Divinité du Verbe. - Jean, précurseur de Jésus-Christ. Son témoignage.
149. Verset
17. Car la
loi a été donnée par
Moïse, mais la grâce et la
vérité sont venues par
Jésus-Christ.
Saint Jean est le plus spirituel des quatre Évangélistes; c'est lui qui met le mieux en saillie l'opposition tracée par Jésus-Christ entre le christianisme et la loi de Moïse. Il Va donc nous fournir quelques arguments nouveaux contre toute doctrine ou toute Église tendant à se rapprocher du judaïsme, à établir le règne de la loi et des oeuvres aux dépens du règne de la grâce, et celui des formes aux dépens de celui des idées. Le verset ci-dessus ne veut pas dire que la grâce et la vérité n'existassent pas sous l'ancienne loi ; mais elles n'existaient que voilées, imparfaites, et tout retour vers l'ancienne loi, vers la loi des oeuvres et des formes, est un retour vers cet état d'obscurité, d'imperfection.
150. Verset
29. Le
lendemain, Jean vit Jésus qui venait
à lui, et dit - Voici l'agneau de Dieu, qui
ôte le péché du
monde.
Si Jésus «
ôte le péché du monde, »
pourquoi vouloir qu'il ne l'ôte pas
entièrement ? Pourquoi donner à
l'agneau de Dieu des aides humains? Pourquoi, si
ses mérites suffisent, y joindre ceux des
saints? Pourquoi, d'autre part, si c'est lui qui
ôte les péchés, se figurer
qu'on peut les ôter soi-même par
certaines pratiques, par certaines oeuvres?
Pourquoi encore, si c'est lui qui ôte les
péchés, se figurer que certains
hommes les ôtent, et qu'un mot de leur bouche
absout? Vous ne trouverez pas un seul endroit
où le pardon soit représenté
nous arrivant par quelqu'un de ces chemins que
l'Église romaine lui assigne.
Versets 35
et suiv. -
Vocation de quelques apôtres (note
8).
Nathanaël.
Les noces de Cana.
.
151 .
Versets 5 et 4.
Et le vin ayant manqué, la mère de
Jésus lui dit: Ils n'ont plus de vin.
Jésus lui répondit: Femme, qu'y
a-t-il entre toi et moi?
On a fait de Marie le
canal
de toutes les grâces; on vous invite à
faire passer toutes vos prières par elle.
Voici cependant l'unique endroit où Marie
nous soit montrée adressant une demande
à son fils, et vous voyez ce que
Jésus répond.
Au fond, ceci n'est
pas
plus fort que ce que nous avons vu aux notes
35, 114
et 128;
mais
la forme, ici, semble calculée, pour venir
à l'appui de nos remarques. «Femme,
qu'y a-t-il entre toi et moi ?»
Est-ce à dire que
Jésus ait repris, blâmé Marie?
Quelques Pères l'ont pensé,
Chrysostôme entre autres. Selon eux, elle
avait cédé à un mouvement
d'orgueil; elle avait voulu faire parade du pouvoir
miraculeux de son fils.
On peut cependant ne
pas
aller jusque-là. Le mot femme, qui serait
très dur, chez nous, dans la bouche d'un
fils, ne l'était pas; Jésus
l'emploie, sur la croix, quand il recommande sa
mère à son disciple bien-aimé.
Les mots : « Qu'y a-t-il entre toi et moi
?» peuvent avoir été adoucis par
le ton, par le regard.
Mais si on peut
admettre,
à la rigueur, qu'il n'y avait pas là
reproche et blâme, il n'en est pas moins
évident que c'était une leçon,
une leçon pour Marie, une leçon pour
quiconque serait tenté d'associer Marie
à l'oeuvre divine de son fils. Dira-t-on que
Jésus a pourtant fait le miracle? Peu
importe ; après ce qu'il vient de dire,
Marie n'y est pour rien. Il est impossible de se
figurer Marie, après cette réponse,
adressant à Jésus une autre demande;
il est impossible de se figurer les assistants
chargeant Marie de transmettre une autre demande
à Jésus.
Des efforts inouïs
ont été faits pour trouver à
ces mots un sens qui ne renversât pas le
rôle assigné à Marie dans le
système catholique. On n'a pas
réussi, et ce sera à tout jamais un
problème que d'expliquer comment on a
osé, en présence de ces mots,
assigner ce rôle à Marie.
Au reste, il n'est
pas
une des paroles de Jésus à sa
mère ou sur sa mère qui ne soit plus
ou moins un embarras pour l'Église romaine ;
pas une qu'elle ne soit obligée d'adoucir,
d'arranger ou d'altérer. Renvoyons encore
une fois aux notes déjà
rappelées au commencement de
celle-ci.
Versets 42 et suiv.-
Jésus va à Capernaüm avec sa
mère, ses frères (note
34),
et ses disciples. Il chasse les vendeurs du temple
(note 66). On l'interroge sur son
autorité.
152.
Versets 1 et 2.
Or un pharisien, nommé Nicodème, un
des principaux des Juifs, vint de nuit trouver
Jésus.
Il aurait encore mieux
fait
de venir de jour et sans peur. Les adversaires de
la liberté religieuse ne sont puissants que
parce qu'on les craint; si tous ceux qui la veulent
osaient en user ouvertement, elle serait
bientôt partout conquise.
Il va sans dire que
nous
ne la séparons pas du devoir qui en
découle. Le seul usage légitime que
vous puissiez en faire, c'est de chercher
sérieusement la vérité. Ne
secouez le joug des hommes que pour vous mettre
avec humilité sous le joug béni de
Jésus-Christ ; ne repoussez les traditions
humaines que pour vous agenouiller devant la
Bible.
153.
Versets 14, 15,
16 et 36. Et comme Moïse éleva le
serpent d'airain dans le désert, il faut de
même que le fils de l'homme soit
élevé, afin que quiconque croit en
lui ne périsse point, mais ait la vie
éternelle. Car Dieu a tellement aimé
le monde, qu'il a donné son fils unique...
Celui qui croit au fils a la vie
éternelle.
A côté des
passages directement contraires à telle ou
doctrine de l'Église romaine, il en est que
nous pouvons invoquer contre l'ensemble et l'esprit
des enseignements de cette
Église.
Les versets
ci-dessus
Peuvent être considérés comme
le résumé de l'Évangile.
Pourraient-ils être considérés
comme le résumé de la doctrine
romaine?
Qu'on ne nous
réponde pas que la rédemption est
restée, chez les théologiens romains,
le centre de la doctrine, et, par la messe, le
centre du culte. Nous ne demandons pas ce qui est
en théorie, mais ce qui est en fait. Nous
demandons ce que devient, dans l'Église
romaine, l'idée de la rédemption;
nous demandons ce qu'il en reste au milieu de ce
développement immense du culte de la Vierge,
de plus en plus considérée comme le
refuge des pécheurs. On nous dit bien,
toujours en théorie, que, si elle est le
refuge des pécheurs, c'est en vertu de la
rédemption opérée par
Jésus-Christ. La rédemption est
sous-entendue, soit ; mais pourquoi la
sous-entendre? Pourquoi exposer les fidèles
à n'y jamais penser? Pourquoi leur dire si
peu ce que l'Écriture dit si souvent et si
haut ? - Ah ! c'est que, si on leur parlait plus
directement et plus clairement de la
rédemption par Jésus-Christ, ils
comprendraient bientôt l'inutilité de
tout le reste.
La Samaritaine. Ancienne querelle entre les Juifs et les Samaritains sur le lieu où on doit adorer Dieu.
154. Verset
21.
Jésus lui dit: Femme, crois-moi, le temps
vient où vous n'adorerez le Père ni
sur cette montagne, ni à
Jérusalem.
Ni sur cette montagne
exclusivement, ni à Jérusalem
exclusivement, mais partout; l'Évangile,
religion toute spirituelle, mettra fin à
toute querelle sur le choix des endroits où
il convient d'adorer Dieu. - Voilà la
pensée de Jésus.
Or, si l'Église
romaine ne va pas jusqu'à regarder certains
lieux comme exclusivement destinés à
l'adoration, son système des lieux
privilégiés conduit à des
résultats tout semblables. Une chapelle
où la même prière est
supposée valoir dix fois, vingt fois, cent
fois plus que dans une autre ; où une
communion est supposée procurer dix fois,
vingt fois, cent fois plus de grâces
qu'ailleurs; où un saint, enfin, est
supposé plus miséricordieux et plus
puissant qu'en tout autre lieu où on
l'honore; - une telle chapelle, disons-nous,
devient inévitablement ce qu'aucun lieu ne
devrait être sous une religion «esprit
et vie. »
Aussi, cette
querelle que
Jésus déclarait devoir finir à
l'avènement de l'Évangile, vous la
retrouvez en mille endroits du monde catholique. La
superstition et l'intérêt
créent entre couvents, entre églises,
entre saints, entre reliques, les rivalités
les plus bizarres. On élève, on
abaisse la réputation d'un sanctuaire; on
imagine des réclames qui laissent bien loin
derrière elles tout ce que l'industrie en a
inventé pour ses produits. Le pape active de
son mieux cette universelle concurrence. Il accorde
aux uns plus, aux autres moins de privilèges
; il condamnera de loin en loin un miracle
frauduleux, inventé pour achalander quelque
église, et il en laissera exploiter cent. Il
ira lui-même en pèlerinage chez telle
ou telle madone renommée, consacrant ainsi,
par son exemple , tout ce qui a été
ou sera imaginé en fait de lieux plus saints
et de statues plus puissantes.
155.
Versets 23 et 24.
Mais le temps vient, et il est déjà
venu, que les vrais adorateurs adoreront le
Père en esprit et en vérité,
car tels sont les adorateurs que le Père
demande. Dieu est esprit, et il faut que ceux qui
l'adorent l'adorent en esprit et en
vérité.
