 1, 18.)
24:
12-14
§ 796. Tout ceci ne s'était point passé au
sommet de la montagne; le Seigneur vint au-devant de ses
serviteurs, et c'est toujours ainsi qu'il fait, car c'est lui qui
nous prévient par sa grâce. Mais après cela, il voulait donner à
Moïse de nouvelles ordonnances, et en même temps lui remettre,
écrits sur des tables de pierre, les Dix Commandements qu'il avait
fait entendre de sa voix tonnante, au sein de la nuée. En
conséquence, Moïse, accompagné de ce Josué qui avait commandé
l'armée des Israélites contre Hamalek (§
732) et qui était probablement un des soixante-dix anciens,
Moïse, dis-je, monta au haut de Sinaï, tandis que les autres
demeuraient au même lieu, ou plutôt, tandis qu'ils retournaient
près du peuple. Car, cette fois-ci, l'absence de Moïse devait être
longue, et comme il ne fallait pas que les Israélites demeurassent
sans chefs, le prophète désigna Aaron et Hur pour le remplacer
momentanément.
24:
15-18
§ 797. Quant à lui, il monta donc jusque dans
la nuée qui couronnait la montagne. Il y passa d'abord six jours
dans la société de son fidèle lieutenant Josué. Après quoi,
l'Éternel lui adressa la parole, et, pendant quarante jours, il
lui donna les instructions dont nous allons voir le récit. En
considérant de quelle manière l'Éternel y prépara Moïse et son
peuple tout entier, on ne saurait douter de leur haute importance.
Effectivement, les ordonnances qui vont faire l'objet de nos
études étaient destinées à régler le culte qu'Israël devait rendre
au Seigneur, culte magnifique dans ses pompes, mais plus sublime
encore dans sa signification. Car la loi n'avait que l'ombre des
biens à venir, dit un apôtre (Hébr. X, 1), et tout ce qu'elle
ordonnait, dans le culte, servait à figurer la grande œuvre que
Jésus-Christ a faite sur la terre pour le salut de son peuple et
qu'il accomplit dans le ciel. Si donc Moïse dut se préparer par
une sainte retraite à recevoir les ordonnances de l'Éternel, si la
gloire du Seigneur resplendit aux yeux de tous pendant qu'il les
communiquait à son serviteur, nous, à notre tour, prions Dieu
qu'il nous donne une parfaite intelligence de cette partie de sa
révélation, étudions-la avec un respect profond et en regardant du
fond de notre cœur à Celui qui a tout accompli, c'est-à-dire à
notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ. Amen.
LX. L'offrande, l'Arche, le Chandelier, le Tabernacle, le Sanctuaire, l'Autel des holocaustes, le Parvis.
25:
1-7
§ 798 Quand les enfants d'Israël sortirent
d'Égypte, ils avaient emporté de grandes richesses, dépouilles de
leurs anciens maîtres (§ 689).
Le moment était venu de les utiliser pour la construction et
l'embellissement du palais de leur roi Jéhovah. Ce palais, il est
vrai, n'était qu'une tente; mais il n'en est pas moins certain
qu'il n'y eut jamais rien de plus splendide, comme vous allez vous
en convaincre.
§ 799. Chaque Israélite devait être invité à présenter volontairement au Seigneur l'offrande de ce qu'il avait de plus précieux. C'est-à-dire qu'on était libre de donner ou de ne pas donner; ensuite, qu'on donnait ce qu'on voulait et dans la quantité qu'on déterminait soi-même. Il y avait sans doute obligation à le faire, mais c'était une obligation morale, et l'on ne devait compte qu'à Dieu de la manière dont on s'en acquittait. N'est-ce pas de cette façon qu'il faudrait s'y prendre aussi de nos jours pour toutes les dépenses du culte? Dieu sait-il gré de ce qu'on lui donne à contre-cœur? Et n'est-il pas déplorable que, dans les pays appelés chrétiens, on soit à cet égard en arrière des institutions légales de l'ancien peuple?
25:
8,
9
§ 800. Quoi qu'il en soit, c'est au moyen de
ces offrandes qu'on devait élever à Dieu un sanctuaire, ou un lieu
consacré, dans lequel il ferait sa résidence particulière, afin
d'habiter au milieu de son peuple. Mais il fallait suivre
exactement les directions que l'Éternel allait donner sur la
manière de le construire et sur les divers objets qui devaient y
être placés. Moïse en vit le patron, ou la représentation sur la
sainte montagne. Or, l'ouvrage ayant été exécuté tel que Dieu
l'avait ordonné, ce qu'on lit aux chapitres XXXVI et suivants,
nous en parlerons comme d'une chose accomplie, bien que ce soit
intervertir l'ordre des faits.
25:
10-16
§ 801. L'objet principal du Tabernacle fut
l'ARCHE DE L'ALLIANCE. C'était un coffre d'environ quatre pieds et
demi de longueur, sur deux et un quart de largeur, et d'une
hauteur égale à la largeur. Ce coffre en bois d'acacia, ou de
Sittim, était revêtu intérieurement et extérieurement d'or
très-fin, et tout autour de l'ouverture il y avait un cordon, ou
une corniche également en or. Aux quatre coins, des anneaux de ce
métal recevaient deux barres, ou leviers en bois recouverts d'or,
afin de pouvoir porter l'arche, et les barres ne devaient jamais
être retirées de leurs anneaux. L'arche ne demeura point vide,
mais on y déposa par la suite des objets plus précieux que l'or
dont elle était revêtue, et ces objets étaient là en témoignage de
l'alliance que l'Éternel avait traitée avec Israël.
25:
17-22
§ 802. L'arche, avons-nous dit, était un coffre
ouvert. Cependant l'Éternel ordonna qu'on y fît un couvercle d'or
pur, de même longueur et de même largeur que l'arche elle-même. À
chaque extrémité de ce plateau, il y avait une figure d'ange,
aussi en or. Ces Chérubins, comme ils sont appelés, étendaient
leurs ailes de manière que, en s'élevant au-dessus du couvercle,
ou Propitiatoire, elles se rencontraient comme une voûte en
ogives. De cette manière, la tête de chaque Chérubin était quelque
peu cachée par ses ailes; cependant on en voyait la face qui se
penchait sur le propitiatoire. Là, entre les Chérubins et sur le
siège de la réconciliation (c'est ce que signifie le mot
propitiatoire), l'Éternel promit à Moïse de lui communiquer toutes
les révélations dont il voulait honorer son peuple. Ainsi le
témoignage de l'alliance était dans l'arche, sous le
propitiatoire, et les paroles de l'alliance sortaient, pour ainsi
dire, de ce même propitiatoire, sous le ministère des anges.
23-30
§ 803. Outre l'arche et son couvercle, les
Israélites firent une petite Table de bois de Sittim, toute
revêtue en or, avec un cordon semblable à celui de l'arche, et de
plus avec un rebord assez élevé et doublé en or comme le reste.
Aux quatre angles, des anneaux d'or recevaient les barres au moyen
desquelles on transportait la table; on y rangea d'ailleurs les
plats, les tasses, les gobelets, toute la vaisselle d'or
nécessaire aux aspersions du sang des victimes. Et puis, c'est sur
cette table qu'on devait entretenir continuellement du pain
consacré.
