§ 1. Nous avons vu dans notre Première Étude (§§ 2, 4, 6, 7), les divers noms que porte le Livre où sont contenues les révélations de l'Éternel, livre dont nous allons continuer l'exposition, moyennant l'assistance du Saint-Esprit. Là aussi (§ 10) nous vîmes sous quelle classification générale on range communément les Écrits sacrés, tant de l'Ancien que du Nouveau-Testament. Mais il est une autre manière encore de les distribuer, et celle-ci est d'autant plus digne d'attention que la Bible elle-même nous la fournit.
§ 2. Pour m'en tenir à l'Ancien Testament, lorsque notre Seigneur Jésus-Christ le cite, il le désigne par ce mot consacré, LES ÉCRITURES (Jean V, 39); mais il dit aussi simplement, La LOI, LES PROPHÈTES et LES PSAUMES (Luc XXIV, 44), ou LA LOI et LES PROPHÈTES (Matth. XXII, 40), ou bien encore, et cela revient au même, il dit, MOÏSE et LES PROPHÈTES (Luc XVI, 29). D'où il suit qu'on peut renfermer les cinq livres de Moïse ou le Pentateuque, dans cette seule expression LA LOI, et tout le reste de l'Ancien Testament dans le titre général, LES PROPHÈTES. C'est là ce que nous faisons.
§ 3. L'Écriture appelle prophète tout homme qui parle ou écrit par l'Esprit de Dieu (Étude LXVIII, § 938). Moïse, un des prophètes, fait classe à lui seul, en vertu de l'œuvre spéciale dont il fut l'instrument et le ministre. Avant Jésus-Christ, nul ne fut comme Moïse médiateur entre Dieu et le peuple, pour constituer une alliance et fonder une économie, ou un ordre de choses entièrement à part. Les prophètes qui lui succédèrent purent le surpasser en certains points, mais aucun d'eux ne reçut la vocation de modifier, de développer, de perfectionner l'œuvre commencée et achevée par Moïse. C'est à notre Seigneur Jésus-Christ qu'appartenait la gloire d'accomplir la loi et les prophètes (Matth. V, 17).
§ 4. Les prophètes postérieurs au grand législateur des Hébreux n'ont pas tous laissé des écrits; mais ils n'est aucun livre de l'Ancien Testament qui ne soit l'œuvre de quelqu'un de ces hommes inspirés de Dieu, car ces livres sont chacun en particulier, aussi bien que dans leur ensemble, la PAROLE DE L'ÉTERNEL, LES SAINTES ÉCRITURES. Nous leur devons un égal respect, une même confiance, et il n'en est pas un seul qu'il soit permis de négliger. C'est pourquoi nous les étudierons tous, sans cependant leur donner à tous le même temps, afin de ne pas trop multiplier les volumes. Puis, au lieu de les prendre dans l'ordre où nos Bibles les présentent, ce qui nous ferait lire d'abord les livres historiques, ensuite les hagiographes et enfin les prophètes proprement dits (Étude I, § 10), nous nous attacherons plutôt à leur ordre chronologique; en sorte que notre marche continuera de suivre pas à pas l'histoire du peuple Juif, histoire qui est celle des révélations du Seigneur (ibid. § 1). De cette manière, les livres hagiographes et les prophètes s'intercaleront dans les livres historiques.
§ 5. Toutefois, avant d'ouvrir le Livre de Josué, où sont enregistrés les événements qui succédèrent à la mort de Moïse, nous devons nous occuper quelques moments de celui de Job, épisode par lequel nous sommes heureux de reprendre le cours de ces Études. Vous le trouvez dans vos Bibles après Esther et d'abord avant les Psaumes de David. Ce n'est pas que Job ait vécu à l'une ou à l'autre de ces époques, ni que son histoire n'ait été écrite qu'alors; mais comme ce livre est un livre d'édification plus encore qu'un livre historique, il a été placé en tête des hagiographes, où il tient le premier rang par son antiquité, sinon par son importance.
§ 6. Après quoi j'ai encore un avertissement ou deux à donner ici. — Dans ce volume, comme dans le précédent, je continue de renvoyer quelquefois aux paragraphes (§§) déjà lus. Quand il s'agira du premier volume, ou des Livres de Moïse, je mettrai le chiffre romain I avant celui du paragraphe; comme ceci, par exemple: (I, §§ 75 à 78); et lorsque le chiffre I sera absent, le renvoi se rapportera au paragraphe de ce tome-ci. J'espère que mes lecteurs ne manqueront pas de faire le travail de rapprochement et de confrontation auquel je les invite par ces renvois, méthode abrégée au moyen de laquelle je leur remémore les choses passées, en évitant des répétitions. Ce que j'espère surtout, c'est qu'ils ne liront pas ces Études sans méditer en même temps leur Bible, et sans prier Dieu de les éclairer. Sonder les Écritures et demander le Saint-Esprit, prier le Seigneur et lire sa Parole, c'est le seul chemin qui conduise à la vérité et à la vie.
JOB.
LXXXI. Épreuves et patience de Job.
§ 7. On ignore par qui le livre de Job fut rédigé. Plusieurs l'attribuent à Moïse. Dans tous les cas le prophète que l'Éternel chargea de nous transmettre cette histoire remarquable, doit avoir existé fort anciennement, ce que prouvent le style de l'ouvrage et certaines particularités. Il faut donc que Job lui-même ait vécu en des temps très-reculés; peu de siècles après le déluge, à ce qu'on pense; au plus tard, pendant que les enfants d'Israël habitaient le désert.
§ 8. Quelques-uns ont cru voir dans le Livre de Job, non une histoire, mais une sorte de parabole, où les faits et les discours, comme dans la similitude de l'Enfant prodigue, sont créés par la pensée de Dieu, pour nous enseigner la vérité sous cette forme attrayante et impressive. Cependant, si vous lisez ce qui est écrit dans le prophète Ézéchiel, chapitre XIV, versets 14 et 20, puis dans l'épître de saint Jacques, chapitre V, verset 11, vous vous convaincrez, je m'assure, que Job fut un personnage très-réel; car l'Écriture ne parlerait pas ainsi d'un être purement idéal. Ce qu'on peut dire toutefois, c'est que l'écrivain sacré, conduit dans son travail par le Saint-Esprit, nous a raconté la vie de Job en poète plus qu'en historien. La différence entre ces deux manières gît essentiellement dans la forme, et la libre allure du poète n'exclut pas nécessairement la vérité. Ainsi, vous verrez que ce qui fait l'essentiel du Livre de Job, ce sont des entretiens qu'eut ce saint homme avec quelques amis; or, on ne saurait douter que, pour le fond, ces entretiens n'aient été tels que la Parole de Dieu nous les donne, mais il y a grande apparence que la forme poétique dont ils sont revêtus appartient à l'auteur sacré, ou plutôt au Seigneur et à son Esprit. Cette considération, loin d'affaiblir l'autorité du livre, ne la rend que plus forte; puis, il ne faudra pas nous étonner non plus si la lecture en présente quelques difficultés, car c'est une poésie divine.
1:
1
§ 9. Il existait un pays de Huts dans les
environs de Damas, en Aram, ou Syrie (I, § 237),
un autre en Arabie et un troisième en Idumée. Il est donc
impossible de savoir au juste à quel peuple appartenait Job. Mais
qu'il fût Araméen, Ismaélite ou Iduméen, toujours est-il qu'il
descendait du patriarche Sem (I, §§ 237,
244, 307,
500). Dans tous les cas
aussi, son histoire le place, lui et ses amis, au nombre des
hommes tels que le Madianite Jéthro (I,§ 633),
qui n'avaient pas encore abjuré le vrai Dieu pour l'idolâtrie. Job
était, ainsi qu'Abraham, intègre et droit en présence du Seigneur;
comme lui, il avait la crainte de Dieu devant les yeux et il
fuyait le péché, nous verrons bientôt que, semblable à Abraham, à
Isaac et à Jacob, il attendait le salut promis par l'Éternel dès
le commencement du monde. C'est pourquoi, à supposer que Job ne
soit issu du père des Hébreux ni par Ismaël, ni par Esaü, il ne
laisse pas d'avoir été son fils en la foi (I, § 314).
1:
2-4
§ 10. Job était aussi heureux qu'on peut l'être
ici-bas; car, outre sa piété (ce qui est l'essentiel), il avait
reçu de Dieu une belle famille de sept fils et de trois filles,
puis une fortune considérable en bestiaux et en serviteurs.
C'était, selon toute apparence, un chef de tribu, riche et
puissant à la manière d'Abraham et de Lot, comme on en rencontre
encore dans certaines contrées de l'Asie, où les animaux
domestiques existent en multitudes dont nous n'avons aucune idée.
Ce qui vaut mieux que les richesses, la plus entière harmonie
régnait entre les fils de Job. Ils avaient chacun leur
établissement à part, et de temps en temps ils se recevaient les
uns chez les autres, célébrant d'un cœur joyeux leurs fêtes de
famille.
1:
5
§ 11. Job savait que le péché se glisse
facilement dans les joies de ce monde, même les plus honnêtes; il
savait qu'on peut n'avoir point péché par ses actions ou par ses
discours, et toutefois n'être pas innocent en son cœur. Aussi,
lorsque ses enfants avaient eu leurs fêtes, bien calmes et bien
pures en comparaison des plaisirs bruyants du présent siècle, il
offrait pour eux et avec eux des sacrifices, à cause des péchés
que peut-être ils avaient commis. Il craignait que, distraits et
entraînés par le plaisir, ils n'eussent «congédié Dieu de leur
cœur», qu'ils ne lui eussent tourné le dos après l'avoir salué;
qu'en un mot, ils ne s'en fussent séparés, car c'est là ce que
paraît signifier le mot qu'on a traduit par offensé ou par
blasphémé. — Il y a encore ceci de bien remarquable dans la piété
de Job: il sentait que nous avons toujours besoin d'une
purification, pour les péchés mêmes que nous ne savons pas avoir
commis; car à supposer que nous ne vissions en nous aucun mal,
nous sommes sûrs que le mal y existe et qu'une expiation divine
nous est nécessaire.
1:
6-17
§ 12. Maintenant, de quelle manière et par
quelle cause toute cette prospérité de Job se changea-t-elle
brusquement en une des plus cruelles détresses qu'on ait jamais
vues? Comment et pourquoi sa foi et sa piété furent-elles si
fortement éprouvées? C'est ce qui nous est raconté dans cet
endroit de l'Écriture, un des plus difficiles de la Parole de
Dieu. — Pour comprendre l'histoire de la tentation du saint homme
Job, il faut remarquer qu'elle renferme deux ordres de faits de
nature très différente. Il y a là des événements qui se passent
dans le monde visible et qui n'ont après tout rien de miraculeux;
mais on y découvre aussi des faits du monde invisible, faits qui
nous seraient demeurés inconnus, bien qu'ils se lient aux
précédents, si Dieu ne nous les eût révélés. Job perd coup sur
coup et par diverses catastrophes, ses richesses et sa famille.
Voilà des événements tels qu'il en arrive souvent, hélas! dans ce
monde de péché et de misère. Que de fois, en effet, ne voit-on pas
tous les maux fondre en même temps sur un homme et sur sa maison,
comme si Dieu le voulait écraser! Il n'est dans cette portion de
l'histoire de Job que deux circonstances qui peuvent sembler
improbables et qui ont engagé quelques personnes à la tenir pour
une parabole (§ 8), c'est
la destruction si complète de tout ce qui appartenait à Job, et
les messagers qui se succèdent, pour ainsi dire, à point nommé.
Mais, encore qu'extraordinaires, ces événements ne sont point
impossibles. Quant à la seconde circonstance en particulier, s'il
est dit: «Cet homme parlait encore, lorsqu'un autre vint, etc.,»
cela signifie peut-être simplement que les mauvaises nouvelles
arrivèrent avec tant de rapidité, que Job avait à peine le temps
de se reconnaître.
§ 13. Les faits de l'autre ordre sont ceux qui, ayant eu pour théâtre le monde invisible, nous introduisent dans les profondeurs du conseil de Dieu, faits que nous ne contemplons qu'à travers un voile, et qui nous sont racontés, ici comme ailleurs, dans le langage et à la manière des hommes. Ainsi, la présence de Satan devant l'Éternel et au milieu des enfants de Dieu, c'est-à-dire des bons anges: l'entretien du prince des ténèbres avec Celui qui est lumière et vérité, ou perfection (I, § 816); l'espèce de défi que Satan porte à Dieu et que Dieu accepte; tout cela est vrai en soi, mais la représentation qui nous en est faite offre plusieurs des caractères de la similitude. Ce sont de grandes doctrines et de grandes choses des lieux invisibles, qui, sous cette forme symbolique et sous ces images empruntées aux simples mœurs de la vie humaine, nous sont révélées par l'Esprit du Seigneur.
§ 14. Les vérités fondamentales que la Parole de Dieu nous enseigne et nous rappelle ici, sont:
1° L'existence de Satan, le calomniateur, l'ennemi de Dieu. S'il n'avait pas encore été nommé par son nom dans la Bible, il y a longtemps que nous l'y avions vu à l'œuvre (I, §§ 73 et suivants);
2° La haine que cet être méchant porte aux fidèles serviteurs du Très-Haut;
3° La gloire que Dieu tire des grâces même qu'il accorde aux siens, et la jalousie affreuse qu'en éprouve le Calomniateur, c'est-à-dire le Diable;
4° La permission que l'Éternel a pu accorder quelquefois à Satan d'affliger les fils des hommes; ou plutôt cette vérité générale, que tous les maux de la vie sont une suite du péché, en sorte que, dans un sens, ils viennent de Satan et non pas de Dieu, comme il est vrai que ce sont les passions des hommes qui peuplent les prisons et ensanglantent les échafauds, bien plus que les arrêts des cours de justice;
5° La confirmation d'une autre vérité fort sérieuse, savoir que toute épreuve renferme une tentation (I, § 352).
6° Enfin nous avons ici pour dernier enseignement, que Satan ne saurait dépasser dans sa malveillance les limites qui lui sont imposées par l'Éternel; car il a beau être rusé et puissant, il n'est pas maître de faire tout ce qu'il lui plaît, et en définitive c'est l'Éternel qui règne.
§ 15. Vous remarquerez d'ailleurs avec quelle malice Satan, jouant son rôle de calomniateur (I, § 81), cherche à rabaisser la valeur morale de Job et le prix de sa piété. Beaucoup de gens aussi se plaisent à dénigrer les enfants de Dieu. Les pauvres surtout et les malheureux s'imaginent, à l'instigation de Satan, qu'il n'est pas bien difficile aux riches d'avoir de la religion; ils ignorent ou ils oublient avec lui que, souvent, la prospérité gâte le cœur plus que les maux de la vie. Il y a toutefois quelque chose de vrai dans la parole du Calomniateur. Jusqu'à ce qu'un homme ait été sévèrement éprouvé de Dieu, il est mal aisé de connaître la véritable valeur de sa foi et de sa piété.
1:
20-22
§ 16. Quant à celles de Job, elles sortirent
victorieuses de la rude épreuve par où il plut à l'Éternel de les
faire passer. Il ne fut pas insensible à la verge du Seigneur, et
véritablement il ne devait pas l'être; car si Dieu nous châtie,
c'est pour que nous le sentions. Mais jusqu'à un certain moment,
tout en lui fut admirable. — Lorsque nous le voyons se lever comme
pour aller à la rencontre de ce grand Dieu qui le visitait,
manifester son deuil en déchirant ses vêtements et en se rasant la
tête, enfin se prosterner le visage contre terre, tout cela est
propre non seulement à nous émouvoir, mais encore à nous servir
d'exemple. Ne craignons pas, dans nos maux, de donner cours à la
douleur, pourvu que nous le fassions avec la patience filiale de
Job. Il reconnaît et adore la main de l'Éternel son Dieu. C'est de
lui qu'il avait tout reçu; maintenant le Seigneur juge à propos de
tout reprendre; que son nom soit loué! Vous voyez que Job n'avait
pas la patience païenne qui consiste uniquement à subir la
nécessité; il accepte du fond de son cœur les afflictions qu'il a
plu au Seigneur de répandre sur sa triste vie. Ce fut une belle
œuvre de la grâce de Dieu que cette patience de Job! aussi
l'Écriture la signale-t-elle avec éloge: «En tout ceci, Job ne
pécha point par ses paroles et n'attribua rien de mal convenable à
Dieu.»
