Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ECCLÉSIASTE.

CXL. — Exposition générale du livre.

----------


1851. Ce Livre est un des plus difficiles de la Parole de Dieu. Cela ne vient pas seulement du style; la difficulté gît surtout dans le sujet même et dans la manière, en quelque sorte énigmatique, dont il est traité. La question agitée est une de celles qui, de siècle en siècle, ont le plus occupé les philosophes, et sur lesquelles il s'est avancé le plus d'assertions contradictoires. L'homme sent qu'il fut créé pour être heureux; c'est la fin qu'il se propose en dépit de tout, et il en est toujours à se demander ce que c'est donc que le bonheur. Il y a sans doute une réponse fort simple à faire, et le chrétien la sait bien; mais le pécheur abandonné à lui-même, ou, en d'autres termes l'homme qui a délaissé Dieu, ne parvient pas à la trouver. Plus il cherche, plus il s'égare; et, dans son égarement, il va jusqu'à se persuader qu'on peut être heureux par l'impiété. C'est le voyageur qui s'est enfoncé dans une vaste forêt et qui, voulant en sortir, s'y perd toujours davantage.

1852. Quoique ce livre ne porte pas le nom de Salomon, il ne saurait être que de lui, et il n'y eut jamais de doute sérieux à ce sujet. De tous les fils et descendants de David, il n'est que Salomon qui ait régné sur les douze tribus d'Israël (1: 1; 12). Ses successeurs furent appelés rois de Juda, et d'ailleurs il n'en est aucun qui ait pu parler de soi comme le fait ici I’Ecclésiaste. Ce mot veut dire le Prédicateur, un homme qui exhorte le peuple assemblé. En se donnant à lui-même ce titre, Salomon exprime que son discours est destiné à la multitude. Si d'ailleurs il emploie ordinairement la première personne: «J'ai vu, j'ai considéré, j'ai fait telle ou telle chose,» c'est qu'effectivement il avait expérimenté tous les états qu'il décrit, et senti tous les doutes qu'il exprime. On peut dire cependant que c'est quelquefois l'homme en général qui parle par sa bouche, l'homme raisonneur, matérialiste, sceptique, l'homme naturel, dans ses bons et dans ses mauvais jours; puis à d'autres moments, l'enfant de Dieu et le prophète du Très-Haut.

1853. L'enfant de Dieu et le prophète. En effet, le livre de l’Ecclésiaste montre chez son auteur la foi d'un saint et la lumière d'un homme qu'inspire l'Esprit de l'Éternel. Sous ce dernier rapport, en particulier, nous ne saurions avoir aucun doute, puisque le livre de l’Ecclésiaste a été mis par la volonté de Dieu au nombre des écrits qui composent sa Parole. Cependant, il est impossible de le lire sans s'apercevoir que le prédicateur, parlant sous l'inspiration divine, avait passé par toutes les illusions du péché et qu'il avait lui-même cherché le bonheur loin de Dieu. C'est ce qu'il confesse ingénument. Or ce n'est point au temps de sa première jeunesse qu'il fait allusion, puisque alors il ne bâtissait pas des palais et ne vivait pas dans les voluptés; il faut conclure de là qu'il écrivit l’Ecclésiaste après ses égarements, et, en conséquence, qu'il fut, par la grâce de Dieu> relevé de ses terribles chutes. Ainsi s'accomplit ce que Dieu avait promis à David par la bouche de Nathan le prophète (2 Samuel 7: 14,15). Ainsi encore se complètent nos renseignements sur les derniers jours de Salomon [1803].

1854. Le prophète de l'Éternel commence donc comme un homme qui a tout vu, tout goûté, tout étudié, et qui, fatigué des choses d'ici-bas, éclairé d'en haut plus encore que par son expérience, déclare que sous le soleil, c'est-à-dire sur cette terre et abstraction faite de Dieu et de l'éternité, rien ne sert au bonheur; que tout, au contraire, est chose vaine. La vie n'est que travaux, fatigues et misères! (3-11.) Qu'y a-t-il donc sous le soleil qui puisse donner une vraie félicité? Ce n'est ni la sagesse, ou autrement le savoir (16-18); ni les plaisirs, ni la possession des biens terrestres (2: 1-11). De ces trois choses le savoir est sans doute ce qu'il y a de préférable; encore est-il qu'il ne rend pas heureux (12-16). Le travail, l'occupation, dans une vie d'ailleurs modeste et obscure, voilà peut-être ce qui satisfera le cœur? Mais non; là aussi se trouve l'ennui pour qui n'a pas la paix de Dieu (17-26). Vanité des vanités, tout est vanité!

1855. (3, 4.) Quoiqu'il n'y ait rien de nouveau sous le soleil, toutefois la scène de ce monde est extrêmement mobile; mais cette mobilité fatigue plus qu'elle ne plaît. Portons donc nos regards sur Celui qui ne change point et qui doit avoir bien fait toutes choses, vers Celui qui gouverne ce monde et qui le jugera. Le jugement! s'écrie le mondain. Est-il bien sûr qu'il y en aura un? Qui me dira où vont les âmes des hommes; et celui qui meurt n'est-il pas comme la brute qui périt? J'en reviens donc à penser que le meilleur est de se réjouir, honnêtement si l'on veut et en tâchant de s'adonner à la vertu, afin de courir le moins de risques possibles. Mais encore si l'on était seul dans le monde! Au lieu de cela, il nous faut vivre au sein d'une société pleine de désordres. Or si, d'une part, l'état social est préférable à la solitude, puisque «deux valent mieux qu'un,» il semble, d'autre part, que les hommes ne se rapprochent que pour se tourmenter. Vraiment, dit l'homme privé de Dieu, il vaudrait encore mieux n'être pas venu au monde!

1856. (5, 7.) Une lueur cependant brille aux yeux du mortel qui cherche le bonheur «sous le soleil.» Qu'il soit pieux, qu'il supporte patiemment les désordres de la société, qu'il se contente d'une fortune médiocre, qu'il ne donne pas trop de prix aux joies du monde, qu'il ne s'affecte pas de ses peines outre mesure; moyennant quoi sans doute il sera heureux? Non; cet homme encore pourra, comme Abel, et par un effet même de sa piété, tomber victime de la méchanceté d'autrui. C'est pourquoi, si l'on veut être heureux sur la terre, il ne faut être ni trop juste, ni trop saint, ni trop pieux Mais cette morale relâchée ne pouvant apaiser la conscience, l'homme en revient à soupirer après la vraie sagesse. Où est-elle? Quels fruits de bonheur porte-t-elle? Questions douteuses pour le cœur naturel. En définitive donc, le mondain va répéter que le tout est de savoir jouir, pourvu qu'on y mette une certaine modération. Oui, jouir! Mais voici la mort Vraiment, tout est vanité!

1857. J'ai fort abrégé cette analyse; mais ce qui précède suffira, j'espère, pour donner la clef du livre dans son ensemble. La doctrine qu'il est destiné à proclamer, c'est que le bonheur proprement dit ne se trouve point ici-bas, ou, en d'autres termes, sous le soleil; que même si l'on se faisait pieux par le seul désir du bonheur terrestre, on n'atteindrait pas son but; en sorte que tout ce que l'homme doit faire, dit Salomon en terminant, c'est de craindre Dieu et de garder ses commandements (12: 15, 16). On ne se mettra pas de la sorte à l'abri de tous les maux de la vie, ni de toutes les amertumes du cœur; mais on sera dans l'ordre voulu par Celui qui «fera venir toutes les œuvres au jugement qu'il tiendra sur tout ce qui est caché, soit bien, soit mal.» Salomon ne prétend point dire par là que nous puissions expier nos péchés par nos œuvres; mais ce qui est vrai de la manière la plus absolue, c'est que l'homme serait parfaitement heureux s'il ne péchait pas, ou, autrement, s'il gardait sans cesse tous les commandements de Dieu. Ce qui est vrai encore, c'est que la foi ne rend heureux qu'à proportion du respect qu'elle nous inspire pour la sainte loi de l'Éternel. Du reste, la foi en notre Sauveur, cette foi qui, par la grâce de Dieu, unit à Jésus-Christ l'âme souillée d'un pauvre pécheur, met seule cette âme en état de craindre l'Éternel d'une crainte filiale, et par conséquent de garder ses commandements. Salomon le savait, bien que d'une connaissance moins distincte que nous ne pouvons l'avoir; mais il n'avait pas mission de l'exprimer dans cette portion des Ecritures. Il y prêche la loi de la même manière que Moïse au Deutéronome [1008]; or, tant s'en faut que cette prédication soit devenue inutile pour ceux qui connaissent l'Évangile de la grâce de Dieu. Prêcher aux pécheurs l'obéissance à la loi comme moyen d'être sauvé, c'est ce que la Bible ne fait nulle part; la proposer à tous comme condition de vie si elle était entièrement observée, et aux croyants comme la règle de leurs mœurs, c'est ce que la Bible fait partout; or ce sont deux choses fort différentes.
Si mes lecteurs ne le comprennent pas encore, cela leur deviendra parfaitement clair lorsqu'ils étudieront le Nouveau Testament.


