DEUTÉRONOME.
LXXIV. Prédications de Moïse.
Chap.
1-3
§ 1001. Le dernier des cinq Livres de Moïse,
ou du Pentateuque (§ 13),
est, dans sa plus grande partie, d'une nature assez différente des
précédents. On l'a appelé DEUTÉRONOME, mot grec qui signifie
deuxième loi, ou répétition de la loi, parce qu'on y trouve, à
côté de quelques lois nouvelles, la répétition de plusieurs lois
précédentes, notamment la reproduction des Dix Commandements. Mais
ce qu'on y lit en particulier, ce sont les discours, les
exhortations et les prédictions que Moïse prononça par l'Esprit du
Seigneur peu de jours avant de quitter ce monde; car l'histoire
contenue dans ce livre renferme une période de deux mois
seulement. Il est d'ailleurs très-facile à comprendre; c'est
pourquoi je n'en présenterai qu'un résumé fort rapide.
§ 1002. Cependant, il faut, pour bien saisir les discours de Moïse, se rappeler que le peuple auquel il les adressa n'était point identiquement le même que celui qui était entré dans le désert quarante ans auparavant. Il y avait là, sans doute, des milliers d'individus qui, au moment du passage de la mer Rouge, étaient assez âgés pour se souvenir de tout ce qu'ils avaient vu et entendu à cette époque et dès lors, mais l'immense majorité d'entre eux étaient nés dans le désert. Il résulte de ce mélange que Moïse pouvait bien leur dire, comme il le fait souvent, vous avez vu et entendu, et toutefois leur rappeler les faits anciens, les leur enseigner même, comme s'ils eussent été nouveaux pour eux. Cela dit, j'entre en matière.
§ 1003. C'était l'an 1450 avant Jésus-Christ. Il y avait trente-neuf ans et dix mois que les enfants d'Israël étaient sortis d'Égypte sous la conduite de Moïse. Ce vieillard, vénérable par ses 120 années, comme par son long et pénible ministère, seul de son âge au milieu de la foule, et, sentant approcher le jour de son délogement, fut encore chargé par l'Éternel de faire entendre sa voix à ses frères. Il commence par leur rappeler les promesses de Dieu, promesses en vertu desquelles ils marchaient à la conquête du pays de Canaan; puis il passe en revue plusieurs des événements dont ils avaient été les témoins, eux ou leurs pères, et qui étaient les arrhes des promesses. Il leur dit comment ils s'étaient multipliés d'une manière merveilleuse; comment il avait établi sur eux des anciens pour administrer la justice; comment ils envoyèrent des explorateurs au pays de Canaan et quels furent les tristes résultats de cette mission; comment, après être retournés sur leurs pas, ils avaient repris, trente-huit ans après, le chemin du pays de la promesse; comment, épargnant les fils de Lot, ils avaient dépossédé Sihon, roi de Hesçbon, et Hog, roi de Basçan, en sorte que deux de leurs tribus et la moitié d'une autre occupaient déjà la contrée qui s'étendait de l'Arnon au nord, sur toute la rive orientale du Jourdain; Moïse dit enfin comment le Seigneur avait résolu de le faire mourir lui-même avant qu'ils passassent le fleuve, en lui donnant pour successeur Josué, fils de Nun, son fidèle serviteur, et le digne compagnon de Caleb.
4:
1-40
§ 1004. Cela fait, Moïse exhorte vivement le
peuple à observer les commandements de Dieu, sans y rien ajouter
et sans en rien retrancher. «Quelle gloire pour vous, leur dit-il,
d'avoir un Dieu qui n'est pas comme ceux des autres peuples, fixé
à une certaine localité, mais qui est partout avec vous! Quelle
gloire que de s posséder un code de lois dont l'Éternel est
lui-même l'auteur! Demeurez-y fidèles et il n'y aura pas de nation
qui vous égale. Prenez garde surtout de ne pas vous livrer à
l'idolâtrie, car vous savez par expérience que Jéhovah, votre
Dieu, est un feu consumant, qu'il est jaloux de votre affection.
Si vous l'abandonnez, soyez sûrs qu'il vous abandonnera aussi et
vous dispersera parmi les peuples. Sans doute que, même alors, ce
Dieu Fort et Miséricordieux sera prêt à vous recevoir quand vous
reviendrez à lui; mais voyez quel amour il vous a témoigné en se
révélant comme il l'a fait! «Sachez donc aujourd'hui et gravez
dans votre cœur, que l'Éternel» est Dieu là haut, dans le ciel, et
ici-bas sur la terre,», et qu'il n'y en a point d'autre que lui.
Gardez donc» ces statuts et ces commandements que je vous
prescris» aujourd'hui, afin que vous soyez heureux et que vous»
prolongiez vos jours sur la terre que le Seigneur votre» Dieu vous
donne pour toujours.» — Tel fut le premier discours de Moïse, dans
une époque si solennelle pour lui et pour tout le peuple. Ses
exhortations, comme on le voit, se fondent essentiellement sur la
reconnaissance qu'Israël devait au Seigneur; sous ce rapport, on
ne saurait douter qu'elles ne nous conviennent aussi bien qu'à
eux.
4:
41-43
§ 1005. Nous avons vu ailleurs (§
998) que le meurtrier involontaire, pour échapper au vengeur
du sang, devait se retirer dans une ville dite de refuge. Moïse en
établit trois dans la partie du pays à l'orient du Jourdain.
C'étaient Betser en Ruben, Ramoth en Galaad des Gadites, et Golan
en Manassé.
Chap.
5
§ 1006. À quelques jours de là peut-être,
Moïse convoqua de nouveau les enfants d'Israël, et, leur ayant
rappelé les Dix Commandements de la loi, avec les circonstances
qui en avaient accompagné la première publication plus de
trente-neuf ans auparavant, il leur adressa de sérieuses et
touchantes exhortations. Il est une remarque à faire sur la
manière dont le dixième commandement est reproduit ici. On lit
dans l'Exode, chap. XX, vers. 17: «Tu ne convoiteras point la
maison de ton prochain, tu ne convoiteras point la femme de ton
prochain, etc.» C'est ainsi que le commandement était écrit sur
les Tables de pierre; tandis qu'ici l'ordre des prohibitions se
trouve interverti. Cette circonstance est peu significative par
elle-même, mais ce qui la rend digne d'observation, c'est que les
catholiques-romains, en retranchant de leur catéchisme le second
commandement parce qu'il condamne d'une manière trop formelle leur
idolâtrie, ont dû, pour maintenir le nombre de dix, faire deux
commandements du dixième. Ils disent au neuvième commandement: «Tu
ne convoiteras point la femme de ton prochain,» et au dixième: «Tu
ne convoiteras point la maison de ton prochain, etc.» Mais ne
semble-t-il pas que Dieu ait voulu rendre leur confusion
inévitable en montrant, par le changement même de rédaction que
fit ici Moïse, combien il y a d'unité dans ce commandement, en
sorte qu'il n'est pas possible de le partager sans méconnaître la
pensée du Seigneur!