2:
1-8
§ 17. Il n'est pas de douleur si grande qui ne
soit II susceptible d'accroissement. Il n'est pas d'enfant de Dieu
qui, ayant résisté à de grandes tentations, ne puisse avoir à
lutter contre des tentations plus fortes auxquelles il succombera
peut-être. Enfin, la méchanceté de Satan ne se fatigue pas; mais
si parfois Dieu lui permet d'aller jusqu'aux dernières extrémités,
c'est pour rendre la délivrance d'autant plus éclatante. — Job
n'avait pas encore été frappé dans sa personne; il fut donc
atteint d'une maladie aussi affreuse que cruelle. Tout son corps
enfla. Sa peau se couvrit d'une dartre pire que la lèpre.
Semblable à un cuir desséché, elle se gerçait partout et lui
procurait d'horribles démangeaisons; en sorte qu'il dut prendre un
morceau de terre cuite, fragment d'un vase brisé, et il s'en
grattait jour et nuit, assis sur la poussière. Pauvre Job! il
n'est pas possible d'être plus misérable que toi, et tu es sans
doute au terme de tes maux! Non; une souffrance d'une autre nature
vint s'ajouter à toutes celles qu'il endurait.
2:
9-10
§ 18. La femme de Job, d'une piété qui n'égalait
pas celle de son mari, fut écrasée par tant d'infortunes. Elle,
que Dieu avait moins châtiée afin qu'elle soutînt Job dans son
angoisse, au lieu de le consoler et de le fortifier, laissa sortir
de sa bouche des discours propres au contraire à le désespérer. «À
quoi te sert ton intégrité? Congédie Dieu; dis-lui adieu (car
c'est le même mot que ci-dessus [§11]),
et hâte-toi de mourir!» Que répondra Job à ces paroles plus
sataniques assurément que tout le reste? Lisez et admirez. Après
avoir repris sa femme d'un ton ferme mais sans insulte, il proféra
ce mot sublime, mille fois répété dès lors par tous les cœurs
pieux: «Quoi! nous recevrions de Dieu les biens et nous n'en
recevrions pas les maux!» C'est ainsi que la patience de Job
croissait avec sa misère. Jusqu'ici il n'avait point encore péché
par ses paroles; mais bientôt hélas! il allait succomber sous la
force de l'angoisse et sous l'impression pénible que lui causèrent
la dureté et l'injustice des amis qui prétendaient le consoler.
LXXXII. Entretiens de Job avec ses amis.
2:
11-13
§ 19. Ces consolateurs du pauvre Job
s'appelaient Eliphaz, Bildad et Tsophar. Ils se transportèrent
ensemble auprès de leur malheureux ami. Les ravages de la maladie
l'avaient rendu méconnaissable; aussi poussèrent-ils des cris de
douleur en le voyant, et, par les démonstrations usitées chez ces
peuples et à cette époque, ils attestèrent la profondeur de leur
sympathie. Les grandes douleurs sont muettes, si elles ne sont pas
délirantes. Pendant une semaine entière, les amis de Job lui
tinrent fidèle compagnie; mais à l'exception sans doute de
quelques mots échangés çà et là, ils respectèrent le silence qu'il
gardait, et, eux-mêmes, ils n'avaient pas la force de lui parler.
Chap.
3
§ 20. Peut-être eussent-ils mieux fait d'être
moins taciturnes. Le cœur de Job s'aigrissait au-dedans de lui,
et, comme une eau longtemps contenue rompt ses digues et s'échappe
avec violence, il ouvrit enfin la bouche pour proférer des
plaintes amères. — La plainte n'est pas nécessairement coupable
(I, § 655). Il y a une
manière de se plaindre et de pleurer qui est très naturelle et qui
ne se concilie point mal avec la soumission (§ 16).
Mais dans les cris du saint homme dont nous étudions l'histoire,
il y eut de l'emportement et par conséquent du péché. Lisez son
discours, et tout en admirant cette poésie, où se trouve décrit le
bonheur de ceux auxquels Dieu épargne les maux de la vie en les
retirant du monde dès leur enfance, ne vous laissez pas entraîner
par la beauté des images, ni par la portion de vérité qu'elles
illustrent. Job oublie ce qu'il avait dit lui-même, que les maux
comme les biens procèdent du Tout-Puissant. Au lieu de le louer
dans sa misère, à cause des jouissances qui lui avaient été
accordées jadis et qu'il n'avait sûrement pas méritées; au lieu de
penser aux grâces éternelles dont ses maux présents ne pouvaient
le priver et dont ils devaient lui faire sentir encore mieux le
prix, le voilà qui s'échappe jusqu'à s'écrier: «Périsse le jour où
je naquis!» Ah! quelque misérable que soit un enfant de Dieu,
jamais il ne maudira le jour de sa naissance. Il est vrai qu'il
naquit pécheur et misérable; mais maintenant que, né de nouveau,
il est héritier de la vie éternelle, par la grâce de son Dieu,
comment pourrait-il regretter d'être né?
Chap.
4-5
§ 21. Quand Job eut achevé de se plaindre,
Eliphaz prit la parole pour lui reprocher son impatience et son
manque d'abandon à la volonté de Dieu. Il lui rappelle ensuite des
vérités qu'il jugeait propres sans doute à le faire rentrer en
lui-même et à le consoler. Les jugements de Dieu, lui dit-il,
tombent sur les méchants et non sur les justes; si l'homme
souffre, c'est, en somme, parce qu'il est pécheur; il faut, dans
nos douleurs, chercher notre force auprès de Dieu dont la
puissance et les œuvres sont magnifiques; les afflictions
d'ailleurs sont un véritable bienfait pour ceux qui savent les
mettre à profit
§ 22. On remarquera surtout dans le discours d'Eliphaz avec quelle force et quelle simplicité il exprime que la misère est le fruit naturel du péché, et comment il rappelle une vérité trop souvent oubliée par ceux qui se permettent de critiquer la justice de Dieu. Puis on observera en quels termes il proclame que le méchant est son propre bourreau et qu'il se détruit lui-même par ses passions. Quelques lignes plus bas, les destinées de l'homme sont présentées sous une belle et vive image. Comme une étincelle brille, s'élève et disparaît, ainsi en est-il de la vie. Mais ne croyons pas que la peine résulte uniquement de notre condition terrestre. Adam était de la terre, et pourtant heureux avant d'avoir offensé le Seigneur. L'affliction ne sort donc pas de la terre, mais du péché. — Notez enfin une circonstance assez remarquable. Quoique Eliphaz ne fût point un homme inspiré de Dieu, il prononça des paroles d'une parfaite vérité. Ces paroles-là lui venaient d'en Haut, comme tout ce qui est vrai. C'est pourquoi le Saint-Esprit n'a pas dédaigné de les produire plus tard, en les marquant de son sceau. Voyez Jacq. I, 2; Hébr. XII, 5; 1 Sam. II, 6.
§ 23. Le discours d'Eliphaz renferme donc de grandes et de saines doctrines. Mais peut-être en présente-t-il quelques-unes sous une forme trop absolue. Sans doute que Dieu aime les justes et qu'il ne hait que les méchants; mais est-il vrai que les hommes droits échappent toujours à la calamité? Abel, par exemple! Eliphaz paraît donc oublier que, dans ce monde, l'enfant de Dieu peut se voir comme abandonné de son Père céleste; preuve manifeste qu'il y a une autre vie où se fera la rétribution définitive; puis, dans l'application qu'il fait à Job de cette maxime, il semble lui donner à entendre que sa piété peut-être n'avait pas été véritable. Quoi qu'il en soit, Eliphaz ne tient pas assez compte des énormes souffrances de son ami; il ne comprend pas qu'il est des positions où la patience échappe momentanément au plus patient; il n'a pas assez pitié de la faiblesse d'une âme qui succombe à une forte tentation; il s'exprime en termes un peu durs, il faut le reconnaître; aussi Job s'en montra-t-il vivement exaspéré.
Chap.
6-7
§ 24. Dans sa réponse, il décrit l'énormité de
ses douleurs et prétend que ses plaintes ne sont point excessives;
il appelle la mort à grands cris; et, sans repousser les paroles
de vérité (VI, 25), il reproche à ses amis la dureté de leur
réprimande, car il s'apercevait très bien qu'ils partageaient la
façon de voir d'Eliphaz. Après quoi Job justifie le désir ardent
qu'il éprouve de voir la fin de sa misérable vie, et il adresse à
Dieu des prières qui sont un mélange de murmures et de saintes
confessions de ses péchés. Ce discours de Job nous montre un
enfant de Dieu aux prises avec la détresse. Il faut y faire la
part de la fièvre qui le dévorait. Mais on y voit, au fond, un
homme qui soupire après le repos du Seigneur et qui sent bien que
ses fautes l'en rendent indigne. Job, toutefois, est loin de
«posséder son âme par la patience» comme il convient à un
serviteur de l'Éternel. S'il ne parle pas en impie, il parle sous
l'influence d'une puissante tentation de l'ennemi, et ici l'on ne
saurait dire qu'il ne pécha point (§ 16).
Chap.
8
§ 25. Aussi Bildad, le second de ses amis, se
met-il à le censurer vertement sur son manque de respect envers la
justice du Très-Haut. Il lui suggère la douloureuse idée que, si
ses enfants ont péri, c'est que sans doute ils avaient grièvement
offensé Dieu. Quant à lui, qu'il cherche le Seigneur d'un cœur
droit, et il pourra retrouver sa première prospérité. La droiture!
voilà le point essentiel; car l'hypocrisie est tout ce que le
Seigneur a le plus en abomination, et peut-être constituait-elle
le péché secret, le grand péché de Job! Bildad ne dit pas la chose
en propres termes, mais son malheureux ami put deviner que tel
était le fond de sa pensée. Partant, comme Eliphaz, du principe
vrai que Dieu est juste et que nos misères sont le fruit du péché,
Bildad pensait que celui qui souffre beaucoup dans ce monde doit y
avoir fait beaucoup de mal; or il savait que la vie de Job avait
été exemplaire, et en le voyant battu de Dieu à ce point, il
concluait que, sans doute, Job n'avait été qu'un hypocrite
Chap.
9-10
§ 26. Là-dessus, l'infortuné se soulève de sa
poussière pour célébrer à son tour la justice, la sagesse, la
puissance et les œuvres magnifiques de l'Éternel. Il déclare qu'il
n'a nullement l'intention de se justifier devant lui. mais il
insiste sur ce qu'on ne doit pas juger de la moralité d'un homme
par les maux qu'il endure ici-bas. Bien que ses souffrances soient
extrêmes, il n'entend point en faire un grief au Seigneur;
cependant il voudrait que Dieu lui dit pourquoi il le traite d'une
manière si rude. II se réclame de ses compassions; il lui semble,
après tout, qu'il est suffisamment châtié; puis il exprime encore
une fois le souhait de n'être jamais venu au monde, et il demande
à Dieu de lui donner au moins quelque relâche avant de le faire
descendre dans le sépulcre. — Ce discours de Job, il est aisé de
le remarquer, se ressent de l'agitation de son âme. Il y émet des
pensées assez contradictoires. Le mal s'y trouve mélangé avec le
bien; je ne sais néanmoins si celui-ci ne s'y manifeste pas en
plus grande mesure.
§ 27. Remarquez notamment au chapitre IX les versets 2 à 4, 15, 19 à 22, 25 et 26. — Dans les deux derniers, Job décrit la brièveté de la vie par des images aussi justes que frappantes, comme il l'avait déjà fait lors de son second discours, chap. VII, vers. 6. Mais ce sont les autres versets surtout que je vous invite à méditer. Vous y verrez combien Job était persuadé que l'homme ne saurait être juste par ses œuvres. Celui qui se croit juste devant Dieu ne connaît ni Dieu, ni sa propre âme; et si quelqu'un se justifie, ses paroles mêmes le condamneront, car elles ne peuvent venir que d'un horrible orgueil. D'un autre côté, puisqu'il n'est personne qui soit juste devant Dieu, il n'est pas étonnant qu'ici-bas l'homme de bien soit châtié à l'égal du méchant, car même le meilleur a grandement péché et les maux qu'il endure n'équivaudront jamais au mal qui est en lui et au mal qu'il a fait. — C'est à cela que reviennent les pensées de Job, et ces pensées sont parfaitement vraies. Je regrette de ne pouvoir m'y arrêter davantage.
Chap.
11
§ 28. Tsophar, le troisième des amis de Job et
probablement le plus jeune, n'avait encore rien dit. Il crut
devoir aussi prendre la parole, et il le fit pour enchérir sur
l'amertume des discours précédents, «Tu n'es qu'un beau parleur,»
dit-il à Job. «Au fond, tu te justifies toi-même, tout en avouant
que l'homme ne peut se justifier. Considère la majesté de Dieu et
te repens.» — Que ce qu'il y a de si dur dans le discours de
Tsophar ne nous empêche pas d'en signaler les beautés. Il est très
vrai, par exemple, que Dieu nous châtie toujours moins que nos
péchés ne le méritent. Et puis, recueillons de lui ces paroles à
la fois si justes et si grandes sur la majesté de l'Éternel:
«Trouveras-tu le fond de Dieu en le sondant? Connaîtras-tu
parfaitement le Tout-Puissant? Ce sont les hauteurs des cieux,
qu'y ferais-tu? C'est une chose plus profonde que les abîmes, qu'y
connaîtrais-tu? » etc.
LXXXIII. Suite des entretiens de Job avec ses amis. La délivrance.
Chap.
12-13
§ 29. Job réplique à Tsophar avec une sorte de
véhémence. Ses amis croient-ils donc en savoir plus que personne
sur la grandeur de Dieu et sur ses voies envers les pécheurs? Nul
doute que l'Éternel ne soit plein de puissance et de sagesse;
toujours est-il que bien souvent les méchants prospèrent ici-bas.
Vous donc, Eliphaz, Bildad, Tsophar, prenez garde à vous-mêmes!
Vous vous confiez dans votre prospérité; mais Dieu pourrait enfin
châtier la dureté de vos cœurs! Pour moi, dit Job, fort du
sentiment de ma conscience, qui ne me reproche point d'avoir été
un hypocrite, «je ne laisserai pas d'espérer, quand même Dieu me
tuerait.» D'ailleurs Job ne demande pas mieux que de connaître à
fond ses péchés, afin de savoir au juste pourquoi Dieu le châtie
avec tant de rigueur. En attendant il le supplie de considérer son
néant et sa misère. Oh! que n'est-il déjà dans la fosse, pour y
demeurer en repos jusqu'au rétablissement de toutes choses! car il
ne se dissimule pas qu'il est près de succomber sous le poids de
ses souffrances et de son péché. C'est la destinée de tout homme,
qui se sèche comme une fleur et disparaît comme une ombre. Il n'y
a en lui que souillure; et qui est-ce qui le purifiera?
Chap.
14-17
§ 30. Alors Eliphaz, reprenant la parole,
prononça un discours où il soutint avec une grande force les
principes qu'il avait émis précédemment. Rien, dit-il, n'égale la
sainteté de Dieu, si ce n'est la misère du méchant; et comme il
avait, dès les premiers mots de son discours, accusé Job
d'orgueil, d'impiété et d'ingratitude, il n'y avait pas moyen que
ce malheureux ne prit pour lui les anathèmes de son ami. Aussi le
voit-on se répandre en plaintes amères contre ses hôtes. Les
traiterait-il aussi durement s'il était à leur place et eux à la
sienne? N'auront-ils aucune pitié des souffrances atroces qu'il
endure? Elles sont si terribles qu'elles font perdre le sens à
ceux qui en sont les simples spectateurs et que des hommes,
d'ailleurs pleins de droiture, ne savent se les expliquer. Comment
donc s'étonner qu'il soupire après le repos de la mort et qu'il
dise «à la fosse: Tu es mon père, et aux vers: Vous êtes ma mère
et mes sœurs;» c'est-à-dire je vous aime et vous désire comme on
aime père, mère, frères et sœurs!
Chap.
