Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LE PROPHÈTE MICHÉE.

CLXX. — Censures, menaces et promesses. Prophéties relatives à la destruction de Samarie et de Jérusalem. Avènement du Messie.

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2274. (1: 1.) Michée de Morézeth ou de Marésa, prophète qu'on ne doit pas confondre avec le Michée fils de Jimla qui vivait au temps de Josaphat, c'est-à-dire environ deux siècles auparavant [1957], exerça son ministère sous les règnes de Jotham, d'Achaz et d'Ezéchias. Il entra donc en fonctions quelques années après Ésaïe, et, comme lui, il mourut du vivant d'Ezéchias. Pendant cette longue période, il fut sans doute fréquemment appelé par l'Éternel à reprocher au peuple juif ses iniquités et à lui adresser des prédications à la fois menaçantes et consolantes, comme nous venons d'en voir tant et de si belles dans le livre d'Ésaïe. Cependant, nous ne possédons de Michée qu'un petit nombre de pages, soit que ses écrits n'aient pas tous été conservés, soit que, par la volonté de Dieu, il n'ait réellement confié au parchemin que les prophéties dont nous allons nous occuper.

2275. L'Éternel voulut donc avoir simultanément en Juda deux témoins, ou deux organes de ses pensées envers son peuple. Il paraît seulement que Michée vécut surtout dans les campagnes du royaume de Juda, tandis qu'Ésaïe résidait à Jérusalem et avait un facile accès à la cour. Toujours est-il que l'un et l'autre eurent à protester successivement contre l'idolâtrie d'Achaz et de son temps, puis contre le formalisme et l'hypocrisie du peuple sous l'administration pieuse du sage Ezéchias. L'un et l'autre annoncèrent la prise de Samarie, événement dont ils furent témoins, et celle de Jérusalem, catastrophe que leurs yeux ne devaient pas voir. Tous deux enfin furent invités à prophétiser des temps meilleurs, notamment la grande délivrance que devait effectuer le Messie. La ressemblance que, dans sa brièveté, le livre de Michée présente avec celui d'Ésaïe, n'a donc rien qui puisse nous surprendre, et s'il offre des difficultés particulières, il est de fait cependant que celui qui entend Ésaïe, entend aussi Michée; cette considération doit abréger mon travail.

2276. On peut commodément diviser le livre de Michée en trois sections. La première, contenant les trois premiers chapitres, est une prédication toute relative aux circonstances des Israélites. La seconde, contenant les chapitres 4 et 5, est une prophétie messianique. La troisième, un discours prophétique fort semblable au premier.

2277. (2-7.) Samarie n'était pas encore aux mains de Salmanazar lorsque Michée prononça les censures et les menaces inscrites en tête de son livre, car il annonce ce jugement de Dieu comme une chose à venir, mais inévitable. Il dit ce qui attirera cette honte sur Samarie, à savoir son culte idolâtre. Elle s'est prostituée aux faux dieux; par ce motif, elle sera donnée en salaire aux peuples idolâtres dont Dieu se servira pour la châtier. Et pourtant les Israélites des dix tribus avaient généralement retenu le nom de l'Éternel, même devant les veaux d'or! La grossière idolâtrie n’est donc pas la seule que Dieu réprouve.

2278. À l'occasion de Samarie, le prophète nomme Jérusalem, faisant entrevoir qu'une conformité de crime lui vaudrait une conformité de châtiment (5). Cette lugubre idée saisit l'âme de Michée, et, sous l'inspiration divine, elle fait dès ce moment tout le sujet du discours (8-16). La plaie ne s'arrêtera pas aux frontières de Samarie, mais elle frappera successivement les villes et les bourgades du royaume de Juda; le prophète voit déjà les plus vaillants guerriers s'enfuyant et se cachant dans le fond des cavernes (15) [1422]. On comprend après cela l'épouvante d'Ezéchias et de son peuple à l'approche des armées de Sanchérib; ils durent croire que la prophétie de Michée allait s'accomplir [2144].

2279. (2.) Tout ce mal, dit le prophète, aura pour cause les crimes des hommes de Juda. Comme les impies de nos jours, ils se divinisaient en quelque sorte, substituant à la puissance des principes moraux la force matérielle, ce que le prophète exprime en disant que leur bras était leur Dieu (1). C'est pourquoi l'injustice et la violence faisaient taire la majesté de la Loi (2, 8, 9). Ils auraient aussi voulu que les prophètes tinssent leur bouche close (6, 7); mais nonobstant sa longue patience, l'Éternel devait finir par châtier des hommes qui, sourds à la voix de ses ministres, étaient toujours prêts à écouter ceux qui flattaient leurs passions (11, 12). Cependant, telle est la miséricorde du Très-Haut, que tout n'est pas fini pour ce malheureux peuple. L'Éternel en rassemblera les restes comme un troupeau; ce troupeau, résidu selon l'élection de la grâce [2181], sera nombreux toutefois et il marchera précédé de son Roi, qui n'est autre que l'Éternel (13).

2280. (3.) En effet, ce ne sont pas ses princes qui délivreront Juda, car ils donnent eux-mêmes le branle à l'iniquité (1-4); ce ne sont pas davantage les prophètes mercenaires, qui ne cessent de lui dire des choses agréables, aussi longtemps qu'ils y voient un gagne-pain (5-8). Ah! bien loin que de tels conducteurs puissent mettre une nation à l'abri de la colère divine, ce sont eux qui la provoquent le plus par leurs prévarications (9-12).

2281. (4.) Cependant l'Éternel demeure fidèle à ses promesses. Michée, empruntant les propres paroles d'Ésaïe (2:1 -4), à moins que ce ne soit Ésaïe qui les ait copiées ou que le Saint-Esprit ne leur ait fourni à l'un et à l'autre les mêmes expressions, Michée, dis-je, annonce des temps meilleurs; temps de gloire, de paix et de sainteté pour les pauvres pécheurs, sous la houlette et le sceptre de Jéhovah (1-8). Il est vrai que le peuple d'Israël a sujet de s'effrayer, dit le prophète, car les habitants de Jérusalem seront chassés de cette ville, dont ils sont fiers, non sans raison, et le roi avec ses conseillers partagera leur sort. Oui, il est vrai qu'ils seront menés captifs à Babylone, mais c'est là qu'ils seront délivrés (9,10). La sainte Sion sera foulée aux pieds par les profanes; n'importe, les pensées de l'Éternel s'accompliront et Jérusalem retrouvera sa force (11-14).

2282. (5.) Mais qui donc sera le Libérateur? C'est l'Éternel, vient de dire le prophète; maintenant et sans qu'il y ait contradiction (1, 2), il ajoute que ce grand Libérateur sortira d'une des plus petites villes de Juda, savoir de Bethléhem [1218]. Ce sera donc un homme, un fils de Juda par David [2182], destiné à dominer en Israël [592]; toutefois il est d'une origine qui remonte à l'antiquité et aux temps éternels, car il est le Fils de Dieu (Prov. 8: 22-32). Jusqu'à ce qu'il soit manifesté, les enfants d'Israël, malgré leur retour de Babylone, seront dans un triste état; mais alors, celle qui n'enfantait point et qui doit enfanter (Es. 54: 1), lui donnera des frères, lesquels se joindront à Israël. Ce troupeau, conduit et gardé par le souverain Pasteur, trouvera sa paix en lui, et si l'Assyrie, le monde incrédule, médite sa perte, le Seigneur le protégera, mieux que ne le feraient beaucoup de pasteurs ou de princes (3-5). Quant au résidu selon l'élection de la grâce, il sera au milieu des peuples une bénédiction de l'Éternel, en annonçant de sa part le salut; car il ne faut pas oublier que l'Église se composa d'abord tout entière de Juifs. Puis, dans un autre sens, les restes d'Israël seront, pour le monde, une verge entre les mains de Dieu, ou, si l'on veut, Dieu châtiera les nations à cause des maux qu'elles auront fait endurer à son peuple (6-8). Quant à ce peuple lui-même, il n'aura plus besoin de chariots ni de villes fortes pour se défendre: après avoir répudié toute idolâtrie, il aura sa paix et sa force en son Libérateur. C'est ainsi que l'Éternel détruira tout ce qui faisait la confiance des mondains (9-14).

2283. Il y a, dans cette prophétie, un mélange de clartés et d'obscurités qui n'aura point échappé à mes lecteurs. Cela vient de ce qu'une portion seulement en est accomplie. Mais quelle que soit la manière dont le reste se réalisera, toujours est-il que c'est en Jésus-Christ et dans son œuvre de grâce que se trouve l'accomplissement; de sorte que tous ceux qui, dès à présent, s'attachent à lui par la foi, peuvent et doivent s'envisager comme héritiers de ces magnifiques promesses.

2284. (6, 7.) Mais pour que l'Israël selon la chair ne s'endormît peut-être au bruit flatteur des paroles de la miséricorde divine, le prophète en revient à l'état présent de la nation et aux maux qui menaçaient son impiété et ses désordres. L'Éternel a un procès avec son peuple (6: 1, 2). Que de délivrances il lui accorda jadis et de quelle ingratitude n'a-t-il pas été récompensé! (3-5.) Or, ce n'est ni par des oblations, ni par des sacrifices que s'expie le péché quand la foi ne les offre pas (6-8); rien d'ailleurs ne peut tenir lieu d'obéissance [1385]. Si donc Juda continue de marcher dans les voies de l'injustice et du mensonge, à la manière de la maison d'Homri et de son fils Achab, toutes les malédictions prononcées par Moïse auront leur cours, jusqu'à destruction entière de sa prospérité (9-16) [1031].

2285. (7.) Ainsi, la disette avec tous ses maux, et, ce qui est pire, l'éloignement des gens de bien, les trahisons les plus perfides, la vénalité des tribunaux, les divisions domestiques: tel est le sort qui attend le peuple prévaricateur! (1-6.) Mais il existe dans son sein un Israël selon l'Esprit, un résidu fidèle qui, à l'ouïe de ces menaces et s'exprimant par la bouche du prophète, proteste de la confiance qu'il ne laisse pas de mettre en Dieu son Sauveur. Il reconnaît la justice des châtiments de l'Éternel, il cherche en lui sa lumière, il attend de lui la délivrance et en même temps la condamnation de ses ennemis (7-10). À cause de ce peuple humble et croyant, Jérusalem sera restaurée, le pays de Canaan verra ses limites se reculer, les nations étrangères y accourront en foule, celles même qui avaient paru les plus hostiles à l'Éternel et à son peuple (11-13). Telles seront les merveilles de la puissance et de la grâce de Dieu envers ses rachetés, que les grands de la terre en seront confondus d'étonnement et s'humilieront devant Dieu (14-17).

2286. (18-20.) Cette magnifique prophétie se termine par des paroles sublimes, où le pardon des péchés nous est présenté sous une image bien frappante: «Qui est un Dieu comme toi, pardonnant le crime et passant le péché au résidu de ton héritage? Il ne garde pas sa colère à jamais, car il se plaît à la clémence. De nouveau, il prendra pitié de nous, il mettra nos crimes sous ses pieds, et tu jetteras au fond de la mer nos péchés. Tu montreras à Jacob ta fidélité et à Abraham la grâce que tu as jurée à nos pères dès les jours d'autrefois.» Rapprochées de plusieurs endroits pareils du prophète Ésaïe, ces paroles sont pleines de consolation pour l'âme du pécheur qui se repent et qui croit (Ésaïe 43: 25; 44: 22).


LE PROPHÈTE NAHUM.

CLXXI. — Prophétie contre Ninive.


2287. (1: 1.) Ninive, la plus ancienne des grandes cités où des hommes en foule aient concentré leurs forces et leur activité, leurs richesses et leurs vices, leurs joies mondaines et leurs misères; Ninive, à qui Jonas avait prêché la repentance environ cent vingt ans avant le règne d'Ezéchias; Ninive, plus puissante et aussi coupable que la fameuse Babylone, existait encore pleine de splendeur au temps de Michée et d'Ésaïe. C'est de là qu'était venu Tiglath-Pilnéser, pour châtier Achaz [2095], là que Sanchérib adorait Nisroch son Dieu et qu'il périt sous le fer de ses deux fils [2146]. Ce fut, à ce qu'on croit généralement, peu après la mort de ce prince, par conséquent sous Ezéchias et pendant qu'Osée, Ésaïe et Michée exerçaient encore leur ministère, que Nahum dut prophétiser la ruine de cette superbe métropole, ruine toutefois qui eut lieu seulement un siècle plus tard.

2288. Elkosch, d'où Nahum tirait son origine, était, selon toute apparence, un petit village situé vers le nord du pays de Canaan. Ce prophète appartenait donc par sa naissance au royaume des dix tribus, mais par sa foi il était du royaume de David: les calamités de son pays l'avaient sans doute chassé à Jérusalem, où l'on pense qu'il prononça et écrivit sa prophétie.

2289. Elle s'ouvre par une déclaration solennelle de la justice vengeresse du Très-Haut, justice d'autant plus redoutable qu'elle s'associe à une patience plus étonnante encore (2-8). Mais si l'Éternel est plein de bonté pour ceux qui se confient en lui, sa colère s'avance, telle que les flots de la mer, contre les hommes qui l'irritent; c'est ainsi qu'il va porter la ruine dans le lieu où Ninive est.assise et envelopper de ténèbres les fiers Assyriens.

2290. Après cela, Nahum fait allusion aux projets de conquête de Sanchérib et à la destruction subite de son armée sous les murs de Jérusalem (9-14). S'adressant à Juda, dont le nom est sous-entendu, il lui dit de la part de l'Éternel: «Si je t'ai humilié, je ne t'humilierai plus. Et maintenant, je veux briser son joug de dessus ta tête et rompre tes fers» (12, 13). Puis il revient au roi de Ninive, en lui annonçant sa ruine et celle de ses idoles (14). Aux yeux du prophète, l'œuvre de destruction est autant qu'effectuée, et c'est avec des transports de joie qu'il voit les messagers qui viendront l'annoncer à Juda(15).