6:
4-5
§ 1007. «Jéhovah votre Dieu est le seul
Jéhovah!»Cette belle parole a ceci de remarquable, que le mot Dieu
y est pluriel comme au premier verset de la Genèse VI (§
22); puis, c'est après avoir ainsi proclamé l'Unité du Dieu
pluriel (§ 37) que Moïse
résume en une seule loi toute la loi des Deux Tables; ce beau
sommaire que nous savons tous dès notre enfance: «Tu aimeras
l'Éternel ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toutes
tes forces;» loi suprême qui renferme toutes les autres, loi qui
n'est que de stricte justice et que nous avons tous violée, loi
que le Saint-Esprit seul peut nous rendre capables d'observer en
répandant l'amour même de Dieu dans nos cœurs par la foi en
Jésus-Christ. Or, il y avait maintenant parmi les auditeurs de
Moïse un grand nombre de vrais fils d'Israël qu'éclairait et
conduisait la foi d'Abel, d'Enoch, de Noé, d'Abraham , d'Isaac, de
Jacob, de Joseph; ceux-là comprirent et approuvèrent la loi qui
leur était proposée en ces termes, car ils aimaient Dieu dans la
sincérité de leur âme et dans la plénitude de leurs pensées.
6:
6
§ 1008. Ces mêmes fidèles comprirent aussi ce
que leur disait Jéhovah par la bouche du prophète: «Les
commandements que je te prescris aujourd'hui, seront dans ton
cœur.» Un enfant de Dieu ne craint point de recevoir des ordres de
la part de son Père céleste; il ne trouve pas qu'il soit dur de
lui obéir; par cela même, s'il a des enfants, il se fait un
plaisir de leur inculquer les commandements de Dieu et il emploie
tous les moyens possibles pour se les rappeler à lui-même. Il sait
qu'il y a un grand salaire dans l'obéissance, et, bien qu'il
obéisse par amour, il n'est pas indifférent aux bénédictions, même
temporelles, que Dieu se plaît à accorder quelquefois à ceux qui
le servent. Je dis quelquefois, parce que j'applique ici le
discours de Moïse aux individus; mais, comme il s'adressait à tout
un peuple et encore à un peuple qui devait développer sa vie
sociale dans des conditions très-particulières, on comprend que
les promesses eussent quelque chose de plus absolu. L'Éternel
promet donc aux Israélites une prospérité temporelle infaillible
si, en corps de nation, ils demeurent fidèles à leur loi. C'est
dans ce sens que, par leur obéissance à la constitution dont
l'Éternel les avait privilégiés, ils seraient une nation juste,
pour qui la justice serait une source de gloire et de puissance. —
En prenant la chose d'une certaine manière, on peut dire sans
doute de chaque individu que, s'il accomplissait toute la loi, il
serait juste, ce qui n'est le partage de personne; mais il ne me
paraît pas que tel soit le sens de la déclaration de Moïse. Je
comprendrais mieux qu'on la développât à peu près comme ceci:
«Lorsqu'un homme obéit aux commandements de Dieu par la foi, il
est doublement juste: d'abord, il est justifié par sa foi comme
Abraham, de plus il fait, comme lui, ce qui est juste et droit
devant Dieu; en sorte que ses œuvres aussi le justifient, mais
dans une autre acception de ce terme, comme nous le verrons plus
tard (Jaq. II, 24).
Chap.
7
§ 1009. Dieu qui connaît le triste penchant du
cœur humain à l'idolâtrie et qui sait combien le mal se communique
aisément d'homme à homme, condamne expressément toute alliance que
les Israélites songeraient à contracter avec les Cananéens. À
mesure donc que le Seigneur les chassera devant eux (car la
conquête du pays ne sera pas l'affaire d'un jour), on devra non
seulement effacer toute trace de l'idolâtrie cananéenne, mais
encore détruire ces hommes méchants et pervertis. Les tribus
cananéennes formaient un peuple puissant; mais les Israélites
n'avaient pas à le redouter tant que l'Éternel demeurerait avec
eux, et quand ils en se raient devenus les maîtres, ils n'auraient
aucune raison de s'enorgueillir. Il est vrai, dit Moïse , que «tu
es un» peuple consacré à l'Éternel ton Dieu; l'Éternel ton» Dieu
t'a choisi. etc.» Mais «ce n'est point parce que» vous étiez un
peuple nombreux qu'il vous a aimés et» choisis... c'est parce que
l'Éternel vous aime et qu'il» garde le serment qu'il a fait à vos
pères, etc.» Parole remarquable autant qu'extraordinaire! Pourquoi
l'Éternel aime-t-il ses élus et leur fait-il des promesses? Est-ce
parce qu'ils ont en eux quelque chose qui leur mérite son amour?
Non, c'est simplement parce qu'il lui a plu de les aimer. Et
pourquoi leur accorde-t-il tant de grâces? c'est parce qu'il lui a
plu de leur faire des promesses. Telle est la libre et souveraine
miséricorde de Dieu, source inépuisable de la joie et de la sainte
humilité de ses enfants.
Chap.