25:
31-40
§ 804. On fit aussi pour le sanctuaire de
l'Éternel un Chandelier d'or, dont la description exacte nous est
donnée. Il avait sept branches, ou plutôt six branches latérales
qui sortaient de la tige, et qui, partant de deux en deux, les
unes de plus haut, les autres de plus bas, atteignaient toutes le
même niveau. Ainsi les deux branches inférieures, sortant du pied
de la tige ou à peu près, s'élevaient aussi haut que la tige; il
en était de même des deux branches du milieu et des deux branches
supérieures. En sorte que celles-ci se trouvaient beaucoup plus
courtes que celles d'en bas. Les branches et la tige avaient pour
ornements de distance en distance de petites coupes ovales, avec
un chapiteau et une fleur. Cet ornement devait être répété trois
fois à chaque branche et quatre fois à la tige même. Autant de
branches d'ailleurs, autant de lampes, dont la lumière se
dirigeait du côté de la lampe du chandelier, ou de ce que j'ai
appelé la tige. Il fallait en outre qu'il y eût des mouchettes et
de petits plats pour recevoir ce qui tombait des lampes; tout cela
était d'or fin.
26:
1
§ 805. Dieu voulut, comme on le voit, que
l'Arche, le Propitiatoire, la Table et le Chandelier fussent
magnifiques, par la raison que ces objets étaient destinés à
entrer dans son sanctuaire; mais le sanctuaire lui-même eut encore
de plus grandes beautés. Représentez-vous d'abord une grande
tenture de byssus, lin ou coton très fin. Elle était longue
d'environ seize aunes et large de onze. Cette tenture, de trois
couleurs, hyacinthe, écarlate et cramoisi, ou mieux peut-être,
bleue, pourpre et écarlate, était parsemée de broderies
représentant des Chérubins, comme ceux du propitiatoire. Elle se
composait de deux pièces, chacune de cinq lés. Les deux pièces
s'ajoutaient l'une à l'autre, au moyen de crochets en or et de
lacets bleus. Cette première tenture est appelée le PAVILLON.
26:
7-14
§ 806. Par-dessus le Pavillon, il y avait un
TABERNACLE, ou une tente formée d'une triple couverture. D'abord
une de poils de chèvres, toute blanche; une autre de peaux de
béliers teintes en rouge; la troisième, de peaux de blaireaux, ou
de chiens aquatiques. La première de ces couvertures était plus
longue et plus large que le Pavillon, de manière à le dépasser de
tous les côtés. Réunies, elles empêchaient absolument à la pluie
de pénétrer dans le sanctuaire, tout comme au soleil de ternir les
magnifiques couleurs du Pavillon.
26:
15-30
§ 807. Il s'agissait après cela de soutenir ces
tentures, à la fois longues et lourdes. Par l'ordre du Seigneur,
on fit donc quarante-huit ais, ou plateaux de bois d'acacia, longs
d'environ 16 pieds et larges de deux ou à peu près. Chacun des
deux grands côtés du sanctuaire fut formé par vingt de ces
plateaux, au nord et au sud; six plateaux firent le fond du
sanctuaire vers l'occident; il en restait deux pour les angles. Le
devant du sanctuaire demeurait ouvert à l'orient. Ces ais, tout
recouverts d'or, avaient à une de leurs extrémités deux tenons
propres à être enchâssés dans deux soubassements d'argent qui
reposaient sur la terre. Mais, pour que ces longs ais plaqués en
or fissent un assemblage solide, il fallait plus que cela; aussi
Moïse ajouta-t-il à chacun d'eux, extérieurement, cinq anneaux, au
travers desquels on passait de longues barres couvertes d'or.
Ainsi fixés à leur base dans les soubassements et retenus les uns
aux autres par cinq barres transversales, les ais formaient un mur
d'or d'une fermeté parfaite. C'est là-dessus qu'on étalait d'abord
la tenture bleue, pourpre et écarlate, ou autrement le Pavillon;
puis, par dessus, le Tabernacle ou la tente de couleur blanche;
ensuite la couverture rouge, enfin les peaux de taissons. Ainsi se
formait le SANCTUAIRE, long de 45 pieds environ, sur une largeur
de douze à quinze pieds, et une hauteur de quinze pieds à peu
près.
26:
31-35
§ 808. Cependant le Sanctuaire lui-même se
divisait en deux compartiments, au moyen d'un Voile, ou autrement
d'une tapisserie, faite exactement comme la tenture du pavillon.
Quatre colonnes d'acacia, recouvertes d'or et posées sur des
soubassements en argent, portaient ce voile agrafé à des crochets
d'or. Derrière le voile, et dans un lieu complètement obscur
appelé le LIEU TRÈS-SAINT, ou le SAINT DES SAINTS, Ou autrement le
SANCTUAIRE DU SANCTUAIRE, on déposa l'arche et son couvercle, le
propitiatoire; tandis qu'en deçà du voile on plaça la table et le
chandelier, l'un du côté du nord à main droite, l'autre du côté du
sud à main gauche...
26:
36-37
§ 809. Enfin, le devant du Sanctuaire, cette
partie qui s'ouvrait à l'orient, se fermait aussi par un voile
tout semblable à celui de l'intérieur, voile que supportaient cinq
colonnes aussi en bois de Sittim revêtu d'or du haut en bas, avec
des soubassements en airain, et non pas en argent comme les
autres.
§ 810. Je ne m'arrêterai pas, pour le moment, à faire remarquer la magnificence de l'habitation que l'Éternel voulut avoir au milieu de son peuple, non plus qu'à expliquer la signification de tous ces symboles: je le réserve pour une de nos études suivantes. Continuons simplement à exposer les ordonnances de l'Éternel au sujet du culte qui devait lui être rendu.
27:
1-8
§ 811. Dès les plus anciens temps, les fidèles
avaient élevé des autels à l'Éternel. Ainsi, Noé (§
215), Abraham (§ 261),
Jacob (§ 493), et plus
récemment Moïse lui-même (§
791). Que ce fût par la volonté de Dieu et en suite de
quelque révélation primitive (§
136), nous ne saurions en douter, quand nous voyons le
Seigneur lui-même donner enfin le modèle de l'AUTEL qui devait
être placé devant son Sanctuaire. Cet autel, dont les dimensions
étaient exactement le double de celles de l'arche, ressemblait à
une caisse sans fond et sans couvercle. Les planches en bois
d'acacia, comme tout le reste, furent recouvertes d'airain. Aux
quatre angles supérieurs, des crochets d'airain ayant la forme de
cornes; à l’intérieur et à moitié hauteur de la caisse, une grille
d'airain qui pouvait s'enlever à volonté. Des barres passées dans
des anneaux servaient à transporter l'autel et la grille. On fit
d'ailleurs tout un assortiment d'ustensiles en airain nécessaires
au service: chaudrons, racloirs, bassins, etc.
27:
9-19
§ 812. On comprend que cet autel, sur lequel on
devait brûler les victimes, ou leur graisse, ne pouvait pas se
placer sous le Tabernacle. Dieu ordonna donc d'environner le
Sanctuaire d'une enceinte qui fut appelée le Parvis, ou la Cour,
ou autrement le Vestibule du Pavillon. Cette cour était un
rectangle au-delà de trois fois plus long que le Sanctuaire et
environ cinq fois plus large. Ce qui en formait la clôture était
une tapisserie ou un treillis de la même hauteur que l'autel,
tapisserie en fil que supportaient soixante pilastres d'airain, ou
probablement de bois de Sittim recouvert de ce métal; les
soubassements étaient aussi en airain, mais les crochets et les
agrafes qui retenaient la tapisserie étaient d'argent. Le parvis
n'avait d'ailleurs qu'une seule entrée, en face de celle du
Sanctuaire, entrée qui avait pour porte une tenture bleue, pourpre
et écarlate, parfaitement semblable aux deux voiles du sanctuaire
et au pavillon. Cette tenture, soutenue par quatre pilastres,
avait vingt coudées de largeur; d'où il suit qu'il ne restait,
pour la tapisserie du parvis, que quinze coudées de chaque côté
(vers. 14, 15). L'entrée occupait donc les deux cinquièmes de
cette face du parallélogramme, qui était en tout de cinquante
coudées, tandis que les grands côtés en avaient cent. C'est entre
la porte du Parvis et le devant du Sanctuaire que se plaçait
l'autel d'airain.
