Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

I ROIS. — II CHRONIQUES (Suite).

CXLIV.— Roboam. Schisme des dix tribus. Jéroboam, leur premier roi.

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1901. (12.) Salomon, mort l’an 975 avant l'ère chrétienne, eut pour successeur son fils aîné Roboam, qui avait alors atteint sa quarante et unième année. Ce roi si sage et si illustre, laissait le royaume dans un triste état. Il avait fait des dépenses énormes pour l'érection de ses magnifiques palais, et remplacé de riches vergers par des parcs et des jardins de luxe; son peuple s'était habitué à l'oisiveté en employant le travail des esclaves, et l'or qu'il fit venir de loin à si grands frais ne fut pour lui qu'une source momentanée de prospérité, comme les mines d'Amérique l'ont été de nos jours pour la malheureuse Espagne. En sorte que Salomon avait dû finir par lever sur son peuple des impôts fort onéreux.

1902. Ce qu'il y eut de plus funeste encore, ce furent les écarts de sa vieillesse. Le livre de l'Ecclésiaste nous certifie que l'Éternel daigna lui faire grâce et le ramener de ses égarements [1853]; mais le coup n'en avait pas moins été porté, et le retour du vieux roi, non plus que ses écrits, ne purent réparer le mal causé par ses désordres. En conséquence, tout était prêt, dans le royaume, pour attirer et légitimer les jugements que le Seigneur allait exercer et qu'il avait annoncés par ses prophètes, depuis Moïse jusqu'à Salomon lui-même, notamment par Ahija, peu d'années avant la mort de ce monarque (1 Rois 11: 26-39).

1903. (1-15.) Le peuple s'étant assemblé à Sichem, près des monts Hébal et Garizim, dans la tribu d'Ephraïm, afin d'installer le nouveau roi, Roboam s'y rendit avec les officiers de sa cour. Mais il y trouva un homme dont l'influence devait lui être fatale, moins encore toutefois que celle de ses propres amis. C'était Jéroboam, fils de Nébat, ce serviteur de Salomon qui avait fui en Égypte après qu'Ahija l'eut informé des desseins de l'Éternel sur sa personne. Le peuple était assez mal disposé. Il voulait qu'à l'occasion de son avènement à la couronne, Roboam allégeât les charges qui écrasaient la nation; mais, après trois jours de consultation, le prince, écoutant les mauvais conseils des hommes de son âge plutôt que la sagesse des contemporains de Salomon, fit une réponse négative, pleine de dureté et d'arrogance.

1904. (16-24.) Il ne fallait qu'une étincelle pour allumer l'incendie. Jéroboam fut proclamé roi, et le fils de Salomon ayant, avec une extrême imprudence, envoyé près des rebelles celui de ses officiers qui dirigeait en chef la perception des impôts, le peuple saisit cet homme, nommé Adoram, et le lapida. Roboam, comprenant par là que tout était perdu, reprit le chemin de Jérusalem. Les Benjamites, dans le territoire desquels était cette ville importante, reçurent favorablement le petit-fils de David, et la tribu de Juda, à laquelle il appartenait par sa naissance, n'hésita pas à se ranger sous ses lois. Aussitôt, Roboam réunit tous les hommes capables de porter les armes, afin d'attaquer Jéroboam et les siens; mais un homme de Dieu, nommé Scemalja, lui fut envoyé par l'Éternel, et parvint à arrêter la guerre civile. Roboam montra que son cœur n'était pas dépourvu de toute piété, car il se soumit au châtiment.

1905. (25-33.) Jéroboam non plus n'était pas un méchant ni un impie, dans le sens ordinaire qu'on donne à ces mots. C'était un homme qui faisait marcher la politique avant tout. Oubliant, comme tant de gens, celui à qui il devait son élévation, il écouta les conseils de la prudence humaine plutôt que ceux de la foi. Il se persuada que si ses sujets continuaient d'aller à Jérusalem célébrer leur culte, ils ne tarderaient pas à rentrer sous l'obéissance des fils de David; et pour obvier à ce danger, il institua un culte nouveau dont il se fit le chef. Sans abandonner formellement le nom de l'Éternel et liant entre eux des souvenirs moitié religieux, moitié profanes, la gloire d'Israël avec sa honte, il imagina de remettre en honneur le culte d'un jour que leurs pères avaient rendu à Jéhovah devant le veau d'or [833]. Pour faciliter au peuple l'accomplissement de ses devoirs religieux, il établit des autels aux deux extrémités de son royaume, l'un à Dan, séjour d'une vieille idolâtrie [1196], l'autre dans la ville sainte de Béthel; il bâtit un temple sur une colline, sans empêcher néanmoins qu'on n'immolât des victimes en tout lieu; il consacra lui-même des sacrificateurs pour ce nouveau culte et il institua des jours de fêtes religieuses. Ce fut ainsi que, pour la première fois au sein d'Israël, la politique fit invasion dans la religion. Saül l'avait tenté [1368], Jéroboam y réussit, mais ce fut la ruine de la vraie foi.

1906. (13: 1-10.) Un jour que ce prince était à Béthel, offrant de l'encens devant le veau d'or (car il fallait bien qu'il donnât l'exemple), un homme de Dieu dont le nom ne nous a pas été conservé, un homme jeune encore et qui appartenait à la tribu de Juda, vint à Béthel par la volonté du Seigneur. S'étant approché de l'autel, il prophétisa qu'un descendant de David, appelé Josias, serait chargé de châtier cette honteuse idolâtrie, et pour signe, il déclara que l'autel allait se déchirer en deux. Vous pouvez concevoir la colère du roi. En prononçant anathème contre le veau d'or, c'était son autorité même qu'on attaquait. Aussi, étendant la main, il ordonna de saisir le prophète; mais cette main, levée contre Dieu proprement, fut frappée de paralysie, et à l'instant, l'autel se fendit comme l'avait annoncé le jeune prophète.

1907. Ces deux miracles furent suivis d'une troisième merveille, qui semblait de nature à toucher le cœur de Jéroboam, car elle était destinée à lui montrer que l'Éternel est toujours prêt à faire grâce. Sur la demande de l'homme de Dieu, la main du roi fut rétablie en son premier état. Mais Jéroboam avait déjà fait de si grands pas loin de l'Éternel, que sa reconnaissance se porta vers le prophète plus que vers Celui dont il était le ministre. Cependant celui-ci avait reçu l'ordre formel de ne rien accepter, de marquer ainsi nettement qu'il ne voulait avoir aucune part avec des idolâtres. Bien plus, il devait s'en retourner par un autre chemin, en signe de la défiance légitime que lui inspirait Jéroboam; car ce prince ayant chassé de ses États les Lévites et les sacrificateurs, un messager de l'Éternel ne pouvait compter sur aucune protection dans son royaume (2 Chron. 11: 14).

1908. (11-32.) Hélas! ce prophète, si fidèle et si ferme en présence de Jéroboam, nous est un nouvel exemple de la fragilité humaine et des dangers auxquels on s'expose en s'écartant de la voie que Dieu nous trace. Il montre aussi que les tentations les plus fortes ne sont pas toujours les plus redoutables, et que les ennemis déclarés de notre foi sont moins dangereux que ceux qui la professent sans la partager. Un vieux prophète était demeuré à Béthel, et nous pouvons dire de lui que si jadis il avait annoncé la parole du Seigneur, il l'avait maintenant reniée, puisqu'il acceptait l'autorité religieuse de Jéroboam. Le rusé vieillard court après l'homme de Dieu. Il le trouve se reposant sous un chêne, il le supplie de rebrousser chemin et d'accepter l'hospitalité dans sa maison. Or, comme le prophète de Juda se défendait en rappelant l'ordre positif du Seigneur, son tentateur osa prétendre qu'un ange lui était apparu et qu'il ne faisait que reproduire ses paroles: mais il mentait.

1909. Le messager de l'Éternel aurait dû se défier du prophète prévaricateur encore plus que de Jéroboam. Il n'était pas impossible sans doute que le Seigneur eût révoqué son commandement, mais pourquoi ne l'en informait-il pas lui-même? Ah! peut-être le cœur de l'homme de Dieu se laissa-t-il prendre à la vanité ou à l'avarice; peut-être ne fut-il pas fâché d'avoir un prétexte pour se rapprocher d'un prince qui avait caressé son amour-propre; peut-être simplement céda-t-il à la fatigue et à la faim. On fait tant de choses pour diminuer sa peine! Quoi qu'il en soit, le voilà qui rebrousse chemin; le voilà bientôt assis à la table du vieux prophète, mangeant et buvant de l'interdit» Tant d'imprudence et de péché ne demeura pas longtemps sans punition. Le vieillard lui-même fut contraint d'annoncer à son hôte qu'une mort violente ne tarderait pas à châtier sa désobéissance, et peu après on releva sur le grand chemin le cadavre d'un homme de Juda, cadavre près duquel se tenaient paisiblement l'âne du voyageur et le lion qui avait exécuté le jugement de Dieu. La Bible ne nous dit pas si la mort trouva le jeune prophète dans une disposition de repentance qu'on se plaît à lui supposer; elle se borne à nous raconter la douleur déchirante du vieillard qui l'avait séduit. «Hélas! mon frère!» s'écria-t-il; mais que peut un hélas! pour réparer le mal qu'on a fait? La Bible nous dit aussi que cet homme n'eut plus aucun doute sur l'accomplissement de la prophétie prononcée contre le culte idolâtre institué par Jéroboam. Est-ce que ce fut pour lui et pour d'autres peut-être le moyen d'une vraie conversion: dans ce cas, on admirerait la miséricorde de Dieu, après tant de péchés.

1910. (33, 34; 14: 1-18.) Quant au monarque lui-même, rien ne le ramena du mauvais chemin dans lequel il était entré et qui pourtant ne lui inspirait au fond nulle confiance. C'est ce qu'on voit par la conduite qu'il tint à l'occasion d'un de ses fils, nommé Abija. Ce jeune homme, qui valait mieux que son père, étant tombé dangereusement malade, Jéroboam voulut connaître à son égard la volonté de l'Éternel; mais au lieu d'aller vers les veaux d'or, il consulta l'homme de Dieu qui lui avait prophétisé son avènement au trône. Il envoya sa femme vers lui, et, comme s'il y avait quelque chose de caché pour le Seigneur, il exigea qu'elle prît un déguisement. Le prophète Ahija lui annonça, non seulement que son fils allait mourir, ce qui était pour le jeune homme une grâce de Dieu, mais encore que ce malheur serait le prélude de maux bien plus terribles pour Jéroboam et pour sa famille. Puis, selon la marche ordinaire des prophéties, le Saint-Esprit rattache à ce fait particulier et prochain des événements plus généraux et plus éloignés. Ahija prédit que tout Israël serait châtié pour avoir suivi ses rois dans leur idolâtrie; qu'il se verrait arraché de son pays et transporté au-delà du fleuve, c'est-à-dire de l'Euphrate, comme cela eut lieu 250 ans plus tard. Ainsi donc, Dieu ne laissa pas son peuple entrer dans la voie du péché sans l'avertir des maux auxquels il s'exposait, Peut-être, il est vrai, Jéroboam et sa femme n'ébruitèrent-ils pas la prophétie d'Ahija; mais, par le fait, Israël n'en avait pas besoin pour connaître la punition qui attendait son apostasie [1030],

1911. (19-31; 2 Chron. 12.) Pendant que ces choses se passaient en Israël, nom que se donnèrent les tribus révoltées, le royaume de Juda recevait aussi sa part bien méritée des jugements de Dieu. Trois ou quatre ans s'étaient écoulés durant lesquels Roboam et son peuple avaient montré quelque zèle pour le service du Seigneur, aidés qu'ils étaient par la tribu des Lévites et des sacrificateurs chassés de leurs villes par Jéroboam, sans parler d'une foule d'Israélites des Dix Tribus qui avaient fui l'idolâtrie et s'étaient soumis au fils de Salomon, population nombreuse, serrée, puissante et généralement bien disposée. Mais Roboam ayant à son tour abandonné la loi de l'Éternel, dans le but peut-être de se réconcilier les tribus rebelles, le Seigneur suscita contre lui Seisçak, roi d'Égypte, qui s'empara de plusieurs villes, fit le siège de Jérusalem, et ne se retira qu'après avoir recueilli un immense butin. Tout eût été perdu si Roboam et son peuple ne se fussent humiliés à la voix du prophète Scémaja, et s'il n'y avait eu en Juda bon nombre de fidèles pour l'amour desquels Dieu épargna ce malheureux peuple. Cependant, il se ressentit longtemps d'un si grand échec. Par exemple, au lieu des magnifiques boucliers d'or qu'avait faits Salomon (1 Rois 10: 16, 17) et que Seisçak enleva, avec bien d'autres richesses, Roboam dut donner à ses gardes de simples boucliers d'airain. Voilà comment, pour quiconque s'éloigne du Seigneur, la gloire se change en ignominie.

1912. Roboam mourut l’an 958, après dix-sept ans de règne, laissant la couronne de David à son fils Abija, ou Abijam. Jéroboam régnait encore en Israël, et il ne s'était fait aucun rapprochement entre ces deux princes.


CXLV. — Règnes d'Abija et d'Asa, en Juda. Jéroboam, Nadah, Bahasça, Êla, Zimri, Tibni, Homri, Achab, en Israël.


1913. (15:1 -9; 2 Chron. 13.) Abija avait pour mère Micaja (qui est semblable à l'Éternel) appelée aussi Mahaca (celle qui opprime). Elle était fille d'Uriel et d'Abisçalom, l'un son père, l'autre son grand père, à moins que ce ne soit le même individu désigné sous deux noms, aussi bien qu'elle. Abija suivit le mauvais train de Roboam. Ce n'est pas dire qu'il vécut dans une grossière impiété; mais, à la différence de David son bisaïeul, il ne fut pas droit de cœur. C'était un de ces hommes qui se croient dans l'ordre parce qu'ils appartiennent à une Église bien organisée et d'une discipline rigoureuse (2 Chron. 13: 8). Personne cependant ne devait savoir mieux que lui ce que vaut la protection de l'Éternel. Il l'éprouva dès le commencement de son règne dans une bataille où deux armées formidables, ou plutôt deux nations, se trouvèrent en présence: l'une de huit cent mille hommes sous les ordres du vieux roi Jéroboam, l'autre de quatre cents mille sous ceux d'Abija. Celui-ci, s'étant réclamé du nom de l'Éternel et ayant, avant la bataille, sollicité les tribus rebelles à rentrer sous la domination de leur roi et de leur Dieu, remporta une éclatante victoire dans laquelle la redoutable main du Très-Haut se fit sentir aux idolâtres. Par suite, une grande partie du territoire d'Ephraïm tomba entre les mains d'Abija et vint accroître ses provinces. Mais il ne jouit pas longtemps de sa victoire, car il mourut après trois ans de règne, l'an 955. Jéroboam vivait encore, rappelant aux successeurs de Salomon les fautes de leur père.

1914. (1 Rois 9-15; 2 Chron. 14: 1-8.) À ce règne si court succéda le règne à la fois long et heureux d'Asa, prince intègre et pieux comme David. Il devait être fort jeune quand il monta sur le trône, aussi fut-ce Mahaca qui tint d'abord les rênes du gouvernement. C'est pour cela sans doute qu'elle est appelée sa mère, comme au reste il est dit fils de David, et nous avons vu que cette faconde parler était familière aux Hébreux. Mahaca, d'ailleurs, vivait dans les pratiques de l'idolâtrie, ce qui n'empêcha pas que son petit-fils n'eût un grand zèle pour le service de l'Éternel. Il supprima les temples des faux dieux, et profita de la paix dont l'Éternel faisait jouir son royaume pour fortifier plusieurs villes et mettre son armée dans le meilleur ordre.

1915. (2 Chr. 14: 9-15.) Asa régnait depuis dix ans, lorsqu'il vit ses États envahis par une immense armée d'Éthiopiens, peuple descendant de Cus [237]. Il se peut qu'ils vinssent simplement de l'Arabie, à moins qu'ils n'habitassent déjà le pays appelé maintenant de leur nom, et qu'après avoir traversé l'Égypte en conquérants, ils ne se fussent jetés sur l'Asie, et d'abord sur la Judée. Sans se laisser effrayer par cette multitude d'ennemis, Asa leur présenta son front de bataille en invoquant le secours du Seigneur. Sa prière fut admirable, et le Saint-Esprit l'a dès lors bien souvent mise dans le cœur des enfants de Dieu lorsqu'ils ont eu à lutter contre de nombreux adversaires: «O Éternel! il ne t'est pas plus difficile d'aider celui qui n'a point de force que ceux qui sont en grand nombre. Aide-nous, Éternel notre Dieu! car nous nous sommes appuyés sur toi et nous sommes venus en ton nom contre cette multitude. Tu es l'Éternel notre Dieu! que l'homme ne prévale pas contre toi!» La foi d'Asa ne fut point trompée; il remporta sur les Éthiopiens une victoire dont ils ne purent se relever.

1916. (15: 1-18.) Quelque temps après, un prophète de l'Éternel, Hazarja, se présenta devant Asa pour l'exhorter à bannir de son royaume tout ce qu'il s'y trouvait encore de culte et de pratiques idolâtres. Ce n'était pas lui conférer un pouvoir religieux semblable à celui que s'était arrogé Jéroboam, caries rois sont tout naturellement tenus de réparer le mal qu'ont fait leurs prédécesseurs; dans ce cas surtout, il ne s'agissait d'autre chose que de rendre à la loi de l'Éternel son libre cours. Aussi le prophète dit-il à Asa: «L'Éternel est avec vous pendant que vous êtes avec lui; et si vous le cherchez, vous le trouverez; mais si vous l'abandonnez, il vous abandonnera.» Pour preuve, il lui rappela l'histoire si instructive des tribus d'Israël au temps des Juges. Asa fit selon la parole du Seigneur. La quinzième année de son règne, il réunit à Jérusalem tous ses sujets fidèles de Benjamin et de Juda, y compris Siméon, qu'il n'en faut point séparer [1162], puis les Lévites et les sacrificateurs, avec un grand nombre d'Israélites des tribus d'Ephraïm et de Manassé qui étaient venus s'établir sur son territoire pour servir l'Éternel selon leur conscience. Il y eut là une grande fête où l'on immola sept cents taureaux et sept mille brebis, chiffres considérables, mais bien inférieurs à ceux des sacrifices de Salomon en pareille circonstance (1 Rois 8: 63). Il faut dire que Salomon régnait sur les douze tribus.