2291. (2, 3.) Puis se tournant de nouveau vers Ninive, qu'il n'a pas encore nommée, il décrit la catastrophe avec des détails dont aucun n'a manqué de s'accomplir. Comme si le Saint-Esprit eût par avance rendu Nahum spectateur de ces scènes effrayantes, le prophète voit les vains efforts que Ninive fera pour se défendre; il voit l'armée des Mèdes, secondée par les Babyloniens, s'approcher avec ses boucliers resplendissants, ses chefs vêtus de rouge et les faux de ses chariots de guerre étincelant au soleil. Dans les rues de la ville, tout est en confusion; le roi se confie en ses soldats, mais les machines battent la place, les portes du fleuve s'ouvrent, le palais est renversé, Ninive est abandonnée par ses défenseurs, et ses immenses richesses tombent entre les mains des ennemis. Tel sera le châtiment de ses extorsions et de ses idolâtries; l'orgueilleuse cité sera comme une courtisane somptueusement parée, qui se verrait dépouillée de ses vêtements.

2292. Et qu'on ne regarde pas la chose comme impossible. No-Ammon, la Thèbes aux cent portes, malgré ses nombreuses armées, malgré ses immenses ressources et la force de sa position sur le Nil, dont les inondations sont semblables à une mer, No-Ammon avait dû succomber sous les coups des exécuteurs du courroux céleste; ainsi en sera-t-il de la capitale des Assyriens (3: 8-11). Or, ce qu'il y aura de frappant et de divin dans la punition, c'est la prodigieuse facilité avec laquelle on la verra s'exécuter. Les murailles si épaisses de la ville tomberont comme des figues mûres: les guerriers ne montreront pas plus de courage que des femmes; les précautions les mieux entendues ne serviront qu'à précipiter la ruine. Cette ruine sera perpétuelle, irréparable, bien qu'incomplète au premier moment; Ninive ne se relèvera point, et sa condition sera l'image effrayante du sort qui attend les rebelles dans la grande journée de l'Éternel. Enfin, son histoire tout entière atteste que, si Dieu permet à ses adversaires de manier longtemps le fouet contre son peuple, il ne lui faut qu'un moment pour leur faire sentir, à leur tour, la force de son bras et pour délivrer les siens de leur oppression (12-19).


II CHRONIQUES. — II ROIS. (Fin.)

CLXXII. — Décadence et fin du royaume de Juda.


2293. (2 Chr. 33: 1-10; 2 Rois 21: 1-18.) Nous avons vu [2152, 2153] que le pieux et imprudent Ezéchias mourut l'an 698, laissant le trône à son fils. Il s'appelait Manassé. Le règne de ce dernier prince fut le plus long de tous, car il dura cinquante-cinq ans. Il fut aussi le plus déplorable par le mal que Manassé fit à son peuple et par les châtiments que son impiété valut à Israël. Il faut bien se redire que, si Ezéchias avait pu bannir de ses États l'idolâtrie ouverte et publique, il n'avait pas été en son pouvoir de changer les cœurs. Aussi voyons-nous par les prophètes ses contemporains, notamment par Ésaïe, que, sous le sceptre de ce monarque, le formalisme et l'hypocrisie avaient, pour beaucoup de gens, remplacé le culte des faux dieux. Mais un peuple hypocrite et formaliste passe facilement des apparences de la piété aux excès de la superstition et du matérialisme. Aussi Manassé n'eut-il pas de peine à détruire tout le bien que son père avait fait.

2294. Par son influence, l'idolâtrie prit en Juda une extension et une gravité qu'elle n'y avait jamais eue, sauf peut-être sous la domination d'Achaz son aïeul. Non content d'adorer Bahal, Moloch, les divinités les plus impures et les plus abominables des nations, en leur érigeant partout des autels, Manassé consacra le temple même de Salomon au culte des faux dieux; et comme il se trouva sans doute bon nombre de personnes qui voulaient demeurer fidèles à Jéhovah, il les persécuta jusqu'au sang et en fit mourir une multitude. C'est pourquoi les prophètes de l'Éternel lui annoncèrent que Jérusalem ne tarderait pas à subir le même sort que Samarie, dont Salmanazar s'était emparé douze ans avant la naissance de Manassé.

2295. (2Chron. 33: 10-20.) Celui-ci, méprisant tous les avertissements du Seigneur, vit de bien près l'accomplissement des menaces; mais l'Éternel voulait faire de ce grand coupable un illustre monument de son incompréhensible miséricorde. Les Assyriens ayant porté leurs armes contre Jérusalem, Manassé fut fait prisonnier et emmené captif à Babylone. Dans son angoisse, il retourna de tout son cœur au Dieu de ses pères, et, sans que nous sachions comment, l'Éternel lui fit recouvrer la liberté, tenant ainsi la parole qu'il avait prononcée par Salomon (1 Rois 8: 47-50). De retour à Jérusalem, Manassé confessa publiquement Jéhovah pour son Dieu; le vrai culte fut restauré; l'on se remit à offrir des sacrifices selon la Loi; mais le roi ne put obtenir la destruction des hauts lieux, car il est plus facile de propager le mal par de mauvais exemples que de le réparer par une tardive conversion. Aussi, lorsque Manassé mourut, âgé de soixante sept ans, il ne fut pas difficile à son méchant fils Amon de rétablir l'idolâtrie: hélas ! ils sont rares les enfants qui s'instruisent par les fautes de leurs pères!

2296. (2 Chron. 33: 21-25; 2 Rois 21: 19-26.) Amon avait vingt-deux ans lorsqu'il monta sur le trône, et il n'y fut que peu de temps. Mais pendant les deux années qu'il régna, il déploya pour le mal une telle activité, qu'au moment de sa mort, le royaume de Juda, qui avait pu renoncer aux idoles mais non se convertir par obéissance à Manassé, se retrouva dans le même état qu'aux plus mauvais jours de ce prince. Par un juste jugement de l'Éternel, Amon périt victime d'un assassinat. Il eut pour successeur un enfant qui n'était encore que dans sa huitième année, mais cet enfant avait été annoncé par son nom plus de trois cents ans auparavant (1 Rois 13: 2). Son règne fut pour Jérusalem comme ces instants calmes et lucides que la grâce de Dieu accorde quelquefois à un mourant, pour qu'il puisse recueillir son âme avant que vienne la fin.

2297. (2 Chron. 34: 1-7; 2 Rois 22.) Josias, c'était le nom du nouveau prince, régna trente et un ans. Par une bénédiction toute particulière du Seigneur, il montra pour le service de l'Éternel le même zèle que son bisaïeul Ezéchias. Dès l'âge de quinze ans, il fut converti du cœur au Dieu de David, et, quatre ans après, il se mit à purifier Juda et Jérusalem de leur idolâtrie (2 Rois 23: 4-20). Ce ne fut pas l'affaire d'un jour; il était depuis dix-sept ans sur le trône sans avoir pu rétablir encore la maison de l'Éternel dans son ancien lustre (2 Chron. 34: 8-13). Il s'y prit à peu près de la même manière que ses prédécesseurs [1602, 2035, 2139], sauf que, par l'effet du malheur des temps, il disposait de moyens infiniment moindres.

2298. (2 Chron. 34: 14-33.) Une circonstance qui rendit cette opération fort émouvante, c'est qu'en fouillant les édifices sacrés pour en faire disparaître tout ce qui avait pu servir à l'idolâtrie, on trouva quelque part le livre de la Loi de l'Éternel; c'est-à-dire, pense-t-on, les livres écrits par Moïse lui-même. Cachés, on ne sait quand, par quelque sacrificateur qui voulut les soustraire aux insultes de l'impiété, l'on ne connaissait plus guère que de tradition leurs enseignements. Aussi, lorsque Josias en eut ouï la lecture, surtout, je pense, celle des prophéties qui annonçaient les malheurs d'Israël [1030-1032], il déchira ses vêtements; et, bien qu'il lui eût été permis de croire que ces menaces ne le concernaient pas, il fit consulter une sainte femme nommée Hulda, prophétesse de l'Éternel. Celle-ci l'ayant rassuré de la part du Seigneur, du moins quant à lui personnellement, le pieux Josias n'en mit que plus d'ardeur à faire instruire son peuple dans la Parole de Dieu, retrouvée d'une manière si inattendue et en temps si opportun.

2299. (2 Chron. 35: 1-19; 2 Rois 23: 21-29.) Préparés de la sorte, Josias et son peuple célébrèrent une Pâque comme il n'y en avait pas eu depuis le temps de Samuel, sinon par le nombre de ceux qui y participèrent ou par celui des sacrifices, du moins par la piété et le vrai retour à Dieu dont une multitude d'Israélites firent preuve. En sorte qu'on vit, à cette époque, un réveil religieux tout semblable à celui de Mitspa [1332,1333]. Combien il est doux de penser que, si près de la catastrophe qui attendait Jérusalem, il y eut ainsi beaucoup d'âmes que le Seigneur mit à part et qu'il introduisit dans le royaume qui ne peut être ébranlé.

2300. (2 Chron. 35: 20-27; 2 Rois 23: 29, 30.) Quant à Josias, il mourut treize ans après, d'une mort qu'on serait tenté d'appeler lamentable; mais c'est une question de savoir si Josias tomba victime d'une coupable imprudence, ou s'il mourut à la place où le devoir l'appelait. Néco, pharaon d'Égypte, voulant porter la guerre sur l’Euphrate, dut emprunter le passage au travers des terres de Juda. Josias résolut de s'y opposer, comme il en avait le droit, comme peut-être il y était tenu par ses traités avec le roi d'Assyrie. Quoi qu'il en soit, il livra bataille au pharaon Néco et il fut mortellement blessé. On put néanmoins le ramener à Jérusalem, où il expira dans les bras de Dieu, sans aucun doute, puisque la prophétesse Hulda lui avait dit qu'il serait recueilli en paix vers ses pères.

2301. Josias n'avait que trente-huit ou trente-neuf ans quand il mourut. Bien que ses réformes n'eussent pas dû plaire à tout le monde, le peuple de Juda sentit vivement sa perte. Un prophète dont nous parcourrons bientôt les écrits, Jérémie, célébra sa mort dans un cantique funèbre, sainte lamentation qui ne nous a pas été conservée; mais longtemps après la mort de Josias, les Juifs fidèles la chantaient encore, à l'honneur du dernier de leurs rois en qui l'on eût vu revivre l'esprit de David, de Salomon, de Josaphat et d'Ezéchias. Avec lui périrent la gloire et le bonheur de Jérusalem; après lui vint cette suite de princes enfants ou du moins très jeunes, qu'Ésaïe avait prédits comme une calamité et qui devaient voir la couronne s'échapper de leurs mains débiles et souillées (Es. 3: 4,12).

2302. (2 Chron. 36: 1-21; 2 Rois 23: 31-37; 24, 25.) Josias, mort l’an 610 ou 609, eut pour successeur son fils Jéoacuaz, qui ne régna que trois mois, par la raison que Pharaon Néco, fier de sa victoire, entra bientôt dans Jérusalem et déposa le nouveau roi. Il le mena mourir en Égypte, après l'avoir remplacé par Eliacin, un de ses frères aînés. Le roi d'Égypte, traitant le fils de Josias comme un maître ses esclaves, changea son nom contre celui de Jéhojackim, et il partit, non sans avoir levé sur le pays d'énormes contributions.

2303. Ce n'était pas d'Égypte toutefois que devaient venir les châtiments mérités par le peuple de Dieu. Nébucadnetzar, roi de Babylone, marchant à la poursuite des Égyptiens, fit sentir au royaume de Juda la puissance de son bras. Jéhojackim devint son tributaire l'an 606, et Nébucadnetzar repartit emmenant pour otages un certain nombre de jeunes gens de distinction; parmi eux Daniel, qui eut plus tard un si beau ministère. Cependant Jéhojackim ayant follement refusé de payer au roi de Babylone le tribut qu'il lui devait, Nébucadnetzar s'empara de sa personne et le fit conduire sur les bords de l'Euphrate. Ce prince idolâtre et corrompu avait régné onze ans. Il eut pour successeur son fils Jéhojackin, appelé aussi Jéconias et, par dérision, Conias. Au bout de trois mois, Nébucadnetzar déposa ce jeune prince, auquel il ne se fiait pas mieux qu'à son père; il le transporta à Babylone, avec un nombre considérable de Juifs des plus riches, des plus industrieux et des plus vaillants, sans parler du sacrificateur Ézéchiel; il dépouilla le temple de ses vases sacrés et enleva les trésors de la maison royale, comme Ésaïe l'avait prédit à Ezéchias (2 Rois 20: 16-18): ce devait être l'an 600 avant l'ère chrétienne.

2304. Sur ce royaume appauvri et humilié, Nébucadnetzar établit pour roi un homme jeune encore, qui ne manquait pas d'énergie, mais qui manquait de piété et fut le dernier roi de Juda: il s'appelait Sédécias. Fils de Josias, frère par conséquent de Jéhoachaz et de Jéhojackim, il n'avait qu'une dizaine d'années à la mort de son père et s'appelait alors Nattanja. C'est le roi de Babylone qui lui avait imposé son nouveau nom comme à un vassal. S'il est dit qu'il était frère de Jéhojackim (10), au lieu de dire oncle, c'est une faute de copiste, ou simplement parce que le mot de frère signifie quelquefois, dans la Bible, un très proche parent; nous l'avons vu notamment pour exprimer la relation d'oncle et de neveu (271, 2030).

