Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LE PROPHÈTE ÉSAÏE.

CLXIII. — Vocation d'Ésaïe et ses premiers discours prophétiques.

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2154. (1:1.) Le prophète Ésaïe, fils d'Amots, appartenait, dit-on, à la famille des rois de Juda. Les règnes d'Hozias, de Jotham, d'Achaz et d'Ezéchias, sous lesquels il prophétisa, forment une période de 112 ans, dont celui d'Hozias occupe près de la moitié. Or, Ésaïe ayant été appelé à la charge de prophète la dernière année de ce prince, il en résulte qu'il remplit cette charge au moins cinquante ans. Ses prophéties, écrites à diverses époques durant cette longue carrière, furent plus tard recueillies et transcrites dans un ordre qui peut n'être pas toujours celui des temps. Bien que cette circonstance soit assez insignifiante pour ce qui tient à l'édification, il est naturel cependant que nous commencions notre étude par le récit contenu au chapitre 6.

2155. (6: 1-4.) Depuis la vocation de Moïse, nous n'en avons pas eu, je crois, de plus extraordinaire que celle d'Ésaïe; d'où nous pouvons conclure, dès à présent, que son ministère fut d'une grande importance. C'était la dernière année du roi Hozias, vers l'an 758. Ésaïe devait être jeune encore, à moins qu'il n'ait atteint un âge extrêmement avancé. Dans une vision solennelle que décrit le prophète, il eut sous les yeux un édifice semblable au temple; le Seigneur y était assis sur un trône fort élevé et il avait revêtu une apparence humaine, car il était enveloppé d'un manteau dont les pans étalés remplissaient le temple. Des anges se tenaient au-dessus de lui, chacun d'eux ayant six ailes. De deux de ces ailes ils se couvraient la face, de deux autres les pieds; les deux autres leur servaient à voler. Ils sont nommés Séraphins ou ardents. Ces êtres célestes s'excitaient à crier: «Saint, saint, saint est l'Éternel des armées! toute la terre est pleine de sa gloire;» et leur voix ébranla le temple, qui d'ailleurs s'était rempli d'une fumée comme celle de l'encens qu'on y brûlait chaque jour.

2156. Lors même que l'Écriture ne nous en aurait pas informés en termes exprès (Jean 12: 37-41), nous devrions comprendre de nous-mêmes qui est Celui dont Ésaïe vit en ce moment la gloire. C'est le Seigneur, l'Ange-Éternel, le Fils du Très-Haut, la Parole. Il y avait longtemps qu'il ne s'était manifesté personnellement, mais on conçoit qu'il ait voulu le faire en adressant vocation à celui de tous les prophètes qui a le plus parlé de lui. Au surplus, si Ésaïe le vit assis sur un trône et ce trône dans le temple, c'est que le Seigneur était à la fois le Roi et le Dieu d'Israël, comme il l'est encore de l'Église; si les Séraphins chantent ses louanges, c'est qu'il est digne que les anges l'adorent (Hébr. 1: 6, 7); puis, s'ils se voient ici au-dessus de lui et non à ses pieds, c'est peut-être par allusion à ce qu'il devait être fait pour un peu de temps inférieur aux anges (Ps. 8; Hébr. 2:7).

2157. Quant à la manière dont ces anges nous sont représentés, elle nous offre un magnifique symbole du vrai caractère des serviteurs de Jésus. Brûlant d'amour pour lui, ils doivent respectueusement cacher leur face en son auguste présence, couvrir des pieds qui remplissent si mal leur service, être toujours prêts à voler où sa voix les appelle, l'adorer enfin comme celui qui, dans l'unité avec le Père et le Saint-Esprit, est le Saint des saints, le Dieu de toute la terre.

2158. (5.) Il est à présumer qu'avant cette époque, Ésaïe avait éprouvé déjà les effets de la grâce de Dieu, qu'il vivait dans la foi en ses promesses et dans la piété. Il ne laisse pas de se sentir vivement ému à la vue de cet imposant spectacle, car la présence du Seigneur a toujours quelque chose de saisissant pour l'homme mortel [632, 1272]. Bien différent des pécheurs non convertis, qui ne voient pas beaucoup de mal dans les fautes de la jeunesse, et surtout dans celles dont la langue seule, semble-t-il, est coupable, Ésaïe s'épouvante à la pensée de ce qu'il deviendrait si le Dieu de gloire le traitait selon ses mérites. Dans le pressentiment de la mission qui allait lui être confiée, il se récrie sur l'indignité de la bouche par laquelle devraient passer les oracles du Très-Haut; puis il sent en quelque sorte peser sur lui tous les péchés des enfants d'Israël, parce qu'il est leur frère! «Malheur à moi!»

2159. (6, 7.) Mais l'Éternel aime les humbles et leur fait grâce. Un des séraphins vole vers Ésaïe, et ayant pris un charbon sur l'autel de la prière [823] ou sur celui du sacrifice [811], il l'approche de sa bouche pour sa purification: «Ton crime est enlevé, lui est-il dit, et ton péché expié.» Par la foi, Ésaïe avait déjà reçu miséricorde, mais l'assurance lui en est renouvelée à l'occasion du trouble momentané qu'il éprouvait en son âme. D'ailleurs, il n'est pas de fidèle qui n'ait besoin, jour par jour, de la grâce de Dieu, et pas de jour où Dieu ne soit prêt à nous multiplier sa grâce et sa paix.

2160. (8.) Cela fait, Ésaïe entendit le Seigneur qui l'invitait au ministère de sa Parole. Le futur prophète comprit dès le premier mot, et il répondit sans hésiter: «Me voici, Seigneur; envoie-moi.» Cet empressement fait un bien grand contraste avec les refus opiniâtres de Moïse en pareille circonstance (634 et suivants). — Un autre rapprochement intéressant, c'est de remarquer ce pluriel Nous, après le pronom singulier «Qui enverrai-je?» Comme en d'autres endroits de l'Écriture, cette forme de langage rappelle qu'il y a pluralité dans l'unité divine, savoir le Père, le Fils et le Saint-Esprit, un seul Dieu béni éternellement [22, 37, 1007].

2161. (9-13.) Ésaïe ayant accepté sa mission, le Seigneur lui annonce que, loin de recevoir universellement son message, le peuple s'endurcirait le cœur, se boucherait les oreilles, et que la prédication même de la Parole de Dieu semblerait produire cette incrédulité comme au temps de Pharaon. Or, le prophète ayant demandé jusques à quand, il lui fut répondu que ce serait jusqu'à ce que le pays fût entièrement désolé [2080]. Le Seigneur ajoute qu'il y resterait toutefois une partie de ses anciens habitants, mais pour être l'objet de nouvelles calamités, et que plus tard enfin ce même peuple revivrait dans une postérité sainte. Or, toutes les parties de cette prédiction se sont littéralement accomplies sauf la dernière. Depuis Ésaïe la ville de Jérusalem a deux fois été renversée et la Judée deux fois réduite en désert pour prix de l'incrédulité de ses habitants, Ce qui reste à accomplir, c'est le retour de ce peuple au Seigneur leur Dieu, lequel ils ont rejeté et crucifié, mais qu'ils doivent rechercher un jour, selon la parole des prophètes précédents et d'Osée en particulier [2120 et suiv.].

2162. Puis, quand on voit l'usage que le Nouveau Testament fait de cette prophétie (Jean 12: 40, 41), on demeure convaincu que, par la sainte postérité prédite ici et en d'autres lieux [102, 367,1506], il faut entendre surtout notre Sauveur et avec lui ses rachetés. C'est le sens spirituel de la prophétie. Par conséquent, l'incrédulité que rencontra la prédication d'Ésaïe est un type de celle que manifestèrent les Israélites à l'égard de notre Seigneur Jésus-Christ, comme la conversion de quelques-uns d'entre eux et la formation de l'Église sont un gage du retour et du rétablissement des Juifs. Or en ce qu'elles ont de relatif au Messie, les prédications d'Ésaïe ne sont, d'un bout à l'autre, que le développement de la parole qui lui fut adressée lors de sa vocation. Dans les discours même qui y semblent le plus étrangers, on en voit reparaître les traits principaux.

2163. (1.) Retournant maintenant au premier chapitre, nous dirons que le prophète y trace, de l'état politique et religieux du royaume de Juda, un tableau qui ne semble convenir ni au temps d'Hozias, ni h celui de Jotham. On en a inféré que ce magnifique discours fut prononcé quand l'impie Achaz était sur le trône. Mais il se peut aussi que, sous cette forme descriptive et historique, l'Esprit de Dieu ait prophétisé une situation à venir, ce qui n'est pas rare dans le langage de l'inspiration; nous devrons plus d'une fois nous souvenir de cette remarque.

2164. Le premier chapitre d'Ésaïe renferme donc des censures, des exhortations à la repentance et des promesses de la grâce de Dieu. Après avoir admiré le langage sublime par lequel le prophète entre en matière (2), vous remarquerez ce qu'il dit ensuite de l'ingratitude, du mépris qu'ils faisaient des châtiments de Dieu (5, 6), de la ruine qu'ils s'attiraient par leurs désordres continuels (7-10), du néant de leur culte formaliste [1872] et du devoir qui leur était imposé de renoncer à leur mauvais train (11-19); vous serez touchés enfin des termes dans lesquels l'Éternel leur promet le pardon, s'ils retournent à lui de tout leur cœur (20-31). Après quoi, voyez dans la suite du chapitre, le mélange de juste sévérité et de tendre compassion avec lesquelles le Seigneur annonce que son peuple périra par l'épée, que toutefois Sion sera rachetée, et que, devenue fidèle et sainte, on l'habitera de nouveau.

2165. (2: 1-4.) La montagne de la maison de l'Éternel, savoir le mont de Morija sur lequel était bâti le temple, doit dominer un jour toutes les autres montagnes, dit la révélation du Seigneur. En d'autres termes, le culte du vrai Dieu fera disparaître l'idolâtrie; des nations en foule se rangeront sous la loi de l'Éternel, laquelle franchira les étroites limites de Sion; le Seigneur exercera ses jugements sur les peuples qui n'auront pas voulu se ranger à son obéissance, puis une grande paix réjouira la terre. Il est manifeste que cette prophétie a reçu un premier accomplissement lorsque l'Évangile fut porté aux nations par les apôtres, mais il est tout aussi manifeste qu'elle nous autorise à attendre de plus grandes bénédictions encore. Cette double observation nous aide à déterminer le sens qu'il faut donner à ces mots: les derniers temps. Ce sont ceux où le monde se trouve depuis dix-huit siècles. Ils sont appelés les derniers, par opposition aux temps qui précédèrent la venue de Jésus-Christ, et ensuite parce que l'alliance de grâce, celle que Dieu a fondée sur le sacrifice de notre Sauveur, est une alliance définitive. Les siècles antérieurs à Moïse pourraient être appelés les premiers temps; de Moïse à Jésus-Christ, nous aurions les temps de préparation; les temps évangéliques sont les derniers: ensuite vient l'éternité.

2166. Après cette belle introduction, toute de promesses, le prophète invite les Israélites à marcher dans la lumière de l'Éternel (5), parole qui rappelle une exhortation semblable de notre Seigneur (Jean 12: 35); mais comme ils refuseront de le faire, ils se verront rejetés de Dieu à cause de leurs iniquités et de leurs pratiques idolâtres (6-9); châtiés par le Seigneur, ils sentiront enfin leur orgueil, la folie de leur faux culte et de la confiance qu'ils mettaient en l'homme (10-22). À la lecture de ce chapitre, vous serez frappés de la richesse et de la variété des images dont le Saint-Esprit orne et fortifie le langage du prophète; vous ne manquerez pas surtout de noter et d'apprendre par cœur des paroles comme celles-ci: «Il est une journée de par l'Éternel des armées contre tout ce qui est altier et contre tout ce qui s'élève, afin qu'il soit humilié...» (12.) «La fierté des hommes sera humiliée et l'orgueil des personnages abaissé, et l'Éternel en ce jour sera seul élevé, et les idoles en entier disparaîtront» (17).

2167. (3:8, 9.) L'orgueil! telle est la grande plaie du cœur humain. Dans sa folie, l'homme, se divinisant, déclare la guerre à Dieu; il va jusqu'à faire gloire de son impiété et de ses désordres. Parmi les maux qu'engendre l'orgueil il en est trois que le prophète signale: l'oppression du pauvre par le riche, du faible par le fort (15); puis la révolte des enfants contre les vieillards et des petits contre les grands; enfin le luxe dans les habits et la vaine toilette des femmes (16-24). Tout cela se voyait en Juda et devait se revoir en des temps postérieurs; aussi Dieu ne pouvait-il manquer de châtier enfin son peuple d'une manière exemplaire (1-7). Il le châtiera, dit le prophète, en lui ôtant tout ce qui faisait sa force et son orgueil. À l'administration de rois sages succédera l'anarchie; on placera sur le trône des enfants dont le règne sera vraiment une calamité (4,12); Jérusalem enfin, la sainte cité, se verra détruite et désolée (25, 26).

2168. (4.) Or, afin de marquer l'étendue de cette destruction, il est dit que, pour un homme, on comptera sept femmes dans le pays (1). La prophétie que renferment les chapitres 2, 3 et 4, finit comme elle a commencé, par des promesses (4: 2-6). Quelqu'un y est annoncé sous le nom de Germe de l'Éternel. Il devra posséder une grande gloire et, par cette gloire même, faire le bonheur de ceux dont les noms sont écrits au Livre des vivants. Semblable à la nuée qui conduisait les Israélites, il sera durant le jour un voile servant à intercepter les brûlants rayons du soleil, et de nuit une lumière ayant l'éclat d'un feu resplendissant; près de lui d'ailleurs tous trouveront un refuge, quelle que soit la rigueur de la saison. Ainsi, après avoir débuté par un tableau des grâces évangéliques, le prophète termine en caractérisant celui de qui elles émanent. Rien ne manque à la perfection de l'oracle.

2169. (5: 1-7.) Dans le nouveau discours prophétique qui se présente à nos yeux, nous avons d'abord le cantique du Bien-Aimé, parabole où le Saint-Esprit compare le pays de Canaan à une vigne, et les institutions dont l'Éternel avait favorisé les Israélites, aux établissements qu'un propriétaire ferait dans sa vigne afin d'en recueillir les fruits. Est-ce que le Seigneur pouvait réellement pour son peuple plus qu'il n'avait fait? Toutefois, au lieu de raisins, la vigne n'a produit que des grappes sauvages! Aussi la voilà broutée, foulée aux pieds, réduite en désert; ni la pluie qui s'échappe des nuages, ni les eaux de la grâce de Dieu ne la font reverdir.

2170. Cette prophétie eut un premier accomplissement, 170 ans au moins après qu'elle eut été prononcée, savoir lorsque Jérusalem, ainsi que nous le verrons, fut prise par Nébucadnetzar et les Juifs menés captifs à Babylone; mais notre Seigneur l'ayant reproduite en des termes tout à fait semblables (Matth. 21: 33-44), nous apprenons de lui que le Saint-Esprit avait en vue, dans cette parabole prophétique, d'annoncer non seulement la première dispersion des Juifs, mais surtout la seconde. Or, voici bientôt dix-huit siècles que la Judée est semblable à la vigne maudite dont nous venons de lire la triste destinée. Et si nous, chrétiens, nous pouvons à bon droit nous envisager, spirituellement, comme une vigne que le Seigneur a plantée, qu'il cultive, qu'il garde, souvenons-nous que personne ne possède une vigne sinon pour y récolter des fruits.

2171. Après cela viennent six déclarations de malheur qui ont pour objet les hommes dont toute la pensée est d'amasser des richesses, ou de se rassasier de festins et de plaisirs (8, 11); ceux aussi qui commettent le péché, quel qu'il soit, en se riant des jugements de Dieu (18, 19), et les gens, plus coupables encore, qui nient les premiers principes de la morale (20). Malheur à ceux qui se confient en leur sagesse et en leur justice! (21.) Malheur aux pécheurs déhontés qui, s'abandonnant aux excès du vin, se rendent incapables d'observer les règles les plus simples de l'équité (22, 23). Ah! dans la bouche de Dieu, c'est un terrible mot que celui de malheur! Les enfants d'Israël purent s'en faire une idée lorsque s'accomplirent d'une manière si effrayante et si admirable tout à la fois les menaces de cette prophétie (13, 15, 16, 25-30). La captivité, la famine, la ruine des petits comme des grands: voilà quels furent les fruits de l'invasion étrangère. Les Babyloniens d'abord, puis les Romains, fondirent sur Israël, tels qu'une furieuse tempête qui renverse et brise tout sur ses pas.