1917. (1 Rois 15: 16-24; 2 Chr. 15: 19; 16: 1-14.) Pendant les vingt-cinq premières années de son règne (c'est par une faute évidente de copiste que l'original dit trente-cinq), Asa n'eut point de guerre à soutenir contre les rois d'Israël, quoi qu'il n'y eût proprement nulle paix entre eux et lui; mais à la vingt-sixième, il fut sérieusement menacé par Bahasça, qui avait assassiné le fils de Jéroboam et lui avait succédé. Tandis que ce prince fortifiait la ville de Rama, dont il s'était emparé et qui le rapprochait singulièrement de Jérusalem, Asa fit, à grand prix d'argent, une alliance offensive avec Benhadad, roi de Syrie. Cette politique lui réussit d'abord; car Benhadad ayant envahi le territoire israélite, Bahasça dut courir à ce nouvel ennemi, et le royaume de Juda se trouva délivré du danger qui le menaçait.

1918. Mais ce n'est pas le tout que de se tirer d'affaire, il faut savoir encore si l'on a employé de bons moyens. Asa avait manqué de foi, oubliant, dans son ingratitude, le secours que l'Éternel lui avait accordé jadis contre les Éthiopiens. C'est pourquoi le prophète Hanani lui fit de vifs reproches de son défaut de confiance; mais, au lieu de reconnaître ce tort, le malheureux monarque, enflé par une longue prospérité, fit mettre en prison le prophète du Seigneur. Dès ce moment, il ne cessa d'être en guerre avec Bahasça; son caractère s'aigrit; non content d'avoir persécuté le prophète, il se mit à opprimer bon nombre de ses sujets et peut-être les plus pieux. Quel contraste avec le commencement de son règne! Enfin, deux ans avant sa mort, il fut atteint d'une maladie dont il ne put se relever. C'étaient, ou des ulcères aux pieds, ou la goutte. Dans tous les cas, il nous est dit qu'Asa, persistant à mal faire, eut plus de confiance aux médecins qu'en la puissance du Seigneur. On brûla beaucoup d'encens sur son sépulcre; mais si ce pauvre prince ne fit pas monter devant le trône de la grâce le parfum de la repentance et de la foi, ce qu'on aime à espérer, nous pouvons bien dire que sa fin fut déplorable.

1919. (1 Rois 15: 25-31.) Quelque triste que soit, à plusieurs égards, le spectacle que nous offre le royaume de Juda, depuis Roboam jusqu'à la mort d'Asa, c'est-à-dire pendant quarante-quatre ans, l'histoire de celui d'Israël durant cette même période est bien plus triste encore. Jéroboam ayant survécu d'à peu près cinq ans à Roboam, eut pour successeur son fils Nadab, qui monta sur le trône l'an 934, la seconde année du règne d'Asa. Il imita son père en toutes choses, et lorsqu'on imite le mal, il est rare qu'on ne l'exagère. Aussi n'y avait-il pas bien longtemps qu'il avait ceint le diadème, lorsqu'il fut assassiné par Bahasça, de la tribu d'Issachar. Il était alors occupé à faire le siège d'une ville appartenant aux Philistins; car les désordres des Israélites avaient redonné des forces à leurs anciens ennemis. Ce fut d'ailleurs de cette manière que s'accomplirent les menaces de l'Éternel contre la famille de Jéroboam (14: 10, 11).

1920. (32-34; 16: 1-7.) Bahasça, monté sur le trône l’an 953, régna vingt-quatre ans environ. Il suivit avec opiniâtreté la politique impie de Jéroboam et de Nadab; aussi le prophète Jéhu, fils de Hanani, dut-il lui déclarer que sa fin et celle de ses enfants seraient semblables à la fin de Jéroboam et de sa malheureuse famille. Peu de temps après, l'année même, paraît-il, où il avait déclaré la guerre à Asa [1917], le roi d'Israël mourut. On l'enterra dans la tribu d'Ephraïm, à Tirtsa, sa résidence, comme elle l'avait été de ses prédécesseurs.

1921. (8-22.) Ela, son fils, lui succéda; mais il mourut la seconde année do son règne, assassiné au milieu d'une orgie, par un de ses serviteurs nommé Zimri. Celui-ci n'eut que tout juste le temps d'exécuter les jugements de Dieu contre la famille de Bahasça et de ses adhérents. L'armée ayant proclamé Homri général en chef, Zimri mit le feu au palais des rois et s'ensevelit dans les flammes, une semaine après l'assassinat d'Ela. Alors le peuple d'Israël se divisa en deux partis, dont l'un voulait Homri pour roi, et l'autre, un nommé Tibni, fils de Guinath. Il y eut une mêlée dans laquelle Tibni succomba, et Homri fut reconnu roi par les tribus, l'an 928 avant l'ère chrétienne.

1922. (23-26.) Homri ne fut pas meilleur que ses devanciers. Il perpétua le faux culte institué par Jéroboam, culte auquel ce malheureux peuple s'habituait de plus en plus. Ce qui rendit son règne remarquable, ce fut la fondation d'une ville qui devint la capitale du royaume d'Israël. Après avoir résidé six ans à Tirtsa, Homri acheta d'un nommé Somer une colline non loin des monts d'Hébal et de Garizim [1144, 1160]. Il y bâtit une cité qui, du nom même de la colline, fut appelée Samarie, et occupait une situation très forte et assez centrale dans le pays.

1923. (27-29.) Homri mourut dans la douzième année de son règne, laissant pour successeur un homme qui fut un vrai fléau de Dieu et dont le nom n'a jamais cessé d'être en exécration, ainsi que celui de sa femme. Il s'appelait Achab, et la reine, Jézabel. Asa régnait encore à Jérusalem; mais il mourut trois ans après, remplacé par son fils Josaphat. Avant de retracer l'histoire de ce dernier prince, nous avons à raconter celle d'Achab, histoire fort triste, qui se lie toutefois à celle d'un des plus grands prophètes de l'Éternel.


CXLVI. — Règne d'Achab. Le prophète Élie.


1924. (16: 30-34.) Achab, fils de Homri, monta sur le trône l'an 917. Il avait épousé Jézabel, fille du roi des Sidoniens. Cette méchante femme exerça sur son époux un tel empire qu'elle l'entraîna dans toutes sortes de crimes, après lui avoir inculqué sa propre idolâtrie, idolâtrie pire que celle de Jéroboam et de ses successeurs. Achab prit Bahal pour dieu; il lui érigea un temple à Samarie et il y planta un bocage pour cacher les abominations qui accompagnaient le culte des fausses divinités. L'oubli du Seigneur devint tel sous son règne, qu'un de ses sujets, nommé Hiel, de Béthel, osa faire une entreprise que, jusqu'à ce jour, on avait tenue pour maudite. Il releva les murs de Jéricho; mais, selon la prophétie prononcée par Josué plus de cinq siècles auparavant, ses deux fils y périrent de mort violente (Josué 6: 26).

1925. (17: 1.) Il y avait quelques années que régnait Achab (ce pouvait être vers l'an 910), lorsque l'Éternel lui envoya un prophète nommé Eliahou, en français Élie. Il était de Tisçbé ou Tisçba, dans le pays de Galaad. Le récit de sa mission est d'une extrême brièveté, mais il n'est pas trop difficile de suppléer au silence de l'historien. Le prophète, sans doute, reprocha vivement à Achab son idolâtrie et ses désordres, puis il lui dénonça les jugements de Dieu. Et comme le monarque exprimait son mépris pour de telles menaces, Élie lui dit, ainsi que l'Écriture le rapporte: «Eh bien, tu apprendras par de douloureuses expériences que mon Dieu est un Dieu vivant et non une vaine idole semblable à ton Bahal. Tu sauras aussi que je suis réellement son messager, car tes États vont être désolés par une sécheresse qui ne cessera qu'à ma prière.»

1926. (2-9.) Pour le mettre à couvert de l'irritation dont ces paroles remplirent le cœur d'Achab, le Seigneur enjoignit à Élie de se cacher près du Kérith, torrent qui, descendant des montagnes d'Ephraïm, se jetait dans le Jourdain. Là, des corbeaux apportaient soir et matin du pain et de la viande, non pour leurs petits, qu'ils nourrissent plutôt de chair corrompue, mais pour le prophète même de l'Éternel: bel exemple du soin que le Seigneur prend de ses serviteurs quand ils sont où il les veut. Élie d'ailleurs buvait de l'eau du torrent. Mais la sécheresse se prolongeant, le Kérith vint à tarir; et bien que Dieu eût pu faire sortir de l'eau du rocher, il jugea bon de tirer Élie de sa retraite, afin de le rendre l'instrument de ses miséricordes auprès d'une pauvre veuve de Sarepta. C'était une étrangère, une compatriote de l'impie Jézabel, en qui le Seigneur voulait montrer comment il fait grâce à qui il lui plaît.

1927. (10-16.) Soit que la famine qui commençait à ravager le royaume d'Israël se fût étendue aux États du roi de Sidon, d'où venait la grossière idolâtrie d'Achab et de son peuple, soit que la veuve que Dieu plaça sur le chemin du prophète eût été, par d'autres causes, réduite à la plus complète indigence, il est de fait qu'elle n'avait plus rien pour sa subsistance ni pour celle de son enfant. Je me trompe: elle possédait encore une poignée de farine et une goutte d'huile, dont elle allait faire un gâteau; après quoi il ne lui resterait plus qu'à mourir! Or, voilà l'Israélite qui exige qu'elle lui fasse le sacrifice de sa dernière ressource, lui promettant que, dès cette heure jusqu'au retour de la pluie, elle ne manquerait ni de farine, ni d'huile! Il plut au Seigneur que la parole de son prophète pénétrât dans le cœur de cette pauvre femme. Par la foi, elle obéit, et l'Éternel lui tint toutes ses promesses. Celle-là aussi devint fille d'Abraham. [1107].

1928. (17-24.) Mais sa foi ne devait pas tarder à subir une plus forte épreuve. L'enfant tomba malade et il mourut. Perdre son fils, dans le temps même que Dieu faisait un miracle journalier pour le nourrir, lui et sa mère, non moins que le prophète! Qu'es-tu donc venu faire chez moi? dit-elle à l'homme de Dieu.Est-ce pour me punir de mes péchés? Les grâces que l'Éternel m'a accordées par ton moyen n'étaient-elles destinées qu'à me rendre plus coupable à ses yeux? Paroles d'un cœur humble, mais ulcéré; paroles où le murmure se dissimule à peine et dont cette pauvre femme dut être bien confuse, lorsqu'elle vit dans quelle intention l'Éternel l'avait frappée. Élie pria pour la mère affligée; son enfant lui fut rendu; le bruit de ce miracle dut parvenir aux oreilles d'Achab, et tout cela avait pour but de glorifier le Dieu d'Israël. Hélas! peut-être n'y eut-il, à ce premier moment, que la veuve de Sarepta qui comprît ce qui lui avait été fait. Elle croyait déjà, mais sa foi fut affermie.

1929. (18: 1-5.) On en était à la troisième année de disette, lorsque l'Éternel, toujours miséricordieux et compatissant, donna charge à Élie de se présenter devant le roi d'Israël, pour mettre fin au fléau qui désolait le pays et qui s'était fait sentir jusque dans la capitale et dans le palais d'Achab. Ce prince, bien que fort impie, avait pour maître d'hôtel un homme pieux nommé Abdias. Celui-ci était parvenu à garantir des violences de Jézabel une centaine de prophètes qu'il avait nourris en secret; d'où nous apprenons, tout à la fois, qu'il restait quelque peu de piété en Israël et que le Seigneur y entretenait des hommes chargés de rappeler au peuple sa parole, mais que l'abominable Sidonienne avait exercé contre eux une affreuse persécution.

1930. (6-14.) Dans la détresse où se trouvait le pays, Achab lui-même et son serviteur Abdias étaient partis, chacun de son côté, pour s'assurer de l'état des choses et voir s'ils trouveraient, quelque part, du fourrage de quoi sauver la vie des chevaux et des mulets que le roi entretenait dans ses écuries; car il est plus facile de faire venir de loin la nourriture des hommes que celle des animaux. Comme Achab et Abdias poursuivaient leur tournée, celui-ci rencontre inopinément sur son chemin le prophète Élie. Aussitôt il se prosterne devant lui avec une profonde vénération; mais en apprenant qu'il doit annoncer au roi l'arrivée du prophète, la frayeur le saisit. Elle était exagérée, comme il arrive souvent. Abdias craignait de se compromettre en se faisant porteur d'un tel message; c'est-à-dire que sa foi se montra faible, au moment où tout semblait propre à la fortifier.

1931. (15-18.) Abdias, rassuré par la promesse que lui fit Élie de ne point se soustraire à la colère du monarque, n'hésita plus à s'acquitter de sa commission, et bientôt Achab et le prophète se trouvèrent en présence. «Te voilà! s'écria le roi; te voilà, toi qui troubles Israël! — Je n'ai point troublé Israël, dit Élie; c'est toi et la maison de ton père qui l'avez troublé en abandonnant les commandements de Jéhovah pour servir les Bahalins...»Dans tous les temps, on a vu les méchants imputer aux serviteurs de Dieu les agitations qu'ils excitent eux-mêmes contre les paisibles dépositaires de la vérité. Il est sûr qu'il y avait en Israël bien des consciences émues, que le sang de beaucoup de martyrs avait coulé; la faute toutefois n'en était pas aux prophètes de l'Éternel. C'est ce qu'Élie représente à Achab avec une grande force et avec la sainte liberté d'un homme de Dieu.

1932. (19-21.) Mais il n'était pas venu seulement pour le fils d'Homri. Il fallait éclairer le peuple sur la folie du culte qu'il rendait aux idoles. Jamais le mal n'avait été aussi grave, et jamais, en conséquence, il ne fut plus nécessaire de glorifier d'une manière éclatante le Dieu vivant et vrai. Élie invita donc le Dieu d'Israël à convoquer son peuple sur le mont Carmel, à y réunir les prêtres de Bahal, à ouvrir une sorte de tournoi dans lequel il serait seul contre tous. Achab consentit sans peine, espérant peut-être que le peuple irrité se jetterait sur le prophète et se chargerait lui-même de satisfaire la colère de son prince.

1933. Ce ne fut pas ainsi toutefois que les choses se passèrent. Quand le peuple fut assemblé, le Tisçbite commanda promptement l'attention de cette multitude et la réduisit au silence en lui adressant une apostrophe à laquelle il n'y avait rien à répliquer: «Vous voulez, leur dit-il, servir à la fois l'Éternel et Bahal! mais, c'est boiter des deux côtés. Car si l'Éternel est Dieu, Bahal ne l'est pas; et si Bahal est Dieu, Jéhovah ne l'est pas. Vous ne saurez adorer l'un sans mépriser l'autre; en sorte que, dans tous les cas, vous insultez ou l'Éternel ou Bahal. Décidez-vous donc une bonne fois à marcher de pied droit, d'une manière ou d'une autre!» — C'est le langage même que Josué avait tenu à leurs pères (Jos. 24: 15); c'est encore celui que nous tient l'Évangile (Matth. 6: 24). En effet, il est impossible qu'il y ait deux êtres éternels, également vrais et toutefois opposés l'un à l'autre (Deut. 6:4). Nul n'est Dieu que celui qui s'est révélé à nous par sa Parole: ce que les hommes divinisent ne saurait être qu'un pur néant, le fruit de leur imagination dépravée, la créature mise à la place du Créateur, ou Satan se faisant Dieu. C'est ce que les Israélites auraient bien pu savoir, s'ils l'avaient voulu; mais ce même Satan, qui est appelé le Dieu de ce siècle, leur avait aveuglé les yeux (2 Cor. 4:4).

1934. (22-37.) Pour les retirer de cet aveuglement, Élie demande qu'on prenne deux veaux et que les prêtres de Bahal en offrent un à leur dieu, tandis qu'il consacrerait l'autre à l'Éternel. Si Bahal envoie du ciel un feu qui consume la victime, Bahal sera reconnu pour le vrai Dieu; Élie aussi soumettra son sacrifice à la même épreuve. On s'étonne peut-être que les prêtres de Bahal aient accepté le défi. Mais le peuple l'exigeait. En s'y refusant, ils exposaient leur vie, autant qu'en échouant dans leur tentative. D'ailleurs, le fanatisme produit souvent sur les cœurs des effets fort semblables à ceux de la foi. Les ministres des faux cultes ne sont pas tous des imposteurs, et la créance sincère que beaucoup de gens accordent aux dieux de leur invention, n'est pas la moindre des malédictions de l'idolâtrie. Vous voyez ce fanatisme des prêtres de Bahal dans les supplices que ces malheureux s'infligeaient pour se faire écouter de leur idole, coutume horrible et assez commune chez les fauteurs de la superstition.

1935. Rien ne servait; et, tandis que les prêtres de Jézabel se livraient à ces folles pratiques, Élie les excitait et les confondait par des paroles pleines d'une sainte ironie, paroles que lui dictait son amour pour Israël, non moins que sa juste indignation. Aussi, lorsqu'il eut invité la foule à relever l'autel du Seigneur, il la vit accourir et lui prêter assistance dans l'accomplissement de cette œuvre sacrée. À l'exemple de Josué et de Moïse (Jos. 4: 20; Exode 24: 4), Élie prit douze pierres, selon le nombre des tribus d'Israël, afin de rappeler à ce peuple ses anciennes relations avec leurs frères de Juda et de Benjamin; puis, l'autel étant érigé, il y plaça le veau du sacrifice. Répandant alors de l'eau en abondance sur la victime et tout autour, il se tint à distance avec le peuple et prononça, comme tant de ses prédécesseurs, une prière éclatante de foi et de zèle pour la gloire de Dieu.

1936. (38-40.) Ce fut à cet instant que l'Éternel jugea d'une manière décisive le procès qu'il avait avec son peuple et avec le dieu de l'impie Jézabel. Un feu venant du ciel consuma l'holocauste et le bois, et les pierres, et l'eau qu'on avait répandue. Le peuple voyant cela, se prosterna contre terre et s'écria: «C'est Jéhovah qui est Dieu! c'est Jéhovah qui est Dieu!» Mais si l'Éternel est Dieu, sa loi doit être observée. Or, elle imposait aux Israélites l'obligation de faire mourir les suppôts de l'idolâtrie (Deut. 13: 6-18). C'est pour cela qu'Élie invita le peuple à saisir les prophètes de Bahal et à les mettre à mort. La sentence était juste; Achab n'y pouvait faire opposition; le peuple, juge et exécuteur des sentences capitales d'après la loi de l'Éternel, emmena ces misérables vers le torrent de Kison, au pied du Carmel, et il leur infligea la peine de leurs iniquités. À la vue d'un tel spectacle, on répète pour la centième fois: Oh! que c'est une chose terrible que de se détourner du Dieu vivant!