2305. Le règne de Sédécias dura onze ans, comme celui de son frère Jéhojackim; mais loin que les châtiments qui avaient pesé sur Juda depuis la mort du pieux Josias eussent corrigé les cœurs, ce malheureux peuple s'éloignait toujours plus de l'Éternel, malgré les réprimandes des prophètes, surtout de Jérémie, qui, nous le verrons, ne cessa de les avertir avec larmes de la part du Seigneur. Dans son aveuglement et en dépit des conseils du grand prophète que nous venons de nommer, Sédécias se révolta contre le roi de Babylone, comme s'il avait pu, privé du secours de Dieu, résister à un conquérant tel que Nébucadnetzar. Celui-ci donc, pour en finir avec une ville dès longtemps odieuse aux idolâtres, à cause du culte qu'on y avait généralement rendu au vrai Dieu, attaqua Sédécias la neuvième année de son règne, soit l'an 590, et la tint assiégée pendant deux ans. Menacé par la famine qui régnait à l'intérieur et par l'armée qui investissait Jérusalem, Sédécias parvint à s'enfuir; mais on l'atteignit dans les plaines de Jéricho, où il fut traduit devant une sorte de cour martiale. Nébucadnetzar fit mourir ses fils en sa présence; on lui creva les yeux, et, après avoir été lié comme un malfaiteur, il fut emmené à Babylone, où se trouvaient déjà son neveu Jéconias et son frère Jéhojackim.

2306. Peu après, Jérusalem fut emportée d'assaut et livrée aux flammes; le magnifique temple de Salomon, les palais splendides des rois de Juda, tout fut détruit, à l'exception de l'or et de l'airain qu'on put enlever du temple et qui furent emmenés à Babylone. On y transféra pareillement la plupart des Juifs qui avaient échappé au fer de l'ennemi et l'on fit mourir un grand nombre des principaux, même après la prise de la ville. Par la volonté de Nébucadnetzar, il ne resta dans le pays que les gens les plus pauvres, dont le lot fut de cultiver la terre au profit de ceux qui venaient de la conquérir et qui s'y établirent en grand nombre. Ce fut l'an 588 avant l'ère chrétienne. Quatre cents ans s'étaient écoulés depuis que l'Éternel avait prédit à Salomon lui-même cette terrible catastrophe (1 Rois 9: 6-9).

2307. Quand on pense à ce que furent dans l'origine et Jérusalem et le peuple de Juda, quand on se souvient de l'affection particulière que l'Éternel avait constamment témoignée à Abraham et à sa postérité, quand on considère la fidélité même avec laquelle Dieu avait tenu les promesses faites à David et comment il avait, durant quatre cent trente ans, maintenu la couronne dans sa famille, on n'en est que plus frappé du coup par lequel toute cette gloire s'évanouit en un moment, et de manière à ne pouvoir se relever que par un miracle! De tous les jugements de Dieu, il n'y en a pas eu de plus solennels, ni de plus propres à faire réfléchir ceux qui, environnés des grâces de Dieu, les foulent aux pieds à la manière du peuple juif.

2308. Admirez, je vous prie, par-dessus tout cela, les voies de la miséricorde divine. Non seulement l'Éternel avait d'avance averti le peuple juif des maux qui menaçaient son incrédulité, mais encore il se plut à lui multiplier sa parole en même temps que la désolation s'augmentait. Habacuc, Sophonie, Abdias, Jérémie, Ézéchiel, Daniel, tels furent les prophètes de cette époque; nous devons maintenant étudier leurs saints écrits.


LE PROPHÈTE HABACUC.

CLXXIII. — Oracle relatif aux Chaldéens.


2309. Bien que le nom de Chaldéen soit d'une antiquité très reculée (Gen. 11: 28; Job 1: 17), ce n’est qu'au temps des derniers rois de Juda qu'il commence à occuper une place dans l'histoire sainte, mais cette place est du premier moment très considérable. On le rencontre dans l'oracle d'Ésaïe contre l'opulente ville de Tyr (Es. 23: 13), et dans ceux où ce prophète annonce la chute de Babylone, devenue la métropole des Chaldéens (Es. 13, 14, 45, 46). Ce fut après cela que ce peuple parut en Judée, sous la conduite de l'illustre Nébucadnetzar (2 Rois 24: 2; 25: 4, 10, 26).

2310. Les Chaldéens, distincts des Assyriens et des Babyloniens, avec lesquels toutefois ils ne formèrent, semble-t-il, qu'une seule nation, conquirent sur eux la suprématie et leur donnèrent des rois, lorsque le royaume de Juda, petit, mais fort par l'Éternel s'il l'eût voulu, tombait en dissolution. Ce fut alors aussi, selon toute apparence, que Habacuc, sur la personne duquel la Bible ne nous donne aucun renseignement, prophétisa l'invasion des armées chaldéennes.

2311. Sa prophétie a des obscurités qui résultent souvent de nos traductions, mais aussi du style de l'écrivain sacré. Cela vient encore de ce qu'il passe alternativement de la description poétique et prophétique des faits, à l'expression de ses propres sentiments et des agitations de son âme devant ce terrible jugement de Dieu. Le poème se divise en deux chants, division indiquée par le prophète lui-même: l'un est l'oracle proprement dit et remplit deux chapitres; l'autre est un hymne ou une prière d'Habacuc. L'oracle se subdivise en deux portions. C'est d'abord un tableau très animé de l'invasion des Chaldéens, puis la proclamation de la malédiction divine sur ce peuple orgueilleux, tyrannique et plein d'idolâtrie. Les chapitres correspondent à cette subdivision.

2312. (1.) Nous devrions peut-être nous en tenir à ces indications générales, en laissant à nos lecteurs le soin d'une étude plus approfondie. Cependant quelques mots de plus la leur faciliteront. Nous leur ferons donc remarquer que le prophète commence par se plaindre de l'iniquité qui prévalait au sein du royaume de Juda (1-4). Pour punition, voici les Chaldéens, nation farouche, impétueuse; peuple de conquérants et de spoliateurs; cavalerie aussi légère que la panthère, aussi redoutable que le loup qui rôde le soir; rien ne résiste à ces hordes armées, et de leur force elles font leur dieu [2279], bien que l'Éternel soit Dieu lui seul (5-11). Son peuple donc ne saurait périr. Toujours est-il que le Chaldéen est une verge dont il se sert pour châtier Israël et toutes les nations indistinctement, car où que soit le mal, les yeux de l'Éternel le détestent (12). Le Chaldéen est semblable au pécheur qui jette le filet et qui amasse tout ce que Dieu y fait venir de poissons; mais ce pêcheur-là ne songe pas à glorifier l'Éternel, car il encense à ses filets, c'est-à-dire qu'il se croit d'autant plus Dieu qu'il sait joindre à la force une grande habileté: de nos jours, hélas! que de Chaldéens encore! (13-17.)

2313. (2.) Dans la douleur que lui cause cet oracle, le prophète se place, par la pensée, sur le sommet d'une tour, comme un guet plein d'anxiété, attendant les paroles que le Seigneur mettra sur ses lèvres pour sa propre consolation et pour celle des fidèles (1). Le guet voit, et il écrit; il écrit qu'il y a une différence entre le méchant et le juste. L'un s'enfle et manque de droiture; tel est le Chaldéen, et il finira par périr. L'autre, étant juste par la foi, possède une vie qui ne saurait lui être enlevée (2, 3, 4). Doctrine admirable, dont les premiers traits et les développements se trouvent ailleurs: ceux-là dans l'histoire d'Abraham [291], ceux-ci en des livres de l'Écriture où nous l'étudierons plus à fond (Rom. 1: 17; Gal. 3: 11; Hébr. 10: 38). Le méchant s'enivre de ses succès; ainsi fait le Chaldéen (5, 6). Il engloutit les peuples; mais les peuples diront sur lui: Malheur! malheur! cinq fois malheur! (6, 9, 12, 15, 19.) Malheur à cause de ses déprédations; malheur à cause de la confiance qu'il place en ses triomphes; malheur parce qu'il travaille pour lui-même et non pour la gloire de l'Éternel, laquelle toutefois doit couvrir toute la terre (14), comme l'avait dit Ésaïe (11: 9); malheur à raison même des maux dont il abreuve les nations; malheur enfin, car il adore des idoles muettes, et de cette manière il méprise celui devant qui le monde entier doit faire silence.

2314. (3.) Relevé dans son âme par la vision qu'il vient de décrire, le prophète exprime la confiance parfaite qu'il met en la parole de son Dieu, quel que soit le temps qu'il choisisse pour la réaliser (2); puis il célèbre, par une sublime poésie, la majesté du Très-Haut venant exercer à la fois la justice et la miséricorde (3-16). Il termine par une profession de foi qui doit être dans la bouche de tous les fidèles: «Mais pour moi, je me réjouirai en Jéhovah; je tressaillirai de joie au Dieu de mon salut. Jéhovah, le Seigneur, est ma force; il rend mes pieds semblables à ceux des biches et il me fait marcher dans les lieux élevés» (18, 17).


LE PROPHÈTE SOPHONIE.

CLXXIV. — Prophéties relatives à Juda.


2315. (1:1). Sophonie descendait en quatrième génération d'un Ezéchias qui peut très bien être le roi connu sous ce nom; car, à partir de la naissance de ce prince jusqu'au temps où Sophonie prophétisa, on peut compter un siècle environ. Cette circonstance est du reste assez peu importante, si ce n'est pour nous montrer de nouveau que Dieu choisissait ses prophètes dans toutes les classes de la société; puis, ce serait la seconde fois que l'Éternel ferait annoncer par un descendant de David les maux qui menaçaient sa maison (1 Rois 8: 46).

2316. Ce fut sous le long et beau règne de Josias que prophétisa Sophonie. La date précise n'en est pas indiquée, mais il est assez évident que ce dut être avant la prise de Ninive en 625, et après les réformes commencées par Josias, l'an 635. Il y avait donc encore une quarantaine d'années jusqu'à l'invasion de Nébucadnetzar et à la destruction de Jérusalem, événement que rien alors ne présageait. Samarie, il est vrai, était tombée, comme Dieu l'avait dit; mais tout un siècle s'était écoulé dès lors; la piété d'Ezéchias avait raffermi le trône de David; si Manassé en compromit un moment la sûreté [2295], il était rentré plus tard dans la bonne voie, et maintenant le règne de Josias, son petit-fils, semblait promettre un long avenir de bénédictions.

2317. Eh bien, ce fut à cette époque même que l'Éternel voulut renouveler ses menaces contre le royaume de Juda, comme pour faire voir avec la plus grande clarté que le châtiment viendrait de sa main, et que les événements les plus improbables lui sont connus de tout temps. Il n'est pas besoin que les causes soient en action pour qu'il en discerne les effets. Sous le pieux règne de Josias il voyait déjà l'impiété de Jéhoachaz, de Jéhojackim, de Jéhojackin et de Sédécias, ses successeurs. Il faut dire aussi que ce grand Dieu ne se laisse pas, comme nous, séduire par les apparences. Quoi de plus beau, à première vue, que le zèle de Josias pour le rétablissement du culte et le zèle non moins grand de son peuple! Mais sous cette écorce, il faudrait savoir, quant au peuple du moins, ce que ce zèle avait de sincère et de vraiment unanime. Or la prophétie de Sophonie, complétant l'histoire [2297-2299], nous met en état de nous former une opinion là-dessus.

2318. Il est vrai que, prophète de l'Éternel, et racontant d'avance la catastrophe, il peut avoir décrit l'impiété qui régnerait au moment de cette crise, plutôt que l'état où l'on se trouvait à l'époque de la prédiction; mais non, tout porte à croire que, du temps même de Josias, il y avait encore beaucoup d'idolâtrie secrète, et, avec l'idolâtrie, les désordres qui l'accompagnent nécessairement; en sorte que si le châtiment sommeillait, il ne pouvait pas ne point se réveiller.

2319. L'oracle de Sophonie se comprend d'ailleurs sans trop de peine, surtout quand on le rapproche des prophéties précédentes de Michée, d'Ésaïe, de Joël, dont il est une sorte de résumé. Menaces contre Juda et Jérusalem (1); exhortations à se convertir (2); promesses de délivrances, soit prochaines, soit lointaines; allusions, par conséquent, aux temps du Messie (3): tel est en substance ce discours prophétique. Et puis, si je ne m'y arrête pas davantage, c'est que nous allons retrouver tout ceci, mais avec plus d'abondance, dans les écrits de Jérémie, contemporain et collègue de Sophonie. Auparavant toutefois, nous avons à dire quelques mots sur le prophète Abdias.


CLXXV. — Prophétie relative à l'Idumée.


2320. On s'accorde généralement à voir dans Abdias un contemporain de Jérémie et par conséquent un témoin des maux qui désolèrent le royaume de Juda; mais prononça-t-il sa prophétie avant ou après la destruction de Jérusalem? Il en parle, semble-t-il, comme d'un fait accompli; cependant, il se peut qu'à la manière des prophètes, il emploie ici le passé prophétique, racontant l'avenir comme le Saint-Esprit seul peut le faire. Dans tous les cas, la chose importe peu, puisque la prophétie d'Abdias a pour objet, non le royaume de Juda, mais les plus anciens des ennemis d'Israël, les descendants d'Esaü.

2321. La prophétie se divise en trois strophes: l'orgueil des Iduméens sera abaissé (1-9); la vraie cause de leur ruine sera la haine constante qu'ils eurent pour leurs frères issus de Jacob (10-16); mais tandis qu'Edom sera détruit à toujours, Israël se verra rétabli dans sa première gloire et il dominera sur l'Idumée (17-21). — Il est peu de prophéties qui se soient accomplies d'une manière plus exacte.

2322. Après cela, nous répétons qu’il n'est pas de peuple qu'on puisse envisager mieux que les Iduméens, comme le type des ennemis de Dieu et des persécuteurs de son Église [2214]. Par ce côté, non seulement la prophétie d'Abdias renfermerait une instruction sérieuse pour son temps, mais encore elle serait aussi messianique, bien qu'indirectement, puisque c'est au Seigneur Jésus qu'appartient le jugement des Iduméens de tous les siècles et de tous les pays, comme aussi la restauration finale d'Israël. »


LE PROPHÈTE JÉRÉMIE.

CLXXVI. — Vocation et premiers travaux du prophète.


2323. Le livre du prophète Jérémie est un des plus faciles à comprendre, vu la simplicité du style et l'évidence des oracles qu'il renferme; c'est aussi l'un des plus intéressants par les faits en grand nombre qui nous y sont rapportés et qui complètent l'histoire des derniers rois de Juda. Il offre cependant certaines difficultés, résultant de ce que les fragments dont se compose le livre n'ont pas été rangés dans leur ordre chronologique. Au milieu d'une vie aussi agitée que le fut la sienne, Jérémie ne put songer à faire lui-même le recueil de ses écrits. Plus tard, on les réunit et on les copia sans doute au fur et à mesure qu'on les trouva; non pas dans une confusion complète, comme vous le verrez, mais avec de fréquents intervertissements. Pour une personne qui lit Jérémie chapitre par chapitre, cette circonstance ne nuit nullement à l'édification; mais si, voulant le lire tout d'un trait, on n'est pas averti de cette espèce de désordre, on a quelquefois de la peine à se retrouver, à moins qu'on ne connaisse parfaitement l'histoire de cette époque [2297-2306]. Ici, nous nous proposons de rétablir la suite chronologique, autant du moins que la chose nous sera possible. Souvent la date est indiquée dans le livre même; quelquefois, on est réduit à la fixer par conjectures.

2324. (1.) Jérémie appartenait à la famille d'Aaron, et il habitait une ville assignée jadis aux sacrificateurs (Jos. 21: 18) [1768]. Il était jeune encore, jeune surtout pour une telle charge, lorsqu'il reçut l'ordre de faire entendre au peuple de Juda la parole de l'Éternel. Ce fut la treizième année de Josias, c'est-à-dire vers l'an 629, alors que ce prince était occupé à purger le pays du culte des idoles. Jérémie prolongea son ministère jusqu'à la destruction de Jérusalem et par delà; il l'exerça donc pendant de longues et douloureuses années (1-3).

2325. Sa vocation n'eut pas l'éclat de celle d'un Moïse ou d'un Ésaïe, mais elle offre quelque chose d'analogue à la première dans la résistance momentanée que fit le jeune sacrificateur. Il ne lui semblait pas qu'il fût propre à de telles fonctions; car l'homme a la passion de vouloir autrement que Dieu. Mais il lui fut dit de se mettre à l'œuvre sans aucune crainte, bien qu'il eût de sinistres messages à délivrer (4-10). Puis, deux visions lui montrèrent, l’une que les menaces dont il serait l'organe se réaliseraient prochainement, car l'amandier est le premier arbre qui fleurisse au printemps; l'autre, que le mal résolu contre le royaume de Juda viendrait du septentrion (11-16). Cependant, Dieu ne laissa pas ignorer à son prophète les rudes persécutions dont il serait la victime, mais il le fortifia par ces belles paroles: «Ils combattront contre toi, mais ils ne seront pas plus forts que toi; car je suis avec toi pour te délivrer, dit l'Éternel» (17-19).

2326 (2, 3: 1-6). Jérémie, secondant par ses prédications les efforts que faisait Josias pour ramener Israël aux pieds du Seigneur, reproche à ce peuple, avec une admirable véhémence, et son idolâtrie et son ingratitude. Comme dans les autres prophètes, le Saint-Esprit représente Israël sous l'image d'une épouse qui, au lieu de demeurer fidèle à son époux, méprise l'affection qu'il lui porte, oublie ses bienfaits et répudie la gloire dont son nom l'avait entourée [2108, 2239]. Ceux même qui auraient dû être les gardiens de la foi l'ont reniée (2: 8); les païens conservent leurs divinités, mieux qu'Israël n'a conservé son Dieu (11). Israël! il a fait comme quelqu'un qui se détournerait d'une belle fontaine pour chercher de l'eau dans une citerne percée! (13.) Aussi trouvera-t-il sa punition dans son crime même, et le moment est venu où rien ne saurait effacer l'iniquité dont il s'est rendu coupable (19, 22.) Il est d'autant plus nécessaire de méditer ce discours, que nous y voyons les maux auxquels s'exposent aujourd'hui, comme dans les siècles passés, tant de gens et de peuples qui, rassasiés des grâces de Dieu, ne le servent pas mieux que ne l'avaient fait les Juifs sous plusieurs de leurs lois. Remarquez surtout comment le Seigneur parle ici de l'abus qu'on fait de ses bontés. Parce qu'il supporte et qu'il bénit, on en prend occasion de concevoir le crime et de le consommer! (3:4, 5.)

2327. (3: 6-25; 4.) Ce qui est dit au verset 10 du chapitre 3 fait présumer que cette prédication fut prononcée après la Pâque célébrée sous Josias, attendu que Jérémie parle de Juda comme étant revenu à l'Éternel; mais pour le plus grand nombre, ce retour était pure hypocrisie. C'est pourquoi le prophète ne rabat rien de ses premières censures, et, reprenant la même comparaison, il dit que Juda est une épouse qui a déserté son mari pour se livrer aux étrangers, ou, en d'autres termes, au culte des faux dieux. C'est déjà ce qu'avait fait Israël; or il semblait qu'en voyant les châtiments dont le Seigneur avait frappé les dix tribus, Juda aurait dû se convertir. Jérémie l'y exhorte vivement, car il en était temps encore; mais il déclare que si ses compatriotes persistent dans leur méchanceté, une ruine affreuse tombera sur eux. Et voyez comme il aimait ses frères! quelle douleur il éprouve à devoir leur dénoncer les jugements de Dieu! (4: 19.) Il est bien évident que c'est l'impulsion seule du Saint-Esprit qui peut le faire parler avec tant de sévérité, ou plutôt que c'est l'Éternel qui s'exprime par sa bouche, selon ce qui lui avait été dit lors de sa vocation (1:9).

2328. (5. 6.) Plusieurs années s'écoulèrent durant lesquelles Jérémie continua sans doute son ministère, mais sans écrire les discours que le Seigneur lui inspira. Ce fut dans cet intervalle que parut Sophonie [2316]. À mesure que le règne de Josias tendait à sa fin, le relâchement des mœurs allait croissant et la voix, des prophètes s'élevait à proportion de la gravité du mal. C'est ce que vous remarquerez dans les chapitres que nous avons maintenant sous les yeux. Quelle que soit l'époque précise à laquelle ils se rapportent, ils décrivent une situation sensiblement différente de celle que nous venons de voir. Il ne s'agit plus simplement de formalisme ou de vaines apparences de piété: ici, le crime se commet ouvertement et les principaux du peuple en donnent l'exemple (5: 1-5, 7-9); la nation tout entière se met à abjurer le nom de l'Éternel (21-25); les prophètes et les sacrificateurs s'entendent pour égarer le peuple (30, 31); au lieu de le reprendre, ils l'endorment par de belles promesses (6: 14-16). Aussi, les prophéties relatives à la destruction qui approchait deviennent-elles de plus en plus claires (5: 15-17; 6: 22-26). Cependant, Israël ne sera pas entièrement détruit; mais, pour avoir voulu adorer les dieux des peuples étrangers, il deviendra l'esclave de ces peuples (5: 18, 19). Moïse l'avait dit en termes exprès (Deut. 28), et plus d'un prophète après lui.

2329. (26). Au commencement du règne de Jéhojackim, dès la première année peut-être, savoir l'an 609, Jérémie vit fondre sur lui les persécutions auxquelles il devait s'attendre, d'après la parole de l'Éternel (1: 19), persécutions qui, naturellement, lui avaient été épargnées sous le règne du pieux Josias. Par l'ordre du Seigneur il se rendit au temple et déclara devant tous que, s'ils renouvelaient leurs révoltes au lieu de se convertir, l'Éternel détruirait la maison même que Salomon lui avait consacrée, et qu'il livrerait Jérusalem à l'exécration de tous les peuples de la terre (26: 1-6).

2330. En entendant ce discours, la multitude cria qu'il fallait mettre à mort le prophète (7-19). Il y avait là des sacrificateurs, ses collègues, avec des hommes qui se donnaient pour prophètes, parce qu'ils prêchaient à leur manière la Parole de Dieu [1956]; ils joignirent leurs cris à ceux de la foule. Les chefs du peuple s'étant là-dessus assemblés en tribunal, Jérémie fut admis à se défendre. Il le fit avec tant de calme et d'énergie tout à la fois, que les principaux et le peuple même déclarèrent qu'on ne le mettrait point à mort. Cependant, les sacrificateurs et les prophètes persistaient dans leurs intentions sanguinaires, tant deviennent méchants, lorsqu'ils se détournent de Dieu, ceux qui devraient donner aux autres le bon exemple. Du reste, Jérémie, dans sa charité, ne nomme aucun de ceux qui s'acharnèrent contre lui; mais oui bien un certain Ahikam, fils de Sçaphan, qui prit chaudement son parti (24). Ce fut ainsi que, par la volonté de Dieu, il se vit sauvé d'une mort qui semblait inévitable.

2331 (20-23). La délivrance de Jérémie est surtout digne d'attention, quand on la compare au sort d'un autre prophète nommé Urie. Celui-ci ayant prêché les mêmes choses fut également menacé de la mort. Il eut peur et s'enfuit en Égypte; mais Jéhojackim sut l'y atteindre, et l'ayant fait ramener à Jérusalem, il trancha ses jours par l'épée. Grande leçon pour ceux qui s'effrayent des conséquences fâcheuses que peut entraîner l'accomplissement de leur devoir et en particulier la profession de leur foi. Sans doute qu'on est souvent appelé à souffrir en faisant le bien, mais c'est un genre de souffrances qu'il faut attendre de pied ferme; d'ailleurs, le courage que Dieu donne, est, lui-même, un préservatif contre le danger.

2332. (46: 1-26.) Pour accréditer Jérémie auprès du peuple, l'Éternel voulut que, peu de temps après (quatrième année de Jéhojackim), son prophète annonçât ce qui allait arriver à Pharaon-Néco, sous le joug duquel les Juifs étaient alors placés. Ce prince avait ses armées sur les bords de l'Euphrate, et tout semblait leur présager la victoire; mais Jérémie prophétise qu'elles seront battues par Nébucadnetzar et l'Égypte humiliée. Puis, à cette occasion, il relève le courage des Israélites en leur parlant des délivrances dont ils seront les objets après avoir été châtiés, mais bien moins que leurs crimes ne le méritaient.

2333. (25: 1-14.) La même année, qui fut celle où Nébucadnetzar partagea le trône avec son père Nabopolassar et la vingt-troisième du ministère de Jérémie, ce prophète déclara positivement que le roi de Babylone actuellement régnant détruirait Jérusalem, que les Juifs seraient réduits par lui en captivité durant soixante-dix ans, époque à laquelle les Chaldéens se verraient châtiés par le bras puissant de l'Éternel; prophétie remarquable qui, en rappelant de plus anciens oracles, précisait des dates laissées dans le vague. La première partie de la prédiction fut accomplie du vivant de Jérémie.

2334. (15-38). Quant aux rois et aux peuples dont le prophète annonce la destruction dans la fin de sa prophétie, ils appartenaient pour la plupart au puissant empire de Babylone, quand Cyrus en fit la conquête au bout des soixante et dix ans de la captivité, et ces idolâtres subirent, à ce moment ou plus tard, les effets du courroux de l'Éternel.

2335. (35). Il se trouvait alors à Jérusalem une famille d'étrangers dont l'existence au milieu des Israélites datait du temps même de Moïse et que nous avons vue quelquefois paraître dans l'histoire sainte [1186, 1225, 2030; 1 Chron. 2: 55]. C'étaient les Réchabites, tribu nomade que la première invasion de Nébucadnetzar [2303] avait refoulée à Jérusalem. Depuis Jonadab, un de leurs ancêtres, ils s'abstenaient entièrement de vin. Pour donner une leçon aux enfants d'Israël, Jérémie convoqua les Réchabites dans une des salles attenantes à la maison de Dieu, et plaça devant eux des coupes remplies de la liqueur qu'ils s'interdisaient, les invitant à en boire. Mais ce fut inutilement: les descendants de Jonadab demeurèrent fidèles aux institutions de leur père, tandis que les fils d'Israël tenaient si peu compte de celles de leur Dieu. C'est ce que Jérémie leur fit sentir de la part de l'Éternel, en prononçant d'ailleurs une grande et belle bénédiction sur les Réchabites. On assure qu'il existe, aujourd'hui même, en Asie, une petite tribu issue de ces Kéniens, peuplade au sein de laquelle se réalise cette parole de Dieu.


CLXXVII. — Discours prophétiques.


2336. (36: 1-8.) Irrité par la persévérance que Jérémie mettait à remplir son redoutable ministère, Jéhojackim, paraît-il, le fit jeter en prison (5). C'était toujours dans la quatrième année de son règne. Le prophète ne pouvant plus s'adresser lui-même au peuple, prit le parti de dicter à Baruch, fils de Nérija, les censures et les avertissements que, dans sa bonté, l'Éternel lui inspirait pour les faire entendre à cette malheureuse nation. On croit généralement que c'est le discours prophétique qui se lit aux chapitres 7 et suivants, jusqu'au 11e, si ce n'est même plus loin.