CLXIV. — Prophéties de délivrances écrites sous le règne d'Achaz.


2172. (7.) Il devait y avoir environ vingt ans qu'Ésaïe avait été revêtu de sa charge de prophète, lorsque Retsin et Pékach se mirent en campagne contre Jérusalem, selon le récit que nous en avons retracé précédemment [2093]. Qu'il ait prêché la Parole de Dieu durant le règne de Jotham, fils d'Hozias, c'est ce qu'on ne saurait mettre en doute; seulement ces prédications ne furent pas écrites ou du moins elles ne nous sont pas parvenues, sauf peut-être celles que nous avons étudiées tout à l'heure, si elles appartiennent à cette époque. Ici la date est indiquée, et nous voyons que ce fut à l'occasion du plus grand danger auquel le royaume de David eût été exposé, que l'Éternel promit d'une manière si remarquable la naissance de Celui qui, fils de David et roi d'Israël, serait IMMANOUEL, ou EMMANUEL, Dieu avec nous; c'est la traduction de ce mot (14). L'Éternel avait dit autrefois que le Rédempteur naîtrait d'une femme (Gen. 3: 15); cela pouvait signifier simplement qu'il appartiendrait à l'humanité. Maintenant, la prophétie se précise: c'est une vierge qui mettra au monde le Sauveur. Après ce qui nous est dit dans le Nouveau Testament (Matth. 1: 23), il ne saurait y avoir, parmi les chrétiens, deux opinions sur le sens de cet oracle d'Ésaïe, un des plus remarquables entre beaucoup d'autres, car il annonce un fait qui ne pouvait s'accomplir que par la toute-puissance de Dieu, et que lui seul par conséquent pouvait révéler ainsi 740 ans à l'avance.

2173. Ce qui est non moins frappant, c'est l'intention manifeste qu'a eue le Seigneur d'envelopper cette prophétie d'une certaine obscurité; en sorte qu'elle dut être une énigme pour ceux qui l'entendirent, et maintenant encore les plus habiles commentateurs ont de la peine à se rendre compte de tous les détails. L'oracle, quant à l'enfantement du Christ par une vierge, est d'une clarté parfaite; mais ce qui le rend obscur, c'est l'entourage ou les circonstances accessoires. Quelques mots seulement sur un ou deux points.

2174. D'abord (8), on a quelque peine à concilier avec l'histoire les soixante-cinq ans qui devaient s'écouler jusqu'à ce qu'Ephraïm, c'est-à-dire le royaume des dix tribus, fût mis en pièces, attendu que la prise de Samarie par Salmanasar eut lieu une vingtaine d'années après l'invasion de Retsin et de Pékach, Mais si vous comparez ce qui est dit au second livre des Rois, chap. 17: 24, avec Esdras 4:2, vous verrez que ce fut sous Esarhaddon, quarante-cinq ans après la prise de Samarie, que cette ville et le royaume dont elle était la capitale s'effacèrent pour ainsi dire sous la main des étrangers. Voilà de quelle manière on retrouve les soixante-cinq années de la prophétie. En attendant, il n'est pas douteux que les incrédules, qui, après avoir été contemporains d'Ésaïe et d'Achaz, vivaient encore l'an 721, lors de la prise de Samarie, eurent beau jeu contre lui. Ils lui demandèrent compte de ces soixante-cinq années qu'il avait assignées à Ephraïm; mais le prophète put leur répondre comme nous devons le faire souvent en pareil cas: Ne vous hâtez pas de juger Dieu.

2175. Un autre embarras, c'est d'expliquer comment la naissance du Sauveur, sept siècles plus tard, pouvait être un signe de la délivrance que Dieu allait accorder au royaume de Juda (14). Mais on voit ailleurs quelque chose de tout pareil (Exode 3:12) [635]. Il y a des signes pour les incrédules; il en est pour les croyants. Celui-ci était de la seconde espèce. En répétant la promesse d'un Sauveur, Dieu donnait, par l'oracle même, un signe de sa bienveillance envers son peuple. Quant au verset 16, qui offre aussi quelque difficulté, difficulté qu'on a tenté d'aplanir en disant qu'ici le prophète parle de son propre fils ou de quelque autre enfant qui allait naître, elle disparaît, me semble-t-il, si on lie ce verset au reste du chapitre (16-25), lequel se résumerait en ces mots: «Non, la bienveillance de l'Éternel ne s'est pas retirée de dessus vous, peuple ingrat et maintenant effrayé des menaces de Retsin et de Pékach. Pour preuve, il vous annonce de nouveau le Messie promis; pour preuve encore, vous allez être délivrés de la présence des armées ennemies. Toutefois ne croyez pas que vous puissiez fuir les jugements de l'Éternel. Votre délivrance actuelle ne sera que momentanée; bientôt fondra sur vous une horrible destruction, et tout cela se fera avant la venue d'Emmanuel, ou, en d'autres termes, avant que le Fils de Dieu devienne le fils de l'homme; et ce fils de l'homme sera d'abord un enfant.» De cette manière, la prophétie marquait, en quelque mesure, le temps de la venue du Christ. Il fallait au préalable que le royaume de Juda reçût son châtiment. Cela revenait à dire non pas que le Messie paraîtrait tout de suite après cette catastrophe, mais du moins qu'on ne le verrait pas auparavant.

2176. (8, 9: 1-6.) Nouveau discours prophétique, qui comprend le chapitre 8 et les six premiers versets du neuvième; car nulle part peut-être les chapitres ne sont plus mal partagés que dans Ésaïe. — Peu de temps avant l'expédition de Tiglath-Pilnéser contre Samarie [2095], le fils d'Amots fut invité à la prophétiser (8: 1-4), en ajoutant à la parole deux actes très significatifs [1950]. II dut écrire sur des tablettes les mots Maher-sçahal-hasç-baz et donner ce même nom à un fils qui lui naquit alors. «Pillage prompt, proie subite,» voilà ce que signifiaient ces mots. Et pour qu'on ne pût pas croire que la prophétie avait été faite après coup, le serviteur de l'Éternel écrivit les mots sacrés et les imposa à son fils en présence de deux témoins irrécusables, car l'un d'eux, Urie, était probablement le trop fidèle ministre des volontés impies d'Achaz (2 Rois 16: 10-16).

2177. (5-22.) Et comme le roi et son peuple, heureux de voir Retsin et Pékach (le fils de Remalja) humiliés par l'Assyrien, se fiaient en la protection de ce monarque et préféraient les eaux de l'Euphrate au ruisseau de Siloé (images faciles à comprendre), le prophète déclare que les eaux de l'Euphrate (les Assyriens) finiraient par inonder toute la terre de Canaan. C'est ici que cette contrée est appelée le pays d'Emmanuel (8) ou autrement le pays de Jésus-Christ, désignation par laquelle le Saint-Esprit confirme ce que nous avons dit ailleurs au sujet du don que Dieu fit à Abraham et à sa postérité du territoire cananéen [260]. Répétons que s'il est appelé le pays d'Emmanuel, c'est que notre Seigneur Jésus-Christ y est né, qu'il y a vécu, qu'il y est mort, qu'il y est ressuscité, qu'il y a fondé son Église; et combien de grandes choses encore ne doivent-elles pas se passer en ce petit coin de terre, qui fut jadis le théâtre de tant de merveilles!

2178. (8: 23; 9: 1-6.) Après avoir développé son oracle contre Damas et contre Israël, en l'entremêlant de vives exhortations au peuple juif, Ésaïe prononce une prophétie qui est citée dans le Nouveau Testament comme s’étant accomplie par la prédication de l'Évangile, ou plus généralement encore par la venue de Jésus-Christ (Matth. 4: 15, 16). Il ne peut donc pas y avoir pour nous deux manières de l'interpréter. Qu'on la prenne dans son sens littéral ou dans un sens spirituel, il s'agit toujours des délivrances que le Messie devait apporter à son peuple. Si par ce peuple on entend la postérité d'Abraham selon la chair, il est sûr que la prophétie n'est pas encore effectuée, bien qu'on puisse l'envisager comme en voie d'accomplissement; s'il s'agit de l'Israël spirituel, elle l'est déjà dans une grande mesure. La lumière pure et sainte de l'Évangile s'est levée sur maints peuples qui jadis vivaient en de profondes ténèbres (1); de cette manière la nation sainte a été multipliée et sa joie augmentée (2); le joug du péché et de Satan s'est allégé, mais ce n'a pas été sans un rude combat (3); un sang précieux y a coulé: le sang des martyrs et notamment le sang du Saint et du Juste (4).

2179. Celui par qui la délivrance s'est opérée est né petit enfant au milieu des hommes (5); toutefois, il est le Fils, le véritable héritier de la promesse [346]. Fils de Dieu d'une façon toute spéciale, il a droit aux titres les plus éminents. Il est l'Admirable ou l'Incompréhensible, comme il s'était nommé lui-même au temps des Juges [1270], le Conseiller, le Dieu fort, le Puissant, le Père d'éternité, le Prince de la paix. Chacun de ces noms convient parfaitement à notre Seigneur Jésus-Christ, et, dans leur ensemble, comme ils nous rappellent bien sa nature divine! Le reste de la prophétie se rapporte essentiellement à son œuvre de Messie (6). Fils de David, il est destiné à régner éternellement pour amener les hommes à la connaissance du Dieu fort et jaloux. L'Éternel notre Dieu ne saurait souffrir qu'on donne à d'autres la gloire qui lui est due, il en est jaloux (Exode 20: 5); l'office de Jésus, comme Rédempteur, est le rétablissement de la gloire de Dieu ici-bas, par l'anéantissement de toute idolâtrie.

2180. (9: 7-20; 10: 1-4.) La prophétie qui se présente après celle-ci commence au verset 7 du chapitre 9, et va jusqu'au 5 du chapitre 10. Elle se partage en quatre strophes, qui se terminent toutes par ces paroles: «Pour tout cela, il ne fera point cesser sa colère, mais sa main sera encore étendue» (9: 11, 16, 20; 10: 4). Ce sont des menaces contre Ephraïm, c'est-à-dire contre le royaume d'Israël, qui subsistait encore à cette époque. — Mille fois averti des jugements de Dieu, Israël s'est roidi avec insolence contre l'Éternel; c'est pourquoi l'Éternel va le livrer aux Syriens, aux Philistins, principalement aux Assyriens, les ennemis de Retsin (9: 7-16). Ce n'est pas tout; le peuple persistant dans ses égarements, des révolutions intestines aggraveront sa misère; les plus criantes iniquités se commettront sans aucune retenue; aussi les coupables finiront-ils par n'avoir d'autre choix qu'entre l'exil et la mort (16-20; 10: 1-4). Ces prophéties ne tardèrent pas beaucoup à s'accomplir. Nous l'avons vu dans l'histoire des rois d'Israël [2097, 2102]: Ésaïe en fut le témoin oculaire, après l'avoir raconté d'avance.

2181. (10: 5-34.) Voici une nouvelle prophétie qui s'accomplit aussi du vivant d'Ésaïe, mais plus tard que la précédente [2140-2147.] Pour la résumer en peu de mots, l'Assyrie, après avoir châtié Israël sous le règne de Salmanasar, s'avancera contre Jérusalem et la mettra à deux doigts de sa perte. Mais alors viendra le tour des Assyriens et de Sanchérib leur prince. Ils seront châtiés de leur orgueil et de leur violence. Sans doute qu'en frappant les enfants d'Israël ils auront fait l'œuvre de Dieu, comme une verge dans la main de celui qui s'en sert; mais ces idolâtres croiront avoir réussi par leur propre force; ils se vanteront de leurs triomphes sur le peuple de Dieu, comme s'ils avaient vaincu Dieu lui-même; aussi l'Éternel leur fera-t-il rendre compte de leurs victoires. Le Tout-Puissant se sert donc des passions des hommes pour exercer ses jugements, mais cela n'empêche pas qu'il ne brise ensuite les ministres mêmes de sa justice. D'un autre côté et quoi qu'il arrive, le Seigneur se réserve toujours parmi son peuple un résidu de fidèles; et, quelque faible que soit ce reste, c'est à lui qu'appartiennent les promesses et les bénédictions. Tous ceux donc qui s'appuient sur l'Éternel, le Saint d'Israël; peuvent s'appliquer ce qu'il dit ici par la bouche d'Ésaïe: «O mon peuple qui habites Sion, ne crains point l'Assyrien» (20-24).

2182. (11,12). À cette prophétie succède et se rattache un oracle tout messianique, qui se divise de soi-même en quatre points: la personne du Messie (11:1 -5), les caractères de son règne (6-10), la restauration d'Israël (11-16), le cantique des rachetés (12). L'Assyrie sera frappée de manière à ne pas se relever; tous les arbres de cette orgueilleuse forêt tomberont sous le bras du Puissant (10: 33, 34); mais il n'en sera pas ainsi d'Israël. D'abord, de la famille d'Isaï, père de David [1218], sortira un rejeton, un homme qui, rempli du Saint-Esprit, exercera des jugements de miséricorde envers les petits et les malheureux, réservant sa sévérité pour les méchants et les impies. Tout son plaisir est de faire la volonté de Dieu; il est plein d'équité dans ses menaces et de fidélité dans ses promesses (11: 1-5). Son règne est un règne de réconciliation et de paix, de lumière et de sainteté; un règne plein de gloire (6-10).

2183. Voilà ce qui ressort avec évidence du langage figuré dans lequel la prophétie est conçue. Mais si l'on veut aller plus loin, on risque de prendre pour des réalités ce qui n'est peut-être qu'une allégorie. Ainsi, faut-il croire qu'un temps vient où l'agneau et le loup gîteront ensemble, où le lion mangera du fourrage comme le bœuf, où le venin de la vipère n'aura plus de danger pour personne, un temps, en un mot, tout semblable à celui qui précéda la chute d'Adam? Faut-il espérer qu'en un jour plus ou moins rapproché, tous les hommes sans exception connaîtront l'Éternel, et que les nouveaux habitants de Sion seront entièrement dépouillés du péché? Devons-nous penser qu'à cette même époque le Seigneur Jésus-Christ lui-même, dans son humanité, résidera sur cette sainte montagne, pour y recevoir les hommages volontaires des nations? C'est ce que pensent beaucoup de chrétiens fort éclairés et fort pieux. D'autres estiment que ces paroles doivent être prises dans un sens figuré et entendues spirituellement, comme tous au surplus sont obligés de le faire pour la plupart d'entre elles. Par exemple, il est sûr que Jésus-Christ n'est pas un rejeton, à proprement parler (1); qu'il n'a pas une verge dans la bouche (2); que ni la justice ni la fidélité ne peuvent être des ceintures (3).
Quoi qu'il en soit, on ne saurait contester que, sous ces magnifiques images, la prophétie n’annonce un temps de paix, de sainteté et de gloire, tel qu'il ne s'en est point encore vu; et après cela, que cette gloire, cette sainteté, cette paix ne se rattachent à Jésus-Christ et à son œuvre. Quant à la question du sens littéral, nous la laissons indécise pour le moment; peut-être la suite de nos études nous aidera-t-elle à la résoudre. En attendant, remarquez, je vous prie, que l'apôtre saint Paul nous présente cet oracle comme ayant été en voie d'accomplissement à l'époque même de la prédication de l'Évangile (Rom. 15: 12). Or ce même apôtre avait dit quelques lignes plus haut (Rom. 14: 17) que le royaume de Dieu, ce royaume qu'il prêchait et que Dieu établissait par son ministère, «est justice, paix et joie par le Saint-Esprit.» C'est le langage même de notre prophétie; et s'il en est ainsi, nous avons déjà le droit de dire que, dans tous les cas, la réalisation n'en est pas entièrement à venir.