CXLI. — Étude plus spéciale des paroles de l'Ecclésiaste.


1858. Toutes les paroles de l'Ecclésiaste sont vraies, en ce sens, qu'elles exposent avec une parfaite exactitude les phénomènes moraux de ce misérable monde, et, avec une fidélité non moins grande, les pensées diverses qui y préoccupent et égarent les hommes; après quoi, elles nous donnent le dernier mot de la souveraine Sagesse. Il faut néanmoins lire ce livre avec discernement, de peur d'attribuer à Dieu les pensées de l'homme. C'est très certainement sous l'inspiration divine que Salomon nous dévoile les imaginations criminelles du cœur humain; toujours est-il que ces imaginations ne sont pas le chemin de la sainteté et du bonheur. Cela dit, reprenons ce livre verset par verset, autant que possible.

1859. (1: 1-11.) C'est par une exclamation que débute le prédicateur inspiré, tant son cœur est convaincu. Pour qui cherche le bonheur dans ce monde, tout, dit-il, n'est qu'apparence, illusion, tromperie; tout n'y est que séduction et péché, car le sens du mot «vanité» s'étend jusque-là, selon les Écritures (1: 2). Parlerons-nous d'abord du travail, qui est le lot assigné à tous les hommes? (Gen. 3: 17.) Le travail a certainement des douceurs et l'on ne saurait dire qu'il soit sans profit, puisque Dieu déclare le contraire (Prov.14:23). Mais pour l'homme qui ne travaille qu'en vue du présent siècle, le travail n'est que vanité (3). Depuis le monarque qui expédie les affaires de l'État dans le conseil de ses ministres, jusqu'au manœuvre qui, sur la grande route, casse les pierres que des voitures réduiront en poudre; depuis la mère de famille qui se dévoue à l'éducation de ses enfants, mais sans songer à les élever pour Dieu, jusqu'à ces hommes inutiles qui dressent des animaux à toutes sortes de tours, pour les promener ensuite dans les foires: il n'est personne qui ne travaille et dont le travail ne soit vanité, dans le sens biblique de ce mot. Toute la nature aussi est en action. Elle l'est plus que nous ne pouvons le dire, plus que l'œil ne peut le voir ou l'oreille l'entendre: la terre en ses rapides révolutions, les vents et les nuages en leur incessant va-et-vient, les sources et les fleuves avec leurs bouillonnements et leurs flots non interrompus; et tout ce travail n'aboutit qu'à reproduire sans cesse le même état de choses (5-8). Ainsi en est-il du mouvement que se donne l'humanité: il modifie les circonstances extérieures de certains peuples, mais, en définitive chaque génération lègue à la génération suivante une même œuvre toujours à recommencer (4). Or si le monde jusqu'ici n'a pas su donner la félicité à ceux qui la cherchent «sous le soleil,» il n'est pas plus capable de la leur donner par la suite; «car ce qui a été, c'est ce qui sera; ce qui a été fait, c'est ce qui se fera, et il n'y a rien de nouveau sous le soleil» (9-11),

1860. (12-18.) De toutes les occupations terrestres, il en est peu qui donnent plus de jouissances et de plus pures que l'étude, car l'âme humaine est avide de savoir et le savoir est fait pour elle. C'est le Créateur qui a mis dans le cœur de l'homme le désir de connaître, et il alimenta ce désir en amenant les animaux auprès d'Adam pour qu'il les nommât. Mais c'est par ce désir aussi que Satan fit son œuvre. Ainsi, depuis que l'homme a voulu connaître ce qui aurait dû lui demeurer étranger (Gen. 3: 6), la curiosité humaine, insatiable et souvent criminelle, est devenue une cause fréquente de déception et de misère; en sorte que le développement de l'esprit, comme tout le reste, n'est que tourment et vanité quand on s'arrête à ce qui est «sous le soleil» et qu'on fait de l'étude son bien suprême (13, 14), Consentir à tout ignorer, serait mentir à notre origine et tromper les desseins de Dieu, car il veut que nous désirions de le connaître; mais aspirer à tout savoir et à tout comprendre est une grande folie. Qui pouvait mieux en parler que Salomon? (1 Rois 4: 29-34.) Si donc on nous dit que, pour tirer les individus et les peuples de la dégradation, fruit de l'ignorance, il n'y a pas de moyen à la fois plus efficace et plus noble que de fonder partout des écoles et des académies, nous en conviendrons. Mais on se trompe étrangement si l'on pense que l'instruction procure un bonheur certain. Plus l'homme sait de choses et se connaît soi-même, plus il voit et il sent le désordre moral qui règne «sous le soleil.» Si son cœur n'est pas converti, tout son développement intellectuel ne le rend que plus misérable; et s'il l'est, que de douleurs et d'amertumes au spectacle de ce monde, douleurs et amertumes qui auront leur source dans sa foi même! (18.) En conclurons-nous qu'une crasse ignorance vaut mieux que le savoir? Non; mais, pour suivre la pensée de l’Ecclésiaste, nous dirons que le bonheur ne se trouve point ici-bas, et que jamais, ni par aucune voie, notre terre actuelle ne sera le paradis [116].

1861. (2: 1-11.) Pas tant de travail, pas tant d'étude, dira celui qui vit dans l'opulence; s'amuser et jouir, voilà le bonheur. Mais il n'y a que Satan qui ait pu nous faire confondre le plaisir avec le bonheur, et nous persuader que jouir c'est être heureux. L'homme vraiment heureux ne rit pas tout le jour, et les joies de la foi sont sérieuses, Abel était heureux, Joseph aussi, et il n'est pas besoin de dire que Jésus-Christ le fut. Ainsi, vous auriez beau, comme Salomon, vous procurer à grands frais tout ce qui peut satisfaire vos penchants, vous y livrer avec cette sagesse et cette retenue que l'intérêt personnel et celui de la jouissance même recommandent, vous n'arriverez jamais au repos de l'âme. Ce qui n'était d'abord qu'un goût, peut-être innocent, ne tarde pas à devenir une passion dévorante; ce qui vous satisfaisait d'abord ne fait bientôt qu'exciter vos convoitises: vous comptiez vous rassasier, et votre appétit, qui va croissant, vous consume. Il s'agit désormais de varier vos plaisirs, d'en inventer de nouveaux, de vous industrier contre l'ennui, et vous voilà revenus au travail et à la fatigue; mais quel travail! Vanité et rongement d'esprit, dit l'Ecclésiaste.

1862. (12-17.) La sagesse, qu'on entende par là, ou les principes d'une saine philosophie, ou la connaissance de Dieu selon sa Parole, ou la pratique de ce qui est bon et honnête, la sagesse assurément offre des garanties de félicité qu'on chercherait en vain dans la folie. Mais la sagesse ne détourne pas de dessus ses adeptes les mille accidents, vulgaires ou graves, qui rendent la vie si misérable ou si amère. Elle ne garantit pas des maladies, des mécomptes, des deuils, des pertes de fortune, des trahisons de l'amitié, des injustices du monde. Si donc on a cultivé la sagesse en comptant trouver par elle le bonheur ici-bas, on n'a fait autre chose que poursuivre une vanité. Et puis, voici la mort; et que reste-t-il du sage après lui sur la terre? un souvenir qui va s'effaçant de plus en plus! En conséquence, et à supposer qu'il ait eu pour toute consolation, comme pour tout encouragement, la pensée de l'immortalité dont son nom du moins jouirait, disons avec le Saint-Esprit que cela aussi est vanité.

1863. (18-26.) Pour en revenir au travail, les biens qu'on amasse à la sueur de son front sont pourtant quelque chose de plus réel que les fumées de la vaine gloire, et n'y a-t-il pas, pour l'homme laborieux, du bonheur à voir ainsi le fruit de son œuvre? Oui, si celui qui amasse des biens en jouissait, ou s'il était sûr que ceux qui en hériteront sauront les conserver et en faire un bon usage. Mais il faut vraiment se refuser aux leçons de l'expérience pour ignorer ce que deviennent les richesses entre les mains qui ne les ont pas gagnées. Ainsi, travailler dans le but unique de s'enrichir ou d'enrichir ses successeurs, cela est encore une vanité (18-21). Mais, dira-t-on, le travail porte avec soi sa récompense? Tout en convenant de ce fait dans une certaine mesure, voyez l'agriculteur qui sort de sa chaumière au chant du coq. Il va péniblement fouir la terre de ses mains calleuses, et le soir il rentre chez lui, trouvant à grand'peine le sommeil, entre les contrariétés de la veille et les soucis du lendemain. Voyez l'artisan près de son métier, le négociant devant son comptoir, le savant dans son cabinet, l'homme politique à la tribune; que de travaux toujours renaissants! que de tourments et de fatigues! Hélas! combien ne sont-ils pas à plaindre ceux qui font, de ces travaux sans terme, tout le but de la vie! (22, 23.) Ce qui approcherait le plus du bonheur terrestre vers lequel tous tendent avec passion, ce serait de savoir jouir modérément du fruit de ses peines; mais c'est une grâce de Dieu, et pour l'obtenir il faut avoir premièrement cherché près de lui les grâces du salut: il faut avoir trouvé en Christ la sagesse, la science et la joie véritables. C'est-à-dire qu'on ne saurait être heureux sous le soleil, tant qu'on ne cherche son bonheur qu'en ce qui est sous le soleil, même en ce qui s'y offre de meilleur et de plus raisonnable: hors de la foi, tout est vanité (21-26).