2337. (7.) Comme beaucoup de prétendus chrétiens, les Israélites mettaient leur confiance dans les formes extérieures de la dévotion, et ce n'étaient pas les plus impies. Parce que le Seigneur s'était établi une demeure au milieu d'eux, il leur semblait que leur ville serait éternelle, le Seigneur lui-même ayant intérêt à la protéger contre ses ennemis, ce qu'il avait fait plus d'une fois. Mais le prophète reçoit l'invitation de se rendre dans ce même temple, lors sans doute qu'il aurait recouvré sa liberté, afin d'exhorter le peuple à se convertir, s'il voulait échapper aux jugements de Dieu; et nous voyons ici que la vraie conversion se manifeste par l'amour pour tout ce qui est bien et par la haine pour tout ce qui est mal (1-10). La tente du désert, sainte demeure de Jéhovah, non moins que le temple de Jérusalem, avait fait longtemps la gloire de Scilo, ville d'Ephraïm (1 Sam. 1:3; 14: 3); cela n'avait pas empêché que Scilo et Ephraïm et le royaume des dix tribus tout entier ne fussent tombés au pouvoir de l'étranger. Comment Juda osait-il se flatter d'un meilleur sort, lui qui avait rempli de crimes la maison qu'il nommait lui-même la maison de Dieu? Comment, après tant de patience méconnue et tant d'avertissements méprisés, l'Éternel pouvait-il ne pas laisser enfin tomber sa verge sur les coupables? Et nous qui nous réclamons du beau nom de chrétien, échapperons-nous mieux que les fils d'Abraham, si nous nous fions comme eux sur des paroles trompeuses, disant à leur exemple: Je suis chrétien, j'ai été baptisé, j'ai été instruit dans la religion, j'ai été admis à la cène du Seigneur? (11-15.) La sentence est tellement irrévocable que l'Éternel défend à son serviteur de prier en faveur des rebelles. Qu'espérer en effet de gens assez ennemis d'eux-mêmes (19) pour offrir, dans Jérusalem, un culte public à la reine des cieux, nom qu'on donnait à l'Astarté des Cananéens? Qu'espérer de gens qui avaient à côté de cela l'impudeur d'offrir des sacrifices à l'Éternel, ne le traitant ni mieux ni plus mal que les fausses divinités, et oubliant que s'il avait institué les sacrifices et les holocaustes, ce n'était pas par là qu'il avait commencé (Exode 15: 26; 19: 5); en sorte que, si l'offrande ne partait pas de l'obéissance, et d'une obéissance cordiale, elle était de nulle valeur? Qu'espérer enfin d'une nation pour qui la voix de tant de prophètes s'était fait entendre inutilement? (16-26.) Cette dernière sommation même ne devait pas être mieux écoutée. L'Éternel en avertit son prophète. Ainsi donc la condamnation sera de toute justice. Jérusalem aura la chevelure coupée, comme on faisait aux esclaves, et l'excès de sa désolation égalera l'excès de ses crimes (27-34).

2338. (8.) Rien n'est plus généralement respecté que les tombes des morts. Mais telle sera la fureur de ceux qui seront les instruments de la colère divine contre Juda, que les ossements mêmes de ses rois, de ses sacrificateurs et de ses prophètes seront indignement profanés; et encore vaudra-t-il mieux, à cette époque, être mort que vivant! (1-3.) Voilà les tristes fruits de l'obstination dans le péché. Le pécheur obstiné est semblable à quelqu'un qui, ayant fait une chute, ne consentirait pas à se relever, ou qui, s'étant trompé de chemin, refuserait de rentrer dans la bonne route (4). Se repaissant d'illusions et de mensonges, il prétend n'avoir point besoin de se convertir (5). La repentance! il ignore ce que c'est (6); le jugement de Dieu! il ne s'en inquiète d'aucune sorte; et pourtant ce jour vient aussi sûrement que le printemps arrive pour l'hirondelle (7). Avec cela, le pécheur obstiné s'estime parfaitement sage; et pourtant c'est la parole de l'Éternel qu'il rejette! Il tranquillise du mieux qu'il peut sa conscience; mais, par le fait, il n'a point de paix (8-11). Toujours est-il qu'en s'obstinant dans le péché, l'on en vient à le commettre sans la moindre honte! Est-ce par là qu'on échappe à la colère à venir? (12.) — Les Chaldéens vont donc arriver contre Juda pour le ravager (13-17), et le prophète ne peut retenir un cri de douleur en pensant aux maux qui menaçaient son peuple (18-22).

2339. (9.) La plainte du prophète continue, non pour mettre en doute la justice de Dieu, comme cela n'arrive que trop aux cœurs impies ou aux esprits irréfléchis, mais pour déplorer les crimes de ses compatriotes (1-16). La peinture qu'il en trace montre, hélas! que les pécheurs non convertis se ressemblent dans tous les temps, et que ce qui les caractérise essentiellement, c'est l'esprit de mensonge, de fraude, de ruse, de fausseté (2-5, 6, 8); comme aussi la cause de tous leurs crimes et par là même de tous leurs malheurs, est le mépris qu'ils font de la Parole de Dieu (13-16). — Puis, l'Éternel invite le peuple tout entier à prendre le deuil et à se lamenter en vue des jugements qui approchent (17-22). Et cependant toute gloire n'est pas devenue impossible; mais que des pécheurs n'aillent pas chercher leur gloire en eux-mêmes et dans leurs avantages extérieurs: connaître l'Éternel, sa miséricorde et sa justice, là se trouve la gloire véritable (23, 24). Quant à ceux qui refusent de se convertir, ils recevront leur châtiment, à quelque nation qu'ils appartiennent (25, 26). 

2340. (10.) Quelle folie abrutissante que l'idolâtrie! et quelle douleur de penser que ce ne sont pas les seuls païens qui se prosternent devant des images façonnées par leurs propres mains, idoles qu'on a besoin de porter pour qu'elles changent de place, qui sont impuissantes pour le bien comme pour le mal, qui toutefois entraînent leurs stupides adorateurs dans toutes sortes d'abominations, et les couvriront un jour d'ignominie! Comment se peut-il que l'homme en soit venu jamais à substituer ce culte détestable à celui de l'Éternel, le Dieu grand et puissant, le Sage, le Dieu de vérité, le Dieu vivant, le Roi éternel, qui a fait les cieux et la terre et qui est l'Éternel des armées? Et comment des hommes pieux ne comprennent-ils pas l'horreur non moins repoussante d'associer un culte quelconque des images à celui qu'ils rendent au Seigneur? (1-16.) — Après avoir ainsi mis en contraste la gloire du vrai Dieu et la vanité des idoles, la Parole de l'Éternel annonce de nouveau la ruine d'Israël et sa captivité en pays lointains. Deux paroles du prophète nous montrent ce qu'ont à faire les enfants de Dieu quand la calamité les menace. C'est d'abord de s'y soumettre en adorant la justice de Dieu (19); c'est ensuite, de recourir à sa miséricorde pour qu'il daigne user de ménagements (24), prière dont nous avons ailleurs de beaux modèles (Ps. 6: 1; 38: 1; Habac. 3: 2).

2341. (45.) Baruch, le secrétaire de Jérémie, fut saisi de frayeur en écrivant sous sa dictée les terribles menaces de l'Éternel. Or, sans lui promettre qu'il se verrait à l'abri de tout mal dans la destruction générale, il lui fut dit toutefois qu'il aurait la vie sauve. Dieu donc eut pitié de lui, montrant, alors comme toujours, la différence qu'il sait faire entre ceux qui le servent et ceux qui ne le servent point.

2342. Quelques personnes pensent que les chapitres 1147, ou du moins les cinq premiers, faisaient partie de l'écrit dicté par Jérémie au fils de Nérija. C'est la reproduction des censures et des menaces contenues dans le discours précédent, mais avec quelques circonstances nouvelles que je me borne à signaler. Ainsi, une malédiction particulière prononcée contre les gens d'Anatoth qui avaient voulu faire périr Jérémie dans sa propre maison (11: 18-23). Quand on pense que cette ville devait être essentiellement habitée par des sacrificateurs [2324], nous avons en ce fait un indice bien frappant de l'incrédulité générale dans laquelle on était tombé. Puis, comme on voit avec toujours plus d'évidence ce que deviennent, quand ils se corrompent, ceux qui devraient être le sel de la terre! [1305, 2330.]

2343. (12.) Au spectacle de tant d'iniquités et en songeant à la haine dont il était l'objet de la part des siens, le prophète se sentit comme découragé; il aurait voulu que les châtiments de Dieu pussent ne tomber que sur les vrais coupables; mais l'Éternel le relève et le console par la perspective du rétablissement de son peuple. Jérémie ne devait pas voir de ses yeux cette merveille de la miséricorde du Tout-Puissant. Cependant, les promesses de Dieu, quelles qu'elles soient et encore que d'un accomplissement éloigné, ont toujours pour effet de restaurer l'âme des fidèles. Ainsi en est-il des promesses relatives à la conversion de tous les peuples et au retour de notre Seigneur.

2344. (13.) Le prophète raconte trois actes symboliques qu'il avait dû accomplir par Tordre de Dieu et qui étaient destinés à prédire la captivité prochaine, les désastres qui la précéderaient et le lieu d'où tant de calamités arriveraient (1-14). Il y a dans l'emblème de la ceinture quelque chose de bien touchant (11). C'était une nouvelle manière par laquelle l'Éternel disait aux fils d'Israël les étroites relations qu'il avait voulu établir entre eux et lui. Après cela, et sous le coup des vives exhortations qui leur étaient adressées, il semble qu'ils eussent dû se convertir. Mais il en est du pécheur comme du More et du léopard qui ne peuvent changer la couleur de leur peau. Hélas! Quand on n'a appris qu'à mal faire, comment ferait-on quelque chose de bon? (23.) Or, se convertir est une chose excellente, et plus on use de retard, moins on en est capable.

2345. (14.) Au moment où Jérémie écrivait tout ceci, une grande famine désolait la Judée, à moins peut-être qu'il ne s'agisse de celle qui devait régner pendant le siège de Jérusalem (1-6). Quoi qu'il en soit, le spectacle qu'il a sous les yeux, en réalité ou prophétiquement, lui fournit l'occasion de présenter au Seigneur une prière pleine de ferveur et d'humiliation (7-9). Mais le Seigneur lui répète qu'il n'y a plus de miséricorde possible et que rien désormais ne saurait le fléchir (10-12). Et comme Jérémie accusait les faux prophètes d'avoir causé tout le mal, l'Éternel lui fait entendre qu'une punition d'autant plus grande sera leur partage. Il ne restait donc plus qu'à pleurer sur ces condamnés à la mort! Mais telle est la charité du sacrificateur d'Anatoth, qu'il se remet à prier pour eux avec de nouvelles instances, et il cherche, nouveau Moïse (Exode 32: 11-13), à y intéresser la gloire même de l'Éternel (20, 21). Hélas! si les prières qu'on adresse à Dieu en faveur des coupables n'ont pas pour effet leur conversion, elles ne sauraient d'aucune manière leur procurer le salut (13-22).

2346. (15.) Ce chapitre, comme du reste le chapitre précédent, est un entretien de l'Éternel avec son prophète, l'Éternel continuant à dénoncer ses prochains jugements et le prophète lui exposant ses plaintes et lui adressant ses prières. Aucun intercesseur, dit Dieu, ni Moïse, ni Samuel, fussent-ils encore sur la terre, ne sauraient fléchir sa justice; et, dans les termes les plus propres à faire impression, il décrit de nouveau les calamités qui attendaient le royaume de Juda (1-9). Là-dessus, Jérémie fait entendre ses gémissements. Il est obligé de transmettre à ses frères la Parole de l'Éternel et, par cette cause, il est l'objet de leurs malédictions, ce qui n'arrive encore que trop souvent aux messagers du Seigneur (10). L'Éternel l'ayant rassuré et lui ayant annoncé qu'un jour viendrait où ses ennemis mêmes se recommanderaient à sa bonté (11), il continue ses terribles menaces (12-14). Enfin, le prophète renouvelant sa prière (15-18), l'Éternel lui renouvelle aussi l'assurance de sa protection (19-21). — Heureux qui, au sein de l'épreuve, peut dire comme Jérémie: O Éternel! je me nourris de ta Parole, je la dévore; elle est la joie et l'allégresse de mon cœur! (16.)

2347. (16.) Pour montrer l'imminence non moins que la grandeur de la destruction qui allait fondre sur le pays, Dieu défend à Jérémie d'y former aucun établissement; il lui interdit de prendre part aux assemblées du peuple, soit qu'il se réunisse dans l'intention de pleurer ses malheurs, ou qu'il veuille encore se livrer aux joies criminelles du monde. Pour le présent, tout en est dit. Le mal sera tel que le souvenir même des délivrances passées s'évanouira (14). Il n'y a donc plus qu'un seul point vers lequel il faille regarder; à savoir vers le rétablissement (15). Mais, remarquez-le bien, le rétablissement suppose la destruction, et celle-ci ne tardera pas (16-18). Il y a quelque chose de mieux encore que cette restauration d'Israël, c'est la conversion des peuples idolâtres, et cette conversion est clairement prophétisée à la fin du chapitre (19-21).

2348. (17.) Ici se terminent les prophéties que Jérémie dut prononcer et écrire à cette époque de son douloureux ministère. Nous y lisons plusieurs paroles qui, de siècle en siècle, ont été bénies pour une foule de personnes. Ainsi, la double déclaration contenue dans les versets 5-8. Méditez-les sérieusement, mes chers lecteurs. Si vous mettez votre confiance en vous-même ou en qui que ce soit entre les hommes pour le salut de votre âme, vous vous retirez de l'Éternel, qui veut votre cœur tout entier et qui peut seul être votre Sauveur: à marcher dans cette voie, on ne saurait rencontrer que la misère. Voulez-vous au contraire que votre âme vive? (Ps. 1: 3.) Mettez en l'Éternel et en lui seul votre confiance. — Et prenez garde que là-dessus, comme en tout le reste, votre propre cœur ne vous trompe, car il est foncièrement menteur. Vous croyez vous connaître! mais sachez que le fond de chaque cœur n'est connu que de Dieu, de ce Dieu à qui nous devons rendre compte. Combien cette pensée est propre à nous maintenir dans l'humilité! (9, 10.) — Passant sur les v. 11 et 12, dont l'un est une déclaration de ce que deviennent tôt ou tard les biens mal acquis, et dont l'autre est un élan intérieur du prophète vers la maison de l'Éternel, si riche d'or et de grâces, j'engage mes lecteurs à méditer la prière que nous Visons aux versets suivants (13-18). — Arrêtez-vous particulièrement sur le verset 14, où l'on voit dans quels sentiments d'humilité et de parfaite confiance en même temps, nous devons implorer de Dieu la guérison, le salut de notre âme. Pour être guéri et sauvé, il faut l'être par lui, et c'est alors vraiment qu'il devient l'objet de nos cantiques et la source de notre gloire. — La fin du chapitre (19-27), est une nouvelle et dernière proclamation que l'Éternel fait entendre à son peuple. Ce qui attestait au plus haut degré l'oubli du Seigneur et de ses lois en Israël, c'était la profanation générale du sabbat. Dieu avait dit que le repos du septième jour serait un signe perpétuel entre lui et la nation sainte (Exode 31: 16, 17); maintenant donc il était évident que cette nation s'était pervertie et qu'elle avait rompu l'alliance


CLXXVIII. — Jérémie depuis la quatrième année de Jéhojackim jusqu'au siège de Jérusalem.


2349. (36: 9-15.) La cinquième année du roi Jéhojackim, on solennisa un jeûne à Jérusalem pour conjurer, s'il se pouvait, par ces dévotions tardives et peu sincères, l'orage qui s'approchait, de plus en plus effrayant, car Nébucadnetzar allait envahir la Judée [2303]. Jérémie, à ce qu'il paraît, avait recouvré sa liberté (19), mais il ne jugea pas à propos de se présenter devant le peuple; et cela n'était pas absolument nécessaire, puisque ce qu'il avait à dire de la part de l'Éternel se trouvait entre les mains de Baruch. Celui-ci donc se rendit au temple et lut à la multitude les redoutables paroles de la prophétie; puis vinrent les principaux officiers de Jéhojackim, auxquels Baruch ne cacha rien de ce qui était écrit à leur sujet.

2350. (16-26.) Dans l'émotion profonde qu'ils éprouvèrent, les courtisans de Jéhojackim résolurent de lui raconter ce qu'ils avaient entendu; mais craignant la colère du roi, ils supplièrent Baruch de se tenir caché avec Jérémie et ils se chargèrent eux-mêmes de son parchemin. Il fallait que Jéhojackim demandât à le voir, et ce fut ce qui arriva. Or, quand son secrétaire lui en eut lu trois ou quatre colonnes, le roi, devenu furieux, s'empara de l'écrit sacré qui le condamnait; d'un canif qu'il trouva sous sa main, il le lacéra, puis il le jeta dans le brasier qui pétillait au milieu de l'appartement, car on était en hiver. Ses officiers eurent beau le supplier de ne pas commettre cet horrible sacrilège: tout fut inutile; bien plus, l'impie Jéhojackim ordonna de saisir Baruch et Jérémie, mais l'Éternel ne permit pas qu'on découvrît le lieu dans lequel ils s'étaient réfugiés.

2351. (27-32.) Jéhojackim avait cru peut-être qu'il est au pouvoir de l'homme d'anéantir la Parole de Dieu; mais, dans leur retraite, les deux prophètes durent récrire des pages que Dieu destinait à faire partie du volume sacré; et ne l'eussent-ils pas fait, les oracles qu'elles contenaient ne s'en seraient pas moins accomplis. Ce n'est pas tout: Jérémie fut chargé d'annoncer au roi que sa famille était déchue du trône et que son impiété allait précipiter l'exécution des jugements de Dieu. Ce fut en effet cette même année, l’an 606 (année mémorable), que Nébucadnetzar fit la conquête de la Judée, qu'il s'assujettit Jéhojackim et qu'il emmena des otages à Babylone, entre autres le jeune Daniel, dont nous aurons bientôt à nous occuper [2303].

2352. (18.) Cinq ou six années séparent ces prophéties des événements que retracent les chapitres 18, 19 et 20, si du moins on ne se trompe pas en les plaçant ici. Ce serait alors l'an 600 ou 599 avant notre Seigneur. Jéhojackim est emmené à Babylone; son fils Conias, ou Jéhojackin, lui succède [2303], et c'est à cette même époque que doit avoir eu lieu la naissance du grand Cyrus. Par l'ordre de l'Éternel, Jérémie se rendit dans l'atelier d'un potier. L'argile que celui-ci modelait s'étant brisée sous sa main, il reprit une autre masse pour faire son vase comme il l'entendait. Tel est le peuple d'Israël, dit le Seigneur à Jérémie: une argile qui se révolte sous la main de l'ouvrier; telle aussi l’œuvre que je vais accomplir à son égard: je détruirai ce peuple pour former un peuple nouveau. L'Éternel dispose donc de ses œuvres avec une parfaite souveraineté; c'est l'importante doctrine que nous prêche cette parabole. Puis en lisant les exhortations que l'Éternel y ajoute, vous verrez comment il est toujours prêt à accueillir la repentance, mais aussi comment l'heure vient, et quelquefois dès ici-bas, où le pécheur, se condamnant lui-même, renonce à tout espoir de pardon.

2353. (19.) Après cela, Jérémie dut, par un autre emblème, annoncer pour la centième fois la ruine imminente de Jérusalem. Prenant avec lui quelques-uns des principaux du peuple, il les conduisit dans la vallée de Hinnom, autrement dite Topheth, vallée où l'on avait souvent offert un culte abominable à Moloch [2294] (7: 30-34) et qui était située au pied même de Jérusalem. Arrivé en cet endroit, le prophète déclare que le jour de la vengeance du Très-Haut approche, et, pour signe, il brise un vase de terre qu'il tenait en sa main. C'était peu de chose en apparence que cette démonstration; mais elle signifiait pourtant que le Seigneur n'aurait pas plus de peine à briser le royaume de Juda, que le prophète n’en avait eu à réduire en pièces son vase d'argile.

2354. (20: 1-6.) De retour à Jérusalem et dans le temple même, Jérémie répéta sa prophétie. À ce moment, un sacrificateur nommé Paschur (ce mot signifie Entouré de sécurité), osa lever la main sur le prophète, et, comme il était surintendant du temple, il le fit jeter en prison. Cependant, il l'en fit sortir le lendemain, et Jérémie lui dénonça les jugements de Dieu, en l'appelant Magor-Missabib, ce qui veut dire Terreur de toute part. Par là Dieu voulait faire entendre que chacun de ses adversaires aurait sa part spéciale dans les calamités de la nation. Tel doit être aussi le jugement du dernier jour. Ce sera le jugement universel; mais chaque individu y a le même intérêt que si le tribunal suprême ne devait se dresser que pour lui seul.

2355. (7-18.) C'est une portion bien remarquable du livre de Jérémie que les versets qui sont maintenant sous nos yeux. L'homme y succède au prophète; l'homme de Dieu sans doute, mais néanmoins l'homme faible et fragile comme nous le sommes tous. Jérémie, fatigué du ministère de malédiction qu'il exerce depuis si longtemps, l'est aussi des persécutions que lui attire l'accomplissement de son terrible devoir. Il en fait sa plainte à l'Éternel; il voudrait qu'il lui fût permis de ne plus annoncer la redoutable Parole. Ce n'est pas qu'il ait des doutes sur la vérité de sa mission, ni sur la protection qui lui fut promise. Cette considération même le relève un instant, mais c'est pour retomber plus bas, car il maudit, comme Job, le jour où il naquit! Voilà certes un tableau qui n'est pas fait à plaisir et qui doit accroître la confiance que nous inspire d'ailleurs la véracité des écrivains sacrés; mais surtout, quelle preuve de la profonde misère du cœur humain. Tout ceci d'ailleurs nous rappelle vivement le grand prophète Élie et son découragement en pareille circonstance [1939].

2356. (24.) Ce fut donc l'an 600 ou 599, que Jéconias, autrement Conias et Jéhojackin, fut transporté à Babylone après un règne de trois mois [2303], et que Nébucadnetzar ayant dépouillé le temple, réduisit en esclavage une multitude de Juifs des plus marquants, laissant pour gouverner le reste de la nation une espèce de roi dans la personne de Nattanja ou Sédécias [2305]. À cette époque, l'Éternel fit connaître à Jérémie, par une vision et sous des emblèmes fort simples, plusieurs choses en apparence assez contradictoires; savoir, que les captifs reviendraient à Jérusalem avec des cœurs renouvelés par la grâce de Dieu, et que toutefois Sédécias et ses adhérents ploieraient sous le joug de la servitude; que plusieurs d'entre eux fuiraient en Égypte, mais sans échapper au châtiment qu'ils méritaient.

2357. (27.) Sédécias était fils de Josias, aussi bien que Jéhojackim [2304], et quand on compare les versets 1 et 3 de ce chapitre, dans l’un desquels on lit Jéhojackim et dans l'autre Sédécias, il est évident que.le premier se ressent d'une faute de copiste. Ceci donc se passa lorsque Sédécias venait de monter sur le trône et que les princes du voisinage l'eurent fait complimenter au sujet de son avènement. Enflé peut-être des vains hommages qu'on lui rendait, il eut à peine ceint le diadème qu'il manifesta le désir de se soustraire à la domination de Nébucadnetzar, désir légitime et que l'Éternel eût béni, si Sédécias avait été mû par la piété. Mais non; s'il voulait secouer le joug du Babylonien, ce n'était pas pour se laisser d'autant mieux conduire par Jéhovah. Il ne disait pas comme son aïeul David: «Délivre-moi de l'oppression des hommes, afin que je puisse observer ta loi» (Ps. 119: 134). C'est pourquoi Jérémie, après avoir, plein d'une sainte hardiesse, fait exhorter les alliés de Sédécias à ne pas lutter inutilement contre la puissance du roi de Babylone, supplia Sédécias lui-même de se soumettre aux jugements divins et de ne pas écouter les faux prophètes qui, flattant son orgueil, le faisaient courir à sa perte.

2358. (28.) Sédécias était parvenu à la quatrième année de son règne quand un de ces faux prophètes, nommé Ananias, osa prophétiser que la captivité cesserait deux ans après. C'était contredire de la manière la plus directe la Parole de Dieu [2333], crime, hélas! dont beaucoup de gens se rendent journellement coupables. Or l'audace de cet imposteur ne servit qu'à faire briller d'un plus vif éclat la véracité de l'Éternel. Jérémie annonça qu'Ananias mourrait cette même année, et l'événement eut lieu comme il l'avait prédit. Que les jugements de Dieu sont redoutables et quelle terrible mort que celle des impies! Admirez d'un autre côté comment le Seigneur employait tous les moyens pour rendre attentifs à la parole de son prophète ces misérables enfants d'Abraham qui se précipitaient à leur ruine.

2359. (29.) En conséquence de ce que l'Éternel lui avait révélé relativement aux captifs [2356], Jérémie leur écrivit une lettre d'avertissement et de consolation (29: 1-23). Ils avaient parmi eux quelques prophètes dont la voix et l'exemple étaient bien propres à les ramener dans la bonne route; mais d'autres au contraire, et ceux-là exercent toujours le plus d'influence, se donnant comme interprètes de la Parole de l'Éternel, les décourageaient à qui mieux mieux, les uns en leur représentant leurs maux comme ne devant jamais finir, ce qui leur ôtait toute énergie; les autres en les leur représentant comme près de leur terme, ce qui paralysait également leur activité. Jérémie, après leur avoir si bien prédit ce qui leur était arrivé jusque-là, leur écrivit donc pour les exhorter à ne pas craindre de former des établissements en Babylonie, vu que la captivité devait durer soixante-dix ans, et toutefois à ne pas désespérer des compassions de Dieu. En même temps, il dut les prémunir contre les faux prophètes, et même leur écrire une seconde lettre au sujet d'un nommé Sémaja de Néhélam qui, du lieu de sa captivité, avait dénoncé Jérémie au peuple et aux sacrificateurs de Jérusalem (24-32). Ainsi Jérémie avait affaire non seulement avec les rebelles qui étaient en Judée, mais encore avec ceux que la servitude n'avait point corrigés.

2360. (30.) Ainsi que nous l'avons déjà vu plus d'une fois, la captivité ne devait pas être sans retour, et ce retour de Babylone était destiné à figurer prophétiquement le rétablissement à venir du peuple juif; puis, comme toujours, cette prophétie est entremêlée d'oracles messianiques, par les raisons que nous avons exposées ailleurs [2270]. Qui est donc ce roi, ce David, que Dieu devait susciter aux fils d'Israël pour les ramener à l'Éternel leur Dieu, si ce n'est notre Seigneur Jésus-Christ, fils de David selon la chair, le vrai David, dont le premier David ne fut que le type? [2251.] Voilà comment le peuple d'Israël sera de nouveau le peuple de Dieu, et comment l'Éternel redeviendra leur Dieu à l'exclusion de tout autre (22). Mais il faudra qu'il y ait auparavant de grands jugements exercés sur les peuples qui, par impiété, auront été les oppresseurs de ce peuple (16, 23, 24).