CXLVII. — Fuite et retour d'Élie.


1937. (41-46.) Il est rare que Dieu déploie sa justice sans donner en même temps des témoignages de sa miséricorde. Pour agir avec une nouvelle puissance sur le cœur des Israélites, il fit enfin venir la pluie bienfaisante après laquelle on soupirait depuis tant de mois. Elle était encore loin, qu'Élie parlait comme si elle se fût déjà répandue sur la terre. Tandis que le roi prenait son repas, il gagna le sommet du Carmel avec son serviteur, et, dans l'attitude d'un homme absorbé par la méditation, il attendait l'accomplissement de ce qu'il espérait. Au bout d'un certain temps, une petite nuée parut sur la mer, un point presque imperceptible, tel qu'est souvent l'œuvre de la grâce de Dieu à son origine. Mais, par la foi, le fidèle voit les choses qui ne sont pas comme si elles étaient déjà. «Hâte-toi, dit Élie à Achab, de peur que la pluie ne te surprenne.» Achab monta donc en son chariot et courut à Jisréel; Élie, porté par la main de Dieu, y fut avant le roi, mais il ne paraît pas qu'il soit entré dans la ville.

1938. (19: 1, 2.) Quand Jézabel apprit par Achab ce qui s'était passé sur le Carmel, elle se mit dans une violente colère. Elle ne pouvait nier sans doute que Jéhovah n'eût remporté une éclatante victoire sur son Bahal; mais qui dira si, dans sa superstition, elle ne l'attribuait pas à ce que ses prêtres n'avaient pas eu assez de foi et d'énergie pour se jeter sur Élie dès le premier moment et pour le mettre en pièces? Quant à la pluie qui était survenue, elle n'y voyait probablement qu'un phénomène tout naturel. Loin donc de se laisser ébranler, elle jura la mort d'Élie; et, soit qu'elle se crût sûre de la réussite, ou qu'elle voulût simplement l'intimider, ce qui est quelquefois la seule pensée des persécuteurs, elle le fit prévenir du sort qui l'attendait.

1939. (3, 4.) Si Jézabel n'avait d'autre intention que celle d'éloigner Élie, elle y réussit parfaitement. Saisi d'une grande crainte et traversant tout le royaume de Juda, bien qu'assurément rien ne l'y menaçât, le prophète se sauve jusqu'à Béerscébah, lieu célèbre dans l'histoire des patriarches [351, 573]. Non content de cela et pour trouver une retraite où le bruit des hommes ne puisse l'atteindre, il quitte son serviteur et s'enfonce dans le désert. Cet illustre prophète nous est un nouvel exemple de la faiblesse humaine. Il se laisse emporter par un mouvement de crainte excessive, et la raison peut-être, c'est qu'il s'était exagéré les effets probables des miracles du Carmel. Vaincu par la puissance divine, le peuple avait proclamé Jéhovah comme Dieu, mais cela ne voulait pas dire que les cœurs se fussent convertis; Achab lui-même eut la bouche fermée, mais il ne s'en suivait pas que la reine se tiendrait pour battue. Dans tous les cas, Élie oublie la protection dont l'Éternel l'avait constamment entouré. Aussi, quand il fut dans le désert, il éprouva que la solitude n'est pas toujours un baume sur les plaies de l'âme. Il y sent d'autant plus vivement sa misère, il demande que Dieu le retire de ce monde; mais c'était pur découragement, et le découragement n'est pas un fruit de l'Esprit de Dieu. Dans tout cela, comme le dit l'Écriture, Élie suivit son propre cœur, son pauvre cœur, hélas! comme est le nôtre: «Élie était un homme sujet aux mêmes infirmités que nous» (Jacq. 5: 17).

1940. (5-8.) Le Seigneur cependant eut compassion de son prophète. Comme il dormait, un ange lui apparut, qui, le réveillant, lui montra les aliments que Dieu lui avait préparés. Après avoir satisfait sa faim, Élie se rendormit avec le même abattement. Réveillé de nouveau et d'une manière toute semblable, il fit un second repas. Celui-ci lui donna, par la vertu d'en haut, les forces qu'il lui fallait pour achever son voyage. Or, soit qu'il en eût conçu lui-même le dessein ou que Dieu le lui eût tracé, c'était manifestement un voyage prophétique. Israël ayant oublié la loi de l'Éternel, l'homme de Dieu devait monter sur la sainte montagne où la loi avait été promulguée jadis, comme pour prêcher par là combien il était nécessaire qu'Israël tout entier y retournât du cœur. Quant à la force dont Dieu revêtit Élie par un seul repas, elle est une belle image de l'effet que peut produire une seule prédication, une cène du Seigneur, un mot de la sainte Écriture, lorsque tel est le bon plaisir de la grâce d'en haut.

1941. (9,10.) Restauré dans son âme aussi bien que dans son corps, Élie se rendit donc à Horeb et il entra dans une grotte pour y passer la nuit. Là, il eut une révélation de l'Éternel qui rappelle les plus grandes scènes des anciens temps [847]. Le Seigneur lui demanda ce qu'il faisait en des lieux si éloignés du pays de ses pères et du vrai champ de sa mission. Le prophète, appelé à se rendre compte de sa conduite et de ses sentiments intimes, put déclarer qu'au fond, toute sa douleur venait de la sainte jalousie qu'il éprouvait pour la gloire de l'Éternel. Il n'était pas insensible, sans doute, aux dangers qu'il avait courus ni à l'isolement dans lequel il vivait depuis plusieurs années; mais ce qui l'affectait surtout, c'était le mépris des fils d'Israël pour les lois et le culte du Dieu de leur père. Ah! bienheureuses les âmes qui, avec Élie et avec David, peuvent dire: «Des ruisseaux de larmes ont coulé de mes yeux, parce qu'on n'observe pas ta loi» (Ps. 119: 136).

1942. (11-18.) Alors l'Éternel invita le prophète à sortir de sa grotte, car il avait un nouveau message à lui confier. Il y eut donc un vent véhément, auquel succéda un tremblement de terre, puis un feu, comme si le ciel et la terre eussent été embrasés par la foudre. Tel est l'Éternel pour ses adversaires. Mais pour ceux qui le servent, il est ce son doux et léger qui vint réjouir le cœur d'Élie. Aussi n'hésita-t-il pas à sortir au-devant du Seigneur et il entendit encore une fois cette question: «Élie, que fais-tu ici?» Le prophète, parfaitement sincère, n'avait rien de plus ni rien de moins à répondre que la première fois, et, par la grâce de Dieu, son âme était dans la disposition la plus favorable pour continuer l'œuvre à laquelle le Seigneur l'appelait. Ah! quand un missionnaire, un ministre de Jésus-Christ, un chrétien quelconque, est jaloux de la gloire de Dieu plus que de toute autre chose, il est prêt à aller partout où Dieu le veut et à l'y servir de la manière que le Seigneur trouve la plus convenable!

1943. Élie eut donc ordre de se rendre à Damas par le désert oriental, d'y oindre (ce qui peut signifier simplement d'y désigner) pour roi de Syrie, un nommé Hazaël; d'en faire autant à Jéhu, fils de Nimsci, que Dieu voulait placer sur le trône d'Israël; d'appeler enfin l'Israélite Élisée, fils de Sçaphat, à lui succéder dans sa charge de prophète. L'Éternel lui annonça d'ailleurs, en des termes assez faciles à comprendre, que ces trois hommes seraient les représentants et les exécuteurs de sa justice contre le royaume d'Israël. Ce n'était pas cependant que l'impiété y fût aussi universelle que le pensait Élie. Le Seigneur lui apprit, pour la consolation de son âme, qu'il y avait là sept mille hommes qui n'avaient point fléchi le genou devant Bahal, ni baisé son image. Ceci constituait le principal acte de l'adoration [1622]; car adorer, par son étymologie, veut dire proprement approcher de sa bouche, et il est triste de penser qu'aujourd'hui même les catholiques-romains rendent un culte tout semblable aux statues et aux portraits de leurs demi-dieux. Adresser même un tel hommage au crucifix est un véritable acte d'idolâtrie, car c'est lui donner un honneur que le Seigneur réclame pour lui personnellement, en esprit et en vérité. Quoi qu'il en soit, il y avait donc en Israël, au milieu des plus affreuses superstitions, sept mille élus de Dieu qui avaient été préservés de la contagion générale. Ce fait doit être plein de consolation pour nous, comme il le fut pour le prophète Élie; car il nous montre que Dieu a toujours eu un peuple sur la terre.

1944. (19-21.) La Bible, supprimant les détails moins essentiels, ne raconte ensuite que la vocation d'Élisée. Plus tard, nous retrouverons Hazaël et Jéhu, ces deux fléaux de Dieu. Quant au futur successeur d'Élie, on voit que c'était un homme qui possédait de grands biens, et un des sept mille qui n'avaient pas fléchi le genou devant Bahal. Aussi ne balança-t-il pas à tout quitter pour suivre, en qualité de serviteur, le serviteur de l'Éternel. Une carrière de fatigues et de renoncement s'ouvrait devant lui, il ne pouvait l'ignorer; mais la manière dont il y entra prouve que sa foi n'était pas au-dessous de sa tâche. Tout quitter pour suivre Jésus: c'est encore ce à quoi le Seigneur nous appelle. Puissions-nous le faire dans l'esprit d'Élie et d'Élisée!


CXLVIII. — Fin du règne d'Achab.


1945. Nous avons eu déjà bien souvent à admirer la bonté et la patience de l'Éternel envers les pécheurs, mais nulle part elles ne brillent avec plus d'éclat que dans l'histoire d'Achab. Dieu choisit le temps où le royaume d'Israël subissait volontairement le joug des impies, non seulement pour lui envoyer son grand prophète Élie, mais encore pour lui accorder des délivrances signalées; tant il avait à cœur de convaincre les Israélites que lui seul est Dieu, et qu'il était prêt à leur rendre sa grâce s'ils se convertissaient à lui. Voici les faits:

1946. (20: 1-12.) Le roi de Syrie, Benhadad, ayant réuni une armée considérable, traverse le territoire des tribus et vient assiéger Samarie. Rien ne peut résister à sa marche rapide; il somme Achab de reconnaître sa domination, et Achab est obligé de se soumettre. Il croyait que Benhadad se contenterait d'un hommage comme de vassal à suzerain; mais quand il voit que le roi de Syrie exige sérieusement qu'il se remette entre ses mains avec tout ce qui lui appartient, il s'y refuse positivement; ensuite de quoi Benhadad menace de prendre la ville d'assaut. Vous remarquerez dans ce récit les paroles hautaines et hyperboliques du roi de Syrie et la sage réponse du fils d'Homri. En effet, comme le dit Achab, ce n'est pas au commencement d'une entreprise qu'il faut se glorifier, mais à la fin, car qui sait quelle en sera l'issue? Il n'y a que le chrétien à qui il soit permis de se réjouir dès les premiers pas dans la carrière de la foi, parce qu'il est sûr que celui qui a commencé l'œuvre l'achèvera; encore ne se glorifie-t-il pas en lui-même, mais dans le Seigneur.

1947. (13-21.) Sur ces entrefaites, arrive près d'Achab un prophète chargé de lui annoncer la victoire au nom de l'Éternel. Le roi hésite. Il avait si peu de monde avec lui! Mais comme il n'imaginait, après tout, aucun autre moyen de se tirer d'affaire, il se décide à attaquer le camp syrien. Sa petite troupe sort de Samarie en plein midi; non pas le matin, comme lorsqu'on se prépare à une bataille rangée, ni le soir, pour s'envelopper des ombres de la nuit; mais au moment où Benhadad, libre de toute inquiétude, s'enivrait avec les rois qu'il s'était associés et dont il avait fait ses généraux. Benhadad, méprisant cette poignée d'ennemis, ne se disposait pas même au combat, lorsqu'il voit ses retranchements envahis, son armée en pleine déroute, et cette immense multitude d'autant plus facilement battue qu'elle s'embarrassait par son grand nombre.

1948. (22-34.) Pour achever de convaincre Achab qu'il ne devait pas sa victoire à la fortune, comme disent les mondains, mais à la protection de l'Éternel, le prophète qui lui avait déjà parlé, lui annonça que Benhadad reviendrait l'année suivante, et l'exhorta fortement à se tenir sur ses gardes. Aveuglé par son incrédulité, le roi d'Israël ne tint compte de cet avis; car un an après, Benhadad put envahir de nouveau le pays et s'avancer jusqu'à la ville d'Aphek, dans la tribu d'Issachar. Achab eût mérité cent fois d'être abandonné de l'Éternel; mais il ne s'agissait pas de lui ni de sa gloire. Le roi de Syrie, plein de ses idées superstitieuses, avait dit que Jéhovah était un Dieu de montagnes, et que, dans la plaine, il ne pourrait tenir contre ses armées. Or l'Éternel voulait montrer qu'il est le même en tous lieux, et que, nulle part, l'homme mortel ne saurait être plus fort que lui.

1949. Benhadad fut donc battu de nouveau par les Israélites, malgré l'extrême infériorité de leurs forces. Cerné dans la ville d'Aphek, il dut se mettre à la merci d'Achab. On voit quelques lignes plus bas (42) que l'Éternel avait ordonné de traiter Benhadad à la façon de l'interdit [1376]. Mais Achab, qui profitait volontiers des grâces de Dieu, se souciait peu de faire sa volonté. Non seulement il accorde la vie à celui qui avait insulté Jéhovah, mais encore il confirme l'alliance qui avait existé entre leurs pères. Il faut dire qu'il recouvra quelques-unes des villes que les Syriens lui avaient enlevées; mais il n'y a qu'un homme sans piété qui puisse mettre en parallèle des avantages terrestres et le crime de désobéir formellement à un ordre du Seigneur.

1950. (35, 36.) Il n'est pas de moyen que Dieu n'ait employé pour nous montrer qu'il veut être obéi. Voyez ce fils de prophète [1352] qui meurt d'une mort violente, parce qu'il a refusé d'obtempérer au commandement de l'Éternel. Voyez surtout ce que le Seigneur fait annoncer à Achab (37-42), et comment il accompagne cette prédiction de circonstances propres à la faire pénétrer dans le fond de ce cœur endurci. Le roi prononce sa propre sentence en condamnant le prophète, qui, par une espèce de parabole [1532], disait avoir laissé échapper un ennemi qu'on avait confié à sa garde. En présence de ces choses, Achab devint fort triste, mais non d'une bonne tristesse, car il fit voir une grande irritation. Hélas! malgré de si grandes délivrances, son cœur demeurait loin de Dieu.

1951. (21: 1-4.) Nous en avons une nouvelle preuve dans l'histoire bien connue de Naboth. Cet homme pieux, un des sept mille qui n'avaient pas fléchi le genou devant Bahal, habitait à Jizréel. Il y possédait une vigne attenante aux jardins du palais où le roi se rendait de temps en temps pour jouir des beautés de la magnifique vallée d'Esdraëlom [1160]. Il eût beaucoup convenu au fils d'Homri d'avoir cette vigne, pour faciliter les arrangements de son parc. Il fit donc demander à Naboth de la lui céder par vente ou par échange; mais le pieux Israélite tenait à conserver l'héritage que possédaient ses pères dès le temps de Josué; il y mettait, non sans raison, sa conscience et sa foi. Il refusa donc nettement et demeura ferme dans son refus. Achab, furieux de ce qu'il appelait sans doute l'avarice ou la folie de ce fanatique, vexé de ne pouvoir donner cours à ses projets d'embellissements, Achab, le riche Achab, se coucha sur son lit et refusa de manger. Il fit comme un enfant dont on ne contente pas les fantaisies. Aussi faut-il avouer que le pécheur non converti se conduit bien souvent à la manière d'un méchant enfant. Privé de la paix de Dieu, il cherche le bonheur dans toutes sortes de misères et de bagatelles; et s'il ne réussit pas à satisfaire ses désirs, il s'afflige, il s'irrite, il est son propre bourreau. Ah! l'on peut bien affirmer au sujet de ces hommes-là, que, déjà dans ce monde, «leur ver ne meurt point et leur feu ne s'éteint point.»

1952. (5-16.) Achab était sûrement un méchant, mais sa femme le surpassait en iniquité. S'il ne le voyait pas, sa conscience était bien aveuglée; et si, le voyant, il le souffrait, s'il se soumettait sans résistance à l'ascendant de Jézabel, c'est que ses propres passions y trouvaient leur compte. Il lui donna plein pouvoir d'arracher de Naboth, par les moyens qu'elle jugerait convenables, la propriété qu'il se refusait à vendre. Dès ce moment, l'impie Jézabel jura la mort du pieux Israélite. Avec une hypocrisie dont l'incrédulité seule est capable, elle fit publier un jeûne, comme pour l'expiation de quelque grand forfait; puis de faux témoins, gagnés par elle, attestèrent que Naboth avait mal parlé de Dieu et du roi; ou, comme on pourrait traduire aussi, qu’il avait osé réunir dans une même bénédiction le nom sacré du roi et l'odieux nom du Seigneur. Condamné à mort, Naboth fut lapidé. Ainsi mourut le juste et triompha l'impie. C'est ce qui n'arrive que trop souvent ici-bas, et ce qui nous atteste qu'il doit y avoir une autre vie où Dieu rendra aux Naboths et aux Jézabels selon leurs œuvres. Ce qui nous l'atteste encore, c'est que, dans ce monde même, Dieu montre que le mal ne lui est ni caché, ni indifférent.

1953. (17-29.) En effet, Achab était à peine en possession de la vigne de Naboth, quand l'Éternel chargea le prophète Élie de lui dénoncer la punition duc à ce nouveau crime. En le voyant approcher: «M'as-tu trouvé, mon ennemi? lui cria le roi.» Ah! qu'il est malheureux l'homme pour qui les messagers du Seigneur, et Dieu lui-même et sa sainte Parole, ne sont que des ennemis! «Oui, je t'ai trouvé, lui répond le prophète, parce que tu t'es vendu pour faire ce qui déplaît à l'Éternel.» Tu t'estimes roi et libre, tandis que tu n'es qu'un misérable esclave, vendu à ta femme, vendu à tes passions, vendu à Satan. Tu as convoité le bien d'autrui; tes mains ont versé le sang innocent, après avoir indignement calomnié ta victime, et finalement tu es descendu au rang des larrons. C'est pourquoi l'Éternel fera venir sur Jézabel, sur toi, sur ta famille, les calamités qui ont renversé tes prédécesseurs, et de plus grandes encore, car tu les as tous surpassés dans le mal...

1954. Profondément ému, le roi d'Israël déchira ses vêtements, il se revêtit d'un sac, ou autrement d'une robe de deuil, il jeûna et se montra fort humilié. Cette humiliation ne fut pas hypocrite, puisque l'Éternel y eut égard; mais dura-t-elle; mais avait-elle les caractères de la vraie conversion? C'est ce que nous verrons bientôt. Quoi qu'il en soit, comment ne pas admirer la miséricorde du Seigneur! Même quand il s'agit d'un Achab, on le voit toujours prêt à faire grâce au pécheur repentant.