1864. (3: 1-10.) S'il est vrai qu'une vie monotone engendre facilement l'ennui, ce n'est pas qu'elle soit à proprement parler malheureuse. L'expérience prouve, au contraire, qu'une certaine uniformité dans les travaux et dans les jouissances procure une existence assez douce, dans laquelle on s'aperçoit à peine de la fuite du temps. Mais il s'en faut que la vie de l'homme ait cette monotonie ou cette uniformité. De la naissance à la mort il n'y a généralement que vicissitudes, et le bonheur ne saurait s'arranger d'une telle instabilité. Cette mutabilité, cette inconstance de toutes choses est universellement connue. Les jours se suivent et ne se ressemblent pas, dit le proverbe vulgaire; tout établissement vient tard et dure peu; tel qui rit vendredi, dimanche pleurera... C'est aussi ce que dit Salomon en termes non moins vifs et non moins énergiques, mais assurément plus sérieux. Dans ce tableau, dont il n'est pas nécessaire de repasser tous les traits pour en saisir la vérité, il nous montre l'homme détruisant de ses propres mains ce que ses mains avaient bâti, planté et institué, se détournant avec aversion des objets qu'il affectionnait le plus, tour à tour dans la joie et dans les larmes, tour à tour emporté par la passion et succombant à l'accablement, tour à tour en paix et en guerre avec ses semblables ou avec les éléments; agité, ballotté, poussé çà et là, ou parce qu'il ne sait pas ancrer son navire dans les bons mouillages, ou parce que le vent de l'Éternel l'en repousse malgré qu'il en ait. Quel travail que celui qui est imposé aux hommes! et encore une fois, comment une vie si instable pourrait-elle donner le bonheur?

1865. (11-15.) Cela étant, voici quel sera le langage d'une certaine philosophie: «Après tout, ce monde, quel qu'il soit, est l'œuvre de Dieu, et Dieu ne fait rien que de bon. S'il a mis dans mon cœur le besoin d'être heureux et le désir de l'être ici-bas, c'est pour que j'écoute ce besoin et que je contente ce désir. Bien que je ne comprenne pas la contradiction qui existe entre mes désirs, qui viennent de Dieu, et les misères de la vie, dont il est aussi l'auteur, je dis toujours qu'il doit y avoir un moyen de tout concilier, et ce moyen c'est de se réjouir et de faire le bien du mieux qu'on peut, nonobstant les vicissitudes et les maux du temps présent. D'ailleurs, puisqu'on ne peut pas changer la nature des choses, on n'a rien de mieux à faire qu'à subir chacun sa destinée.» — Il est facile d'apercevoir le mélange d'erreur et de vérité que renferme ce discours; il ne l'est pas moins de sentir que ce n'est pas par de vains raisonnements qu'on peut convertir la douleur en jouissance. Si donc Salomon put un moment chercher à s'étourdir par les maximes de cet optimisme plein de déceptions, si tant de gens l'ont fait après lui, nul n'a pu y trouver le bonheur; car le bonheur, c'est Dieu qui le donne, et il ne le donne à personne ici-bas, en prenant ce mot de bonheur dans son sens absolu.

1866. (16-22.) Jusqu'ici l'Ecclésiaste a montré l'impossibilité d'être heureux «sous le soleil,» en proclamant la vanité des biens et des jouissances terrestres. De là il passe aux désordres de la société, et il commence par l'immoralité des hommes dont le devoir est de rendre la justice et qui sont pleins d'iniquité dans leurs arrêts, ce qui rappelle les Psaumes 58 et 82. Au triste spectacle de l'injustice humaine, deux voix se font entendre: celle de la conscience et celle du cœur dépravé. La conscience nous atteste que Dieu doit venger un jour l'innocence, en jugeant les justes pour les absoudre, les juges iniques pour les condamner, et que c'est ainsi qu'il réparera tant de crimes commis dans ce monde au nom de la justice, c'est-à-dire en son propre nom à lui-même. Voilà ce que dit la conscience; mais pour être vrai, il faut convenir qu'en attendant le grand jour des rétributions, les souffrances des victimes de l'iniquité demeurent des souffrances, et que des misères sans nombre sont ici-bas le fruit empoisonné de l'immoralité des hommes qui marchent à la tête de la société. Aussi le cœur incrédule, le cœur impatient, le cœur haineux et vindicatif de l'homme qui s'égare si aisément, se demande s'il y a de fait une justice divine; si peut-être les humains ne seraient pas destinés, comme les bêtes, à se dévorer les uns les autres; s'ils ont un avenir différent; si, après tout, il ne faut pas en revenir à prendre son parti de l'injustice et à vivre dans les joies de ce monde, sans aucun souci des maux qui peuvent nous y atteindre? Ces pensées impies ne sont pas rares: elles peuvent étourdir la conscience, mais non pas rendre heureux.

1867. (4: 1-3.) Ce qui cause plus de malheurs encore que l'iniquité des tribunaux, ce sont les vexations de toute espèce que les petits et les pauvres ont à souffrir de la part des puissants et des riches. Ces maux, dans les pays qu'on appelle chrétiens, sont bien moins grands que certains déclamateurs ne le prétendent; toujours est-il que, depuis le temps de Noé, l'oppression du faible par le fort est une des plaies vives de l'humanité [191]. Voyez, par exemple, le maintien de l'esclavage malgré tant de réclamations, la dépendance et la misère des classes ouvrières malgré tant de lois protectrices, la dégradation matérielle et morale que les grands et les prêtres entretiennent en certains lieux, malgré les vives lumières qui brillent ailleurs. Et puis, qu'est-ce que cela en comparaison de ce qui se passe dans les pays non chrétiens? Hélas! ils se comptent par millions les hommes que l'infortune abreuve de larmes continuelles, sans qu'ils aient de consolateurs! À ne considérer que cette terre et le temps présent, on est tenté de dire avec l'Ecclésiaste: Les morts sont plus heureux que les vivants, et même que ceux qui, n'étant jamais nés, n'ont pas eu à souffrir du mal qui se fait sous le soleil. Mais ceci n'est qu'une vue incomplète de la vérité; car c'est d'un côté supposer qu'il n'y a pas d'autre vie, soit pour le bonheur, soit pour le malheur; c'est d'un autre côté partir de la fausse idée qu'il peut y avoir du bonheur dans le néant, tandis que pour être heureux, il faut évidemment commencer par être.

1868. (4.) Si, échappant à l'oppression de ses semblables, chacun devient le maître de sa vie et l'artisan de sa fortune, alors apparaissent d'autres misères. Tous dirigeant leur activité vers les occupations qui offrent le plus de chances de lucre avec le moins de peine, on se fait une concurrence furieuse, dont le plus grand mal n'est pas la ruine de quelques-uns, mais l'envie et la haine qui rongent tant de cœurs. C'est ce que Salomon avait observé. La civilisation du peuple d'Israël avait fait de grands progrès sous son règne; mais, encore que la civilisation vaille mieux que la barbarie, elle a aussi ses maux qui lui sont propres. Or il est des hommes qui, bien intentionnés sans doute, mais incrédules à la Parole de Dieu, oublient ou refusent de reconnaître que ces maux, après tout, résultent de la nature même du cœur méchant et égoïste que nous portons en nous depuis la chute, qu'ils se rattachent donc aux conditions de notre existence actuelle. Ils se flattent follement d'en opérer la guérison par certaines institutions politiques et sociales. Hélas! tant que l'homme sera pécheur, il y aura du péché dans ses relations avec ses semblables; il subira les conséquences de ses péchés et de ceux d'autrui; ses institutions, les meilleures, se ressentiront du péché.

1869. (5-8.) Le bonheur ne se trouvant pas dans l'activité fiévreuse qui accompagne les progrès de la civilisation et de l'industrie, se trouvera-t-il mieux dans l'oisiveté? Ce serait folie d'y penser, dit l'Ecclésiaste. Il n'est rien en effet de plus contraire à la vraie nature de l'homme que l'inaction, et personne ne se montre plus lourd à soi-même et aux autres que les gens qui ne font rien. Enfin, il n'y a pas moins de folie chez ceux qui, seuls en ce monde, n'ayant ni fils, ni frère, par conséquent point de proches parents dont l'avenir pourrait leur servir d'excuse, mettent leur bonheur à amasser de l'argent, se refusent toute espèce de jouissances, n'en procurent d'aucune sorte à personne, et laisseront leur fortune à des étrangers. Quelle vanité! quel néant!

1870. (9-12.) Pensera-t-on peut-être que, pour éviter les maux de la société, il n'y a rien de mieux que l'isolement? Mais que fera l'homme qui vit seul? Sans aide dans son travail, sans consolateurs dans ses peines, sans personne qui l'avertisse de ses défauts, qui le relève de ses chutes, qui lui réchauffe le cœur par son affection ou qui soutienne ses mains dans le combat de la vie, celui qui se tient éloigné de la société de ses semblables est un être incomplet. Bien qu'il se mette peut-être de la sorte à l'abri de grandes peines, il ne saurait jouir, dans le développement même de son égoïsme, que d'une existence froide et desséchée, tout le contraire du vrai bonheur. Il peut y avoir de la douceur à souffrir avec ceux qu'on aime; il n'y en a point à n'aimer que soi; arrivât-on même à ne jamais souffrir, ce qui est impossible; et si l'on souffre, de quel horrible poids n'est pas l'isolement!

1871. (13-16.) Pour compléter ce triste tableau des tourments et des déceptions de l'ordre social, portez vos regards sur ceux que l'opinion vulgaire, malgré tant de leçons de l'expérience, s'est toujours plu à proclamer particulièrement heureux. Voyez ce roi, vieux et insensé, qui ne sait pas ce que c'est qu'être repris, soit que personne n'ose lui parler, soit qu'il refuse d'écouter les avertissements, comme Saül; voyez ce jeune esclave, ce prisonnier, ce Joseph qu'on sort de sa prison pour régner: les peuples le saluent de leurs acclamations, et son nom comme ses bienfaits finissent cependant par être oubliés de ces mêmes peuples; voyez David, entouré d'amis qui lui font souvent plus de mal que ses ennemis; voyez Salomon, plein de gloire et corrompu par cette gloire même; voyez donc l'homme en possession de ce qu'il y a de plus grand sous le soleil, et vous direz avec l'Ecclésiaste: «Certainement, cela aussi est une vanité et un tourment d'esprit.»