8
§ 1010. C'est à inculquer cette humilité que
Moïse consacre maintenant son exhortation. Afin de la former dans
le cœur des Israélites, l'Éternel les a châtiés comme un homme
châtie son enfant. Les humiliations ne leur ont pas manqué dans le
désert; mais voici le véritable moment de l'épreuve. Il faudra
voir l'effet que produiront sur leur âme les victoires qu'ils vont
remporter. Ah! malheur à toi, Israël, si tu dis dans ton orgueil:
«Ma puissance et la force de mon bras m'ont acquis tous ces
biens,», car alors tu seras près de ta ruine. — Malheur aussi à
l'enfant de Dieu qui s'attribue l'honneur de ses progrès dans la
foi et de ses victoires contre le péché; de lourdes chutes lui
apprendront bientôt qu'en suivant le chemin de l'orgueil on marche
vers la perdition. — En tête de ces instructions, vous lisez la
parole dont notre Seigneur se servit pour repousser une des
tentations de Satan (Matth. IV, 4) et qui a toujours la même
puissance contre les suggestions de nos cœurs charnels, car elle
nous rappelle que nous avons une âme à nourrir et à sauver par la
Parole de Dieu.
Chap.
9-10
§ 1011. Il importait aux Israélites de ne se
faire aucune illusion sur les motifs qui déterminaient le Seigneur
à leur prêter l'appui de son bras dans la conquête de Canaan.
Aussi Moïse leur déclara-t-il par trois fois que ce n'était pas à
cause de leur justice ou de leur sainteté, mais à cause de
l'impiété et des mauvaises mœurs des Cananéens. La justice
d'Israël! Hélas ce peuple ne s'était-il pas montré difficile à
conduire comme un bœuf qui refuse de se plier au joug? n'avait-il
pas mérité que l'Éternel le rejetât? ne devait-il pas sa
conservation à la miséricorde du Seigneur et aux prières du
Médiateur? C'est pourquoi, dit Moïse, prenez garde que les cieux,
et les cieux des cieux sont à l'Éternel, la terre aussi et tout ce
qui est en elle. Il est le Dieu des dieux et le Seigneur des
seigneurs, le Fort, le Grand, le Redoutable, qui ne regarde pas
l'extérieur des personnes. La circoncision n'est d'aucun prix à
ses yeux, si vous ne circoncisez vos cœurs, c'est-à-dire si vous
ne vous convertissez, pour craindre l'Éternel, le servir, vous
attacher à lui et chercher en lui toute votre gloire; car «c'est
Lui qui est ta louange,» dit le prophète de l'Éternel.
Chap.
11
§ 1012. Que si vous demandez pourquoi
l'Éternel doit être aimé et obéi, rappelez-vous les terribles
châtiments dont il a frappé l'Égypte et les châtiments non moins
remarquables qu'il vous a infligés dans le désert. Dites-vous bien
aussi que c'est à cette seule condition que vous pourrez entrer en
possession du pays de la promesse et y mener des jours heureux.
Encore une fois donc, gravez toutes ces paroles dans vos cœurs,
ayez-les constamment présentes à la pensée, inculquez-les à vos
enfants et ils verront l'accomplissement de ce qui fut dit à
Abraham sur l'étendue des domaines que l'Éternel assignait à sa
postérité (§ 297). Voici donc, je vous propose aujourd'hui la
bénédiction et la malédiction; la bénédiction, si vous obéissez
aux commandements de l'Éternel votre Dieu; la malédiction, si vous
n'y obéissez point et si vous vous détournez de la bonne voie pour
aller après d'autres dieux qui ne vous ont fait aucun bien.
§ 1013. Ces exhortations de Moïse produisirent.le plus heureux effet sur le peuple d'Israël, comme nous le verrons en lisant le Livre de Josué. Après quoi, il n'est pas difficile de nous en faire l'application. Si, par la foi, nous sommes héritiers du royaume des cieux, nous savons très bien que nous n'en sommes pas redevables à notre justice, mais à la grâce de notre Dieu, par Jésus-Christ; nous savons aussi que c'est par la force seule de son Saint-Esprit que nous pouvons nous conduire d'une manière digne de notre vocation céleste, mais cela même nous porte à aimer l'Éternel et à vivre dans son obéissance, dispositions inséparables de la paix des enfants de Dieu.
LXXV. Nouvelles ordonnances et reproduction de lois déjà promulguées.
Chap.
12
§ 1014. Des ordonnances et des statuts que
Moïse proclama dans cette circonstance solennelle, je signalerai
que les plus remarquables, ou par leur portée, ou par leur
nouveauté. — Au lieu d'offrir leur culte en toute espèce
d'endroits, les Israélites ne devaient présenter leurs sacrifices
et leurs holocaustes que devant le tabernacle. Cependant il leur
était permis d'immoler ailleurs les animaux qu'ils destinaient à
leur table, mais cette immolation devait se faire avec certaines
formes analogues à celles des sacrifices proprement dits. Il
fallait aussi qu'ils se gardassent d'adapter au culte de l'Éternel
les pratiques des cultes païens, précaution que l'Église romaine a
tellement négligée qu'elle en est venue par degrés à une véritable
idolâtrie.
13:
1-5
§ 1015. Moïse annonce aux Israélites que, pour
éprouver leur foi, il pourrait arriver que Dieu permît à de faux
prophètes d'opérer des prodiges et des miracles, comme les
magiciens de Pharaon; mais, loin d'écouler aucun prophète qui
tenterait de les détourner de Dieu, leur devoir serait de les
faire mourir. Notre Seigneur aussi a parlé de faux christs qui
feraient des miracles jusqu'à séduire les élus si la chose était
possible (Matth. XXIV, 24), Or, cette même Église romaine dont je
parlais tout à l'heure appuie sur des miracles réels ou prétendus,
ses doctrines et ses pratiques idolâtres: nous savons donc à quoi
nous en tenir sur l'estime que nous devons faire d'elle et de ses
docteurs.
13:
6-18
§ 1016. Notre Seigneur a dit encore dans
l'Évangile: «Si quelqu'un vient à moi et ne hait pas son père et
sa mère, et sa femme, et ses enfants, et ses frères et ses sœurs,
et jusqu'à sa propre vie, il ne peut être mon disciple (Luc XIV,
26);», c'est comme il enjoignit aux Israélites, par la bouche de
Moïse, de faire mourir leur propres parents plutôt que de les
suivre dans un culte idolâtre. Et si une ville, en Israël,
abandonnait l'Éternel pour adorer les faux dieux, le devoir du
peuple était de faire la guerre à cette ville et de la détruire de
la même manière que celles des Cananéens. Tout cela nous montre le
crime de l'idolâtrie; mais il n'est pas besoin de remarquer, quant
à la peine de mort prononcée contre les adorateurs des faux dieux,
que c'était une loi civile particulière aux Juifs, loi dont la
parfaite justice résulte de ce que le Seigneur était à la fois
leur Dieu pour l'éternité et leur Souverain temporel.