1955. (22: 1-7.) Trois ans après la seconde guerre d'Achab contre les Syriens, Josaphat, roi de Juda, prince sage et pieux, ainsi que nous le verrons plus tard, rendit une visite au roi d'Israël; il avait contracté des relations assez étroites avec la famille d'Homri, en mariant son fils Joram à une fille d'Achab et de Jézabel. Josaphat avait alors cinquante-deux ans, et il régnait depuis dix-sept ans environ. Ce qui l'attira peut-être à Samarie, ce fut le désir d'éprouver par lui-même la sincérité du repentir d'Achab. Celui-ci profita de l'occasion pour demander à Josaphat de l'aider à reconquérir un territoire qui était demeuré entre les mains de Benhadad. Josaphat y consentit, mais il voulut qu'auparavant on consultât l'Éternel.

1956. Depuis qu'Achab semblait être revenu à de meilleurs sentiments, on avait recommencé en Israël à parler de Dieu et à s'occuper de sa loi. Un grand nombre d'hommes marchaient dans les rangs des prophètes, parce qu'ils étudiaient la Parole de Dieu, et quelques-uns étaient vraiment animés de l'Esprit-Saint. Consultés par Achab, les premiers se mirent tous à lui prophétiser la victoire, sûrs qu'ils étaient de lui plaire, et d'ailleurs se persuadant que la reprise du pays de Galaad entrait dans les vues du Seigneur. Josaphat, mû par un de ces sentiments confus mais puissants que le Saint-Esprit met quelquefois dans le cœur des fidèles, n'éprouvait pas grande confiance en cette unanimité. Il y avait dans le langage de ces prophètes un je ne sais quoi qui trahissait l'homme; aussi demanda-t-il s'il n'y avait pas quelque autre prophète de l'Éternel qu'on pût appeler et entendre.

1957. (8-14.) Oui, il y en avait un autre, et peut-être Josaphat ne l'ignorait-il pas; mais c'était un homme que le roi d'Israël ne pouvait souffrir, parce que, disait-il, il lui prophétisait constamment du mal. On pense que c'était l'homme de Dieu qui lui avait parlé après la seconde défaite des Syriens (20: 42). Il se nommait Michée, fils de Jimla. Josaphat ayant repris Achab du ton dont il traitait ce prophète, exigea qu'on le fit venir, et Michée arriva peu d'instants après qu'un nommé Tsidkija eût prophétisé de nouveau que le roi pouvait compter sur une entière victoire. Pour attirer plus fortement l'attention, Tsidkija s'était attaché à la tête deux cornes de fer semblables à celles d'un bélier [1802], et il disait: «Tu renverseras les Syriens comme le bélier renverse d'un coup de sa tête ce qu'il rencontre sur son passage.»


1958. Si nous pouvions avoir du doute sur l'esprit mondain qui animait les prophètes d'Achab, malgré certaines apparences de religion, nos doutes se dissiperaient en considérant le langage que tint à Michée le messager d'Achab: «Prends garde à ce que tu diras au roi. Tous lui prophétisent du bien, et toi, ne va pas parler autrement.» Sur quoi Michée, en homme qui ne sait pas flatter les rois aux dépens de la vérité: «L'Éternel est vivant; que ce que l'Éternel m'aura dit, je le dirai.»

1959. (15-17.) Cependant, il commença par s'exprimer en apparence de la même façon que les autres prophètes; mais il le fit d'un ton sur la signification duquel Achab ne pouvait se méprendre. C'est comme si le prophète eût dit: «Veux-tu que je te flatte, je le ferai • mais ce sera de telle manière que mon discours n'en sera que plus poignant. — Eh bien, parle-moi donc avec franchise, reprit le roi. — Voici ce que dit l'Éternel, ajouta Michée: «Ce peuple sera «dispersé comme un troupeau que le loup poursuit sur les montagnes; ses bergers (ses rois) lui seront enlevés, et heureux ceux qui pourront regagner en paix leur maison!»

1960. (18-28.) «Ne te l'avais-je pas annoncé?» fit Achab en se tournant vers Josaphat; «ce Michée n'est pour moi qu'un prophète de malheur, je ne l'écouterai pas.» Alors Michée raconta une vision qui nous rappelle le commencement de l'histoire de Job, bien que le sens n'en soit pas le même [1055-1057]. Lorsqu'on a résolu dans son cœur de faire le mal, on consulte les ministres de l'Éternel, moins pour être dirigé que pour être approuvé. Dieu permet en conséquence qu'un esprit d'erreur s'empare d'eux. Souvent même, la Bible, étudiée avec cette intention, offre des passages qui semblent autoriser la mauvaise voie où l'on est entré. C'est là ce que signifie la vision. Oh! combien il importe d'agir avec droiture devant Dieu et de sonder scrupuleusement les motifs par lesquels on s'approche de lui!

1961. Courroucé des paroles de Michée, Tsidkija le frappa sur la joue, en lui demandant de prouver que l'Éternel parlait par sa bouche plutôt que par la sienne. «Tu le sauras, lui dit Michée, quand tu fuiras toi-même devant les Syriens.» Achab, à son tour, persista dans son coupable entêtement et ordonna qu'on retînt Michée en prison, jusqu'à son retour de l'armée. «Si tu reviens en paix, lui dit le prophète, alors pour certain, l'Éternel n'aura point parlé par moi.» Puis se tournant vers le peuple: «Écoutez tous ce que je viens de dire et vous en souvenez!»

1962. (29-39.) Il semble que Josaphat, témoin de cette scène émouvante et solennelle, aurait dû arrêter Achab dans son entreprise ou du moins ne l'y pas accompagner. Mais, par une de ces complaisances dont les enfants de Dieu ne se rendent que trop souvent coupables, il céda, et risqua d'y perdre la vie. Cependant Dieu l'épargna dans sa grande miséricorde. Quant à Achab, il eut beau se déguiser pour que les ennemis ne le reconnussent pas, l'Éternel savait où le trouver. Un trait, parti d'une main sûre, l'atteignit au défaut de la cuirasse. Il ne mourut pas toutefois sur-le-champ; Dieu lui donna le temps de se reconnaître. Il fut enterré à Samarie; mais, selon la prédiction d'Élie, le sang d'Achab avait coulé et les chiens avaient pu le lécher sur les roues mêmes de son chariot. Achab avait régné dix-huit ans environ: il eut pour successeur son fils Achazia (40). — Quant à Josaphat, nous reprendrons plus loin [2008 et suiv.] ce qui nous en est dit ici (41-51).


CXLIX. — Règnes d'Achazia et de Joram en Israël. Fin du prophète Élie; commencement d'Élisée.


1963. (1 Rois 22: 52-54; 2 Rois 1: 1, 2.) Au règne d'Achab succéda le règne fort court de son fils Achazia, prince qui suivit son père dans la carrière du mal et qui l'y dépassa. Aussi Josaphat refusa-t-il de se lier à lui par un traité de commerce, malgré leurs relations de famille (22: 50). Après quoi, les Moabites se soulevèrent contre son autorité. Enfin, il se laissa choir dans ses appartements et se fit une grave blessure dont il ne releva point. Là se manifestèrent ses honteuses superstitions. Non content de chercher sa guérison près de Bahal et du veau d'or, il envoya consulter Bahal-zébub, dieu d'Hékron. Bahal-zébub! ce qui veut dire le Bahal, ou le Seigneur des mouches! C'était un des dieux que les Philistins adoraient. Bahal-zébub, ou Béelzebub, est aussi un des noms que l'Éternel donne à Satan, titre ignoble qui nous rappelle à la fois la honte de Satan et celle de l'idolâtrie.

1964. (3-18.) Élie le Tisçbite n'avait pas encore été retiré de ce monde. Il y menait toujours sa vie errante et solitaire. Vêtu d'une peau d'animal, dont il se couvrait le jour et la nuit, il se nourrissait sans doute d'une manière analogue et tout en lui prêchait l'austérité de son ministère. Lorsque les messagers d'Achazia furent partis, l'Ange de l'Éternel, peut-être l'Ange de l'alliance, le Seigneur [1270], lui ordonna d'aller au-devant de ces hommes, de leur reprocher leur folie et celle d'Achazia, d'annoncer enfin la mort prochaine de ce prince. Les messagers de retour, Achazia comprit qui était celui qui leur avait parlé, et, dans son impuissante colère, il envoya successivement trois compagnies de cavaliers, avec ordre de saisir l'homme de Dieu.

1965. Quelle insulte à l'Éternel que d'appeler quelqu'un homme de Dieu, et pourtant de le poursuivre comme un criminel! Aussi le feu du ciel consuma-t-il les bandes impies qui s'avançaient contre le prophète de l'Éternel, ou plutôt contre l'Éternel lui-même. Tel fut du moins le sort des deux premières. Le troisième capitaine, justement effrayé, se mit à implorer la compassion de l'homme de Dieu, et, par l'ordre du Seigneur, Élie se rendit à Samarie avec cette escorte. Il parut devant Achazia, répéta sans trembler son sinistre message, et bientôt mourut Achazia, nouvel exemple, après tant d'autres, du danger auquel on s'expose en luttant contre Dieu.

1966. (2: 1-7.) Le moment était venu où l'Éternel voulait recueillir auprès de lui son serviteur, et lui donner enfin le meilleur de tous les repos. Élie semble avoir été prévenu de la manière glorieuse dont sa translation devait se faire; et, par une sainte humilité, il cherchait à écarter tous ceux qui auraient pu être témoins de son triomphe. Élisée même lui était à charge. De Guilgal, où ils se trouvaient alors, le Tisçbite se rendit à Béthel, puis de Béthel il revint à Jéricho, en détournant chaque fois son serviteur de l'accompagner. Mais Élisée et les élèves des séminaires qui se trouvaient dans ces deux villes avaient été avertis par le Seigneur, et rien ne put les empêcher de suivre les pas de leur maître. Il se vit donc escorté jusqu'au Jourdain par Élisée et par cinquante fils de prophètes, comme on appelait les élèves de ces écoles, fondées, pense-t-on, par Samuel [1332].

1967. (8-11.) C'était, selon toute apparence, l'endroit même du fleuve où les Israélites l'avaient traversé sous la conduite de Josué. Pour rappeler cette circonstance, l'Éternel ouvrit devant Élie et Élisée les eaux du Jourdain et ils en franchirent le lit, laissant sur l'autre rive les cinquante jeunes hommes qui les avaient accompagnés. Près de se séparer, Élie voulut que son serviteur lui dît ce qu'il désirait recevoir encore de sa main. Sur quoi Élisée lui fit une prière en apparence bien audacieuse et qui cependant n'avait rien de répréhensible. Demander une double portion de l'esprit d'Élie, c'était demander, il est vrai, une grande puissance, mais aussi une grande foi, un grand dévouement, un grand zèle, une grande humilité, et s'exposer à des maux non moins grands; c'était faire une prière très convenable à un enfant de Dieu; car le Seigneur ne trouve point mauvais que nous sollicitions ses grâces en abondante mesure, vu que tout ce qu'il nous donne retourne à sa gloire.

1968. Comme ces deux fils d'Abraham marchaient en s'entretenant de la demande qu'Élisée venait de faire, Élie fut subitement séparé de son serviteur par un feu semblable à un chariot qu'emportent de rapides coursiers, et il s'éleva.dans les cieux comme par la violence d'un ouragan. Scène magnifique et que nous chercherions vainement à nous représenter. Non seulement rien de pareil ne se vit jamais, mais Élisée lui-même ne l'aurait pas vu, si le Seigneur ne lui eût donné la faculté de discerner les merveilles du siècle à venir, les réalités d'un monde qui n'est pas le nôtre. C'est pour cela qu'Élie lui avait dit: «Si tu me vois enlever d'avec toi, tu obtiendras la double portion d'Esprit-Saint que tu as demandée; sinon, cela n'arrivera pas.»

1969. Depuis le patriarche Enoch, tous les hommes étaient morts; Élie seul fut admis au ciel sans que son corps fût déposé dans le sein de la terre. Il se vit transformé, comme au jour du relèvement sera transformé le corps des fidèles qui seront alors vivants. Élie, en cela type du Messie, comme l'avait été Enoch, fut aussi, par ce fait, le plus grand des prophètes. Quoiqu'il n'ait laissé aucun écrit, sa vie tout entière est une prédication, et son enlèvement nous atteste qu'il y a une autre vie après celle-ci, vérité que prêche encore plus fortement la résurrection du Sauveur. Ce fut dans un temps de dégradation morale extraordinaire que Dieu fit entendre cette double voix d'Élie; si tous n'en profitèrent pas, nul doute que les élus de Dieu n'y aient puisé de grandes forces pour résister au mal.

1970. (12-14.) Demeuré seul, Élisée fut saisi d'une profonde douleur. Il lui semblait qu'Israël allait demeurer sans défense ou, comme il le dit, sans chariot de guerre et sans cavalerie pour combattre l'impiété, en même temps qu'il se voyait privé d'un homme qui lui avait été plus qu'un père. Mais bientôt, relevant le manteau d'Élie (c'est tout ce qui lui restait de son heureux maître), il reprit la route du Jourdain; et pour s'assurer que l'Éternel, le Dieu de son maître, consentait réellement à lui donner la succession de ce grand prophète, il frappa les eaux du fleuve comme Élie l'avait fait un peu auparavant, et il put le repasser à pied sec.

1971. (15-18.) Témoins de ce prodige, les fils des prophètes demeurés en ce lieu, reconnurent que l'esprit et la vertu d'Élie reposaient sur Élisée; toutefois ils ne pouvaient se persuader que le grand prophète ne fût plus de ce monde, tant le récit d'Élisée renfermait de circonstances inconcevables. Cinquante d'entre eux, incrédules par manque de simplicité de cœur, se mirent donc à la recherche du Tisçbite. Ils y passèrent trois jours et revinrent à Élisée, qui leur dit: «Ne vous avais-je pas déclaré que vos perquisitions seraient inutiles?» Ainsi en est-il de ceux qui refusent de croire purement et simplement la Parole de Dieu. Ils se donnent beaucoup de peine quelquefois à la poursuite de la vérité; mais la vérité est au ciel, comme Élie, et il nous faut écouter Dieu qui daigne nous l'enseigner.

1972. (19-25.) Deux merveilles de caractère fort différent marquèrent les premiers pas d'Élisée, attestant qu'il serait à la fois le ministre des miséricordes et des jugements du Seigneur. Les eaux de Jéricho n'étaient ni bonnes à boire, ni fécondantes. À la demande des habitants et par la puissance de l'Éternel, Élisée les rendit parfaitement salubres. Puis, étant parti de là pour monter à Béthel, la ville du veau d'or, il fut assailli par une bande de jeunes garçons qui l'insultèrent, bien moins parce qu'il était chauve que parce qu'il passait pour un homme de Dieu. Nés de parents impies, ils avaient été instruits, hélas! à mépriser les serviteurs de l'Éternel, comme pareille chose ne se voit que trop maintenant même. Or le Seigneur ne punit pas toujours, mais il punit pourtant quelquefois; et quand il le fait, son bras est terrible. Ces méchants enfants tombèrent sous les coups de sa justice, et quel châtiment ne fut-ce pas pour ceux qui leur avaient inculqué le mal! Quant à Élisée, personne, je suppose, ne le soupçonnera d'avoir agi par esprit de vengeance; car enfin ce ne fut pas lui qui fit mourir les coupables, et nul ne saurait croire que Dieu déploie jamais sa puissance pour satisfaire les passions de ses serviteurs.

1973. (3: 1-3.) Tout ceci avait lieu sous le règne de Joram, frère d'Achazia, monté sur le trône l’an 896, dix-huitième année du règne de Josaphat, et un an après que celui-ci se fut associé son fils Joram (1: 17). De cette manière, il y eut à la fois deux rois Joram: l'un, fils d'Achab, à Samarie; l'autre, fils de Josaphat et gendre d'Achab, à Jérusalem. Le Joram de Samarie, dont nous allons continuer l'histoire avant de retourner à celle des rois de Juda, n'imita pas en tout point les mauvaises actions de son père. Il fit disparaître de sa capitale la statue de Bahal, mais il n'abandonna pas le culte national institué par Jéroboam.

1974. (4-9.) Les rois de Moab payaient à ceux d'Israël, on ne sait depuis combien de temps, un tribut considérable en agneaux et en moutons, tribut du reste qui, peut-être, n'était pas annuel. Nous avons vu que, du vivant d'Achazia, les Moabites avaient voulu se soustraire à cette obligation (1: 1); Joram en conséquence résolut de leur porter la guerre. Josaphat, qui vivait encore, consentit à joindre son armée à celle de Joram; un roi iduméen leur prêta pareillement son assistance, et, tournant la mer Morte par le sud, ils atteignirent la frontière du pays de Moab. Mais arrivés au fond de ces déserts, ils manquèrent d'eau et se virent dans une grande détresse.

1975. (10-27.) Le roi d'Israël s'envisageait déjà comme perdu, lorsque le pieux Josaphat s'informa s'il n'y avait point dans l'armée quelque prophète de l'Éternel, car les prophètes remplissaient tous les devoirs de la vie civile à l'égal des autres fils d'Israël. Élisée s'y trouvait en effet. De Béthel, où nous l'avons laissé, il s'était rendu au mont Carmel; de là à Samarie, pour y joindre l'armée. Josaphat le connaissait de réputation, si ce n'est autrement, et il obtint des deux rois ses alliés, qu'ils allassent tous ensemble consulter l'homme de Dieu. Bien que Joram fit profession de connaître l'Éternel, mais à la manière de Jéroboam [1905], Élisée lui rappela en termes pleins d'une sainte hardiesse la différence qui existait devant Dieu entre un adorateur des veaux d'or tel que lui, et un Josaphat. Après quoi, faisant venir un joueur de harpe, soit pour préparer son âme par le chant de quelque cantique, soit afin de marquer aux princes qu'ils devaient bannir toute inquiétude, il réjouit leur cœur en leur parlant de délivrance et de victoire, comme le fait l'Évangile aux pauvres pécheurs.

1976. En effet, une eau pure que la puissance de l'Éternel tira des entrailles de la terre, rafraîchit le camp d'Israël; et, pour accroître le prodige, cette eau, en s'approchant du territoire moabite, devint rouge comme du sang. À ce spectacle, les ennemis ne doutent pas que les trois rois ne se soient livrés entre eux une bataille meurtrière; ils s'élancent pour aller au pillage et ils essuient une terrible défaite. Les Israélites détruisirent tout sur leur passage, selon l'ordre qu'ils en avaient reçu de l'Éternel. Ordre plein de justice, comme vous le reconnaîtrez en lisant ce que fit le roi de Moab lorsqu'il se vit sans ressources. Ce récit vous remplira d'une horreur semblable à celle qu'éprouvèrent les Israélites. Un père qui immole à ses faux dieux l'aîné de sa famille! Ah! quand on pense que, dans nos pays mêmes, avant que la Bible y fût parvenue, il se commettait chaque année de telles horreurs, on bénit Dieu, et on ne le bénit pas assez, de ce qu'il nous a retirés de ces profondes ténèbres, de ce qu'il a limité, sinon détruit entièrement au milieu de nous, l'empire de celui qui est meurtrier dès le commencement, le père de tout mensonge et par conséquent de l'idolâtrie!