LXI. Le Sacrificateur, l'Autel des parfums, l'Huile, Bethsaléel et Aholiab.
27:
20,21
§ 813. Maintenant, qui est-ce qui fonctionnera
dans le sanctuaire dessiné par la main même du Seigneur? À qui cet
honneur insigne est-il réservé? Non à Moïse, II comme on aurait pu
s'y attendre, mais à Aaron et à ses fils. Leur premier devoir sera
d'entretenir les lampes du chandelier, afin qu'elles éclairent
continuellement le Lieu Saint entre les deux voiles.
28:
1-12
§ 814. Mais il fallait que les sacrificateurs
eussent des marques extérieures de leur charge; aussi l'Éternel
enseigna-t-il à Moïse de point en point quel serait leur costume.
D'abord l'ÉPHOD, espèce de camisole bleue, pourpre et écarlate,
comme le pavillon et comme les voiles du sanctuaire. L'éphod
couvrait la partie supérieure du corps et il était serré par une
ceinture de même couleur que le reste. Deux pierres d'onyx,
enchâssées dans de l'or, retenaient l'éphod sur les épaules, et
les douze noms des fils de Jacob devaient être gravés sur ces
épaulettes. C'était pour marquer que le souverain sacrificateur,
Aaron, officierait au nom de tout le peuple. Quand il se
présentait devant l'Éternel, tous les enfants d'Israël s'y
présentaient en sa personne.
28:
13-29
§ 815. Par-dessus l'éphod et à l'endroit de la
poitrine, on voyait une pièce d'étoffe brodée aux trois couleurs,
portant douze pierres précieuses sur quatre rangs, chacune de ces
pierres ayant le nom d'un des douze patriarches fils de Jacob. Le
PECTORAL, comme on l'appelait, s'accrochait à l'éphod par deux
chaînettes d'or qui le soutenaient d'en haut, et à la ceinture par
deux cordons bleus qui l'empêchaient de vaciller. De cette
manière, le souverain sacrificateur portait tout Israël sur son
cœur lorsqu'il paraissait devant l'Éternel.
28:
30
§ 816. C'était aussi par le moyen du pectoral
qu'Aaron entrait en relations immédiates avec la Majesté divine.
Quand il se présentait devant le Seigneur avec cet ornement sacré,
il apprenait de lui ses jugements sur les enfants d'Israël. Et
comme le mot de juger signifie très fréquemment gouverner, on peut
dire que le pectoral du jugement, ou du gouvernement, était le
signe particulier de l'empire que l'Éternel voulait exercer sur
son peuple. Quant à l'URIM et au THUMMIM, ces deux expressions
signifient la lumière et la vérité ou la perfection. On ignore si
peut-être ces mots étaient gravés sur le pectoral, ou si celui-ci
recelait quelque mystère auquel le Seigneur donna ces noms; quoi
qu'il en soit, nous y voyons clairement ce que Dieu promettait à
ses adorateurs et ce que seraient ses oracles: Urim et Thummim,
LUMIÈRE ET VÉRITÉ, ou PARFAITE LUMIÈRE.
28:
31-35
§ 817. Par-dessous le pectoral et l'éphod, le
sacrificateur portait un ROCHET ou surplis, robe à manches de
couleur bleue, comme les cordons du pectoral et comme celui qui
liait les deux pièces du pavillon (§
805). Le rochet, qui descendait à moitié jambes, avait pour
ornements, tout à fait en bas, des grenades aux trois couleurs et
des clochettes d'or. Ces dernières servaient à faire reconnaître
de loin le sacrificateur et à constater le droit qu'il avait
d'entrer dans le sanctuaire. Il paraît du reste que le rochet
devait être d'un seul tissu, avec une ouverture pour passer la
tête. Vous remarquerez, comme exemple frappant des détails dans
lesquels le Seigneur entre, ce qui est dit de la manière dont
l'ouverture devait être ourlée, afin qu'elle ne se déchirât pas.
28:
36-38
§ 818. Mais ce qu'il y avait de plus
significatif dans le costume d'Aaron, c'était la TIARE, espèce de
turban relevé, sur le devant duquel brillait une plaque d'or avec
ces mots en hébreu: SAINTETÉ À L'ÉTERNEL. On pourrait aussi
traduire: SAINT, ou CONSACRÉ À L'ÉTERNEL; mais ces deux
traductions donnent le même sens. Cela signifiait que, par une
consécration particulière, le souverain sacrificateur serait
envisagé comme exempt de péché, afin qu'il pût porter devant
Jéhovah les péchés des Israélites, ceux mêmes dont ils
souilleraient les actes de leur culte.
28:
39-43
§ 819. Enfin, Aaron devait avoir pour vêtement
de dessous une longue SOUTANE de byssus (§
805), et par dessous des Caleçons de toile de lin. Ces deux
derniers articles, avec des BONNETS d'une forme particulière et
des ceintures, formaient, à eux seuls, tout le costume des fils
d'Aaron. Sous peine de mort, ils ne pouvaient entrer dans le
sanctuaire sans en être revêtus.
28:
1-9
§ 820. Après avoir réglé ce qui concernait les
vêtements du sacrificateur et de ses fils, l'Éternel dit à Moïse
de quelle manière il devait les oindre, les installer et les
consacrer. Il s'approcherait avec eux du tabernacle, menant un
veau et deux béliers sans défaut et portant dans une corbeille des
aliments faits de fine farine, avec de l'huile pour apprêt et sans
aucun levain. Aaron et ses fils s'étant lavé tout le corps, Moïse
revêtirait son frère de ses vêtements sacrés: la soutane, le
surplis, l'éphod, le pectoral, la ceinture, la tiare et la lame
d'or, appelée ici couronne de sainteté. Cela fait, Moïse prendrait
de l'huile aromatique dont la composition est indiquée plus tard;
il en verserait sur la tête d'Aaron, et c'est ainsi qu'il
installerait dans la sacrificature, lui et ses fils, pour
toujours. Il est à remarquer cependant que les fils d'Aaron ne
devaient pas être oints, parce qu'il n'y avait proprement qu'un
sacrificateur.
28:
10-35
§ 821. Cela fait, le veau et les deux béliers
devaient être offerts en sacrifice, mais non pas tous les trois de
la même manière. Ce en quoi ces sacrifices se ressembleraient,
c'est qu'Aaron et ses fils mettraient leurs mains sur la tête des
trois victimes successivement, que chacune d'elles serait immolée
et son sang répandu, enfin, que le feu les consumerait en tout ou
en partie. Mais tandis que le sang du veau était destiné à faire
aspersion sur les cornes de l'autel, celui du premier bélier
devait être répandu sur l'autel même, et le sang du second devait
servir à faire aspersion sur Aaron et ses fils, et sur leurs
vêtements, afin de les consacrer. Non pas tout le sang assurément;
car, dans les trois cas, la plus grande partie fut répandue autour
de l'autel. D'un autre côté, s'il fallut y faire fumer la graisse
seulement et les entrailles du veau, le premier bélier au
contraire y fut consumé tout entier, et du second on dut brûler
l'épaule droite, outre la graisse et les entrailles. Puis, quant
au veau, tout ce qu'il en resta fut dévoré par les flammes d'un
bûcher allumé hors du camp. Pour ce qui est du second bélier,
appelé le bélier des consécrations, la chair en fut mangée par
ceux qui offrirent le sacrifice, sauf la poitrine, qui revenait de
droit au sacrificateur, et qui, la première fois, appartint à
Moïse. Ces trois sacrifices se distinguent d'ailleurs par des noms
différents. Le premier est un sacrifice pour le péché, le second
un holocauste, le troisième un sacrifice de prospérité ou
d'actions de grâces. Dans les deux premiers, la victime fut
consumée tout entière, et non dans le troisième; mais en revanche,
on brûla sur l'autel des offrandes qu'on avait apportées dans la
corbeille (§ 820).