Chap.
14
§ 1017. Je passe, sans m'y arrêter, sur la
répétition que fait Moïse de l'ordonnance relative aux animaux
dont il était permis de manger; mais je vous ferai remarquer celle
qui instituait une seconde dîme outre la dîme qui appartenait aux
sacrificateurs (§§ 959,
918), Celle dont
l'institution se trouve ici n'était proprement qu'une restitution,
puisque la tribu de Lévi ne devait point entrer en partage du pays
de Canaan; mais, bien que l'Éternel fasse aux enfants d'Israël un
important devoir de conscience de payer cette dîme et même avec
joie (ce que signifient les festins qu'on célébrait alors),
cependant il n'y avait pas de peines prononcées contre ceux qui ne
la payaient pas. C'était donc au fond volontairement qu'ils
venaient ainsi au secours du lévite, de l'étranger, de l'orphelin
et de la veuve. Nous avons déjà vu la même chose pour l'autre dîme
(§ 959).
Chap.
15
§ 1018. Voyez au chapitre XV, verset 11, la
déclaration remarquable et si souvent oubliée: «il y aura toujours
des pauvres dans le pays.» Les lois de Moïse sur la propriété
étaient telles que, si on les eût observées, il semble que jamais
aucun Israélite n'aurait pu être pauvre, puisque le pays de Canaan
devait être partagé entre toutes les familles et que les héritages
étaient inaliénables à perpétuité (§
914). Cependant, Dieu déclare qu'il y aurait toujours des
pauvres dans le pays. Comment donc s'étonner qu'il y en ait parmi
nous, et que dire de ceux qui rêvent de moyens propres à faire
cesser entièrement l'indigence? Notre Seigneur Jésus-Christ, en
répétant cette parole (Jean XII, vers. 8), a voulu nous apprendre
que, sous l'Évangile comme sous la loi, il est chimérique de
vouloir qu'il n'y ait plus de pauvres. La pauvreté en face de la
richesse: tel est donc l'ordre de choses voulu de Dieu, mais aussi
qu'est-ce que cet ordre de choses exige du riche? La réponse à
cette question se trouve dans les onze premiers versets du
chapitre. Le reste se rapporte à l'esclavage et aux premiers-nés,
objets dont nous avons parlé précédemment.
Chap.
17
§ 1019. Le chapitre XVI ne faisant guère que
reproduire les lois relatives aux fêtes de Pâques, de Pentecôte et
des tabernacles, je passe au XVIIe, où se trouvent trois
ordonnances fort importantes; l'une qui établissait qu'on ne
pourrait faire mourir personne, sinon sur le témoignage de deux
hommes au moins, et encore fallait-il que les témoins jetassent
contre le coupable les premières pierres, ce qui était leur faire
sentir toute leur responsabilité; la seconde investissait les
sacrificateurs du droit de juger les causes difficiles qui leur
seraient déférées, droit qui n'appartient plus aux ministres de
Jésus-Christ, mais qui entrait dans la charge d'Aaron comme type
de Celui qui jugera les vivants et les morts; la troisième, enfin,
est celle que Dieu donna dans la prévision qu'un jour les
Israélites voudraient avoir un roi, comme en effet il fallait
qu'ils en eussent un, tiré de la tribu de Juda et père de Jésus,
notre Sauveur (§ 592). Ce
roi devait être un Israélite choisi par l'Éternel lui-même; il lui
était interdit d'avoir une armée de cavalerie comme les autres
princes, de prendre plusieurs femmes à leur exemple, d'amasser des
trésors. Hélas! nous verrons combien peu ces lois furent observées
par les meilleurs même des rois d'Israël, et cela sans doute parce
qu'ils négligèrent de se faire une
copie de la loi et de la lire chaque jour comme l'Éternel
le leur commandait par la bouche de Moïse; aussi, que de maux
n'attirèrent-ils pas sur eux et sur leur peuple!
Chap.
18
§ 1020. Après avoir annoncé qu'Israël finirait
par se donner un roi et répété diverses ordonnances, Moïse prédit
une grande chose, c'est qu'un jour viendrait où l'Éternel
susciterait à son peuple un prophète tel que lui; comme lui
libérateur, médiateur, fondateur d'une alliance; un prophète qui
n'apparaîtrait pas au milieu des flammes du Sinaï et dont la
Parole serait, toutefois, une parole de vie ou de mort. Ce
Prophète, mes lecteurs ont tous compris que c'est le Messie, notre
Seigneur et Sauveur Jésus-Christ. Il est le prophète des
prophètes, personne n'a parlé les paroles de Dieu comme lui, et
toutes les choses qu'il a dites ont eu ou auront leur
accomplissement; c'est en lui qu'est la vie de nos âmes, et
malheur à ceux qui ne l'écoutent pas ou qui ne croient pas en sa
personne!
Chap.
19
§ 1021. Outre les trois villes de refuge à
l'est du Jourdain, Dieu ordonna qu'il y en eût trois autres à
l'ouest, toutes d'un accès facile, afin que le meurtrier
involontaire n'eût pas de peine à s'y retirer; mais, dans aucun
cas, ces asiles ne pouvaient mettre le meurtrier volontaire à
l'abri du châtiment. — Défense de déplacer u les bornes qui
séparent les propriétés. — Le faux témoin sera puni de la peine
même qu'on aurait infligée à l'accusé, s'il eût été reconnu
coupable; loi qui peut nous faire juger de quel œil le Seigneur
envisage les calomniateurs et même ceux qui se laissent aller à
des soupçons injurieux contre leur prochain, car ils sont de faux
témoins devant Dieu.
Chap.
20
§ 1022. Quand le peuple fera la guerre aux
ennemis de l'Éternel, qu'il ne craigne ni leur nombre, ni leur
force, et qu'il ne garde sous les armes que les hommes bien
résolus. Si un Israélite regrette sa maison nouvellement bâtie, sa
vigne nouvellement plantée, sa femme récemment fiancée; s'il a
peur de l'ennemi, qu'il retourne dans sa maison, car l'Éternel ne
veut que des volontaires qui se livrent à l'œuvre de tout leur
cœur.