18-19
§ 31. Job eut à peine achevé de parler que
Bildad, à son tour, se hâta de lui reprocher sa présomption et son
défaut de patience. Cela dit, il revient sur la misère des
méchants, en faisant de ses maximes une application indirecte mais
évidente au pauvre Job que ce discours dut aigrir toujours plus.
Ne soyons donc pas surpris de la vivacité croissante qu'il met
dans sa réponse. Il fait un tableau déchirant de l'état misérable
où Dieu l'a réduit. Puis, si l'on continue, on admire la confiance
que Job plaçait en son Rédempteur selon l'antique promesse (I, §
102), et l'assurance qu'il avait de la résurrection des
morts. Mais ce Rédempteur est aussi le Vengeur ou le Goël de ses
rachetés (I, § 999), et
malheur à ceux qui les persécutent! car il y aura un jugement.
Chap.
20-21
§ 32. Tsophar, reproduisant les doctrines et les
accusations d'Eliphaz et de Bildad, persiste à prétendre, contre
l'évidence, que les méchants sont toujours traités dans ce monde
selon leur méchanceté. Mais Job, après avoir demandé à ses amis de
lui prêter une attention sérieuse, montre au contraire que la
prospérité des pécheurs non convertis et leur arrogance dépassent
quelquefois tout ce qu'on peut imaginer, ta destruction sans doute
sera finalement leur partage; mais, ici-bas, on ne saurait dire
que Dieu rende toujours à chacun selon ses œuvres. Ce discours,
empreint de la plus parfaite modération, est aussi d'une entière
vérité.
Chap.
22
à 31
§ 33. La question qui se débattait entre Job et
ses à amis est une de celles qui a le plus occupé les hommes; non
seulement la question relative à l'existence du mal dans ce monde,
mais surtout celle qui se rattache à la disproportion manifeste
qu'on observe à cet égard. Il ne faut donc pas nous étonner de
voir la discussion se prolonger, non plus que d’y remarquer
toujours plus de vivacité et d'amertume. Eliphaz, soutenant son
opinion, va jusqu'à accuser positivement son ami d'avoir mené en
secret une vie criminelle, ce qui seul pouvait expliquer son état;
et Job, dans un long plaidoyer, que Bildad interrompt un instant,
donne cours, cette fois, à toute son irritation. Puis, pressé par
le désir légitime de se justifier aux yeux de ses hôtes, il se
laisse à aller à des propos qui n'étaient pas innocents de tout
orgueil. S'il ne se dit pas-net de tout péché, il semble trouver
au moins que le châtiment devrait avoir enfin sou terme. Il a subi
sans murmurer la pauvreté, le deuil, la maladie; mais il n'était
pas prêt à essuyer les mépris des hommes. Il succombe sous le
poids de cette humiliation, et il y a là, convenons-en, quelque
chose qui appartient à la propre justice. — C'est une situation
critique pour un enfant de Dieu que celle où le place la nécessité
de dissiper les soupçons dont il est l'objet, ou de se disculper
des accusations qu'on porte contre lui. La vieille nature du
mauvais cœur y reparaît facilement, et que sera-ce encore si, aux
injustes accusations des hommes, se joignent des souffrances
physiques comme celles du malheureux Job?
Chap.
32
à 37
§ 34. Job n'était pas seul avec ses trois amis.
Plusieurs personnes, paraît-il, s'étaient réunies autour d'eux
devant son habitation, ce qui avait encore augmenté pour lui la
tentation de se glorifier. Dans l’assemblée se trouvait un jeune
homme nommé Elihu. Celui-ci, voyant que les passions
s'échauffaient et que les discours s'envenimaient, prit la parole
avec une certaine impétuosité et comme quelqu'un qui se contient
depuis longtemps. Il censure tour à tour Job et ses amis; mais il
ne me semble pas qu'il le fasse toujours avec une parfaite équité,
ni avec une entière intelligence du sens de leurs paroles. C'est
ainsi qu'il réprimande Job pour s'être justifié devant Dieu,
tandis qu'au fond c'était essentiellement auprès de ses amis qu'il
avait cru devoir se justifier. Il est vrai que, s'oubliant un
instant, il s'était glorifié autrement et plus qu'il ne convient à
un pécheur. Cependant, s'il avait dit qu'il ne craignait pas
d'être jugé par l'Éternel, il entendait par là que le jugement de
Dieu serait plus juste que celui des hommes. Devant le tribunal
suprême, il comptait se voir absous des crimes qu'on lui imputait,
ce qui ne voulait pas dire qu'il se crût innocent de tout péché.
§
35. Mais, quels que soient les côtés défectueux
du discours d'Elihu, il n'en renferme pas moins de grandes beautés
et l'expression de vérités du premier ordre. Je dois vous en faire
observer quelques-unes. Pour abréger, je les réduis en courtes
maximes dont il vous sera facile de voir le rapport avec les
versets indiqués à la marge. La raison de l'homme ne lui suffit
pas pour connaître les choses de Dieu; sans les lumières que donne
le Saint-Esprit, beaucoup d'études et une longue vie n'y servent
de rien. Quelque habileté qu'un orateur déploie, Dieu seul peut
porter la conviction dans les cœurs. C'est un grand péché que la
flatterie; le flatteur ne se place pas devant le tribunal de Dieu.
II ne faut pas croire que tout ce qui sort de l'homme juste soit
juste. Dieu seul est parfait en sainteté. Dieu n'a point à nous
rendre compte de ses desseins ni de ses actes.
Nous avons besoin d'une expiation pour nos péchés, mais Dieu seul
peut décider ce qu'elle doit être. C'est lui qui donnera et
l'expiation et le Médiateur (I, § 102).
Si Dieu traitait les hommes selon leurs mérites, il les détruirait
tous et à toujours. Personne ne peut échapper à Dieu.
Nos péchés ne font point de mal à l'Éternel; cependant ils ne
laissent pas de nous perdre par sa juste vengeance. Elihu parle
d'ailleurs d'une manière très remarquable de la sainteté de Dieu,
de son équité et de la majesté qu'il déploie en toutes ses œuvres.
La conclusion vient d'elle-même: c'est que l'homme ne saurait,
dans aucun cas, formuler de justes plaintes contre Dieu. Ses voies
sont souvent incompréhensibles; mais iniques, jamais.
Chap.
38
à 41
§ 36. Quelques-uns pensent qu'au moment où Elihu
terminait son discours, un orage, venant du désert, menaça
brusquement la contrée où il se trouvait avec Job et ses amis, et
que ce fut là ce qui le conduisit à décrire les grands effets de
la puissance de Dieu dans ces phénomènes de la nature. La voix
d'un orage est toujours saisissante et instructive. Mais celle qui
se fit entendre alors du sein de la tempête était la voix même de
l'Éternel, qui apportait à Job et à ses fâcheux consolateurs des
paroles destinées à confondre leur vain savoir. — Certainement, on
ne peut qu'admirer dans quelle pureté la connaissance de Dieu
s'était conservée chez quelques hommes à cette époque, surtout
quand on pense aux ténèbres de l'idolâtrie qui, plus tard,
couvrirent toute la terre. Ceux-ci néanmoins s'égaraient en
plusieurs points dans la vanité de leurs raisonnements, et
l'Éternel, qui les aimait, qui surtout aimait Job, daigna lui
adresser directement les remontrances dont il avait besoin.
§ 37. Pour convaincre Job de son ignorance et de son néant, l'Éternel lui adresse une foule de questions profondes auxquelles les hommes, en effet ne, savent que répondre, et il décrit quelques-unes de ses œuvres si grandes et si magnifiques. Cette portion du livre de Job peut être envisagée comme un développement du récit que Moïse nous fait de la création du monde (Gen. I), et elle nous apprend dans quel esprit d'adoration nous devons observer et admirer la nature. Voyez comment le Seigneur y parle de la puissance avec laquelle il forma les mers et mit une barrière à la fureur de leurs flots! Voyez en quels termes il peint l'autruche, le cheval de bataille, l'aigle, le béemoth enfin et le léviathan, deux grands animaux, l'un terrestre, l'autre aquatique, que l'on croit être l'éléphant et la baleine, ou le rhinocéros et le crocodile! Il y a une grande magnificence dans cette description des chefs-d'œuvre de la création animale; je ne pourrais que l'affaiblir en voulant la reproduire.
Chap.
42
§ 38. Avec un autre que Job, il eût fallu
peut-être une prédication toute différente pour le faire rentrer
en lui-même. Mais Job était un enfant de Dieu, et il lui suffit de
se sentir en la présence du Seigneur pour comprendre tout ce qu'il
y avait eu de répréhensible dans sa conduite, pour s'en humilier
et pour demander humblement son pardon. Déjà, il avait interrompu
l'Éternel en s'écriant: «Je ne suis qu'une vile créature, que te
répondrai-je? Je mettrai ma main sur la bouche. J'ai parlé une
fois et je ne répondrai plus; même deux fois, mais je ne le ferai
plus» (XXXIX, 37, 38). Voici maintenant ce qu'il dit: «Je sais que
tu peux tout et qu'on ne saurait t'empêcher de faire ce que tu as
résolu — J'avais ouï parler de toi de mes oreilles, mais
maintenant mon œil t'a vu. C'est pourquoi je me condamne et je me
repens sur la poudre et la cendre.» — Il faut peu de choses au
fidèle pour l'amener à se repentir, parce qu'il aime Dieu et qu'il
sait tout ce qu'a d'horrible le péché. Lors donc qu'il est repris
par le Seigneur, de quelque manière que ce soit, il écoute cette
voix paternelle et il se hâte de rebrousser chemin.
§ 39. Quant aux amis de Job, ils ne croyaient pas avoir à s'humilier devant Dieu, et pourtant ils étaient plus coupables que Job. Aussi le Seigneur déclara-t-il que, s'ils n'offraient pas un holocauste pour eux et si Job n'y joignait pas ses prières, ils ressentiraient la juste colère de Celui qu'ils avaient offensé par leurs discours imprudents. En parlant ainsi, le Seigneur réhabilitait à leurs yeux l'infortuné contre lequel ils avaient eu de si mauvais soupçons, et il fournissait à Job l'occasion de montrer qu'il leur pardonnait la dureté et l'injustice de leurs procédés!
§ 40. Les choses se passèrent comme Dieu l'avait commandé. Eliphaz, Bildad, Tsophar offrirent un holocauste et Job pria pour eux. Après quoi cet homme, dont l'épreuve était terminée, recouvra la santé, à la grande joie de ses parents et de ses connaissances. Dieu bénit tellement ton travail et ses entreprises, qu'il eut bientôt une fortune plus considérable qu'auparavant. Enfin l'Éternel lui rendit le même nombre de fils et de filles. Une longue vie lui fut donnée, pour qu'il servît de monument à la miséricorde de Dieu; car il vécut cent quarante ans depuis son rétablissement. Nous avons là d'ailleurs une preuve que tout ceci eut lieu en des temps forts reculés, puisqu'à l'époque de Moïse déjà, la vie des hommes avait singulièrement diminué.
§ 41. Quoi qu'il en soit, je ferai remarquer à mes lecteurs que le livre de Job, comme toute l'Écriture sainte, est destiné à mettre en évidence la gloire de Dieu; non seulement par les portions de cet écrit où des hommes sages et l'Éternel lui-même exaltent ses augustes perfections, mais encore par tout l'ensemble du récit. Nous y voyons, pour le redire encore (§14), que, si Satan exerce une grande puissance dans ce monde, il n'y est pourtant pas le maître, et que la victoire appartient toujours au Seigneur. Nous y apprenons, en outre, que, si Dieu juge à propos de châtier quelquefois ses enfants plus sévèrement même que les impies, ce n'est pas qu'il leur veuille du mal, tant s'en faut; en sorte que, dans nos peines, nous devons nous souvenir de Job, et glorifier Celui de qui procèdent les maux comme les biens et qui fait avec sagesse tout ce qu'il fait.
§ 42. Une autre observation qu'il est bon de reproduire, c'est le rapport frappant qui existe entre la religion de Job et celle d'Abraham et de ses fils. On voit qu'ils servirent le même Dieu et qu'ils le servirent de la même manière, preuve que, dans ces anciens temps, la connaissance de l'Éternel et de sa grande promesse (I, § 102) ne s'était pas perdue autant qu'elle le fut plus tard (I, § 633). Après cela, si vous comparez Job avec les Israélites du désert, vous reconnaîtrez que ceux-ci lui furent bien inférieurs en connaissance de Dieu et en vraie piété. L'Égypte, un des pays les plus anciennement idolâtres, les avait corrompus, et il fallut toute la puissance et toute la grâce de l'Éternel pour les ramener dans la bonne voie. Le livre de Josué va nous montrer que l'œuvre du Seigneur ne fut point vaine, et nous y apprendrons de plus en plus à le glorifier.
JOSUÉ
LXXXIV. Confirmation de Josué dans son ministère. Rahab la Cananéenne.
§ 43. On a vu qu'à la mort de Moïse le peuple d'Israël possédait toute la contrée qui est sur la rive gauche du Jourdain, et que cette contrée avait été donnée en partage à la tribu de Ruben, à celle de Gad et à la demi-tribu de Manassé (I, § 996). Quoique ce fût un territoire qui, dans tous les cas, devait appartenir aux enfants de Jacob (I, § 588), ce n'était pas proprement le pays de Canaan. Celui-ci longeait l'autre côté du fleuve; en sorte que la position des Israélites était assez semblable à celle du chrétien qui, dès ici-bas, jouit des arrhes du salut, mais qui doit encore combattre pour être mis en possession de ce salut dans sa plénitude.
1:
1-9
§ 44. Comme l'Éternel avait parlé à Moïse, il
parla de même à son successeur Josué. Après lui avoir tracé les
limites du pays où les Israélites étendraient un jour leurs
conquêtes, de l'Euphrate à la Méditerranée (l, § 297),
il lui promit de l'accompagner comme il avait accompagné Moïse. En
reproduisant les termes dont ce grand prophète s'était servi
quelques jours auparavant (I, § 1035),
le Seigneur exhorte Josué, par trois fois, à se fortifier et à
prendre courage. Et pour faire naître en lui les sentiments
auxquels il le conviait, ce Seigneur, toujours plein de
miséricorde, s'engage à ne point le laisser et à ne point
l'abandonner; mais plutôt, à être avec lui partout où il irait et
à lui donner une victoire assurée sur ses ennemis. Cependant, il
fallait que Josué ne se lassât pas de lire et de méditer la Parole
que l'Éternel avait donnée au peuple par son serviteur Moïse; car
c'était une grande tâche que celle qu'avait à remplir le fils de
Nun, vieillard fort avancé en âge. — Il devait compter alors plus
de quatre-vingt-dix ans.
§ 45. La tâche du chrétien aussi est difficile. Pour lui, souvent la carrière de la foi ne s'ouvre qu'assez tard, et, en tout temps, il est bien faible contre les nombreux ennemis de son âme. Mais il a, comme Josué, des exhortations et des promesses de Dieu; il possède également la Parole Sainte par laquelle le Saint-Esprit communique aux fidèles la lumière et les consolations de Jésus-Christ. Telle est la force de l'enfant de Dieu.
1:
10-18
§ 46. Le fidèle d'ailleurs n'est pas seul
ici-bas. Il a des frères, des cohéritiers du ciel, que Dieu
destine à lui porter secours dans la conquête à laquelle ils
aspirent de concert. Josué rappela donc aux descendants de Ruben,
de Gad et de Manassé, déjà pourvus d'un établissement, que, par
une juste réciprocité, ils avaient promis d'aider leurs frères à
se mettre en possession du pays. Leur réponse peut servir de
modèle au peuple de Dieu dans tous les temps, sauf sans doute les
menaces qu'elle renferme contre ceux qui n'obéiraient pas à Josué.
Cependant, tout prophète qu'il était, le fils de Nun n'exerçait
pas proprement de fonctions religieuses. Il n'appartenait pas à la
tribu de Lévi, mais à celle d'Ephraïm (I, § 943);
et nous devons voir en lui un envoyé extraordinaire, un
dépositaire du pouvoir de Dieu, un général d'armée plutôt qu'un
ministre des autels. En cette qualité, il avait incontestablement
le droit de punir de mort ceux qui se révolteraient contre son
pouvoir. Du reste, remarquez-le bien, le peuple entier lui
reconnaît et lui garantit ce droit, ou pour mieux dire il le lui
confirme de la part de Dieu.