28:
35-44
§ 822. La cérémonie de la consécration d'Aaron
et de l'autel dura une semaine. Chaque jour un veau fut immolé
pour le péché et l'autel reçut l'aspersion du sang expiatoire.
Après quoi, un sacrifice perpétuel dut rappeler constamment aux
Israélites leur état de péché devant Dieu. Matin et soir, le
sacrificateur offrait en holocauste un agneau avec un gâteau de
fine farine pétrie à l'huile et arrosé de vin. «Faites ainsi, dit
l'Éternel, et je vous donnerai fréquemment des signes de ma
présence; je vous parlerai; je manifesterai ma gloire parmi vous,
et c'est là ce qui fera votre consécration. De cette manière, je
serai le Dieu des fils d'Isaac, et ils comprendront que, si je les
ai tirés du pays d'Égypte, c'est pour être avec eux, moi Jéhovah,
leur Dieu.»
30:
1-10
§ 823. Cependant, le Seigneur avait encore
quelques ordres à donner relativement au sanctuaire. Outre l'autel
d'airain, il voulut que Moïse fît un petit autel recouvert d'or,
ayant des cornes à ses quatre angles, une corniche tout autour et
des anneaux pour les barres destinées à le transporter. Cet autel,
placé dans le Lieu Saint, entre la table et le chandelier,
recevrait les parfums qu'Aaron y ferait fumer chaque matin quand
il préparerait les lampes, puis chaque soir quand il les
allumerait et qu'il immolerait le second agneau. Une fois l'an,
les cornes de l'Autel Des Parfums devaient être teintes du sang de
propitiation ou de réconciliation.
30:
11-16
§ 824. Mais s'il y avait un sang de
réconciliation, il devait aussi y avoir un argent de
réconciliation. Toutes les fois qu'on ferait le dénombrement du
peuple, les individus âgés de vingt ans et en dessus étaient tenus
de payer un demi-sicle pour le service du sanctuaire. C'était
comme une rançon qui était exigée de chaque individu, à cause des
péchés de son âme.
30:
18-21
§ 825. Il fallut encore, pour le service du
sanctuaire, une CUVE D'AIRAIN placée entre l'Autel des holocaustes
et le tabernacle. Cette cuve contenait l'eau qui servait, entre
autres choses, aux ablutions des sacrificateurs.
30:
22-38
§ 826. Enfin, Dieu indiqua à Moïse de quelle
manière on composerait l'huile aromatique destinée à l'onction du
sacrificateur et des objets appartenant au sanctuaire. Toute
espèce de consécration devait se faire au moyen de cette huile, et
ce qui était consacré de la sorte communiquait une certaine
sainteté à tout ce qui le touchait. Il lui indiqua pareillement la
composition du parfum qu'on offrait dans le sanctuaire; et il fut
défendu, sous peine de mort, d'employer à des usages ordinaires,
soit cette huile, soit ce parfum; tout comme il n'était pas permis
de se servir d'une autre onction et d'un autre encens dans le
culte de l'Éternel (vers. 9).
31:
1-11
§ 827. Telles furent les premières ordonnances
du Seigneur relativement au sanctuaire qu'il voulait habiter.
Mais, parmi les enfants d'Israël, qui sera assez habile dans les
arts pour exécuter ces magnifiques ouvrages? L'Éternel y a pourvu,
comme dit Abraham (§ 362).
Un homme de la tribu de Juda, Bethsaléel, et un Danite, Aholiab,
seront remplis de l'Esprit de Dieu, c'est-à-dire du Saint-Esprit,
pour faire toutes les choses que le Seigneur veut qui se fassent.
Combien de gens qui oublient que leur industrie, leur intelligence
et leur savoir leur viennent d'En-Haut! S'ils s'en souvenaient,
ils n'en feraient pas un si mauvais usage. Et véritablement, il
n'est pas nécessaire, pour que nous rapportions à Dieu la gloire
de nos talents, d'avoir reçu l'Esprit d'intelligence et
d'industrie dans la même mesure que Bethsaléel et Aholiab, ni de
nous en servir pour l'érection d'un sanctuaire dessiné de la main
même de Dieu.
LXII. Signification du Sanctuaire.
§ 828. Avant de reprendre la suite de notre récit, nous devons étudier quelques-uns des beaux types que nous offrent le Sanctuaire et le service qui s'y faisait. Nous suivrons pour cet effet les directions du Saint-Esprit lui-même, en profitant des enseignements qu'il a déposés dans l'épître aux Hébreux, depuis le chapitre V.
§ 829. Entrons donc par la pensée dans ce Lieu Très-Saint, où personne ne pouvait pénétrer sauf le souverain sacrificateur, en des cas fort rares. Soulevons le superbe voile qui sépare le Saint des Saints de la portion antérieure du sanctuaire. C'est la seule manière de le voir, car il n'est éclairé d'aucun jour venant du dehors. Mais quelle magnificence! Au fond, à droite et à gauche, une paroi d'or pur; et si nous levons la tète, une tenture de couleurs éclatantes, bleue, pourpre et écarlate, toutes semblables à celles du voile; devant nous, enfin, un coffre d'or, avec deux figures d'anges, aussi en or, qui ont leurs ailes déployées et qui penchent leurs visages sur le couvercle de l'arche. Tout ceci est le type du Ciel même, de ce lieu très-saint que nos yeux ne sauraient voir et dans lequel nul pécheur n'a, par lui-même, le droit d'entrer. C'est là que sont les richesses de la gloire et de la grâce de Dieu, c'est là qu'il règne et que les anges l'adorent; c'est là qu'il se plaît à faire miséricorde. Les trois couleurs du voile et du pavillon nous rappellent le Christ et son œuvre. Il est du Ciel (le bleu); il est roi (le pourpre); il a versé son sang pour nous (l'écarlate). L'arche, qui servait à attester la présence de l'Éternel, est aussi une image du Christ par lequel Dieu a été présent sur la terre, et le témoignage de l'Éternel fut en Jésus-Christ comme il devait être dans l'arche. Le propitiatoire, ou le trône de réconciliation, prophétisait l'œuvre qu'a faite notre Sauveur; et les chérubins, qui étaient d'une même pièce que le propitiatoire, sont les fidèles dans le ciel; car ils sont un avec Jésus par la foi, ils l'adorent et célèbrent son grand amour aux siècles des siècles. Ces chérubins représentent peut-être les anges eux-mêmes, contemplant avec amour l'œuvre de réconciliation qui s'accomplit sur le propitiatoire.
§ 830. Sortons maintenant du Lieu Très-Saint, et plaçons-nous à l'entrée du Sanctuaire en regardant vers l'occident, c'est-à-dire vers le fond du Lieu Saint. Un voile, de même étoffe et de mêmes couleurs que l'autre, se lève en draperies pour laisser passer les sacrificateurs, qui y entrent au moins deux fois par jour. Les parois de droite et de gauche sont d'or, comme celles du lieu Très-Saint; le pavillon et les voiles aux trois couleurs en forment le plafond et les deux autres côtés, y compris l'entrée. À droite, nous avons la table sur laquelle est du pain; à gauche, le chandelier avec ses lampes allumées; entre-deux, l'autel des parfums: tout cela est d'or. Il suffit d'un coup d’œil jeté sur ces magnificences pour s'assurer que, malgré le voile qui sépare le Lieu Saint d'avec le Saint des Saints, ou la seconde tente, ce sont deux compartiments d'un même sanctuaire; car, du Lieu Saint, on voit les barres de l'arche qui traversent le voile. Le Lieu Saint participe donc aux choses célestes du Lieu Très-Saint, mais tandis que le Lieu Très-Saint est fermé aux pécheurs, le Lieu Saint leur est ouvert, moyennant certaines qualifications. Il ne peut donc être que le type de l'Église de Dieu, j'entends de l'assemblée spirituelle des vrais disciples de Jésus-Christ sur la terre. Ceux-ci sont représentés par les sacrificateurs; le chandelier et ses lampes sont les lumières du St.-Esprit par lesquelles Christ conduit ses rachetés; le pain de la table, c'est sa parole, ou sa propre chair, dont il nourrit leurs âmes; les parfums enfin, sont les prières qui, de l'Église, sur la terre, s'élèvent continuellement vers le pavillon bleu, pourpre et écarlate, c'est-à-dire, vers le Seigneur, saint, puissant et miséricordieux.