CL. — Miracles d'Élisée. Naaman le Syrien.


1977. (4.) L'Écriture sainte nous raconte, en cet endroit, plusieurs miracles d'Élisée, miracles d'un caractère très particulier. Ce sont de grandes merveilles opérées en des circonstances fort peu extraordinaires. Ici, une pauvre veuve poursuivie par ses créanciers acquiert miraculeusement les moyens de payer sa dette (1-7); là, de riches particuliers chez qui logeait fréquemment Élisée reçoivent une bénédiction après laquelle ils soupiraient depuis longtemps, celle d'avoir un fils (8-17). Ce fils meurt, et Élisée le ressuscite (18-37). À quelque temps de là, une famine désole la vallée basse du Jourdain; on en était réduit à chercher de la nourriture jusque dans l'herbe des champs, et le prophète obtient de l'Éternel que cette nourriture devienne à la fois saine et agréable (38-41). Enfin, un homme apporte quelques pains et une poignée d'épis; c'était peu de chose pour le monde qu'il fallait nourrir, mais Élisée partage entre tous ces chétives provisions et ils se trouvent rassasiés (42-44).

1978. Les miracles dont Élisée fut l'honorable instrument étaient destinés à faire sentir la présence du Seigneur au milieu du peuple d'Israël malgré tant de péchés, et à montrer combien sont grandes ses compassions envers ses serviteurs et ses servantes. C'est ce dernier trait qui me frappe le plus; car tous ceux en faveur desquels ces prodiges furent opérés paraissent avoir été des gens pieux, depuis la pauvre veuve jusqu'aux fils des prophètes qui demeuraient à Guilgal. Ce n'est plus par des miracles pareils que Dieu manifeste maintenant sa bienveillance. Mais combien n'est-il pas, aujourd'hui même, de fidèles qu'il retire inopinément de leurs embarras pécuniaires comme la veuve, ou dont il exauce les vœux comme il le fit à la Sunamite; combien à qui il conserve ou rend, on peut le dire, des enfants que la mort serrait dans ses mains décharnées; combien dont il change en paix et en abondance le pain d'amertume!

1979. Quand je dis abondance, j'entends par là ce qui est suffisant, et le chrétien ne doit rien désirer de plus. Car c'est une autre observation que je veux faire. Quelque grands que soient les miracles, le résultat ne dépasse jamais ce qu'il faut et ce qui est bon. Si Dieu multiplie l'huile de la veuve, ce n'est pas, comme dans certains contes, de manière à faire affluer chez elle tout l'or du pays, mais c'est de manière seulement qu'elle puisse acquitter ses dettes et vivre un certain temps avec sa famille; et ainsi de tous les autres. Grand enseignement sur ce que nous devons raisonnablement attendre du Seigneur et lui demander en fait de grâces temporelles.

1980. Après cela, quand on voit à quelles occasions peu importantes l'Éternel déploya tant de puissance et de bonté, bien loin de trouver ces miracles plus petits, on doit les juger d'autant plus grands, car c'est doublement une merveille. Il y a là, pour les plus chétifs, un encouragement infini à mettre leur confiance dans le Dieu des miséricordes, si d'ailleurs ils lui appartiennent par la foi. En multipliant l'huile de la veuve, ne dit-il pas qu'il veut nous multiplier les grâces de son Saint-Esprit? en rendant la vie au fils de la Sunamite, qu'il rendra la vie à nos corps mortels? en nourrissant les fils des prophètes, qu'il sait donner aux âmes l'aliment spirituel dont elles ont besoin?

1981. Je passe sur des détails pleins d'intérêt, tels que la description de la chambre haute que la Sunamite et son mari avaient arrangée pour le prophète (10); le récit touchant de la mort de leur fils (18-21); la recommandation qu'Élisée fait à son serviteur (29) et qui reporte la pensée sur une recommandation pareille de notre Seigneur à ses apôtres (Luc 10: 4); l'erreur que commit le prophète en croyant qu'il suffirait de placer son bâton sur le visage de l'enfant (31); la tendre sollicitude qu'il mit ensuite lui-même à cette œuvre de grâce (32-35); enfin, le dernier de ses miracles (42-44), qui a tant de rapport avec des miracles analogues de notre Sauveur (Jean 6: 5-13): je passe sur tout cela, bien qu'à regret, pour étudier plus à fond la guérison de Naaman, circonstance sur laquelle Jésus-Christ lui-même attire notre attention (Luc 4: 27), et que la Bible nous raconte avec plus de détails.

1982. (5:1.) Ce Naaman était un des généraux du roi Benhadad. Il jouissait d'une grande estime à la cour de Syrie et il avait acquis un genre de gloire que les hommes semblent apprécier par-dessus tous les autres. Il s'était montré grand capitaine, et il faut dire qu'il avait rendu de vrais services à son pays. Naaman possédait sans doute une fortune considérable. Ce qui vaut mieux, son histoire nous atteste que c'était un homme d'un caractère bon et aimable; mais il avait la lèpre, et cette horrible maladie détruisait tout son bonheur. Or, il n'est personne ici-bas, si bien partagé soit-il, qui n'ait aussi sa lèpre. Voyez cet heureux du siècle, cet homme à qui tout réussit, voyez s'il ne semble pas avoir, et au-delà, ce qu'il faut pour être parfaitement content? Oui; mais il est pécheur, et voilà ce qui gâte tout, pour tout le monde.

1983. (2, 3.) Cependant, Dieu avait résolu en lui-même de faire de Naaman l'objet de ses grâces, et encore de la plus précieuse. Comme il prépare de loin l'exécution de ses plans en y faisant concourir les moindres choses, il avait permis qu'une jeune Israélite, pieuse et charitable ainsi que Joseph, tombât entre les mains de cet autre Potiphar. Pleine de compassion pour le pauvre Naaman, l'esclave hébreu dit un jour à sa maîtresse combien elle désirait que son seigneur se présentât devant le prophète de Samarie, afin que celui-ci le nettoyât de sa lèpre. Élisée n'avait pourtant jamais guéri de lépreux (Luc 4: 27); mais la jeune fille aimait les maîtres que Dieu lui avait donnés, elle savait que toutes choses lui sont possibles, elle ne doutait pas qu'Élisée n'eût un libre accès à la source des plus grandes grâces sans autre raisonnement, elle disait: «Va;» et en parlant ainsi, elle tenait le langage de la foi. Oh! si nous avions nous-mêmes plus d'amour pour les âmes et plus de confiance dans le Seigneur, nous travaillerions au salut du prochain avec bien plus d'ardeur et de simplicité que nous ne le faisons.

1984 (4.) Il y eut quelque chose de si persuasif dans les instances de la jeune Israélite, que la femme de Naaman finit par les rapporter à son mari. Naaman communiqua cette idée à Benhadad, et, après en avoir obtenu la permission du roi, il partit pour Samarie, prenant avec lui de quoi faire des présents dignes d'un prince. Ni Benhadad, ni sans doute Naaman ne croyaient en Jéhovah d'une foi semblable à celle de la jeune esclave; mais ils ne niaient pas que Jéhovah ne fût un dieu, le dieu d'Israël, comme Rimmon était le dieu de Damas, et ils avaient ouï raconter maintes merveilles opérées en divers temps par ses ministres. D'ailleurs que risquait Naaman? Avec une maladie telle que la sienne et après avoir essayé tant de remèdes, on pouvait bien encore tenter celui-ci.

1985. (6-9.) Arrivé à Samarie, Naaman alla droit au palais de Joram et lui remit, de la part de son maître, une lettre qui le remplit de la plus vive inquiétude. Benhadad lui écrivait comme s'il n'avait qu'à commander pour que Naaman se trouvât guéri. Aussi Joram crut-il voir là-dedans des intentions malveillantes. Élisée, informé par le bruit public et d'ailleurs animé du même esprit qui avait inspiré la foi de l'esclave de Naaman, Élisée fit savoir à Joram que le général syrien n'avait qu'à venir auprès de lui et qu'il lui rendrait la santé. Grande joie pour Naaman! Lépreux comme il était, et, par ce fait, exclu de la société des hommes, il n'avait pas quitté son chariot; ce fut de cette manière qu'il arriva devant la porte d'Élisée.

1986. (10-12.) Le prophète, jaloux de la gloire de l'Éternel, et non de la sienne, ne se montra pas à Naaman. Il se contenta d'envoyer quelqu'un vers lui, l'invitant à se plonger sept fois dans le Jourdain, s'il voulait être guéri. En entendant ces mots, l'illustre étranger crut qu'Élisée se jouait de son infortune, et il entra dans une grande colère. Ce n'était point ainsi qu'il avait arrangé les choses en son esprit. D'ailleurs, les eaux limpides des fleuves de Syrie valaient mieux assurément que celles du Jourdain, souvent peu profondes et toujours limoneuses. Naaman raisonnait et s'irritait à la manière de ceux qui, se faisant une religion et une morale à leur convenance, imaginent certaine voie de salut dont ils veulent d'autant moins se départir qu'ils se la créent eux-mêmes. Mais en pareille affaire, il s'agit de savoir ce que Dieu veut, et non de donner carrière à notre imagination et aux pensées de nos cœurs orgueilleux.

1987. (13.) Les serviteurs de Naaman firent preuve de plus de bon sens que leur maître, sinon d'une grande connaissance du cœur humain. Ils ne considéraient pas que l'homme se complaît souvent dans les difficultés; que, surtout lorsqu'il s'agit de l'œuvre du salut, il n'aime pas ce qui est simple, il n'y croit pas. Être sauvé par la foi en Jésus-Christ! rien que cela! Voilà ce que refusent d'admettre des gens qui feront volontiers de longs pèlerinages et d'immenses sacrifices pour expier leurs fautes. En attendant, il était parfaitement vrai que Naaman avait grand tort de ne pas essayer du moyen que lui prescrivait le prophète.

1988. (14.) Croyant enfin ses serviteurs mieux qu'il n'avait cru celui de l'Éternel, Naaman se plongea dans le Jourdain, «et sa chair redevint semblable à celle d'un petit enfant et il fut net.» Belle image, en vérité, du miracle qui s'opère en faveur des élus! Leurs péchés ayant été expiés par Jésus-Christ, ils reçoivent du Saint-Esprit un cœur nouveau et un esprit nouveau et, créatures ainsi renouvelées, ils deviennent enfants pour le royaume de Dieu: c'est se plonger par la foi dans les eaux de la grâce.

1989. Mais non content de l'avoir guéri de la terrible maladie qui le dévorait, le Seigneur fit au général syrien une grâce d'un plus grand prix encore. Il le retira des ténèbres de l'idolâtrie et le ramena plein de reconnaissance auprès d'Élisée. Là, il reconnut l'Éternel pour le seul vrai Dieu, déclarant qu'il n'en adorerait plus d'autre que lui. Or, il ne pouvait songer à fixer son domicile en Canaan, et, dans la naïveté de sa foi, ou dirons-nous dans son ignorance, il demande à emporter quelque peu de cette terre sainte, pour servir de base à l'autel qu'il comptait ériger à Jéhovah. Une pensée toutefois venait troubler sa joie. De retour à Damas et guéri de sa maladie, il devra reprendre son service près de Benhadad et l'accompagner au culte qu'il rendait à Rimmon. Est-ce que l'Éternel lui pardonnera, s'il se présente devant les faux dieux pour ne pas déplaire à son maître? Telle est la question que Naaman fait au prophète, et celui-ci lui répond par ces simples paroles: «Va en paix.»

1990. Élisée comprit qu'un homme à qui Dieu venait d'accorder tant de grâces, qui manifestait un si vif désir de servir le Seigneur et dont la conscience se montrait si scrupuleuse, serait infailliblement conduit, au jour le jour, par Celui qui avait commencé cette belle œuvre. Pourquoi donc prendre souci du lendemain? «Va en paix, te confiant en l'Éternel.» Est-ce que Dieu ne pouvait pas fléchir le cœur de Benhadad en faveur de son fidèle serviteur, peut-être même le convertir par son moyen? Était-il bien certain d'ailleurs que Benhadad serait longtemps encore le maître de Naaman? Élisée savait peut-être à quoi s'en tenir là-dessus. C'est pour cela qu'il lui dit: «Va en paix,» ne t'inquiète pas d'un avenir qui sera probablement tout différent de ce que tu penses. Nous, de même, mettons-nous d'un cœur sincère au service de Dieu; confions-nous en lui pour aplanir les obstacles, pour nous préserver des tentations et pour nous donner, avec l'épreuve, lumière, résolution et force, suivant le besoin (Hébr. 4: 16).

1991. (20-27.) Malgré les instances réitérées de Naaman, Élisée ne voulut point accepter les riches présents qui lui étaient offerts. Il tenait à ce que le néophyte comprît qu'il ne devait rien à l'homme et tout à Dieu. Le serviteur d'Élisée, moins délicat que son maître et moins jaloux de la gloire de l'Éternel, se laissa séduire par la convoitise, comme Hacan [1137, 1139]. Il conçut un projet bien coupable, puisqu'il ne put l'effectuer sans entasser les mensonges, sans jeter du louche sur la conduite d'Élisée et par conséquent sans attenter à l'honneur même de Dieu. Aussi le Seigneur voulut-il qu'Élisée fût miraculeusement averti de tout ce qu'avait fait Guéhazi, et qu'il eût le pouvoir, également miraculeux, de lui infliger la juste punition que son iniquité méritait. Ce malheureux Guéhazi était d'autant plus coupable, qu'il avait le privilège de vivre dans la société habituelle d'un homme tel qu'Élisée. Les lumières et les grâces ne lui avaient pas manqué. Mais voilà ce qui arrive quand on se laisse dominer par une passion. Or, parmi les passions, il n'en est pas de plus funeste que l'amour de l'argent. Entraîné par elle, on trahit son maître et l'on déshonore Dieu. Toute cette histoire porte naturellement la pensée sur celle de Judas, l'apôtre qui livra Jésus, et ce rapprochement ne la rend que plus saisissante.

1992. (6: 1-7.) À ces prodiges de miséricorde et de justice, vient s'ajouter un miracle de simplicité naïve qui atteste les soins paternels que Dieu prend de ses serviteurs et dont nous parlions en tête de cette Étude. Mais le récit que nous avons sous les yeux offre un intérêt particulier, en ce qu'il nous initie au genre de vie que menaient les prophètes et leurs élèves. C'était une maison de bois qu'ils habitaient. S'agissait-il de l'agrandir, ils se mettaient eux-mêmes à l'ouvrage, comme bien des missionnaires de nos jours; encore fallait-il souvent emprunter les outils! Mais le Seigneur était avec eux dans leur indigence. Mieux vaut cela que de somptueux édifices, de magnifiques dotations et d'illustres académies, d'où le Seigneur et les dogmes saints de sa Parole ne sont que trop souvent exilés!


CLI. — Joram, les Syriens et Élisée.


1993. (6: 8-23.) Il n'est pas facile de déterminer à quelle époque du règne de Joram eurent lieu les deux guerres que l'Écriture nous raconte ici. En comparant le verset 23 et le verset 24, on voit qu'un assez long intervalle les sépara, mais c'est là tout ce qu'on peut affirmer. Quant à savoir si elles furent postérieures à la guérison de Naaman, il pourrait le sembler au premier abord; mais il est plus probable que l'écrivain sacré a voulu raconter de suite les miracles d'Élisée, sauf à revenir en arrière afin de retracer les événements politiques du règne de Joram; encore est-ce plutôt l'histoire des merveilles du ministère d'Élisée dont nous avons ici la continuation.

1994. Il nous est dit que, pendant la première de ces guerres, le prophète avertissait Joram des mouvements de l'armée ennemie, en sorte que toutes les manœuvres des Syriens portaient à faux. Benhadad crut d'abord qu'un de ses officiers le trahissait; mais non, instruits eux-mêmes par leurs propres espions, comme on peut le conjecturer, ceux-ci l'informèrent que c'était Élisée qui conduisait si bien les conseils de Joram. Semblable à tous ceux qui ne connaissent pas Dieu, Benhadad ne vit que l'homme dans cette affaire, et dès ce moment il jura la perte du prophète. Or, ayant su qu'il se trouvait alors dans la ville de Dothan, non loin de Samarie, vers le nord, il le fit envelopper par ses troupes.

1995. À la vue de cette armée, le serviteur d'Élisée se crut perdu; mais le prophète de l'Éternel lui dit ce mot remarquable: «Ne crains point, car ceux qui sont avec nous sont en plus grand nombre que ceux qui sont avec eux.» Élisée faisait allusion à l'armée céleste, aux mille moyens dont le Seigneur dispose pour protéger et délivrer ceux qui le servent, à la puissance invincible de son bras qui, dans tant d'occasions, s'est déployée en faveur de son peuple, pauvre, petit, abattu, persécuté, et lorsqu'il semblait près d'être écrasé par la multitude de ses ennemis.

1996. Puis Élisée demande au Seigneur qu'il daigne donner à son serviteur des yeux capables de voir par quels moyens il pourrait au besoin les délivrer. Alors cet homme, qui n'était autre que Guéhazi peut-être, mais avant sa chute, cet homme, dis-je, voit en effet comme des chevaux et des chariots de feu qui entouraient la colline de Dothan, et son cœur se raffermit. Pour nous, c'est des yeux de la foi que nous devons contempler le Seigneur sur son trône, gardant ses rachetés, donnant aux anges du ciel le soin de combattre pour eux et disant à ceux qui se confient en lui: «Ne craignez point, petit troupeau, car il a plu à votre père de vous donner le royaume» (Luc 12:32).

1997. Si, du reste, la délivrance d'Élisée eut quelque chose de merveilleux, ce ne fut pas par une intervention aussi éclatante qu'on aurait pu s'y attendre. Se présentant lui-même aux Syriens, il leur offre de les conduire vers l'homme qu'ils cherchaient. Frappés d'aveuglement par le Seigneur, les soldats suivent le prophète jusqu'à Samarie, comme l'auraient fait des gens qui marchent tout en dormant, et les voilà qui se réveillent ayant devant eux celui à qui ils en voulaient; mais cette fois il est gardé, tandis qu'ils sont eux-mêmes à la merci de leurs ennemis.

1998. La première idée de Joram fut de faire égorger cette petite troupe que l'Éternel livrait entre ses mains, et il interrogea là-dessus le prophète, en homme qui est prêt à agir. Mais Élisée plaida, non seulement pour que les Syriens eussent la vie sauve, mais encore pour qu'on leur fît le meilleur traitement. Ce fut ainsi que, tout en donnant un bel exemple de miséricorde, il fléchit le cœur de Benhadad, qui, se retirant dans ses États, laissa longtemps les Israélites en repos.