À l'exception de quelques villes cananéennes, réservées à une
destruction plus ou moins prochaine, Israël ne livrera l'assaut
qu'à celles qui ne se rendront pas et il ménagera soigneusement
les arbres fruitiers des vergers qui entourent leurs murailles.
Chap.
21
§ 1023. Si l'on trouve quelque part le corps
d'un homme assassiné et qu'on ignore l'auteur du crime, les
anciens de la ville la plus proche égorgeront une jeune vache en
expiation du sang, car il faut de manière ou d'autre que le péché
soit puni. Quand un homme aura épousé une femme prise dans le sac
d'une ville, il ne pourra plus la traiter comme une esclave. —
Celui qui, ayant plus d'une femme, éprouverait une préférence pour
l'une d'elles, comme Jacob, ne pourra pas donner le droit
d'aînesse au fils de celle qu'il aime, s'il n'est le premier-né,
et ce droit d'aînesse consistera dans une double portion, des
biens meubles, selon toute apparence; c'était un moyen de
prévenir, s'il était possible, les jalousies et les inimitiés
entre les fils de diverses femmes. Ici d'ailleurs le Seigneur
n'approuve ni ne recommande la polygamie, mais il prend des
mesures pour qu'elle soit le moins fâcheuse qu'il se puisse. C'est
comme il avait fait relativement à un roi ( §
1019 ). — Si des parents ont le malheur d'avoir un fils qui
ne veut pas ranger, ils pourront le dénoncer aux anciens de
la ville; sur le témoignage du père et de la mère, ce méchant fils
sera lapidé. Tel est le jugement que Dieu porte contre les enfants
rebelles, tant est grand le Ve commandement (§
748). — Être pendu au bois est un supplice particulièrement
maudit: c'est celui qu'a voulu subir notre Seigneur, pour nous
sauver de la malédiction.
Chap.
22
§ 1024. On doit avoir soin de ce qui
appartient à autrui, comme de son propre bien. — C'est une
abomination devant Dieu qu'une femme revête des habits d'homme et
qu'un homme revête un habit de femme. Les mascarades sont donc une
pratique indigne de gens qui font profession de connaître Dieu, et
à combien de péchés n'excitent-elles pas? — Après divers
règlements d'économie domestique et rurale, l'Éternel proclame des
lois destinées à maintenir la pureté des mœurs. Une jeune fille
qui, ayant eu une conduite criminelle, oserait bien après cela se
marier à un honnête homme, était punissable de mort. Même peine
est prononcée contre l'homme et la femme adultères, celle-ci
n'étant exempte de châtiment que si elle a été vraiment sans
moyens de protection. — Celui qui a entraîné une jeune fille dans
le mal, doit un dédommagement pécuniaire au père, outre l'espèce
de réparation qu'il peut faire de son péché en épousant la jeune
fille.
Chap.
23
§ 1025. Mutiler un homme est une abomination
sur laquelle l'Église romaine ferme les yeux dans la ville même où
siège le pape; procréer des enfants et ne pas s'en reconnaître le
père est un désordre horriblement commun dans les temps actuels.
Vous voyez ici les mesures que le Législateur d'Israël, l'Éternel
son Dieu et son Roi, prend contre cette abomination et contre ce
désordre. — Les Hammonites et les Moabites, prosélytes à la loi de
Moïse, ne pourront faire partie du peuple d'Israël qu'à la dixième
génération; les Iduméens et les Égyptiens le pourront dès la
troisième. — Lois de propreté et de salubrité pour les campements
des armées israélites. — L'esclave fugitif était libre; c'était
une preuve que son maître l'avait maltraité. — Toute prostitution
est défendue. — Répétition des lois sur le prêt et les vœux. — Les
Israélites étant tous frères et tous propriétaires, quand l'un
d'eux passait dans le champ ou dans la vigne d'autrui, il pouvait
y manger du grain et du raisin, mais sans en emporter; aussi
voyons-nous que, dans une circonstance pareille, les Pharisiens
n'accusèrent point les disciples de Jésus d'avoir dérobé (Luc VI,
1 , 2).
Chap.
24
§ 1026. Quand un homme aura répudié sa femme,
si elle se marie à un autre, son premier mari ne la pourra pas
reprendre. — Répétition de diverses lois sur les gages, le
paiement des dettes, les voleurs d'hommes, les lépreux, le salaire
des ouvriers, l'équité dans les jugements, les égards pour les
pauvres à l'époque des récoltes. — Lorsque, dans certains délits
non prévus par la loi, ou de peu d'importance, le juge prononcera
la peine du fouet, il ne sera jamais permis de dépasser quarante
coups. — , Pour extraire le froment de son épi, on le faisait
fouler par des bœufs. Or, la loi défendait de les emmuseler, afin
qu'ils pussent, en travaillant, manger quelques brins de paille;
ce qui signifiait que 5-10 tout ouvrier est digne de son salaire.
— Loi importante d'après laquelle un homme devait épouser la veuve
de son frère, si celui-ci était mort sans enfants; alors le
premier-né était censé fils du défunt; c'était un ancien usage,
ainsi que nous le voyons par l'histoire du patriarche Juda (Gen.
XXXVIII).
Chap.
25
§ 1027. Dans le reste de ce chapitre et dans
le suivant, je me borne à signaler, d'abord l'ordre que l'Éternel
donna au sujet des Hamalékites, puis les actions de grâces qu'il
prescrit aux Israélites de prononcer lorsqu'ils apporteraient
l'offrande des prémices et qu'ils prélèveraient la dîme triennale.
Rien n'est simple et beau comme ces paroles, et je ne saurais
mieux faire que d'inviter mes lecteurs à prier le Seigneur de
mettre dans leur âme les sentiments qu'elles expriment.