2184 (11-16). Ces observations s'appliquent plus ou moins à la troisième section de la prophétie. Je n'ai aucun doute qu'elle n'ait pour objet le futur rétablissement des Juifs, car ce serait en vain qu'on s'efforcerait de l'expliquer par leur retour de la captivité de Babylone, sans compter que ce rétablissement est prédit ailleurs en des termes tellement simples, précis et positifs, que les images dont l'oracle s'embellit ici et en d'autres endroits, ne sauraient effacer le sens propre de la prophétie. Mais que, dans celle qui nous occupe, il y ait des expressions figurées qu'on ne doive pas prendre au pied de la lettre, c'est ce qui me paraît évident. Sinon, il faudra croire qu'à l'époque du rétablissement des Juifs, les Philistins, les Edomites, les Moabites et les Hammonites, ces peuples depuis si longtemps effacés de la terre, y reparaîtront on ne sait comment, pour tomber sous les coups des enfants d'Israël. Bien plus, il faudrait, d'après le verset 16, entendre tout ceci du retour de la captivité d'Assyrie, ce à quoi s'oppose le reste de l'oracle. Sous ces images donc, le Saint-Esprit annonce qu'après avoir été misérables au milieu des nations, les fils d'Israël, ne faisant plus qu'un seul peuple, rentreront dans le pays de leurs pères par des merveilles non moins éclatantes, quoique sans doute d'un autre genre, que lorsqu'ils furent délivrés de leur servitude en Égypte; puis, que cette délivrance coïncidera avec les jugements dont l'Éternel, frappera les ennemis de son règne et de son peuple, jugements qui auront les fils d'Israël pour ministres ou pour occasion, comme à l'époque de la conquête de Canaan.

2185. (12.) Alors aussi il y aura dans la bouche des rachetés un cantique semblable à celui de Moïse après le passage de la mer Rouge. Ils célébreront les compassions éternelles du Seigneur et diront la confiance qu'ils placent en lui, source permanente de toute grâce (1-3). Puis ils s'exhorteront les uns les autres à raconter parmi tous les peuples les merveilles de son amour et de sa présence au milieu des élus (4-6). Ce sont les deux strophes dont se compose ce psaume magnifique, admirable couronnement de la prophétie.

2186. Quant au temps où ces événements s'accompliront, il pourrait sembler, si l'on adopte le sens littéral, que ce sera tous à la fois. «Dans ce même temps, dans ce même jour, en ce jour-là,» dit le prophète à plusieurs reprises. Mais «devant le Seigneur, un jour est comme mille ans et mille ans sont comme un jour» (2 Pierre 3: 8). Ce jour donc, si notre interprétation de l'ensemble de la prophétie est juste, ce jour a commencé lorsque le rejeton est sorti du tronc d'Isaï, il y a dix-huit siècles, et il finira quand le Seigneur reviendra dans sa gloire. Ce moment sera par excellence le jour du Seigneur, comme les temps qui ont suivi sa naissance et qui se prolongeront jusqu'à la fin, sont le grand jour messianique, le dernier temps [2165].


CLXV. — Prophéties contre les ennemis du peuple de Dieu.


2187. Onze chapitres, à partir du 12e, forment un ensemble effrayant de prophéties, où nous voyons le bras de l'Éternel s'étendre sur les ennemis de son peuple, et se promener de lieu en lieu pour frapper les nations vouées à l'idolâtrie et à l'impiété. Gages et symboles tout à la fois du jugement dernier, ces saints oracles doivent nous pénétrer d'un profond sérieux. Si Dieu a châtié de la sorte les peuples rebelles des temps passés, il ne faut pas nous étonner qu'il châtie pareillement ceux de nos jours; toute la différence est que ces calamités-là furent plus expressément prédites. Et si Dieu n'épargne pas les peuples qui l'offensent, il n'épargnera pas non plus les individus qui se jouent de son auguste pouvoir!

2188. (13.) Deux cents ans avant la prise de Babylone par les Mèdes, dans un temps où cette ville n'avait encore que peu de puissance et où les Mèdes étaient comme un peuple ignoré, Ésaïe fut chargé d'annoncer la ruine de cette illustre métropole, dont nous verrons les princes jouer un si grand rôle dans l'histoire du royaume de Juda. Il l'annonce brusque, imprévue, terrible: c'est aussi ce qu'elle fut; mais il la représente comme totale, bien que Babylone n'ait été qu'à la longue effacée du rôle des cités. Ce dernier trait offre à ceux qui inclineraient vers le doute une preuve sans réplique que la prophétie n'a pas été forgée après l'événement. Cela étant, il en est peu qui attestent avec plus de force la divinité des Écritures. Il en est peu, d'un autre côté, qui soient écrites d'un style plus sublime. D'abord (1-5), l'Éternel appelle à lui les nombreuses années qui doivent envelopper Babylone; puis il décrit l'épouvante qui se saisira de ses habitants (6-8), la grandeur prodigieuse de la catastrophe (9-19) et le désert horrible qui, par la suite des temps, marquera la riche contrée où jadis était assise cette reine des nations (20-22).

2189. (14: 1-3). À la ruine de Babylone se rattache la délivrance de Juda. Cent cinquante ans avant la captivité, Ésaïe en prédit le terme pour l'époque où la puissance des Mèdes aurait triomphé des Chaldéens; puis, il reprend son discours prophétique contre Babylone, en exprimant par la bouche même du peuple racheté l'admiration que de tels événements doivent faire naître (4-21). C'est là surtout que le langage et les figures sont d'une grande magnificence! On ne se représente pas qu'au dernier jour la parole du Seigneur puisse rien avoir de plus solennel ni de plus redoutable. — Pour conclure, le prophète résume en quelques mots (22-27) ce qu'il a dit plus haut sur la ruine totale réservée à Babylone, type de tout pouvoir qui s'élève contre Dieu; hélas! type du monde entier des impies, destinés à une destruction pareille!

2190. (28-32.) Les Philistins furent de tous les ennemis d'Israël les plus redoutables et les plus opiniâtres. Subjugués par David (2 Sam. 5: 17-25; 21: 15), ils payaient encore un tribut à Josaphat (2 Chron. 17: 11); mais ils se révoltèrent contre Joram. Domptés de nouveau par Hozias (2 Chron. 26: 6), ils échappèrent à Achaz, dont les mains étaient affaiblies par l'impiété (2 Chron. 28: 18) [2095]. Mais il n'est pas aussi facile d'échapper à la main puissante de l'Éternel, et l'année même de la mort d'Achaz, le prophète Ésaïe annonça que si la verge du Seigneur semblait brisée quant aux Philistins, le temps approchait où leur ruine, pour avoir été retardée, n'en serait que plus grande.

2191. (15,16.) Les Moabites, après plusieurs guerres contre les fils d'Israël, guerres racontées dans le livre des Nombres et dans celui des Juges, avaient été vaincus par David et contraints de lui payer un tribut (2 Sam. 8: 2). Le royaume ayant été divisé en deux sous Roboam, les Moabites devinrent, à une époque quelconque, tributaires des rois d'Israël, leur livrant annuellement ou au commencement de chaque règne, on ne sait, cent mille agneaux et cent mille moutons avec leur laine (2 Rois 3: 4, 5). La ruine du royaume d'Israël approchant, si même elle n'était pas déjà effectuée, le prophète exhorte les Moabites à s'acquitter de leur tribut auprès d'Ezéchias, le fils de David, prince bon et juste (16: 1, 5). Du reste, il leur dénonce à eux aussi les jugements de Dieu, selon la parole prononcée jadis par l'Éternel (Nombr. 21: 29; 24: 17). Dans les temps passés, Moab avait plus d'une fois ressenti les effets du courroux céleste, mais de plus grands maux allaient fondre sur ce peuple. Au bout de trois ans, le fer des Assyriens devait commencer contre les Moabites une œuvre de destruction que Nébucadnetzar achèverait (6-14).

2192. (17, 18.) Dans la charge ou l'oracle contre Damas, le prophète représente les royaumes de Syrie et d'Israël comme subissant un même sort (1-11), car ils tombèrent l'un et l'autre sous le joug des rois d'Assyrie, ainsi que nous l'avons vu précédemment [2095]. Puis, selon quelques interprètes, Ésaïe parle de la destruction des troupes de Sanchérib au pied des murs de Jérusalem (12-14). Ce serait de cet événement qu'il traiterait encore au chapitre suivant, où l'on croit que le prophète apostrophe ces mêmes Éthiopiens dont l'approche concourut à chasser de la Judée le roi d'Assyrie [2145].

2193. (19.) L'Éthiopie se trouvait à cette époque maîtresse de l'Égypte; il y a donc une transition toute naturelle entre l'oracle précédent et celui-ci. Il se divise en deux parties: l'une de menaces, l'autre de promesses. L'Égypte, cette terre classique de l'idolâtrie, verra tomber ses dieux, des commotions intestines la déchireront, ses espérances superstitieuses seront déçues et une dure tyrannie l'opprimera (1-4). Ses canaux seront desséchés, ses champs frappés de stérilité, ses pêcheries et ses manufactures détruites (5-10). La sagesse de ses sages ne sera que folie, le courage de ses guerriers, poltronnerie, les travaux de l'industrie s'arrêteront et le peuple entier tremblera devant l'Éternel (11-17). C'est la première partie de l'oracle. Dans la seconde, nous voyons les Égyptiens reconnaître le vrai Dieu, par suite de leurs souffrances et de la délivrance qu'ils obtiendront finalement (18-21); châtiées, puis bénies de la même manière, l'Égypte et l'Assyrie se joindront à Israël pour servir Dieu et partager ses grâces (22-25). — La prophétie n'est pas difficile à comprendre, mais le temps de son accomplissement demeure indéterminé. Nous verrons, dans la suite, le récit de certains faits que le Saint-Esprit semble avoir eus en vue lorsqu'il s'exprimait par la bouche d'Ésaïe, et toutefois il me paraît probable que l'entière réalisation de l'oracle n'est pas encore arrivée.

2194. (20.) Tartan, un des officiers de Sanchérib qui accompagnèrent Rabsçaké dans sa mission contre Jérusalem [2142], Tartan avait servi Sargon, le prédécesseur immédiat de Sanchérib et peut-être son frère aîné, à moins qu'il ne soit Sanchérib lui-même sous un autre nom. Quoi qu'il en soit, ce fut l'année où les troupes assyriennes s'avançaient contre les Philistins, sous le commandement de Tartan, que le prophète Ésaïe dut exprimer, par un acte symbolique [1957], l'humiliation de l'Égypte, cet antique royaume qui devait bientôt et pour si longtemps être dominé par des étrangers, à commencer par les Assyriens.

2195. (21.) Mais ces Assyriens eux-mêmes ou plutôt Babylone (9), l'orgueilleuse cité qui dompta l'ancien empire d'Assyrie, Babylone tombera, tombera un jour, et ses idoles brisées joncheront la terre: catastrophe déjà prédite, mais qui l'est ici avec des circonstances tellement exactes et minutieuses qu'il semble qu'on lise l'histoire même (1-10). — La suite du chapitre nous présente les Iduméens et les Arabes comme enveloppés dans les mêmes maux et destitués de toute consolation (11-17).

2196. (22: 1-14.) L'ensemble de la charge ou de l'oracle qui se lit en ce chapitre, montre qu'il faut entendre par la «Vallée des visions,» Jérusalem même, séjour particulier des prophètes, principal théâtre des révélations du Dieu fort. Ésaïe la voit environnée par ses ennemis et il décrit les attaques des assiégeants, les travaux de défense des assiégés, l'épouvante qui s'empare d'une partie d'entre eux, les désordres auxquels se livrent ceux qui, dévoués aune mort certaine, s'étourdissent par la débauche. S'agit-il du siège que soutint Jérusalem contre Sanchérib [2140] ou de trois autres dont nous n'avons point encore parlé, c'est ce qu'il est difficile de déterminer. Il paraîtrait même que la description ne s'applique exactement à aucun en particulier, d'où il résulte que la prophétie signifierait seulement ceci: Jérusalem sera assiégée, et alors tout ce qu'on voit d'ordinaire dans le siège d'une ville se passera au milieu d'elle, avec ceci d'étonnant de la part d'une telle cité et d'un tel peuple, que nul, ou à peu près, ne regardera vers le dispensateur de ces terribles épreuves et ne se jettera dans les bras de Celui qui, de loin, en a formé le plan (11). Hélas! c'est ce que font les mondains, au sein même des calamités les plus propres à tourner les pensées vers Dieu!

2197. (15-25.) Quant à l'épisode de Sebna et d'Eliacim, on ne sait s'il se rattache à la prophétie précédente. Ce qu'il a de plus remarquable pour nous, c'est l'application que se fait notre Seigneur lui-même des paroles contenues au verset 22 (Apoc. 3:7). Non qu'il faille voir dans Eliacim le type de Jésus-Christ, mais ceci nous montre la place que notre Seigneur occupe dans le royaume des deux. Il en a la clef; il l'ouvre ou le ferme avec plein pouvoir; et ce pouvoir est bienfaisant comme l'autorité paternelle, ferme et immuable comme un clou solidement scellé dans un mur.

2198. (23.) Charge contre Tyr, dernier terme de cette série d'oracles sublimes. Ce n'est pas à Tyr même que le prophète s'adresse, mais à ses colonies et à tous ceux que son commerce enrichissait. L'arrêt de destruction a été porté par l'Éternel; les Chaldéens l'exécuteront. Tyr sera mise en oubli pendant soixante-dix ans; puis elle retrouvera, sinon son pouvoir, du moins ses richesses; plus tard, ses profits appartiendront à l'Éternel. Tel est le résumé de la prophétie.

2199. Tyr, une des principales cités de la Phénicie, était située en partie sur un rocher formant une île près des côtes, en partie sur la côte même, dans une plaine large et fertile. Célèbre par son commerce, elle ne l'est pas moins par les divers sièges qu'elle eut à soutenir. Antérieurement à l'oracle d'Ésaïe, Salmanasar, roi des Assyriens, la tint bloquée durant cinq années sans pouvoir la réduire. Plus tard, le Chaldéen Nébucadnetsar, roi de Babylone, lui fit treize ans la guerre, et, selon toute vraisemblance, finit par s'en rendre maître. Alexandre le Grand se la soumit également après sept mois d'un siège laborieux. Les Syriens enfin, conduits par leur roi Antigone, et plus près de nous encore, les Francs et les Sarrasins, l'assaillirent à diverses reprises depuis les Croisades. C'est dès lors que cette illustre cité, autrefois l'alliée de David et de Salomon, a disparu de dessus la face de la terre, et, semblerait-il, pour toujours.

2200. À voir ainsi les événements dans leur ensemble et en les rapprochant de la prophétie prise aussi dans un sens général, l'accord entre l'histoire et la première partie de l'oracle ne saurait être plus frappant. Il en serait donc ici comme de la prophétie relative à Babylone[2188]. Le Saint-Esprit annonce ce que deviendra la ville de Tyr en des âges fort éloignés, et il se peut très bien que la seconde partie de l'oracle n'ait pas encore été accomplie comme elle doit l'être à l'époque du rétablissement d'Israël. C'est peut-être alors que, rebâtie et de nouveau puissante par ses richesses, Tyr consacrera au service de l'Éternel ses gains autrefois si impurs, s'en servant à nourrir et vêtir ceux qui habitent devant l'Éternel (18).

2201. Mais dans cette supposition même, la prophétie contre Tyr, comme toutes celles qui ne sont pas encore accomplies, renferme quelques traits qui ont déjà reçu un certain accomplissement. Ainsi, il n'est guère possible de douter que l'expédition de Nébucadnetsar n'y soit spécialement prédite. Puis, relativement aux soixante-dix ans dont il y est fait mention (17), l'on a calculé qu'il s'écoula précisément ce nombre d'années depuis la prise de Tyr par ce prince, jusqu'au moment où Darius, fils d'Hystaspe, restaura le commerce de cette ville en lui accordant des franchises. Quant à la raison pour laquelle le prophète appelle ces soixante-dix ans le temps de la vie d'un roi, il n'est pas facile de la déterminer.

2202. Arrivés au terme des prophéties relatives à ces nations, toutes étrangères au peuple juif et pourtant en rapports fréquents avec lui, nous pouvons sans peine nous expliquer ce qui leur a valu une si grande place dans la Parole de Dieu. L'Éternel a voulu montrer qu'il est le Dieu de tous les hommes, dans ce sens, que même lorsqu'ils s'éloignent de lui, il ne cesse de veiller sur eux et de diriger leurs destinées avec un pouvoir suprême. Ces prophéties d'ailleurs, dont le bruit pouvait arriver aux oreilles de ceux qu'elles concernaient, durent être, plus d'une fois, comme la prédication de Jonas, le moyen de convertir bien des âmes. Si ce ne fut avant leur accomplissement, ce dut être au moins après que les faits en eurent démontré la vérité. Quoi qu'il en soit, elles servaient à la consolation du peuple fidèle, des enfants de Dieu au milieu d'Israël, lesquels, opprimés par les étrangers, avec la masse de leur nation, voyaient, dans les maux dénoncés à leurs oppresseurs, le gage de leur propre délivrance. Enfin, plusieurs de ces prophéties devant s'accomplir assez peu de temps après avoir été prononcées, elles servaient en quelque sorte de garantie aux prédictions relatives à des temps plus éloignés, notamment à celles que nous avons appelées les prophéties messianiques. Quand les Juifs virent tomber Tyr dans les mains de Nébucadnetsar et de ses Chaldéens, puis Babylone dans celles de Cyrus et de ses Mèdes, selon la parole d'Ésaïe, ils ne purent douter, ceux du moins qui, par la foi, avaient compris Dieu, ils ne purent, dis-je, douter que, selon la parole du même prophète, le Messie qu'il annonçait et décrivait [2165, 2172, 2178, 2182] ne dût paraître un jour.