En esprit,
c'est-à-dire sans le secours des sens et de
choses parlant aux sens; en vérité,
c'est-à-dire d'une manière conforme
à la nature de l'être que nous
adorons, et cet être, Dieu, est
«esprit.». Les deux mots disent donc la
même chose; les deux mots condamnent tout
culte où la part des sens dépassera
ce qu'exige absolument notre nature imparfaite et
terrestre.
Lisez encore une
fois ces
deux versets, et demandez-vous si vous reconnaissez
là le culte de l'Église romaine, avec
ses cérémonies innombrables, ses
prêtres magnifiquement vêtus, ses
temples chargés d'ornements, ses autels, ses
statues, ses cierges, etc., etc.
156. Verset
27. En ce
moment, ses disciples arrivèrent, et ils
furent surpris de ce qu'il parlait avec une
femme.
Malgré la place
honorable que quelques femmes occupaient dans
l'histoire des Juifs, l'idée orientale avait
prévalu chez eux. La femme, peu
honorée, était surtout
regardée comme au-dessous des grandes
questions ; un docteur dérogeait en
s'entretenant avec une femme.
Jésus releva la
femme, sur ce point, non seulement en s'entretenant
avec des femmes, mais en recevant des femmes au
nombre de ses disciples; il la releva, dans tout le
reste, par ses enseignements sur la sainteté
du mariage, et, surtout, par l'ensemble de la
doctrine évangélique.
Ce relèvement,
l'Église romaine s'est mise, de nos jours,
à enseigner aux femmes qu'elles le doivent
à la Vierge et au culte de la Vierge. Que
penser de cette assertion?
Elle n'a, d'abord,
aucun
fondement dans l'Écriture. Nulle mention
d'une influence quelconque de Marie ou du souvenir
de Marie sur cette nouvelle manière
d'envisager la femme, le rôle et la
dignité de la femme.
Cette assertion
tiendra-t-elle mieux devant l'histoire? Non. La
femme chrétienne, dans le. sens le plus
noble de ce titre, se montre à nous
dès les premiers temps de l'Église ;
le relèvement est complet avant
qu'apparaisse aucune trace du culte de la vierge.
Nous avons l'histoire détaillée de
beaucoup de ces femmes, de Monique, entre autres,
l'admirable mère d'Augustin. Cherchez si le
culte de la Vierge occupait une place dans leur
vie.
Là donc, comme en
tout le reste, c'est à Jésus,
à l'Évangile, que nous devons tout
attribuer.
Versets 31
et suiv. -
Jésus déclare que sa nourriture est
de faire la volonté de Dieu. Des Samaritains
croient en lui. Guérison du fils d'un
officier d'Hérode.
La piscine de Béthesda. Un malade guéri le jour du sabbat Indignation des Juifs. instructions de Jésus sur sa grandeur et sa puissance.
157. Verset
23. Celui
qui n'honore pas le fils n'honore pas le
Père qui l'a envoyé.
Partout vous retrouverez
l'ordre d'honorer Dieu en Jésus; jamais il
ne sera question d'honorer Jésus en
Marie.
Versets 25
et suiv. -
La résurrection des morts.
158. Verset
29. Et
ceux qui auront fait le bien sortiront du
sépulcre en résurrection de vie, et
ceux qui auront fait le mal, en résurrection
de condamnation.
Toujours point de Purgatoire. Remarquez que ce n'est pas indirectement et en passant, dans un récit on dans une parabole, que Jésus parle ici du Jugement; remarquez que ce n'est pas non plus au moyen de figures, bons à droite, méchants à gauche, paille brûlée et blé recueilli dans le grenier, etc. L'enseignement est positif comme un texte de loi ; c'est le juge qui vous dit comment se fera le jugement, et, encore une fois, pas un mot de ce Purgatoire dont l'Église romaine parle tant.
159. Verset
39. Sondez
les Écritures, car c'est par elles que vous
croyez avoir la vie éternelle, et ce sont
elles qui rendent témoignage de
moi.
Ce que Jésus recommandait aux Juifs, on veut le défendre aux chrétiens ; les Juifs avaient le droit de chercher Jésus dans les prophètes, où tant de nuages le cachaient, et les chrétiens n'auront pas le droit de le chercher dans ces Évangiles si simples, si clairs, si pleins de lui. Bref, ce qu'il ordonnait aux Juifs quant aux écrits de l'Ancien Testament, veut êtes forcé de supposer qu'il le défendrait aux chrétiens quant aux écrits du Nouveau, car c'est ce que votre Église vous défend, et vous ne pouvez pas, vous, catholique, admettre que Jésus vous ordonnât ce que vous défend l'Église. Essayez donc de vous représenter Jésus fermant le Nouveau Testament entre nos mains après avoir ouvert l'Ancien entre les mains des Juifs, et nous ôtant, à nous, nos Écritures, après leur avoir dit, à eux, d'étudier et de sonder les leurs.
La multiplication des pains. Jésus marchant sur les eaux. Il reproche aux Juifs de ne le suivre que dans l'espoir d'être de nouveau rassasiés.
160. Le
verset 27
ouvre un discours auquel les controversistes
romains donnent souvent une grande importance dans
la question de la Transsubstantiation. Un fait
curieux et peu connu nous dispenserait cependant,
si nous voulions, de toute réponse aux
arguments tirés de ce chapitre.
Ce fait, c'est que le
concile
de Trente, après long et mûr examen,
refusa d'affirmer que Jésus-Christ, dans ce
discours, ait eu la Transsubstantiation en vue. Le
décret en cite un verset, mais en
l'appliquant aux effets spirituels de la
Cène; dans la portion dogmatique du
décret, silence complet sur ce
discours.
Quand donc les
controversistes romains le citent comme
établissant leur dogme, ils font ce que le
concile n'a pas cru pouvoir faire ; quand le
cardinal Wiseman va jusqu'à dire que ce
chapitre renferme « la première preuve
» de la Transsubstantiation, il se met en
opposition complète avec ce que nous savons,
par le cardinal Pallavicini, des sentiments du
concile à cet égard. Ainsi, nous
affirmons qu'il n'y a pas un verset, dans ce
chapitre, dont le sens ne soit tout spirituel, et
c'est le concile de Trente qui nous autorise
à l'affirmer.
Mais nous ne voulons
pas
éluder la discussion. Montrons
l'impossibilité de ne pas nous en tenir au
sens spirituel.
Jésus a
reproché à la foule de ne le suivre
que dans l'espoir d'une nouvelle multiplication des
pains. Qu'ajoute-t-il ?
161. Verset
27.
Travaillez, non pour l'aliment qui périt,
mais pour l'aliment qui subsiste jusque dans la vie
éternelle, et que le Fils de l'homme vous
donnera.
Voilà d'où
Jésus va partir pour parler d'abord du
«pain de vie, » puis de sa chair à
manger et de son sang à boire. Remarquez ce
mot : « Travaillez.» Est-ce qu'il y
aurait à travailler pour avoir, dans
l'hostie, la chair de
Jésus-Christ?
Si elle y est, elle
y est
pour tout le monde; tout le monde, en communiant,
la mange. Si donc Jésus dit «
Travaillez, » c'est qu'il va parler de choses
à acquérir, à
conquérir, et, par conséquent,
spirituelles.
Les Juifs
objectent
(versets 30 et 31) que Jésus ne fait rien de
plus que Moïse, qui les avait aussi
miraculeusement nourris. Jésus répond
que le véritable pain du ciel n'est point
celui qu'avait donné Moïse, mais celui
que Dieu leur offre en ce moment même.
Étudions sa réponse.
162. Verset
33. Car le
pain de Dieu est celui qui descend du ciel, et qui
donne la vie au monde.
Le corps de Jésus-Christ était-il descendu du ciel? Il n'est donc pas question là de son corps, pas plus que lorsqu'il dit (verset 38) : « Je suis descendit du ciel.»
163. Verset
35. Je
suis le pain de vie. Celui qui vient à moi
n'aura jamais faim, et celui qui croit en moi
n'aura jamais soif.
Je suis le pain de vie:
venez
à moi; croyez en moi. Voilà le
résumé de ce verset. S'il s'agissait
d'un pain qui se mange, que signifieraient les
derniers mots? Pourquoi l'idée de manger
serait-elle immédiatement remplacée
par celle de venir, de croire? Il s'agit donc d'un
pain tout spirituel, comme quand Jésus
disait (IV, 34) : Ma nourriture est de faire la
volonté de celui qui m'a envoyé. Les
versets suivants (36-40) développent la
même idée, et toujours dans le sens
spirituel. Au verset 48, Jésus
répète qu'il est « le pain de
vie, » mais après avoir dit, au verset
47: «Celui qui croit en moi a la vie
éternelle. » Voilà donc
l'idée de pain constamment
accompagnée, non de l'idée de manger,
mais de l'idée de croire. L'âme, par
la foi, s'approprie et s'incorpore
Jésus-Christ, comme le corps, par la
manducation, s'approprie les aliments.
Ainsi, ce n'est
qu'après avoir expliqué trois fois sa
pensée, après avoir trois fois
remplacé manger par croire, que
Jésus, aux versets suivants, emploiera les
mots manger et boire. Encore n'y vient-il d'abord
qu'en répétant deux fois (versets 50
et 51) ce qui nous a déjà servi
à démontrer qu'il parlait
figurément. Deux fois, en effet, il dit :
« Pain descendu du ciel, » et ces mots
excluent la pensée qu'il fût question
de son corps.
164.
Versets 51, 53,
54 et 55. Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra
éternellement, et le pain que je donnerai,
c'est ma chair... si vous ne mangez la chair du
fils de l'homme et ne buvez son sang, vous n'aurez
point la vie en vous. Celui qui mange ma chair et
boit mon sang, a la vie éternelle... car ma
chair est véritablement Une nourriture, et
mon sang est véritablement un
breuvage.