1872. (5: 1-8.) Les exhortations contenues dans ces huit versets semblent ne pas avoir de rapport avec ce qui précède. On ne peut pas dire que l'auteur sacré s'interrompe, mais c'est plutôt comme le chercheur d'or qui, ayant fouillé la terre de çà, de là, sans rien trouver, vient à découvrir enfin quelques indices du précieux minerai et s'y arrête avec joie. Voulez-vous être heureux? nous dit l'Ecclésiaste. Livrez-vous aux pratiques de la vraie dévotion, dans la crainte de Dieu et dans la foi en sa Providence. Si le bonheur est possible ici-bas, ce ne peut être que par cette voie. Nous avons vu ailleurs par quels traits pleins de force Salomon, le fondateur du temple, exprime la spiritualité du culte que Dieu réclame de son peuple [1789, 1790, et Prov. 21: 3, 27]. Cette observation est importante, parce qu'elle combat la fausse idée que plusieurs se font de l'ancienne loi. Elle abondait en observances, il est vrai; mais ce n'était pas à dire que Dieu se plût dans l'extérieur de ces cérémonies: de tout temps c'est au cœur qu'il a regardé [1393]. Ici donc l'Ecclésiaste revient sur ce grand principe. Il fait le tableau de la vraie piété, et il y met l'esprit bien au-dessus de la forme. Il faut, dit-il, s'approcher de Dieu avec respect, dans l'intention d'écouter sa voix, et non pour offrir le sacrifice des insensés. Il faut se garder de prier sans réflexion, et ne pas se persuader que les plus longues oraisons soient toujours les meilleures. Puis, ce n'est pas davantage dans le grand nombre des vœux qu'on fait à l'Éternel que se montre le plus sûrement la piété. Ainsi donc écouter avec docilité la Parole de Dieu et en nourrir nos âmes; du sein de la poussière, élever nos cœurs en haut dans une constante adoration; nous transporter en esprit devant le trône de la grâce et, sans nous livrer à une abondance de paroles inutiles, nous entretenir avec le Seigneur par quelques mots profondément sentis; nous consacrer résolument à son service; nous souvenir de sa grandeur et de son amour avec un sérieux qui ne soit pas de commande; nous consoler enfin des maux de la vie et particulièrement de l'iniquité des hommes en pensant à Celui qui règne dans le ciel: voilà certainement de quoi mettre du calme dans l'esprit et du baume sur le cœur.

1873. (9-20.) Comme cela est vrai surtout quand on l'applique à l'homme dont le lot est de cultiver les champs que Dieu lui a donnés! Nous avons vu que ce genre de vie peut n'être aussi que vanité et tourment d'esprit (2: 18-26). Mais, voué à la plus utile de toutes les occupations (car le roi même a besoin du pain que fournit la terre), le campagnard pieux n'a pas du moins les soucis rongeurs et les affreuses déceptions qui accompagnent l'opulence. Celui qui aime l'argent n'en possède jamais assez (10); s'il a beaucoup de bien, il a beaucoup de gens à nourrir et il n'est pas rare que personne en définitive ne jouisse de sa fortune moins que lui (11). Souvent cette fortune même est l'origine de tous les malheurs de sa vie, par la position qu'elle lui fait dans la société (13). Une mauvaise administration la dissipe en moins de rien (14), et la conservât-on jusqu'à la fin, il est sûr qu'on n'emportera quoi que ce soit dans l'autre monde, de ces richesses qui furent ici-bas un tourment et dont on fit néanmoins son dieu (15-17). Le cultivateur pieux, au contraire, dort paisiblement après son travail de chaque jour (12); s'il mange son pain à la sueur de son front, il mène en somme une vie assez douce et pleine de contentement: à la considérer même sous le point de vue le plus matériel, les joies de la moisson lui font oublier la fatigue des semailles (18-20).

1874. (6: 1-12.) L'Ecclésiaste reprend et développe en cet endroit ce qu'il disait tout à l'heure au sujet des richesses. Un homme, dit-il, peut avoir reçu de Dieu des biens et des honneurs en telle mesure qu'il ait tout à souhait; mais plus ces avantages terrestres lui procureront de jouissances, plus il lui sera douloureux de penser qu'il ne les possède que pour un temps. Dans son égoïsme, il ne voit pas sans envie ceux qui en hériteront, que ce soient ses enfants ou des étrangers; et puis, dût-il vivre vingt siècles, il faut enfin mourir, et, au point de vue terrestre, quel avantage a-t-il alors sur celui qui ne vécut qu'un jour? (1-6.) Mais est-il vrai que le riche ait tout à souhait? Sans doute que, pour lui comme pour le pauvre, le premier des besoins c'est de manger et de boire, et qu'il a plus qu'il ne faut pour y satisfaire; mais avec la fortune, les besoins et les désirs vont croissant, et ils arrivent toujours à dépasser les moyens de l'homme le plus opulent (7). Ceci, du reste, s'applique également au sage et à l'insensé, au pauvre qui sait être pauvre et à celui qui ne sait pas l'être: le peu qu'on possède vaut mieux que le beaucoup qu'on désire, et nul ne saurait être content de ce qu'il a, si ce n'est le chrétien enseigné par la grâce de Dieu (8, 9). Pour tout dire, le nom même de l'homme (Adam), en rappelant l'humilité de son origine [09], proclame son entière dépendance et l'instabilité de tout ce qui le concerne. Ne pouvant tirer vanité de ce qu'il est, il tire vanité de ce qu'il a, et toutefois ce qu'il possède n'est à lui que pour un moment (10-12). — Ces derniers versets sont d'une interprétation difficile et;je ne suis pas certain d'en avoir bien rendu le sens. Ici, comme en cent autres lieux, je demande au Saint-Esprit d'éclairer mes lecteurs mieux que je ne puis le faire moi-même.


CXLII. — Étude plus spéciale. — (Suite.)


1875. (7.) Une des causes de l'obscurité qui enveloppe plusieurs passages de l'Ecclésiaste, c'est la forme paradoxale qu'y revêt la pensée de l'auteur sacré. On entend par un paradoxe une vérité certaine mais contraire à l'opinion commune, vérité qu'on rend plus frappante en l'exprimant de manière à lui donner l'apparence de l'erreur. Par exemple, quand notre Seigneur déclare que si quelqu'un ne hait son père et sa mère pour l'amour de lui, il ne saurait être son disciple (Luc 14: 20), et ailleurs, qu'il est venu apporter sur la terre non la paix mais l'épée (Matth. 10: 34). — Qu'une bonne réputation vaille mieux que les plus excellents parfums, c'est ce qu'il n'est pas difficile d'admettre; mais comment le jour de la mort peut-il valoir mieux que celui de la naissance? (1.) On peut faire la même question au sujet des maximes contenues dans les versets 2, 3, 5 et 8. Ces maximes d'ailleurs, et beaucoup d'autres que nous allons rencontrer dans les derniers chapitres de l'Ecclésiaste, rappellent à plus d'un égard celles du livre des Proverbes: étudions-les chacune séparément, sans négliger toutefois de montrer comment elles se rattachent à l'ensemble du discours.

1876. (1-10.) Pour beaucoup de gens, hélas! les jouissances de la sensualité prennent le pas sur toutes les autres; mieux vaut pourtant une conduite honnête et morale qui, à la longue, fait taire la malveillance et assure un bon renom parmi les hommes. C'est au fond ce que le monde lui-même avoue. On ne reconnaît pas moins dans un certain sens que «le jour de la mort vaut mieux que celui de la naissance.» Il est bien heureux! dit-on fréquemment de l'homme qui meurt après une longue agonie; tandis qu'il n'arrive guère qu'on proclame bien heureux l'enfant qui vient de naître: on sait trop de quels ennuis la vie abonde. Du reste, en déclarant bien heureux ceux qui meurent, et par cela seul qu'ils meurent, le monde, comme toujours, fait abstraction du jugement de Dieu et de l'éternité. Il n'y a que le chrétien qui puisse dire que le plus beau moment de la vie est celui où l'on remet son esprit entre les mains du Seigneur qui nous a rachetés (1). — Telle est d'ailleurs notre légèreté habituelle, notre insouciance sur nos vrais intérêts et la facilité déplorable avec laquelle nous oublions nos péchés, que tout ce qui tend à nous rendre sérieux nous répugne, bien que nous dussions le préférer à la joie et aux festins. Voulez-vous mourir dans l'impénitence? allez partout où le plaisir vous appelle, laissez-vous amuser par les chansons des insensés et joignez vos éclats de rire aux leurs! Mais si vous êtes sages, allez plutôt où vous aurez des larmes à partager et à essuyer; souvenez-vous qu'un visage toujours riant dissimule souvent des peines secrètes très profondes, tandis que les grandes et pures joies rendent plutôt le visage sérieux; recevez avec reconnaissance les réprimandes des sages, quoi que votre orgueil ait à en souffrir; quant au rire bruyant, qu'il ne frappe jamais vos oreilles sans vous rappeler que la Parole de Dieu le compare au bruit des épines qui pétillent et éclatent sous un chaudron: moins de feu que de fumée, chaleur qui ne dure pas (2-6). — C'est par les influences les plus contraires que notre conscience peut s'obscurcir et s'égarer: par les faveurs et par la reconnaissance, aussi bien que par l'oppression et par la crainte (7). — La mise en train d'une entreprise quelconque offre toujours un très grand intérêt; mais on ne commence que pour achever, et voilà pourquoi l'achèvement satisfait plus encore que le commencement. C'est à supposer que l'œuvre ait été bien conduite, et il n'en est point où il ne faille de la patience, point qui ne se puisse ruiner par les témérités de la présomption. Il est facile d'appliquer cette maxime à la grande œuvre du salut (8). — En voyant comment le monde marche, on est tenté de s'indigner, non pas de cette indignation qui vient de la charité et qui excite au zèle, mais de cette indignation de misanthrope qui produit le découragement. Ce n'est pas là se montrer vraiment sage. Il n'y a pas non plus beaucoup de sagesse à vanter sous ce rapport les temps passés aux dépens du siècle où l'on vit. Hélas! le monde fut toujours monde, et les pécheurs non convertis se conduisirent toujours comme des pécheurs non convertis (9, 10).