§ 47. Envisagé à son point de vue typique, le discours des enfants d'Israël nous enseigne le genre d'obéissance que nous devons à nos conducteurs spirituels. Il nous faut écouter avec une parfaite docilité leurs paroles, pourvu toutefois qu'elles soient conformes à la Parole de Dieu; mais, si leurs enseignements sont d'accord avec la vérité et que nous les rejetions, c'est Dieu même que nous refusons d'entendre et nous nous attirons de sa part une condamnation méritée.
§ 48. En relisant avec attention la réponse des Israélites et surtout les encouragements qu'ils donnent à Josué, dans les termes mêmes dont l'Éternel s'était servi, vous vous convaincrez, comme je l'ai dit ailleurs (I, §§ 1002 , 1007), que ce peuple était aussi remarquable par sa foi et par sa piété que la génération précédente l'avait été par ses révoltes. Ce n'étaient plus les hommes de Mara, de Massa et Mériba, de Kibroth-Taava et d'Horma (I, §§ 712 , 730, 939 , 950).
2:
1-6
§ 49. On se rappelle que trente-neuf ans avant
l'époque où nous sommes parvenus, Moïse avait envoyé des
explorateurs au pays de Canaan, et l'on n'a pas oublié les tristes
résultats de cette expédition. Josué voulut tenter la même
expérience, mais il avait de meilleures mains à qui la confier.
Depuis quelques jours déjà, deux hommes étaient partis pour
Jéricho, afin d'examiner le terrain et l'état des esprits. Une
distance de trois lieues environ séparait cette ville de la rive
droite du Jourdain.
Les deux Israélites furent recueillis par une femme de mauvaise
réputation, nommée Rahab, qui tenait une hôtellerie. Les habitants
de Jéricho, non plus que les autres Cananéens, ne pouvaient
ignorer qu'après avoir défait toutes les armées qui avaient voulu
s'opposer à leur marche, les Israélites étaient maintenant campés
de l'autre côté du fleuve et qu'ils s'apprêtaient à le passer. Ils
ne pouvaient ignorer en outre que les enfants d'Israël se
prétendaient propriétaires du pays par la volonté de Jéhovah, et
ces idolâtres tremblaient que le Dieu d'Israël ne fût réellement
plus fort que leurs idoles. L'effroi avait donc saisi leur cœur,
et au lieu d'aller à la rencontre de l'ennemi, ils se tenaient
enfermés dans leurs murailles.
§ 50. Rahab, que le Seigneur destinait à être un monument de sa grâce au milieu de ces païens, Rahab qui, par ses mœurs encore plus que par son extraction, n'appartenait que trop à la race corrompue de Canaan, Rabab, dis-je, fut effrayée à salut en voyant approcher le moment où, selon une prédiction dont le vague souvenir avait pu se transmettre de père en fils (I, § 233), l'Éternel allait faire tomber ses jugements sur les coupables. C'est pourquoi, voyant dans les émissaires de Josué des messagers de la justice céleste, elle leur découvrit l'intérieur de son âme, et ces hommes pieux lui annoncèrent les miséricordes du Très-Haut, car l'Écriture nous parle expressément de la foi de cette femme (Hébr. XI, 31).
§ 51. Dès ce moment, les deux Israélites furent pour elle des frères à la sûreté desquels son devoir était de veiller. Quand le roi de Jéricho, informé de l'arrivée de ces étrangers, envoya chez elle pour les saisir, elle se hâta de les cacher sur la terrasse qui servait de toit à sa maison; interrogée, elle prétendit n'avoir pas su qui ils étaient, et d'ailleurs elle assura qu'ils étaient repartis. Si Rahab n'avait pas eu un commencement de foi, elle n'aurait pas caché les espions; mais, si elle avait eu plus de foi et une foi plus éclairée, elle n'aurait pas menti au roi de Jéricho. Cette pauvre Cananéenne ne comprenait pas encore qu'il n'est pas permis de faire du mal afin que le bien en arrive, ni que pour garder ses enfants, s'il lui plaît, Dieu n'a pas besoin de nos péchés. Hélas! son ignorance ne doit pas nous surprendre après ce que nous avons vu de deux femmes Israélites, Hophra et Puhah (I, § 626), de Rebecca (I, § 421), et même d'un Joseph et d'un Abraham (I, §§ 567, 265)! Ainsi donc, couvrant du voile de la charité le mensonge qu'un zèle mal éclairé lui inspira, admirons, avec l'Écriture, la foi qui lui fut accordée et les preuves non équivoques qu'elle sut en donner.
2:
7-21
§ 52. Pendant qu'on cherchait les deux
Israélites du côté du Jourdain, leur hôtesse les sortit de la
retraite où elle les avait blottis; et, dès ce même soir, elle fit
devant eux une entière profession de l'espérance qu'elle mettait
désormais en l'Éternel et en sa Parole. Puis, et c’est encore une
preuve de sa foi, Rahab leur demanda la vie sauve lorsque la ville
serait prise, catastrophe qu'elle regardait comme inévitable,
puisque telle était la volonté du Seigneur. Outre cela, pleine de
compassion pour les membres de sa famille, elle sollicita une
grâce toute pareille en leur faveur. Les deux espions, organes de
la miséricorde du Très-Haut, prirent sur eux d'accorder à Rahab
toutes ses demandes, et ils convinrent d'un signe auquel on
reconnaîtrait sa maison, afin que, dans le sac de la ville, on la
laissât intacte et qu'on ne fît aucun mal à ceux de ses parents
qui s'y réfugieraient.
§ 53. Admirons les effets de la grâce de Dieu dans la conversion de la Cananéenne Rahab. C'était une grande pécheresse, et néanmoins Dieu la sauva, mais non sans lui donner la foi, par laquelle seule le pécheur peut être justifié (I, § 291). Et puis, comme tout est sanctifié par cette foi! Voilà une maison, jadis le théâtre de bien des scandales, qui, dans la miséricorde du Seigneur, va devenir une seconde arche de Noé où toute une famille pourra trouver sa sûreté, au milieu d'une épouvantable destruction. Parmi nous aussi, combien ne compte-t-on pas de maisons qui, après avoir été longtemps ouvertes aux bals, aux jeux et aux fêtes mondaines, sont devenues, par la conversion du chef de la famille, des maisons de prière! Or, tout cela provient de la grâce de Dieu en Jésus-Christ. Elle seule est capable de ces merveilles de puissance et d'amour.
2:
23-24
§ 54. Lorsque les Israélites eurent, suivant le
conseil de Rahab, passé trois jours dans la montagne, ils
regagnèrent le camp de Josué; et, malgré les dangers réels qu'ils
avaient courus, il ne sortit de leur bouche que des paroles
d'encouragement et de foi. Il était donc bien grand le changement
survenu dans les dispositions de ce peuple depuis les premières
années du désert (I, § 945),
et les épreuves ne lui avaient pas été inutiles!
LXXXV. Passage du Jourdain.
3:
1-6
§ 55. Les espions étaient partis de Sittim, le
dernier campement des Israélites à l'Est du Jourdain (Josué II, 1;
Nomb. XXV, 1; XXXIII, 49). Ce fut de là aussi que Josué et tout
son monde s'ébranlèrent pour se rapprocher du fleuve, sur la rive
duquel ils s'amoncelèrent dans une ligne qui devait occuper un
terrain assez prolongé. L'Arche de l'Alliance, toute
resplendissante d'or, ou recouverte de ses magnifiques tentures,
allait en avant, portée par les Sacrificateurs, en manière de
guide et d'étendard; et, afin que ceux mêmes qui occupaient les
derniers rangs pussent l'apercevoir de loin, elle précédait
l'armée d'environ douze cents pas. C'était dire au peuple: Votre
Dieu ne craint pas pour lui; ne craignez pas non plus pour vous.
Il marche à votre tête, et tant qu'il sera là vos ennemis ne
sauraient vous atteindre. — Il faut ajouter que les enfants
d'Israël avaient dû se sanctifier, c'est-à-dire se consacrer à
Dieu tout de nouveau (I, § 742),
préparation aux merveilles dont ils allaient être les objets.
3:
7-17
§ 56. Ces merveilles eurent tout à la fois pour
but de faciliter aux enfants d'Abraham l'entrée et la conquête de
Canaan, et de marquer d'un sceau divin le ministère de Josué; car
il fallait que les Israélites fussent assurés qu'il était
réellement le représentant de l'Éternel. Or, ce Dieu qui, au
commencement, créa les cieux et la terre, en est le Dominateur ou
le Maître souverain. Il les donne à qui il lui plaît. Et comme il
avait promis à Abraham et à sa postérité la possession de Canaan,
Israël avait sur ce pays les droits les plus incontestables. C'est
ce que devait proclamer la manière même dont il y allait pénétrer,
victorieusement conduit par l'Arche de l'Alliance du Dominateur de
toute la terre.
§ 57. Aussitôt que les Sacrificateurs qui portaient l'Arche eurent mis la plante de leurs pieds dans le Jourdain, l'eau s'arrêta d'assez loin, et, par l'écoulement naturel des flots inférieurs, le lit du torrent demeura sec jusqu'à la mer Morte. — J'invite mes lecteurs à jeter les yeux sur une carte de la Terre Sainte. Ils verront III que le Jourdain, prenant sa source dans le Liban, coule du nord au sud par une vallée quelquefois très resserrée où il forme trois lacs: le lac Mérom, le plus au nord et le plus petit, puis le lac de Génézareth ou mer de Tibériade, enfin après un cours de 45 lieues depuis sa source, il se jette dans la mer Morte. Le Liban, d'où sort le Jourdain, est une montagne de 9000 pieds d'élévation, dont le sommet n'est jamais dépouillé de neige et qui, au printemps, envoie d'abondantes eaux dans la vallée. C'est précisément à cette époque-là que les Israélites se trouvaient sur les bords du fleuve. Le lit devait en être large et profond; or, point de ponts, point de bateaux; une foule immense amoncelée sur la rive! comment faire? L'Éternel, qui aurait pu ordonner le passage du Jourdain au moment de l'année où son cours a le moins de profondeur et de rapidité, voulut choisir la saison la plus difficile, afin de manifester sa présence dans le camp des Israélites par un signe semblable à celui qu'il avait donné à leurs pères quarante ans auparavant. De son bras puissant, l'Éternel, le Créateur et le Dominateur de toute la terre, arrêta les eaux du fleuve; une large zone de terrain se trouva libre, et le peuple entier put la traverser en un petit nombre d'heures.
4:
1-24
§ 58. Aussi longtemps que dura le passage, les
Sacrificateurs et l'Arche demeurèrent dans le lit desséché du
fleuve. Il s'était joint à eux, par ordre de Josué, un homme de
chaque tribu. Ceux-ci prirent, chacun, une grosse pierre du
torrent, afin de construire sur la rive opposée un monument de ce
miracle. Outre cela, Josué lui-même éleva dans le lit du Jourdain
une sorte de pile formée aussi de douze blocs. Elle y demeura
plusieurs années, car on l'y voyait encore à la fin de la vie du
fils de Nun. Quant au monument qui fut érigé hors du fleuve et qui
subsista sans doute plus longtemps, il devait conserver dans la
mémoire des Israélites le souvenir d'une grâce qui semblait ne
pouvoir jamais s'en effacer; mais l'homme, hélas! n'oublie que
trop tôt les bienfaits du Seigneur!
§ 59. À défaut de ce monument, qui ne devait pas durer toujours, le peuple de Dieu put, de siècle en siècle, lire dans la Sainte Écriture le récit d'un fait où nous voyons non seulement la grande puissance du Seigneur, mais encore un tableau fidèle de la manière dont il met ses enfants en possession de ses promesses. Par la foi en Jésus-Christ, l'entière rédemption de nos corps et de nos âmes nous est pleinement assurée, et toutefois elle rencontre en nous-mêmes, comme de la part du monde et de Satan , d'immenses difficultés. Ce sont des eaux débordées qu'il s'agit de passer miraculeusement. Mais si le Seigneur Jésus marche devant nous et nous après lui, il saura bien nous frayer le chemin et rien ne nous arrêtera. Ce n'est pas seulement à l'article de la mort que le chrétien a des eaux profondes à traverser; sa route est souvent coupée par les torrents de la montagne, mais écoutons celui qui avait dit à Josué: «Je ne te laisserai point, je ne t'abandonnerai point,» et les eaux se retireront devant nous. Mettons-y seulement les pieds avec résolution en portant l'Arche de l'Alliance, c'est-à-dire en nous tenant serrés à Celui qui est le souverain Rédempteur de nos âmes.
5:
1
§ 60. Si vous vous étonnez que les Cananéens ne
se v soient pas opposés au passage des Israélites, je vous
rappellerai ce que Rahab avait dit aux espions (Ch. II, 11).
L'Éternel accomplit ses desseins par des moyens fort divers. En
répandant une secrète terreur dans l'âme des Cananéens, il avait
assuré la marche de son peuple, et l'épouvante ne fit que
s'accroître à la nouvelle de la traversée miraculeuse du Jourdain.
C'est ainsi que, plus d'une fois, les ennemis de Dieu se sont
troublés en voyant les délivrances qu'il accordait à son Église.
5:
2-8
§ 61. La stupeur dans laquelle étaient plongés
les Cananéens, donna aux Israélites la facilité de célébrer deux
cérémonies de leur culte qui, par un effet des circonstances,
avaient été l'une et l'autre négligées dans le désert. Aucun de
ceux qui naquirent depuis la sortie d'Égypte n'avait reçu la
circoncision. Or, avant de prendre possession du pays que
l'Éternel donna jadis à leur père Abraham, il fallait qu'ils
montrassent leur foi en la promesse dont cet acte symbolique
était, par la volonté de Dieu, le signe et le sceau (I, §§ 315,
316). Ce retranchement
de la chair ne se faisait pas sans douleur. Il s'ensuivait, non
pas une maladie dangereuse, mais une maladie pendant laquelle il
eût été difficile aux enfants d'Israël de se défendre, si les
Cananéens les avaient attaqués. Rappelez-vous l'histoire des
hommes de Sichem (I, § 489).
En se livrant à cette opération, les Israélites montrèrent donc
une grande confiance dans l'Éternel. Ils comprirent sans doute
qu'on ne doit jamais rien craindre quand on remplit fidèlement son
devoir.
5:
9
§ 62. Célébrée par des hommes fidèles, tels
qu'étaient alors un grand nombre des enfants d'Israël, cette
cérémonie les replaçait devant Dieu dans la condition même
d'Abraham; elle effaçait la honte de leur précédente servitude, de
leur idolâtrie et de leurs péchés; elle indiquait que, par une
heureuse révolution, ils étaient rentrés dans l'ordre. C'est ce
que signifie assez bien le nom de Guilgal qui fut donné à la
localité. C'était aussi là qu'on avait érigé le monument de la
traversée du Jourdain (§ 58).
5:
10
§ 63. L'autre cérémonie que les Hébreux
célébrèrent après avoir été circoncis, ce fut la Pâque, fête
qu'ils n'avaient solennisée qu'une fois depuis leur sortie
d'Égypte (I, § 930).
Quelle joie pour les hommes de quarante-cinq à soixante ans qui
avaient mangé la première Pâque et qui pouvaient se souvenir de la
nuit de terreur et de délivrance qu'ils avaient passée debout, le
bâton à la main, et d'où ils dataient une ère nouvelle! Quelle
joie non moins grande pour ceux qui étaient nés dans le désert et
auxquels leurs pères dirent, selon le commandement de Moïse:
«C'est le sacrifice de la Pâque de l'Éternel, qui passa en Égypte
par-dessus les maisons des enfants d'Israël, quand il frappa
l'Égypte et qu'il préserva nos maisons» (Ex. XII, 27). Célébrée
ainsi pour la première fois dans le pays de Canaan, au jour fixé
par la loi, peu après le passage du Jourdain et lorsque le peuple
venait de se consacrer solennellement au Dieu d'Abraham, cette
Pâque dut être une source de grandes bénédictions pour une foule
d'Israélites. C'était le quatorzième jour du mois de Nisan (I, § 681),
l'an 1450 ou 1449 avant l'ère chrétienne.