LXXI. Dernières instructions de Moïse. — Bénédictions et malédictions.
27:
1-14
§ 1028. Encore quelques jours et le peuple
d'Israël va passer le Jourdain. Moïse leur ordonne, lorsqu'ils
seront arrivés dans la contrée où se trouvent les montagnes
d'Hébal et de Garizim, de dresser en monument une muraille enduite
de chaux bien unie. sur laquelle ils pussent écrire les paroles de
la loi, sinon toutes les ordonnances et tous les statuts de
l'Éternel, au moins le résumé qu'il venait d'en faire, ou
peut-être seulement les paroles que nous allons étudier dans un
instant. On devrait aussi ériger un autel sur cette montagne de
Hébal, y offrir des holocaustes et des sacrifices de prospérité ou
d'actions de grâces; après quoi six tribus se placeraient sur la
pente d'une des montagnes, six sur la pente de l'autre, et celle
de Lévi demeurerait au centre de la vallée pour proclamer les
paroles solennelles dont suit la teneur.
27:
15-26
§ 1029. Ces paroles sont des malédictions
contre les idolâtres, contre les enfants qui méprisent père ou
mère, contre ceux qui déplacent les bornes des propriétés, qui
manquent de pitié pour l'aveugle, qui font tort aux pauvres et aux
faibles, qui commettent les péchés de l'impureté, qui frappent
leur prochain à la dérobée, ou qui se laissent corrompre par des
présents dans l'administration de la justice, enfin, contre
quiconque ne persévère pas dans l'observation de la loi tout
entière. Sur quoi je prie mes lecteurs de remarquer qu'il s'agit
ici de la malédiction même de Dieu et de se rappeler ce que c'est
qu'être maudit (§§ 101,
130,
149, 152, etc.).
Puis je les invite à observer encore que ce ne sont pas les grands
crimes seulement qui sont l'objet de la malédiction divine. Celui
qui méprise son père ou sa mère est maudit comme celui qui fait
une image taillée pour la mettre dans un sanctuaire et l'adorer;
celui qui égare l'aveugle dans son chemin est maudit, comme celui
qui condamne à mort l'innocent; pour tout dire, celui qui
n'observe la loi qu'en partie est maudit comme celui qui la viole
en son entier, parce que le péché, tout péché est une révolte
contre Dieu. Enfin, que mes lecteurs veuillent bien remarquer la
part que le peuple devait prendre à ces effrayantes déclarations.
Il fallait qu'il confirmât chaque sentence par ce cri solennel:
Amen, c'est-à-dire, oui, cela est vrai, cela est juste, qu'ainsi
la chose se fasse! La voix des lévites était la voix même de Dieu;
celle du peuple était la voix de la conscience du pécheur. Nos
consciences nous disent en effet que la malédiction prononcée
contre le péché est de toute justice, que nous sommes coupables
d'une multitude de péchés, que de la sorte nous sommes, par notre
nature, sous la malédiction. Faites bien attention, d'ailleurs,
qu'il ne s'agit dans toutes ces malédictions que d'infractions à
la loi morale (§ 763);
par conséquent, elles nous menacent aussi bien que les enfants
d'Israël.
Chap.
28
§ 1030. Mais voici maintenant des bénédictions
et des malédictions qui se rapportent essentiellement à Israël en
tant que nation, et de nation placée sous un gouvernement tout à
fait exceptionnel, savoir le gouvernement immédiat du Seigneur. Ce
qui était donc résolu dans le conseil du Tout-Puissant et ce que
l'Éternel seul pouvait réaliser, c'est que la prospérité
temporelle de son peuple serait toujours en parfait rapport avec
son obéissance aux lois. Abondance des récoltes, accroissement de
la population, supériorité morale et politique sur les autres
peuples: tels seront les effets infaillibles de la fidélité
d'Israël à son prince, Jéhovah. Mais si au contraire les
Israélites viennent à se révolter contre lui, toutes sortes de
malédictions fondront sur leurs maisons, sur leurs champs, sur
leurs familles et sur leurs entreprises, par des contagions, par
des fléaux, surtout par la guerre. Ils perdront leur indépendance
nationale, et ils auront beau se donner un roi, ils seront emmenés
captifs, avec leur roi, chez des peuples étrangers et fort
éloignés, pour y être en opprobre et la risée des peuples. Ceux
d'entre eux qui demeureront au pays de leurs pères y mèneront une
vie misérable, leur terre étant maudite et le joug étranger
aggravant tous leurs maux; et ce sera là un prodige qui remplira
d'étonnement tout individu capable de réflexion. Or, mes lecteurs
verront, quand nous y serons venus, avec quelle perfection de
détails cette prophétie, aussi admirable qu'effrayante, a eu son
accomplissement en divers temps et de diverses manières.
§ 1031. Mais ce qu'il y a de plus frappant dans la prophétie, c'est la portion qu'il nous reste à résumer. «Parmi les nations qui seront chargées de châtier les infidélités du peuple de Dieu, il y en aura une qui viendra de loin, pour ainsi dire du bout de la terre, une nation rapide dans ses incursions comme un aigle qui vole, une nation d'une langue tout autre que celle des Hébreux, une nation fière, impitoyable.» Maintenant, l'histoire nous raconte qu'à deux époques différentes les Juifs furent entièrement subjugués par des peuples puissants; la première fois par les Chaldéens, la seconde, par les Romains. Lors de la première de ces invasions, le roi des Juifs fut mené en captivité, comme il est dit au verset 36, mais non pas dans la seconde. D'ailleurs, la Chaldée n'était pas pour les Juifs au bout du monde comme l'Italie; la langue chaldéenne ne leur était pas étrangère comme la langue latine; et, si nous ajoutons la coïncidence significative que les armées romaines avaient des aigles pour étendards, nous nous convaincrons que cette portion de la prophétie annonce la ruine de Jérusalem par les Romains, plus de 1500 ans après Moïse. Quelle admirable prédiction, surtout quand on pense que la ville de Rome ne fut fondée que sept siècles environ depuis l'entrée des Israélites au pays de Canaan!
§ 1032. Moïse prédit même plusieurs circonstances du siège de Jérusalem qui s'accomplirent littéralement; puis, quand on compare l'état actuel des Juifs dans tous les pays de la terre où ils sont dispersés, généralement méprisés, opprimés, où leur âme est sans cesse dans la crainte, on est obligé de voir la main de Dieu qui s'est appesantie sur ce malheureux peuple, et la voix même de Dieu qui, par la bouche de Moïse, a voulu l'annoncer si longtemps à l'avance, «afin, dit-il, que ces malédictions qui reposent sur Israël et sur sa postérité fussent des signes et des prodiges à jamais.»
Chap.