1877. (11-22.) Dans ce nouveau discours sur la sagesse, l'Ecclésiaste déclare que sans elle l'argent n'est pas un bien, et l'expérience de tous les jours confirme cette vérité. Ce n'est pas que l'argent ne procure au riche beaucoup d'avantages sur le pauvre, mais après tout l'argent ne fait pas vivre; tandis que la sagesse, la vraie sagesse, est aussi la vraie vie (11,12). — Le sage, se rendant attentif aux œuvres de Dieu et adorant sa puissance, reconnaît que l'Éternel a le droit de renverser et de détruire, et que nul, si ce n'est lui-même, n'a le pouvoir de relever ce qu'il a renversé. Cette action souveraine de Dieu s'exerce sur les États et sur les individus; elle a pour objet la fortune publique et les fortunes privées, la santé et la maladie, la bonne et la mauvaise réputation, la pleine jouissance des grâces du Saint-Esprit et la privation momentanée de ces grâces. L'Éternel a fait toutes ces choses à l'opposé les unes des autres, et de leurs contrastes mêmes résulte la perfection de son œuvre morale envers ce monde de péché; ainsi, tour à tour la prospérité et l'adversité, mais l'une et l'autre servant à l'éducation des enfants de Dieu. Ils usent des biens pour la gloire de leur bienfaiteur suprême, et, dans les maux, ils le glorifient encore par l'humiliation véritable de leur cœur (11-14). — Depuis Abel, que sa piété rendit odieux à son frère et qui mourut victime de sa foi tandis que Caïn prolongea ses jours, combien de faits analogues qui tendent à confondre dans la pensée les notions du juste et de l'injuste! Aussi voit-on des hommes en conclure qu'il ne faut pas être trop juste, trop pieux; qu'il ne faut pas non plus être trop méchant ni trop impie. Sans doute que partout où le trop est possible, le trop est fâcheux; toujours est-il que la vraie sauvegarde de l'homme est dans la crainte de Dieu: là sont la sagesse et la force (15-19). — On n'arrive pas ainsi à ne plus pécher, car ce n'est pas le méchant seul qui pèche, et ce n'est pas sur la terre qu'on trouve des justes qui fassent continuellement ce qui est bon. Salomon répète dans ses vieux jours ce qu'il avait dit lorsque, jeune encore, il faisait la dédicace du temple (1 Rois 8: 46). C'est une des vérités les plus fondamentales de l'Écriture. De ce que tous pèchent, même ceux qui sont justes par la foi, comme Abraham, il résulte que tous, jusqu'au dernier moment, ont besoin du salut qui est en Jésus-Christ (20). — Or, parmi les péchés dont se rendent coupables les justes eux-mêmes, il n'en est pas de plus fréquents que ceux de la langue, nous l'avons dit vingt fois à l'occasion des Proverbes. Ayons particulièrement honte de nos médisances, et sachons, dans un vrai repentir, traiter avec indulgence ceux qui parlent mal de nous (21, 22).

1878. (23-29.) L'Ecclésiaste vient d'exprimer en quoi consiste la vraie sagesse; mais il s'en faut bien qu'il l'eût toujours comprise ainsi, et encore moins qu'il fût parvenu à cette connaissance par les seules lumières de la raison. Plus il poursuivit la sagesse, plus elle sembla s'éloigner de lui. Il l'avait cherchée dans le passé, et le passé ne lui avait rien dit; il avait cru la trouver dans l'étude de son cœur et des phénomènes moraux de la vie; mais tout ce qui l'entourait, comme les passions qui l'agitaient, tout l'avait détourné du but. Au milieu de ses relations particulières il avait pu rencontrer çà et là un homme sage, mais chez ses femmes il n'avait vu que légèreté et folie. Hélas! il oubliait sa pieuse mère (Prov. 31) et il était justement puni du mépris qu'il avait fait de la loi de Dieu (Deut. 17: 17). Toutefois le Seigneur, dans sa grâce infinie, ne l'avait pas délaissé. Salomon avait fini par retrouver la grande vérité de tout à l'heure; «Il n'y a point d'homme juste sur la terre qui ne pèche point,» vérité de fait qui a son explication dans cette autre: «Dieu a créé l'homme droit, mais ils ont cherché beaucoup de discours.» L'homme, sorti pur et simple des mains de Dieu, ne tarda pas à faire abus des hautes facultés dont Dieu l'avait enrichi. Égaré par un premier péché, fruit des sophismes de Satan, il fit divorce avec la sagesse, et il est tout simple maintenant que ses discours et ses raisonnements, en ce qui touche Dieu, soient destitués de toute intelligence véritable.

1879. (8: 1-17.) Ce chapitre contient cinq maximes qui se détachent aisément de l'ensemble et qu'il peut être bon de méditer à part. En rapprochant le premier et le dernier verset, on a deux pensées qui semblent en contradiction, mais qui se concilient très bien. Il n'est pas en effet de jouissance plus grande que de parvenir à la connaissance vraie des choses, de se rendre compte des phénomènes de la nature, de pénétrer les principes de l'ordre social, de découvrir les rapports qui existent entre le passé et le présent, de sonder les profondeurs du Dieu fort. Toute l'antiquité donna le nom de sages à ceux qui s'efforcèrent de résoudre ainsi les problèmes du monde et de la vie: elle n'hésita pas à les dire bien heureux (1). Mais où est l'homme qui, par son travail, ait trouvé la raison de tout ce qui se fait sous le soleil? Ceux qui se vantent d'avoir acquis ainsi la vérité, la possèdent-ils réellement; et si quelqu'un est vraiment sage, c'est-à-dire s'il a reçu la sagesse qui vient d'en haut, ne sera-t-il pas le premier à reconnaître avec saint Paul (1 Cor. 13; 12), qu'ici-bas toutes nos connaissances sont imparfaites et que nous devons chercher autre part le bonheur? (17.) — La troisième maxime que je recommande à l'attention de mes lecteurs est celle du verset 2. Reproduite par le Saint-Esprit dans la première épître de saint Pierre (2; 17), elle élève à une grande hauteur les devoirs du citoyen. Les enfants de Dieu se soumettent aux lois de leur pays en toute matière civile, avec la même délicatesse de conscience qu'ils apportent à l'accomplissement de leurs devoirs religieux. — La quatrième maxime se lit au verset 8. S'il est quelque chose qui doive nous humilier, c'est l'impossibilité complète où nous sommes d'éloigner le moment de la mort, et pourtant il n'y a rien à quoi notre nature répugne davantage. Les bravades de l'impie n'ont aucune force contre un tel ennemi, elles ne font que le lui rendre plus terrible. Oh! qu'ils sont à plaindre ceux qui, n'ayant pas vaincu la mort par la foi en Christ, passent leur vie à se débattre contre la nécessité qui leur est imposée de mourir une fois!

1880. La cinquième maxime enfin se trouve au verset 11. Il existe une sentence contre les mauvaises œuvres ou en d'autres termes contre le péché: c'est la mort, cette apparente destruction qui atteint tous les hommes, parce que tous sont pécheurs. Dans l'entre-deux qui sépare le jour de notre naissance de celui de notre mort, il est une foule de maux, de peines, d'accidents qui sont la punition du péché; mais par un effet des compassions du Seigneur et de sa grande patience, la sentence proprement dite ne s'exécute pas d'abord (12). S'il en était autrement, qui de nous serait en vie? Or, telle est la profonde corruption de la nature humaine, que ni la considération de la justice de Dieu, ni celle de sa miséricorde ne parviennent à nous dépouiller entièrement du péché. Bien plus, la généralité des hommes, abusant du long support de Dieu, s'enracinent d'autant plus dans le mal: plus Dieu est bon, plus ils sont méchants. Quelle honte! et quelle terrible fin tout cela ne doit-il pas avoir! — Ce chapitre reproduit d'ailleurs la pensée fondamentale de tout l'Ecclésiaste, pensée qui ressort pareillement du chapitre 7, quoique je ne l'aie pas fait observer, savoir que rien ici-bas ou «sous le soleil» ne peut donner le vrai bonheur, pas même la pratique du bien. Dans un sens, il est vrai de dire que l'observation des commandements de Dieu préserve de beaucoup de maux, surtout quand on fait chaque chose en son temps et en y employant les meilleurs moyens, c'est-à-dire donc, quand on se conduit avec prudence (5, 6); car enfin, si quelqu'un peut être heureux, c'est celui qui craint Dieu et non pas le méchant (12, 13). Toutefois, et pour le redire (2: 14), on ne saurait contester qu'il n'y ait des justes auxquels il arrive selon l'œuvre des méchants, et qu'il n'y ait aussi des méchants auxquels il arrive selon l'œuvre des justes (14); en sorte que le meilleur après tout semblerait être de manger, de boire et de se réjouir. Ainsi pense le monde incrédule, et Salomon lui-même avait partagé cette erreur (15).