CLXVI. — Prophéties relatives au peuple de Dieu. — Histoire d'Ézéchias.


2203. (24-27.) Dans ces quatre chapitres, qu'il ne faut pas séparer à la lecture, nous avons d'abord une description saisissante du triste état où la Judée se verrait réduite par la prise de Jérusalem (24); puis, deux cantiques prophétiques d'actions de grâces, relatifs l’un et l'autre aux délivrances dont le peuple de Dieu devait être l'objet (25, 26); enfin, la déclaration des jugements de Dieu contre ses ennemis, les oppresseurs d'Israël (27). Cette triple prophétie reçut un premier accomplissement lorsque, cent trente ans après, Jérusalem fut prise par Nébucadnetsar, que les Juifs revinrent ensuite de la captivité et que Babylone enfin se vit à son tour dévastée. Cependant, la Judée et ses habitants ont été dès lors plus malheureux encore; puis, il y a une autre Babylone qui doit être détruite et d'autres délivrances qui seront accordées à l'Église dont Israël est le type; or on pense, non sans raison, que tout cela est aussi prédit en cet endroit de la Parole de Dieu.

2204. (24.) C'est dans le langage de la plus sublime poésie que le Saint-Esprit décrit, par la bouche du prophète Ésaïe, la désolation dont la Judée était menacée. Elle frappera le peuple tout entier (1-4); elle détruira toute espèce de bonheur (5-13); il se pourra qu'on entende ailleurs des cris de joie, mais à Jérusalem ils auront cessé (14-20); après quoi viendra un grand et terrible jugement sur les plus fiers ennemis de Dieu, jugement bien nécessaire pour rétablir la gloire de l'Éternel si longtemps obscurcie (21-23). Ce résumé, sans couleur, aidera peut-être mes lecteurs à suivre la pensée du Saint-Esprit, si du moins elle ne m'échappe pas à moi-même sous les nombreuses images qui la recouvrent en l'embellissant. Mais je désire de les rendre particulièrement attentifs à trois mots de cette prophétie. L'alliance de Dieu est une alliance éternelle, est-il dit au verset 5. Elle est «éternelle,», car c'est de tout temps qu'elle fut ordonnée dans le conseil de Dieu; éternelle, car elle fut annoncée à l'homme dès le commencement du monde; éternelle, car elle durera aux siècles des siècles pour le bonheur des élus et pour la gloire du Seigneur. C'est le Fils de Dieu qui est l'Ange ou le Médiateur éternel de cette alliance, c'est par son sang qu'il l'a scellée, c'est donc seulement en Golgotha qu'elle fut corroborée. L'alliance avec Abraham et ses fils se rattachait toutefois à cette alliance éternelle, et les fidèles de tous les temps n'ont cessé d'en recueillir les privilèges. — Voyez aussi quel nom se donne l'Éternel (16). Il est le Juste, tandis que nous sommes des méchants; et quand le Saint-Esprit dit de Jésus-Christ qu'il est le Saint et le Juste (Actes 3: 14), il lui applique des titres que l'Éternel se donne à lui-même. — Remarquez enfin le dernier mot du chapitre. Il faut de toute nécessité que Dieu manifeste sa gloire en justice non moins qu'en miséricorde. Si nous ne voulons pas glorifier sa grâce en croyant et en nous sauvant, il faudra que nous glorifiions sa sainteté par notre condamnation. C'est une pensée sérieuse et qui conduit tout naturellement à celles qui sont exprimées dans le chapitre suivant.

2205. (25.) Les plans de Dieu, conçus dans la vérité, s'accomplissent par sa main forte et fidèle (1). C'est ce que les élus reconnaissent à la gloire du Très-Haut, soit qu'il réduise en poudre les puissants de la terre qui se révoltent contre lui, ou qu'il garde, protège et délivre les pauvres pécheurs qui se confient en sa grâce (3-5). Et comme elles sont merveilleuses, les délivrances de l'Éternel! Non seulement sa protection est un abri contre la tempête et un ombrage contre la chaleur (A); mais encore, il a sur sa sainte montagne (2: 1-4) un festin magnifique auquel s’asseyent ses rachetés d'entre tous les peuples (6); en cette montagne il se révèle pleinement à leurs yeux (7); la mort étant anéantie pour toujours, le deuil se change en joie et l’ignominie en voix de triomphe (8). «Dans ce jour-là,» c'est-à-dire, lorsque la gloire de l'Éternel sera manifestée, les fidèles chanteront des cantiques à l'honneur de Celui en qui ils ont cru pour être sauvés; mais quant à Moab (représentant ici le monde des impies), il aura sa destruction sur cette même montagne où les serviteurs de Dieu verront l'accomplissement de leur salut (9-12). «Mon âme, bénis l'Éternel!» (Ps. 103.)

2206. (26.) Après avoir mis dans la bouche du prophète le cantique des rachetés, le Saint-Esprit place maintenant ce même cantique dans la bouche du peuple fidèle. Ce peuple, c'est, pense-t-on, le peuple juif après son rétablissement; mais toute parole de Dieu est d'une grande étendue, et l'on peut entendre ceci du peuple chrétien, par une interprétation typique fort légitime. L'Église de Jésus-Christ n'est-elle pas en effet une ville forte qui a le salut pour rempart et pour fossé, et dans laquelle se retire un peuple devenu juste par sa foi, fidèle par la fidélité de Dieu? (1, 2.) Or on voit ici que, dans leurs chants d'allégresse, les fidèles doivent s'exhorter les uns les autres à la confiance en Dieu, parce que c'est lui qui procure et qui conserve la vraie paix, donnant aux siens une entière victoire sur leurs ennemis (3-6). On y voit aussi la différence fondamentale qui existe entre la conduite des justes et celle des méchants, sous le poids des jugements de Dieu. Les uns y apprennent la sagesse (Ps. 119: 71): plus ils souffrent, plus leur âme cherche Dieu; quant aux autres, que l'Éternel leur fasse du bien ou qu'il les châtie, ils n'en persévèrent pas moins dans leur incrédulité (7-11). Puis, ce qui explique l'effet salutaire que produisent sur les enfants de Dieu les coups de la verge, c'est que, dans leurs afflictions, ils se souviennent de toutes les grâces précédentes de leur Père céleste et des nombreux péchés par lesquels ils l'offensèrent (12-18). Quant aux trois derniers versets, quel qu'en soit le sens prochain, on ne saurait s'empêcher de voir dans le premier la résurrection des justes, dans le troisième, le jugement des coupables au dernier jour, et, dans le verset 20, une image de la sûreté où seront alors les enfants de Dieu, bien qu'on puisse l'envisager aussi comme une invitation qui leur est adressée à demeurer calmes et recueillis lorsque les jugements de Dieu se promènent sur la terre, ou qu'il permet à la persécution de sévir contre son peuple.

2207. (27.) En ce même jour, le grand serpent, ou Satan, recevra le châtiment définitif que ses crimes méritent, et le Seigneur recueillera pour toujours dans sa paix le peuple de ses rachetés (1-6), ce peuple, qui a pu être châtié parce qu'il le méritait, mais que Dieu ne saurait rejeter à toujours, comme on peut le voir par l'exemple même du peuple issu d'Abraham. Ninive, Babylone, les Iduméens, les Moabites, par qui l'Éternel frappa les fils d'Israël (7), sont tombés pour ne pas se relever; les Israélites, au contraire, seront recueillis un à un, et occuperont de nouveau la terre promise, de l'Euphrate au Rhinocolure [297].

2208. (28.) La prophétie que nous venons d'étudier (24-27) est comme une introduction générale à celles qui s'offrent maintenant à nos regards. Ephraïm, dans le langage des prophètes, désigne le royaume des dix tribus. Quelque temps avant la prise de Samarie, sans qu'on puisse préciser l'époque, Ésaïe fut chargé d'annoncer de nouveau cet événement, comme une juste punition de l'orgueil des Israélites, de leur impiété et de leurs débauches (1-4). L'Éternel toutefois sera la gloire et la force du petit nombre de serviteurs fidèles qu'il comptait en Israël (5, 6). Mais s'ils tombent à leur tour dans le crime, ils tomberont aussi sous les coups du Très-Haut. Bien que le Seigneur leur ail dicté sa volonté, ligne après ligne, commandement après commandement, sa parole va leur être aussi obscure que s'il leur parlait dans un idiome étranger (7-13). Ainsi donc rien ne saurait arrêter les jugements de Dieu contre ce peuple, car il n'y a pas moyen de faire accord avec le sépulcre, et la confiance qu'on place dans l'erreur est nécessairement trompeuse. Tout ce qu'essayeront ces malheureux enfants de Jacob les fera ressembler à un homme couché dans un lit trop court et recouvert d'une toile trop étroite, fidèle image de ceux qui cherchent le salut dans leur propre justice; aussi l'Éternel se propose-t-il d'exécuter une œuvre inaccoutumée. Après les avoir miraculeusement protégés, il les détruira miraculeusement s'il le faut (14-22). Et parce qu'il a mis du retard dans l'exécution de son dessein, qu'on ne croie pas ce dessein abandonné; car avant de moissonner, le cultivateur laboure la terre (23-29).

2209. Au milieu de cette prophétie se lit une parole que le Nouveau Testament applique à notre Seigneur et qui, en effet, ne peut convenir qu'à lui. C'est en lui que nous devons voir la pierre angulaire et précieuse, solide fondement de l'Église de Dieu: nous l'avons dit ailleurs (Ps. 118: 22). Qui croit en lui ne saurait être confus, déclare Ésaïe, et Paul après lui (Rom. 10: 11); mais, pour qui est incrédule, Jésus est une pierre de scandale et une roche d'achoppement (1 Pierre 2: 7), comme Ésaïe aussi l'avait annoncé (8: 14).

2210. (29.) Ariel veut dire lionne de Dieu. On ne doute pas que ce mot ne désigne la capitale du royaume de Juda, tribu dont le lion était l'emblème [592]. La prophétie annonce à Jérusalem un danger extrême, suivi d'une grande délivrance (1-8); puis, viennent de nouvelles menaces que suivent encore de nouvelles promesses (9-24). La manière la plus simple, mais non peut-être la plus vraie d'entendre ces prédictions, c'est de voir dans la première l'histoire anticipée du siège de Jérusalem par Sanchérib et la destruction de son armée sous le règne d'Ezéchias; dans la seconde, les effets des désordres des successeurs de ce monarque et leur punition par Nébucadnetsar. À ce point de vue déjà, les promesses qui terminent le chapitre n'auraient pas encore reçu leur plein accomplissement: l'Éternel les réserverait pour le temps de la restauration des Juifs. Puis, si l'on considère l'usage que notre Seigneur et ses apôtres ont fait de plusieurs traits de cette prophétie, on en vient à penser qu’elle décrit l'état où se trouvèrent les Juifs à l'époque de la prédication de l'Évangile, bien plus encore que sous le règne des successeurs d'Ezéchias; ainsi donc elle aurait trait à la dispersion actuelle de ce peuple, non moins qu'à sa courte captivité dans la Babylonie. Par cette voie, on conclut d'autant mieux que les promesses qui couronnent la prophétie ne sont pas encore réalisées.

2211. La peinture que fait Ésaïe de la religion des Israélites au temps d'Ezéchias (13) a quelque chose de profondément instructif, si du moins c'est bien à cette époque qu'il faut rapporter le commencement de la prophétie. En détruisant l'idolâtrie, selon le devoir qui lui en était imposé, Ezéchias n'avait pu changer les cœurs; aussi était-ce par pur respect humain que la plupart des habitants de Juda et de Benjamin rendaient un culte à l'Éternel: culte hypocrite, ou du moins formaliste, auquel le Seigneur ne pouvait prendre plaisir; culte qui met si peu en relation avec Dieu que la sagesse des sages y périt (14). Nous apprenons de là ce que sont les réformes religieuses quand elles sont ordonnées par l'autorité. Encore est-il que cette obéissance extérieure n'était pas sans valeur quelconque sous l'économie de la loi et des ordonnances; mais sous l'Évangile, où tout doit être vrai, non par institution mais par intention, l'on ne comprend pas vraiment que des chrétiens puissent réclamer l'action du magistrat en matière religieuse. Une telle action ne sert guère qu'à favoriser le formalisme et à développer l'esprit d'hypocrisie; elle a donc pour dernier fruit une plus grande impiété. Nous verrons quelle puissance cet esprit exerçait chez les Juifs au temps de notre Sauveur; nous dirons par quelle cause, et nous ne serons point trop étonnés des excès auxquels se portèrent contre Jésus lui-même ces malheureux pharisiens, dignes fils de leurs pères.

2212. (30-32.) Parmi les fautes que commirent à diverses reprises les rois de Juda et ceux d'Israël, il faut compter au nombre des plus graves celle que le prophète leur reproche en cet endroit de la part de l'Éternel. Dans leurs détresses, ils cherchaient l'appui des princes étrangers et surtout des rois d'Égypte, leurs plus proches voisins. C'était l'effet d'une grande incrédulité, ou de beaucoup d'ignorance. L'histoire ne nous dit pas qu'Ézéchias se soit rendu coupable de ce tort, mais il est possible qu'il y ait songé. Quoi qu'il en soit, Ésaïe rappelle que se confier en l'Égypte était le sûr moyen de tomber sous les coups de l'Assyrie, de même qu'en nous reposant sur l'homme dans les choses de Dieu, nous nous livrons à Satan. Aussi, malheur à nous si, au milieu de nos difficultés, nous prenons conseil de tout le monde excepté de Dieu: si nous formons des entreprises selon nos propres désirs et non selon l'esprit du Seigneur (30: 1). Malheur à nous si nous cherchons notre force dans le bras de la chair si, au lieu de nous agiter, nous ne savons pas demeurer calmes (3, 7); si nous refusons d'écouter la Parole de Dieu et ceux qui nous l'enseignent (9-12); car notre iniquité sera pour nous comme une muraille qui fait ventre jusqu'au haut: plus on l'appuie, plus on en hâte la ruine (13).

2213. (32.) Pour prix de la confiance qu'ils mettraient en lui, à l'exclusion de tout autre, le Seigneur promet aux fils d'Israël diverses bénédictions: gouvernement juste et bon (1, 2), abondance de lumière chez les conducteurs spirituels (3, 4), discernement moral dans la multitude, en sorte qu'elle n'appellera plus le mal bien ni le bien mal (5-8). — Après cela vient un mélange de menaces et de promesses qui n'est qu'une trop fidèle image de la vie du peuple de Dieu, tantôt pleine d'insouciance et de légèreté, comme les femmes de Juda, tantôt fidèle et féconde en bons fruits, comme de riches vergers quand l'Esprit est répandu d'en haut (9-20). — Avant d'aller plus loin, dirai-je à qui m'a fait penser la lecture de ce chapitre? Sans y voir proprement un oracle messianique, il me paraît très naturel de l'appliquer à notre Seigneur Jésus-Christ. De quel roi mieux que de lui peut-on dire qu'il règne avec justice? (1.) N'est-il pas pour les siens, comme un abri contre le vent, comme un refuge contre la tempête, comme des ruisseaux d'eau dans un lieu sec, comme l'ombre d'un grand rocher dans un pays aride? (2.) N'est-ce pas lui qui, spirituellement, ouvre les yeux des aveugles et débouche les oreilles des sourds, qui donne la sagesse aux insensés et fait parler les muets? (3.) N'est-ce pas par lui que le Saint-Esprit est répandu d'en haut (15), et n'est-ce pas enfin dans sa justice que nous avons paix et sûreté? (17.)