§ 831. Faisons pour le parvis comme nous avons fait pour le sanctuaire. Du camp des Israélites, nous marchons vers l'entrée, où nous retrouvons Christ, la vraie et seule porte de l'église et du ciel; nous le retrouvons, dis-je, sous l'image de la tenture aux trois couleurs que nous avons déjà vue trois fois, dans le pavillon et dans les deux voiles, et qui forme la vaste cour au milieu de laquelle est le tabernacle. Nous entrons et beaucoup de gens peuvent entrer avec nous, car il y a grande place dans le parvis. Mais quels objets y voyons-nous? En arrière, le tabernacle tout recouvert d'une enveloppe de couleur assez sombre (§ 806), sauf sur le devant, qui nous montre le voile bleu, pourpre et écarlate, semblable à la porte du parvis, et une draperie blanche qui descend quelque peu sur le haut du voile (§ 806). De dehors, on ne voit donc pas toutes les magnificences du sanctuaire, comme hélas! ceux qui sont étrangers à Christ ignorent les richesses de sa grâce et de sa gloire; et même s'ils s'arrêtent à l'extérieur, ou s'ils s'approchent du sanctuaire ailleurs que là où est la porte, il doit leur paraître fort triste. Ce n'est plus qu'un hangar recouvert de peaux de taissons! Mais nous, allons droit au premier voile, indice des richesses de la grâce et de la puissance du Sauveur qui se déploient au dedans, et nous rencontrerons sur nos pas, d'abord l'autel d'airain, puis la cuve, c'est-à-dire l'expiation et la purification: ces deux mots disent tout. On peut donc, ce me semble, envisager le parvis comme le type de l'assemblée de ceux que le Seigneur appelle à lui, de même que le Lieu Saint est le type de ceux en qui cet appel agit avec efficace; là, ceux qui font profession d'appartenir à Christ; ici, les âmes fidèles qui lui appartiennent véritablement. Mais on n'est pas véritablement à lui, tant qu'on n'a pas reçu l'aspersion de son sang et le lavage de la régénération par le Saint-Esprit (l'autel et la cuve).
§ 832. Pendant que nous nous livrons à ces réflexions, je vois venir près de l'autel un homme d'un aspect vénérable. C'est un octogénaire, le frère de Moïse, revêtu de ses vêtements pontificaux. Quel luxe de pierreries! quel éclat jettent les vives couleurs de son costume blanc, bleu et or! Néanmoins ce qui me frappe le plus, ce sont les caractères hébreux que je lis sur la lame d'or qui décore son front. Je m'approche de lui; j'admire ce pectoral et ces épaulettes où sont gravés les noms des fils d'Israël; l'éphod aux mêmes couleurs que le pavillon, que les voiles et la tapisserie de l'entrée du parvis. J'admire également le surplis, ou rochet, dont la couleur est celle du plus beau bleu céleste, avec ses grenades tricolores et ses clochettes d'or qui se détachent sur le fond blanc de la longue tunique. Ah! le sacrificateur, ainsi revêtu, est manifestement le glorieux type de notre Souverain Sacrificateur Jésus-Christ, le Fils de Dieu. C'est celui-ci qui, par excellence, est Saint à l'Éternel; c'est lui qui porte son peuple sur ses épaules et sur son cœur, comme le berger porte la brebis perdue et une mère tendre ses enfants bien-aimés. C'est lui qui est Lumière et Vérité ou Perfection (Urim et Thummim), lui qui est revêtu d'innocence et de tous les dons du Ciel. C'est lui dont nous devons suivre les pas quelque part qu'il aille (les clochettes), et qui nous donne les fruits de sa justice (les grenades). Et si nous croyons en lui, nous sommes semblables aux fils d'Aaron, qui, sans avoir encore toute la gloire de leur chef, portent cependant une tunique blanche comme la sienne, et une ceinture de la couleur du ciel, par un effet du bon plaisir de Dieu.
§ 833. De plus, si nous appartenons à Christ, nous imiterons les sacrificateurs dans le service qu'ils rendaient à l'Éternel, service qui est le type de ce que doit être le nôtre. Nous éclairer de la lumière du Seigneur, nous nourrir de son pain, lui offrir le parfum de nos prières: voilà ce à quoi nous sommes appelés. Mais afin de pouvoir exercer cette sainte sacrificature, il faut que nous soyons consacrés comme le furent Aaron et ses fils. Ceux-ci par le sang des victimes et par l'huile de l'onction; nous par le sang de Jésus et par l'onction du Saint-Esprit.
§ 834. Voyez ensuite comment le sacrifice de notre Sauveur correspond au triple sacrifice qui fut offert pour la consécration d'Aaron. De même que le veau fut brûlé hors du camp, c'est hors de Jérusalem, d'abord en Gethsémané, puisa Golgotha, que Jésus a souffert pour nous. Comme le premier bélier, il s'est tout entier exposé à la colère divine, ayant été fait malédiction à notre place. Et si la chair du second bélier dut servir de nourriture à ceux qui l'offrirent, c'est que notre Seigneur se donne lui-même à nous pour la nourriture de nos âmes.
§ 835. D'ailleurs, comme le sang des trois victimes fut répandu autour de l'autel, nous savons que Jésus vit couler le sien en Gethsémané et devant Pilate, quand on le couronna d'épines et qu'on le battit de verges, mais principalement sur la croix. C'est par toutes ces choses qu'ayant été consacré, il est devenu l'auteur du salut pour ceux qui lui obéissent (Héb. V, 9). Vous savez de plus que le sang des victimes qu'on offrit pour la consécration d’Aaron fut employé à sanctifier, non-seulement les sacrificateurs, mais encore les deux autels, ce qui nous montre que ni nos personnes, ni notre culte ne peuvent être agréables à Dieu, sinon par le moyen de la réconciliation que Jésus-Christ a faite entre le ciel et la terre.
§ 836.
Quant à l'huile de l'onction, elle était le type du Saint-Esprit
et de ses grâces. C'est pour cela que tout ce qui appartenait au
culte, l'arche elle-même, devait en être oint. Jésus a reçu le
Saint-Esprit d'une façon toute spéciale, parce qu'il est le Fils;
et pour ce qui nous concerne, soyons assurés qu'il n'y a de culte
vraiment spirituel que celui qui se fait sous l'onction du
Saint-Esprit. C'est de lui que doivent venir nos prières et nos
actions de grâce, comme notre repentance et notre foi. Alors, le
culte que nous rendons au Seigneur est comme le parfum dont il
avait prescrit lui-même la composition.
§ 837. Pour terminer ce sujet, je dois dire encore un mot sur le demi-sicle du sanctuaire. Ce n'est pas avec cette pièce de monnaie assurément que les Israélites rachetaient leurs péchés; mais c'était une nouvelle manière de leur rappeler le rachat, ou la rédemption dont ils avaient besoin; et quand on voyait les riches et les pauvres payer le même tribut, c'était assez dire que les pécheurs de toutes catégories ont le même besoin d'un Sauveur et de la rédemption qu'il nous a acquise par son sang.