Déterminé
d'avance par tout ce qui précède, le
sens de tous ces versets est évident.
Quelques remarques, tirées de ces versets
mêmes, l'éclairciront
encore.
Remarquez d'abord
que
Jésus parle ici toujours au présent.
« Si quelqu'un mange... Si vous ne mangez...
Si vous ne buvez... Celui qui mange... Celui qui
boit... Ma chair est.. Mon sang est... etc. »
Or, à cette époque, la Cène
n'était pas encore instituée ; la
chair et le sang de Jésus ne pouvaient
être encore pour personne des aliments
matériels. Il parle cependant de faits
présents, de résultats actuellement
possibles; il ne parle donc pas d'un sacrement qui
ne devait exister que plus tard.
Ces résultats, en
outre, il les représente comme infaillibles.
« Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra
éternellement.» Est-ce de l'Eucharistie
qu'on peut parler ainsi? La manducation
matérielle nous assure-t-elle le salut? Il
ne peut donc être question ici que de ce qui
produit infailliblement le salut, et c'est la
manducation spirituelle.
Le mot
véritablement, enfin, loin d'exclure le sens
figuré, en est une preuve, car on citerait
une foule de phrases analogues où ce mot
sert précisément à avertir
qu'il y a figure. « Ce livre est
véritablement un trésor. Cet homme
est véritablement un fléau pour son
pays. Le vin est véritablement un poison
pour qui en abuse.» Autant de cas où
personne n'aura l'idée de voir dans
véritablement une affirmation du sens
propre.
Ce chapitre,
objectera-t-on peut-être, n'aurait-il donc
aucun rapport avec l'Eucharistie?
Il en a, au
contraire, un
très profond, car il nous peint tout ce dont
ce sacrement allait être l'emblème.
L'Eucharistie donna une forme visible a tout ce que
Jésus avait enseigné dans ce discours
; mais que l'Eucharistie, dans ses
éléments matériels, ait
été l'objet de ce discours, c'est ce
que nous nions, et c'est, rappelons-le encore, ce
que le concile de Trente n'a pas admis non
plus.
Versets 60
et suiv.-
Quelques disciples trouvent cet enseignement
étrange. Comment Jésus peut-il
être descendu du ciel? « Que sera-ce,
leur répond-il, si vous voyez le Fils de
l'homme monter où il était auparavant
? » Puis :
165. Verset
63. C'est
l'esprit qui vivifie. La chair ne sert de rien. Les
paroles que je vous dis sont esprit et
vie.
Nous pourrions effacer
tout
ce que nous venons de dire, et nous en tenir
à ce verset. Il renverserait seul tout ce
que les précédents auraient paru
renfermer de favorable à la
Transsubstantiation.
Au moment où les
disciples commencent, non pas à se figurer
qu'il s'agisse réellement de boire le sang
de leur maître et de manger sa chair, car il
n'est pas probable que leur pensée
allât jusque-là, mais à se
perdre et à s'effrayer plus ou moins devant
cette image étrange, - Jésus les
arrête et les rassure. La chair, leur dit-il,
ne sert de rien; la chair, c'est-à-dire le
sens littéral et grossier qu'ils ont
été sur le point de donner à
ses paroles. Ses paroles sont esprit et vie; le
sens en est tout spirituel. C'est par la foi qu'il
s'agit de prendre part à ce corps qui sera
rompu, à ce sang qui sera versé c'est
par la foi qu'il faut se nourrir de Christ, afin de
vivre en Christ.
On a cherché
à atténuer la portée de ce
verset en le rapprochant d'un de ceux qui suivent.
«Dès cette heure-là, plusieurs
de ses disciples se retirèrent, et
n'allaient plus avec lui.» Si Jésus les
laissa se retirer, a-t-on dit, c'est qu'il n'avait
rien à retrancher de la doctrine qui venait
de leur paraître monstrueuse.
Erreur. Le verset
ci-dessus en avait ôté
précisément ce qui la rendait
monstrueuse. En doutez-vous ? Cherchez ce que vous
auriez éprouvé vous-même.
Quelque rebutante et grossière qu'une
idée ait pu vous paraître, si vous
m'entendez ajouter que la chair ne sert de rien,
que mes paroles sont esprit et vie, il est
impossible que vous restiez sous votre
impression
première. Vous
pourrez bien ne pas comprendre encore exactement ce
que j'avais voulu dire; mais certainement vous
comprendrez que ce que j'ai dit ne doit pas
être pris à la lettre.
Donc, après ce
verset, il est faux de dire que Jésus n'eut
pas adouci ses paroles, et que ce fût
là la cause du départ de quelques
disciples. Pourquoi ce départ, alors? Parce
que, même adoucie et spiritualisée,
l'idée avait encore de quoi leur
paraître étrange. Quel docteur, quel
prophète avait jamais demandé
à ses disciples de s'unir ainsi à
lui, d'abdiquer à ce point leur propre vie
pour vivre en lui et par lui ? Ajoutez à
cela les paroles sévères,
inquiétantes , qui avaient suivi (versets 64
et 65) l'explication donnée par le
Maître, et en voilà plus qu'il n'en
faut pour comprendre que quelques tièdes se
fussent retirés.
Notre conclusion
reste
donc entière : ce chapitre ne renferme rien
qui ait trait aux éléments
matériels de la Cène, rien qui soit
à citer en faveur de la
Transsubstantiation.
Versets 66
et suiv. -
Jésus demande aux douze s'ils ne veulent pas
le quitter aussi. Confession de saint Pierre (note
41),
Les frères de Jésus lui conseillent d'aller en Judée.
166. Verset
5. Car
même ses frères ne croyaient pas en
lui.
Sans revenir ici sur la
question des frères de Jésus
(notes
34
et 38)
,
observez comme ce mot « même» vient
à l'appui de notre opinion, et comme
l'Évangéliste semble avoir voulu
faire en sorte qu'on ne pût avoir un autre
avis. Même ses frères! Sans doute on
pourrait dire aussi : « Même ses
cousins, même ses parents; » mais le
premier sens qui se présente est toujours
frères, vrais frères, et nous avons
vu que rien ne le contredit sérieusement.
Donc ce mot même le confirme. La version de
Sacy omet ce mot; elle en a donc senti la
force.
Versets 44
et suiv.-
Jésus à Jérusalem. On veut se
saisir de lui. Opinions diverses sur son compte.
Les gens envoyés pour le saisir étant
revenus pleins d'admiration, les pharisiens leur
demandent s'ils se sont aussi laissé
séduire.
167. Verset
48. Y
a-t-il quelqu'un des magistrats ou des pharisiens
qui ait cru en lui?
C'est comme s'ils disaient: «Osez-vous donc être d'un autre avis que ceux qui pensent pour vous et prononcent pour vous?» Argumentation qui n'est bonne qu'à prolonger le règne de l'erreur. Non qu'il faille se figurer qu'on aura nécessairement toujours raison contre les chefs officiels d'une Église; l'esprit d'opposition n'est ni philosophique ni chrétien. Mais ce qui est, à la fois, et chrétien et philosophique, c'est, après avoir fait tous ses efforts pour s'éclairer, de se tourner hardiment du côté où on est poussé par sa conscience.
168. Verset
49. Quant
à cette populace qui n'entend point la Loi,
elle est exécrable.
Un des résultats
inévitables de tout système
d'Église où quelques hommes
s'arrogeront le droit de fixer la foi, c'est le
mépris que ces quelques hommes auront pour
tous les autres. Ce mépris, en temps
ordinaire, pourra être moins visible; les
pharisiens ne parlaient pas toujours de la foule
comme au verset ci-dessus, et, tant qu'elle restait
soumise, ils la flattaient plutôt. Mais, vous
le voyez, au premier mouvement qu'elle fait pour
leur échapper, ils lui disent qu'elle
n'entend rien aux choses saintes, qu'elle n'y peut
rien entendre, et le mot même
d'exécrable ne leur paraît pas trop
dur en parlant d'elle.
Dans l'Église
romaine, en est-il fort autrement? Tant que le
peuple est soumis, on le caresse, on vante son
intelligence; a-t-il secoué le joug, on
s'indigne qu'il ait osé
réfléchir, on l'en déclare
incapable, et ce n'est qu'avec mépris ou
horreur qu'on parle de ses efforts pour savoir
quelque chose en religion. Les gens instruits,
qu'on ne pourrait accuser d'incapacité, on
attaque leur sincérité, leurs
intentions; ils sont d'autant plus coupables, leur
dit-on, qu'ils devraient donner l'exemple de la
soumission à l'Église. Despotisme et
contradictions, voilà où on arrive
pour avoir posé en principe que la religion
est l'affaire et la propriété de
certains hommes.
Jésus pardonne à la femme adultère.
169. Verset
12.
Jésus leur parla encore, et dit: Je suis la
lumière du monde.
il est « la
lumière du monde, » vous dit-il. Ne
vous laissez donc éclairer que par lui, par
sa Parole, par le livre qui la renferme. Quand vous
seriez assurés que l'Église romaine,
comme un miroir fidèle, la reproduit sans
altération , nous vous dirions encore :
« Pourquoi ne la recevoir que d'un miroir,
cette Parole, cette lumière du monde, quand
il dépend de vous de la recevoir directement
? » Mais la question est
précisément de savoir si le miroir
est fidèle. Comment le saurez-vous, si ce
n'est en comparant ce que vous renvoie le miroir et
ce que vous envoie le flambeau
même?
Versets 13
et suiv. -
Questions diverses des pharisiens. Réponses
de Jésus. Ceux qui ne le connaîtront
pas mourront dans leurs pêchés. Les
Juifs incrédules cessent d'être
enfants d'Abraham (note
4).