2214. (33, 34.) Bien que ces chapitres contiennent deux prophéties distinctes, nous les réunissons en un seul article, à raison de leurs ressemblances. L'une est une prédiction contre les Assyriens, l'autre contre les Iduméens, ceux-là ennemis actuels des Israélites, ceux-ci leurs plus anciens adversaires [731]. Sans reproduire tout ce que nous avons dit ailleurs [2202], répétons cependant combien il est remarquable que Dieu n'ait pas voulu laisser ignorer à son peuple les jugements qu'il exercerait sur les nations idolâtres dont Israël avait eu tant à souffrir. Ceci me rappelle deux paroles du Nouveau Testament, l'une de notre Seigneur et l'autre de son disciple Pierre: «Dieu ne vengera-t-il pas ses élus qui crient à lui nuit et jour?» (Luc 8: 7.) «C'est le temps où le jugement va commencer par la maison de Dieu; et s'il commence par nous, quelle sera la fin de ceux qui sont rebelles à la bonne nouvelle de Dieu? Et si c'est avec peine que le juste se sauve, celui qui est impie et pécheur, où comparaîtra-t-il?» (1 Pierre 4: 17,18.)

2215. (35.) Pour conclusion et couronnement de cet ensemble d'oracles et de prédictions, nous avons enfin, au chapitre trente cinquième, un tableau prophétique d'une incomparable beauté. Ici, plus de couleurs indécises, plus de traits qui ne soient qu'indiqués! En termes parfaitement clairs, le Saint-Esprit décrit tout à la fois le retour des Israélites après la captivité, la vocation des nations païennes sous l'Évangile, l'heureux état de toute âme fidèle, le rétablissement des Juifs, la gloire et la fidélité du peuple de Dieu à l'avènement du Seigneur, tant il y a d'analogie entre ces diverses dispensations de la grâce divine. C'est le désert qui fleurit; c'est Dieu qui dit aux cœurs alarmés: Courage! c'est la parfaite guérison des âmes, une voie sainte où nul ne pourra s'égarer ni courir de danger. «Les rachetés de l'Éternel reviendront et s'avanceront vers Sion avec chant de triomphe; une joie éternelle couronnant leur tête, le bonheur et la joie iront au devant d'eux; le chagrin et les soupirs s'enfuiront.» Hâtons cette époque par nos prières, et préparons-nous-y par une vie de foi, d'espérance et d'amour.

2216. (36-39.) Quant aux récits que nous retrouvons en cet endroit, nous les avons étudiés ailleurs: l'expédition de Sanchérib; la délivrance miraculeuse de Jérusalem; la maladie d'Ezéchias, sa guérison et son cantique; l'ostentation de ce prince [2128-2153]. Ces récits, est-il besoin de le dire, ne sont point un hors-d'œuvre dans Ésaïe, d'où ils paraissent avoir été extraits pour les introduire dans les livres des Rois et des Chroniques, car ils servent de confirmation à bon nombre des prophéties précédentes. Mes lecteurs s'y arrêteront avec un nouvel intérêt, et Dieu veuille que ce ne soit pas sans profit pour leur âme!


CLXVII. — Prophéties messianiques.


2217. Les trente-neuf chapitres que nous venons de parcourir abondent en prophéties messianiques. Outre celles qui se rapportent à Jésus-Christ dans un sens éloigné [2162, 2189, 2213-2215], nous en avons plusieurs qui décrivent sa personne [2172, 2179, 2182], son œuvre [2178, 2179, 2213], son règne [2165, 2168, 2179, 2182, 2183, 2213], le pays de sa naissance [2177]. Bien plus, nous avons vu le Seigneur lui-même, celui qui plus tard fut manifesté comme le Christ ou le Messie, se révéler à son prophète dans une vision magnifique (6). C'est ici toutefois que la prophétie prend un caractère entièrement messianique. Ce n'est plus par des traits détachés ou par des éclairs de lumière que le Christ annonce sa venue, mais nous avons maintenant une suite non interrompue d'oracles qui n'ont qu'en lui toute leur signification. Si l'on a eu raison de donner aux écrits d'Ésaïe le nom de cinquième évangile, ou, pour mieux dire, d'évangile anticipé, ce sont bien certainement les prophéties dont nous allons faire l'étude qui lui ont valu ce titre. Avec quelle attention et quel saint respect ne devons-nous pas les lire!

2218. Je ne dis pas que ces oracles n'aient point pour objet l'ancien peuple, savoir les délivrances qui lui furent à diverses fois accordées depuis le temps d'Ésaïe et plus encore peut-être celles qui lui sont promises pour les temps à venir; mais les allusions continuelles que Jésus-Christ et ses apôtres ont faites à cette portion des Écritures, comme l'impossibilité totale où l'on est d'en appliquer plusieurs traits au peuple d'Israël, nous montrent assez que nous devons y chercher par-dessus tout le Messie et son œuvre. Mon dessein est donc de les envisager essentiellement sous ce point de vue; ce qui n'est pas méconnaître la vérité ni l'importance de l'autre manière de les interpréter.

2219. (40.) Ainsi, dès le début, j'admets pleinement que Jérusalem signifie Jérusalem (2), que Sion signifie Sion (9), qu'Israël signifie Israël (27), ou, en d'autres termes, que la prophétie s'est réalisée et qu'elle se réalisera quant à l'ancien peuple, auquel elle est adressée en première ligne; mais si je compare un des passages les plus frappants de ce chapitre avec deux endroits du Nouveau Testament, savoir les versets 3-5 avec Jean 1: 23 et Luc 3: 4-6, je me sens non pas autorisé, mais comme contraint à reconnaître que la prophétie tout entière s'applique en seconde ligne au temps du Messie; et quand je dis en seconde ligne, je n'entends pas la seconde en importance.

2220. (1, 2.) Dans les premiers mots de la prophétie se trouve exprimé tout le but de l'Évangile. Jésus-Christ est venu sur la terre apporter aux pécheurs des paroles de consolation et, après avoir expié les péchés de son peuple, lui donner le Consolateur ou le Saint-Esprit. C'est aux Juifs tout premièrement qu'il a annoncé lui-même et fait annoncer par ses apôtres cette bonne nouvelle; c'est de leurs iniquités qu'il s'est chargé avant tout, sur eux qu'il a répandu les grâces de son Esprit, puis, au moyen d'eux, sur toutes les âmes qu'il destine à former une Jérusalem céleste, une sainte Sion, le vrai peuple de Dieu.

2221. (3-5.) Quant à la voix qui devra se faire entendre dans le désert, nul doute qu'il ne s'agisse du grand prophète connu sous le nom de Jean-Baptiste (Luc 3: 1-6). C'est lui qu'on vit aplanir le chemin de l'Éternel, manifesté en la chair de son saint fils Jésus notre Seigneur. Jean prêcha la conversion, ou, comme Ésaïe le dit en termes figurés, «le comblement des vallées, l'abaissement des coteaux et des montagnes, le redressement des chemins sinueux et le nivellement des terrains raboteux.» Les vallées représentent la profondeur des besoins de notre âme, les montagnes notre orgueil, les chemins sinueux nos vices, et les chemins raboteux, les aspérités d'une vie de péché. Voilà de quelle manière Jean devait préparer la révélation de la gloire de Dieu, savoir celle de sa miséricorde infinie et de son amour éternel en Jésus-Christ; gloire que des hommes de toute extraction contempleront avec admiration et avec foi, par ce même Jésus qui est la bouche et la Parole de l'Éternel (Jean 1:1, 11).

2222. (6-9.) Ce sera d'ailleurs un ministère sérieux que celui de Jean. Il devra rappeler aux mortels que la hache est mise à la racine de l'arbre, et que tout arbre qui ne porte pas de bon fruit sera coupé et jeté au feu (Luc 3: 9); ou, comme le dit Ésaïe, que toute chair est une herbe et toute sa grâce semblable à la fleur des champs. Mais d'un autre côté la Parole de notre Dieu demeure à toujours. Un message de paix, une bonne nouvelle sera proclamée, et, cette fois, d'une voix plus haute et plus intelligible que jamais. — Pour sentir la beauté de cette prophétie, il faut savoir que les mots «message de paix,» «bonne nouvelle,» sont l'exact équivalent du mot Évangile; puis il faut se rappeler ce qui est dit ailleurs au sujet de la montagne de l'Éternel [2165]: «Sion, qui annonce l'Évangile, monte sur une haute montagne; élève la voix, ne crains pas! dis aux villes de Juda: Voici votre Dieu!» Voici le Christ!

2223. (9, 10.) Il y a là une opposition d'idées qui est bien extraordinaire. Quel est le messager de paix qui eut jamais peur de délivrer son message? et qu'a-t-il donc à craindre celui qui annonce à un peuple l'approche de son Dieu?... Mais en parlant ainsi par la bouche d'Ésaïe, le Saint-Esprit prophétisait que les prédicateurs de l'Évangile seraient généralement mal reçus et qu'ils auraient à s'armer de courage et de foi. Jésus est bien réellement le Roi et le Dieu d'Israël; au temps de sa venue, les Juifs soupiraient très réellement après son apparition, et cependant ils ont eu peur de lui, ils l'ont fait mourir sur la croix, ils auraient voulu détruire ceux qui leur en rappelaient le souvenir, et le monde des impies ne fait pas autrement de nos jours. Quoi qu'il en soit, le Seigneur jugera toute la terre et il n'est puissance humaine qui soit capable de lui résister.

2224. (11-17.) En même temps, notre Sauveur est semblable à un berger (Ps. 23). Il prend entre ses bras les agneaux, c'est-à-dire ses disciples nouvellement convertis et faibles encore; il conduit, il dirige les brebis qui allaitent, ou autrement les fidèles qui travaillent au salut de leurs frères. C'est lui qui a créé toutes choses; il est la souveraine Sagesse dont parle Salomon (Prov. 8); toutes les nations sont devant lui comme la poussière menue qui s'attache au bassin d'une balance, sans pouvoir le faire trébucher. À ces traits on reconnaît le Seigneur Jésus-Christ, Roi des rois, Seigneur des seigneurs (Apoc. 19: 16), le bon Berger qui a donné sa vie pour ses brebis (Jean 10: 11), le Juge suprême des vivants et des morts (Rom. 14: 10).

2225. (18-31.) Après cette magnifique introduction à son évangile anticipé, le prophète trace un parallèle entre l'Éternel et les faux dieux. Il dit de quelle folie on se rend coupable en représentant l'Éternel par des images, et la folie non moins grande de ceux qui adorent les idoles comme si elles étaient Dieu. Ce sujet se lie d'une manière étroite au précédent; car à la venue de Jésus-Christ, le monde entier était idolâtre, et son nom seul a pu renverser les autels des faux dieux. C'est en lui seul aussi que Dieu fait aux pécheurs convertis les grâces dont il est parlé à la fin du chapitre, grâces que les faux cultes ne sauraient d'aucune manière procurer à leurs sectateurs.

2226. (41.) Oui, c'est l'Éternel qui sauve, et non pas les idoles. Tout ce chapitre semble avoir pour but de développer cette idée. L'Éternel invite les peuples à considérer la puissance et la miséricorde qu'il avait déployées en faveur d'Israël, depuis le temps où il l'appela d'Orient dans la personne d'Abraham et où il lui fit des promesses si fidèlement réalisées. Grand est le zèle du païen pour ses dieux, mais quel est celui d'entre ces dieux prétendus qui connaisse l'avenir et qui en dispose comme l'Éternel? Lui! il sait tout et peut tout, parce que tout est son œuvre; et, pour preuve, le voilà qui annonce un roi venant du Nord-Est afin de faire sa volonté. Bientôt, nous verrons ce prince nommé par son nom (25).

2227. Pour relever quelques-uns des traits de cette prophétie, remarquez par quels termes l'Éternel se caractérise. Être avec les premiers, c'est avoir été avant eux; être avec les derniers, ou demeurer dans les derniers âges, c'est dire qu'on subsistera lors même que tout le reste viendrait à périr (4), parole sublime que notre Seigneur a pu s'appliquer sans blasphème (Apoc. 22: 13). — Puis, l'Éternel est le Saint d'Israël, son Rédempteur, son Vengeur (14); car ici se trouve le mot de Goël que nous avons vu et expliqué ailleurs (1078). — Enfin, le Saint-Esprit nous révèle dans ce chapitre ce qu'on pourrait appeler le système ou la forme générale de la prophétie (22, 23, 26). Souvent Dieu renferme dans un même tableau prophétique la description d'événements de même nature ou d'événements types les uns des autres, lesquels, en se réalisant à des époques différentes, se servent mutuellement de preuves; en sorte que le premier accomplissement garantit la certitude du second et que celui-ci s'interprète en quelque sorte par le premier. C'est ainsi que le retour de la captivité de Babylone est un gage du rétablissement à venir des Juifs, deux faits prophétisés plus d'une fois dans les mêmes termes, comme la conquête du pays de Canaan promise à Josué et effectuée par son ministère, était un gage de la rédemptiom opérée par notre Seigneur Jésus-Christ et promise dès le premier temps du monde.

2228. (42.) Ici l'Esprit de l'Éternel attire notre attention sur le Messie, qu'il appelle du nom de Serviteur ou d'Esclave, ce qui désigne encore mieux l'extrême abaissement auquel a consenti notre Sauveur (1-7). Jésus-Christ lui-même a, plus d'une fois, fait allusion à cette particularité de son office (Matth. 20: 28; Jean 6: 38). Lisez avec attention les sept premiers versets et vous y admirerez la peinture qui nous y est tracée de notre Sauveur, de son ministère, de son règne, de la mission dont il fut chargé près des Juifs et des Gentils. Le prophète déclare que par lui se manifestera la gloire de l'Éternel dans l'accomplissement des prophéties; il invite les nations à se réjouir en lui et à le bénir (8-12). L'Éternel, fort et puissant comme un vaillant guerrier, promet d'ailleurs d'écarter les obstacles qui s'opposent à la conversion des peuples; il dit ce qui se passe au milieu des nations que l'Évangile éclaire, ou plutôt dans les cœurs qui le reçoivent, et il prédit la confusion des idolâtres (13-17). Sous l'image enfin d'un serviteur sourd et aveugle (car il s'agit ici, non plus du Christ, mais du peuple que l'Éternel avait pris à son service), il annonce l'aveuglement et l'obstination des Juifs; par cela même, l'effroyable malédiction qu'ils attireront sur leur tête (18-25). Quant à la justesse générale de cette interprétation, elle nous est attestée par l'Évangile, de la manière la plus positive (Matth. 12: 18-21).

2229. Les six chapitres suivants prophétisent principalement le retour de la captivité de Babylone, oracle messianique en ce sens, avons-nous dit [2218], que cette délivrance du peuple de Dieu est un type de délivrances plus grandes, savoir du salut des âmes par Jésus-Christ et des destinées à venir d'Israël et de tous les fidèles. Rien n'empêche donc qu'on ne l'entende aussi du futur rétablissement des Juifs, auquel même plusieurs traits de l'oracle semblent se rapporter exclusivement.

2230. (43.) L'analyse générale de ce chapitre me paraît se réduire à quatre ou cinq idées. D'abord, l'Éternel promet à Israël de le protéger, de le délivrer, de le multiplier et d'augmenter sa gloire (1-7). Il défie les faux dieux de faire rien de pareil pour leurs adorateurs, car ils ne sauraient égaler son pouvoir et sa toute-science (8-13). Puis, tout en annonçant la fin de la captivité (et remarquez toujours que cette captivité ne devait commencer qu'un siècle plus tard), il prédit la ruine de Babylone, et, à cette occasion, la rédemption spirituelle des élus (14-21). Viennent enfin de vifs reproches aux fils d'Israël, reproches qui ne rendent que plus touchante la grâce infinie en vertu de laquelle Dieu pardonne les péchés (22-28).