1881. (9: 1-10.) Oui, manger, boire et se réjouir, en tirant de cette vie et des éléments bons ou mauvais dont elle se compose tout le parti possible (7-10), sans s'inquiéter d'un avenir que Dieu seul connaît en détail, et qui, dans son ensemble comme dans son terme définitif, est le même pour tous! (1-6.) Ce terme, aux yeux de bien plus de gens qu'on ne pense, c'est l'anéantissement de notre être; pensée épouvantable par laquelle on cherche à se consoler des maux de la vie, tandis qu'on ne fait par là que s'y endurcir. Belle consolation en effet, de pouvoir se dire que si nous devons périr tout entiers, nous avons du moins le privilège de le savoir, tandis que les morts ne savent pas qu'ils n'existent plus! (5.) Et puis, quelle doctrine désolante que celle qui place sur la même ligne l'amour et la haine (6); qui nous invite à revêtir des habits de fête en nous voilant la face d'un crêpe lugubre, et qui nous pousse à l'activité par la considération que cette activité aboutit au néant! (7-10.) Il y a pourtant quelque chose de vrai dans cet entassement d'erreurs, savoir que s'il est permis d'espérer la conversion de tout homme qui vit encore, il n'y a plus rien de pareil à demander pour celui qui est mort: c'est ici-bas que nous devons faire l'acquisition du salut qui est en Jésus-Christ, nous repentir de nos péchés, croire au sang de la nouvelle alliance, nous tourner vers Dieu et vivre pour lui. Si nous avons négligé notre âme en deçà de la tombe, elle ne pourra rien acquérir au-delà (4,10).

1882. (10-18; 10: 1-3.) «Fais selon ton pouvoir tout ce que tu as moyen de faire; car dans le séjour des morts où tu vas, il n'y a ni œuvre, ni discours, ni science, ni sagesse.» Telle est donc la maxime du sage qui ne voit que cette vie, et, après cela, le néant. Mais le prix de la course n'est pas toujours au plus léger, ni la victoire au plus vaillant, ni le pain au plus laborieux, non plus que la gloire au plus savant, tant les choses semblent aller au hasard dans ce monde: à quoi donc sert de s'évertuer? (11.) Tel qui réussissait en tout ce qu'il faisait et qui poursuivait sa route plein de confiance, ignorant les chances de l'avenir, se voit tout à coup surpris par l'adversité; et que pouvait-il lui arriver de pire s'il n'eût pas été sage? (12.) La sagesse cependant vaut mieux que la force. Salomon avait vu une ville délivrée d'un immense danger par les conseils d'un homme prudent, et il en avait conclu avec raison que des paroles sages et calmes sont préférables aux cris d'une foule insensée que ses passions emportent. Mais c'était un homme pauvre et obscur, et nul ne s'est souvenu de lui. Si donc il cherchait sa récompense dans ce monde, il faut convenir qu'il avait été sage en pure perte; conclusion désolante, mais vraie au point de vue purement terrestre (13-18). D'ailleurs, si quelquefois un homme sage peut, à lui seul, sauver tout un peuple, un seul pécheur aussi a le pouvoir de le perdre (18). Et puis, où est le sage qui n'ait pas, comme on dit, son grain de folie? Où est l'homme, si excellent soit-il, qui ne nourrisse quelque défaut? Où est le saint tellement saint qu'il ne commette plus aucune faute? Le cœur du sage, il est vrai, le mène habituellement dans le droit chemin, tandis que celui de l'insensé le fait donner à gauche et l'égaré (10: 2, 3); mais il suffit d'une erreur au sage, d'une faiblesse à l'homme vertueux, d'une chute au saint, pour gâter toute son œuvre, comme quelques mouches mortes suffisent pour faire puer les meilleurs parfums (1).

1883. (10: 4-20.) Ces dix-sept versets sont une suite d'observations relatives aux devoirs et aux erreurs des princes et des sujets, des gouvernants et des gouvernés, avec diverses maximes ayant trait à la direction des affaires publiques. Sans les reprendre toutes, étudions-les dans leur application la plus générale. D'abord, quand nos supérieurs se montrent irrités contre nous, sachons demeurer humblement à notre place et recevoir avec douceur leurs réprimandes, peut-être injustes: par là nous éviterons bien des fautes et nous nous épargnerons de grands chagrins (A). — Ne nous laissons pas aller, comme tant de gens, à la manie de rapetisser ce qui est grand et d'élever ce qui est petit: il est des inégalités sociales que nous devons respecter, parce que sans elles tout bon ordre disparaît (5-7). — Voyez encore une fois (car rien ne revient plus fréquemment dans les écrits de Salomon), voyez combien il importe de veiller sur ses discours (12^14) et d'éviter toute paresse (15,18). — Remarquez enfin ce mot du verset 19: «L'argent répond à tout.» Le monde le sait bien, et s'il poursuit les richesses avec tant de passion, c'est qu'en effet on se procure aisément par leur moyen tout ce que l'âme désire en fait de jouissances matérielles. Pour le chrétien aussi l'argent est d'une grande valeur. Il lui est permis de le désirer et de l'économiser, à la condition toutefois qu'il ait en vue non sa propre satisfaction, mais une facilité plus grande à faire du bien. Les misères temporelles et spirituelles de nos semblables sont immenses, et il n'en est pas auxquelles on puisse porter remède sans quelque dépense d'argent ou de temps; or le temps, pour celui qui gagne sa vie par son travail, le temps aussi est de l'argent. Il est donc permis d'être saintement avare de ses moments et de ses ressources pécuniaires, mais il faut une vraie grâce de Dieu pour qu'on n'en soit pas avare d'une mauvaise avarice.

1884. (11; 1-6.) Ceux qui exercent la bienfaisance doivent imiter l'agriculteur dans ses travaux. S'il consultait toutes les éventualités des saisons, il ne sèmerait jamais (A). C'est pour cela qu'il sème le matin, le soir, quand il peut, sans pouvoir dire quel est le meilleur; car c'est Dieu qui donne l'accroissement comme il lui plaît (5, 6). — Il en est ainsi des œuvres de la charité, surtout de celles qui ont l'âme du prochain pour objet. Ce vaste monde est plongé dans le mal comme une terre submergée (1): ils sont nombreux, hélas! ceux qui manquent de lumières et de consolations (2), et quand le jugement de Dieu viendra, catastrophe pire que le déluge, combien d'arbres mal enracinés qui tomberont et qui demeureront couchés où ils seront tombés, car le temps du salut sera passé (3). Hâtons-nous donc de jeter le pain de la Parole de Dieu à ces multitudes qui périssent; faisons-le, pour ainsi dire, sans discernement et sans mesure, laissant au Seigneur le soin de la moisson, et nous encourageant par la pensée qu'il ne peut jamais y avoir de complet insuccès, quand on fait ce qu'il commande.

1885. (11: 7, 8; 12: 1-10.) C'est aux jeunes gens que l’auteur de l'Ecclésiaste adresse ses dernières paroles et Dieu veuille les y rendre attentifs. À tout âge on est tenté d'oublier sa fin et de tromper le besoin qu'on a d'être heureux, à tout âge on se livre au plaisir et on le prend pour le bonheur, mais c'est le propre surtout de la jeunesse. Alors tout est nouveau dans le monde et tout s'y voit sous son beau côté. La chaleur du sang, la vivacité des affections, mille illusions qui n'ont pas encore eu le temps d'être déçues, des attraits pleins de charme et de force, l'absence des préoccupations qui viennent avec l'âge et l'ignorance des dégoûts que donne souvent la fatigue de vivre; tout explique pourquoi, dans la jeunesse, on se fait de la vie un roman. Il est vrai qu'à cet âge, plus qu'à nul autre, «la lumière est douce, et qu'il est agréable aux yeux de voir le soleil» (11: 7). Mais enfin, chers jeunes gens, cette vie qui vous enchante doit avoir un terme et ce terme est très proche. Oh! que vous êtes à plaindre si vous n'y pensez pas; et si vous y pensez, si vous vous représentez quelquefois ce qui va arriver dans peu de temps, cette maladie mortelle qui vous menace et dont le germe est déjà peut-être au dedans de vous, ce sépulcre où l'on va déposer votre corps et ce deuil que porteront à votre occasion des gens même plus âgés que vous, n'y a-t-il pas là de quoi flétrir les fleurs dont vous vous parez et empoisonner la coupe des jouissances dont vous vous abreuvez? (8.)