Abraham lui-même a désiré voir
le jour de Jésus-Christ.
Guérison d'un aveugle-né. L'aveugle rend témoignage à Jésus-Christ. Les pharisiens s'indignent que Jésus les ait appelés aveugles.
170. Verset
41.
Jésus leur répondit : Si vous
étiez aveugles, vous ne seriez point en
péché mais vous dites: Nous voyons,
et c'est à cause de cela que votre
péché subsiste.
Ces paroles ne
renferment-elles pas un sérieux
avertissement aux prêtres
romains?
Leur Église leur a
appris à dire, comme les pharisiens: «
Nous voyons; nous ne pouvons pas ne pas voir, car
la lumière est nécessairement,
infailliblement, entre nos mains. » Avec cette
idée, non seulement ils s'imaginent
être forts contre toute attaque, mais ils
sont forts, malheureusement pour eux, contre
l'Écriture et contre leur conscience. Ils ne
disent : « Nous voyons » que pour
s'autoriser à fermer les yeux à toute
autre lumière, car, disent-ils, toute autre
lumière serait nécessairement fausse.
Encore une fois, lie font-ils pas ce que
Jésus reprochait aux pharisiens?
La bergerie; le bon berger.
171.
Versets 7 et 9.
Jésus leur dit donc encore : En
vérité , en vérité je
vous dis que je suis la porte des brebis... Je suis
la porte ; si quelqu'un entre par moi, il sera
sauvé.
Toutes ces
déclarations , l'Église romaine les
applique à l'organisation extérieure
et officielle de l'Église. Nous verrons,
à la note suivante, ce qu'il faut penser de
cette interprétation.
Mais l'image ici
employée condamne évidemment, dans un
autre point de vue, les tendances du romanisme.
« Je suis la porte, » dit
Jésus-Christ. Eh bien! dans le romanisme,
est-ce Jésus-Christ qui est « la porte?
»
D'abord, il n'en a
plus
le nom ; c'est à la Vierge qu'on l'a
donné. Janua.coeli (porte du ciel), disent
les litanies de la Vierge.
S'il n'a plus le
nom,
a-t-il la chose? Pas davantage. Nous avons vu
combien est petit, en réalité, le
rôle de Jésus-Christ dans
l'Église romaine, et comment ce rôle
est de plus en plus petit à mesure qu'on
arrive aux pays les plus catholiques. La porte,
dans ces pays, la vraie porte, l'unique porte,
c'est Marie ; quand ce n'est pas elle, c'est un
saint, le patron de la ville, du village, de la
famille, de l'individu, lequel patron devient la
grande espérance, et pour cette vie et pour
l'autre. La porte, dans ces pays, c'est aussi et
surtout le prêtre, l'homme des clefs, ouvrant
et fermant le ciel. Avec Marie, les saints et le
prêtre, qui est-ce qui songe à entrer
par Celui qui a dit: « Je suis la porte ?
»
172. Verset
16. J'ai
encore d'autres brebis qui ne sont pas de cette
bergerie; il faut aussi que je les amène. Et
elles écouteront ma voix; et il y aura un
seul troupeau, un seul pasteur.
Concentrons sur ce
verset les
observations à faire sur les vingt-huit
premiers de ce chapitre.
D'abord, le
commencement
du verset détruit le sens que
l'Église romaine donne ordinairement aux
derniers mots. Un seul troupeau, un seul pasteur,
voilà, selon elle, son système
positivement formulé. - Nullement. Il s'agit
de la vocation des païens et de leur
entrée dans l'Église. Un seul
troupeau veut dire simplement qu'il n'y aura plus
un troupeau à part, mais un troupeau dont
tous, païens et Juifs , seront appelés
à faire partie ; un seul pasteur veut dire
simplement que Jésus sera le pasteur de ce
troupeau.
Ce troupeau unique
formera-t-il une Église visible unique?
-Non- seulement Jésus ne le dit pas, mais il
dit tout autre chose.
Dans tout ce morceau
, en
effet, brebis veut dire brebis fidèles, et
le troupeau dont il s'agit n'est pas supposé
en renfermer d'autres. Les brebis (verset 3)
entendent la voix du berger; elles le suivent
(verset 4); elles fuiront le faux pasteur (verset
5); elles connaissent le bon berger (verset 14),
comme il les connaît lui-même; celles
de l'autre bergerie (verset 16) écouteront
sa voix; enfin, aux versets 27 et 28: « Mes
brebis entendent ma voix; je les connais et elles
me suivent. Je leur donne la vie éternelle,
et elles ne périront jamais. » Or, rien
de tout cela n'est vrai d'une Église
visible, car il y a toujours, parmi ses membres,
des hommes n'appartenant point à
Jésus-Christ, ne ressemblant point aux
brebis dont il parle ici. Qu'est-ce donc que ces
brebis ? Qu'est-ce que ce troupeau qui entend la
voix du berger et qui ne périra jamais?
Évidemment, c'est l'ensemble des vrais
fidèles, des vrais chrétiens. La
question d'Église visible et d'unité
visible est donc tout à fait en dehors de
l'enseignement ici donné. Il a fallu, pour
l'y voir, oublier les idées et exploiter les
mots.
D'autres mots de ce
chapitre ont été exploités de
même. Jésus parle de larrons, de faux
pasteurs, et l'Église romaine entend par
là tout pasteur en dehors de son
unité à elle. Si donc, comme nous
l'avons montré, l'ensemble du discours ne se
rapporte aucunement à l'Église
visible et à ses formes, il est clair que la
qualification de faux pasteur est liée
à un tout autre ordre d'idées. Les
traits que Jésus énumère sont
ceux , non pas du faux pasteur,
hiérarchiquement parlant, mais du mauvais
pasteur; ces traits ont pu et peuvent se rencontrer
dans le clergé de toute Église.
Jésus, en un mot, ne dit rien ici qui se
rapporte à une légitimité
légale, hiérarchique: il n'envisage
que la légitimité morale, celle que
donnent au pasteur la piété, le
désintéressement, le zèle , la
conformité de ses doctrines avec celles du
Maître. Ainsi , dans tout ce discours,
Jésus ne sépare pas le droit du fait
; tout mauvais pasteur est faux pasteur. Vous dites
que tout ce qui est en dehors de votre unité
est illégitime et intrus? Il n'y a
d'illégitime et d'intrus, dans
l'Église universelle, la seule dont
Jésus nous parle ici, que ceux qui la
souillent par leurs vices ou la corrompent par
l'erreur.
Nous maintenons
donc, en
résumé, que ce chapitre n'a en vue
aucune forme d'Église, que le sens en est
tout spirituel, que les brebis représentent
quiconque aime Jésus-Christ, et que, en
particulier, dans le verset ci-dessus , il est
question de l'appel des païens, de
l'universalité du christianisme, nullement
de l'universalité d'une Église
visible. Ce chapitre, en un mot, ne donne à
aucune Église aucun droit spécial,
pas plus qu'à aucun individu. Fidèle,
vous êtes de la bergerie de
Jésus-Christ; infidèle, vous n'en
êtes pas. Bon pasteur, vous êtes un
vrai pasteur ; mauvais, vous ne l'êtes
pas.
Nous verrons les
Épîtres confirmer pleinement cette
manière de voir. Elles nous montreront des
Églises en grand nombre, et, au-dessus,
l'Église spirituelle et invisible,
l'ensemble des vrais fidèles qui se trouvent
dans toutes ces Églises. Mais, d'une
Église visible universelle, pas un
mot.
Versets 30
et suiv.-
Mon père et moi sommes un. Indignation des
Juifs et explications de Jésus. Plusieurs
croient en lui.
Lazare, Marthe et Marie. Maladie de Lazare. Sa mort. Jésus à Béthanie. Résurrection de Lazare. Projets des ennemis de Jésus.
Jésus retourne à Béthanie. Marie répand du parfum sur ses pieds. Judas la blâme; Jésus prend sa défense. Les pauvres (note 98). Entrée à Jérusalem. Instructions diverses. Qui voit Christ, voit Dieu. La Parole de Dieu jugera le monde.
Jésus lave les pieds à ses apôtres.
173. Verset
6. Il
vient donc à Simon Pierre, et celui-ci lui
dit: Toi, Seigneur, tu me laverais les pieds
!
Ceux qui veulent que
saint
Pierre ait été toujours le premier,
ne manquent pas de le voir le premier en cet
endroit; c'est par lui, disent-ils, que
Jésus commence.
Quand ce serait
prouvé, la chose ne dirait encore point ce
qu'on lui fait dire. Un hommage à la
primauté de saint Pierre eût
été en contradiction avec la
leçon d'humilité que Jésus
donnait en ce moment même. Il eût
fallu, non pas commencer par lui, mais finir par
lui.
Mais
l'Évangéliste ne dit ni l'un ni
l'autre. Relisez le verset 5. S'il y avait
seulement: « Jésus se mit à leur
laver les pieds, » on pourrait croire que
c'est l'annonce générale de ce qui va
suivre; dans ce cas, le nom de Pierre pourrait
indiquer, en effet, que Jésus alla d'abord
à lui. Mais l'Évangéliste
ajoute: «... et à les essuyer avec le
linge qu'il avait autour de lui, »
détail qui montre que la chose eut lieu au
moins une fois avant que Jésus vînt
à saint Pierre.
174. Verset
14. Vous
aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux
autres.
Toujours l'égalité des douze. Les uns aux autres. Si un des douze eût été le chef, la leçon que Jésus vient de donner l'eût concerné directement et spécialement ; il y aurait manque de logique à ne rien dire de lui, à formuler la leçon comme concernant également et indistinctement tous les apôtres.
175. Verset
20. En
vérité, en vérité, je
vous le dis. Celui qui reçoit quelqu'un que
j'aurai envoyé, me reçoit; et qui me
reçoit, reçoit celui qui m'a
envoyé.