5:
11-12
§ 64. Une circonstance qui dut encore contribuer
à la rendre remarquable, c'est que, dès le lendemain, la manne
cessa de tomber. Il est à présumer qu'une fois hors du désert, les
enfants d'Israël avaient eu d'autre nourriture à côté de celle-là;
mais ce fut seulement alors que Dieu la leur retira tout à fait.
Or, bien que les Israélites eussent manifesté jadis un dégoût
criminel pour le pain qui leur était envoyé d'en Haut (Nomb. XXI,
5), je pense que la cessation du miracle quotidien leur fit sentir
mieux que jamais ce qu'il avait eu de grand et de bienfaisant.
Puis, ceux qui étaient nés dans le désert durent éprouver un vif
étonnement et une sorte d'inquiétude en pensant que ce serait
désormais la terre seule, à des époques éloignées, et non pas le
ciel, chaque jour, qui leur fournirait de la nourriture. Pour
nous, habitués dès l'enfance à recueillir notre pain sous le soc
de la charrue, ce phénomène nous paraît tout naturel; mais, qu'on
y réfléchisse quelque peu, et l'on verra que la sagesse, la
puissance et la bonté de Dieu ne s'y montrent pas moins admirables
que dans le miracle de la manne.
§ 65. Au surplus, si le pays de Canaan est le type du repos que le Seigneur réserve aux siens après cette vie, le pain du pays, que les Israélites mangèrent dès qu'ils eurent atteint Canaan, représenterait la nourriture divine qui fera notre subsistance dans l'éternité, tandis que la manne était le type de la nourriture spirituelle par le moyen de laquelle Christ fait vivre nos âmes ici-bas (I, § 725). Une fois que nous serons auprès de Dieu, nous n'aurons plus besoin de sa Parole, parce que nous le verrons et le connaîtrons tel qu'il est. Tout comme aussi la circoncision et la Pâque célébrées au pays de Canaan peuvent signifier que, dans le ciel, tout opprobre sera ôté de dessus nous (car le ciel est le vrai Guilgal), et que nous y serons pour toujours à l'abri de l'ange destructeur.
LXXXVI. Prise de Jéricho.
5:
13;
6: 1
§ 66. Ceux qui ont divisé la Bible en chapitres
et en versets auraient dû commencer le chapitre VI au
verset 13 du chapitre V, ou donner cinq versets de plus à
celui-ci; car ils se trouvent avoir coupé en deux un des plus
beaux récits de l'Écriture. Lisez-le donc sans interruption, et ne
voyez dans le 1er verset du VIe chapitre, qu'une simple
parenthèse.
§ 67. Les Israélites s'étant approchés de Jéricho, ville que protégeait un fort mur d'enceinte, Josué, en bon général, fit une reconnaissance pour s'assurer par lui-même de l'état des choses. Tout à coup il voit devant lui un homme qui se tenait debout, une épée nue en la main, et Josué lui crie: «Es-tu des nôtres, ou de nos ennemis?» — «Ni l'un ni l'autre,» répond l'homme armé; «je suis le chef de l'armée céleste.» Il n'en fallut pas davantage pour éclairer Josué. Si souvent témoin des apparitions dont Dieu avait favorisé Moïse, il reconnut de suite l'Ange de l'alliance. C'est pourquoi il se prosterna contre terre, prêt à écouter la parole qui lui serait adressée; et, comme Moïse devant le buisson, il dut, en signe de respect, ôter sa chaussure (I, § 635). — Que ce personnage fût d'ailleurs un être extraordinaire, cela résultait de ce que, très certainement, il ne venait pas du camp des Hébreux et de ce que la ville de Jéricho était si soigneusement close que personne ne pouvait en sortir. C'est là ce qui nous est dit en passant.
§ 68. Mes lecteurs ne s'étonnent pas, j'espère, de voir reparaître Celui qu'avaient vu Abraham, Jacob et Moïse (I, §§ 321, 480, 635). À ce moment solennel, le peuple de Dieu entre en possession d'une partie importante de la promesse; il va conquérir le pays donné jadis au fils de Taré, ce pays où plus tard le Seigneur Jésus-Christ passa toute une vie d'homme, où il mourut, d'où il remonta au ciel pour en revenir un jour! Quoi de plus convenable que ce Seigneur se montrât alors comme Celui qui marchait à la tête des Israélites et par l'autorité duquel la conquête allait s'effectuer! Le pays qu'il s'agissait d'envahir est son propre pays; l'armée des enfants d'Abraham était sa propre armée, et toute cette guerre se faisait dans l'intérêt de sa propre gloire. À quoi il faut ajouter que nul ne peut conquérir le ciel, à moins qu'il ne se place sous la conduite de ce Jésus qui est le Capitaine de notre salut.
6:
2-5
§ 69. Si Josué avait pu craindre un instant
d'être le jouet de son imagination, il fut bientôt rassuré par les
directions que lui donna le Seigneur dans cette vision divine;
directions qui, tout extraordinaires qu'elles étaient, amenèrent,
à point nommé, la chute de Jéricho. Les Israélites, avec l'arche
de l'alliance au premier rang, devaient faire pendant six jours le
tour de la ville, et sept fois de suite le septième jour. Pendant
ces processions, treize fois répétées, sept sacrificateurs
devaient sonner du cor. Puis, aux cris de joie que pousserait tout
le peuple, les murs de Jéricho s'écrouleraient avec fracas.
6:
6-21
§ 70. Toutes ces choses se passèrent ainsi; et,
quand la main puissante de Jéhovah eut abattu les murailles de la
ville cananéenne, les Israélites entrèrent par la brèche, chacun
devant soi. Ils étaient si nombreux que la ville put se voir
entièrement cernée par la procession, en sorte qu'elle fut envahie
sur tous les points à la fois et qu'il dut être facile de lui
infliger le sort auquel le Seigneur l'avait condamnée: elle avait
été mise à l'interdit avec tout ce qu'elle contenait (I, §§ 773,
917, 965).
§ 71. Cela signifie que, par l'ordre de Dieu, il était interdit aux Israélites de s’approprier rien de ce qui appartenait à cette malheureuse cité: ni les Cananéens pour les réduire en esclavage, ni les maisons pour y habiter, ni le bétail pour s'en servir. Tout devait être absolument détruit par le fer et par le feu. Il n'y avait exception qu'en faveur des métaux précieux, l'argent, l'or, l'airain, le fer, destinés à enrichir le trésor du sanctuaire. Les Israélites observèrent ponctuellement ce qui leur avait été commandé.
§ 72. Quelle terrible destruction que le sac de Jéricho! Elle nous remet en mémoire celle des Égyptiens dans la mer Rouge, celle des villes de la plaine et, la plus grande de toutes, la destruction des contemporains de Noé. Ce que la Bible nous apprend de l'idolâtrie des Cananéens et des mœurs abominables qui en étaient la conséquence, nous explique la sévérité du jugement que l'Éternel fit tomber sur eux (I, § 890). Ce jugement avait été prédit bien des siècles à l'avance par la bouche de Noé (I, §§ 231 à 233). Jusqu'au temps de Josué, l'iniquité des Amorrhéens n'était pas encore venue à son comble (I, § 294); mais maintenant tout s'accomplissait à la fois; d'un côté, les triomphes du peuple de Dieu, et, d'un autre côté, le châtiment des ennemis du Seigneur, deux faits intimement unis, puisque l'Éternel se servit de son peuple pour châtier les impies.
§ 73. On comprend pourquoi Dieu voulut que la première ville des Cananéens tombât entre les mains des Israélites par un acte de son pouvoir irrésistible, plutôt que par leur propre vaillance. Il établit ainsi nettement que c'était lui, lui-même, qui donnait ce pays aux fils d'Abraham. Il voulait que ceux-ci, quels que fussent plus tard leurs faits d'armes, ne pussent pas s'attribuer la gloire de la conquête. Aussi voyez comme il ordonne que l'arche de son alliance marche en tête de l'armée. Remarquez encore comment il invite le peuple à pousser des cris de joie, avant même que les murailles s'écroulent. C'est donc réellement par grâce, par la foi, que les Israélites furent vainqueurs. — Ni nous, non plus, nous ne pouvons être sauvés que de cette manière. Mais, si nous croyons du fond de notre âme en Jésus-Christ, nous devons nous réjouir de son salut, sans attendre qu'il soit pleinement révélé dans le ciel. Cette joie même sera notre force contre les ennemis de nos âmes.
§ 74. Quant à la défense qui fut imposée aux Israélites de ne s'approprier aucune des choses qui avaient appartenu à la ville de Jéricho, il est facile aussi d'en saisir la raison. Il ne fallait pas que cette guerre ressemblât à celles qui ont pour principe l'avarice ou l'ambition. Les enfants d'Israël agirent en simples exécuteurs de la justice divine, et nous ne devons pas nous représenter le sac de Jéricho comme celui de tant de villes où toutes sortes de passions horribles, la haine, les raffinements de la cruauté, la soif de l'or et la plus infâme débauche eurent libre carrière. Un massacre, hélas! est toujours un massacre! Disons mieux, la mort est toujours la mort; c'est-à-dire un effroyable jugement du Très-Haut. Mais un peuple religieux qui sait faire, six jours de suite, le tour d'une ville ennemie sans prononcer une menace, un peuple qui a pour chef Josué et pour guide l'Éternel, un peuple qui s'interdit toute rapine dans un pareil assaut, ce peuple n'a pu ajouter aux saintes horreurs du châtiment les horreurs abominables du péché.
§ 75. Ne pensez-vous pas d'ailleurs que, tout en servant la justice de Dieu contre les Cananéens, les Israélites durent se rappeler, par cette exécution même, les discours où Moïse leur avait dénoncé les jugements de l'Éternel, s'ils venaient jamais à imiter l'idolâtrie et les mœurs de ces peuples? (Lév. XVIII, 27, 28; I, § 890.) Oh! combien ce souvenir n'était-il pas propre à les rendre sérieux et à calmer leurs passions! Et comme il y a, dans tout cela, une voix qui nous crie à nous-mêmes, avec l'Écriture: «C'est une chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant!» (Hébr. X, 31.)
6:
22-25
§ 76. La destruction de Jéricho et de ses
habitants par les moyens que l'Éternel employa était donc destinée
à produire dans le cœur de son peuple de saintes et durables
impressions. Ce dut être aussi un spectacle bien saisissant pour
les Cananéens que cette armée qui, pendant sept jours, fit le tour
de leurs murailles, promenant avec grande pompe l'arche de
l'alliance, symbole magnifique de la présence de Jéhovah! Qui sait
peut-être s'il n'y en eut pas alors parmi eux auxquels Dieu, en
les convertissant à lui, fit, pour l'éternité du moins, la même
grâce qu'à Rahab? Quanta cette femme, dont le Seigneur, nous
l'avons dit, voulut faire un monument de sa miséricorde, elle
ressentit de point en point les heureux effets de la promesse. Sa
maison fut un lieu de refuge pour elle et pour tous ceux qui lui
appartenaient, et ils s'amalgamèrent sans doute avec les
Israélites, comme précédemment les Égyptiens qui les avaient
suivis dans le désert (I, § 690).
De quelles bénédictions une âme fidèle ne peut-elle pas être à une
foule de gens! — Rahab vivait encore lorsque Josué écrivit
l'histoire des conquêtes d'Israël. Elle épousa un homme de la
tribu de Juda, nommé Salmon, et ce fut d'elle que descendit le roi
David et par conséquent notre Seigneur Jésus-Christ. Voyez, pour
preuve, le premier chapitre de l'Évangile selon saint Matthieu,
versets 5 et 6. De cette manière, notre Sauveur a eu, en tant
qu'homme, du sang cananéen dans les veines. Par cela et par
d'autres circonstances plus essentielles, il a vraiment été fait
malédiction pour nous!
6:
26
§ 77. La destruction de Jéricho fut un événement
si grave à tous égards, que l'Éternel le voulut marquer d'un
double sceau, en ajoutant au miracle une prophétie. Josué dit
anathème contre quiconque rebâtirait la ville maudite, déclarant
que, dans sa coupable entreprise, il perdrait son fils aîné et son
fils cadet. Cette prédiction, si spéciale, ne s'accomplit que 540
ans plus tard, mais dans un temps, vous le verrez, où il était
bien important que le Seigneur rappelât à une génération impie ses
jugements d'autrefois.
LXXXVII. Hacan et Haï.
7:
1
§ 78. La soumission des Israélites à la suprême
volonté du Dieu d'Abraham était devenue telle que, sur ce grand
nombre d'hommes, il y en eut un seul qui contrevint au
commandement de l'Éternel. Il s'appelait Hacan, et il appartenait
par sa naissance à la tribu de Juda. Il prit de l'interdit, et il
le fit avec tant d'habileté que personne ne s'en aperçut. Mais «il
n'y a rien de caché à l'Éternel;» et, bien qu'ignoré de tous, un
péché n'en est pas moins un péché. Puis, il existe une telle
solidarité entre les membres d'une famille, ou les citoyens d'un
même pays, que le crime d'un seul, s'il demeure impuni, est comme
le crime de tous. Il fallait donc, pour la paix même du peuple,
que le péché d'Hacan fût découvert et réprimé. À cet effet, Dieu
jugea bon d'humilier tout Israël, et Israël ne lui en fournit que
trop vite l'occasion.
7:
2-5
§ 79. À une faible distance de Jéricho, vers le
nord-ouest, se trouvaient deux petites villes de Cananéens, Haï et
Béthel. C'était là qu'Abraham, environ 450 ans auparavant, avait
plus d'une fois dressé ses tentes et érigé des autels à Jéhovah
son Dieu (I, §§ 262, 269).
Josué envoya quelques hommes en reconnaissance du côté de Haï, et
ils revinrent disant que, pour s'emparer d'une telle bicoque, il
suffisait d'une poignée de soldats. On part donc au nombre de
trois mille. On attaque sans crainte. Comme on s'est passé du
secours de ses frères, on se passe de celui de Dieu! Mais les
habitants de Haï font une sortie; du haut de la colline sur
laquelle leur ville était située, ils poursuivent les Israélites
jusque dans la plaine et leur tuent trente-six hommes. Cette perte
n'était pas considérable. Toutefois le peuple entier s'en émut et
tomba dans le découragement, parce qu'il y vit la preuve manifeste
que l'Éternel avait retiré sa protection.
7:
6-9
§ 80. Ce fut ainsi du moins que le comprit
Josué. 6-9 Ce vénérable vieillard, cet homme de Dieu fut saisi
d'une profonde douleur, et, avec les Anciens d'Israël, il passa le
reste du jour en prières devant l'Arche de l'Alliance. Leurs
supplications nous rappellent les prières de Moïse, en
circonstances semblables (I, §§ 655
, 844). À côté de
plaintes dont l'amertume est plus facile à expliquer qu'à
justifier, on y voit le même zèle pour la gloire du Seigneur, le
même recours à sa miséricorde au fort de la détresse, la même
certitude que la délivrance vient de Dieu seul.
7:
10-12
§ 81. Fidèle à ses promesses, Celui qui avait
dit à Josué: «Je ne te laisserai point, je ne l'abandonnerai
point,» ne tarda pas à lui montrer qu'il avait ouï sa prière; mais
ses premiers mots semblent contenir un reproche. En effet, Josué
aurait dû comprendre de lui-même qu'Israël était châtié pour avoir
enfreint l'Alliance. Il avait attaqué Haï sans consulter
l'Éternel, sans mener l'Arche avec lui, sans être conduit par le
successeur de Moïse. On s'était cru assez fort pour triompher avec
peu de gens des habitants de cette ville, on s'était enorgueilli
de la chute de Jéricho, et maintenant on se voyait puni de la
confiance qu'on avait eue en soi-même. Voilà ce qui ressortait
avec évidence des événements; aussi le Seigneur ne le
rappelle-t-il qu'en deux mots à Josué. Mais ce qu'il lui révèle et
sur quoi il insiste beaucoup, c'est le crime qui a été commis en
prenant de l'interdit. Il y avait eu vol et mensonge tout à la
fois, et Israël ne pouvait plus compter sur la protection de Dieu,
tant qu'il ne se serait pas purgé de ce péché.