LXIII. Le veau d'or.
32:
1
§ 838. Pendant que Moïse était sur la montagne
et que le Seigneur lui révélait les glorieux mystères de son
culte, de bien tristes événements se passaient dans le camp des
Israélites. Impatient de ce que Moïse ne revenait pas, fatigué de
cette longue halte au pied du terrible Sinaï, le peuple voulut
qu'Aaron donnât le signal du départ. Mais il fallait auparavant
trouver quelque moyen de remplacer la nuée qui marchait devant
eux; dans leur ignorance, ou plutôt dans leur impiété, ils
demandèrent à Aaron de leur faire des dieux. Comme les enfants
d'Israël s'étaient corrompus en Égypte! À leurs yeux, Moïse avait
tout fait, c'est en lui qu'ils avaient foi plus encore qu'en
Jéhovah (§ 710). Moïse venant à leur manquer, tout leur manque;
mais à son défaut, ils ne doutent pas qu'Aaron ne puisse leur
remplacer Moïse et le Dieu de Moïse.
§ 839. Il ne faut pas s'imaginer que ce qu'on vit alors ait été quelque chose de fort extraordinaire. Il n'est que trop de gens dont toute la religion est purement humaine. C'est par obéissance à l'homme qu'ils rendent un culte à Dieu; par obéissance à leurs magistrats, à leurs pasteurs, à leurs parents, à leurs maîtres. La religion n'est pour eux qu'une institution de ce monde comme une autre. C'est l'homme, pensent-ils, qui l'a faite ce qu'elle est; l'homme aussi peut la changer. Or, tout cela revient exactement à ce que le peuple d'Israël dit à Aaron: «Fais-nous des dieux qui marchent devant nous.»
32:
2-4
§ 840. Il semblerait qu'Aaron n'opposa pas de
résistance; cependant on ne saurait le conclure du silence de
l'Écriture. Toujours est-il que s'il résista, ce fut à la manière
de Ruben (§ 512). Pour
dégoûter, peut-être, de leur dessein, les enfants de son peuple,
il leur demanda les ornements d'or dont ils surchargeaient leurs
personnes à la manière des idolâtres (§
492); mais ce sacrifice même ne les fit pas reculer, et
Aaron fondit un veau d'or que les Israélites proclamèrent leur
Dieu.
32:
2-4
§ 841. Mes lecteurs n'ignorent pas que les
Égyptiens, peuple voué à l'agriculture, adoraient le bœuf comme
une de leurs plus grandes divinités. Ce fut là sans doute ce qui
fournit aux Israélites l'idée de représenter leur Dieu sous cette
image. Je dis de le représenter sous cette image, car ils ne
pouvaient sûrement imaginer que le veau d'or fut Jéhovah lui-même:
ce n'était pour eux qu'un symbole de sa puissance et de ses
bienfaits.
32:
5,
6
§ 842. Aussi, quand Aaron eut construit un
autel devant le veau d'or, il ne laissa pas de proclamer que
c'était à Jéhovah que le peuple y offrirait des holocaustes et des
sacrifices de prospérité. L'idolâtrie d'Aaron et de son peuple ne
fut donc pas, remarquez-le bien, aussi grossière qu'elle le paraît
au premier abord. Ce n'est pas le veau d'or proprement qu'ils
adorèrent, mais c'est Jéhovah devant le veau. Toutefois il n'en
fallut pas davantage pour imprimer à leur culte le caractère
profane du culte des faux dieux. Après avoir mangé et bu, ils se
mirent à danser. C'est la première fois que la Bible nous parle de
la danse; évidemment ce n'est pas pour la recommander.
32:
7-10
§ 843. Les choses se passaient de la sorte dans
le camp, lorsque Celui dont les yeux sont ouverts sur les fils des
hommes avertit Moïse de ces horribles désordres. En même temps, il
lui offrit de lui donner à lui seul et à sa postérité l'héritage
d'Abraham , après avoir châtié le peuple en le détruisant comme il
le méritait. C'était une grande épreuve pour la foi de Moïse; par
la grâce de Dieu, il en sortit victorieux. S'il n'eût consulté que
sa propre gloire, il aurait accepté la proposition du Seigneur;
mais au lieu de cela, voyez quelle belle prière il lui présente.
32:
11-14
§ 844. Pour connaître à fond l'état d'une âme,
il suffirait de savoir ce que sont les secrètes oraisons qu'elle
fait monter devant le trône de Dieu. Admirons donc les nobles
sentiments qui animent le cœur de Moïse. Plein de charité envers
ses frères, les Israélites, il se montre encore plus enflammé de
zèle pour la gloire du Seigneur. «Non, il ne sera pas dit, ô
Éternel, que tu aies fait venir ce peuple dans le désert pour le
détruire!» Et puis, voyez sa foi. De grandes promesses ont été
faites, non seulement à Abraham et à Isaac, mais encore à Israël
et à ses douze fils: ils n'est pas possible qu'elles ne
s'accomplissent. En effet, après que le Seigneur eut ainsi fourni
à son prophète l'occasion de manifester son désintéressement, sa
charité, son zèle, sa foi, et de s'y affermir, il l'assura qu'il
épargnerait Israël. Ce qui est exprimé par ces mots que nous avons
expliqués ailleurs: L'Éternel se repentit, etc. (§
187).
32:
15-16
§ 845. Alors Moïse descendit de la montagne
avec deux plaques de pierre, où les Dix Commandements de Dieu
avaient été gravés par le Seigneur lui-même, comme c'est lui qui a
dessiné les contours des lacs et des fleuves, les rives de l'Océan
et les croupes des monts. Ces pierres n'étaient pas destinées à
être placardées, mais on les devait déposer dans l'arche; aussi
étaient-elles écrites des deux côtés. Elles sont appelées les
tables du témoignage, parce qu'elles avaient à jouer le rôle de
témoins entre l'Éternel et son peuple, et, au jour du jugement, à
rendre témoignage contre les prévarications des pécheurs (§§ 801,
802).
32:
17-19
§ 846. En approchant du camp, Moïse et Josué,
ces deux serviteurs de Dieu, entendirent le bruit qui s'y faisait.
Il était tellement désordonné que Josué crut ouïr comme les
clameurs d'une bataille. Non, lui dit Moïse avec une sorte de
tristesse, ce ne sont pas les cris de vainqueurs ou de blessés.
Mieux vaudrait cela. Ce sont plutôt des voix qui chantent! Hélas!
chanter et danser avec le cœur rempli de péché; chanter au moment
où l'on vient d'insulter Dieu; chanter au bord de l'abîme dont
nous menace la justice du Très-Haut; et chanter, quoi encore?
Voilà pourtant ce que les mondains ne cessent de faire. Ils
chantent et dansent pour étourdir leur misère, pour tromper leurs
ennuis, pour oublier l'éternité et porter légèrement une vie dont
ils n'osent considérer l'issue. S'ils étaient réconciliés avec
Dieu, ce ne serait pas ainsi qu'ils manifesteraient leur joie;
mais, au fait, comment peut-on se réjouir, si ce n'est par des
plaisirs factices, tant qu'on n'a pas la paix de l'Éternel?
§ 847. En voyant le veau et les danses, Moïse se sent enflammé de colère; il jette de ses mains les Tables et les brise au pied de la montagne. Il y a une sainte colère; c'est la colère même de Dieu, celle que notre Seigneur montra quand il chassa du lieu sacré ceux qui le profanaient, celle qui effrayera ses adversaires au dernier jour, la colère de l'Agneau (Apoc. VI, 17). Rien n'est plus difficile à l'homme pécheur que d'éprouver une sainte colère. La passion, ou autrement le péché, s'y mêle facilement. Je n'affirmerai donc pas qu'il n'y ait eu dans Moïse aucun dépit, aucune violence, et toutefois sa colère me paraît avoir été une juste colère, un fruit même de sa foi et comme une inspiration divine. Dieu seul, en effet, a pu dire à Moïse de briser les tables de pierre qu'il venait de lui remettre. Par cet acte symbolique, le prophète de Jéhovah déclarait au peuple son péché. «Vous avez enfreint la loi; votre alliance avec» Dieu est brisée.» Ainsi en est-il de tous les hommes. Par le péché ils ont rompu l'alliance des œuvres (§ 128), alliance qui se confond ici avec celle de la loi.