Encore un de ces
passages que
l'Église romaine rattache à son
système, et qui, dans la pensée de
Jésus-Christ, n'avaient évidemment
rien d'un système, rien qui eût trait
à l'organisation visible et légale de
l'Église.
Quiconque annonce
l'Évangile est, pour ceux à qui il
l'annonce, un envoyé de Jésus-Christ.
Que le ministère évangélique
ait à revêtir, dans chaque
Église, certaines formes officielles, rien
de mieux pour le bon ordre ; ce que nous voulons
dire, c'est que ce côté de la question
n'a rien à faire ici. Si Jésus a eu
la pensée de tracer des règles
légales d'organisation, de
hiérarchie, pourquoi, dans ses discours, ces
règles sont-elles toujours
dissimulées, tellement que ce n'est
qu'à force d'interprétations qu'on y
arrive? Pourquoi ces expressions vagues ? Dans ces
quatre chapitres d'instructions à ces hommes
qu'il va quitter, pourquoi cette absence totale de
directions sur la transmission des pouvoirs, sur
les successeurs des apôtres , etc., etc.? -
Mais nous reviendrons encore
là-dessus.
Versets 34
et suiv. -
Jésus recommande aux siens de s'aimer. Il
prédit le reniement de saint
Pierre.
Dernières instructions de Jésus à ses apôtres.
176. Verset
3. Et
après que je m'en serai allé et que
je vous aurai préparé une place, je
reviendrai et je vous prendrai avec moi, afin que
là où je serai vous y soyez
aussi.
Vous ne trouverez aucun endroit où Jésus ne se représente comme faisant tout lui-même, comme prenant sur lui toute la tâche du salut des fidèles. Qu'il use ou non de figures, qu'il parle du ciel, comme ici, sous l'image d'une demeure préparée aux fidèles, ou qu'il dise, comme ailleurs, que « le Fils de l'homme est venu pour chercher et pour sauver ce qui était perdu, » - jamais vous n'intercalerez logiquement dans ses paroles l'idée d'un partage de son oeuvre entre lui et sa mère, entre lui et qui que ce soit.
177. Verset
6. Je suis
le chemin, la vérité et la vie; nul
ne vient au Père que par moi.
Par moi. Vous l'entendez; nulle mention de qui que ce soit d'autre. Même remarque donc que sur le verset 3, et, de plus, même remarque que sur «Je suis la porte» (note 171). Est-ce Jésus, dans l'Église romaine, qui est réellement « le chemin? » Est-ce lui qui mène au ciel? Est-ce à lui qu'on s'adresse pour y aller? - Qu'on veuille bien, nous le répétons, ne pas répondre à notre question par des subtilités théologiques, par des phrases, mais par des faits, et, pour cela, qu'on veuille bien commencer par se demander sérieusement ce qui en est.
178. Verset
13. Et
tout ce que vous demanderez en mon nom, je le
ferai, afin que le Père soit glorifié
dans le fils.
Le seul intercesseur que Jésus-Christ ait jamais indiqué, c'est lui-même ; mais remarquez, ici, ce qu'il ajoute. Ce que nous aurons, dit-il, demandé à Dieu en son nom, il le fera « afin que le Père soit glorifié dans le fils, » afin que la gloire du Père éclate dans la puissance et dans la bonté du fils. C'est donc un véritable attentat à la gloire de Dieu et du fils de Dieu que de déranger cet ordre, de vouloir que la gloire de Dieu éclate, non dans son fils, mais dans un saint quelconque , à qui on s'imaginera devoir le succès de ses prières. Voyez, en fait, ce qui arrive. Du moment que vous vous croyez exaucé par l'intercession de tel ou tel saint, il est presque impossible que ce saint ne grandisse pas, à vos yeux, de toute l'importance du bienfait obtenu. Saurez-vous ne pas aller jusqu'à le considérer lui-même comme l'auteur du bienfait, et à l'invoquer, ensuite, à peu près comme un Dieu? Quand vous échapperiez à ce danger, auquel tant de catholiques s'abandonnent, toujours est-il que vous aurez attribué à ce saint, à cette sainte, un rôle que Jésus-Christ s'est expressément réservé. Plus la grâce obtenue sera grande, plus votre pensée s'éloignera de cet intercesseur suprême dont vous vous serez passé.
179.
Versets 25 et 26.
je vous ai dit ces choses tandis que je suis avec
vous; mais le Consolateur, le Saint-Esprit, que mon
Père enverra en mon nom, vous enseignera
toutes choses, et vous rappellera tout ce que je
vous ai dit.
Nous pourrions, à
chacune des paroles de Jésus dans ces
chapitres, répéter une même
observation: Jésus se tait absolument sur
les successeurs des apôtres. Un seul mot
(Éternellement, au verset 16) a pu sembler
une indication lointaine du système romain,
et nous avons montré d'avance (note
86)
qu'il n'en est rien.
Ainsi, cette chaîne
apostolique dont l'Église romaine parle
tant, cette transmission indéfinie de
l'infaillibilité première, ce
système, enfin, qu'on nous donne avec tant
d'assurance comme voulu et fondé par
Jésus-Christ, - Jésus-Christ aurait
eu, dans ces chapitres, occasions sur occasions
d'en parler, et vous voyez qu'il n'en parle pas.
Remarquez, en particulier, son silence sur saint
Pierre. Quand les apôtres s'effraient,
s'épouvantent, à la pensée, de
son départ prochain, qu'y eût-il eu de
plus naturel que de leur parler de l'homme qui
allait, nous dit-on, lui succéder et
être leur chef ? «Voici, aurait dit
Jésus, mon vicaire. C'est par lui que je
resterai présent au milieu de vous.
Serrez-vous autour de lui. » Dit-il cela?
Dit-il rien d'approchant? C'est pourtant ce que les
apôtres auraient le mieux compris, le mieux
retenu; c'est ce qui leur eut le mieux donné
confiance et courage.
180. Verset
4.
Demeurez en moi, comme moi en vous. De même
que la branche ne saurait porter du fruit
d'elle-même, si elle ne demeure
attachée au cep, vous n'en pouvez porter non
plus si vous ne demeurez en moi.
Nouvelle occasion de
parler
de ce chef visible par lequel, nous dit-on, les
apôtres et l'Église allaient rester
attachés au chef divin, désormais
invisible. Jésus continue pourtant à
n'en rien dire. Les apôtres sont les
sarments; le cep, c'est lui. Pas un mot de ce
nouveau cep qui, selon l'Église romaine,
allait désormais unir les branches et y
amener la sève. Ce qu'il vient de dire des
apôtres, il le dira, aux versets suivants, de
tous les fidèles. Celui qui demeure en
moi... Si quelqu'un ne demeure pas en moi.... etc.
Même observation donc. Les fidèles
sont lés branches; le cep, c'est lui. Il
parle comme devant l'être seul et à
jamais.
Versets 9
et suiv. -
Comme Dieu a aimé Jésus, Jésus
a aimé ses disciples. Qu'ils s'aiment aussi
les uns les autres. Le monde les haïra, comme
le monde l'a haï.
181. Verset
22. Si je
n'étais pas venu et que je ne leur eusse pas
parlé, ils ne seraient pas coupables; mais
maintenant , ils n'ont point d'excuse de leur
péché.
Confirmation de ce que nous avons dit (note 132) sur la responsabilité que créent, pour chacun de nous, les moyens d'instruction que Dieu a mis à notre portée. De ce que tous n'ont pas la possibilité d'étudier les questions religieuses, gardez-vous de conclure que vous soyez dispensé , vous , de les étudier ; de ce qu'il y a des gens qui ne savent pas lire , gardez-vous de conclure que vous puissiez, vous, fermer la Bible et ne pas vous en inquiéter. Si je n'étais pas venu et que je ne leur eusse pas parlé... disait Jésus. Sa Parole est entre vos mains ; donc il vous parle. Toute erreur que vous aurez conservée après avoir eu, par la Bible, les moyens de la reconnaître , - dites-vous bien qu'elle sera sans excuse devant Dieu.
Jésus annonce aux apôtres les persécutions qui les attendent.
182. Verset
2. Ils
vous chasseront des synagogues, et même le
temps vient que quiconque vous fera mourir croira
faire une oeuvre agréable à
Dieu.
Encore une occasion, s'il est vrai qu'ils dussent avoir, eux et l'Église, un chef suprême, de le leur rappeler. N'est-ce pas dans les combats qu'on a le plus besoin d'un chef, de la présence et des inspirations d'un chef ? Jésus leur annonce les combats; mais, alors comme avant, ils n'auront d'autre chef que lui, d'autres inspirations que celles du grand consolateur qu'il vient de leur annoncer, le Saint-Esprit. D'un chef humain et visible, pas un mot.
183. Verset
12. J'ai
encore beaucoup de choses à vous dire, mais
elles sont encore au-dessus de votre
portée.
Ces choses
seraient-elles ce
que l'Église romaine a ajouté aux
enseignements de l'Écriture? Est-ce
là ce qui est ici annoncé comme
devant être révélé plus
tard ? - Non ; la fin du verset contredit
positivement cette
interprétation.
Que sont, en effet,
les
choses que nous combattons comme ajoutées
à l'Écriture? Des doctrines
profondes? Nullement. Ce sont celles que les
apôtres auraient évidemment le mieux
comprises. C'est, par exemple, l'organisation
monarchique de I'Église, le culte des saints
et des images, le Purgatoire, la Confession et tout
ce qui s'y rattache, la vie monastique, etc., etc.
Tout cela, loin d'être au-dessus de la
portée des apôtres, leur eut paru
beaucoup plus clair que bien d'autres doctrines
dont Jésus avait pourtant cru pouvoir leur
parler. Ce ne peut donc être là ce
qu'il taisait comme trop difficile, et ce qu'il
réservait à l'enseignement du
Saint-Esprit. Que réservait-il donc? Voyons
le verset suivant.