1999. (24-33.) Mais comme l'iniquité allait croissant en Israël, le Seigneur suscita de nouveau contre Samarie le puissant roi des Syriens. Cette malheureuse ville dut soutenir un long siège, où commencèrent à s'accomplir quelques-unes des terribles prophéties de Moïse (Lévit. 26: 29). La famine devint extrême. Les aliments les plus rebutants, tels qu'une tête d'âne, et les plus communs, tels que le légume appelé Khirionim, ou fiente de pigeon, se vendaient à des prix excessifs. Hélas! comme l'avait annoncé le grand prophète des Hébreux, des mères même mangeaient leurs enfants, et Joram eut un jour à pacifier le plus horrible des débats qui se soient jamais élevés entre deux créatures humaines.

2000. Comme il était sur la muraille, inspectant ses troupes et les travaux de défense, une femme décharnée et au teint livide lui crie avec l'accent du désespoir: «Protège-moi, ô roi mon Seigneur!
Et que te ferai-je? dit Joram. Je n'ai à ma disposition ni aire, ni cuve;» c'est-à-dire, ni pain ni vin. Et la femme continuant ses cris: «Qu'y a-t-il donc?» lui fit le roi. Ce qu'il y avait? Ô horreur! Cette malheureuse mère avait égorgé son fils la veille, elle l'avait bouilli et dévoré avec une de ses voisines; celle-ci avait promis d'en faire autant de son propre fils, et maintenant elle se refusait à tenir la convention. Voilà ce qu'il y avait!

2001. À cet épouvantable récit, Joram, qui portait sous son habit royal le vêtement du deuil, à cause de l'horrible infortune de son peuple, Joram se livre aux emportements d'un homme qui sent ses maux plus que ses péchés, qui regarde aux causes secondes plus qu'à Dieu, qui surtout attribue ce qu'il souffre moins à lui-même qu'à ceux dont il a méprisé les sages avertissements. Il jure donc la perte d'Élisée, et il envoie aussitôt quelqu'un pour le saisir. Mais Élisée fit si bonne contenance, ou, pour mieux dire, Dieu revêtit sa parole d'une telle autorité, que l'officier de Joram retourna sans avoir rempli sa commission et le roi finit par reconnaître, en toutes ces choses, la juste main de l'Éternel.

2002. (7:1, 2.) Aussi l'Éternel eut-il encore une fois pitié des fils dégénérés d'Abraham, son serviteur. Il leur annonça par Élisée que, le lendemain, ils auraient des vivres en abondance; nouvelle tellement incroyable pour ceux qui méconnaissaient la toute-puissance de Dieu et surtout son infatigable bonté, qu'un officier de Joram manifesta tout ouvertement son manque de foi. Eh bien! lui dit Élisée, «tu le verras de tes yeux, mais tu n'en mangeras pas;» double prophétie qui ne tarda pas à s'accomplir.

2003. (3-15.) Il y avait hors des portes de Samarie quatre lépreux que leur affreuse maladie excluait de la ville, en même temps qu'elle leur avait valu d'être épargnés par les Syriens, dont le camp d'ailleurs était à une certaine distance des murailles. Tant qu'il y avait eu des vivres on en avait sans doute jeté aux pauvres lépreux; mais maintenant qu'une mort certaine les attendait, ils prirent le parti de se glisser furtivement dans le camp des Syriens et de s'abandonner à leur merci. Or, quel ne fut pas leur étonnement de voir les retranchements abandonnés, abandonnés comme ils le sont quand une armée est en pleine déroute; car les Syriens n'avaient sauvé que leurs personnes et tout le reste était demeuré dans le camp. C'est que l'Éternel leur avait fait entendre le bruit d'une grande multitude de combattants, et, persuadés qu'il était arrivé aux Israélites des renforts considérables, ils avaient fui sous l'impression irrésistible d'une terreur panique.

2004. On comprend que le premier soin des lépreux fut de se gorger de nourriture; après quoi ils se mirent à piller tout autour d'eux. Mais bientôt ils s'avisèrent que Joram ne manquerait pas de les châtier s'ils ne se hâtaient de lui annoncer cette étonnante délivrance. Tout cela se passait au milieu de la nuit, et il est facile de s'expliquer l'incrédulité avec laquelle le monarque accueillit la nouvelle. À supposer qu'en effet le camp des Syriens fût désert, ce ne pouvait être qu'une embûche, une ruse de guerre. Aussi chargea-t-il quelques cavaliers de reconnaître exactement l'état des lieux, et il ne sortit de Samarie qu'après s'être assuré que les ennemis avaient effectivement repassé le Jourdain et que la route était jonchée d'armes et de vêtements.

2005. (16-20.) Alors le peuple le suivit en foule pour piller le camp des Syriens. On y trouva de tout en abondance et principalement des vivres, en sorte qu'ils se donnèrent presque pour rien, comme Élisée l'avait annoncé. Quant au capitaine qui s'était moqué de la prophétie, il fut étouffé par la foule, à la porte même de la ville: ses yeux donc avaient vu la délivrance, mais elle ne lui servit de rien. Hélas! c'est ainsi qu'il en sera des pécheurs qui auront refusé de croire en Jésus-Christ. Ils le verront au jour glorieux de sa venue, mais ils ne goûteront pas les fruits de son grand salut. Triste pouvoir de l'incrédulité! Elle ne détruit pas la grâce de Dieu, mais elle se la rend inutile.

2006. (8: 1-6.) Ici l'Écriture reparle de la Sunamite [1977, 1981], pour nous enseigner toujours mieux la différence qui existe devant Dieu entre ceux qui le servent et ceux qui ne le servent point. De l'avis d'Élisée, cette pieuse femme avait échappé aux horreurs de la guerre et de la famine en se retirant dans le pays des Philistins. À son retour, il se trouva qu'on avait disposé de sa maison et de ses champs; mais Joram, touché de ce que l'Éternel avait fait pour elle, ordonna qu'on lui rendît tous ses biens.

2007. (7-15.) Après cela, Élisée dut aller à Damas où Benhadad était malade; Naaman ne faisait peut-être que d'y arriver [1990]. Quand le roi connut la présence de l'homme de Dieu, il le fit consulter au sujet de sa maladie, lui envoyant, à cet effet, ce même Hazaël que l'Éternel avait désigné à Élie comme devant un jour monter sur le trône [1943]. Précédé de présents dignes d'un roi, Hazaël vint demander à Élisée si son maître relèverait de sa maladie. «Certainement qu'il en peut relever, dit le prophète; mais l'Éternel m'a fait savoir qu'il mourra;» et, disant cela, l'homme de Dieu dirigeait un regard pénétrant sur l'envoyé de Benhadad; puis il se prit à pleurer. C'est qu'Hazaël, pressé de monter sur le trône, méditait de sinistres desseins contre la personne du vieux monarque, et que de plus, il devait être bientôt un fléau pour Israël. En effet, le lendemain Benhadad mourait des mains perfides d'Hazaël, et celui-ci se faisait proclamer roi de Syrie.


CLII. — Josaphat, roi de Juda.


2008. (1 Rois 22: 41-51; 2 Chron. 17.) Il est temps de revenir à l'histoire des rois de Juda. Nous avons vu [1923] qu'Asa, petit-fils de Roboam, étant mort, eut pour successeur Josaphat, la troisième année d'Achab, savoir l'an 914. Nous avons vu ce même Josaphat faire de concert avec Achab une guerre malheureuse [1962], puis refuser un traité de commerce que lui demandait Achazia [1963]. Comme il régna vingt-cinq ans, tandis qu'Achab n'en régna que vingt et un, et que d'ailleurs ce dernier prince occupait le trône d'Israël depuis environ trois ans lorsque Josaphat monta sur celui de Juda; comme, d'un autre côté, le règne d'Achazia, successeur d'Achab, ne dura guère plus d'une année, Josaphat vécut cinq ou six ans en même temps que le Joram sous lequel prophétisait Élisée et que nous venons de laisser à Samarie, objet des miséricordes et de la patience de l'Éternel.

2009. (2 Chron. 17: 1-19.) Dès son avènement à la couronne, Josaphat avait fortifié contre Israël la frontière de son royaume. Mais ce qui le protégea surtout ce fut sa piété, non seulement sa piété personnelle, mais encore le soin qu'il prit de faire instruire son peuple dans la loi du Seigneur. Aussi l'Éternel rendit-il ce règne un des plus glorieux. Le pays, en pleine prospérité, fournissait sans peine tout ce qu'il fallait pour soutenir l'honneur du trône, et, redouté de ses voisins, Josaphat en tirait des tributs considérables. Ses nombreuses milices, très bien organisées, avaient à leur tête de bons officiers. Tel est le tableau général que nous fait l'Écriture du règne de Josaphat. Après quoi, nous retrouvons dans le second livre des Chroniques (18) le récit contenu au chapitre vingt-deuxième du premier livre des Rois: l'alliance de Josaphat avec Achab, leur guerre contre les Syriens et leur défaite, la mort du roi d'Israël selon la prédiction de Michée [1955-1962.].

2010. (19: 1-3.) C'est le livre des Chroniques qui nous dit ce que Josaphat devint depuis ce moment. À son retour dans sa capitale, Jéhu, fils du prophète que l'Éternel avait envoyé jadis au père de Josaphat [1918], ce même Jéhu dont la parole avait fait trembler le coupable Bahasça [1920] et qui devait être alors fort avancé en âge, se rendit auprès du roi de Juda pour lui reprocher l'alliance qu'il avait contractée avec un impie tel qu'était Achab, et il lui fit sentir qu'il devait à cette grave faute d'avoir failli périr dans le combat. Et pourtant Achab s'était humilié devant Dieu, sa repentance n'avait pas été une pure hypocrisie [1952-1956]; comment donc après cela le voyons-nous encore qualifié d'impie par un prophète de l'Éternel? Ah! c'est que le malheureux Achab n'avait point renoncé au culte institué par Jéroboam. Ainsi, quelles que pussent être ses dispositions secrètes et même celles de la miséricorde divine à son égard, Josaphat ne pouvait et ne devait voir en lui qu'un idolâtre, et il avait eu vraiment tort d'entrer en relations si étroites avec un tel homme.

2011. (4-11.) Voyez en effet la différence entre ces deux princes. Tandis qu'Achab jette en prison le prophète Michée [1961], Josaphat s'excite par la répréhension même de Jéhu à de nouveaux efforts pour l'avancement du règne de Dieu dans ses États. Il fournit chaque ville de gouverneurs ou de juges, chargés de veiller à l'exécution de la loi de l'Éternel, loi civile et politique, autant que religieuse [762]. Il établit à Jérusalem une sorte de cour suprême composée de Lévites, de sacrificateurs et d'anciens; et afin de bien montrer qu'il ne voulait point empiéter sur le domaine religieux, il fait présider ce conseil par le souverain sacrificateur pour toutes les choses qui concernent l'Éternel, et par un des anciens de Juda pour celles qui appartiennent proprement à la couronne.

2012. (20: 1-12.) Cependant le Seigneur réservait à Josaphat une épreuve qui eut pour effet de manifester et d'affermir sa foi et sa piété. Ses États furent subitement assaillis par une grande multitude de gens armés qui, tournant la mer Morte au midi, arrivèrent jusque dans la vallée de Hengueddi [1433]. Au premier abord, Josaphat fut saisi d'une vive frayeur, parce qu'il crut voir dans cette invasion un jugement de Dieu et qu'assurément il ne s'estimait pas innocent de tout péché, ni lui, ni son peuple. Il publia donc un jour de jeûne, et tout Juda se rendit à Jérusalem en vue d'implorer la miséricorde du Seigneur. Le roi, tel qu'un père au milieu de ses enfants, prononça une prière qui remet en mémoire ce que fit Asa dans une circonstance semblable, et la prière même de Salomon, lors de la consécration du temple [1915, 1786 et suiv.]. Il y rappelle les merveilles que l'Éternel avait opérées jadis en faveur du peuple hébreu; il implore sa protection contre les Moabites et les Hammonites, épargnés par leurs pères, et il termine en des termes qui expriment d'une manière admirable la foi des fidèles au fort de la détresse: « O notre Dieu! il n'y a point de force en nous devant cette grande multitude qui vient contre nous, et nous ne savons ce que nous devons faire; mais nos yeux se tournent vers toi! »

2013. (13-19.) Ce dut être un touchant spectacle que ce vieux monarque priant l'Éternel, et toute cette multitude d'hommes, de femmes et d'enfants prosternés avec lui. Mais quelle ne fut pas leur joie lorsqu'un Lévite, descendant d'Asaph (1610), leur donna l'assurance de la part de l'Éternel, que le Seigneur les délivrerait sans qu'ils eussent à tirer l'épée, comme il avait fait à leurs ancêtres devant Jéricho. À ces mots Josaphat et le peuple se prosternèrent de nouveau la face contre terre, pendant que les Kéhathites et les Côrites [1610] chantaient les beaux psaumes de David où l'Esprit de Dieu a déposé l'expression de la foi et de la reconnaissance des rachetés de l'Éternel.

2014. (20.) Le lendemain, l'armée de Juda se mit en marche selon le commandement du Seigneur. Quand elle eut fait quelques pas, Josaphat s'arrêta pour adresser à ses gens ce qu'on appellerait de nos jours une proclamation. Mais quelle proclamation! et combien elle diffère de celles des généraux les plus illustres: « Juda et vous Benjamites habitants de Jérusalem, écoutez-moi: croyez à l'Éternel votre Dieu, et vous serez en assurance; croyez à ses prophètes, et vous prospérerez! » Or, ces simples et belles paroles sont encore aujourd'hui le mot d'ordre de tout vrai chrétien.

2015. (21-28.) Au discours Josaphat joignit l'action. Après avoir consulté son peuple, il prit pour avant-garde des chantres qui marchaient en faisant retentir l'hymne de la victoire, soit le psaume 136 qui célèbre les triomphes d'Israël sur ses ennemis, soit le 118, cantique du Messie, où il est dit entre autres choses: « Toutes les nations m'avaient environné, mais au nom de l'Éternel je les ai détruites. » Ce fut donc dans la plénitude de la foi et de la joie que Josaphat s'avança contre ses ennemis, et sa foi ne fut point trompée. À son approche, la division se mit entre les diverses nations dont se composait l'armée des étrangers. Pleins d'une horrible fureur les uns contre les autres, ils ne laissèrent aux enfants de Juda que la peine de recueillir un immense butin. Combien de fois dès lors, le peuple de Dieu n'a-t-il pas dû sa délivrance aux dissensions de ses ennemis!

2016. (29-37.) À partir de cette époque, Josaphat coula des jours fort paisibles, durant lesquels toutefois il eut le tort de s'associer avec l'impie Achazia fils d'Achab, pour une expédition sur la mer Rouge. Ils construisirent à frais communs quelques vaisseaux; mais ces vaisseaux furent brisés par la tempête, comme un prophète l'avait annoncé. Ce fut probablement lorsque Josaphat les eut remis en état, qu'il refusa positivement à Achazia d'y laisser monter ses gens [1963].

2017. Ainsi, malgré quelques fautes commises par Josaphat, on peut dire qu'il fut un des princes les plus pieux qui aient occupé le trône de David, et son règne, un des plus illustres et des plus prospères. Le peuple n'était pas tout entier converti du cœur à l'Éternel, hélas! cela ne va que trop sans dire; les abus des hauts lieux subsistaient encore; mais enfin l'on ne saurait douter qu'il n'y eût alors en Juda une foule d'âmes dévouées au Seigneur, leur Dieu. En somme, il n'y a pas, dans toute l'histoire, de contraste plus frappant que celui qui nous est offert par les règnes simultanés de Josaphat en Juda, d'Achab, d'Achazia et de Joram en Israël. Là, paix et piété; ici, troubles et désordres, fruits de l'irréligion. Et pourtant ce fut en Israël que le Seigneur suscita un Élie, un Élisée, un Michée fils de Jimla. Belle preuve de l'infinie miséricorde de Dieu! Avec quelle fidélité ce Dieu tout-puissant ne tenait-il pas les promesses qu'il avait faites aux pères des tribus d'Israël! C'était aussi pour l'amour d'Abraham qu'il ne se lassait pas de supporter et d'avertir cette postérité rebelle; le châtiment toutefois devra s'effectuer un jour....


CLIII. — Joram et Achazia en Juda; Jéhu en Israël.


2018. (21: 1-5.) Josaphat mourut âgé de soixante ans, l'an 889, huitième année du règne de Joram, fils d'Achab. Il eut pour successeur son fils aîné nommé aussi Joram, lequel régna huit ans, y compris les années pendant lesquelles Josaphat l'avait associé au trône [1973]. Ce prince ne suivit nullement les traces de son père. Celui-ci ayant commis l'imprudence de donner à ses autres fils une position qui pouvait facilement les rendre indépendants, Joram commença par les faire mourir, et avec eux quelques-uns des principaux d'Israël. — Ici (4), comme au verset 2 et ailleurs (24: 16; 28: 27), Israël est mis pour Juda, parce que les tribus demeurées fidèles à la race de David méritaient ce beau nom pour le moins aussi bien que les autres. Si d'ailleurs les livres des Chroniques furent rédigés après la ruine des dix tribus, il n'y avait pas à craindre que les lecteurs fissent confusion.

2019. (6, 7.) Ce fut donc par un horrible fratricide que Joram inaugura son déplorable règne, et tout en lui fut semblable à son beau-père Achab. Il n'était encore qu'un enfant lorsqu'il devint son gendre en épousant la fameuse Athalie, princesse qui ne se montra que trop digne de sa mère Jézabel. Une telle alliance, répréhensible au point de vue moral, pouvait avoir été conseillée par la politique. Josaphat avait, comme il arrive si souvent, sacrifié les principes à l'utilité; mais on put voir plus tard tout ce qu'il y a d'imprudence dans cette sorte de prudence. L'union de Joram avec Athalie, ses relations avec la cour de Samarie, achevèrent de le corrompre. De là naquirent pour la famille de Josaphat et pour son royaume des calamités sans nombre. En sorte que si l'Éternel ne les détruisit pas, ce fut uniquement pour tenir les promesses qu'il avait faites à David.

2020. (8-15.) Cependant sa main s'appesantit sur Juda, à cause des péchés de Joram. L'Idumée, conquise environ cent cinquante ans auparavant par David (2 Samuel 8: 14), secoua le joug, et, malgré quelques victoires, Joram ne put faire rentrer ce pays sous son obéissance. À quoi servent en effet les triomphes, si l'on n'a pas gagné la bataille par la force de l'Éternel? Puis, Joram ayant multiplié ses iniquités et entraîné le peuple à toutes sortes d'infamies, on lui remit une prédiction écrite par le prophète Élie et demeurée secrète jusqu'alors, prédiction qui lui dénonçait les châtiments personnels dont le Seigneur allait payer ses crimes. À cette époque, le Tisçbite devait avoir reçu sa rémunération: on suppose en conséquence qu'il avait laissé cette prophétie entre les mains d'Élisée, pour être mise au jour dans le temps convenable. C'était une parole qui, en quelque sorte, venait doublement du ciel; mais qu'est cela pour quelqu'un qui ne croit qu'aux choses de la terre!