32:
20-21
§ 848. Quelle puissance un homme de Dieu
n'exerce-t-il pas quelquefois sur une multitude égarée, et combien
Aaron ne dut-il pas éprouver de confusion en comparant la sainte
hardiesse de son frère avec sa coupable complaisance! À la vue de
tout le peuple, Moïse prend le veau d'or, le fond, le réduit en
poudre et répand cette poudre dans les eaux que buvaient les
Israélites. C'était leur dire qu'ils subiraient les conséquences
de leur crime; d'où vient sans doute l'expression bien connue de
boire sa faute. Puis le prophète du Seigneur se tournant vers
Aaron: «Que t'a fait ce peuple, lui dit-il,» que tu aies attiré
sur lui un si grand mal?» Si tu l'avais vraiment aimé, tu te
serais laissé tuer plutôt que de céder à ses vœux idolâtres. Et
vous, pères de famille, pasteurs, magistrats, recevez instruction
de cette parole. Quand vous vous prêtez aux passions de vos
subordonnés, vous vous conduisez comme si vous les aviez en haine.
«Que t'a fait ce peuple?»
32:
22-25
§ 849. Qu'il est triste, après cela, de voir
comment Aaron cherche à s'excuser! Ne semblerait-il pas que le
veau d'or se soit moulé lui-même et que personne n'y ait touché!
Bien plus, ne l'entendez-vous pas en quelque sorte se glorifier de
ce que, par là du moins, le peuple a été dépouillé des ornements
si futiles et si bizarres par lesquels déjà les hommes se
défiguraient! Hélas! combien de gens qui, semblables à Aaron,
oublient que, ne pas s'opposer vigoureusement au mal, c'est le
vouloir! Combien surtout qui s'estiment déchargés de toute
responsabilité, parce que leur faute a produit quelque bon
résultat. Il était bien, sans doute, que, même à l'extérieur, le
peuple de Dieu se distinguât du monde incrédule; porter l'opprobre
de la part des ennemis du Seigneur, était un honneur pour lui;
toujours est-il que ce n'est pas par l'extérieur seul que nous
devons nous distinguer des méchants.
32:
26-29
§ 850. Cependant, il était impossible que la
révolte des Israélites contre leur grand roi Jéhovah demeurât
impunie. Moïse ayant appelé auprès de lui ceux qui tenaient pour
l'Éternel, les fils de Lévi se présentèrent en masse, soit qu'ils
eussent désavoué dans leur cœur le crime de leurs frères, soit que
Dieu leur en eût donné, à eux les premiers, quelque repentir. Les
Lévites s'étant armés, ils parcoururent le camp, en frappant de
leurs épées les principaux instigateurs de la révolte, ceux
surtout qui, au lieu de manifester quelque repentance, résistèrent
peut-être aux sommations des exécuteurs de la justice du
Très-Haut. Trois mille Israélites, en tombant sous leurs coups,
servirent de monument à la sévérité de Dieu et en même temps à sa
clémence, car cela ne faisait guère que la millième partie du
peuple, et pourtant le peuple entier était coupable.
32:
30-35
§ 851. Si nous avions pu former quelques doutes
sur la nature des sentiments qui animèrent Moïse dans toute cette
affaire, ce qui nous est raconté en cet endroit les dissiperait
complètement. Type de Jésus-Christ, notre Grand Médiateur, il
monte sur la sainte montagne, afin d'obtenir que l'Éternel
s'apaise envers le peuple, et sa charité est si ardente qu'elle
l'emporte au-delà des justes bornes. Il ne peut jamais nous être
permis de demander à Dieu, même par amour pour nos frères, de nous
rejeter de sa présence. Notre Sauveur seul a pu s'offrir pour
l'expiation de nos péchés. C'est ce que l'Éternel fit sentir à
Moïse. Après quoi, cependant, il lui donne à entendre qu'il ne
détruirait pas le peuple actuellement, puisqu'il l'invitait à
poursuivre son chemin vers le pays de Canaan sous la conduite de
son Ange; mais cela ne voulait pas dire que Dieu ne châtierait pas
une fois les Israélites. Ils avaient trop audacieusement et trop
généralement violé l'alliance de l'Éternel.
33:
1-6
§ 852. C'est ce qui est exprimé avec plus de
développement dans les six premiers versets du Chapitre XXXIII.
Dieu accomplira la promesse faite à Abraham. Les Cananéens seront
dépossédés. Mais, pour cette génération du moins, le Seigneur ne
sera pas ce qu'il fut envers leurs pères. Peuple opiniâtre et
rebelle, Israël sera châtié jusqu'à être consumé. Ces paroles,
rapportées par Moïse dans le camp des Israélites, y causèrent un
deuil universel; mais les coupables pleuraient sur les effets de
leur péché, plus que sur leur péché lui-même.
LXIV. La Gloire de l'Éternel. — Construction du Tabernacle.
33:
7-11
§ 853. Ce fut pour marquer l'indignation de
l'Éternel que Moïse emporta sa tente hors du camp. Il l'appela le
tabernacle d'assignation, ou la tente de l'assemblée, parce
qu'elle devint le rendez-vous général de tous ceux qui
s'enquéraient du Seigneur et de ses paroles. Moïse s'y retirait
fréquemment pour jouir des communications intimes de l'Éternel,
qui y manifestait sa présence au moyen de la nuée, et Josué s'y
tenait d'habitude pour la garder. Qui n'estimerait bienheureux ce
Moïse auquel le Seigneur parlait comme un homme parle avec son
ami! or, c'est un bonheur dont jouissent maintenant tous les
rachetés de Jésus, car il est leur ami, et quel ami que celui-là!
33:
12-17
§ 854. Voici un des entretiens que Moïse eut
alors avec le Seigneur. Le prophète; s'appuyant sur les paroles
mêmes de Dieu et sur ses grâces, le supplia de lui faire connaître
qui était cet Ange qui devait marcher avec lui dans le chemin (§
788); et l'Éternel lui dit: «Ma face ira et je te donnerai du
repos.» Sur quoi Moïse: «Oh! que ta face vienne donc! Sans elle
nous ne saurions réussir; mais avec elle, nous serons de tous les
peuples de la terre le plus admirable.» Or, la face du Seigneur,
c'est, dans le langage de l'Écriture, le Seigneur lui-même, comme
nous le verrons tout à l'heure. Ainsi, conformément à ce que nous
avons déjà remarqué (§§ 308,
323, 435,
480, etc.), l'Ange de
l'Éternel, l'Ange de sa face, c'est le Seigneur, le Fils, la
Parole. Bien des siècles après Moïse, il est venu mourir pour
nous; destiné à régner un jour sur toute chair, il doit juger les
vivants et les morts.
33:
18-23
§ 855. Encouragé par la réponse de l'Éternel,
Moïse, qui sentait bien qu'il ne l'avait pas encore vu dans toute
sa gloire, s'enhardit jusqu'à implorer de lui une faveur que le
Seigneur dut lui refuser. La gloire de Dieu! la majesté souveraine
de Celui qui fait grâce à qui il lui plaît! Nul homme pécheur ne
peut la voir et vivre. C'est assez pour nous de connaître
l'infinie bonté, les immenses compassions de notre Dieu, et tel
est l'objet particulier de la révélation. Sans la Bible et sans
Jésus-Christ, nous pourrions à la rigueur savoir que Dieu est
puissant, saint et sage, mais nous ignorerions l'incompréhensible
amour de Dieu pour les pécheurs. Il n'était donc ni possible, ni
nécessaire que Moïse vit Dieu dans toute sa gloire, en sorte que,
s'il lui avait dit que Sa Face irait devant lui, il ne devait pas
s'attendre à la voir dans la plénitude de sa majesté, ce
qu'expriment ces paroles assez mystérieuses, mais non pas
absolument impénétrables: «Tu me verras par derrière,», mais ma
face ne se verra point.»