184. Verset
13. Quand
cet Esprit-là sera venu, l'Esprit de
vérité, il vous conduira dans toute
la vérité.
Jésus ne parle donc
point de vérités nouvelles qui
doivent leur être enseignées, mais
d'une compréhension plus claire, plus
complète, de «la
vérité,» de la
vérité chrétienne, du
système chrétien. Ils n'ont pu,
jusqu'ici, en saisir que quelques parties; le
Saint-Esprit les « conduira daim toute la
vérité, » dans tout le champ que
Jésus n'a fait que leur ouvrir. Ils
comprendront ce qu'ils n'ont pas encore compris, la
rédemption, la
régénération, le salut par la
foi. Le verset précédent exclut
l'idée de tout enseignement qui eut
été déjà à leur
portée; or, nous le répétons,
rien n'eût été mieux à
leur portée que les points principaux de
l'enseignement romain.
Ajoutez la preuve
historique, celle qui ressort de l'enseignement des
apôtres eux-mêmes après la
réception du Saint-Esprit. Les doctrines
romaines sont-elles mieux dans les Actes, dans les
Épîtres , que dans les
Évangiles? Y trouverez-vous mieux la
papauté, le culte des saints, le Purgatoire,
la Confession, etc. ? Vous n'y verrez, en fait de
choses nouvelles , que le développement des
grandes idées qui avaient été
d'abord au-dessus de la portée des
apôtres, et dont le Saint-Esprit, ensuite,
leur avait donné l'intelligence. Preuve que
c'était bien là ce que Jésus
leur avait promis ; preuve il n'y a pas lieu
à rattacher à cette promesse
l'enseignement romain
postérieur.
Versets 16
et suiv. -
Suite des promesses de Jésus. La tristesse
des apôtres sera changée en joie. Le
moment approche où il n'y aura plus rien
au-dessus de leur portée.
185. Verset
26. En ce
temps-là, vous demanderez en mon
nom.
A.
Demander au nom de
Jésus-Christ est représenté
ici comme le dernier terme de la connaissance
chrétienne, de l'union avec lui, de la
participation à son esprit et à sa
vie. Il est clair, d'autre part, que la
prière en son nom contribue à
développer cette union, car c'est prier, en
quelque sorte, avec lui , et l'avoir pour compagnon
de ses voeux, de ses peines, de ses joies. Adopter
un autre intercesseur, c'est renoncer à
cette union sainte, la gloire et la force du
fidèle; c'est se donner pour compagnon de
prière un simple homme au lien de
Jésus, de Jésus qui a demandé
lui-même à remplir cet office
auprès de nous.
B. Ce
passage
pourrait
aussi être cité, comme bien d'autres,
à l'appui de ce que nous avons dit
(note
14)
sur la prière, toujours
représentée, dans l'Écriture,
comme un privilège, un bonheur, et qu'on
dépouille de son plus beau caractère
en l'imposant comme une
pénitence.
Objectera-t-on qu'il
y a
des gens pour qui la prière est toujours,
plus ou moins, une corvée, un
ennui?
Oui ; mais ce n'est
pas
une raison pour que vous exposiez les plus pieux
à l'envisager de cette manière. Ce
qui ne devrait être que le
péché des tièdes, Rome l'a
généralisé par son
système de la prière
pénitence, des redites que le confesseur
impose. Au reste, même en dehors des
arrêts du confessionnal, le système
seul des redites suffit pour ôter à la
prière tout ce que le christianisme lui
avait donné de grand. Que peut-elle en
garder dans l'esprit et dans le coeur de cet homme,
de cette femme, de cet enfant, de ce moine, de ce
fidèle, enfin, quel qu'il puisse être,
que je vois disant son chapelet?
Quand je ne le
verrais
pas, ce qui est pourtant fréquent, lever les
yeux, penser évidemment à autre
chose, peut-être même s'interrompre
pour causer de n'importe quoi ; quand, dis-je,
l'extérieur serait toujours décent et
sérieux, - nos remarques sur le fond n'en
subsisteraient pas moins. Qu'y a-t-il là qui
soit d'accord avec l'idéal chrétien
de la prière? Et quand un chrétien
apostolique, revenu sur la terre, rencontrerait un
homme ainsi priant, qui croirait-il voir? Un
chrétien, ou un de ces païens à
redites que Jésus avait défendu
d'imiter? Notez que les païens priaient au
moins en leur propre langue, et que les redites
romaines sont presque toujours en latin. Autre
encouragement au machinisme; autre
élément de mort dans l'exercice du
plus beau de nos droits et l'accomplissement du
plus saint de nos devoirs.
Prière de Jésus-Christ. Il a achevé sa tâche; c'est à Dieu de le glorifier, et de soutenir désormais ceux qui ont reçu sa Parole.
186. Verset
11.
Père saint, garde en ton nom ceux que tu
m'as donnés, afin qu'ils soient un comme
nous.
Voici où il serait plus inexplicable encore qu'on ne trouvât rien sur saint Pierre, rien sur un centre visible d'unité et d'autorité dans l'Église. Tant qu'il a été dans le monde, va dire Jésus au verset suivant, il a gardé lui-même ses disciples ; c'est Dieu, désormais, qui les gardent. Jésus n'a donc évidemment eu en vue, dans tout ce discours, que l'unité d'esprit et de vie, l'union des vrais fidèles, union résultant de leur fidélité même, de leur commun dévouement au chef divin, nullement de quelque organisation visible. « Afin qu'ils soient un comme nous, » dit-il à Dieu son père. Preuve nouvelle qu'il s'agit d'une unité toute spirituelle, et que rien ici n'a trait à une unité extérieure, humaine, organisée. Voir encore la note suivante.
187. Verset
15. Je ne
te prie pas de les retirer du monde, mais de les
garder du mal.
Nous avons vu (note
45)
qu'un des moyens de combattre cette Église
qui se dit seule désignée dans
certaines promesses, c'est de rappeler d'autres
promesses qui auraient dû la concerner tout
autant, et qu'elle ne peut pas dire avoir
été accomplies en elle.
Voici une de ces
promesses. Si c'est de l'Église romaine que
Jésus a parlé jusqu'à ce
verset, c'est d'elle qu'il parle encore ; c'est
elle qu'il demande à Dieu de garder du mal.
A-t-elle été gardée du
mal?
Nous avons dit ce
qu'on
ferait de volumes avec les témoignages des
historiens catholiques sur l'effrayante corruption
où elle a croupi durant des siècles.
Ne revenons pas là-dessus, mais concluons.
Si cette promesse du Sauveur n'a évidemment
pas en son accomplissement dans l'Église
romaine, comment soutenir que les autres promesses
la concernent et aient dû
nécessairement s'accomplir? Si les hommes
qui se donnaient pour les successeurs des
apôtres ont été si peu
gardés dit mal, comment prouver, par les
autres promesses, qu'ils aient été
gardés de l'erreur?
188.
Versets 20 et 21.
Je ne prie pas seulement pour eux, mais aussi pour
ceux qui croiront en moi par leur parole, afin que
tous soient un, comme toi, Père, est en moi
et moi en toi , et qu'eux aussi soient un en
nous.
A.
Ce que Jésus n'a dit jusqu'ici
que des apôtres, il le dit maintenant de
toute l'Église ; mais il le dit de la
même manière et dans les mêmes
termes, ce qui rend encore plus frappante l'absence
de toute mention d'un chef visible et d'une
autorité centrale. L'unité
spirituelle, l'unité en Dieu et en Christ,
voilà la seule dont Jésus parle, la
seule, nous le verrons, dont les apôtres
aient parlé après lui. Aucune
Église n'a donc le droit de se dire
instituée par lui pour réunir dans
une unité extérieure tous les
chrétiens de l'univers. Quand
l'Église romaine aurait réussi
à le faire, cela ne prouverait encore pas
qu'elle l'eut fait de droit divin.
B.
Non
seulement elle n'a jamais réussi quant
à l'ensemble des chrétiens, mais elle
n'a pas réussi, dans son sein même,
à créer un état de choses qui
puisse véritablement, sincèrement,
être appelé l'unité. Toutes les
fois que quelque circonstance permet aux regards de
pénétrer dans l'intérieur du
catholicisme, on aperçoit des
diversités profondes, et , sans l'immense
intérêt que tous ont à les
cacher sans l'extrême soin avec lequel
l'autorité centrale évite de
prononcer sur beaucoup de points débattus,
l'unité serait souvent compromise, ou, pour
mieux dire, il y a longtemps qu'elle serait rompue.
Aucune des diversités protestantes n'est
comparable à celle qui existe, dans
l'Église romaine, sur la question même
de ses droits et de ceux de son chef. Cette
autorité au nom de laquelle on condamne tout
ce qui n'est pas catholique, où
réside-t-elle? Dans les conciles? Dans le
pape? Dans l'accord du pape et des conciles ? Dans
le corps épiscopal? Autant de
systèmes entre lesquels l'Église ne
prononce pas, ne peut pas prononcer, ne prononcera
jamais, car, pour prononcer, il faudrait savoir qui
prononcera, et c'est précisément ce
qui est en question. Même l'autorité
du pape sur le clergé, si aucun catholique
ne la conteste en fait, on l'entend cependant de
deux manières entre lesquelles il y a un
abîme. Pour les uns, le pape est la source
unique et nécessaire de tous les pouvoirs
spirituels; pour les autres, il n'est que le
magistrat suprême à qui
l'Église a remis l'administration de ces
pouvoirs.