2361. (31.) Ce chapitre important est la clef de beaucoup d'autres prophéties. L'Éternel ayant aimé les fils d'Abraham d'un amour éternel, il les attirera, les ramènera par sa miséricorde et les remplira d'une sainte allégresse (3, 4). Ils habiteront de nouveau la Judée et la cultiveront (5). Ils recommenceront à rendre leur culte à Dieu en Sion avec des chants de réjouissance et des bénédictions sans nombre (6-17). Mais tout cela suppose la conversion des cœurs. Israël reconnaîtra donc la justice de sa peine; il cherchera la grâce de son Dieu; converti par lui, il apprendra la vraie repentance, et il aura honte de ses anciens égarements (18, 19). Après cela viennent de magnifiques promesses, où je ferai surtout observer celle des versets 31 à 34. Si la citation qui est faite du verset 15 dans l'Évangile (Matth. 2: 18), attire déjà notre attention sur ce que la prophétie des chapitres 30 et 31 a de messianique, celle des versets 31 à 34 dans l'épître aux Hébreux (8: 8-12) atteste que, s'il est ici question d'une alliance postérieure au rétablissement futur d'Israël, encore est-il qu'il s'y agit, en somme, de l'alliance de grâce dont Jésus-Christ est le Médiateur, alliance dont nous goûtons les fruits, nous, chrétiens, et dans laquelle il faut qu'Israël fasse son entrée pour que l'Éternel redevienne son Dieu. Alliance de grâce, ai-je dit; car elle a pour fondement le pardon des péchés, et pour garantie l'action du Saint-Esprit sur les âmes: la foi, non les œuvres; ou, si l'on veut, les œuvres de la foi. C'est au fond l'alliance éternelle, dont le premier mot se trouve dans la promesse que Dieu fit à Adam après la chute.

2362. (50,51.) Il fallait encore, pour compléter la prophétie, que Jérémie joignît sa voix à celle des prophètes qui avaient auparavant prédit l'humiliation de Babylone. C'est ce qu'il fit en cette même année du règne de Sédécias, l'an 595, comme on le voit à la fin du chapitre 51, verset 59. Ici, le prophète s'élève à la sublimité d'Ésaïe, soit lorsqu'il parle de la majesté et de la puissance de Dieu, soit lorsqu'il décrit la chute de Babylone, le brisement de cette verge dont Dieu s'était servi pour châtier les peuples et Israël en particulier. Malgré les imperfections de nos traductions ordinaires, vous ne pourrez lire ces chapitres sans admiration; Dieu veuille que vous y éprouviez quelque chose de plus encore, savoir une sainte émotion à la pensée des douleurs que se préparent les grands de ce siècle, quand ils oublient Celui duquel ils tiennent leur puissance.


CLXXIX. — Jérémie pendant le siège de Jérusalem, et dès lors.


2363. (21, 22.) L'an 590 avant l'ère chrétienne, Sédécias étant depuis neuf ans sur son trône chancelant, Nébucadnetzar revint en Judée avec l'intention de mettre fin au royaume de David et de Salomon; et véritablement les choses y avaient bien changé depuis le temps de ces illustres serviteurs de Dieu. En voyant approcher les redoutables armées du roi de Babylone, Sédécias ressentit une vive frayeur, et, comme il arrive quelquefois aux incrédules, mais sans que pour cela leur cœur soit changé, il pria Jérémie de consulter l'Éternel en sa faveur. Ce vénérable prophète qui, depuis quarante ans environ, n'avait cessé de proclamer la destruction de Jérusalem et de convier le peuple à la repentance, ne put que reproduire son terrible message. Représentant à ses concitoyens l'inutilité de leurs efforts pour éloigner le mal qui les menaçait, il leur fit entendre qu'il n'y avait pour eux qu'une ressource, savoir de se soumettre aux Chaldéens et de se convertir à l'Éternel, seul moyen de sauver en même temps et leur vie et leur âme.

2364. Mais averti par l'Esprit de l'Éternel que ses exhortations seraient vaines, il leur annonça formellement que, cette fois, ils succomberaient sous les coups de l'ennemi, eux et leur roi Sédécias, avec ses officiers. Puis, afin de leur ôter tout espoir du côté de ceux de leurs princes qui vivaient encore, il leur dit que les fils et petits-fils de Josias, lesquels avaient régné avant Sédécias, Sçallum (nom donné ici à Joackaz), Jéhojackim et Coneja (ou Jéconias), mourraient tous trois en exil, et que leur postérité ne remonterait point sur le trône; et cela, dit le prophète, parce qu'ils ont enfreint l'alliance de l'Éternel leur Dieu, qu'ils se sont prosternés devant des dieux étrangers et les ont servis.

2365. (23.) Bien que les oracles de Jérémie ne se rapportent pas à notre Seigneur Jésus-Christ d'une manière aussi directe que ceux d'Ésaïe et de quelques autres prophètes, Dieu n'a pas voulu qu'il se tût entièrement sur un point qui est l'objet essentiel de toute la Bible. Nous en avons déjà vu la preuve dans notre Étude précédente [2360]; ici encore nous lisons des paroles qui ne peuvent s'appliquer qu'au Messie (5, 6). Ésaïe avait dit qu'il sortirait un rejeton du tronc d'Isaï, et c'est au moment où l'arbre va être coupé que le Saint-Esprit reparle de ce rejeton de David [2182]: germe juste qui sera appelé L'ÉTERNEL NOTRE JUSTICE, parce que c'est en Jésus et par la foi en lui que nous sommes justifiés. Remarquez d'ailleurs, dans cette belle prophétie, la gloire rendue à Dieu, présent partout et connaissant toutes choses (23, 24), puis ce qui est dit de la puissance de sa Parole (29).

2366. (34, 37.) Pour comprendre ces deux chapitres, séparés l'un de l'autre par deux chapitres que nous avons dû étudier précédemment [2335, 2336, 2349-2351], il faut observer que les trois premiers versets du 37e sont un coup d'œil jeté en arrière, et que ce n'est point là qu'il faut prendre la date des événements qui sont racontés ensuite. Quant à ces événements, les voici. Lorsque Nébucadnetzar eut mis le siège devant Jérusalem, Jérémie se rendit auprès de Sédécias avec des paroles propres à l'encourager, autant du moins que la chose était possible dans une telle détresse. Il lui répéta que la ville serait prise, mais en lui annonçant que son existence à lui serait épargnée et qu'il entrerait à Babylone. L'Écriture ne nous dit pas toutes les réprimandes qui sortirent de la bouche du vieux prophète, mais il paraît qu'il s'éleva surtout contre le crime dont les principaux de Juda s'étaient rendus coupables en retenant dans l'esclavage leurs propres frères, contre le texte formel de la loi de Dieu [767]. Ces remontrances ne demeurèrent pas stériles. Les esclaves furent mis en liberté; il semblait que les Juifs commençaient à écouter la voix du Seigneur.

2367. Sur ces entrefaites, Nébucadnetzar, menacé du côté de l'Égypte, comme l'avait été jadis Sanchérib [2145], dut suspendre momentanément le siège de Jérusalem. Aussitôt Sédécias se crut délivré. Les hommes impies qui l'entouraient n'eurent pas de peine à lui persuader que Jérémie était un imposteur ou un insensé. Chacun rentra dans son mauvais train, et, pour preuve, il nous est dit qu'ils contraignirent les esclaves à reprendre leurs chaînes. Ils triomphaient d'avance des victoires de l'Égypte; mais malheur à l'homme qui se confie en l'homme et qui de la chair fait son appui! (17: 5.) On conçoit avec quelle nouvelle force Jérémie reprit ses remontrances et ses redoutables prédictions. Cela nous est raconté dans la seconde partie du chapitre 34.

2368. Afin de montrer qu'il croyait lui-même à la Parole de l'Éternel, parole dont il n'était que l'organe, Jérémie voulut fuir de Jérusalem; mais, surpris dans son évasion, il fut ramené comme un traître qui allait se rendre aux Chaldéens et jeté au fond d'un cachot où il resta plusieurs jours. Le siège avait été repris avec de nouvelles rigueurs; or Sédécias, qui ne pouvait se défendre de vénérer le prophète de l'Éternel et d'avoir en lui une certaine confiance, commanda qu'on le lui amenât, mais en secret, parce qu'il craignait ses courtisans. Jérémie, toujours fidèle, ne rabattit rien de ses précédentes menaces. Toutefois, le résultat de l'entrevue fut que le roi le tira de son cachot, sinon pour le mettre en pleine liberté, du moins pour lui rendre sa prison plus supportable. Il ordonna qu'on eût soin de lui, et par là, non seulement le prophète fut un des derniers à manquer de pain dans cette ville, bientôt dévorée par une horrible famine, mais encore il échappa aux graves dangers dont sa vie eût été menacée de la part des assiégés s'il avait pu librement se montrer au milieu d'eux. Ainsi s'accomplit, et d’une manière bien inattendue, la promesse que lui avait faite l'Éternel (1: 17-19).

2369. (32, 33.) De sa prison même, Jérémie dut encore prophétiser aux Juifs les jugements et les miséricordes du Très-Haut. Il le fit à la fois en paroles et en actes. Un de ses parents étant venu lui proposer d'acheter un champ qu'il ne pouvait vendre à personne que sur son refus, Jérémie reçut de Dieu l'ordre de faire cette acquisition. Le contrat fut stipulé dans les formes voulues; après quoi Jérémie le remit à Baruch, afin qu'il le déposât en lieu sûr et de manière qu'il pût se conserver de longues années. Tout cela signifiait, comme le prophète le dit expressément, que les Juifs habiteraient de nouveau leur pays. Puis viennent une belle prière du prophète et la réponse que lui fit l'Éternel (32: 17-25), réponse où sont confirmées les prophéties précédentes relatives au rétablissement d'Israël, avec de nouvelles allusions au règne glorieux du Messie, fils de David (33:14, 15).

2370. (38.) Bien des gens venaient visiter Jérémie dans la cour de la prison où il était détenu, et il ne cessait de les exhorter à se rendre aux Chaldéens, s'ils voulaient avoir la vie sauve. Ces conseils, naturellement, irritèrent au plus haut point ceux qui, par leurs crimes, étaient la cause de tout le mal, et que l'aveuglement de leur cœur empêchait de voir la grandeur du danger. Ils dénoncèrent donc Jérémie comme un traître à la patrie. Sédécias aurait voulu le protéger, mais il n'osa pas résister à ses officiers, et il le remit entre leurs mains. Alors, ces barbares firent jeter le vieux prophète dans le fond d'une citerne épuisée avec un fond de boue et de limon: ce fut là qu'ils entendaient faire périr de faim et de froid celui qui n'avait eu d'autre tort que de leur avoir prêché la vérité.

2371. Cependant, l'Éternel eut soin de lui dans cette affreuse conjoncture. Un Cuscien nommé Hébed-Mélec, touché de compassion envers cette innocente victime de l'impiété, fit connaître au roi ce qui se passait, et il en obtint l'ordre de délivrer Jérémie. Pour protéger son opération, il prit trente hommes avec lui, se munit de cordes et de lambeaux d'étoffes qui devaient empêcher le vieillard de se blesser. Ce fut ainsi qu'il le retira de son horrible tombeau et qu'il le rétablit dans la cour de la prison. Informé du succès de cette manœuvre, le roi appela de nouveau Jérémie, mais ce fut toujours en s'entourant de toutes sortes de précautions, de peur que ses officiers ne lui fissent un crime de ses bons mouvements; il dut même exiger du prophète qu'il ne racontât à personne leur entrevue, et l'on voit par les discours qui y furent échangés de combien de craintes l'âme du pauvre monarque était assiégée. Hélas! voilà ce qui arrive lorsqu'on a été sourd longtemps à la voix de l'Éternel et qu'on s'est joint aux méchants. On est lié de chaînes qu'il n'est plus possible de rompre. Le roi Sédécias sur son trône, était moins libre que Jérémie retenu prisonnier. Sédécias s'était rendu l'esclave de Satan et du monde; tandis que Jérémie, gardé de Dieu et dirigé par son Esprit, jouissait de la liberté que donne l'absence de toute crainte.

2372. (39, 52.) Enfin arriva la journée de la colère de l'Éternel, cette journée grande et terrible que tant de prophètes avaient annoncée, et Jérémie en particulier pendant environ quarante ans. Nous en avons lu le récit dans l'histoire des rois de Juda [2306]. Jérusalem fut prise d'assaut par l'armée du roi de Babylone après deux années de siège; elle fut mise au pillage, puis réduite en cendres. Sédécias, qui avait enfin voulu se sauver, ne put échapper au sort qu'il s'était attiré par son obstination à ne pas écouter la Parole de Dieu. Un grand nombre de Juifs furent menés captifs à Babylone, et combien qui avaient péri durant le siège, ou par la faim, ou par l'épée, suivant les menaces des prophètes! Quant à Jérémie, image des rachetés de Jésus-Christ au grand jour des rétributions, il recouvra la liberté par l'ordre du vainqueur, et au moment où les autres s'en allaient captifs en pays étranger, il lui fut permis de rentrer paisiblement dans sa maison d'Anatoth. Hébed-Mélec aussi, selon la promesse que Dieu en avait faite à Jérémie, Hébed-Mélec reçut une éclatante récompense pour le dévouement qu'au milieu de circonstances bien difficiles il avait déployé en faveur d'un serviteur de l'Éternel.

2373. (47-49.) Je réunis sous un même chef les prophéties contenues dans ces trois chapitres, bien qu'elles paraissent avoir été prononcées à diverses époques. Ce sont des menaces contre les Philistins, les Moabites, les Hammonites, les Iduméens, les Syriens, les Arabes et les Perses, c'est-à-dire contre les ennemis du peuple de Dieu: oracles semblables à ceux que nous avons lus dans les prophètes antérieurs à Jérémie, et au sujet desquels je ne pourrais que reproduire mes réflexions précédentes [2202,2292]. Je me borne en conséquence à y renvoyer mes lecteurs, pour reprendre l'histoire de Jérémie depuis la destruction de Jérusalem.