7:
13-19
§ 82. C'est pourquoi tout le peuple s'assembla
dès le lendemain, par l'ordre de l'Éternel, après s'être sanctifié
(§ 55). Il fut passé en
revue par tribus, familles, maisons et individus; et, soit au
moyen du sort, soit en suite d'une révélation divine, Josué mit la
main d'abord sur la tribu de Juda, puis sur la famille de Zara,
ensuite sur celle de Zabdi fils de Zara, enfin sur la famille de
Carmi; et, dans cette famille, ce fut Hacan que le sort, ou
l'Esprit du Seigneur désigna comme le coupable. L'Éternel avait
prononcé qu'il serait brûlé, lui et tous ses biens. Josué ,
cependant, n'ordonna pas l'exécution sans avoir obtenu l'aveu du
coupable. Il le fallait pour la gloire de Dieu, c'est-à-dire afin
que le peuple fût parfaitement sûr qu'on ne faisait pas mourir un
innocent; il le fallait aussi dans l'intérêt de la victime
elle-même, pour que son âme se tournât vers Dieu avec repentir; et
voyez de quel ton plein de bonté et de gravité tout à la fois,
Josué interpella le malheureux Hacan.
7:
20,
21
§ 83. Celui-ci n'était pas un pécheur endurci
comme Caïn (l, § 147).
Non seulement il avoue en détail son péché et sans chercher à
l'affaiblir par de vaines excuses. mais encore on voit qu'il sent
très bien à quel moment il commença d'être criminel. Ce fut
lorsqu'il convoita l'interdit. Nous ne devons point oublier en
effet que toute mauvaise action est précédée de mauvais désirs;
bien plus, si nous entretenons de coupables pensées dans notre
cœur, c'est comme si nous faisions le mal auquel ces pensées
peuvent conduire. Rappelez-vous ici quelques-uns des péchés que la
convoitise a fait commettre, depuis Ève jusqu'au fils de Carmi (I,
§§ 185, 227
, 273 , 409
, 488, 515
, 523, 939);
rappelez-vous surtout le Dixième Commandement (I, §
753).
7:
22-26
§ 84. Pour qu'il ne demeurât dans l'esprit du
peuple aucun doute sur la culpabilité d'Hacan, Josué fit chercher
dans sa tente les objets précieux qu'il y avait cachés, et ils
furent exposés aux yeux de la multitude devant le tabernacle. On
rassembla la famille d'Hacan et tout ce qu'il possédait; on le
lapida, ainsi que son bétail; et, après avoir consumé son corps et
celui des animaux, on éleva sur ses cendres un tas de pierres,
pour servir de monument à cet acte solennel de la justice de Dieu.
— L'endroit même où la chose s'était passée reçut le nom de Vallée
de Hacor, c'est-à-dire Vallée de destruction. — Dans la manière
dont nous exposons le fait, la famille d'Hacan aurait été
simplement spectatrice du supplice de son chef. Ce qui autorise
cette interprétation, c'est qu'au verset 26 , il y a sur lui et
non pas sur eux. Plusieurs pensent au contraire que les fils et
les filles de cet homme partagèrent son sort, attendu probablement
qu'ils étaient ses complices. Il faut d'ailleurs observer que ce
ne serait pas la seule circonstance où des enfants auraient été
enveloppés dans la ruine temporelle de leur père.
§
85. En considérant ce qui nous est dit de la
repentance d'Hacan (20, 21), il est permis d'espérer que son âme
fut reçue en grâce par le Seigneur. Mais, comme tant d'autres
pécheurs qui ont obtenu le pardon de leurs fautes au moyen de la
foi et qui n'en sont pas moins restés sous le poids des maladies,
de la pauvreté et généralement des peines terrestres du péché,
Hacan dut subir la punition présente qu'il méritait, et si sa
repentance fut celle de la foi, nul doute qu'il n'ait marché au
supplice avec une entière résignation.
Mais quel était donc le grand crime d'Hacan? N'y a-t-il pas eu des
hommes plus coupables et que Dieu toutefois n'a pas châtiés aussi
sévèrement? Oui, certes! mais ceux qui échappent maintenant,
n'échapperont pas toujours. D'ailleurs, il est des cas où le
châtiment doit suivre le crime de près, si l'on ne veut pas que
toutes choses tombent dans un entier désordre. Nous l'avons vu
précédemment (I, §§ 850,
877, 941,
956). Or, de même
qu'après l'adoration du Veau d'or, après l'entreprise profane de
Nadab et d'Abihu, après la conjuration de Coré et de ses
complices, après l'insubordination de Marie, la sœur de Moïse, il
est important que la prompte punition des coupables servit
d'exemple à tout le peuple, cette fois de même il était nécessaire
que les Israélites se sentissent sous le bras puissant de
l'Éternel, et non pas sous la faible main de Josué. La sévérité
que le Seigneur déploya dans l'affaire d'Hacan dut remplir d'une
salutaire frayeur les enfants d'Israël, et c'est ce qu'il fallait
en ce moment surtout où commençaient les batailles du Dieu vivant.
Que serait devenue l'expédition des Israélites, si la
désobéissance et l'indiscipline avaient régné dans leur camp?
8:
1-29
§ 86. Après que le peuple de Dieu eut été
purifié de l'interdit, il lui fut permis de suivre le cours de ses
conquêtes; mais il s'y prit tout autrement que la première fois.
D'abord, on attendit l'ordre du Seigneur et l'on s'y conforma de
la manière la plus stricte. Josué et ses gens montèrent tous
ensemble contre Haï. Une portion de l'armée, si on peut lui donner
ce nom, se mit en embuscade durant la nuit. L'autre se présenta
devant la ville, et les habitants ayant renouvelé leur sortie, les
Israélites firent à dessein un mouvement rétrograde. Alors, ceux
qui étaient cachés se précipitent dans Haï et y mettent le feu;
Josué et sa troupe font volte-face et les Cananéens, cernés de
toutes parts, tombent, comme les habitants de Jéricho, sous les
coups des Israélites. Il y eut une différence: Dieu avait permis
de garder le bétail et les effets qu'on pourrait sauver de
l'incendie. — Ainsi s'accomplit le premier fait d'armes des
Israélites en Canaan, car la chute de Jéricho n'avait pas été le
fruit de leur valeur.
§ 87. Arrêtons-nous un moment pour étudier cette histoire sous son point de vue typique. Les guerres des Israélites, avons-nous vu (I, §§ 734, 735), sont une vive image de nos propres combats contre Satan, le monde et le péché. Je dis nos combats, en supposant que nous appartenions par la foi au peuple de Dieu. Le chrétien est un pécheur à qui le Seigneur, dans sa grâce, a accordé le pardon de ses fautes et donné la vie éternelle. Le ciel lui appartient en vertu des promesses de Dieu, comme Canaan appartenait de la même manière aux enfants d'Abraham, avant qu'ils y posassent seulement le pied. Mais, tout comme ils durent en faire la conquête au travers de mille périls, il faut que le chrétien souffre et combatte aussi pour entrer dans la pleine possession du salut. Il a des ennemis qui lui barrent le chemin et qui voudraient le priver de l'héritage. Ses propres passions, les séductions du monde, des tentations de toute espèce sont, entre les mains de Satan, des adversaires plus redoutables que les Cananéens ne l'étaient pour Israël. Jéricho, la ville forte que l'Éternel renversa par le souffle de sa bouche, représente, parmi nos ennemis spirituels, ceux dont la puissance est tellement évidente que, à notre propre sentiment, un miracle de Dieu peut seul nous en délivrer. Haï, de son côté, figure les difficultés peu considérables, les faibles tentations que nous croyons pouvoir affronter avec nos seules forces et qui, en punition de notre orgueil, nous sont quelquefois très funestes. Il faut donc nous le bien dire. Dans la grande affaire de notre salut, il n'y a point de petits ennemis; il n'en est aucun que nous devions dédaigner. Pour remporter la victoire contre les plus légères tentations, il faut que le Seigneur soit avec nous et nous avec lui; que nous déployions toute la force dont il nous revêt, et que, sous sa direction même, nous usions d'une extrême prudence. C'est ce que firent enfin les Israélites devant Haï et ce qui assura leur victoire.
§ 88. Autre instruction fort importante. Quels sont les moments les plus dangereux pour une âme? Quand est-ce qu'on risque le plus de se confier en soi-même et d'oublier le Seigneur? Voici la réponse. Ce fut après la conquête de Jéricho que les Israélites s'allèrent faire battre à Haï! C'est aussi lorsque nous avons reçu de Dieu quelque bénédiction signalée, quelque délivrance éclatante, que nous devons être le plus sur nos gardes; car nous avons le funeste penchant de nous attribuer la gloire de tout. Dans cette présomption, nous retournons à l'ennemi sans vigilance et sans prière. En agissant ainsi, l'on succombe aux moindres tentations, peu d'instants après en avoir surmonté de considérables.
§ 89. Il importe de remarquer outre cela, comment la Parole de Dieu lie la défaite des Israélites devant Haï, au péché dont Hacan s'était rendu coupable en prenant de l'interdit. C'est pour nous enseigner où est ordinairement la cause de nos faiblesses et du refus que Dieu nous fait parfois de son secours. Nous n'avons rien à espérer de lui aussi longtemps que nous conservons de l'interdit dans notre âme. Cet interdit, ce sont, par exemple, des habitudes coupables, une position fausse et répréhensible où nous demeurerions volontairement et tout en sentant que nous faisons mal. Par là, le Saint-Esprit de Dieu est contristé; il se retire, il cesse même d'avertir, et si nous persistons dans cet état, nous ne saurions éviter la déplorable fin du malheureux Hacan.
7:
30-35
§ 90. Pour en revenir aux Israélites, la
conquête de Haï les rendit maîtres de la vallée qui sépare les
monts d'Hébal et de Garizim, où Moïse leur avait enjoint de lire
solennellement les bénédictions et les malédictions de la loi de
l'Éternel (I, § 1028).
Josué bâtit un autel sur le mont Hébal, d'où l'on devait prononcer
les malédictions; on y répandit le sang de nombreuses victimes;
et, tandis que la moitié des tribus étaient campées sur la pente
d'une des montagnes et l'autre moitié sur celle de l'autre, on fit
la lecture de la loi de Moïse devant tout le peuple. Hommes,
femmes, enfants, étrangers, tous étaient présents, tant il est
manifeste que Dieu n'a pas donné sa Parole pour qu'elle soit lue
par les prêtres, à l'exclusion du reste des hommes (I, § 1035).
Au surplus, ce dut être une scène bien émouvante que celle-là! et
il est fort remarquable de voir ce peuple pieux vaquer aux
cérémonies de sa religion, sans se laisser arrêter par les
embarras de la position, ni par la difficulté des circonstances.
Bel exemple assurément!
La lecture de la Bible, la prière, le culte public et le culte
domestique doivent suivre leur cours par-dessus toutes les
barrières. Mais cela suppose nécessairement des cœurs qui se sont
donnés à Dieu.
LXXXVIII. Les Gabaonites. Partage du pays.
9:
1-15
§ 91. Cependant les rois des Cananéens voyant
que les murailles de leurs villes ne les garantissaient pas de
l'invasion, se résolurent à prendre l'offensive et formèrent dans
ce but une ligue générale. Elle aurait pu devenir funeste aux
Israélites, si le Seigneur les avait abandonnés à eux-mêmes et si
d'ailleurs les Cananéens avaient été plus réellement unis. Au
sud-ouest de Béthel et de Haï, et non loin de ces villes, s'en
trouvait une nommée Gabaon, ville, pour ces temps-là, grande et
bien fortifiée, chef-lieu d'une confédération de Héviens. Or, soit
que les Gabaonites craignissent de n'être pas secourus à temps par
leurs alliés, soit, comme on a lieu de le croire, qu'il se fût
passé chez eux quelque chose de semblable à ce qu'avait éprouvé
Rahab (§ 50), ils
résolurent de faire leur soumission sans attendre que les
Israélites assiégeassent leurs villes. Mais, au lieu de se
présenter franchement en déclarant leur intention de servir
l'Éternel, ils imaginèrent une ruse qui, par la faute de Josué et
des Anciens du peuple, ne leur réussit que trop.
§ 92. D'Hébal et de Garizim les Israélites étaient retournés à leur camp de Guilgal (§ 62). Ce fut là que les Gabaonites leur envoyèrent des hommes qui avaient charge de traiter alliance avec eux. Ils s'étaient donné toutes les apparences de gens qui ont fait un très long voyage, et d'abord ils ne virent que Josué et les principaux chefs. Ceux-ci se doutant un peu de la ruse, ne se montraient pas disposés à traiter avec les Héviens. Josué voulut donc leur faire répéter plus nettement le compte qu'ils avaient rendu de leur ambassade. «Qui êtes-vous et d'où venez-vous?» leur demanda le conducteur d'Israël. Ces gens surent éluder habilement la question. «Nous avons ouï parler de ton Dieu et de ses grands exploits en Égypte et au-delà du Jourdain,» lui dirent-ils; et, sans toucher un mot de la destruction de Jéricho, ou de celle de Haï, comme s'ils n'y avaient pris aucun intérêt, ils montrent leurs vieux habits, leurs outres rapiécées, leur pain moisi, pour indiquer par là qu'ils venaient de fort loin et qu'ils n'avaient rien de commun avec les tribus cananéennes. Mais surtout, ils ne manquèrent pas de caresser l'orgueil des Anciens d'Israël, en se déclarant dès cette heure même leurs esclaves.
§ 93. Les enfants de ce siècle sont plus habiles en leurs affaires, que les enfants de lumière ne le sont en ce qui concerne les affaires de Dieu (Luc XVI, 8). Nous en avons ici une preuve palpable. Les Gabaonites montrent une grande prudence et beaucoup de ruse, et les Israélites encore plus de sottise et de crédulité. Ou plutôt, je me persuade qu'ils ne furent point aussi dupes qu'ils en eurent l'air. Ils continuèrent à soupçonner la supercherie; mais, flattés des avances que leur faisaient les Gabaonites, et fiers d'une soumission que leur valait le bruit de leurs exploits, ils ne se soucièrent pas de voir le fond des choses. Ce qui le prouve, c'est qu'ils «ne consultèrent point la bouche de l'Éternel.» Il se plaisaient dans la pensée qu'ils avaient là des ambassadeurs de quelque grand peuple. Sans trop y croire, ils voulaient que cela fût ainsi. Voilà comment Josué finit par accéder à la demande des Héviens, et les Anciens jurèrent par le nom de Jéhovah qu'on les laisserait vivre, quoi qu'il arrivât. Nouvelle preuve que les Israélites n’étaient pas bien convaincus; car si les Gabaonites venaient d'un pays éloigné, s'ils n'appartenaient pas aux tribus cananéennes, Josué n'avait pas le droit de leur faire la guerre.
§ 94. Puisque, en général, les Cananéens représentent les ennemis de nos âmes (§ 87), les Gabaonites peuvent être envisagés comme le type de ces passions secrètes, de ces habitudes coupables qui, à notre insu, mais à notre insu parce que nous ne voulons pas nous éclairer, parviennent à demeurer en nous sous divers prétextes plus ou moins spécieux. L'avarice, revotant les habits de l'ordre, de l'économie et d'une sage prévoyance, nous dit comme les Gabaonites: Traite alliance avec moi. Des parents qui gâtent leurs enfants se persuadent qu'ils ne font qu'obéir à un juste sentiment de tendresse; et si quelqu'un cède à la vengeance, il croit rendre hommage à la justice. C'est ainsi, comme s’exprime un apôtre, que «Satan se déguise en ange de lumière.» Cependant, si nous sommes des enfants de Dieu, il n'est guère possible que Satan nous approche, sans que notre conscience en soit avertie par le Saint-Esprit. C'est pourquoi, dès que nous avons le plus léger doute sur la convenance morale d'une action ou d'une pensée, il nous faut consulter le Seigneur par la prière et par la lecture de sa Parole, jusqu'à ce que nous discernions avec une parfaite évidence notre devoir.