2021. (16-20.) Joram donc ne se convertit point de ses mauvaises œuvres. C'est pourquoi, après une guerre très malheureuse contre une coalition de Philistins et d'Arabes, guerre dans laquelle Jérusalem fut pillée, la maison royale emmenée captive et les fils du roi presque tous massacrés, Joram mourut d'une horrible maladie et sous une telle malédiction de Dieu, qu'on ne l'enterra point dans les sépulcres des rois de Juda..

2022. (22: 4-9.) Cependant le plus jeune des fils de Joram avait échappé aux ennemis lors de la prise de Jérusalem (21: 17) de même que sa mère Athalie, comme la suite le fera voir. Ce prince s'appelait Jéhoachaz ou Achazia; on le surnomma Hasaria, ou Y aide de Dieu. Quant aux deux premiers de ces noms, il n'existe entre eux aucune différence réelle. Dans l'un et l'autre vous trouvez le mot Achaz, là précédé de deux syllabes, Jého, commencement du mot Jéhovah; ici, suivi de la diphthongue «ia», abréviation du même mot Jéhovah. — Ce fut donc ce jeune prince que les habitants de Jérusalem placèrent sur le trône. Il était dans sa vingt-deuxième année. Le livre des Chroniques dit quarante-deux; mais en le comparant avec le second livre des Rois, 8: 26, on voit évidemment qu'il y a ici une faute de copiste.

2023. Achazia ne fit, pour ainsi dire, que se montrer sur le trône, mais il y fut assez longtemps pour empirer l'état religieux du royaume de Juda, de plus en plus semblable à celui d'Israël. Docile aux mauvais conseils d'Athalie, il se conduisit comme l'aurait fait un vrai fils d'Achab et de Jézabel; aussi se vit-il enveloppé dans le terrible jugement sous lequel tomba la coupable famille d'Homri. Joram d’Israël, l'oncle maternel d'Achazia, que nous avons quitté [2008] pour faire l'histoire de Josaphat et de ses fils, Joram, dis-je, régnait encore. En guerre avec Hazaël, le nouveau roi de Syrie [2007], il appela son neveu au secours de ses armes. Achazia d'accourir; mais ce fut pour sa perte, car il se trouva précisément dans la Samarie lorsque Jéhu exterminait la.famille royale. Ce fut ainsi que le roi de Juda tomba lui-même sous les coups de cet homme vaillant.

2024. Ceci nous ramène au royaume d'Israël. Le perfide Hazaël est assis sur le trône de Syrie après avoir assassiné Benhadad; Joram, fils d'Achab, règne encore à Samarie et fait la guerre aux Syriens, ayant pour auxiliaire Achazia; Élisée le prophète est toujours vivant: c'est au second livre des Rois que nous lisons la suite de cette histoire et l'avènement de Jéhu à la couronne.

2025. (2 Rois 8: 28, 29; 9: 1-10.) Joram étant donc parti pour Ramoth de Galaad, livra bataille aux Syriens; son armée fut mise en déroule et lui-même grièvement blessé. En ce triste état, il reprit le Chemin de Jisréel, où son neveu s'en alla le joindre. Tandis que ces deux méchants princes recueillaient ainsi les premiers fruits de leur impiété, un fils de prophète se transportait à Ramoth de la part d'Élisée, avec une fiole d'huile en sa main. Joram y avait laissé une garnison et Jéhu en était un des capitaines. Le prophète appelle Jéhu, Verse l'huile sur sa tête, lui annonce que l'Éternel le destine à régner et à châtier la maison criminelle d'Achab; puis il prend la fuite, exprimant par cet acte symbolique [1802] la terreur que le nom de Jéhu répandrait en tout lieu.

2026. (11-26.) Politique habile, Jéhu ne se hâta pas de raconter à Ses camarades ce qui venait de se passer; mais bientôt, devinant que la parole du prophète s'accordait avec leurs pensées, il leur en fait la révélation, et, à l'instant, ils le proclament roi d'Israël; puis les conjurés montent à cheval et se précipitent du côté de Jisréel, où ils Savaient Joram retenu par sa blessure. Le roi, informé qu'on apercevait de loin une troupe de cavaliers, envoya reconnaître ce que c'était, et comme Jéhu ne laissait pas ses messagers retourner sur leurs pas, Joram monte sur un chariot, invitant Achazia d'en faire autant, et c'est ainsi qu'ils se présentent devant le redoutable Jéhu.

2027. Ils n'allèrent pas loin, car ils le rencontrèrent sur le terrain même qui avait appartenu à Naboth. «Y a-l-il paix? cria Joram. — Quelle paix? répondit l'exécuteur des jugements de Dieu; quelle paix peut-il y avoir pour un fils de Jézabel?—Nous sommes trahis!» dit Joram en tournant bride; et à ce même instant une flèche partie de l'arc de Jéhu lui transperce le cœur. Joram tombe de son chariot; et, en ce champ de Naboth, pour l'acquisition duquel Achab et Jézabel avaient répandu le sang innocent, le cadavre du roi d'Israël est abandonné aux chiens.

2028. (27-29.) Justement effrayé, le malheureux Achazia s'enfuit jusqu'à Samarie, mais Jéhu l'y poursuivit; et, comme il cherchait à s'échapper, il fut atteint à Méguiddo, où on le fit mourir. Cependant, par respect pour la mémoire de Josaphat, Jéhu permit que le corps d'Achazia fût transporté à Jérusalem, afin d'y recevoir la sépulture royale. (2 Chron. 22: 9.)

2029. (30-37,) Comme Jéhu rentrait à Jisréel, la méchante Jézabel, qui ne devait plus être jeune, se farda le visage, orna sa tête et se mit à la fenêtre de son palais, dissimulant la terreur qui s'était sûrement emparée d'elle, si du moins sa conscience n'était pas tout à fait endurcie. En la voyant, Jéhu fait un signe à ses officiers; deux ou trois d'entre eux montent dans le palais et précipitent sur le pavé cette femme maudite, comme l'appelait Jéhu. Cependant il ordonna qu'on rendît à la terre sa dépouille mortelle; mais il avait tardé quelque peu, et quand on alla pour relever le cadavre, on le trouva presque tout entier dévoré par les chiens. Ainsi s'accomplit de point en point la parole d'Élie le Tisçbite (1 Rois 21: 23, 24).

2030. (10: 1-28.) Jéhu cependant n'était pas encore au bout de ses exécutions contre les fauteurs de l'idolâtrie cananéenne. Il fit donc mourir tout ce qui restait de fils et de petits-fils d'Achab; il traita de même les neveux d'Achazia (2 Chron. 22: 8), appelés ici ses frères [271]. Après quoi Jéhu, convoquant à une fête tous les prêtres de Bahal, comme s'il eût voulu adorer leur dieu, détruisit ces corrupteurs du peuple, et, avec eux, un grand nombre d'Israélites qui étaient particulièrement amis de la famille royale et adonnés au culte du faux dieu. Enfin Jéhu couronna ces terribles expéditions en renversant la statue de Bahal et sans doute ses autels. Il eut pour second dans ce jugement de Dieu, dans cette œuvre sainte mais épouvantable, un homme pieux et digne de toute estime, Jonadab, fils de Réchab.

2031. (29-35.) Nul doute qu'en cela Jéhu n'ait accompli la volonté de l'Éternel; mais ce n'est pas à dire qu'il l'ait toujours fait de la manière qu'il aurait dû. Il n'y mit que trop de ruse et de passion. D'ail leurs, il laissa l'œuvre inachevée, puisqu'il ménagea les veaux d'or de Jéroboam. Aussi l'Éternel lui annonça-t-il que sa famille ne régnerait que pendant quatre générations. Ce n'est pas tout: sous son règne même, c'est-à-dire sous un prince vaillant qui porta la couronne vingt-huit ans, l'Éternel permit le démembrement d'une portion considérable du royaume. La contrée à l'est du Jourdain tomba entre les mains d'Hazaël, et voilà comment le fier Jéhu lui-même fut châtié et humilié.


CLIV. — Athalie, Joas et Amasias à Jérusalem; Joachas, Joas et Jéroboam II à Samarie.


2032. (22: 10-12.) Athalie, fille du roi Achab et mère d'Achazia, avait échappé à l'horrible catastrophe qui venait d'atteindre la maison d'Homri. Cette femme fut plus méchante que sa mère Jézabel, et Dieu semble ne l'avoir ménagée que pour rattacher plus fortement le royaume de Juda aux princes du sang de David. Athalie, fille, femme, sœur et mère de roi, jugea l'occasion propice pour contenter son effroyable ambition et faire triompher l'idolâtrie. D'une main cruellement impie, elle fit mourir ses propres petits-fils, en sorte qu'il ne resta de toute la famille de Joram qu'un très jeune enfant, nommé Joas. Sa tante Jéhosçabath, femme du souverain sacrificateur Jéhojadah, parvint à cacher le jeune prince dans les bâtiments du temple, et six années se passèrent de la sorte. Jéhu régnait à Samarie, Athalie à Jérusalem.

2033. (23: 1-15.) L'an 878 avant notre Seigneur, Jéhojadah ayant révélé à quelques amis le précieux trésor qu'il tenait caché depuis si longtemps, réunit à Jérusalem, dans l'enceinte même du temple, tous les fils de Lévi demeurés fidèles à l'Éternel. Quand il les eut armés et avertis, il leur présenta le jeune prince, alors âgé de sept ans. On lui mit sur la tête une couronne, entre les mains, la loi de l'Éternel, et il fut proclamé roi. Aux cris de «Vive le roi!» acclamation qu'on avait cessé d'entendre depuis la mort d'Achazia, le peuple accourt au temple et Athalie le suit. Elle a beau crier: Conjuration! et appeler à elle ses partisans, elle se voit abandonnée de tous; quelques hommes l'arrachent du temple et mettent fin à sa criminelle vie. Ce ne fut pas un régicide, mais un vrai jugement; car en Israël plus que nulle part la loi était supérieure au prince, parce que c'était la Loi même de l'Éternel. Et puis, nous savons que le peuple tout entier devait pourvoir à ce qu'elle fût observée, surtout en ce qui concernait l'idolâtrie, crime de lèse-majesté au premier chef (Deut. 13: 6-10).

2034. (16-21.) «Alors Jéhojadah, tout le peuple et le jeune roi lui-même s'engagèrent par une alliance à être le peuple de l'Éternel.» On détruisit le temple de Bahal et les images de ce dieu; Mattan, sacrificateur de l'idole, fut mis à mort, et l'on restaura le culte de Jéhovah, selon les ordonnances de Moïse et de David. Joas ayant été conduit dans le palais de ses pères, ce fut avec une grande joie que le peuple entier se rangea sous son sceptre. Le règne d'Athalie était devenu si odieux, que cette restauration s'accomplit sans opposition apparente.

2035. (24: 1-14.) Sous la direction de Jéhojadah son oncle, Joas fit ce qui est droit devant l'Éternel. Un des premiers actes de son règne fut d'ordonner les réparations dont le temple avait un urgent besoin, par la négligence de ses prédécesseurs et plus encore par les dévastations qu'ils y avaient commises pour embellir les temples des idoles. Comme ces travaux exigeaient des sommes considérables, on imagina divers moyens pour se les procurer. Craignant, à ce qu'il paraît, que les contributions volontaires ne pussent y suffire, Joas leva l'impôt du dénombrement (Exode 30: 13); il décida de plus qu'on destinerait à cette dépense certaines valeurs qui, d'après la loi de Moïse, revenaient de droit aux Lévites (2 Rois 12: 4). Or ceux-ci, concentrés dans le midi du pays de Canaan, depuis le schisme de Jéroboam, n'avaient plus que de chétives ressources. D'un autre côté, l'on est généralement mal reçu quand on demande des contributions volontaires comme complément d'un impôt. Cela explique d'où vient qu'il s'écoula plus de vingt ans avant que les ordres de Joas eussent pu s'effectuer, soit qu'il faille entendre par là qu'on n'avait fait qu'une partie des ouvrages, soit qu'on n'eût pas même commencé [2 Rois 12: 6). Enfin, l'on eut pour recours unique le moyen employé jadis par Moïse et par David en pareil cas, et l'œuvre put s'achever [799, 852. 1602].

2036. (15-19.) Jéhojadah étant mort à l'âge extraordinaire de 130 ans, Joas, fatigué de cette longue tutelle et de ce qu'il appelait sans doute la domination des prêtres, parce que son cœur ingrat ne servait pas le Seigneur; Joas, qui n'avait qu'une piété d'emprunt, comme celle que l'on contracte en vivant dans une famille pieuse ou sous l'influence d'un réveil religieux; Joas, plus coupable que bien d'autres après tant de délivrances et de grâces, Joas, dis-je, écouta les conseils de quelques-uns des principaux de Juda, impatients comme lui du joug de l'Éternel. Après avoir accordé à la dépouille mortelle de Jéhojadah les honneurs de la sépulture royale, comme pour s'acquitter envers lui de tout ce qu'il lui devait, il se mit à adorer les faux dieux, malgré les représentations des prophètes du Seigneur, et ce fut ainsi qu'il attira sur son royaume et sur lui les carreaux de la colère divine.

2037. (20-22.) Joas , dès ce moment, fit de rapides progrès dans l'iniquité. Zacharie, fils de Jéhojadah, s'étant présenté devant le peuple pour reprocher aux habitants de Jérusalem leur idolâtrie et leur dénoncer les jugements de Dieu, le roi le fit saisir et lapider. Voilà donc où l'on en vient quand on renie la foi de sa jeunesse! Joas versa le sang d'un prophète de l'Éternel, de son plus proche parent, du fils de son bienfaiteur, d'un homme qui devait lui être comme un frère; car ils avaient sucé le même lait, et Jéhosçabath avait été pour l'indigne Joas bien plus que sa propre mère.

2038. (23-27; 2 Rois 12: 18.) Abandonné de Dieu et menacé par Hazaël, Joas imagina de livrer aux Syriens les magnifiques trésors du temple de l'Éternel. Mais, alléchés par cet or même, les Syriens reparurent l'année suivante, et, bien que peu nombreux, ils entrèrent à Jérusalem malgré l'armée considérable de Joas. Le jugement du Seigneur était évident. Tous les principaux du peuple périrent et l'on conduisit à Damas un immense butin. Ce fut ainsi qu'Hazaël devint pour Juda comme pour Israël un vrai fléau de Dieu [1943, 2007]. Peu après, il se fit une conspiration contre Joas, et ce malheureux prince, ingrat envers Celui qui, dans son enfance, l'avait préservé du fer homicide, mourut assassiné par ses propres sujets. Il avait quarante-sept ans, et il eut pour successeur son fils Amasias, l'an 839.

2039. (2 Rois 13: 1-9.) Jéhu, ayant gouverné Israël pendant les vingt-trois premières années du règne de Joas, eut pour successeur son fils Joachaz, qui fut près de dix-sept ans sur le trône. Persévérant dans les voies du fondateur du royaume, il s'attira la colère de Dieu. Il vit ses États, durant longtemps, sous la domination d'Hazaël et de son fils. Celui-ci avait repris le nom de Benhadad, nom fréquent parmi les rois syriens. Joachaz, avant de mourir, obtint de l'Éternel quelque soulagement, mais il n'en demeura pas moins dans ses superstitions. Il laissa le trône à son fils Joas. L'autre Joas régnait encore, pour peu de jours, à Jérusalem.

2040. (10-25.) Ce fut sous le fils de Joachaz que mourut le prophète Élisée. Bien que Joas (d'Israël) maintînt le culte institué par Jéroboam, il nourrissait un profond respect pour le vieux prophète et il alla le voir sur son lit de mort. Au moyen d'actes symboliques comme nous en avons déjà vu quelques-uns [1950, 1957, 2025], Élisée lui prophétisa de grandes victoires sur les Syriens, bien que moins éclatantes que s'il avait montré plus de foi et de persévérance. En effet, Joas parvint à leur reprendre les villes de la rive droite du Jourdain dont Hazaël s'était emparé du vivant de Joachaz. Mais un événement par lequel le Seigneur voulut surtout rappeler aux Israélites le long ministère d'Élisée et ses prophéties contre la maison de Jéhu, ce fut celui qui arriva peu de temps après sa mort. Un jour qu'on enterrait à la hâte les hommes qui avaient succombé dans une bataille, on jeta un cadavre à côté du corps d'Élisée, et ce cadavre revint à la vie, non parla puissance du prophète assurément, mais par le pouvoir créateur de celui qui fait mourir et qui fait vivre.

2041. Je me souviens à ce propos que les catholiques citent ce miracle à l'appui du culte qu'ils rendent aux reliques, prétendant que, souvent, la dépouille mortelle de leurs saints a effectué de grands miracles, comme les os d'Élisée. Mais il y a deux choses à leur répondre. L'une, que ces miracles de leurs saints ne nous sont pas rapportés par la Bible, pour que nous les croyions; l'autre, que, malgré le miracle opéré par le Seigneur à côté des os de son prophète, nous ne voyons pas que jamais les Israélites aient rendu un culte à Élisée ou à quelqu'un de ses restes mortels.

2042. (14: 1-16.) Ce même Joas, roi d'Israël, eut avec Amasias, fils de Joas, roi de Juda, une guerre où il remporta des succès auxquels nul de ses prédécesseurs n'aurait osé prétendre; mais ces succès et cette guerre prouvent tout à la fois le mépris que Joas faisait du Dieu de David, et la malédiction qui reposait alors sur le royaume de Juda. Le roi d'Israël, qui avait feint de prendre les armes à regret, pénétra jusque dans la ville sainte de Jérusalem, pilla le temple et porta, triomphant, son riche butin à Samarie.

2043. (2 Chron. 25: 1-10.) Ceci nous ramène au royaume de Juda et au règne d'Amasias, fils de l'autre Joas et arrière-petit-fils d'Athalie, règne qui dura vingt-neuf ans et fut remarquable à plus d'un égard. «Amasias fit ce qui est droit devant l'Éternel,» dit l'Écriture, «mais il ne le fit pas avec intégrité de cœur;» c'est-à-dire qu'il tint la main à l'exécution des lois de l'Éternel (il n'y en avait pas d'autres), mais que ce ne fut pas du cœur qu'il servit Dieu. Il commença par faire mourir les assassins de son père, et, tandis que souvent, en pareil cas, on frappait aussi les enfants des coupables, il suivit ce qui est prescrit dans la Loi (Deut. 24: 10).