34:
1-7
§ 856. Cependant, le Seigneur avait daigné
promettre à Moïse qu'il ferait passer devant lui toute sa bonté
(Ch. XXXIII, v. 19), et nous allons voir comment cela se réalisa.
Par l'ordre de l'Éternel, Moïse remonta sur la montagne avec deux
tables de pierre semblables aux premières, pour que Dieu y
récrivît sa loi. Alors, comme Celui que le prophète avait vu
précédemment passait devant lui, dans la nuée, il entendit la
proclamation solennelle que je reproduis ici dans ses vrais
termes: «Jéhovah, Jéhovah, fort, compatissant, miséricordieux,
plein de longanimité, riche en grâce et en vérité, gardant
jusqu'en mille sa grâce, pardonnant la faute, la transgression et
le péché; qui absout sans absoudre et qui visite la faute des
pères sur les enfants et sur les enfants de leurs enfants, jusqu'à
la troisième et à la quatrième génération.»
§ 857. Nous ne pouvons savoir ce qu'est Dieu, sinon qu'il nous le dise lui-même, encore, après qu'il a parlé, peut-il rester quelque obscurité dans notre esprit, soit parce qu'il aurait plu à Dieu de ne soulever qu'une partie du voile qui nous le cache, soit parce que le langage humain dont il a dû se servir avec nous est incapable d'exprimer les choses profondes de l'Éternel. Ici pourtant l'obscurité ne porte que sur un point. Dans son ensemble, la proclamation du Seigneur est parfaitement claire. Nous l'y entendons déclarer surtout son infinie miséricorde, et combien cette parole ne doit-elle pas être douce pour de pauvres pécheurs tels que nous! Mais que signifie cette clause: «en absolvant, l'Éternel n'absout pas,» ce qui est la traduction littérale, ou comme disent nos versions: «Il ne tient pas le coupable pour innocent.» Mais alors comment peut-il exercer la miséricorde? N'y a-t-il pas contradiction dans les termes? Oui, il y a contradiction, de même que lorsque l'Éternel déclare qu'il est à la fois riche en grâce et en vérité. Celui qui a dit qu'il punira le péché et qui néanmoins le pardonne, ne semble-t-il pas manquer de vérité? Et si, pour être fidèle à ces menaces, il punit le péché, que deviendra la grâce? Cette contradiction, mes lecteurs le savent assurément, cette contradiction, dis-je, a été levée par l'expiation que Jésus-Christ a faite de nos fautes. En deux mots voici ce qui est arrivé: Notre Sauveur a subi la punition que le péché mérite, et c'est par lui que les pécheurs sont sauvés. — Quand donc une âme se convertit, elle est absoute par la grâce de Dieu, sans que ses péchés le soient, puisque Christ a souffert à cause d'eux. Ainsi se sont rencontrées la grâce et la vérité, le salut et la condamnation.
34:
8-27
§ 858. Moïse s'étant aussitôt prosterné devant
l'Éternel, il le supplia au nom de la miséricorde qu'il lui avait
faite et de la misère même des Israélites si coupables, qu'il
voulût bien leur pardonner leur péché et les accepter pour siens.
C'est aussi là toute la prière que nous devons faire. Faisons-la
au nom de Notre Sauveur qui est notre Moïse à nous, et Dieu nous
exaucera comme il exauça son prophète. Il lui renouvela donc son
alliance, par la promesse, encore une fois répétée, de chasser de
devant Israël les peuples de Canaan, mais en lui intimant l'ordre
formel de ne traiter aucune alliance avec eux, de ne point laisser
debout les objets de leur culte, de ne point se mêler aux fêtes
impures et pleines de débauche qu'ils faisaient à l'honneur de
leurs dieux, seul moyen d'éviter la contagion de leur idolâtrie et
de leurs abominables dérèglements. Au lieu de cela, les Israélites
devront célébrer avec régularité les fêtes que l'Éternel avait
instituées et observer toutes ses ordonnances; ainsi, la Pâque, la
consécration des premiers-nés, le repos du septième jour, la fête
de la moisson et celle des dernières récoltes.
34:
28
§ 859.
On
pourrait croire d'après ce qui est dit ici que, pour la seconde
fois, Moïse passa sur la montagne quarante jours et autant de
nuits; mais il est plus probable qu'il faut compter dans ces
quarante jours la courte apparition qu'il fit au milieu de son
peuple à l'occasion du veau d'or. Si d'ailleurs il est dit qu'il
ne mangea ni ne but sur la sainte montagne, c'est que Dieu le
préservait de la faim et de la soif, comme il en a la puissance.
Enfin, c'est dans ce verset que Moïse exprime le nombre précis des
commandements de Dieu. 11 en compte Dix, et il n'y a pas moyen
d'effacer ce mot de la Bible; aussi les catholiques-romains, en
retranchant, dans leurs catéchismes, le second commandement,
ont-ils dû faire deux commandements du dixième.
34:
29-35
§ 860. Moïse enfin descendit du Sinaï pour n'y
plus remonter, et le Seigneur, voulant attester aux Israélites que
leur conducteur avait réellement été favorisé de sa présence,
rendit son visage tout resplendissant de lumière, en sorte qu'on
ne pouvait le regarder. Il n'est pas probable que ce miracle se
soit prolongé toute la vie du prophète; mais, aussi longtemps
qu'il dura, Moïse dut mettre un voile sur sa tête lorsqu'il se
présentait devant le peuple. St.-Paul nous dit (2 Cor. III, 12-18)
que c'était un type de l'impossibilité où l'on est de comprendre
l'Ancien Testament lorsqu'on n'a pas appris à y voir Jésus-Christ
sous les ombres et les figures qui l'y voilent. C'est aussi un
beau symbole de ce qui devrait arriver à tout chrétien par un
effet des relations qu'il entretient avec Dieu. Il faudrait, quand
nous avons lu la Bible, ou pris la Cène, ou prié, que notre visage
rayonnât de joie et de sainteté; ou, pour le dire d'une autre
manière, il faudrait que le monde ne pût pas mettre en doute la
réalité de notre communion avec Dieu.
35:
§ 861. Nous arrivons à la fin du livre de
l'Exode. Dans les six derniers chapitres, Moïse nous raconte
qu'après avoir rappelé le commandement du sabbat et la loi civile
qui punissait de mort les impies profanateurs de ce saint jour, il
procéda aux travaux que l'Éternel avait ordonnés pour la
construction du Tabernacle. Sur l'invitation que le peuple en
reçut, tous apportèrent leurs offrandes avec une telle libéralité
qu'on fut obligé finalement de les refuser. Tant il est vrai que
ce qu'on fait volontairement, on le fait toujours mieux. Qu'une
mère oblige son enfant à partager avec un ami, l'enfant donnera le
moins possible, tandis que s'il s'y porte de lui-même il sera prêt
à tout donner. Du reste, le tabernacle fut construit et arrangé de
point en point selon le modèle que Moïse avait vu sur la montagne;
ce qui est rapporté tout au long, pour nous montrer peut-être avec
quel scrupule on doit effectuer ce que Dieu commande. Nous voyons
enfin au chapitre XL, comment l'Éternel consacra son sanctuaire.
Quelles instances ne devons-nous pas faire nous-mêmes auprès de
lui, pour qu'il se consacre nos cœurs par son Esprit de grâce et
de gloire!
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