9:
16-27
§ 95. Trois jours après, les Israélites ayant
atteint Gabaon, reconnurent la faute qu'ils avaient commise, et la
multitude murmura de l'imprudence dont ses chefs s'étaient rendus
coupables. Mais comme il y avait eu un serment solennel entre
Josué et les Gabaonites, il fut résolu qu'on leur donnerait vie
sauve, ainsi qu'à leurs alliés de Képhira, de Bééroth et de
Kirjath-jéharim. Seulement, ils furent assujettis aux Israélites,
et l'on décida de les employer au service du sanctuaire, en
qualité de manœuvres, sous les ordres des lévites et des
sacrificateurs. — Ici le type, au fond toujours le même, change
cependant de face. Tout à l'heure, les Gabaonites représentaient
le péché qui, en se dissimulant, obtient une demeure tranquille
dans le cœur même de l'enfant de Dieu; maintenant ils sont, d'une
manière plus générale, l'image du mal qui, de quelque façon que ce
soit, reste attaché à nous depuis notre conversion. Il est là sans
doute, mais il y est esclave et non pas maître. Bien plus, il
concourt indirectement à la gloire de Dieu. On pourrait dire, par
figure, que c'est lui qui, en nous faisant toujours mieux sentir
le besoin que nous avons du Sauveur et de sa grâce, coupe le bois
pour le sacrifice et puise l'eau pour la purification.
10:
1-14
§ 96. Quand les rois des Cananéens eurent appris
ce qui s'était passé, cinq d'entre eux déclarèrent la guerre aux
Gabaonites, pour les châtier de leur trahison. Josué avait regagné
le camp de Guilgal; mais, à la demande de ses alliés, il en
remonta bientôt pour livrer aux Cananéens une bataille dans
laquelle ils essuyèrent une pleine défaite. Il plut au Seigneur de
rendre cette victoire particulièrement illustre par deux prodiges
de sa puissance. Du ciel, d'où il avait pendant quarante ans
nourri miraculeusement les fils d'Israël, il fit pleuvoir une
grêle de pierres sur leurs ennemis, en sorte que ce fut lui qui
extermina ces méchants, encore plus que l'épée de Josué. Puis,
afin de prolonger ce jour solennel de sa redoutable justice, il
arrêta le cours ordinaire des sphères célestes, tellement qu’à
tous égards jamais l'homme n'avait vu de journée pareille. Mais,
de même qu'à la parole de Josué, le temps suspendit sa marche, un
moment viendra où, à la voix du Seigneur Jésus, le vrai Josué, «il
n'y aura plus de temps.» C'est alors que le péché sera entièrement
consumé et que, sous la conduite de Jésus, les fidèles
remporteront une éclatante victoire sur Satan et les siens.
§ 97. Quant aux objections que plusieurs personnes ont faites contre ce récit, je ne sais si je dois en occuper mes lecteurs. La Bible dit que le soleil s'arrêta; or chacun sait maintenant que pour faire la différence entre le jour et la nuit, la terre tourne sur elle-même et non pas le soleil autour d'elle, et l'on trouve étrange que l'historien sacré ait parlé comme s'il eût méconnu ce fait. Mais l'inspiration divine ne donne pas la toute science, et sans rien ôter à la confiance que méritent les prophètes, on peut très bien admettre qu'ils ignorèrent effectivement ce que l'humanité tout entière ignorait et que le Saint-Esprit n'a pas jugé à propos de leur révéler. Dans une chose de cette nature, l'écrivain sacré devait parler, d'ailleurs, comme tout le monde le fait de nos jours mêmes; car je vous le demande, qu'auraient pensé les hommes d'autrefois si la Bible eût dit que Josué ordonna à la terre de s'arrêter en Gabaon? Cela n'eût-il pas semblé une véritable moquerie?
10:
15
– 12:
§ 98. D'ici jusqu'à la fin du chapitre XII, la
Parole de Dieu nous raconte la conquête d'une grande partie de
Canaan, conquête qui fut le fruit d'une foule de victoires dans
lesquelles trente et un des petits rois qui gouvernaient les
tribus païennes furent défaits et dépossédés. On y voit le nom des
villes que Josué prit et détruisit, comme celui des villes qu'il
conserva. Dans certains cas, il fut permis au peuple de
s'approprier ce qui avait appartenu aux Cananéens; mais quant à
ceux-ci, sauf les Héviens de Gabaon, ils disparurent généralement
des contrées envahies. Ce n'est pas à dire que tous périrent,
depuis le premier jusqu'au dernier, car il y en eut sans doute
qui, en se réfugiant sur les portions du sol que les armées de
Josué n'occupèrent pas, échappèrent au sort qu'ils méritaient. On
pense même que beaucoup d'entre eux s'enfuirent en Afrique et en
d'autres lieux de la terre.
Chap.
12.
à 21
§ 99. Au bout d'environ six années, les
Israélites eurent envahi une grande partie de la Terre Sainte.
Restaient le littoral de la Méditerranée et les montagnes du
Liban, dont la conquête ne devait pas s'effectuer à cette époque.
Néanmoins, Josué fut chargé de faire le partage de tout le pays,
et neuf chapitres présentent le tableau de cette opération.
C'était un document d'une haute importance pour les tribus
d'Israël, puisqu'il contenait les titres de leurs héritages; mais
je me borne à quelques observations de détail. — Voyez d'abord ce
qui concerne le fidèle Caleb (I, §§ 946
et suivants). Il eut pour récompense de sa foi, un
territoire célèbre dans l'histoire d'Abraham , Kiriath-Arbah, ou
Hébron, sépulture du patriarche et de Sara , d'Isaac, de Rebecca,
de Léa et de Jacob.
Remarquez aussi les noms des six villes de refuge qui furent
établies, trois d'un côté du Jourdain, et trois de l'autre côté (I,
§§ 768, 998,
1021). Enfin, nous avons
ici la liste des cités qui furent assignées aux Lévites dans les
diverses tribus d'Israël. On y voit entre autres qu'Hébron, ville
de refuge, dont le territoire appartenait à Caleb, servit
d'habitation aux sacrificateurs, les fils d'Aaron. Gabaon aussi
fut une des villes qui revinrent aux Lévites.
LXXXIX. Géographie du pays de Canaan.
§ 100. Le moment me paraît venu de donner à mes lecteurs une courte description du pays où se développeront désormais les destinées des enfants d'Israël. Ce pays n'était pas grand, mais combien de grandes choses s'y sont passées! Nous y avons déjà suivi Abraham, Isaac, Jacob et ses fils; nous y verrons bientôt David, Salomon, Ésaïe, Daniel et les autres prophètes; plus tard, nous y aurons Jésus-Christ et ses bienheureux apôtres Pierre, Paul, Jean , Jaques, premiers prédicateurs de l'Évangile et les derniers de ceux qui furent favorisés de l'inspiration divine. Sans parler des siècles futurs et à ne considérer que le passé, jamais il n'y eut de contrée plus digne d'occuper l'attention.
§ 101. Appelé d'abord le Pays de Canaan, du nom de ses plus anciens habitants, ce pays s'appela dans la suite Terre de la Promesse, Pays d'Israël, Terre Sainte, Pays de Jéhovah. Plus tard encore on l'appela la Judée, à raison du rôle qu'y joua la tribu de Juda. Enfin, les Romains et les Grecs lui donnèrent le nom de Palestine, ou pays des Philistins, nom emprunté de la tribu cananéenne qui en occupa si longtemps les côtes.
§ 102. Le pays d'Israël appartient au Continent asiatique, et il occupait à peu près le centre de l'Ancien Monde. Proche voisin de l'Afrique et séparé de l'Europe seulement par la Méditerranée, il était évidemment destiné par le Créateur à entrer en relation avec tous les peuples. Cependant, grâces à ses rivages peu abordables, aux déserts de l'Arabie et aux montagnes mêmes dont le sol de ce pays est formé, il devait être facile à ses habitants de conserver leur nationalité, leurs mœurs, leurs lois et leur culte au milieu des grands peuples qu'ils étaient destinés à avoir sur leur frontière; je veux dire les Égyptiens, les Arabes, les Syriens et les Babyloniens.
§ 103. La terre que Dieu donna aux Israélites était remarquable par la variété de son climat. D'un côté, l'on y trouve une montagne, le Liban, d'où jamais la neige ne disparaît complètement (§ 57), et, d'un autre côté, il y existe une profonde vallée, celle de la Mer Morte, qui est plus basse que l'Océan et où la chaleur est extrême. Lorsque les Israëlites s'en emparèrent, les monts, couverts d'arbres, envoyaient dans la plaine des eaux abondantes qui ont disparu avec les forêts et avec le sol lui-même; partout, des champs, des vignes et des vergers d'une grande fertilité pouvaient nourrir une masse considérable d'habitants. Cependant, le pays était surtout riche en pâturages: «il découlait de lait et de miel,» nous dit l'Écriture.
§ 104. Le terrain que nous avons à décrire mesurait environ 70 lieues de longueur, sur une largeur d'environ 40 lieues. Au nord, les montagnes du Liban, de l'Anti-Liban (haut de 9000 pieds) et du Grand-Hermon, forment une sorte de nœud où se rattachent quatre régions qui, s'étendant en longues bandes du nord au sud, constituent la Terre Sainte. D'abord, le Plateau Oriental, dont l'élévation va jusqu'à 2000 pieds, et qui offre pour principales montagnes l’Hauran ou Basan, les monts de Galaad, le Pisga et le Nébo d'où Moïse vit tout le pays (I, § 1040). Là se trouvent la vallée et le torrent de Jabok, avec le gué de Péniel, localités célèbres dans l'histoire du patriarche Jacob (I, §§ 478, 481); et tout au midi, coule l'Arnon qui formait la frontière entre les Israëlites et les Moabites. Cette belle et vaste contrée avait été donnée aux Rubénites, aux Gadites et à la moitié de la tribu de Manassé (I, § 996). Les Rubénites en occupaient la portion la plus méridionale, ayant au midi le pays de Moab et à l'occident la Mer Morte. Celle-ci mettait une barrière entre eux et le gros du pays de Canaan; de là vient, en partie sans doute, le rôle très insignifiant que la tribu de Ruben joua dans l'histoire du peuple d'Israël, selon la prédiction du patriarche Jacob (I, § 590). Les Gadites, au nord de Ruben, furent placés, quant à eux, de manière à exercer une grande influence sur le sort du pays tout entier. Le pays qui leur échut était la clef de Canaan de ce côté de l'Asie; aussi furent-ils remarquables par leur esprit militaire, circonstance également prédite autrefois (I, § 594). Enfin, Manassé eut le nord de la région orientale; mais il s'en faut bien qu'il ait occupé dès le commencement toute cette vaste contrée.
§ 105. La seconde région est la Vallée du Jourdain, dont j'ai déjà touché quelques mots (§ 57). Tout au nord, la Haute vallée de l'Hermon, longue de 14 lieues et d'une lieue de largeur; ensuite la Vallée supérieure du Jourdain, dans laquelle on voit le lac Mérom; puis le bassin du lac de Génézareth, après lequel on a la Grande vallée du Jourdain qui, très étroite en certains lieux, descend jusqu'à la Mer Morte, où elle se termine. — Le Jourdain, en coulant dans le fond de cette vallée formait la limite naturelle entre les tribus de Ruben, de Gad, de Manassé oriental et les tribus de la rive droite dont nous allons faire connaître le territoire.
§ 106. La troisième région est tout à la fois plus importante et plus difficile à décrire; c'est le Haut Plateau Occidental. En commençant toujours par le nord, nous avons, à partir de l'Hermon, une suite de montagnes qui, par leur élargissement, forment la Haute Galilée, pays de 20 lieues de long et de 10 de large. Il s'abaisse vers le lac de Génézareth ou Mer de Tibériade. À quelque distance des dernières terrasses de la Haute Galilée on rencontre la magnifique et célèbre plaine de Jisréel ou d'Esdraëlom. C'est la partie la plus ouverte de tout le Haut pays occidental. Près de là fut plus tard la ville de Nazareth, où notre Sauveur passa une si grande portion de sa vie terrestre. Au nord-est de la plaine de Jisréel s'élève une belle et grande montagne appelée le Thabor, d'où l'on a une vue magnifique sur la plaine et sur le Kison et le Guilboa, rivières qui l'arrosent; puis, sur le lac de Tibériade, sur les monts de la Haute Galilée jusqu'à l'Hermon; enfin, sur la Méditerranée et les montagnes de Carmel et de Samarie, à l'ouest et au sud. Au midi du Thabor on rencontre le Petit Hermon et les montagnes de Guilboa. Enfin, continuant notre marche vers le sud, nous traversons les montagnes d'Ephraïm, notamment les monts Hébal et Garizim que nous connaissons (§90), la vallée d'Ajalon (chap. X, vers. 12) et les montagnes de Juda, illustres surtout par le mont de Morija (I, § 356) et par celui des Oliviers; ensuite la vallée d'Hébron, le Carmel de Juda, et nous arrivons aux montagnes des Amorrhéens sur l'extrême frontière du désert.
§ 107. Avant de dire à qui ces contrées tombèrent en partage, je dois vous faire connaître les Côtes Maritimes, notre quatrième région, tout à fait à l'ouest. Cette fois, je commence par le midi et je vous indique d'abord une large plaine qui, limitée par le torrent d'Égypte, le Rhinocolure, se confond en quelque sorte avec le désert de Tsin et s'étend jusqu'à Gaza. C'est là que se trouvaient les pâturages de Kadès-Barné, où les patriarches conduisaient leurs troupeaux. Depuis Gaza jusqu'au Carmel (qui n'est pas le Carmel de Juda) sur une longueur de 36 lieues, une plaine étroite, appelée le Bas-Pays de Canaan, se divise en deux parts: Séphéla et Saron. Cette dernière contrée est, de nos jours encore, remarquable par sa beauté. Les torrents qui traversent ces plaines sont entre autres le Bésor et le Sorek. Enfin, au nord de Saron, le Carmel, élevé de 1500 pieds, offre aux bestiaux d'excellents pâturages et aux voyageurs une vue splendide. Après avoir traversé le Carmel, on arrive à une plaine de sept lieues de longueur et de deux à quatre lieues de largeur. Elle entoure la baie d'acre, le seul havre que présente toute la côte. Ici coule le Kison qui descend de la plaine de Jisréel par une étroite vallée. Plus au nord est le Sihor Libnat (ch. XIX, v. 26) ou ruisseau du verre, le Bélus des anciens. La baie d'Acre va jusqu'au cap Ras el Nakhorn, et, au-dessus de ce cap, la plaine des côtes n'a qu'une lieue de large. C'est là qu'habitaient les Phéniciens et que fleurirent leurs villes illustrées par le commerce, Tyr et Sidon, sans parler de Sarepta.
§ 108. Voici maintenant de quelle manière ce pays fut partagé entre les tribus qui n'avaient pas eu leur lot sur la rive orientale du Jourdain. Juda reçut la partie méridionale, depuis le désert jusqu'à l'extrémité nord de la Mer Morte; mais il dut loger sur son territoire la tribu de Siméon qui avait été diminuée de moitié depuis la sortie d'Égypte et qui, selon la Parole de Dieu prononcée par la bouche de Jacob, devait être dispersée en Israël (I, § 591).
§ 109. Benjamin et Dan obtinrent le territoire qui, de Juda, s'étendait jusqu'aux montagnes d'Ephraïm et formait une zone assez étroite entre la mer Méditerranée et le Jourdain. Ces deux tribus se rencontraient donc à l'intérieur du pays, Benjamin ayant sa limite orientale au Jourdain, et Dan sa limite occidentale à la mer Méditerranée. La tribu de Benjamin occupait d'ailleurs un pays beaucoup plus considérable que Dan , et l'on y trouvait Guilgal, Jéricho, Béthel, Haï, Gabaon, Jérusalem même et le mont des Oliviers. Benjamin fut la tribu des villes saintes.
§ 110. Au nord de Benjamin et de Dan venait Ephraïm qui occupait toute la largeur du pays. On y voyait les monts à Hébal et de Garizim, les villes de Scilo et de Sichem. Plus au nord, Manassé avait pour son autre demi-tribu un territoire qui, de la Méditerranée, allait, à ce qu'on croit, rejoindre au Jourdain les possessions de la demi-tribu orientale. En sorte qu'Ephraïm et Manassé, les deux fils de Joseph ou leurs descendants, obtinrent réellement la part considérable que Dieu avait promise à leur père (I, § 585). La riche plaine de Saron, sur les côtes, était donc, en majeure partie, dévolue aux fils de Joseph. Dan en possédait le midi, comme je viens de le marquer.
§ 111. Issachar habita la belle et fertile plaine de Jisréel; Zabulon, la Haute Galilée méridionale; Nephtali, les montagnes de la Haute Galilée, auxquelles il donna son nom, et qui baignaient leurs pieds dans le lac de Génézareth; Asser , enfin, qui ne put conquérir les côtes, posséda la partie ouest de la Haute Galilée avec la plaine d'Acre, depuis le Carmel jusqu'au Liban.
§ 112. Ces notions générales me paraissent suffisantes pour le moment. J'aurai soin, chaque fois que l'occasion s'en présentera, de donner à mes lecteurs de plus amples renseignements, à mesure qu'ils me paraîtront nécessaires pour l'intelligence de l'histoire du peuple de Dieu.
XC. Fin du ministère de Josué.
21:
43-45
§ 113. Toutes les paroles de Dieu sont bonnes,
mais en définitive ne doit nous être plus cher que ses promesses;
et s'il est beau de voir comment tout ce que Dieu a dit, même ses
menaces, s'accomplit avec la plus parfaite exactitude, combien il
est doux à notre âme de nous rappeler surtout la fidélité avec
laquelle il tient ce qu'il a promis! Quoique les enfants d'Israël
ne possédassent pas encore le pays de Canaan dans son intégrité,
ils y étaient manifestement les maîtres, et c'est ainsi que
l'Éternel avait rempli, par le ministère de Josué, l'engagement
solennel contracté envers Abraham et ses fils.
22:
1-9
§ 114. Alors Josué estima qu'il était temps de
renvoyer dans leurs héritages, près de leurs femmes et de leurs
enfants, les hommes de Ruben, de Gad et de Manassé, qui, avec tant
de foi et de dévouement, avaient tout quitté pour le service de
Dieu et pour le bien de leurs frères (§ 46).
Le vieux prophète les bénit, les exhorta à demeurer fidèles, et il
leur permit d'emporter tout le butin qu'ils avaient fait sur les
Cananéens. Ils partirent donc, fort joyeux sans doute de rejoindre
leurs familles, mais non sans une certaine inquiétude. Il leur
semblait qu'en repassant le Jourdain ils allaient se voir séparés
des autres tribus d'Israël, et celles-ci à leur tour crurent un
moment que leurs frères de la rive gauche voulaient faire corps à
part. Mais ce malentendu fut bientôt expliqué, grâce à la charité
que le Seigneur avait mise dans leurs cœurs, aux uns et aux
autres. Voici comment la chose se passa.
22:
10-12
§ 115. Lorsque les Israélites des deux tribus
et demie eurent repassé le Jourdain, qu'ils virent ainsi derrière
eux ce fleuve qui formait la limite naturelle du pays de Canaan et
qui mettait une sorte de barrière entre eux et leurs frères, ou
plutôt entre eux et l'autel de l'Éternel, ils voulurent montrer
qu'à leurs yeux le pays oriental était aussi une terre sainte.
Pour cet effet, ils y érigèrent un autel semblable à celui du
Tabernacle, et ils y offrirent sans doute des sacrifices et des
holocaustes de prospérité. Puis ils poursuivirent leur route et
rentrèrent dans leurs établissements. Mais quand ceux de la rive
droite eurent appris ce fait, il y eut parmi eux une grande
rumeur. Leurs frères voulaient instituer un culte différent de
celui que l'Éternel avait prescrit! Leurs frères rompaient
l'alliance, et, selon la loi de Moïse, il fallait les châtier en
portant la guerre chez eux (I, § 1016)!
Aussitôt donc ils assemblèrent leurs forces dans la tribu
d'Ephraïm, à Scilo.
22:
13-34
§ 116. Cependant il n'eût été ni charitable ni
sage de commencer immédiatement les hostilités. Phinées, fils du
Souverain Sacrificateur, accompagné d'un délégué de chacune des
tribus de l'Ouest, parcourut toute la contrée au-delà du Jourdain,
s'informant des intentions du peuple et de l'état des esprits. Les
explications qu'ils reçurent accusaient bien quelque embarras chez
ceux qu'ils interrogèrent. On avait érigé un autel, on y avait
offert des holocaustes; mais ce n'était point qu'on méprisât le
culte du Tabernacle, ni qu'on songeât à servir un autre Dieu! Au
contraire, la pensée des Rubénites et des autres, avait été de
proclamer de la sorte que, dans toutes les circonstances, ils ne
formeraient qu'un seul peuple avec leurs frères, et qu'ils
n'auraient pas d'autre religion que la leur. Phinées et ses
compagnons, réjouis de ce qu'ils entendaient, louèrent l'Éternel
et renoncèrent à toute idée de guerre. L'autel demeura debout et
on l'appela Hed , ce qui veut dire témoin. Cet autel, dirent-ils,
est témoin entre nous que l'Éternel est notre Dieu.
§ 117. Je ne saurais passer outre sans vous faire remarquer ce qu'eurent de solennel les discours que Phinées tint aux Israélites des tribus accusées; et surtout la charité dont il fit preuve lorsqu'il leur offrit des terres à l'occident du Jourdain, s'ils estimaient que les leurs ne participassent pas suffisamment à la sainteté des promesses de Jéhovah. C'est la débonnaireté d'Abraham (I, § 271) que nous retrouvons ici; et combien de disputes, même de disputes religieuses, qui se seraient paisiblement terminées, si le parti le plus fort et le plus nombreux avait toujours usé d'une telle condescendance! Non seulement on voit des églises traiter de schismatiques et de sectaires des hommes avec qui l'on n'a pas même pris la peine de s'aboucher pour bien connaître leur pensée, mais encore il faut avouer que la plupart des dissidences proviennent de ce que les églises, ou ceux qui les gouvernent, au lieu de faire à la minorité de sages concessions, ne songent le plus souvent qu'à l'écraser. L'histoire des Rubénites et de leurs associés nous apprend d'ailleurs qu'on peut très bien, sans esprit d'hostilité et sans crime, élever un autel près d'un autre autel. Ainsi, lorsque des membres d'une Église établissent à côté de l'ancien culte des réunions particulières d'édification, pour rendre plus fréquentes et plus intimes la prédication de l'Évangile, les prières collectives et la célébration de la Cène, il ne faut pas voir tout de suite en eux des schismatiques et des sectaires. Que s'il y a des différences essentielles de doctrine et de culte, il s'agit d'examiner qui suit de plus près la Parole de Dieu, car les vrais sectaires sont ceux qui s'en écartent, quels que soient leur nombre et leur éclat. Mais cette dernière observation n'a pas précisément de rapport avec notre sujet, puisque les Rubénites ne voulaient pas avoir un autre Dieu que l'Éternel.
23:
1
§ 118. Dix-sept à dix-huit ans s'écoulèrent
sans qu'il arrivât rien de remarquable parmi les enfants d'Israël,
ou du moins le livre de Josué ne nous le rapporte pas. Il se
termine donc assez brusquement par le récit des derniers jours et
de la mort du successeur de Moïse. Les Israélites jouissaient d'un
grand repos, fruit et récompense de leur piété, de leur respect
pour les lois de Dieu et de l'obéissance qu'ils rendaient à Josué.
Jamais aucune nation, je pense, n'offrit un aussi beau spectacle,
et ceci doit nous toucher plus encore que les miracles dont nous
avons eu le tableau sous les yeux. Ce n'est pas à dire qu'il n'y
eût en Israël que des cœurs convertis, mais on y comptait une
grande quantité d'enfants de Dieu. Tous ces Calebs exerçaient une
puissante influence sur leurs alentours, et la crainte de
l'Éternel contenait généralement la violence des passions. — On
peut se représenter qu'il en sera de même, et encore mieux,
lorsque le règne de notre Sauveur sera pleinement établi sur la
terre. Aussi devons-nous dire chaque jour du fond de notre âme:
«Que ton règne vienne!»
23:
2-16
§ 119. Josué sentant que le moment de son
départ approchait, fit venir auprès de lui tout Israël dans la
personne de ses anciens, de ses juges, de ses chefs et de ses
officiers. Ce devait être une nombreuse et imposante assemblée que
la réunion de ces hommes qui avaient secondé Moïse et Josué dans
leurs pieux travaux! Le prophète de l'Éternel commençant par leur
rappeler les grâces du Seigneur, leur donna de sa part l'assurance
qu'ils achèveraient de déposséder les Cananéens, pourvu toutefois
qu'ils demeurassent fidèles et qu'ils se tinssent en garde contre
l'idolâtrie et les mœurs de ces peuples. «Aimez l'Éternel, leur
dit-il, et tout vous réussira. Mais si vous vous détournez de lui,
il vous châtiera par le moyen de ces mêmes nations que vous avez
vaincues, et vous aussi vous finirez par être chassés de vos
maisons. Car si les promesses de Dieu, qui sont de bonnes paroles,
ont leur accomplissement, il est impossible que les mauvaises
paroles, c'est-à-dire les menaces, n’aient aussi le leur.» — Je
crois pouvoir me dispenser de faire à mes lecteurs l'application
de ce discours; elle est trop évidente. La voici d'ailleurs dans
les termes mêmes de l'Écriture: «Celui qui croit au Fils a la vie
éternelle; mais celui qui est rebelle au Fils ne verra point la
vie et la colère de Dieu demeure sur lui (Jean, III, 36).»
24:
1-15
§ 120. Quelque temps après, Josué convoqua de
nou1-15 veau ses frères à Sichem. C'était pour la dernière fois.
L'assemblée se tint devant l'Éternel, c'est-à-dire que le
Tabernacle et l'Arche de l'Alliance étaient là. Le nouveau
discours fut encore plus remarquable que le précédent. Après avoir
rappelé aux Israélites les grâces que Dieu leur avait faites,
depuis le moment où il lui plut de retirer Abraham de l'idolâtrie
qui s'introduisait dans sa famille, jusqu'à celui où il leur avait
donné à eux-mêmes, par des victoires si extraordinaires, le pays
promis à leur père, il les sollicite à ne point délaisser le
service de l'Éternel, mais plutôt à s'y consacrer de plus en plus.
«Du reste, leur dit-il, Dieu ne veut rien par contrainte. Vous
êtes libres: choisissez qui vous voulez servir, Dieu ou les
idoles. Pour moi et ma maison, quelque parti que vous preniez,
nous servirons l'Éternel!» — Ce choix, mes chers lecteurs, nous
sommes pour ainsi dire toute notre vie appelés à le faire, puisque
le monde nous sollicite constamment au mal, tandis que le Seigneur
ne cesse de nous appeler à lui. Mais il est des temps et des
circonstances où leur voix, à l'un et à l'autre, se fait entendre
avec plus de force. Oh! bienheureux sont ceux qui choisissent la
bonne part, comme Marie, sœur de Lazare (Luc, X, 42), et qui
disent résolument avec Josué: «Quoi qu'il en soit, je servirai le
Seigneur!»
24:
16-18
§ 121. D'un accord unanime, les Israélites
répondirent en des termes qui montraient à la fois leur sincère
désir de servir l'Éternel et le sentiment de leur faiblesse: «Ah!
qu'il ne nous arrive pas d'abandonner Jéhovah pour d'autres
dieux!» Leur motif est remarquable. Ce n'est pas la crainte du
châtiment: c'est la grandeur des délivrances que le Seigneur leur
avait accordées; c'est qu'il les avait choisis pour être son
peuple et qu'il était leur Dieu! Telles seront aussi nos raisons
pour nous consacrer au Seigneur, si nous sommes vraiment des
siens. Il nous a sauvés, il nous a pris à lui; il est notre Dieu,
notre Père, notre Rédempteur: comment ne le servirions-nous pas,
moyennant le secours puissant de sa grâce?
24:
19-24
§ 122. «Mais comprenez-vous bien à quoi vous
vous exposez, reprit le prophète; l'Éternel est le Dieu fort et
jaloux (I, § 745), et si
vous vous détournez de lui, il vous sera comme un feu consumant. Y
avez-vous pensé?» — «N'importe, répond le peuple, notre devoir de
servir l'Éternel subsiste dans tous les cas.» Puis Josué leur
ayant dit là-dessus qu'ils devaient donc faire une guerre XXIV à
mort aux faux dieux, ils s'écrièrent tous: «Nous servirons
Jéhovah, et nous obéirons à sa voix.»
24:
25-28
§ 123. Ce fut une grande et belle scène que ce
renouvellement de l'alliance entre les mains de Josué, au terme de
l'administration que Dieu lui avait confiée. Le souvenir en fut
déposé par lui dans un livre qui devait faire suite à ceux de
Moïse, et c'est probablement celui que nous venons d'étudier.
Puis, selon la coutume, on érigea un monument, et chacun retourna
dans sa demeure emportant avec soi de profondes et de saintes
impressions.
24:
29-38
§ 124. Si, comme je viens de le dire et comme
on le pense généralement, le livre de Josué fut écrit par
lui-même, les derniers versets du moins sont d'un prophète plus
récent. Ils nous racontent quatre choses: la mort de Josué ,
l'état religieux du peuple quelque temps après lui, la sépulture
des os de Joseph et la mort du successeur d'Aaron.
§ 125. Josué avait 110 ans quand il mourut. Ce devait être l'an 1426 avant Notre Seigneur. Il fut enterré dans la tribu d'Ephraïm à laquelle il appartenait par sa naissance. Le seul titre qui lui soit donné ici est celui de serviteur de l'Éternel, mais c'est le plus beau de tous les titres. Moïse aussi le porta (Deut. XXXIV, 5), et il n'est personne qui ne doive être jaloux de le recevoir. Pour cela, on n'a pas besoin d'être un prophète puissant en œuvres et en paroles, comme le furent Moïse et Josué; il suffit de posséder la foi qui anima ces deux hommes de Dieu.
24:
31-33
§ 126. J'ai déjà signalé ce qu'il y eut de si
remarquable dans la piété des hommes de cette génération, ainsi je
n'y reviendrai pas. Quant aux os de Joseph, on sait que, selon
l'ordre que ce patriarche en avait donné 260 ans auparavant, Moïse
les prit avec lui à la sortie XXIV d'Égypte. Les enfants d'Israël
les conservèrent avec un soin respectueux et les déposèrent à
Sichem, dans la tribu d'Ephraïm, un des fils de Joseph. Enfin, ce
fut à cette époque même que mourut le second souverain
sacrificateur, Éléazar fils d'Aaron. Il eut pour successeur son
fils Phinées. Le peu de mots que l'Écriture consacre à la mémoire
d'Éléazar nous montrent que, par la volonté de Dieu, les
sacrificateurs n'étaient pas destinés à occuper une place fort
considérable dans les affaires publiques. Ils n’avaient à se mêler
ni du gouvernement, ni de la guerre; tout leur office se
rapportait au culte de l'Éternel dans le Tabernacle.
§ 127. Avant d'ouvrir un nouveau livre de l'Écriture, je veux vous rappeler que le ministère de Josué renferme un sens typique fort important. Moïse et Josué réunis ont fait une œuvre prophétique, réalisée tout entière en notre Sauveur et en son œuvre. Moïse, dont le nom signifie sauvé (I, § 630), délivra son peuple de l'esclavage et de la mort; Josué, dont le nom est exactement celui de Jésus, et signifie sauveur, introduisit ce même peuple dans le pays de la promesse. Or voilà précisément la double œuvre que notre Seigneur Jésus-Christ a faite, «Il sauve son peuple de ses péchés,» en le retirant de la condamnation et en lui donnant la vie éternelle. — Mes chers lecteurs! n'estimez-vous pas heureux les fils d'Abraham d'avoir possédé pour conducteurs un Moïse et un Josué? Convertissez-vous donc au Seigneur Jésus, croyez en lui; vous aurez dans sa divine personne quelqu'un qui vous sera plus que Josué et que Moïse réunis, et par lui vous posséderez un salut plus grand que la délivrance dont Moïse et Josué furent les instruments. C'est ce Jésus, l'Ange de l'alliance éternelle, qui a appelé, conduit, béni et sauvé ces deux prophètes eux-mêmes; il vous appelle, à votre tour, afin de vous bénir et de retirer chacun de vous de vos iniquités, à la gloire de Dieu son Père.
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