Voilà ce qui est
au fond de l'unité romaine. Rien ne
ressemble moins à cette unité
spirituelle et parfaite que Jésus
représentait sous l'image de son
unité, à lui, avec Dieu son
Père: Qu'ils soient un, comme toi,
Père, est en moi et moi en toi.
189. -
Résumé sur ces quatre
chapitres.
Aucune mention de saint
Pierre ; aucune des successeurs des apôtres ;
aucune d'une unité visible et
hiérarchique de l'Église. Promesses
toutes spirituelles ; unité en Dieu, en
Jésus-Christ, non en qui que ce soit d'autre
ou par qui que ce soit d'autre.
Est-ce à dire que
ces chapitres n'aient aucun rapport d'aucun genre
avec les conditions visibles de l'Église ?
Nullement. Toute Église doit être
fondée sur ces chapitres, en ce sens que son
organisation tende à amener
l'accomplissement des promesses qu'ils renferment,
la réalisation de l'idéal que le
Sauveur y trace, réalisation pour laquelle
il promet à ses vrais disciples l'assistance
de l'Esprit Saint. Mais que le fait de cette
assistance soit lié à certaines
formes d'Église, qu'elle soit promise
à une Église à l'exclusion des
autres, c'est ce qui est insoutenable, nous venons
de le voir, et d'après l'ensemble de ces
pages, et d'après les détails.
Jésus à Gethsémané. Judas (note 84). Jésus est conduit à Anne et à Caïphe. Reniement de saint Pierre. Le souverain sacrificateur interroge Jésus sur sa doctrine.
190. Verset
20.
Jésus lui répondit: J'ai parlé
ouvertement à tout le monde... et je n'ai
rien dit en secret.
Quoique Jésus paraisse
plutôt répondre ici au reproche de
sédition, sa véracité divine
nous autorise à nous appuyer de ces mots
pour nier qu'il eût enseigné aucune
doctrine secrète, destinée à
rester plus ou moins longtemps cachée. Ce
système, dont on a tiré un si grand
parti en faveur de la tradition romaine, est
également contredit par l'ensemble des
Évangiles; il est impossible, en les lisant,
de supposer que les Évangélistes nous
cachent quoi que ce soit de la doctrine du
Maître. N'oubliez pas, d'ailleurs, ce que
nous avons dit (note
183) sur la
nature
des doctrines qui, dans cette supposition, auraient
été destinées à
n'entrer que plus tard dans l'enseignement
chrétien. Jésus aurait tenu
caché, non pas ce qu'il y avait dans sa
doctrine de plus spirituel et de plus
mystérieux, mais les parties les plus
abordables à tous, unité monarchique
de l'Église, culte extérieur,
pratiques, etc., etc. ; il aurait caché, en
un mot, ce qui était le moins à
cacher, et les apôtres auraient caché,
à leur tour, précisément ce
qu'ils auraient le plus vite et le mieux
compris.
Non ; rien de secret
dans
la prédication primitive de
l'Évangile. Vous avez dans le Nouveau
Testament tout ce que Jésus-Christ a
enseigné. Si ce ne sont pas toutes ses
paroles, vous n'avez cependant aucun indice qu'il y
manque une seule , idée importante, et, plus
les doctrines que vous intercalerez seront graves,
plus il sera impossible d'admettre qu'elles eussent
été omises par les écrivains
sacrés.
Versets 28
et suiv. -
Jésus au prétoire. Pilate
l'interroge
191. Verset
36.
Jésus répondit: Mon règne
n'est pas de ce monde.
Nous ayons vu (note
65)
combien les papes ont été loin de
tenir ce langage; nous avons aussi vu (note
130)
les conséquences de leur intervention dans
les grandes affaires de la terre. Quand il serait
prouvé que c'est la force des choses qui a
seule conduit l'Église à exercer,
durant des siècles, cette haute juridiction,
il faudrait encore faire observer qu'elle ne s'est
point contentée de régir
indirectement la terre en dominant sur les
souverains, et que ses chefs, partout où ils
l'ont pu, ont été princes temporels
eux-mêmes. Eussent-ils été
toujours les plus justes et les plus sages, ils
n'en étaient pas moins en contradiction
flagrante avec Jésus disant. « Mon
règne n'est pas de ce monde.» A tous
ceux qui furent ou qui sont princes, joignez ceux
qui le furent sans en avoir le titre, et qui ont
pris une part plus ou moins active, plus ou moins
ouverte ou cachée, au gouvernement des
États. Que d'actes en opposition
complète avec le caractère et les
devoirs du ministère
évangélique!
Que de
mécontentements, que de murmures
amassés contre le clergé, et, trop
souvent, contre le christianisme! Le gouvernement
des prêtres n'a presque jamais
été que celui de l'intrigue ou de la
force, et nul pays n'en a mieux fait la triste
expérience que celui qui leur a
été le plus complètement
livré, le prétendu Patrimoine de
saint Pierre. Là semblaient s'être
donné rendez-vous tous les abus et toutes
les corruptions ; là, les meilleures
intentions échouaient misérablement,
et le mal seul était possible. Une
malédiction semble attachée à
la violation de cette parole du Maître : Mon
règne n'est pas de ce monde.
Versets 37
et suiv.-
Jésus déclare n'être venu dans
le monde que pour rendre témoignage à
la vérité.
192. Verset
38. Pilate
lui dit : Qu'est-ce que la vérité? Et
quand il eut dit cela, il sortit....
Dans quel sens Pilate
disait-il : Qu'est-ce que la vérité?
Était-ce avec mépris,
s'étonnant qu'un homme obscur
s'imaginât posséder la
vérité? Était-ce par
indifférence, s'inquiétant peu de la
posséder ou non? Était-ce par
scepticisme, persuadé que de semblables
recherches n'aboutissent à rien, et que
l'homme n'est jamais sûr, en religion, ni du
vrai, ni du faux?
Mépris,
indifférence ou scepticisme, n'importe :
gardez-vous d'imiter Pilate.
Point de mépris.
L'homme le plus obscur peut avoir été
choisi de Dieu pour vous ouvrir les yeux sur les
erreurs de votre Église, et vous amener
à l'Evangile.
Point
d'indifférence. Il s'agit des
intérêts éternels de votre
âme, et toute erreur devient coupable si
c'est par votre faute que vous y
persévérez.
Point de
scepticisme,
enfin. A force d'avoir entendu dire que
l'Église romaine conduit seule à la
vérité, il est souvent arrivé
que, détaché d'elle, on
renonçât à trouver mieux la
vérité ailleurs. « Puisque cette
Église n'a pu nous la donner, semble-t-on
dire, qui nous la donnera? Nous entendrons dire non
où elle disait oui, oui où elle
disait non. Que faire? N'y plus penser. » Au
contraire, il faut y penser beaucoup, et
bientôt vous verrez se reconstruire, plus
solide, l'édifice de votre foi. Parmi les
hommes qui cherchent la vérité
où elle est, dans la Parole de Dieu ,
combien en avez-vous vu de
découragés? Pas un. Faites comme eux,
et l'oeuvre de Dieu se fera en vous.
Pilate veut sauver Jésus, et le livre ensuite. La crucifixion. Marie près de la croix.
193.
Versets 26 et 27.
Jésus donc, ayant vu sa mère, et,
près d'elle, le disciple qu'il aimait, dit
à sa mère: Femme, voilà ton
fils. Puis il dit au disciple: Voilà ta
mère; et dès cette heure-là,
ce disciple la prit chez lui.
Jésus lègue sa
mère à saint Jean; elle n'avait donc
point d'autres enfants, a-t-on dit, car on ne peut
admettre qu'ils l'eussent
abandonnée.
Est-il beaucoup plus
vraisemblable, répondrons-nous, qu'elle eut
été abandonnée par ces neveux
que nous avons vus sans cesse avec elle comme
autant de fils? L'idée d'un abandon est
d'ailleurs contredite par saint Luc, au livre des
Actes ; les frères de Jésus,
après sa mort, sont encore nommés (I,
14) avec sa mère. La recommandation
adressée à Jean se liait donc
à quelque fait que nous ne connaissons pas,
peut être à la seule absence des
frères au moment de la crucifixion; rien
à tirer de là contre ce que nous
avons dit précédemment dans cette
question des frères.
194. -Quant
au fait en
lui-même, l'Église romaine en a
tiré d'immenses conséquences dont il
n'est pas même nécessaire de chercher
la réfutation ailleurs, car le récit
ne les justifie aucunement.
C'est à tous les
fidèles, nous dit-on, dans la personne de
saint Jean, que Jésus-Christ a dit de voir
en Marie une mère. Jeu de mots. Vieille,
accablée de douleur, il la recommande aux
soins d'un de ses disciples ; voilà tout.
Mère ne peut donc avoir ici, en aucune
façon, le sens de protectrice, puisque ce
nom est donné à Marie pour qu'elle
devienne, au contraire, la protégée
de saint Jean. « Ce disciple la prit chez lui,
» vous dit
l'Évangéliste.
Versets 28
et suiv.-
Jésus expire. Joseph d'Arimathée
demande son corps pour l'ensevelir.
195. Verset
38. Et
Pilate le lui ayant permis, il vint et enleva le
corps de Jésus.
A.Quoique
les quatre
Évangélistes soient assez
détaillés en cet endroit, ils ne nous
disent point que ni Joseph d'Arimathée, ni
aucun des disciples de Jésus, ait mis
quelque importance à conserver l'instrument
de son supplice, la croix, le bois de la croix. On
aurait cependant bien pu, sans aller jusqu'à
la vénération superstitieuse dont ce
bois a été l'objet plus tard, le
conserver comme souvenir de Jésus. Il a bien
fallu supposer qu'on l'avait conservé mais
les Épîtres n'en parlent pas plus que
les Évangiles, et les trois premiers
siècles pas plus que le premier; les
chrétiens de ces temps n'avaient pas besoin
d'un morceau de bois pour se rappeler le grand
mystère dont ce bois avait vu
l'accomplissement. Essayez de vous figurer saint
Paul vantant les vertus de la vraie croix! Une
seule phrase dans ce sens formerait un tel
contraste avec tout ce qu'il a écrit, que
jamais lecteur, même catholique, ne la
croirait de lui.
On dit toujours la
vraie
croix. Pourquoi? Hélas! parce qu'on sait
bien qu'il y a fort à douter qu'on ait la
vraie, si même on l'a jamais eue.
Eût-elle été conservée,
il faudrait encore qu'elle eût
été miraculeusement
multipliée, car on ne saurait dire où
il n'y en a pas eu quelque morceau. Les
innombrables fraudes dont elle a été
l'occasion en disent assez, à elles seules,
contre le culte grossier qui les a
provoquées.
B.
Dans
ce triste besoin de tout matérialiser,
l'Église romaine est arrivée à
posséder, non seulement, par la
transsubstantiation, le corps mystique de
Jésus-Christ, mais, en quelque sorte, une
portion de son corps réel et terrestre ;
elle a fait du coeur de Jésus-Christ, sous
le nom de Sacré-Coeur, l'objet d'un culte
dont toutes les cérémonies semblent
supposer ce coeur présent,
matériellement présent. On ne
prétend pas, sans doute, le posséder
dans un reliquaire, le toucher, le montrer; mais on
l'adore comme on l'adorerait visible, et il est
visible, d'ailleurs, dans les images qu'on en fait,
peintes, sculptées, en bois, en
métal, en cire, etc. Adorer l'amour divin
sous l'image d'un morceau de chair, c'est
peut-être la matérialisation la plus
grossière dont aucune religion ait
donné le spectacle.
La résurrection. Pierre et Jean au tombeau de Jésus-Christ. Il apparaît à Marie Madeleine, puis aux apôtres. Comme mon Père m'a envoyé, je vous envoie aussi de même.
196. Versets 22 et 23. Ayant dit ces mots, il souffla sur eux et leur dit: Recevez le Saint-Esprit. Ceux à qui vous remettrez leurs péchés, ils leur seront remis; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus.
A. Si les apôtres
reçoivent
ici le pouvoir de remettre les
péchés, c'est qu'ils
reçoivent, avec le Saint-Esprit, la
possibilité de les remettre comme les
remettait Jésus; ils liront dans les coeurs,
ils connaîtront les dispositions intimes des
pécheurs. Sans cette faculté
miraculeuse, qu'est-ce que le don d'absoudre ? Les
péchés seront-ils remis à
celui que j'aurai absous parce qu'il m'aura
trompé sur l'état de son âme?
Les péchés seront-ils retenus
à celui que j'aurai refusé d'absoudre
parce que je n'aurai pas su apercevoir son repentir
? Ce pouvoir ne peut donc exister que miraculeux.
Si vous n'avez pas le don d'absoudre
infailliblement, vous ne pouvez avoir le droit
d'absoudre.
B. En fait,
l'histoire des apôtres
ne nous les montre pas exerçant ce droit.
L'exercèrent-ils ?Les entendit-on, comme
leur Maître, dire : « Tes
péchés te sont
pardonnés?» Il serait assez singulier
que ni les Actes, ni les Épîtres,
n'eussent enregistré aucun fait de cette
nature. S'il y en a eu, il est probable qu'il y en
a eu fort peu, et que, malgré les dons
extraordinaires dont ils se sentaient pourvus, les
apôtres ne firent qu'avec la plus grande
réserve ce que le prêtre romain
prétend faire tous les jours.
Versets 24
et suiv. -
Thomas. Jésus le force à
croire.
197.
Versets 30-31.
Jésus fit encore, en présence de ses
disciples, plusieurs autres miracles qui ne sont
pas écrits dans ce livre; mais ceux-ci ont
été écrits afin que vous
croyiez que Jésus est le Christ, le fils de
Dieu, et qu'en croyant Nous ayez la vie en son
nom.
Bonne réponse à ceux qui disent que l'Écriture doit nécessairement être complétée par la tradition. L'Évangéliste avoue qu'il n'a pas tout rapporté mais il ajoute aussitôt que ce qu'il a écrit suffit pour qu'on croie en Jésus-Christ, et que, en croyant, on soit sauvé. Remarquez, d'ailleurs, qu'il parle de miracles, non d'enseignements. Il a omis des miracles, parce que quelques-uns suffisent; il ne dit pas avoir rien omis en fait de doctrines.
Nouvelle apparition de Jésus à ses disciples. Pêche miraculeuse.
198. Verset
15.
Après donc qu'ils eurent dîné,
Jésus dit à Simon Pierre : Simon,
fils de Jona m'aimes-tu plus que ne font ceux-ci?
il lui répondit : Oui, Seigneur, tu sais que
je t'aime. Jésus lui dit : Pais mes
agneaux.
Verset 16. Même
question et même
réponse.
Verset 17.
Il lui
demanda pour la troisième fois: Simon fils
de Jona, m'aimes-tu? Et Pierre fut attristé
de ce qu'il lui avait dit pour la troisième
fois : M'aimes-tu? Et il lui dit. Seigneur, tu
connais toutes choses; tu sais que je t'aime.
Jésus lui dit : Pais mes brebis.
On a voulu voir dans ces
versets le commentaire et la confirmation de «
Tu es Pierre.» Montrons que la
suprématie de l'apôtre n'est pas plus
enseignée ici que là.
Ici, d'abord, elle
n'a
pas même l'apparence d'être
enseignée directement ; il vous faut
commencer par la supposer enseignée
ailleurs. Adressées à un autre
apôtre, ces paroles n'auraient rien qui les
fit interpréter dans ce sens.
Peut-on dire, en
effet,
que Jésus donne ici à Pierre plus
qu'il n'avait donné aux autres, à
tous, Pierre compris? Non. L'image est nouvelle,
mais le fond n'a pas changé. Recueillez ce
que Jésus avait dit, en tant d'occasions,
aux douze, et voyez si chaque parole ne les
constituait pas pasteurs de l'Église future.
Ajoutez les faits postérieurs, et voyez si
cette qualité n'appartint pas effectivement
aux douze.
Demanderez-vous
maintenant pourquoi donc, ici , Jésus
s'adresse à saint Pierre?- Vous oubliez le
reniement. Supposez la faute commise par n'importe
quel autre apôtre , et vous serez
forcé de reconnaître que Jésus
n'aurait pas revu cet apôtre sans lui rien
dire, sans le rétablir, d'une manière
ou d'une autre, dans cet apostolat dont le coupable
devait se sentir déchu. Jésus avait
dit à Pierre : « Tu me renieras trois
fois. » Pierre l'avait renié trois fois
; trois fois Jésus lui demandera s'il
l'aime.
Mais on se réfugie
dans le mot même employé par
Jésus on veut que « Pais mes brebis
» signifie « Pais mon Église,
toute mon Église. » Dans un certain
sens, rien de plus vrai; mais, alors, c'est encore
vrai de tous les apôtres. Jésus
n'avait jamais parlé de l'Église que
comme d'un tout; chaque apôtre allait se
trouver pasteur de toute l'Église, et,
même après qu'ils eurent
été conduits à se partager le
champ, nous les voyous encore agir et parler comme
chefs du tout. Il est donc faux que «Pais mes
brebis,» adressé à un d'eux, le
constituât chef suprême. De quels
autres mots Jésus aurait-il pu se servir?
Pouvait-il dire : «Pais une portion de mes
brebis? » Jamais il n'avait été
question que Jésus partageât le
troupeau entre les apôtres, et, parlant
à un d'eux, n'importe lequel, il devait dire
: « Pais mes brebis. » Supposez qu'il
s'agisse de brebis véritables, d'un grand
troupeau que devront garder plusieurs bergers. Un
d'eux, qui m'a été infidèle,
revient à moi, et je lui dis : « Pais
mes brebis. » Conclurez-vous de là que
je lui donne la direction souveraine du troupeau ?
Je le rétablis berger; rien de plus.
L'expression « Paître les brebis du
Seigneur » ne s'emploie-t-elle pas
vulgairement, même dans l'Église
romaine, en parlant du pasteur de la plus petite
paroisse? Pais mes brebis signifiait donc : «
Sois berger, sois apôtre.» Si le Sauveur
le répète trois fois, c'est, chaque
fois, après avoir dit à Pierre :
«M'aimes-tu ? » L'allusion au triple
reniement est évidente; on ne l'a jamais
contestée. C'est donc le reniement qui
explique et l'ensemble de la scène, et les
détails, et la suite, car Jésus, au
verset 18, ne prédit également
qu'à saint Pierre qu'il mourra martyr de
l'Évangile. Saint Pierre a-t-il
été seul martyr parmi les
apôtres?
Rien à conclure,
par conséquent, en faveur de la
suprématie de saint Pierre. Nous voici
à la fin des Évangiles, et vous
trouverez, dans ce qui va suivre, d'abondantes
confirmations de tout ce que nous avons dit sur ce
sujet.
199. Verset
25. Il y a
encore beaucoup d'autres choses que Jésus a
faites, et, si elles étaient écrites
en détail, je ne crois pas que le monde
même pût contenir les, livres qu'on en
écrirait.
Même remarque qu'à la note 197. Malgré l'exagération tout orientale de la forme employée ici, vous voyez que l'apôtre parle encore de choses faites, d'actions, de miracles, non de doctrines. L'ensemble de ce quatrième Évangile vient à l'appui de notre observation. Saint Jean s'est montré tout particulièrement soigneux de recueillir les enseignements de Jésus, et il est d'autant plus difficile de se le figurer omettant quelque doctrine importante, essentielle , qui eut été enseignée par le Maître.- Concluons encore une fois que ce que nous possédons est suffisant.
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