2374. (40.) En se retirant, Nébucadnetzar avait nommé gouverneur de la Judée, définitivement conquise, un homme qui justifia par une conduite pleine de sagesse le choix du monarque. Il s'appelait Guédalja. Il établit le siège de son gouvernement dans l'antique ville de Mitspa [1333], et Jérémie se fixa près de lui. Ce qui nous est raconté de Guédalja montre avec quelle promptitude il sut rétablir l'ordre et ramener une certaine prospérité dans cette malheureuse province; en sorte que bon nombre de Juifs qui s'étaient réfugiés chez les Hammonites et chez d'autres peuples du voisinage, s'empressaient de regagner leurs foyers, où les attirait la sage administration du lieutenant de Nébucadnetzar. Parmi eux se trouvait un nommé Ismaël, Juif comme les autres, mais émissaire secret du roi des Hammonites, lequel avait formé le projet de faire assassiner Guédalja. Celui-ci, informé du complot par Johanan (Jean), un de ses ministres, qui lui offrit de prévenir Ismaël en le faisant mourir secrètement, repoussa cette proposition avec une grande noblesse, trop généreux pour croire à une telle trahison de la part d'Ismaël.

2375. (41.) La chose toutefois n'était que trop vraie. Quelque temps après, Guédalja tomba sous les coups du traître, et avec lui périrent, hélas! un grand nombre de victimes. Ismaël, semblable à un tigre altéré de sang, fit main basse sur tous ceux qui s'opposèrent à lui; mais comme il passait aux Hammonites avec ceux des habitants de Mitspa qu'il avait épargnés pour les réduire en servitude, il fut poursuivi par Johanan. Attaqué vigoureusement et abandonné des siens, Ismaël n'échappa que par la fuite au sort qu'il méritait. Après cette victoire, Johanan eut la malheureuse idée de fuir en Égypte, lui et tous les Juifs qu'il pourrait déterminer à le suivre. Le prétexte était la crainte que Nébucadnetzar ne vengeât sur le peuple entier la mort de Guédalja; mais la vraie raison, je pense, c'est qu'ils ne voyaient, mal à propos, que ce moyen d'échapper à la malédiction qui continuait de peser sur leur infortunée patrie.

2376. (42.) Quoiqu'ils fussent bien décidés au départ, ils voulurent que Jérémie consultât pour eux l'Éternel. Dix jours après, le prophète leur enjoignit au nom du Seigneur de ne point donner suite à leur dessein, promettant que s'ils restaient ils seraient bénis, déclarant au contraire que s'ils s'en allaient, la malédiction les suivrait en Égypte. Bien plus, il ne leur dissimula pas qu'il savait que leur parti était pris, et il leur reprocha vivement le crime dont ils se rendaient coupables en consultant l'Éternel, tandis qu'ils étaient résolus sur ce qu'ils voulaient faire: c'est un péché que commettent tous ceux qui prient, non pour s'éclairer, mais pour s'affermir dans leur volonté propre [1960].

2377. (43.) En entendant ces paroles, Johanan et les siens s'oublièrent au point d'accuser Jérémie de mensonge. Hélas! dès qu'ils ne voulaient pas obéir à Dieu, il ne leur restait que cette ressource pour excuser leur faute. Ils prétendirent que c'était sous l'influence de Baruch qu'il parlait.-Rien de plus naturel encore; car lorsqu'on ne croit pas en Dieu, l'on ne voit en toutes choses que l'homme et son action. Se constituant donc leurs propres maîtres, ils partirent en foule et contraignirent Jérémie à les suivre, malgré ses cheveux blancs et le mépris qu'ils avaient eu pour ses exhortations. Dès qu'ils furent en Égypte ou peu après, le prophète de l'Éternel leur annonça la conquête que Nébucadnetzar ne devait pas tarder à faire de l'illustre et antique royaume des Pharaons. Alors ils verraient qu’il n'est aucune retraite où l'on se puisse mettre à l'abri des jugements de Dieu, et qu'il n'est qu'un seul moyen d'y échapper, savoir la conversion du cœur et la foi aux promesses. Dieu avait dit à son peuple: «Vous ne retournerez point en Égypte;» Johanan, nouveau Moïse, mais à contresens, y entraîne ses frères pour leur faire rencontrer la destruction.

2378. (44.) Nous voici au dernier chapitre de Jérémie, car nous avons déjà lu ceux qui suivent. Celui-ci nous donne une idée du ministère que le vieux prophète eut à remplir auprès de ces misérables transfuges. Entourés des innombrables superstitions de l'Égypte, ils ne tardèrent pas à y satisfaire le vœu de leurs cœurs, toujours pleins d'idolâtrie. Du consentement des maris, les femmes surtout s'adonnèrent avec fureur au culte infâme de la reine des cieux. C'est pourquoi Jérémie, revêtu d'une force de jeunesse que l'Esprit de l'Éternel peut seul produire, recommença les mêmes prédications qu'il avait fait entendre aux générations précédentes, leur dénonçant en termes parfaitement intelligibles les justes jugements du Très-Haut. Ces jugements ne se firent pas longtemps attendre. — Quant à Jérémie, on assure qu'il finit par être lapidé. Les Juifs, fatigués de sa voix importune, auraient, par ce dernier crime; mis le sceau à leurs prévarications.

2379. Heureux, mille fois heureux, ce prophète vénérable qui, après une longue carrière de dévouement et de souffrances, mourut martyr de sa fidélité! Mais que dire, hélas! de ceux qui méconnurent son patriotisme, et, bien plus que cela, le saint caractère qu'il avait reçu de l'Éternel? Eh! de nos jours encore, la multitude ne comprend pas que les vrais amis de leur pays sont ceux qui s'efforcent d'y faire régner la foi et la piété. Mais la haine de Dieu et de sa loi est la plus terrible de toutes les haines, celle qui aveugle et égare le plus. Les faux prophètes, traîtres à Dieu et à leur prochain, seront toujours mieux accueillis par les masses incrédules que les vrais ministres de la Parole du Très-Haut.


LAMENTATIONS DE JÉRÉMIE.

CLXXX. — Jérusalem après sa ruine.


2380. Sans qu'on puisse déterminer d'une manière précise le moment où cette touchante élégie fut écrite, il est manifeste qu'elle a pour sujet la destruction de Jérusalem et la dévastation de la Judée. En de telles calamités, le cœur humain se resserre ou se fond, il devient insensible ou il s'abandonne au désespoir; l'intention du prophète est de prémunir ses compatriotes contre l'un et l'autre de ces excès. Il veut qu'ils pleurent avec lui, mais comme lui. Pour cela, il faut qu'ils voient en Dieu l'auteur de leurs souffrances, et dans leurs péchés la cause de tant de maux; il faut qu'ils s'étudient à la soumission, à la repentance, à la foi, à la prière; il faut que, toujours plus pénétrés de leur culpabilité, ils ne perdent point de vue les promesses de la délivrance. Tels sont les sentiments que le prophète s'efforce de produire chez ses frères, en les exprimant tels qu'il les éprouve lui-même. On comprend d'après cela de quel prix est ce livre pour la consolation de tous ceux qui sont atteints par la calamité.

2381. Que ceci d'ailleurs soit une poésie, comme au reste toutes les parties prophétiques de la Bible, c'est ce qui frappe dès le premier abord par le nombre et la variété des images, comme par un certain rythme qui s'est conservé presque intact, même dans nos traductions les plus imparfaites. L'élégie est partagée en cinq chants, chacun de vingt-deux strophes ou versets, suivant le nombre des lettres de l'alphabet hébreu, chaque verset commençant, dans l'original, par la lettre qui lui sert de numéro, sauf pourtant le cinquième chapitre qui n'offre pas cette particularité.

2382. (1.) Jérusalem, comparée à une femme que la mort a privée de son époux, est assise solitaire sur de vastes ruines; elle pleure jour et nuit, car ceux dont elle avait fait ses coupables amis l'ont, à qui mieux mieux, trahie et délaissée. Triste image d'une âme qui s'est donnée au monde et dont le monde cause la perte (1, 2). Les Juifs ont émigré pour éviter l'esclavage, et partout ils ne rencontrent que la misère (3). C'en est fait du culte de l'Éternel en Sion; les fêtes religieuses sont abolies (4). Punie pour ses péchés, Jérusalem est ruinée; ses princes même manquent de pain (5, 6). Elle regrette maintenant son ancienne prospérité; humiliée et insultée, elle voit ce qu'il en coûte de ne pas vouloir écouter les menaces du Dieu fort (7-11). Sa désolation est telle qu'elle devrait, semble-t-il, faire pitié aux plus insensibles (12-16). Mais non, Sion a beau tendre les mains: il n'y a personne pour la consoler, elle est un objet de dégoût à tous ceux qui l'approchent (17). Aussi, le prophète met-il enfin dans sa bouche une prière où, confessant ses crimes, elle recourt à la miséricorde de l'Éternel, duquel seul peut venir la délivrance et auquel appartient de châtier les oppresseurs de son peuple (18-22).

2383. (2.) En faisant une part convenable à ce qu'on peut envisager comme les exigences du langage poétique, lequel présente toujours les objets sous leur côté le plus frappant, on ne saurait douter que la seconde Lamentation ne décrive dans sa vérité le tableau qu'offrait la ville de Jérusalem aux derniers jours du siège et après qu'elle eut été prise d'assaut. Vous y voyez donc les nuées d'ennemis qui l'environnaient et qui fondirent sur elle, la démolition des maisons, le massacre de la famille royale et des plus vaillants guerriers, l'incendie dévorant le chaume et les palais, la pioche renversant les murailles, l'avidité des vainqueurs dépouillant le temple de ses richesses, et les voix impures des païens faisant retentir de leurs cris les lambris du saint lieu (1-7). Le mur d'enceinte de la ville forte est rasé et le terrain nivelé; ses rois et ses princes sont emmenés captifs; la voix de l'Éternel ne s'y fait plus entendre; les anciens du peuple se couvrent de poussière comme Job, et les jeunes filles laissent retomber leurs têtes vers la terre (8-10). À ce spectacle, les yeux du saint prophète se sont répandus en larmes, surtout quand il a vu de petits enfants mourir de faim sur le sein de leurs mères, les faux prophètes repaître (Lamentations 3. 4. 5.) le peuple de leurs mensonges, les étrangers se moquer de tant de douleurs et les ennemis d'Israël s'en réjouir (11-16). Quoi encore? Hélas! des femmes ont dévoré leurs nourrissons, et les rues sont jonchées de cadavres; sacrificateurs, prophètes, vieillards, vierges et jeunes hommes, tous ont péri par l'épée au jour de la colère de l'Éternel! (17-22.)

2384. (3.) Ici, le prophète parle en son propre nom, soit qu'il ait effectivement en vue ses épreuves particulières, soit qu'il personnifie en lui le peuple d'Israël tout entier, dont les maux étaient les siens mêmes. Dans les dix-huit premiers versets, formant six strophes, Jérémie décrit la grandeur de ses souffrances, et l'on y voit en particulier comment les impies se moquaient de lui dans leurs chansons (1-18), ce dont le roi David s'était aussi plaint en son temps (Ps. 69: 12). Puis, le prophète tourne ses pensées vers l'Éternel, pour réclamer son assistance. Il reconnaît qu'après tout, le Seigneur aurait pu, sans injustice, le traiter, lui et ses compatriotes, plus sévèrement qu'il ne l'avait fait. Aussi ne met-il point en doute sa bonté, ni l'utilité des afflictions. Il sait que ce n'est pas par plaisir que l'Éternel châtie les enfants des hommes, que tous nos maux sont l'effet du péché (19-36). C'est pourquoi il s'écrie: «Examinons nos voies et les sondons, et retournons à l'Éternel. Élevons nos cœurs en même temps que nos mains vers Dieu qui est dans le ciel.-Nous avons péché et nous fûmes rebelles» Dieu donc est juste quand il ne pardonne pas et qu'il punit (40-42). Toujours est-il que s'il afflige ses serviteurs mêmes, à cause de leurs transgressions, il est impossible que leurs ennemis, ses propres adversaires, ne tombent enfin sous ses coups (58-66).

2385. (4.) La quatrième Lamentation semble comme un résumé des deux premières. C'est encore un tableau des désolations de Jérusalem, avec la différence peut-être qu'il s'agit ici de l'état du pays après la conquête, plutôt que du sac proprement de la sainte cité. Je n'en relèverai que les deux derniers versets, à cause de la double prophétie qu'ils renferment. Les Iduméens, ces vieux ennemis d'Israël, s'étaient réjouis de sa ruine; mais leur tour aussi viendra de boire le calice d'amertume, dit le prophète; et tandis que Jérusalem aura sa restauration, pour ne plus revoir la captivité, Edom sera couvert d'une humiliation perpétuelle.

2386. (5.) La dernière Lamentation est, par sa simplicité comme par la profonde douleur dont elle est empreinte, la plus remarquable des cinq. Le prophète s'adressant à l'Éternel même, le prie de considérer les maux affreux que leur faisaient souffrir les vainqueurs. «La couronne est tombée de nos têtes,» dit-il en.terminant ce triste tableau. Puis, vous entendez sortir de son cœur ce cri si admirable, parce qu'il est simple et naïf: «Ah! malheureux que nous sommes d'avoir péché!» (16.) — Cependant le prophète sait bien tout ce qu'il y a de miséricorde dans les trésors de la grâce de Dieu; il termine donc par cette belle prière: «Pour toi, Éternel, tu règnes éternellement, ton trône demeure pour tous les âges. Pourquoi nous oublies-tu à toujours, nous délaisses-tu si longtemps? Convertis-nous à toi, Éternel, et nous serons convertis; rends-nous des jours nouveaux, tels que ceux d'autrefois! Est-ce donc que tu nous as entièrement rejetés, que ta colère contre nous est si extrême?»

2387. Quelles que soient les détresses de votre âme ou les épreuves de votre vie, lisez et méditez ce beau livre de la Parole de Dieu. Vous y trouverez la description de maux plus grands que ne le sont les vôtres; vous y apprendrez à connaître toujours mieux quelle est la source de vos nombreuses misères, et, en vous appuyant sur Jésus-Christ, qui a beaucoup souffert aussi, et souffert pour nos péchés, vous serez relevés et fortifiés par l'espoir de la délivrance.


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