2231. Pour entrer dans quelques détails, autant du moins que le plan de cet ouvrage me le permet, les endroits les plus remarquables de la prophétie sont ceux où l'Éternel invite ses rachetés à mettre en lui toute leur confiance (1-4). On y voit pourquoi Dieu se plaît à bénir ses enfants fidèles: c'est parce qu'il les a aimés le premier [1009]. On voit, après cela, dans quel but l'Éternel convertit les pécheurs, les crée de nouveau, les forme et les façonne, c'est pour sa propre gloire (7). Et, comme il avait dit précédemment qu'il ne saurait partager avec personne la gloire de son essence (42: 8), observez comme il prend soin de poser qu'il n'y a qu'un seul Éternel, que lui seul est le Sauveur, le Puissant, le Rédempteur, le Saint, le Créateur et le Roi d'Israël, soit de l'Israël selon la chair, soit de l'Israël spirituel (1015). Or ce peuple qui lui appartient, ce peuple qu'il a doublement créé pour sa gloire, ce peuple doit célébrer ses louanges et non pas l'oublier et le mépriser (21); mais de quoi louerons-nous le Seigneur, si ce n'est de ce qu'il «a effacé nos forfaits pour l'amour de lui et de ce qu'il consent à ne pas se souvenir de nos péchés?» (25.) — Ces dernières paroles méritent particulièrement notre attention. Le Saint-Esprit nous y fait connaître en quoi consiste le pardon des péchés. Ils sont effacés, et l'Éternel les chasse de sa mémoire. C'est donc comme s'ils n'avaient jamais été commis! Mais, en vertu de quoi s'opère une si grande merveille? Méritons-nous cette grâce? Non; c'est pour l'amour de lui-même et pour la gloire de sa grâce que l'Éternel en use ainsi. Oh! qu'il daigne donner à tous mes lecteurs de comprendre un tel amour et d'y croire!

2232. (44, 45). Ces deux chapitres peuvent se résumer en ce peu de mots: Impuissance des idoles, mission de Cyrus [2226]. Depuis que l'idolâtrie proprement dite se fut établie sur la terre, peu de temps après le déluge selon toute apparence [464], l'Éternel Dieu ne cessa de protester contre cette horrible prostitution de l'âme humaine; il doit être facile à mes lecteurs de recueillir leurs souvenirs sur ce point. Mais personne peut-être jusqu'au prophète Ésaïe n'avait été chargé de le faire avec autant de force et de persistance, fonction qui se joignait tout naturellement à sa charge de prophète messianique. Il s'y prend de deux manières également justes et vraies: c'est en disant ce que Dieu est et ce que sont les idoles. Dieu est le Créateur de toutes choses, connaissant et prédisant l'avenir, pardonnant les péchés, punissant les pécheurs qui s'obstinent et disposant des plus grands princes, d'un Cyrus, pour accomplir ses desseins de justice et de miséricorde. Et les idoles que sont-elles? Souvent un simple morceau de bois détaché d'un arbre dont on a consumé une partie; puis, devant celle qu'il a façonnée comme il l'a voulu, l'homme se prosterne en disant: Tu es mon Dieu! Quelle douleur n'éprouve-t-on pas à la pensée que les choses se passent encore de la sorte chez une foule de peuples, et même dans l'Église romaine, qui autorise et justifie la fabrication et le culte des images. Ah! l'on ne s'étonne pas après cela que cette Église n'aime pas que ses sectateurs lisent beaucoup la Bible!

2233. Quant à Cyrus, ou Coresch, dont nous voyons ici paraître le nom, ce fut, comme le savent tous ceux qui ont quelque teinture de l'histoire, un des plus grand princes de l'antiquité. Né un siècle environ après la mort d'Ésaïe, nous le verrons à la tête des armées médo-perses s'emparer de Babylone lorsque les Juifs y étaient en captivité, et mettre fin à l'esclavage du peuple de Dieu, selon la prophétie (45: 1-6.) Comment ne pas reconnaître qu'Ésaïe parlait de la part du Seigneur? Qui est-ce qui peut appeler par son nom un homme qui n'existe point encore et faire son histoire plus d'un siècle d'avance, sinon celui qui est de tout temps et qui a créé toutes choses? Ses adorables desseins sont d'une grande profondeur, mais leur accomplissement est inévitable: son Église doit être couronnée de gloire malgré l'opposition des hommes; l'idolâtrie sera confondue et tout genou ploiera devant l'Éternel, le Dieu fort, juste et sauveur, car de lui viennent, pour ses élus, et la justice et la gloire (7-20).

2234. Tout ceci est appliqué, dans le Nouveau Testament, à notre Seigneur Jésus-Christ (Philip. 2: 10). Outre cela, Cyrus reçoit des titres qui autorisent à l'envisager comme un type du Sauveur; car l'Éternel l'appelle son Berger et son Oint, ou son Christ. L'œuvre même de Cyrus, œuvre de jugement sur les ennemis de Dieu, œuvre de miséricorde envers le peuple élu, rappelle le ministère tout entier du Rédempteur de nos âmes; en sorte que les promesses et les déclarations magnifiques contenues dans ce discours prophétique ne se rapportent peut-être que d'une manière incidente à la captivité de Babylone. Le sens général en serait donc la gloire de Dieu au sein de son peuple et au milieu du monde, la délivrance des élus et la condamnation des méchants. Par là, l'oracle ne se serait véritablement réalisé qu'en Jésus-Christ; à quoi il faut ajouter que, même en Jésus-Christ, la réalisation n'est pas encore arrivée à sa plénitude.

2235. Relisez dans cet esprit ces deux beaux chapitres, et vous y reconnaîtrez la doctrine entière de l'Évangile. C'est, d'abord, par le Saint-Esprit que tout se commence au dedans de nous; car sans lui nous ne saurions recevoir Dieu ni les paroles de sa grâce (44: 3). Mais le don du Saint-Esprit suppose que Dieu est réconcilié avec nous, qu'il pardonne les péchés, et avant que nous puissions marcher dans les voies du Seigneur, il faut que nous ayons retrouvé son amour (22). Tel est le salut. Ce salut vient donc d'en haut, apportant la justice sur la terre (45: 8); c'est un salut éternel, un salut qui doit être annoncé à tous les hommes du monde et qu'on obtient en regardant vers celui qui est le Dieu fort (9: 5), le Dieu à la fois juste et sauveur, ou, en d'autres termes, c'est par la foi qu'on se l'approprie [967]. Par cette foi, on trouve auprès de l'Éternel justice, force et gloire. Comme je viens de le dire, l'Évangile tout entier est là dedans (17-22).

2236. (46-48.) Mais tandis que la délivrance est assurée à qui se confie en l'Éternel, les idoles des nations ne sauraient préserver leurs aveugles adorateurs. Bel et Nébo, les faux dieux de Babylone, tomberont; cette grande cité, type du monde des impies, se verra tout à la fois veuve de ses rois et privée de ses enfants [2203]. Type du monde des impies, ai-je dit! En effet, il est vraiment une Babylone, ce monde qui vit dans les délices du péché (47: 1, 8), qui persécute à outrance le peuple de Dieu (6), qui se croit roi et maître à toujours (7), qui suit avec assurance les conseils de sa malice, qui se fatigue à consulter les faux dieux, et qui, au moment de la détresse, n'a personne pour le délivrer (10-15). Ah! mes chers lecteurs, il vous faut sortir de Babylone et fuir de la Chaldée (48: 20). Malheur à vous, si l'Éternel peut vous adresser les reproches qu'il fait ici à son peuple; si le culte que vous rendez à Dieu est dépourvu de sincérité (1), et si, idolâtres à votre manière, vous mettez votre cœur aux choses d'ici-bas! (5.) L'Éternel vous a tout prédit; il vous a épargnés avec une grande patience; c'est même dans sa miséricorde qu'il vous a châtiés; mais malheur à vous si vous méprisez sa voix et les actes de son règne (6-11)! la paix s'éloignera de vous pour toujours (22). Écoutez plutôt celui qui vous parle pour votre bien et qui est votre Rédempteur; alors votre paix sera comme un fleuve, et votre justice abondante comme les flots de la mer (17,18).


CLXVIII. — Prophéties messianiques. (Suite.)


2237. Dans les chapitres 49 et 50, le Messie lui-même s'annonce aux nations; il se plaint du mauvais accueil que lui feront les Juifs, et reçoit l'assurance qu'il sera néanmoins la lumière des Gentils (49). Cependant, Sion n'est point abandonnée pour toujours; au contraire, c'est par elle qu'aura lieu la victoire définitive du Messie sur Satan (14-26). Après quoi le Messie déclare que, si les Juifs sont momentanément rejetés, c'est à cause de leur cœur mauvais et incrédule. Il parle de sa personne, des dons qu'il a reçus pour exercer son ministère et de ses grandes souffrances (50:1 -9). Enfin, il encourage les fidèles dans leurs épreuves et menace les orgueilleux (10,11). Tout cela est raconté comme une chose faite, tant elle était fermement résolue dans le conseil de Dieu.

2238. Moyennant ces indications générales, les détails de la prophétie ne me paraissent pas trop difficiles à comprendre, surtout si l'on a présent à la pensée que le style du prophète est ici, comme ailleurs, plein de figures très hardies; maison en éprouve d'autant plus le désir de méditer son discours et d'en extraire la substance. Écoutez donc le Sauveur appelant à lui, dans ses compassions, tous les peuples de la terre; voyez en quels termes il parle de l'affection que lui porte le Père, de la puissance qui lui a été remise, des contradictions auxquelles il doit se voir exposé de la part des pécheurs, de la gloire qui lui est réservée comme fruit de son travail. Admirez les grâces qu'il apporte aux élus de Dieu. Médiateur d'une nouvelle alliance, d'une alliance de paix et de gloire éternelles, il apaise la faim et la soif des âmes qu'il retire du péché. De toutes parts, même de chez les Siniens, qui sont les Chinois, des âmes se tourneront vers lui et tressailliront de joie en le voyant (49: 1-13).

2239. Sion, que l'Éternel semblait avoir répudiée comme une épouse infidèle, Sion sera rebâtie par le Sauveur. Israël, rassemblé sous son glorieux sceptre, formera un peuple plus considérable que jamais. C'est ainsi que le butin qu'avait fait Satan, l'homme fort et vaillant, lui sera enlevé, et tous ceux qui l'auront aidé dans son œuvre impie seront détruits. Alors toute chair connaîtra que le Christ est l'Éternel, le Sauveur de son peuple, le Puissant de Jacob (14-26).

2240. Si vous rapprochez de ce chant de triomphe les tristes plaintes que profère le Messie sur les difficultés et les douleurs de son laborieux ministère (50: 2,6), vous serez bien frappés du contraste. Mais c'est le contraste même qui s'est offert et qui s'offre de nos jours en ce qui concerne le Fils de Dieu, et ce n'est pas ce qu'il y a de moins admirable dans la prophétie. Quoi qu'il soit le Roi de gloire [1662], il s'est exposé volontairement à l'ignominie et aux crachats; la foule impie et moqueuse ne cesse de l'insulter, et c'est ainsi que les choses se passeront jusqu'au jour où, par sa venue, il triomphera de tous ses ennemis [1720].

2241. Pour attirer particulièrement votre attention sur quelques-unes des paroles contenues dans ces deux chapitres, voyez d'abord avec quelle confiance nous devons nous laisser conduire par celui qui a eu pitié de notre triste état jusqu'à se donner pour nous (49: 10). Comment, après cela, pourrions-nous douter de son amour immense? On voit des mères assez dénaturées pour abandonner leurs nourrissons, mais jamais le Seigneur ne délaisse ceux qu'il a sauvés et qui croient en ses promesses (15). Remarquez la parfaite obéissance de Jésus envers son Père (50: 5), sa patience et l'oblation volontaire qu'il a faite de sa personne (6), la protection dont la sainteté et la justice de Dieu l'entourèrent (7-9), les consolations enfin qu'il apporte aux âmes fatiguées et chargées (1,10). «Quiconque marche dans l'obscurité, sans clarté, qu'il se confie dans le nom de l'Éternel et qu'il s'appuie sur son Dieu» (Matth. (11: 28).

2242. (51, 52: 1-12.) Exhortations et promesses adressées au peuple de Dieu. Mais par ce peuple de Dieu qui faut-il entendre? Le peuple juif et lui seul? Alors, la prophétie que nous avons sous les yeux annoncerait simplement les délivrances dont ce peuple devait être l'objet, à partir du temps d'Ésaïe; et comme il s'exprime en des termes qui disent évidemment quelque chose de plus que ce qui se passa lors du retour de Babylone, on devrait en conclure qu'il prédit un rétablissement meilleur, plus complet, plus glorieux et plus durable que celui qui eut lieu sous Cyrus et ses successeurs, c'est-à-dire la restauration future d'Israël en corps de nation, avec le Seigneur même pour roi invisible, comme au temps jadis. Si, par le peuple de Dieu, l'on entend les fidèles de tous les siècles, savoir ceux qui, croyant à la rédemption de leur âme par Jésus-Christ, constituent l'Église des élus durant la suite des temps, la prophétie annoncerait, d'une façon générale, l'accroissement de cette Église rachetée et ses triomphes sur tous ses ennemis: deux systèmes d'interprétation qui ne diffèrent pas autant qu'il le semble au premier abord; car le peuple juif étant le type de l'Église, tout ce qui lui est annoncé, comme peuple, doit s'appliquer à l'Église spirituellement. D'un autre côté, les destinées générales de l'Église enveloppent nécessairement celles du peuple d'Israël. Cela expliquerait pourquoi le Saint-Esprit, en parlant à l'Église, fille d'Abraham selon l'Esprit, fait ici de constantes allusions à l'histoire des fils d'Abraham selon la chair.

2243. Voici donc comment il caractérise ceux auxquels il s'adresse. Ce*sont des âmes qui suivent la justice et qui cherchent l'Éternel, toutes issues de la foi d'Abraham et bénies en sa personne (51: 1-3). Le Seigneur les encourage à se confier en lui; il oppose la certitude et la perpétuité de la justice qui s'obtient parla foi [291], à la courte durée des ouvrages de la création et surtout à celle du pouvoir des persécuteurs; d'où il suit que nous ne devons pas redouter le mal qu'ils sont en état de nous faire (1-8). Là-dessus, l'Église supplie Dieu de renouveler en sa faveur les œuvres de jadis, et reçoit des assurances de consolation et de prospérité; mais ces promesses sont mêlées de censures, à cause de son peu de foi et des craintes que lui font éprouver les menaces du monde (9-16). Après quoi, Dieu promet le salut à Israël, et il dénonce aux ennemis de son peuple le juste châtiment qui leur est dû (17-23).

2244. Jérusalem est invitée à recouvrer sa liberté, ou plutôt à saisir la délivrance de l'Éternel, à secouer ainsi le joug impur de l'homme (52: 1-6). Le moyen de cet affranchissement n'est autre que la foi en l'Évangile, tel que le proclamèrent plus tard les apôtres (7-10); car non seulement il n'y a qu'une bonne Nouvelle [2222], mais encore le Saint-Esprit, par la bouche de Paul, nous atteste qu'il faut entendre la prophétie de cette manière (Rom. 10: 15). Par la prédication de l'Évangile s'établit le règne de Dieu, par elle s'opère le salut de Jérusalem. Enfin, c'est un devoir impérieux pour tous ceux qui veulent participer à ce règne et à ce salut, de se retirer avec calme, mais avec décision et sous la conduite du Seigneur, des souillures du présent siècle, qui, dans un point de vue général, est la Babylone mystique, comme nous l'avons dit tout à l'heure (11, 12). Tels sont en résumé les grands traits de la Parole de Dieu dans les douze premiers versets du chapitre. Les trois derniers appartiennent à la prophétie suivante, une des plus remarquables de la Bible. Elle commence au verset 13 du chapitre 52 et se prolonge jusqu'au verset 9 du chapitre 56; mais on peut néanmoins l'étudier chapitre par chapitre et verset par verset. — Nous y trouvons tout l'Évangile: faits et doctrine; on ne saurait mieux l'expliquer qu'en donnant un résumé de l'histoire de notre Sauveur.

2245. (52: 13, 14.) Conformément aux paroles sorties de la bouche d'Ésaïe, paroles écrites plus de sept cents ans avant leur accomplissement, Jésus de Nazareth, cet homme qui se montra par excellence le serviteur de l'Éternel [2228], a été souverainement élevé; mais ce n'est qu'après avoir subi sur la croix la plus douloureuse ignominie. Puis, il a été prêché parmi les peuples, même parmi ceux qui n'avaient jamais entendu parler de lui, et plusieurs rois l'ont adoré comme leur Seigneur et leur Dieu.

2246. (53.) Au moment de son apparition, nul d'abord ne voulait croire en lui (1). Il faut dire aussi que ce rejeton du tronc d'Isaï [2182] n'avait rien extérieurement qui attirât les yeux ni qui commandât l'obéissance (2). Né dans une condition obscure et pauvre, il fut d'abord l'objet d'un grand mépris (3) et il se vit enfin réduit à une telle extrémité (4), que plusieurs purent s'imaginer qu'il était vraiment abandonné de Dieu [1640]. Mais c'est à notre place qu'il souffrait ces amertumes et cette mort ignominieuse; ce sont nos péchés qui creusèrent ses plaies, tout comme c'est en ses meurtrissures que nous avons paix et guérison (5). Que sommes-nous en effet hors de lui, sinon des brebis errantes qui courent à l'aventure? or, l'Éternel a fait tomber sur le bon Berger lui-même notre iniquité tout entière (6).

2247. Au plus fort de ses souffrances, ce miséricordieux Rédempteur ne laissa échapper ni murmures, ni menaces; mais il fut comme l'agneau qu'on mène à la boucherie, comme une brebis sous la main du tondeur (7). Cependant, l'Éternel, en prolongeant sa durée, même après sa mort, c'est-à-dire en le ressuscitant, a prouvé d'une manière éclatante sa parfaite justice, et par là nous avons la certitude que ce n'est pas pour ses péchés, mais pour les nôtres qu'il fut crucifié (8). Déjà, lors de sa sépulture, il reçut un beau témoignage de la part du riche Joseph d'Arimathée, qui plaça le corps de Jésus dans le sépulcre de sa propre famille, au lieu de le laisser jeter à la voirie comme celui d'un vil criminel (9). Et pourtant c'est bien par la volonté de Dieu que le Christ a été frappé et qu'il a mis en oblation, non seulement son corps, mais son âme, et sur la croix et en Gethsémané; aussi, revenu à la vie après une courte station dans la tombe, il a vu de nombreux disciples adhérer à sa doctrine, et c'est entre ses mains que prospère l'œuvre de la grâce de l'Éternel (10).

2248. Et voici comment le Christ recueillera le fruit de ses peines. Il fera part de sa justice aux pécheurs dont il a expié les crimes, savoir à tous ceux qui croient en lui (11); et parce qu'il a consenti de la sorte à se mettre au rang des malfaiteurs et à effacer nos péchés pour glorifier la miséricorde du Père, il sera roi éternellement sur son Église, laquelle est le monument impérissable de sa propre gloire (12).

2249. (54.) La naissance de cette Église n'est pas moins merveilleuse que celle d'Isaac. Qu'on entende ici par la femme stérile et par la femme délaissée, les nations païennes qui n'enfantaient aucun enfant à l'Éternel, ou le peuple juif après que l'alliance de la loi eut été dissoute par la venue de Jésus-Christ, toujours est-il que l'Église chrétienne, formée dès l'origine d'un mélange de Juifs et de païens, est sortie d'une souche qui ne devait naturellement rien produire de pareil (1). Il est encore vrai que l'Église est devenue plus nombreuse que ne le fut jamais l'ancien peuple, et qu'elle ne se trouve plus concentrée dans un petit pays, comme était celui de Canaan (2, 3). Enfin, telle est l'étendue, la réalité, l'excellence des grâces dont elle jouit maintenant, qu'elle a comme perdu le souvenir du temps où ses pères vivaient loin du Seigneur (4). — Et qui a-t-elle donc pour époux, la femme autrefois et pour longtemps délaissée? (5-8.) C'est l'Éternel des armées, le Rédempteur, le Saint d'Israël, le Dieu de toute la terre, lequel a eu compassion de ses maux par une miséricorde éternelle [1662, 1892, 2224]. Rien donc ne saurait lui ravir les grâces que lui accorde son divin Chef. Comme il est certain qu'il n'y aura plus de déluge, Dieu l'ayant promis, il est également certain que le Seigneur ne délaissera pas son Église, ni les âmes fidèles qui la composent (9, 10).

2250. Sa condition toutefois est d'être ici-bas méconnue et persécutée, comme le fut son auteur et fondateur; mais elle repose sur une base aussi solide et aussi magnifique que le diamant, à savoir la grâce de Dieu en Jésus-Christ. Elle possédera sans cesse des biens que nul ne saurait lui enlever; je veux dire la connaissance et la paix du Seigneur, la justice et les promesses de Christ. Tels sont les privilèges qu'il confère à son Église et qu'il lui a chèrement acquis (11-17).

2251. (55.) Ici vient la touchante proclamation que le Christ adresse aux pécheurs pour les attirer à lui (Jean 7: 37). Il les compare à des gens affamés et mourant de soif; et les grâces qu'il leur apporte, il les assimile à l'eau qui rafraîchit et vivifie, au vin qui rend des forces quand on est las et réjouit le cœur, au lait qui restaure les estomacs affaiblis et sert de nourriture aux petits enfants. Impossible de mériter ces grâces; et quand nous aurons fait tout ce qu'il faut pour se les assurer, encore est-il que nous ne les aurons pas gagnées; aussi le Sauveur nous les offre-t-il gratuitement (1). Ce n'est pas que l'homme ne soit doué de facultés intellectuelles et morales d'un très grand prix; mais tant qu'il n'est pas converti, il ne les emploie qu'à la poursuite de biens qui ne sont que vanité (Ecclésiaste). Voulons-nous donc posséder le seul vrai bonheur? Prêtons l'oreille aux paroles du Messie, croyons en lui, et nous trouverons auprès de lui la vie de l'âme, la vie éternelle, les grâces immuables de David (2, 3). Ce David, c'est Jésus lui-même, roi d'Israël et conducteur des peuples [1564, 1607, 2114, 2179]. Il viendra de la part de Dieu; il rendra témoignage à sa grâce et à sa vérité et pour récompense de son travail, toutes les nations de la terre lui seront données (Ps. 2: 8), même celles qui lui avaient été le plus étrangères (4, 5). C'est pourquoi il faut chercher l'Éternel, il faut l'invoquer, il faut se convertir pendant qu'il est là et que sa voix nous appelle (6, 7). Considérez l'infinie miséricorde du Seigneur. Au fond, nous ne saurions nous pardonner comme il le fait; nous nous sentons indignes de son amour, et pourtant il nous aime et il veut avoir pitié de nous (8, 9). Considérez encore la puissance et la fermeté de sa Parole. Il est impossible que ses promesses ne se réalisent pas, et c'est par là, plus que par la crainte des châtiments, que l'Éternel entend vous attirer vers lui. À vous, pécheurs misérables, il veut donner joie, paix et sainteté; en vous, cœurs légers ou endurcis, il veut faire toutes choses nouvelles, de telle sorte que vous soyez un monument perpétuel de sa grâce et un des trophées de sa gloire (10-13).

2252 (56.) Pour conclure cette belle prophétie, le Saint-Esprit déclare que le jour approche où la justice de Dieu, le salut par la foi, sera clairement révélé, dépouillé de ses voiles, débarrassé des ombres qui empêchaient de le discerner nettement, et que la meilleure préparation pour le recevoir est de se montrer fidèle à l'esprit de l'Ancienne Alliance en faisant ce qui est juste et droit devant Dieu (1,2); que toutes les distinctions personnelles et nationales vont être abolies; que la qualité de membre du peuple de Dieu ne se transmettra plus de père en fils et par le seul fait de la naissance (3, 4, 5); enfin, que l'Église n'aura désormais d'autres limites que celles de la terre habitable (6-8): «Ma maison sera une maison de prière pour tous les peuples,» dit l'Éternel; et cette parole a été citée par notre Seigneur, lorsqu'il purifiait le temple, type de l'Église de Dieu (Matth. 21: 13).


CLXIX. — Prophéties messianiques. (Fin.)


2253. (56: 9-12; 57-59.) La prophétie semble s'interrompre en cet endroit pour faire place à des remontrances semblables à celles que nous avons lues précédemment. Mais censurer par l'Esprit de Dieu, c'est encore prophétiser. Puis, l'établissement de l'Église se lie d'une manière étroite à la réjection momentanée des Juifs (Rom. 11: 12,25). Voici donc en résumé le contenu de ce discours, qui n'est pas, à proprement parler, une digression.

2254. Il faut avant toutes choses, dit le prophète, que l'Israël selon la chair se voie livré à ses ennemis, comparés aux bêtes des champs et des forêts (56: 9); car ses conducteurs ne sont ni capables ni dignes de le délivrer, non plus que de se sauver eux-mêmes (10-12). Cependant, il est encore, au milieu de ce peuple, des justes, justes à la façon d'Abraham [291], et heureux ceux que Dieu recueillera dans son repos avant que le mal arrive (57: 1, 2). Quant aux méchants, qui se moquent d'eux et les méprisent, l'Éternel se charge de les châtier (3, 4). Par leur obstination dans leurs pratiques idolâtres (toujours assimilées aux désordres d'une épouse adultère), ils attirent sur eux une destruction certaine et sans remède (5-13). Mais un chemin se prépare (14) par où l'Israël spirituel se distinguera de ceux qui sont voués à la destruction (Jean 14: 6), car les fidèles ne sauraient voir ajourner indéfiniment leurs espérances (15, 16). Ils se ressentiront aussi de leurs péchés, mais la grâce de Dieu ne trompe jamais le vrai repentir, quelle que soit la nation à laquelle on appartienne (17, 18, 19). Quant à l'impie déclaré, quant au pécheur incorrigible, il n'existe pas pour lui de réconciliation possible avec l'Éternel, ni avec sa propre conscience (20, 21).

2255. La réjection des Juifs n'est donc que le juste salaire de leurs iniquités (58: 1). Leur culte était plein d'hypocrisie, leurs mortifications et leurs austérités n'avaient aucune valeur; car avec ces formes dévotes ils faisaient marcher de front l’égoïsme et l'oppression, au lieu de l'amour et de la justice (2-7). S'il en eût été autrement, ils n'auraient jamais cessé de goûter les faveurs du Très-Haut (8,9). Que, maintenant encore, ils essayent de redresser leurs voies, et ils verront si la fidélité au devoir ne porte pas avec elle sa récompense 10-14).

2256. Il résulte de là que si l'Israël selon la chair se voit un jour rejeté, la faute n'en sera pas au Seigneur, comme s'il ne tenait pas ses promesses; mais Israël devra n'en accuser que lui-même (59: 1,2.) À force de violences et d'iniquités, maux dont les effets sont aussi funestes à ceux qui les commettent qu'à ceux qui en sont les victimes, ce peuple est tombé dans des ténèbres et dans une dégradation morale d'où rien ne saurait le retirer (3-15). Mais, à ce point extrême, l'Éternel intervient en personne pour sauver le véritable Israël (16,17). L'Israël selon la chair étant détruit, le Seigneur manifeste de toutes parts sa redoutable et sainte présence; un Rédempteur paraît en Sion pour sauver le vrai peuple, et l'ancienne économie, l'alliance de la loi, disposition transitoire, cède le pas à l'économie nouvelle, alliance de grâce, disposition éternelle, toute fondée sur la Parole et sur le Saint-Esprit (18-21).

2257. Avant de passer au chapitre 60, reprenons dans ceux que nous venons de lire quelques-uns de ces passages qu'un lecteur attentif ne manque pas de souligner et dont nous devons faire particulièrement la nourriture de nos âmes. — Et d'abord, quel malheur pour un peuple quand ses chefs politiques et ses conducteurs spirituels, semblables à des chiens muets et gloutons, ne songent qu'à satisfaire leurs appétits grossiers et ne profitent de la haute position qu'ils occupent que pour se livrer impunément à toutes sortes de péchés! C'est ce que nous dit Ésaïe (56: 10-12). — S'il est vrai que c'est toujours une grâce pour l'enfant de Dieu d'être retiré de ce monde, cela est vrai surtout en des siècles agités et corrompus, où tout pronostique l'approche des grands jugements de Dieu (57: 1, 2). — Les pécheurs qui s'obstinent dans le mal, ceux surtout qui couvrent leurs désordres par une horrible hypocrisie, se demandent-ils jamais de qui ils se moquent, qui ils prétendent tromper? (4,11.) — Représentez-vous ce qui arrivera quand Dieu mettra au grand jour votre prétendue justice, ô vous! qui vous confiez en vos bonnes œuvres pour être sauvés (12). Voyez au contraire quelles magnifiques promesses sont faites à ceux qui se confient en l'Éternel et non pas en eux-mêmes (13). Considérez la souveraine majesté du Très-Haut, et vous comprendrez, en effet, que ce n'est pas par notre orgueil, mais par notre humilité que nous pouvons trouver grâce devant lui (15). Hélas! si le Dieu fort et puissant nous traitait selon nos mérites, nous serions accablés par le fait seul de sa présence; mais c'est lui qui a créé les âmes des hommes et il en a pitié (16-18).
Telle est sa miséricorde, qu'il donne aux plus grands pécheurs des sujets d'actions de grâces, en faisant la paix avec eux et en les convertissant à lui (19). Je dis en les convertissant; car les méchants, ou en d'autres termes les pécheurs irrégénérés, sont comme la mer en tourmente, dont les ondes jettent de la fange et de l'écume; il n'y a point de paix pour eux. C'est Dieu qui le dit, et nous pouvons nous assurer qu'il en est ainsi, malgré toute apparence contraire (20, 21). — Quoiqu'il soit vrai que ce n'est pas par nos œuvres, mais par la foi que nous sommes sauvés, il n'est pas moins vrai que si nous persistons dans le péché, nous nous privons de la grâce de Dieu, aucune de nos prières ne pouvant être exaucée; si, au contraire, par la grâce divine, nous pratiquons ce qui est juste et bon, nous acquérons une grande assurance devant Dieu et nous puisons à pleines mains dans le trésor de ses bénédictions (58: 6-14). — Lors donc que le Seigneur n'exauce pas nos prières, ce n'est pas qu'il n'en ait pas la puissance, ni qu'il ne les entende point (59: 1); mais le péché met une barrière entre nous et lui, et si au lieu de se convertir afin que ses péchés soient effacés, un homme continue à vivre dans l'iniquité, ses prières ne sauraient être exaucées (2). Or, si vous voulez savoir ce que la Bible entend par l'iniquité, considérez attentivement le tableau qui en est fait ici (3-15), et vous verrez que ce qui la constitue essentiellement c'est le mensonge sous toutes ses formes et sur quelque objet qu'il se porte.

2258. (60.) Par une transition très simple, le prophète revient à l'Église, dont il embrasse d'un coup d'œil les glorieuses destinées. Faisant abstraction de ce qui pourrait gâter la beauté du tableau, savoir les infidélités et les souffrances du peuple racheté, il oppose, pour ainsi dire, d'un bout à l'autre la nouvelle économie à l'ancienne. La prophétie est construite de telle sorte qu'il est très facile de l'entendre du rétablissement des Juifs en Sion, bien que, même avec cette interprétation littérale, il faille encore, de nécessité, prendre au sens figuré plusieurs expressions. Mais, par les motifs que j'ai exposés dans l'Étude précédente [2242], je ne crois pas qu'on doive restreindre à ce point la prophétie. Il y est question d'une nouvelle Sion; or, cette Sion se trouve ailleurs que dans le pays de Canaan: elle est partout où vivent des rachetés de Jésus-Christ.

2259. Une lumière divine se lèvera sur le peuple de Dieu, tandis que tout autour les nations seront dans les ténèbres (1,2). Mais les nations aussi s'approcheront de la lumière et, par la grâce de Dieu, leurs fils seront enfants d'Abraham (3-5). De l'orient, des caravanes et des troupeaux; de l'occident, des flottes marchandes enrichiront la nouvelle Jérusalem (6-9). Ce qui semblait une réjection est devenu l'occasion d'une grâce infiniment supérieure (10). Plus de barrières entre les peuples, plus d'exclusion que pour ceux qui s'excluent eux-mêmes (11, 12); la nature se met à l'unisson avec les bénédictions spirituelles (13); les ennemis de Dieu sont forcés de rendre hommage à son peuple (14); celui-ci était en mépris, le voilà glorifié (15); il se réduisait à une seule nation, il va tirer de tous les peuples sa substance (16); on ne saurait dire ce qu'il lui reste à désirer (17): ses anciens maux ont disparu, ses prérogatives d'autrefois sont même devenues inutiles (18, 19), et ce qu'il y avait de précaire dans sa situation a disparu (20). La gloire de la nouvelle économie est une gloire d'une nature spirituelle et morale, mais elle est, à l'extérieur, accompagnée de paix et de sûreté! (21.) Lorsque le temps sera venu, toutes ces choses se feront promptement (22).

2260. Si, après cet exposé de la prophétie contenue au chapitre 60, vous considérez dans son ensemble le tableau qu'elle déroule devant nos yeux, et si vous vous rendez compte de vos impressions, vous aurez le sentiment que nulle explication humaine ne saurait donner une idée exacte du nouvel ordre de choses que le Saint-Esprit annonce dans cet oracle. Il y a là un composé d'éléments terrestres et d'éléments célestes que nous ne savons comment combiner. C'est en quelque sorte le rétablissement du paradis perdu; ou mieux, c'est un concours de circonstances qui ne s'est encore rencontré, ni dans le ciel, ni sur la terre. Il faut y voir l'état infiniment glorieux qui, pour la gloire de Dieu, attend le peuple élu dans une économie nouvelle et encore à venir. Toujours est-il que, malgré ses obscurités, la prophétie est pleine de saintes consolations et de joies anticipées.

2261. (61.) Du peuple élu et fidèle, la prophétie retourne à Celui qui est le puissant Sauveur. Car c'est bien le Fils de Dieu qui parle ici par la bouche d'Ésaïe (Luc 4: 16-21). C'est lui que l'Éternel a oint ou fait Christ, par le Saint-Esprit, pour annoncer la bonne nouvelle du salut aux pécheurs humbles et repentants, pour dénouer les liens de leur captivité et briser les barres de la prison où Satan les retenait captifs. C'est lui qui est venu tout à la fois parler de grâce et de justice, consoler les âmes affligées et renouveler la face du monde, œuvre qu'il a commencée il y a dix-huit siècles et qu'il continue par le ministère de son Église (1-6). Qu'il s'agisse, en cet endroit, du rétablissement d'Israël, c'est ce qu'on peut prétendre avec raison; mais le discours de notre Seigneur dans la synagogue de Nazareth, nous est un garant que l'oracle va plus loin. En réalité, je ne sache pas que les chrétiens se soient jamais fait scrupule de s'approprier les derniers versets de ce chapitre, comme ils en appliquent les premiers à leur Sauveur. Ne sommes-nous pas en possession de la vérité, nous qui croyons en Jésus-Christ? Ne sommes-nous pas entrés, par lui, dans l'alliance éternelle? (8.) Ne sommes-nous pas une race bénie à cause de lui? (9.) N'avons-nous pas à nous réjouir en lui, de ce qu'il a épousé notre cause, de ce qu'il nous a revêtus de salut, de justice et de gloire? (10.) Toutes ces grâces ne nous ont-elles pas été faites pour que nous soyons les témoins de l'amour infini du Seigneur parmi les nations? Et si telles sont nos prérogatives, quelle ne doit pas être notre sainteté?

2262. Il ne faut pas cependant que nos pensées se détournent des promesses faites spécialement à Israël. Le Seigneur nous dit (62: 12) qu'il les a lui-même vivement à cœur, et ne nous intéresserons-nous pas à ce qui l'intéresse? — 11 nous dit qu'elles se réaliseront infailliblement (2; 8-12), et sa fidélité envers l'ancien peuple ne nous garantit elle pas qu'il nous sera fidèle également? C'est pourquoi, nous ne devons pas cesser de prier le Seigneur afin qu'il rétablisse Jérusalem et qu'il la remette en un état renommé sur la terre (7). Pauvre Jérusalem! Son Sauveur (qui est aussi le nôtre), est déjà venu pour elle une première fois, et elle l'a rejeté! Oh! quand verra-t-on le moment où il lui sera de nouveau révélé, afin qu'elle ne soit plus la ville abandonnée? (11, 12.)

2263. (63: 1-6.) Mais les délivrances du peuple de Dieu sont toujours précédées ou suivies de terribles jugements sur les adversaires, et de quelles effrayantes images le Saint-Esprit ne se sert-il pas ici pour nous remplir d'une sainte terreur à la pensée des grandes journées de la justice céleste! Comme le Seigneur est le seul Sauveur, il est aussi le seul Juge. Le voilà, tel qu'un guerrier redoutable, tout rouge du sang que sa main a versé dans la bataille. Le jour de la vengeance est dans son cœur, parce que c'est aussi le jour où les siens seront mis en possession du salut. Malheur donc aux peuples rebelles; ils seront foulés, enivrés, renversés.

2264. (63: 7-19; 64.) Ceci est un hymne à la louange des miséricordes de l'Éternel. Il est tout à la fois historique et prophétique, car s'il rappelle des faits anciens, il en suppose qui n'existaient pas encore au temps d'Ésaïe (64: 10, 11). C'est donc le peuple d'Israël qui, du sein de sa future dispersion, élève la voix vers l'Éternel pour célébrer ses bontés d'autrefois, pour se recommander à sa grâce et pour s'humilier profondément devant lui. Extrayons de cette prière inspirée quelques mots particulièrement propres à édifier nos âmes. C'est une immense consolation pour les fidèles, de se souvenir que leur Dieu est un Dieu compatissant, en sorte qu'il partage d'une manière inexprimable leurs détresses, comme c'est lui qui est leur Sauveur et qui les a rachetés par son amour et par ses compassions (63: 7-9). Mais d'un autre côté, prenons garde de ne pas contrister son Saint-Esprit par nos péchés, par notre froideur et par notre ingratitude, car il ne pourrait alors que nous traiter en ennemis (10). — Laissons-nous plutôt conduire par l'Esprit de l'Éternel, et il nous mènera doucement et en ménageant nos forces, comme on fait marcher une bête de somme qui descend de la montagne (14). Ayons confiance en lui, car il est notre père et notre Rédempteur dès l'éternité. Quelle belle parole et quelle doctrine importante! (16.) Puis, quand nous nous plaçons devant sa face, reconnaissons sans hésiter notre profonde souillure; reconnaissons que nos justices même et ce que nous appelons nos bonnes œuvres, sont pleines d'impuretés; reconnaissons que s'il voulait nous traiter selon nos mérites, nous ne pourrions subsister devant lui (Job 9:2, 3); et c'est ainsi que dans nos cantiques d'actions de grâces, nous joindrons à la glorieuse confiance d'une âme rachetée, la sainte humilité d'une âme pécheresse (64: 6-9).

2265. (65.) Ce chapitre et le suivant peuvent être envisagés comme une réponse de l'Éternel aux prières de son peuple repentant. Pour le résumer en quelques mots, le Seigneur y déclare la miséricorde dont il voulait user envers les Gentils et les châtiments que sa justice allait infliger et infligerait encore plus tard aux Juifs idolâtres, formalistes, incrédules (1-7), conservés par la puissance de Dieu en considération seulement de ses élus (8-15). Après cela, mettant en contraste le bonheur des fidèles et la misère des impies, il célèbre la gloire et les privilèges des fidèles dans les derniers jours (16-25). — Méditez ce chapitre avec prière et vous y trouverez, comme au reste dans tout Ésaïe, ample matière à de saintes réflexions. Vous vous direz, à l'occasion des premiers versets, que si la généralité des hommes commet un grand crime en refusant de chercher Dieu, ceux qui le connaissent et qui se révoltent contre lui sont bien plus criminels encore, et vous adorerez la miséricorde de Celui qui se fait trouver par ceux qui ne le cherchaient pas en convertissant à lui les peuples idolâtres, et qui traite avec tant de patience les nations soi-disant chrétiennes à cause du petit nombre de fidèles qui se trouvent en leur sein. — Poursuivant votre étude, vous vous arrêterez sur la promesse du verset 17, qui peut s'appliquer au rétablissement d'Israël, mais qui signifie quelque chose de bien plus grand, comme l'atteste le Saint-Esprit par la bouche d'un apôtre (2 Pierre 3: 13). — Enfin vous noterez ce qui est dit ici de l'efficace de la prière (24), pour vous engager à demander au Seigneur toutes choses et à tout attendre de sa grâce.

2266. (66.) Cette dernière prophétie reproduit et résume les précédentes, dont elle semble rappeler à dessein (10-13; 22), le premier et le dernier mot (40: 1; 65: 17). Mais, chose qui peut sembler étrange au premier abord, c'est qu'une suite d'oracles évangéliques puisse se terminer par les terribles paroles que nous lisons ici, tout à la fin (24). Or cela s'explique, historiquement et dogmatiquement. Historiquement, en ce que le jugement et la destruction des impies doit succéder à la glorification des élus de Dieu; dogmatiquement, en ce que le salut par grâce ne saurait anéantir la justice du Très-Haut. Il y a donc un ver qui ne meurt point et un feu qui ne s'éteint point. Jésus-Christ n'est pas venu détruire l'enfer, mais ouvrir le ciel. Que si quelqu'un s'obstine à ne pas vouloir de sa grâce, il demeure sous la juste condamnation que ses péchés méritent. Je laisse mes lecteurs sous l'impression de cette pensée bien sérieuse. Puisse-t-elle par la bonté de Dieu, leur enseigner à fuir la colère à venir!

2267. Si j'ai passé trop rapidement peut-être sur les onze derniers chapitres, c'est que les Études précédentes me paraissent en donner suffisamment la clef, vu que les mêmes idées, ou à peu près, s'y trouvent reproduites sous des formes différentes. Bien plus, il est facile d'observer que la plupart des prophéties renfermées dans la seconde partie du livre d'Ésaïe, depuis le chapitre 40, ne sont que la répétition et le prolongement de celles qu'on lit, éparses çà et là, dans la première partie. Si quelqu'un s'en étonnait, il devrait se rappeler que le ministère de ce prophète fut de très longue durée. Ses premières prophéties datent de l'an 758 avant l'ère chrétienne, et les dernières doivent avoir été prononcées vers l'an 708 ou 706; en sorte que le prophète eut à proclamer le message de l'Éternel devant deux générations successives, comme le grand prophète Moïse [1002]. Il s'en faut de beaucoup toutefois qu'il y ait simple répétition; il y a développement continuel, et les derniers oracles jettent une vive lumière sur les premiers, eu égard particulièrement aux destinées du nouveau peuple de Dieu.

2268. Il est facile également d'observer que ces prophéties sont encore loin d'avoir reçu leur entier accomplissement. Les Juifs, il est vrai, ont été menés captifs à Babylone, événement que la Bible va bientôt nous raconter, et ils ont été rétablis dans leur pays, du moins une partie d'entre eux; le Messie est venu, il a prêché le salut aux pécheurs, il a souffert pour eux sur la croix, il est entré dans le séjour de la gloire et il a fondé son Église chez plusieurs peuples, étrangers jusqu'alors à son alliance; Israël s’est vu de nouveau captif et dispersé, et il demeure en cet état; l'Église, enfin, tour à tour infidèle et persécutée, s'est conservée d'une manière étonnante depuis dix-huit siècles, et les promesses de Dieu se réalisent avec une admirable fidélité envers ceux qui s'attendent à lui. Malgré tout cela, le monde et même l'Église sont loin de présenter actuellement le spectacle de paix et de sainteté décrit par la prophétie; il n'est aucune époque non plus, dans les temps passés, qui nous offre à cet égard quelque chose de décidément meilleur.

2269. Si l'on considère néanmoins que ce qu'il y avait de capital dans ces nombreuses prédictions, savoir la venue d'Emmanuel, le Rédempteur, s'est accompli à la lettre, on ne saurait élever aucun doute sur la certitude de l'accomplissement entier de tout le reste, bien qu'il ne soit pas possible de fixer d'une manière sûre le quand et le comment, ni même le sens précis de certaines prophéties. Ainsi, tous les chrétiens sont persuadés qu'Israël sera rétabli; mais les uns estiment qu'il faut entendre simplement par là sa conversion à la foi chrétienne, tandis que d'autres y ajoutent sa réintégration dans le pays de Canaan. Parmi ceux qui l'entendent ainsi, il en est qui pensent que le rétablissement d'Israël en Canaan précédera sa conversion à Jésus, le Christ, et je crois plutôt, avec bien des chrétiens, que, pour Israël aussi, la foi devra précéder la délivrance, même temporelle, ce qui ne veut pas dire que celle-ci n'ajoutera rien à la vivacité et à la réalité de sa foi. Avant d'être délivré de la servitude d'Égypte, il crut à Moïse [649], et sous les Juges, il ne remportait des victoires qu'après être retourné à l'Éternel. Ensuite, il est des personnes qui estiment que la gloire promise à l'Église du Seigneur doit se réaliser ici-bas dans sa plénitude, sous la domination visible de Jésus, régnant en personne à la tête du peuple d'Israël et de ses saints de toutes nations; à d'autres, au contraire, il semble que le règne de Jésus-Christ ici-bas ne changera pas de nature, mais qu'il est destiné à devenir de plus en plus général, vrai et profond, non par la vue, mais par la foi, jusqu'à ce que, après de nouvelles révoltes, le Seigneur se manifeste à l'Église et au monde, pour l'éternelle glorification de ses élus et pour l'entière destruction de ses ennemis.

2270. Il y a plus encore, on rencontre parmi les chrétiens des personnes qui appliquent aux seuls Juifs les promesses que le Seigneur adresse à Israël, et dans Ésaïe et dans les autres prophètes, promesses que nous avons souvent entendues du peuple de Dieu sous l'Évangile, ou autrement de l'Église chrétienne et de ses vrais membres. D'autres, suivant un chemin tout opposé, n'appliquent aux Juifs et à leur rétablissement dans la Terre-Sainte aucune de ces prophéties. La vérité, je me le persuade, est entre ces extrêmes; ou plutôt, comme j'ai eu plus d'une fois l'occasion de le dire, il me semble assez facile de concilier les deux opinions, en se rappelant qu'Israël et ses destinées furent, dans tous les temps, un type du peuple élu, de l'Israël spirituel, de l'Église; en sorte que Dieu a très bien pu, par une seule et même prophétie et sans y mettre un double sens, avoir en vue l'Israël qui descend d'Abraham selon la chair, et l'Israël qui est fils d'Abraham selon la foi. Il l'a pu d'autant mieux que s'il y a pour l'ancien peuple des promesses de la grâce de Dieu, elles lui appartiennent à la seule condition qu'il devienne un peuple nouveau et spirituel, ou afin qu'il le devienne.

2271. Il ne faut pas que ces différences d'opinions sur le sens des prophéties non accomplies scandalisent personne. Elles résultent de la nature même des choses; c'est un des exercices auxquels le Seigneur appelle notre foi et il en fut toujours ainsi (295). On voit d'ailleurs qu'on s'accorde sur le fond plus qu'il ne le semble. Ce qu'on doit éviter seulement, c'est d'édifier tout un corps de doctrine sur des faits à venir qu'il n'a pas plu à Dieu de nous révéler plus nettement. Il n'est pas besoin d'épouser un système pour que cette partie de la révélation nous remplisse d'espérance et de joie, en affermissant notre foi.

2272. Voici donc, après tout, ce qui demeure parfaitement établi par le livre du prophète Ésaïe, et ce qu'on peut envisager comme les traits saillants du tableau qu'il nous trace:

1° Au premier plan, l'Israël selon la chair, la nation juive, avec sa confiance en elle-même et ses grossières aberrations, ou vers l'idolâtrie, ou vers l'hypocrisie et le formalisme;

2° ensuite l'Israël spirituel, la vraie Église, le résidu selon l'élection de grâce, considéré comme l'objet de la faveur et de la protection de l'Éternel, bien que faible dans la foi et agité par la crainte;

3° la translation à Babylone et le retour de la captivité, point d'arrêt d'une haute importance entre la date de la prophétie et la venue du Christ; gage et figure tout à la fois des voies futures de l'Éternel à l'égard de son peuple, soit comme punition, soit comme délivrance;

4° la venue du Messie, description détaillée de celui qui devait venir retirer son peuple non seulement d'une ruine éternelle, mais encore de sa misère présente, pour l'introduire dans une ère de glorieuse liberté;

5° caractère de la nouvelle condition de l'Église, ou l'économie évangélique considérée, non dans ses éléments, mais dans son ensemble, et bien moins en elle-même que dans son contraste avec l'économie temporaire qu'elle devait remplacer; c'est-à-dire que le prophète décrit souvent cette économie, comme on décrit le beau ciel de l'Italie, en faisant abstraction des nuages et des pluies qui le rembrunissent quelquefois, ou comme on célèbre l'illustration d'un héros, en passant sous silence le temps de sa vie où rien encore ne l'avait rendu digne d'attention.

2273. Puis, ce qui demeure certain et ce qui fait des prophéties d'Ésaïe un des livres de l'Écriture les plus propres à l'édification, c'est que l'Évangile, la bonne nouvelle du salut, y est annoncé aussi clairement que par la bouche des apôtres, bien qu'habituellement en termes figurés. Dieu veuille inciter mes lecteurs à méditer fréquemment cette portion de la sainte Parole, et qu'il daigne leur en donner lui-même la pleine intelligence pour le salut de leur âme et pour sa gloire! Amen!


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