29
§ 1033. À ce moment, le prophète de l'Éternel
renouvela de la part de Dieu l'alliance qu'il avait traitée avec
leurs pères en Horeb, cette alliance de la loi qui prononce
malédiction sur ceux qui l'enfreignent. Aussi Moïse revient-il sur
les misères qui, dans la suite, seraient le partage de ce peuple
de transgresseurs. La prophétie va même jusqu'à annoncer de quels
douloureux sentiments seraient pénétrés les étrangers qui iraient
alors visiter ces malheureuses contrées, et même l'intérêt que
toutes les nations prendraient à sa désolation. «Pourquoi
l’Éternel,» dira-t-on, «a-t-il ainsi traité ce pays?» Qu'est-ce
donc qui a allumé cette grande colère?» Et l'on répondra: «C'est
parce qu'ils ont abandonné l'alliance de l'Éternel leur Dieu.»
Quant à ce qui est encore caché dans les profondeurs de l'avenir,
Dieu, à qui l'avenir appartient, le dévoilera en son temps s'il le
juge bon; mais quant à ce qu'il a révélé, nous devons l'écouter et
en recevoir instruction, nous et nos enfants.
Chap.
30
§ 1034. Est-ce donc que le peuple d'Israël
pourrait se voir rejeté pour toujours? Après les promesses faites
à Abraham (§ 274) la
chose serait-elle bien possible? Le chapitre que nous avons sous
les yeux répond à cette question. Non, Israël ne saurait être
rejeté à jamais. Il y aura pour lui des voies de conversion; Dieu
lui-même circoncira son cœur; il rentrera de tous les bouts de la
terre dans son pays, et, placé sous une alliance nouvelle (Rom.
XI, 26), il servira réellement l'Éternel. Prophétie non moins
admirable que les précédentes! Accomplie déjà plusieurs fois, dans
un certain sens et une certaine mesure, elle aura son entier
accomplissement lorsque les Juifs, maintenant dispersés sur la
terre, se seront convertis à Jésus-Christ qui fut le Dieu de leurs
pères fidèles, comme il est le nôtre si nous croyons du cœur en
son sacrifice et en son règne.
LXXVII. Mort de Moïse.
31:
1-13
§ 1035. Moïse n'ayant plus que peu de moments
à vivre, répéta de nouveau et avec une humilité bien remarquable,
le jugement de Dieu en suite duquel il était privé du bonheur de
voir le pays de ses ancêtres. Cela n'empêchera pas, dit-il à ses
frères, que vous ne le possédiez, car l’Éternel votre Dieu
marchera devant vous; fortifiez-vous donc et prenez courage,
quelque menaçants que soient vos ennemis. D'ailleurs Josué me
remplacera: « Toi donc, Josué, fortifie-toi aussi et prends
courage» en t'appuyant par la foi sur les promesses de Dieu; « car
il ne te laissera point et il ne t'abandonnera point. » Puis Moïse
remit aux sacrificateurs la loi de l'Éternel, telle qu'il l'avait
transcrite lui-même, avec ordre de la lire chaque septième année à
l'époque de la fête des tabernacles, qui durait huit jours (§
910). À cette lecture devait assister tout le monde: les
hommes, les femmes, les enfants et les étrangers; ce qui prouve
combien sont graves l'erreur et le péché des conducteurs de
l'église romaine, qui interdisent au commun peuple la lecture de
la Parole de Dieu.
31:
14-30
§ 1036. L'Éternel aussi voulut adresser
lui-même des paroles d'encouragement à Josué, tout en déchargeant
honorablement Moïse des fonctions saintes qu'il avait exercées
durant quarante ans. L'un et l'autre entrèrent à cet effet dans le
tabernacle, sur lequel la nuée vint se poser pour attester au
peuple la présence du Seigneur, et, en peu de mots, il confirma à
Moïse toutes les révélations que son Esprit lui avait dictées
relativement aux destinées du peuple d'Israël. Puis il lui inspira
un cantique que tous les Israélites devaient apprendre par cœur,
afin de servir de témoin au Seigneur contre les enfants d'Israël;
c'est-à-dire qu'il leur rappellerait sans cesse les grâces que
Dieu leur avait faites, ses menaces aussi, et l'immutabilité de
ses promesses.
Chap.
32-33
§ 1037. C'est le second cantique dont la Bible
fasse mention (§ 711),
mais non pas le seul qu'ait composé Moïse. Voyez le psaume XC et
lisez-le dès à présent. Vous y reconnaîtrez bien l'auteur de la
Genèse, le témoin des jugements de l'Éternel sur son peuple et le
fidèle plein de confiance dans les promesses du Tout-Puissant.
Quant au cantique que nous avons sous les yeux, il faudrait pour
en relever toutes les beautés, le citer d'un bout à l'autre.
Remarquons seulement ce qui nous y est dit de la souveraineté de
Dieu dans le partage qu'il a fait de cette terre aux divers
peuples du monde. Admirons ensuite en quels termes Moïse
décrit-il, les tendres soins de la Providence divine à l'égard
d'Israël, comment il prédit que ce peuple aurait lieu un jour
d'être jaloux de nations qui auparavant n'étaient point le peuple
de Dieu, c'est-à-dire des païens, lesquels entreraient dans
l'alliance du Seigneur dont Israël lui-même se serait retiré; la
douleur que lui fait éprouver les futures infidélités de ses
frères; les traits sublimes par où il caractérise le vrai Dieu: il
est le Rocher, il n'y a point d'autre Dieu que lui, il fait mourir
et il fait vivre, il blesse et il guérit, personne ne se peut
délivrer de sa main, car il la lève vers les cieux et dit: Je suis
vivant éternellement! Voyez enfin ce que fera ce Grand Dieu au
jour des rétributions: toutes les nations seront réunies lorsqu'il
vengera ses serviteurs, depuis Abel jusqu'aux derniers, lorsqu'il
fera tomber la vengeance sur ses ennemis, et qu'enfin son peuple
sera en paix sur la nouvelle terre où la justice habite (2 Pierre
III. 13).
§ 1038. Tout ceci, dit Moïse, ne sont pas de vaines paroles, mais c'est votre vie. En effet, la Parole de Dieu est vivante, et c'est par elle seule que, dès ici-bas, nos âmes peuvent revivre, de la vie de Dieu (Deut. VIII, 3).