1886. C'est pourquoi, écoutez ce que l'Ecclésiaste vous dit avec une sainte ironie ou sous cette forme paradoxale dont le Saint-Esprit a souvent revêtu sa pensée: «Jeune homme, et toi aussi jeune fille, profite du beau temps de ta vie pour te divertir! Écoute là-dessus les maximes du monde, obéis aux inclinations de ton cœur et cède aux attraits du plaisir; mais sache que pour toutes ces choses Dieu te fera venir en jugement.» Les péchés de la jeunesse ne sont donc pas des peccadilles auxquelles Dieu ne prenne pas garde, comme Satan se plaît à vous le dire. Vos légèretés, vos inconséquences, vos voluptés, tout en ruinant votre âme, déshonorent le Dieu qui vous a créés et qui vous a rachetés: comment donc voudriez-vous qu'il les laissât impunies, après vous avoir avertis comme il le fait dans sa Parole? (12: 1.) Et si l'ennemi de vos âmes insiste en vous disant de «bannir le chagrin de votre cœur et d'éloigner de vous les maux (vraie traduction), par la raison que l'adolescence et l'aurore sont vanité ou de courte durée;» ne pourrez-vous pas lui répondre que c'est facile à dire, mais qu'en attendant l'aurore aussi a ses inévitables tempêtes, et qu'en définitive, tout jeunes que vous êtes, vous ne vous sentez pas heureux? C'est pourquoi, souvenez-vous dès maintenant de votre Créateur, convertissez-vous à lui, en vous repentant de vos péchés et en regardant à Jésus-Christ. Quel plus bel emploi pouvez-vous faire de vos forces et de l'activité de votre esprit, comme de la chaleur de vos affections? Attendrez-vous la vieillesse? Ne donnerez-vous à Dieu que le rebut de votre vie? Mais que sont les jours de la vieillesse quand ils n'ont pas été précédés par une vie consacrée au Seigneur? Il faut un miracle de la grâce de Dieu pour convertir un pécheur jeune encore, mais il faut un double miracle de cette grâce pour convertir un vieux pécheur! On a pris une longue habitude de vivre loin de Dieu, et chacun sait que l'habitude est une seconde nature (2, 3).

1887. Et puis, qu'est-ce que la vieillesse quand elle ne couronne pas une vie de foi et de sainteté, comme le fut après tout celle d'un Abraham, d'un Moïse, d'un Josué, d'un Samuel, d'un David? Vous le voyez dans ce tableau si pittoresque et si vrai où elle est comparée à la nuit qui s'approche, nuit de brouillards et d'obscurités, temps de tristesse et de regrets amers (4). Les mains tremblent, les jambes fléchissent sous le poids du corps, les dents tombent et la vue s'affaiblit (5); la bouche s'enfonce et les gencives en se rencontrant ne font plus de bruit; on ne dort que jusqu'à l'aurore et l'on n'a que de tristes réveils (6); la marche est devenue fatigante et incertaine, la tête a blanchi comme l'amandier, le corps n'a plus rien d'agile et l'appétit a disparu. Alors il ne reste plus qu'à être porté en sa dernière demeure par des hommes vêtus de deuil, et cette vie dont on était si fier, à laquelle on tenait tant, cette vie pour laquelle seule on avait vécu, la voilà brisée comme une corde d'argent, comme un vase d'or, comme une cruche et comme la roue d'un puits, objets précieux devenus sans valeur: pour tout dire, la poudre retourne dans la terre, d'où elle avait été tirée (7-9). Il est vrai que l'esprit aussi retourne à Dieu qui l'a donné; mais il est également vrai qu'à envisager les choses à leur point de vue terrestre, la vie même la plus longue n'est que vanité: «Vanité des vanités, tout est vanité!»

1888. (12: 11-14.) «Vanité des vanités,» dit l'Ecclésiaste, en revenant à ce qui fit son point de départ (1: 1); «tout est vanité;» le bonheur ne saurait se trouver ici-bas. C'est lorsqu'il eut compris cette grande vérité que Salomon fut vraiment sage, et voilà ce que le Saint-Esprit a voulu qu'il enseignât au peuple de Dieu, comme le fruit de ses douloureuses expériences (11). Nous venons de voir en quels termes il l'a fait. Malgré ses obscurités, la parole de Salomon est pleine de charme; mais elle est encore plus remarquable par son accord avec les faits de la vie (12). Ses maximes sont semblables à un fer aiguisé et bien poli; elles s'enfoncent dans l'âme comme un clou par sa pointe. Elles pourraient fournir matière à beaucoup de livres; mais lire peu et bien réfléchir vaut mieux que de nombreuses lectures mal digérées (13, 14). Si d'ailleurs le livre de l'Ecclésiaste est destiné, comme la Bible entière, à nous révéler notre néant et l'absolue impossibilité d'être heureux aussi longtemps que nous sommes des pécheurs habitant une terre de péché, il a pour but aussi de nous dire: «Crains Dieu et garde ses commandements, car c'est là le tout «pour l'homme. Car Dieu fera venir toutes les œuvres au jugement «qu'il tiendra sur tout ce qui est caché, soit bien, soit mal.» Telle est la conclusion de tout le discours; c'est à cela que le prédicateur inspiré voulait aboutir, et bien que je m'y sois arrêté un moment dans l'exposition générale de ce livre [1857], il me paraît utile d'y revenir encore.

1889. J'ai dit précédemment (Ps. 111: 10) ce qu'il faut entendre par la crainte de Dieu: c'est la pensée sérieuse de sa présence habituelle. Si, de plus, les commandements de l'Éternel ne sont autre chose que l'expression de sa sainte et bonne volonté, et s'il est vrai qu'après la mort suit le jugement (Héb. 9: 27), il est clair que le tout pour l'homme n'est pas de chercher le bonheur d'ici-bas. La grande affaire pour un pécheur non converti, c'est bien certainement de se convertir. Mais que serait une conversion qui n'enseignerait pas à craindre Dieu et à garder ses commandements? Le Saint-Esprit qui régénère, n'est-il pas, comme l'indique son nom magnifique, un Esprit de sainteté? — Il est clair en outre que nous ne sommes pas sauvés par notre obéissance, mais par les mérites et le sacrifice de notre Seigneur Jésus-Christ, et en conséquence, que la seule chose nécessaire c'est la foi. Mais si nous ne craignons pas Dieu et si nous ne gardons pas ses commandements, prétendrons-nous que notre foi soit celle qui unit spirituellement à Celui qui est venu, non pour faire sa volonté, mais celle de son Père? (Luc 22: 42; Hébr. 10: 7.) — Il est vrai enfin qu'un enfant de Dieu, fils de la grâce et non de la loi, n'a plus qu'une seule chose à faire, savoir de glorifier le Dieu de son salut. Mais en quoi le Père est-il glorifié, si ce n'est par les bonnes œuvres de ses enfants? (Matth. 5: 16; Jean 15: 8.) Or, que sont les bonnes œuvres, sinon les pensées, les paroles et les actes conformes aux commandements de Dieu? — Et si l'on me dit que c'est par l'amour et par une sainte joie que nous, chrétiens, nous sommes appelés à glorifier le Dieu de notre délivrance, je répondrai que l'amour et la joie sont aussi l'objet des divins préceptes de la loi (Deut. 6: 5; 16: -11). En sorte que c'est le tout pour tout homme, et non pas seulement pour l'Israélite des temps anciens, de craindre Dieu et de garder ses commandements. J'ajouterai néanmoins que les rachetés de Jésus-Christ sont les seuls qui le fassent. L'amour de Dieu ayant chassé de leur cœur toute mauvaise crainte pour la remplacer par la bonne, il leur a appris la véritable obéissance, en même temps qu'il leur a complètement ôté l'idée de s'en faire un mérite devant Dieu. — Dans tous les cas, ceci est une question, non de bonheur ou de malheur présent ou actuel; c'est une question plus haute et qui se résume dans ce grand mot, trop souvent oublié: le DEVOIR.


LE CANTIQUE DES CANTIQUES.

CXLIII. — Exposition générale du livre.


1890. Le titre que porte ce nouvel écrit de Salomon, d'après le texte hébreu lui-même, est destiné à nous rappeler que ce roi composa beaucoup de cantiques (1 Rois 4: 32); il exprime en même temps que celui-ci est le plus excellent de tous ceux que l'Esprit de Dieu lui dicta. Au premier abord, on s'étonne du rang que la Bible assigne à ce poème. Sans doute qu'il est magnifique de style et d'images; sans doute encore qu'il faudrait avoir l'esprit bien mal fait et le cœur fort corrompu pour se scandaliser des vives expressions par lesquelles un époux dit l'affection que lui inspire son épouse et celle-ci célèbre la gloire de son époux; car l'amour conjugal est une sainte affection devant Dieu. Toutefois, si le Cantique des cantiques n'avait pas une autre signification, un sens plus élevé et plus saint encore, on pourrait trouver qu'il s'exprime avec trop de passion, et l’on aurait quelque peine à comprendre pourquoi cet écrit du fils de David a été mis à part et conservé par la volonté de Dieu plutôt que d'autres.

1891. Mais en considérant ce poème d'un œil attentif, on se persuade qu'il ne saurait être la simple expression de l'amour mutuel du roi Salomon et de l'une de ses femmes, que cette femme fût la mère de Roboam ou la fille de Pharaon, ou quelque autre encore. Pour ne citer qu'un seul trait (5: 7), on y lit que l'épouse ayant refusé d'ouvrir à son époux, celui-ci se retira; qu'alors l'épouse se mit à le chercher au milieu de la nuit dans les rues de Jérusalem; que les guets la rencontrèrent, la battirent, la blessèrent, et que les gardes des murailles lui enlevèrent le voile ou le manteau qui la couvrait. Or, il est certainement impossible qu'une femme de Salomon, que la femme préférée par lui, se soit jamais exposée à de telles aventures; tandis qu'elles n'arrivent que trop fréquemment aux âmes élues qui n'écoutent pas les appels du Seigneur. Alors celui-ci se retire, et, dans la nuit où le divin Époux les abandonne, ces âmes se mettent à le chercher; mais, pour les punir de leurs refus, souvent, hélas! il permet que leurs recherches restent quelque temps infructueuses, et même qu'elles soient accompagnées de toutes sortes d'amertumes, d'humiliations et de douleurs.