2044. Amasias, prince belliqueux, voulut se former une armée imposante. Dans ce but il prit à sa solde cent mille Israélites; mais un homme de Dieu lui reprocha son infidélité, et comme Amasias hésitait à renvoyer cette troupe à cause de l'argent qu'elle lui avait coûté, le prophète lui fit cette belle réponse; «L'Éternel a le pouvoir de t'en donner beaucoup plus.» Ah! l'on ne saurait croire combien de fois il arrive que, dans les choses mêmes de Dieu, on se laisse conduire par l'avarice; si seulement on se l'avouait avec la même naïveté qu'Amasias! Le roi de Juda comprit bientôt quel était son devoir et il congédia les Israélites, malgré le mécontentement qu'ils en témoignèrent.

2045. (11-10.) Cela fait, il marcha contre les Iduméens pour les châtier de leur ancienne révolte (2 Chron. 21: 8-15); il les battit, les traita même avec cruauté, conduisit dans ses États une riche proie et orna son triomphe en faisant porter devant lui les idoles des Iduméens. Après avoir de la sorte humilié ces symboles de la superstition, n'eut-il pas la criminelle folie de leur offrir un culte, d'y persévérer malgré les remontrances d'un prophète, de menacer enfin l'interprète du Très-Haut! Voilà comment il en vint, à peu de chose près, au même point où en avait été son père (2 Rois 14: 3).

2046. (17-28.) Ce fut alors qu'Amasias eut sa guerre malheureuse avec Joas d'Israël [2042], guerre qu'il provoqua et qui fut un châtiment dont il ne profita guère. Il vécut encore quinze ans depuis la mort de son vainqueur; quinze années qu'il consuma dans le péché. Comme son père, il mourut de la main de ses sujets, à Lakis, où il s'était vainement réfugié. Il eut pour successeur son fils Hozias. Ce devait être l'an 810.

2047. (2 Rois 14: 23-29.) Quant à Joas, fils de Joachaz, que nous avons laissé triomphant du roi de Juda, ce spoliateur du temple de l'Éternel mourut peu de temps après son expédition, laissant le trône à son fils Jéroboam II, arrière-petit-fils de Jéhu. Ce Joas avait régné seize ans sur les dix tribus. Le second Jéroboam occupa le trône plus longtemps qu'aucun de ses devanciers; et, bien qu'il suivit leurs traces, au moins dans le culte des veaux d'or, l'Éternel jugea bon de lui accorder de grandes faveurs. Plus le royaume schismatique d'Israël approchait de son terme, plus Dieu avait à cœur de montrer qu'il eût pu lui donner une grande prospérité et une longue durée si le peuple eût été plus fidèle.

2048. Jéroboam parvint donc à rétablir les anciennes limites de son royaume, en expulsant les Syriens des territoires qu'ils occupaient depuis le temps de Jéhu. Puis, son règne eut une autre gloire encore. Ses triomphes furent prophétisés par le prophète Jonas fils d'Amittaï; un autre prophète, Amos, écrivit à cette époque ses prophéties. On ne sait pas si Jonas avait parlé de Jéroboam avant que ce prince fût sur le trône ou depuis qu'il y était monté. Dans tous les cas, il est certain que le livre de Jonas est le plus ancien des livres prophétiques, après Moïse et David; puis viennent ceux de Joël et d'Amos. C'est donc le moment de nous en occuper; après quoi nous reprendrons l'histoire des successeurs d'Amasias en Juda et de Jéroboam II en Israël.


LE PROPHÈTE JONAS.

CLV. — Mission de Jonas et ses résultats.


2049. À partir de Samuel, et presque sans relâche, le Dieu d'Abraham , d'Isaac et de Jacob entretint au milieu de son peuple quelques prophètes, hommes en général sortis, non de la tribu de Lévi, mais du gros de la nation, et qui avaient pour charge de rappeler aux Israélites la loi de l'Éternel, sa présence et son pouvoir. Vous vous rappellerez aisément les noms d'un Nathan, d'un Gad, d'un Hazaria, d'un Ahija, d'un Hanani, d'un Michée, d'un Jéhu (non pas le monarque) [1920], puis ceux d'Élie et d'Élisée, les plus illustres de tous. Mais ni les uns ni les autres ne furent appelés à laisser quelque monument de leur mission.

2050. C'est par Jonas que commence la série des prophètes qui, s'étant succédé dans un intervalle d'environ quatre siècles et ayant écrit sous l'inspiration divine, ont donné à la sainte Écriture de l'Ancien Testament le fini qui lui manquait encore, s'il est permis de s'exprimer ainsi. Leurs livres complètent d'une manière admirable les premières révélations du Très-Haut. Pour les étudier dans leur ordre chronologique, nous devons prendre d'abord celui de Jonas. Malheureusement cette étude ne saurait se faire ici d'une manière approfondie. Je tâcherai, toutefois, d'en dire assez pour mettre sur la voie ceux de mes lecteurs qui voudront méditer ces livres avec plus de soin.

2051. (1: 1-3.) Jonas, originaire de Gath-Hepher, appartenait à la tribu de Zabulon (Josué 19: 13) et de cette manière au royaume fondé par Jéroboam. Malgré l'idolâtrie régnante, l'Éternel y avait toujours compté quelques fidèles (1 Rois 19: 18). La mission qui lui fut confiée n'était pas facile. Il devait se rendre à Ninive, capitale du premier royaume d'Assyrie. Là, régnait un prince tellement dissolu, que son nom, Sardanapale, sert encore de nos jours à imprimer une flétrissure. Les débordements du prince et de son peuple étaient devenus tels, qu'on pouvait aisément prévoir la ruine de l'empire; mais en préciser l'époque, l'annoncer à ces idolâtres, les convier à la repentance, leur promettre un répit moyennant cette condition, voilà ce qui n'était pas facile et ce que Jonas devait faire, en se présentant au nom d'un Dieu que les Ninivites ne connaissaient pas. On conçoit que la foi et le cœur lui aient manqué, encore plus qu'à Moïse lorsque Dieu l'envoya près de Pharaon. Mais Jonas, comme Moïse, n'en est pas moins très condamnable; il l'est même beaucoup plus que le législateur des Hébreux, car il se montra désobéissant jusqu'au bout. Au lieu de prendre son chemin vers l'orient, il dirige ses pas du côté de la Méditerranée et il s'embarque à Japho (Joppé, Jaffa) sur un vaisseau qui allait en Espagne. C'est ainsi qu'il commence lui-même son histoire, nous racontant avec une grande franchise sa lâcheté et sa révolte. Nous verrons par ses aveux subséquents, qu'il eut d'autres choses encore à se reprocher.

2052. (4, 5.) Mais, disait, David «où irai-je loin de ton Esprit? où fuirai-je loin de ta face?... Si je prends les ailes de l'aube du jour et que je me loge à l'extrémité de la mer, là même ta main me conduira et ta droite me saisira» (Ps. 139). C'est ce que Jonas vit bientôt. Une effroyable tempête assaillit le vaisseau sur lequel il était monté. Elle fut telle que les matelots même, pleins d'épouvante, perdirent tout espoir de se sauver par l'habileté de leurs manœuvres. Ils invoquent le secours des dieux, ils jettent à la mer la charge du navire, et, comme ils fouillaient partout, ils trouvent Jonas couché à fond de cale, où il dormait paisiblement. Ah! ce n'était pas le sommeil paisible d'un homme qui se confie en Dieu (Ps. 3: 5), mais plutôt celui d'une conscience qui cherche à s'endurcir.

2053. (6-11.) «Que fais-tu là, dormeur? lui crie le patron du vaisseau. Crie à ton Dieu, quel qu'il soit, peut-être qu'il nous délivrera.» Puis, partant de l'idée, fort juste au fond, que ce sont nos péchés qui attirent sur nous la colère divine, mais oubliant que tous sont pécheurs et méritent également cette colère, les hommes de l'équipage jettent le sort pour savoir auquel d'entre eux ils devaient attribuer un naufrage de plus en plus inévitable. Par la volonté d'en haut, le sort tomba sur Jonas. Interrogé, il fallut bien qu'il avouât son crime, et ces gens grossiers, mais simples de cœur, toujours plus effrayés à la vue d'un homme qui avait osé se révolter si ouvertement contre son Dieu, lui demandèrent ce qu'il y avait à faire pour que la mer s'apaisât.

2054. (12-16.) «Prenez-moi, dit le prophète, et me jetez à la mer, car je suis de vous tous le plus coupable; mais croyez-moi, ou plutôt croyez mon Dieu; c'est à ce prix que la mer s'apaisera,» Cependant l'équipage hésite; on ne peut se résoudre à porter les mains sur un interprète de la Divinité; on fait force de rames pour atteindre quelque côte: tout est inutile. Voyant cela, les matelots invoquent le Dieu de Jonas sous son auguste nom de Jéhovah, ils implorent sa clémence, ils s'en remettent à sa suprême volonté, et ils jettent à la mer le prophète prévaricateur. Aussitôt les vents se taisent et la mer se calme, comme plus tard les eaux du lac de Génézareth à la voix, de Jésus. Frappés de cette merveille, les matelots font des vœux à l'Éternel et lui offrent des sacrifices. Par la bonté de Dieu, l'infidélité de son serviteur est le moyen même qu'il emploie pour amener ces pauvres idolâtres à sa connaissance. Que de fois déjà nous l'avons vu tirer ainsi le bien du mal, la lumière des ténèbres.

2055. (2.) L'Éternel ne voulait pas la mort de Jonas, mais sa conversion et sa vie. Il avait préparé un grand poisson qui l'engloutit, la garda vivant durant trois jours et trois nuits, et, au commandement du Seigneur, le déposa sur le rivage d'où Jonas était parti. On a dit, à l'occasion de ce miracle, qu'il n'existe pas dans la Méditerranée de poisson capable d'avaler un homme. Mais outre que ce fait est loin d'être exact, est-ce que Dieu n'a pas pu faire venir du grand Océan, pour le moment où il le voulait, le poisson qu'il destinait à recevoir le corps de Jonas, et même en créer un exprès s'il le fallait? On a dit aussi que, dans le sein d'un poisson, il est impossible qu'un homme respire, et que ne pas respirer c'est mourir. Mais non, il est prouvé qu'un homme peut demeurer un temps assez long sans respirer et pourtant sans mourir. D'ailleurs, il ne s'agit pas de ce qui se peut en temps ordinaire, mais de ce que Dieu peut quand il le veut. Or c'est lui qui fait revivre les morts, et ne saura-t-il pas, au besoin, entretenir la vie en toutes circonstances? Au surplus, la réalité de ce miracle nous est attestée par notre Seigneur lui-même, et en des termes qui le rendent particulièrement important; car ce prodige se trouve avoir été le type de la sépulture et de la résurrection du Sauveur: c'est ainsi que Jonas a prophétisé Jésus-Christ (Matth. 12: 39-41; 16: 4; Luc 11: 29, 30.)

2056. Dans ce lieu noir et profond comme le sépulcre, le fils d'Amittaï fut éclairé par une lumière et plus douce et plus vive encore que celle du soleil. L'Esprit de grâce et de supplication l'y visita. En cette demeure où l'avaient mis son péché et tout à la fois la miséricorde de Dieu, il ressentit les admirables effets de la présence du Seigneur. Il traversait, comme dit David, la vallée de l'ombre de la mort; mais l'Éternel fut son berger et il le consola (Ps. 23). Nous le voyons par le beau cantique de Jonas. Il comprit que si Dieu lui conservait la vie d'une manière si merveilleuse, c'était une preuve qu'il ne l'avait pas rejeté, et il attendit avec foi l'accomplissement entier de la délivrance; belle image du fidèle qui, dans ses plus horribles détresses, ne laisse pas de se confier au bras puissant de l'Éternel son Rédempteur.

2057. (3: 1-9.) Chargé pour la seconde fois de sa redoutable mission, Jonas ne balance plus. Il se rend à Ninive, ville immense, d'environ deux millions d'habitants, et dont on ne pouvait parcourir les principales rues en moins de trois jours, ou peut-être dont il fallait trois jours pour faire le tour. Elle était plus grande que ne fut ensuite Babylone, et Babylone avait vingt lieues de circuit. Que d'âmes qui se perdent au milieu de ces cités colossales, centres de la civilisation, mais aussi de la corruption! Jonas employa toute une journée à crier dans les rues: «Encore quarante jours, et Ninive sera détruite!» À la voix de cet inconnu qui, parlant avec la gravité et l'assurance d'un messager céleste, menaçait les Ninivites de châtiments dont leur propre conscience les jugeait dignes, il y eut un effroi universel. Rien ne s'émeut plus facilement que la population d'une grande ville. Sardanapale lui-même tremble de sa mollesse; il proclame un de ces jeûnes qui étaient plus fréquents dans son culte que dans celui des Israélites et qu'on imposait même au bétail. Mais aujourd'hui, c'était pour fléchir Jéhovah, le Dieu d'Israël, le Dieu vivant et vrai.

2058. (10.) Un mouvement si subit et si général ne pouvait être parfaitement sincère. Aussi l'histoire ancienne nous apprend-elle que l'empire ninivite tomba quelques années après, pour faire place à trois autres royaumes. Toutefois l'Esprit de l'Éternel accomplit certainement une œuvre de grâce au milieu de cette population idolâtre et corrompue. Un grand nombre d'âmes se convertirent de la vraie conversion, et l'Éternel détourna pour le moment de dessus les Ninivites les maux qui les menaçaient. C'est pour cela que notre Seigneur a pu déclarer qu'au jour du dernier jugement, des hommes de Ninive se relèveront et condamneront, par leur repentance, les malheureux fils d'Abraham qui le rejetèrent (Matth. 12: 41). À quoi nous ajoutons qu'ils condamneront ceux qui demeurèrent sourds à la voix d'un Élie ou d'un Élisée, et tant de gens encore qui, de nos jours, entendent l'Évangile et le repoussent avec obstination.

2059. (4: 1-3.) Tout autre que Jonas aurait eu le cœur plein de joie à la vue du succès inespéré de sa prédication. Mais le fils d'Amittaï était un homme d'un caractère violent et revêche. Il fut contrarié de ce que sa parole ne s'était pas accomplie à la lettre. Il n'avait pas prêché aux Ninivites la repentance, mais le châtiment, et il aurait préféré de les voir punis. Ces hommes avaient mieux compris que lui la pensée de Dieu, et lui, s'il ne l'avait pas comprise, c'était à cause de la dureté de son cœur. Le voilà donc murmurant contre l'Éternel, regrettant d'être venu à Ninive, reprochant au Seigneur ce qui fait sa gloire, je veux dire lui reprochant sa miséricorde [847]. Ce malheureux Jonas! ne va-t-il pas jusqu'à implorer la mort, après l'avoir vue de si près, et quand il n'avait dû qu'à la bonté de Dieu d'en être préservé!

2060. (4-6.) Or, cette bonté de Dieu est vraiment inconcevable. Voyez avec quelle douceur le Seigneur reprend son prophète. Cependant il devait, par amour même pour Jonas, lui faire sentir sa folie, et il employa le moyen le plus propre à frapper son esprit comme à toucher son cœur. Jonas avait choisi pour sa demeure un lieu hors de la ville; il s'y était arrangé tant bien que mal une hutte, et l'Éternel fit croître subitement tout à côté une plante à larges feuilles qui protégeait le prophète de son ombre. On s'est demandé quel arbre avait pu se développer avec une telle rapidité, et l'on a dit le ricin; mais que ce soit le ricin ou un autre végétal, toujours est-il que son accroissement, presque instantané, fut le pur effet du pouvoir magnifique de Dieu. Jonas eut une grande joie en voyant cette verdure ombrager sa hutte, et ce malheureux égoïste qui avait trouvé l'Éternel trop bon envers les Ninivites, ne trouva pas sans doute qu'il le fût trop envers lui!

2061. (7-11.) Il fallait donc quelque chose encore pour lui ouvrir les yeux. C'est pourquoi, le jour d'après, au moment où un vent de l'est vint ajouter ses ardeurs à celles du soleil, le bienfaisant arbuste, rongé dans ses racines par un ver, se flétrit et sécha dans un instant. Pour cette fois Jonas crut qu'il allait mourir; et son angoisse fut telle, qu'à son gré la mort n'arrivait point assez vite. Puis le Seigneur lui ayant de nouveau reproché son abattement dans les termes les plus simples et les moins sévères, Jonas répondit avec une profonde amertume: «Oui, j'ai raison de m'affliger» La leçon était complète. Il ne restait plus au Seigneur qu'un seul mot à dire: «Tu as pitié d'un ricin pour lequel tu n'as pris aucune peine, que tu n'as point élevé, qui, né dans une nuit, dans une nuit a péri; et moi, je n'aurais point pitié de Ninive, cette grande ville, dans laquelle il y a plus de cent vingt mille êtres humains qui ne savent pas distinguer leur droite de leur gauche, et des animaux en grand nombre?»

2062. Jonas aurait pu répondre: Ce n'est pas pour elle, c'est pour moi que je regrette cette plante. Cependant il ne le dit point, parce qu'il comprit enfin que si Dieu avait épargné les Ninivites, ce n'était pas non plus pour eux proprement, mais pour la gloire de sa miséricorde. La compassion de Dieu, cette compassion qui s'étend à toutes ses créatures, voilà ce qui dut le toucher et amollir la dureté de son cœur.

2063. Comme je viens de le dire, il est peu d'histoires de la Bible qui soient plus que celle-ci à la gloire de Dieu et à la confusion de l'homme. D'un bout à l'autre, le Seigneur s'y montre plein de bonté et Jonas plein de mal. Toutefois on ne saurait voir en lui un impie. C'est un homme qui se laisse emporter aux mouvements de son égoïsme; mais au fond c'est un serviteur de Dieu, et, soit qu'il ait écrit lui-même son histoire, soit qu'un autre prophète l'ait fait d'après ses récits, il est impossible de n'être pas frappé du ton de parfaite sincérité qu'elle respire. Vous n'y trouvez pus un seul mot par lequel l'écrivain cherche à pallier les torts du prophète, et cette humilité-là, l'Esprit de Dieu peut seul la donner aux fidèles. La conscience de Jonas, d'abord endormie par la désobéissance, puis aveuglée par l'égoïsme; cette conscience qui, pour un temps, parla moins sérieusement que celle des marins de Japho et bien moins haut que celle de Sardanapale et de son peuple, avait enfin subi les saintes influences de la Parole de Dieu. Pour terminer ces réflexions générales, ne semble-t-il pas qu'il y ait dans la vocation des Ninitives à la repentance par la bouche de Jonas, un type de la vocation qui fut adressée aux païens, quelques siècles plus tard, par le ministère des apôtres de Jésus-Christ? Ce grand mystère de la vocation des Gentils, comme l'appelle saint Paul, sera désormais l'objet de maintes prophéties, et je me plais à attirer sur ce point l'attention de mes lecteurs, car c'est un de leurs titres à la possession des promesses de Dieu (1640, 1662, 1720).


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