§ 1039. Enfin, de même que Jacob sur son lit de mort avait béni ses fils, chacun de sa bénédiction particulière, Moïse reçut de Dieu l'honneur et la grâce de se séparer des tribus d'Israël comme un père se sépare de ses enfants, en leur donnant la bénédiction de l'Éternel. Ces dernières prophéties de Moïse ont naturellement beaucoup de rapport avec celles du patriarche Jacob; en conséquence je ne crois pas devoir m'y arrêter. Cependant j'attire spécialement l'attention de mes lecteurs sur le verset 16, où ils retrouveront, j'espère avec joie, non seulement le souvenir de Joseph, mais encore ce mot de Nazarien qui nous met en présence de notre Joseph à nous, savoir de notre bon et miséricordieux Sauveur Jésus-Christ (§§ 596, 597).
34:
1-5
§ 1040. Nous arrivons, chers lecteurs, au
terme d'une longue carrière, j'entends à la fois l'étude du
Pentateuque et la vie de celui qui l'a écrit. Parlons d'abord de
celle-ci. Selon l'ordre de Dieu (Chap. XXXII, 48-52), ordre que
j'ai passé sous silence, Moïse monta sur la montagne de Nébo,
située à cinq lieues de l'Arnon vers le nord, montagne élevée d'où
il put voir au loin les principales sommités du pays de Canaan,
les vallées qui étaient à ses pieds, et peut-être dans quelque
petit espace entre les collines, un point de la mer Méditerranée,
si toutefois le texte ne doit pas s'entendre dans ce sens, que
Moïse vit les monts de Juda qui se prolongent jusque vers la mer
occidentale. Pendant que Moïse contemplait ce spectacle, l'Éternel
(qui doit avoir révélé cette circonstance à Josué, auteur sans
doute de ce dernier chapitre du Deutéronome), l'Éternel, dis-je,
répéta la promesse faite jadis à Abraham. Après avoir parlé de la
sorte à la foi de son serviteur, il le retira de ce monde, sans
qu'il fût entré lui-même dans le pays de Canaan, comme du reste le
Seigneur le lui avait annoncé.
34:
6-7
§ 1041. L'Éternel fit disparaître le corps du
prophète, et nul ne sut en quel coin de terre il l'avait déposé.
Peut-être voulut-il par là ôter aux Israélites toute tentation de
rendre à la dépouille mortelle de leur grand législateur, ou,
comme on dit, à ses reliques, des honneurs exagérés et idolâtres.
Du reste, quoique Moïse eût 120 ans au moment de sa mort, il était
encore plein de vigueur, en sorte qu'il aurait pu très bien, si
tel eût été le bon plaisir de Dieu, continuer à conduire le
peuple. Mais il importait à la gloire de l'Éternel qu'on ne crût
pas qu'il avait besoin de Moïse; il ne fallait pas que Moïse fit
oublier Celui duquel il tenait ses pouvoirs. Toute cette nouvelle
génération était peut-être assez disposée à faire de Moïse son
dieu; il lui fut donc enlevé. C'est ainsi que, bien souvent,
l'Éternel a dû priver un peuple, une église, une famille, d'hommes
dont l'existence semblait indispensable, et sans lesquels
toutefois l'œuvre de Dieu s'est poursuivie comme de leur vivant.
C'est que l'Éternel, quant à lui, ne meurt pas (Chap. XXXII, 40).
34:
8-10
§ 1042. Les enfants d'Israël pleurèrent Moïse
pendant un mois. Josué, rempli de l'Esprit de sagesse par
l'imposition des mains de son prédécesseur, le remplaça dignement
comme vous le verrez, et ce même Josué résume en peu de mots tout
ce qu'on peut dire sur Moïse: « Il ne s'est jamais élevé en Israël
un prophète comme lui, auquel l'Éternel se soit montré (aussi
souvent et aussi longtemps) face à face. »
§ 1043. Je n'essaierai pas de dire, en terminant, tout ce qu'il y a eu d'admirable dans la personne et dans l'œuvre de Moïse. Je laisse à mes lecteurs le soin de recueillir leurs souvenirs; mais quand il n'aurait fait autre chose que d'écrire les cinq Livres de la Parole de Dieu qui ont occupé jusqu'ici nos études, quelle reconnaissance ne devrions-nous pas avoir envers Dieu de ce qu'il a suscité et inspiré un tel prophète! Essayez de vous représenter ce que seraient vos connaissances religieuses et l'état de votre âme, si vous ignoriez tout ce qui nous est rapporté dans le Pentateuque en fait d'histoire, de préceptes moraux et surtout de promesses. Hélas! vous seriez ce que sont les païens et ceux qui refusent de croire Moïse, ou plutôt de croire Dieu. — Pour moi, je termine en remerciant ce bon Dieu du fond de mon cœur de ce qu'il m'a soutenu dans mon travail; je lui demande de bénir ce volume pour les personnes de tout âge et de toute condition qui l'auront lu; je le prie, au nom de Jésus-Christ, de leur donner à tous la foi d'Abraham, la foi au Sauveur éternel de nos âmes, à l'Ange de l'alliance; et puissent les grâces du Saint-Esprit reposer sur eux abondamment! Amen.
LXXVIII. Chronologie des quatre derniers livres de Moïse.
§ 1044. Pour faire suite à la table chronologique de la Genèse (§ 619) et en partant des mêmes données, nous rappelons ici quelques-uns des faits principaux contenus dans les quatre derniers livres de Moïse, avec leurs dates:
Avant J.-C. | |
Mort de Lévi | 1619 |
Naissance d'Aaron | 1573 |
Naissance de Moïse | 1570 |
Naissance de Josué | 1536 |
Fuite de Moïse | 1531 |
Naissance de Caleb | 1530 |
Vocation de Moïse | 1491 |
Sortie d'Égypte (15 de Nisan) . . | 1490 |
Arrivée au désert de Sin (15 de Ziph) | » |
Arrivée au Sinaï (1 Sivan) | » |
Seconde Pâque (15 Nisan) | 1489 |
Dénombrement (1 Ziph) | » |
Départ de Sinaï (20 dit) | » |
Révolte de Coré | 1471 |
Arrivée au désert de Tsin (Nisan) | 1452 |
Mort de Marie et d'Aaron | » |
Mort de Moïse | 1450 |
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