1892. Cet écrit de Salomon est donc un poème allégorique, et pour entrer dans la pensée du Saint-Esprit, il faut l'entendre au sens spirituel. Rien n'est plus propre à nous mettre sur la voie que de nous rappeler le psaume 45 et l'interprétation que nous en avons donnée [1662]. Le chant nuptial de David sert d'introduction au chant conjugal que nous avons maintenant sous les yeux. Dans l'un et dans l'autre, c'est Jésus-Christ qui est l'Époux; l'Église ou l'âme fidèle, l'épouse. L'un et l'autre célèbrent la gloire du Seigneur, gloire qu'il communique à ses rachetés, afin qu'à leur tour ceux-ci le glorifient. Dans tous les deux se voient l'intime union qui existe entre le Christ et son épouse, entre l'Église et son époux, la tendre charité ou l'amour du Sauveur pour elle, l'ardeur enfin avec laquelle les âmes rachetées doivent soupirer après leur divin Rédempteur.

1893. C'est pour cela que le Cantique des cantiques présente généralement la forme d'un dialogue, et d'un dialogue plein d'une sainte passion. Si nous sommes de ceux que Jésus-Christ a sauvés de la mort éternelle par son grand amour, nous pourrons prendre notre part dans cet entretien; mais encore faudra-t-il, à cause de nos souillures et de notre corruption naturelle, qu'avec beaucoup de prières et en refrénant notre imagination, nous regardions de tout notre cœur à Jésus-Christ, quand c'est l'épouse qui parle; tout comme si nous voulons que la voix de l'époux pénètre nos âmes pour n'y produire que de saintes émotions, il faut que nous voyions en celui qui parle le tendre et glorieux Sauveur, qui est mort pour nous sur la croix et qui nous destine à partager son trône céleste. Alors nous dirons dans l'esprit du Cantique (1: 2-4): «O Seigneur! baise-moi des baisers de ta bouche, car les caresses de tes compassions fortifient et réjouissent l'âme plus que le vin ou que nulle autre chose. La bonne nouvelle de ton salut est un parfum vivifiant (2 Cor. 2: 15), et de toi procèdent les grâces du Saint-Esprit, qui sont comme une huile odoriférante (1 Jean 2: 20). Aussi, les âmes que tu as lavées par ton sang et purifiées par ton Esprit, t'aiment, ô toi Seigneur! qui les as rachetées. Ah! tire-nous après toi, afin que nous courions où ta voix nous appelle et que nous soyons introduits enfin dans le palais de ta gloire, pour y goûter éternellement ton amour!

1894. Le sens de cette divine allégorie n'est pas partout aussi facile à saisir que dans les premiers versets; mais, à prendre la chose d'une manière générale, on peut dire que c'est toujours le même fond. Seulement, il faut remarquer que le Cantique décrit l'Église ou l'âme fidèle en des états très divers. Quelquefois l'Épouse parle de la triste situation où elle était avant que Christ la prît à lui; ailleurs, des angoisses qu'elle éprouve à la seule pensée qu'il pourrait l'abandonner; puis, elle se montre dans ses chutes, et ses larmes coulent à cause de son infidélité; on voit le Seigneur qui la châtie, on le voit aussi revenant sans cesse à l'aimer, à la protéger, à la bénir. — Je pourrais m'en tenir à ces indications; mais il ne sera pas sans utilité de donner un sommaire des huit chapitres dans lesquels on a divisé tout le poème.

1895. L'Église, ou l'âme fidèle, que, pour abréger, nous désignerons par le nom d'Épouse, comme le fait Salomon; l'Épouse, dis-je, demande au Seigneur, le céleste Époux, des témoignages de sa charité; elle célèbre sa gloire et les douceurs de sa communion; elle avoue ses propres torts, raconte ce qu'elle souffrit jadis et prie le Seigneur de la recevoir dans son bercail (1-7). — Le Seigneur invite l'Épouse à se joindre au troupeau qu'il conduit, et lui promet les plus excellentes grâces (8-11). — Christ et l'Église se témoignent mutuellement leur affection (12-17).

1896. (2, 3.) L'Épouse parle des grâces que le Seigneur lui a faites, de la gloire dont il jouit et qu'il lui communique, des avertissements par lesquels il la met en garde contre ses ennemis; elle exprime les vœux ardents qu'elle forme de se voir bientôt unie avec lui pour toujours dans le ciel; privée un moment de sa présence, elle dit ce qu'elle a fait pour le retrouver et ne plus le perdre, comment ses compagnes ont loué son zèle et se sont jointes à elle pour admirer la gloire du Bien-Aimé.

1897. (4.) Voix de l'Époux. Il daigne parler de l'Église en des termes qui montrent combien sont grandes les grâces qu'il a répandues sur elle; car, enfin, si elle est belle et glorieuse à ses yeux, ce n'est que par un effet de sa miséricorde (1-15). Aussi l'Épouse exprime-t-elle le désir que le Saint-Esprit, semblable au vent qui souffle où il veut (Jean 3: 8), la pare de tous ses dons, afin que son céleste Ami vienne auprès d'elle (16); et l'Époux, à son tour, exprime la joie que lui inspirent les saintes dispositions de son Épouse (5: 1).

1898. (5: 2; 6: 3.) Voix de l'Épouse. L'âme fidèle s'étant momentanément rendue sourde à la voix du Seigneur, déplore le refus qu'elle a fait de le recevoir. Mais aussi, comme elle en a été châtiée! Maintenant, il faut que ce soient ses compagnes qui la consolent et la raniment, en lui parlant de l'affection inépuisable du Seigneur. Cette pensée relevant l'âme abattue, elle s'écrie: «Je suis à mon Bien-Aimé, et mon Bien-Aimé est à moi!» Celui-ci (6: 4; 7:9) répète sous de nouvelles images tout ce qu'il a dit au sujet de son Épouse, et lui réitère les assurances de son amour. Sur quoi, l'Épouse aussi déclare qu'elle aime le Seigneur, qu'elle a vivement à cœur sa gloire, que rien ne pourra la séparer de son infinie dilection.

1899. Une fois qu'on a saisi le sens général du Cantique de Salomon, l'on y trouve une foule de paroles qui sont d'un prix inestimable pour un cœur que la foi purifie. Voulez-vous savoir, par exemple, à quel signe on reconnaît les vrais disciples de Jésus-Christ? Notre Seigneur dit que c'est à l'amour qu'ils ont les uns pour les autres (Jean 13: 35); le Cantique dit la même chose en termes plus vifs: «Sa livrée que je porte,» ou «la bannière sous laquelle il me range, c'est l'amour (2: 4).» Voulez-vous voir combien est intime l'union du Sauveur avec l'âme qu'il a rachetée? Jésus a dit: «Demeurez en moi et moi en vous» (Jean 15: 4); le Cantique dit à plus d'une reprise: «Mon Bien-Aimé est à moi et je suis à lui (16).» Puis, saint Paul dit que «Jésus-Christ a aimé l'Église... l'ayant purifiée... afin de se la présenter glorieuse, sans tache ni ride, ni rien de semblable (Ephés. 5: 25-27); le Cantique: «Tu es d'une beauté parfaite, ma bien-aimée, et en toi il n'y a pas un défaut!» (4: 7.) Et si le même apôtre déclare que rien ne peut séparer de l'amour de Christ une âme fidèle (Rom. 8: 38, 39), le Cantique avait dit avant lui, car c'est le même Esprit qui a parlé par Salomon et par Paul: «Tiens-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ta main! Car l'amour (de Dieu) est fort comme la mort, et la jalousie (de Dieu) inflexible comme le sépulcre; ses ardeurs sont des ardeurs de feu, une flamme de Dieu. De grandes eaux ne sauraient éteindre cet amour, ni les torrents le submerger. Quand un homme offrirait tous les trésors de sa maison en échange de cet amour, on le repousserait avec dédain» (8: 6, 7). — Je pourrais multiplier ces rapprochements, et vous verriez toujours mieux l'accord du Cantique des cantiques avec l'ensemble de la Parole de Dieu; car toute la Bible nous dit que Dieu est Amour (1 Jean 4: 16). Elle nous apprend aussi à envisager les relations conjugales comme un symbole de l'union qui existe entre le Seigneur et ceux qu'il aime (Ephés. 5: 22-33).

1900. L'interprétation que je viens de donner du Cantique de Salomon, et qui est l'interprétation commune, a le mérite incontestable de la simplicité; mais il faut convenir qu'elle ne résout pas les énigmes de ce poème allégorique aussi complètement qu'un commentaire plus récent dont je dois indiquer les grands traits, et qui ne s'écarte pas foncièrement du premier. Au lieu de deux personnages principaux, il y en aurait trois: Salomon, le Bien-Aimé et la Sulamite; la Sulamite fiancée au Bien-Aimé et recherchée en mariage par le roi Salomon. Celui-ci serait, symboliquement, le monde et ses attraits, sollicitant l'âme fidèle, représentée par la Sulamite; et le Bien-Aimé serait le Seigneur, auquel appartient le cœur des élus et son Église tout entière, sans que rien ne puisse les séparer de son amour. — Quant aux détails, je m'en abstiens, dans ce système d'interprétation comme dans l'autre, parce qu'il y faudrait un volume.

Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant