Préface de L''Évangéliste - Un ange annonce à Zacharie la naissance future de son fils. Zacharie hésite à croire , et, en punition , il devient muet. Elisabeth se réjouit d'être mère.
101. Verset
26. C'est
là ce que le Seigneur m'a fait, aux jours
où il m'a regardée pour me tirer de
l'opprobre où j'étais parmi les
hommes.
Voilà l'idée
juive: point d'enfants, ce n'était pas un
chagrin seulement, mais un opprobre. On ne
comprenait pas que Dieu pût ne point accorder
d'enfants à une femme digne d'être
mère; celles qui, comme Élisabeth,
n'en étaient évidemment pas indignes,
leur stérilité était cependant
regardée encore comme la marque d'une
certaine réprobation.
Qu'on veuille bien
nous
dire, maintenant, où on a vu que Marie ne
partageât pas, sur ce point, le sentiment
universel des Juifs; qu'on nous montre, ou chez
elle, ou chez d'autres femmes juives, une trace
quelconque de l'étrange idée qu'on
lui prête, celle de rester, quoique
mariée, dans une virginité
perpétuelle.
Mais, cette
étrange idée , on est forcé de
la lui prêter. Marie , en effet , avant
l'annonciation, était fiancée ; Marie
allait épouser Joseph. Pour pouvoir
l'exalter, malgré cela , comme la vierge par
excellence, le type et la patronne de la
virginité , il a fallu, de toute
nécessité, imaginer ce voeu de
virginité perpétuelle,
prononcé dans son coeur, nous dit-on, ,au
moment même où elle acceptait un
époux, et, pour comble d'invraisemblance,
avant qu'elle se sût appelée à
être la mère du Christ.
Quand tout cela
serait
moins inadmissible, moins absurde, un fait reste :
votre type suprême de la virginité, du
célibat, - c'est une femme mariée.
Tâchez de vous placer sérieusement,
franchement , en présence de ce seul fait, -
et il est impossible que vous ne reculiez pas
devant ce qu'il a d'étrange, devant les
subtilités de toute espèce dont il
vous condamne à user pour l'accommoder aux
idées romaines.
102. Verset
27. -...
une vierge fiancée à un homme
nommé Joseph ...
Voici, de tout le
Nouveau
Testament,le seul
endroit oui Marie soit appelée
vierge; une fois
mariée , les Évangélistes
diront Marie ou mère de Jésus, jamais
vierge ni la Vierge.
Que pensez-vous de
ce
changement ?
Si les
Évangélistes ont conservé
l'idée, si, surtout, ils ont tenu à
l'idée, s'ils ont pensé qu'on
dût jamais y tenir, pourquoi cette totale
disparition du mot? Ce nom que le monde catholique
donne chaque jour à Marie tant de millions
de fois, vous ne pouvez pas dire qu'il soit une
seule fois dans l'Écriture, car il n'y est
pas dans ce sens-là.
La vierge dont parle
saint Luc, c'est une vierge dans le sens ordinaire
dit mot ; ce nom lui est donné comme il le
serait à toute autre jeune femme non encore
mariée, et comme il l'est à Anne la
prophétesse, au chapitre suivant, quand
l'Évangéliste (verset 36) nous
reporte au temps de son mariage.
Que la Vierge Marie
fût particulièrement pieuse et pure ,
nous le croyons sans peine ; mais que cette
pureté implique l'idée d'une
virginité sans terme , c'est ce que les
Évangélistes n'ont point dit, n'ont
indiqué nulle part, et la suppression seule
du mot vierge montre assez qu'ils n'en ont pas en
la pensée.
On regrette d'avoir
à s'appesantir sur ces détails, et de
paraître ôter quelque chose à la
mère de Jésus-Christ. Ce que nous lui
ôtons, ni Jésus-Christ , ni les
apôtres, ni les premiers chrétiens, ne
le lui ont jamais attribué. Si
c'était chose dont il ne
résultât rien, nous pourrions
peut-être nous taire ; mais c'est la base
d'un échafaudage immense, et, à moins
d'accepter l'échafaudage, il faut bien dire
ce que la base vaut.
103. Verset
28. Et
l'ange, étant entré auprès
d'elle, lui dit: Je te salue, toi qui as
été l'objet d'une grande grâce;
le Seigneur est avec toi; tu es bénie entre
les femmes.
Comme il n'y a pas, dans
tout
ce récit, un seul détail qui n'ait
été altéré ou
amplifié, arrêtons-nous sur
chacun.
Je te
salue. - On a
représenté ce mot comme une formule
d'hommage, employée à dessein par
l'ange. Le mot grec écarte cette idée
; il servait aux salutations les plus
familières.
Toi qui as
été l'objet d'une grande
grâce.
Voilà le vrai sens du mot grec, et nous le
trouvons ailleurs (Ephés, 1, 6)
appliqué à tous les
chrétiens.
La Vulgate a mis
pleine
de grâce (gratiâ plena), expression
ambiguë qui devient totalement fausse
dès qu'on se met à entendre par
là que Marie est pleine de grâces,
qu'il y a en elle un trésor de grâces
, de grâces dont elle dispose. Le grec, verbe
passif, nous montre Marie recevant, non donnant ni
pouvant donner ; elle est l'objet d'une grâce
, d'une grande et miraculeuse faveur. Impossible de
tirer du texte autre chose.
Le Seigneur
est avec
toi. - Rien là
non plus qui élève Marie au-dessus de
l'humanité. La même chose a
été dite et se dit encore tous les
jours de quiconque est particulièrement
l'objet de la faveur divine.
Tu es bénie
entre les femmes.
-
Oui, sans doute, puisqu'elle est choisie, entre
toutes, pour être la mère du Sauveur.
Une telle bénédiction est donc plus
que suffisante pour justifier ces mots; rien ne
vous autorise à leur faire signifier que
Marie eût été l'objet d'autres
grâces miraculeuses.
104. Verset
50. Ne
crains point, car tu as trouvé grâce
devant Dieu.
Encore un mot dont il n'y a rien à conclure en faveur des idées romaines sur Marie. Trouver grâce devant Dieu a été dit, dans la Bible , de Noé, de Moïse, de David , du peuple juif, de tout fidèle particulièrement béni,
105. Verset
55. Le
Saint-Esprit surviendra en toi, et la puissance du
Très-Haut te couvrira de son ombre; c'est
pourquoi le saint enfant qui naîtra de toi
sera appelé fils de Dieu.
La naissance du Christ
va
donc être miraculeuse. Celle de Marie
l'avait-elle été? Vous n'avez rien,
ni ici, ni ailleurs, qui vous le dise ni vous
autorise à le dire; aucune trace de ce qu'on
a appelé l'Immaculée
Conception.
L'ange n'a parlé
à Marie, vous l'avez vu, que de la
grâce qu'elle va, recevoir; nulle mention
d'une grâce quelconque antérieure,
d'une préparation miraculeuse que Dieu ait
opérée en elle. « Le
Saint-Esprit surviendra en toi, » lui dit
l'ange; le Saint-Esprit n'habitait donc pas en
elle, ou n'y habitait, du moins, que comme dans
toute âme pieuse. Elle-même, à
en juger par son étonnement et par sa
réponse a l'ange, il est clair qu'elle ne se
doutait pas que rien de miraculeux eût
déjà marqué sa
vie.
Ce prétendu fait
avec lequel Rome a remué le monde, cette
gloire fondamentale de la mère du Christ, -
comment expliquerez-vous que l'ange ne la lui
eût pas révélée, n'y
eût pas au moins fait allusion ? Et si l'ange
ne la lui a pas révélée, si
les Évangélistes, après
l'ange, n'en ont rien dit, que pouvez-vous en dire?
Que pouvez-vous en savoir?
Mais ce n'est pas un
point où il y ait lieu à chercher des
arguments de détail. Plus vous ferez de
bruit avec le dogme de l'Immaculée
Conception, plus vous le condamnerez
vous-mêmes, car le silence des
écrivains sacrés sera d'autant plus
inexplicable, d'autant plus
écrasant.
Versets 39
et suiv.-
Marie va voir Élisabeth.
106. Verset
42.
Élisabeth , élevant la voix ,
s'écria : Tu es bénie entre les
femmes, et le fruit de tes entrailles est
béni.
Élisabeth, remplie du Saint-Esprit (verset 41), ne parle pas autrement que l'ange. « Tu es bénie entre les femmes, dit-elle ; tu as reçu une grâce bien autrement grande que celle qui m'est accordée, à moi, mère du Précurseur. » - Toujours cette grâce; rien de plus.
107. Verset
45. Et
d'où me vient ceci, que la mère de
mon Seigneur vienne me visiter?
La mère de mon
Seigneur. On s'est appuyé de ces mots pour
donner à Marie le titre de Mère de
Dieu, qui n'est nulle part dans l'Écriture,
et ce titre a beaucoup aidé aux
progrès du culte de Marie, car la
mère d'un Dieu est nécessairement
plus ou moins une déesse.
Remarquez
qu'Élisabeth ne dit pas « la
mère du Seigneur,» mais «la
mère de mon Seigneur.»
Elle n'envisage donc
ici
Jésus que comme le Messie, le roi
d'Israël, celui que les prophéties
annonçaient; et c'était bien assez
pour que la visite de Marie lui paru un très
grand honneur.
Jésus n'est fils
de Marie que quant à son humanité
dans sa divinité, il ne l'est point. «
Avant que le monde fût, » nous dit-il
lui-même (Jean XVII, 5), il existait dans la
plénitude de sa gloire.
Mère de Dieu est
donc une expression aussi inexacte en soi que
dangereuse par les conséquences qu'elle
entraîne. Ce n'est qu'au quatrième
siècle qu'on a commencé à s'en
servir; on s'imagina rendre hommage à la
divinité de Jésus-Christ, et on
s'achemina à l'effacer par celle de
Marie.
Dans les pays où
le marianisme a reçu tout son
développement, que reste-t-il, en fait, du
culte de Jésus-Christ et de la foi en
Jésus-Christ? Au lieu d'honorer sa
mère à cause de lui, n'est-ce pas
lui, plutôt, qu'on honore à cause de
sa mère, à l'occasion de sa
mère?
Jésus, dans ces
pays, ce n'est plus guère que l'enfant
Jésus, porté dans les bras de Marie;
encore se met-on de plus en plus à
représenter Marie sans lui, ce qu'on faisait
rarement autrefois. Un païen pourrait vivre
des années dans telle ou telle ville
catholique , et ne pas se douter que Marie ne soit
pas la divinité des
chrétiens.
Versets 46
et suiv.-
Joie de Marie. Elle bénit Dieu.
108. Verset
48.-... Et
voici, tous les siècles m'appelleront
bienheureuse.
Des docteurs catholiques
ont
voulu, sur ce mot, attribuer à Marie le don
de prophétie; nouvel élément
de gloire. - Ils oublient que l'ange lui a
parlé de son fils (verset 33) comme devant
régner éternellement.
A-t-elle besoin
d'être prophète pour s'écrier,
dans sa pieuse joie, qu'on parlera à jamais
de son bonheur?
Sa parole s'est
vérifiée; tous les siècles,
toutes les Églises l'ont appelée
bienheureuse. Il y a erreur ou calomnie à
représenter comme ennemis de la mère
du Christ , comme la rabaissant ou l'outrageant,
ceux qui ne l'honorent pas à la
manière de l'Église romaine. Ils font
ce que toute l'Église a fait dans les
premiers siècles.
S'ils refusent un
culte
à la mère dit Sauveur, jamais ils
n'ont refusé de voir en elle la plus
bénie des femmes.
S'ils attaquent les
gloires imaginaires dont on s'est plu à la
charger, jamais ils n'ont rien dit contre sa gloire
véritable, sa fécondité
miraculeuse, sa virginité première,
la seule dont les Évangiles
parlent.
Ici même, dans ces
notes où nous attaquons tant de choses,
avons-nous écrit un seul mot qui
s'écartât du respect dû à
la mère du Sauveur? Avons-nous parlé
d'elle autrement que les
Évangélistes, autrement que les
premiers Pères?
109. Verset
49.- Car
le Tout-Puissant a fait en moi de grandes
choses...
Ces grandes choses, nous
dit-on, comprennent l'Immaculée
Conception.
Si l'Immaculée
Conception était enseignée ailleurs,
oui; si elle ne l'est pas, non, car on pourrait
inventer quoi que ce fut , et dire également
que ce sont toujours ces grandes
choses.
Ni dans les paroles
de
l'ange, ni dans ce qu'a dit Élisabeth, ni
dans ce qu'a dit Marie elle-même, vous n'avez
rien vu, jusqu'ici, qui se rapportât à
des faits antérieurs à l'annonciation
; ces grandes choses ne peuvent donc être que
celles dont il a été question dans
l'annonciation même. Notez, de plus, que la
phrase est un verset de psaume (CXXVI, 2), une
simple formule d'action de grâces. Rien donc
à en tirer de particulier sur Marie, car
toute âme reconnaissante pouvait et peut en
dire autant.
110. Verset
57.
Cependant le terme d'Élisabeth étant
venu, elle enfanta un fils.
Élisabeth ne devant
pas, vu son âge, avoir d'autres enfants,
saint Luc, dit simplement: « Un fils. »
Si la pensée de l'Évangéliste
eut été que Marie devait
également n'en avoir qu'un, pourquoi, comme
saint Matthieu, appellerait-il Jésus (11, 7)
son premier-né?
Versets 51
et suiv. -
Naissance de Jean-Baptiste. On parle de sa grandeur
future.
111 .
Verset 67. Alors
Zacharie, son père, fut rempli du
Saint-Esprit...
Ne dirait-on pas que
l'Évangéliste a voulu ôter tout
prétexte aux exagérations qui
devaient un jour avoir cours sur la grandeur de
Marie?
Zacharie , nous
dit-il,
fut rempli dit Saint-Esprit; Élisabeth,
a-t-il dit un peu avant, fut remplie du
Saint-Esprit; un peu plus loin, parlant du vieux
Siméon. il dira que le Saint-Esprit
était sur lui. A-t-il dit cela de Marie? Le
dira-t-il? Non. L'ange avait dit à Marie que
le Saint-Esprit surviendrait en elle, mais pour
accomplir, dans son sein, la
génération divine ; nulle part elle
ne nous est représentée comme
inspirée, dans le sens ordinaire de ce mot,
et il y a plusieurs traits dans sa vie , plusieurs
réponses du Christ à sa mère
ou sur sa mère , qui ne permettent pas de
penser qu'elle le fut. - Voir 87
et 113.
Naissance de Jésus-Christ. Des bergers, miraculeusement avertis, vont l'adorer.
112. Verset
19. Et
Marie conservait toutes ces choses, les repassant
dans son coeur.
Que n'a-t-on pas tiré
de ce verset! Au lieu d'y voir simplement la joie
étonnée de Marie, on veut que ce
qu'elle « repassait dans son coeur» fut
l'oeuvre entière de la rédemption du
monde; on veut qu'elle fut avec Dieu dans une union
presque semblable à celle dont Jésus
parlait plus tard , lorsqu'il disait: « Mon
Père et moi sommes un. »
L'Évangéliste s'est
cependant servi à peu près des
mêmes termes en parlant des témoins de
la naissance de Jean-Baptiste : «Ceux qui
entendirent ces choses les conservèrent dans
leur coeur. »
Quand il ajoute, en
parlant de Marie, qu'elle « repassait dans son
coeur» ce qu'elle venait d'entendre, il nous
la montre plutôt comprenant peu,
s'efforçant de comprendre, et ce
détail, ainsi interprété, se
trouve d'accord avec ceux que vous avez ailleurs
(voir 87
et 113)
sur
la peine qu'eut en effet Marie à comprendre
l'oeuvre de son fils.
Versets 21
et suiv.-
Purification de Marie. Siméon béni
Dieu d'avoir vu le Sauveur promis. Il bénit
Joseph et Marie.
113. Verset
55. Et
toi-même, une épée te
transpercera l'âme.
On ne voit ordinairement
dans
ces mots qu'une allusion aux douleurs de Marie,
quand elle verra son fils persécuté,
mis à mort. Lisez attentivement le contexte,
et vous vous convaincrez qu'il s'agit de tout autre
chose.
Ces mots, en effet,
ne
sont qu'une parenthèse au milieu d'une
phrase où il est dit que le Christ vient
pour la chute des uns et le relèvement des
autres, qu'il sera en butte à la
contradiction des hommes, et, cela, « afin que
les pensées des coeurs soient
manifestées, » c'est-à-dire afin
que chacun, par la manière dont il
accueillera le Christ, montre s'il a dans le coeur
les sentiments que le Christ demande.
Ainsi encadrés ,
ces mots veulent dire évidemment
:
« Toi-même,
toi, sa mère, tu seras travaillée,
à son sujet, par ces doutes qui agiteront
tant d'hommes; tu pourras être tentée
de te demander si ton fils est bien le Christ, si
les promesses de Dieu doivent s'accomplir en lui.-
Toi-même, les pensées de ton coeur
seront manifestées, c'est-à-dire que
tu seras appelée , comme tous les disciples
de ton fils, à laisser voir, dans cette
lutte, tes sentiments intimes, tes illusions sur la
nature de son règne, tes erreurs sur le
caractère de son oeuvre, tes
défiances quand le succès
paraîtra compromis.»
Étudiez maintenant
, à la clarté de cette
prophétie , toute l'histoire de Marie, et
vous verrez comme tous les faits rentrent dans le
cercle ainsi tracé. Pas un qui ne confirme,
directement ou indirectement, ce que nous venons de
dire, savoir que Marie a été lente
à comprendre l'oeuvre de Jésus, lente
à s'y associer , sauf par la simple
affection maternelle, évidemment
insuffisante en pareille
matière.
Dans ce chapitre
même, quand Siméon
célèbre la grandeur future de
Jésus, saint Luc (verset 33) nous peint
Marie « admirant » ce qu'elle entend dire
de son fils , et le mot grec indique une admiration
étonnée, une admiration qui comprend
peu. Dans ce même chapitre encore, quand elle
retrouve Jésus resté à
Jérusalem, et qu'il répond à
Joseph et à elle : « Ne saviez-vous pas
qu'il me faut être aux affaires de mon
Père ? » - l'Évangéliste
ajoute que Marie et Joseph « ne comprirent
point ce qu'il leur disait.
Comprenait-elle
mieux
vingt ans après? Nous avons vu (note 87)
que
non.
Donc, encore une
fois,
à côté de la gloire unique,
immense, d'être la mère du Christ,
Dieu n'avait rien accordé à Marie qui
l'élevât miraculeusement au-dessus de
sa nation. Pourquoi cela? Pourquoi ne pas lui
accorder au moins d'être la première
à comprendre ce qu'était son fils, la
première à recevoir l'Évangile
dans son coeur?
Une seule
explication est
possible :
Dieu a voulu que
rien ne
risquât de combler, aux yeux des hommes, la
distance infinie qui devait rester entre
Jésus et sa mère selon la chair. Mais
ce que Dieu voulait, Rome ne l'a pas voulu. On a
refait l'histoire de Marie; on l'a refaite en
opposition directe avec la lettre et l'esprit des
Évangiles,- et on crie anathème
à qui la ramène au vrai.
Versets 41
et suiv. -
Jésus à douze ans. Voyage à
Jérusalem. Joseph et Marie retrouvent
Jésus dans le temple.
114. Verset
49. Et il
leur dit; Pourquoi me cherchiez-vous? Ne
saviez-vous pas qu'il me faut être aux
affaires de mon Père?
Ces mots, que la mère
de Jésus, nous dit saint Luc, ne comprit pas
(voir la note
ci-dessus), appellent encore une
remarque.
Est-ce ainsi
qu'aurait
répondu Jésus si ces « affaires
» de Dieu avaient dû être, en
quelque degré, celles de Marie, et s'il
avait voulu qu'elle fût
considérée comme ayant une part
quelconque dans son oeuvre?
Cherchez,
d'ailleurs,
s'il parla jamais autrement, et si, dans aucune
circonstance, il a paru s'associer sa mère,
ni pour le présent, ni pour l'avenir, ni
comme sauvant les hommes, ni comme contribuant
à les sauver, ni comme intercédant
pour eux.
115. Verset
51. il
retourna ensuite avec eux à Nazareth, et il
leur était soumis.
Il n'est pas
d'absurdité qu'on n'ait dite à propos
de ces derniers mots. Marie a été
représentée conservant sur son divin
fils, dans le ciel, toute l'autorité qu'une
mère peut avoir eue sur un fils de douze ans
; c'est même un des arguments populaires le
plus ordinairement donnés en faveur du culte
de Marie . Jésus ne petit rien lui refuser ;
que Marie soit pour vous, et vous êtes
sûr de lui.
A cette idée se
joint tout naturellement celle de l'extrême
indulgence de Marie, incapable, dit-on, de rien
refuser à qui l'invoque, et voilà
Marie arrachant au Christ, en vertu de
l'autorité maternelle, des faveurs et des
pardons qu'on avoue qu'il n'aurait jamais
accordés.
Ce dernier point
occupe
une grande place dans la piété
catholique. Si ce n'est pas doctrine officielle,
c'est, du moins, une des idées que le
clergé reproduit le plus souvent, sous le
plus de formes, et elle est devenue, en
conséquence, dans les pays à
catholicisme complet, une grande et profonde cause
d'affaissement moral. Là, le juge
suprême, en réalité, c'est
Marie, Marie telle que la font ceux qui ont besoin
d'elle, une femme qui se laisse gagner au moindre
hommage, qui excuse tout, pardonne tout, et qui
sauve infailliblement quiconque aura en recours
à elle.
Si le bon sens et la
conscience de la foule ne redressaient un peu ce
que la chaire catholique ose enseigner
là-dessus, on ne voit pas ce qui resterait
encore, dans ces pays, non seulement de la morale
chrétienne, mais de la morale humaine et de
ses plus simples lois.
Prédication de Jean-Baptiste. Se repentir; ne pas se tranquilliser en disant: . Nous avons Abraham pour père » (note 4). Le blé au grenier et la paille au feu (note 5). Baptême de Jésus-Christ. Sa généalogie. Saint Luc donne les ancêtres de Marie, et saint Matthieu ceux de Joseph. Le père de Marie s'appelait donc Héli, non Joachim , comme le prétend la tradition de l'Église romaine. Sa mère, selon cette même tradition, s'appelait Anne. On ignore où ce nom a été pris.
Tentation de Jésus-Christ (notes 6 et 7). Jésus dans la synagogue de Nazareth.
116. Verset
17. On lui
présenta le livre du prophète
Esaïe, et, l'ayant ouvert...
Il n'y avait, pour toute
la
Judée, qu'un temple, celui de
Jérusalem; les sacrifices ne pouvaient avoir
lieu que là. Mais chaque ville avait une ou
plusieurs synagogues, ou lieux d'assemblée;
c'est là que se célébrait le
culte ordinaire, dans lequel la lecture et la
méditation des Livres Saints occupaient une
grande place.
Remarquez que
Jésus n'était point prêtre, et
que cependant c'est lui, dans cette synagogue,
qu'on invite à lire
l'Écriture.
Ainsi, dans cette
religion si sévèrement
organisée, à côté de ce
vaste corps sacerdotal auquel appartenait
exclusivement le droit de présider aux
cérémonies du temple, les Livres
Saints étaient restés la
propriété de tout le
monde.
Lire, étudier
l'Écriture, c'était le droit et le
devoir de tous.
Ce qui était un
droit sous la loi des cérémonies,
serait donc défendu sous l'Évangile?
Ce qui était un devoir sous la
hiérarchie juive , serait un attentat sous
le ministère chrétien ? -
Ce rapprochement
seul en
dit plus que tous les arguments.
Versets 18
et suiv. -
Jésus lit un passage et se l'applique. On
l'écoute d'abord avec - admiration, puis on
s'indigne. Guérison d'un démoniaque
et de la belle-mère de Pierre (note
21).
Autres guérisons.
Pêche miraculeuse. Vocation de Pierre (note 8). Guérison d'un paralytique (note 22). Vocation de Matthieu. On se scandalise de ce que Jésus mange avec des publicains.
117. Verset
55. Alors
ils lui dirent: Pourquoi les disciples de Jean
jeûnent-ils souvent et font-ils des
prières, comme ceux des pharisiens, tandis
que les tiens mangent et boivent?
Cela ne veut pas dire,
évidemment, que les apôtres ne
priaient pas. Mais autre chose est de prier on de
faire des prières, c'est-à-dire de
changer la prière en une pratique, de prier
selon certaines règles plus ou moins
mécaniques, de répéter la
même prière (note
13)
un nombre de fois. déterminé, etc.
Saint Paul dit bien (1 Tim. 11, 1) :
«Je recommande qu'il
se fasse des prières pour tous les hommes ;
» mais il est clair que l'apôtre ne
parle pas là de formes, et ne veut que
recommander qu'on prie. Quand les Juifs, au
contraire, demandent à Jésus pourquoi
les disciples de Jean font des prières et
non les siens, ils parlent de prières
formalistes, régulières, analogues
à celles des pharisiens , disent-ils.
Jean-Baptiste n'était que le
précurseur du Messie; il n'avait pas mission
de rien changer, et il s'était
contenté, dans le cas en question, de
spiritualiser les vieilles formes en exigeant (voir
chap. III, 3) la contrition du coeur.
Mais Jésus va
aller plus loin ; il rangera les prières
formalistes (voir aux versets 36-38) parmi les
choses qu'il figure sous l'image d'un vieil habit
ne pouvant porter un morceau neuf, d'un vieux vase
que le vin nouveau romprait. Cette dernière
image est particulièrement frappante; elle
nous montre à quel point Jésus
regardait le christianisme comme ne pouvant
s'emprisonner dans rien qui ressemblât au
formalisme judaïque. Et c'est ce formalisme
qui allait renaître dans l'Église,
plus développé, plus matériel
qu'il ne l'avait jamais été chez les
Juifs !
Faire des prières
n'est donc pas, dans le sens que nous venons
d'indiquer, une expression chrétienne.
L'Église romaine a été
conduite à s'en servir; ayant la chose, elle
n'a pas pu ne pas adopter le mot. Qu'elle ne
prétende au moins pas le mettre dans la
bouche des écrivains sacrés ; la
version de Sacy, entre autres, le met plusieurs
fois là où le grec dit prier.
Jésus, sur la montagne de la transfiguration
(Luc IX, 29.), fait sa prière; Jésus,
à Gethsémané (Luc XXII, 41),
fait sa prière. Tout cela est contraire et
à la lettre et surtout à l'esprit du
texte.
Les épis cueillis. Guérison de l'homme à la main sèche. Le sabbat. Liste des apôtres (note 24). Foule autour de Jésus.
118. Verset
20. Alors,
levant les yeux vers ses disciples, il dit:
Bienheureux êtes-vous, pauvres, parce que le
royaume de Dieu est à vous.
Le royaume de Dieu n'est
point aux pauvres en ce sens que la pauvreté
, par elle-même , leur en donne
l'entrée ; le pauvre n'est pas plus
sauvé comme pauvre que le riche n'est
condamné comme riche.
Mais le riche est
plus
exposé , soit à oublier le ciel, soit
à se le fermer par les péchés
que le bien-être amène; le pauvre ne
connaît pas ces
péchés-là, et, si la
pauvreté l'expose à en commettre
d'autres, au moins le ramène-t-elle sans
cesse à la pensée d'un monde
meilleur. Voilà en quoi les pauvres, selon
la parole de Jésus, sont bienheureux; tout
ce qu'on a dit au delà est dangereux et
faux. - Voir note
98.
Versets 21
et suiv. -
Autres béatitudes. Les riches (note
118). Ai mer ses
ennemis; faire du bien à tous. La pale et la
poutre. Les paroles de Jésus-Christ sont le
seul fondement solide (note
20).
Le serviteur du centenier. Le fils de la veuve de Nain. Jean envoie ses disciples Vers Jésus. Jésus rend témoignage de lui. Folie de ceux qui n'écoutent ni Jean ni le Christ. Jésus chez un pharisien. Une femme répand du parfum sur ses pieds. Parabole des deux débiteurs. Tes péchés te sont remis.
119. Verset
49. Et
ceux qui étaient à table avec lui se
mirent à dire entre eux : Qui est celui-ci,
qui remet même les
péchés?
A.
Toujours cet étonnement des
Juifs (note
22);
pardonner les péchés leur paraissait
quelque chose de plus grand que les plus grands
miracles. Ils comprenaient que Dieu donnât
à un homme de guérir les malades ;
ils ne comprenaient pas que Dieu pût
céder à un homme le droit de remettre
les péchés. Pourquoi?
Parce que ce droit
suppose le pouvoir de lire dans les coeurs, pouvoir
essentiellement divin.
Jésus l'avait, ce
pouvoir, et c'est pour cela que, chez lui, le droit
de remettre les péchés était
chose aussi naturelle que d'opérer un
miracle quelconque; mais s'attribuer le droit de
remettre les péchés, et ne pas
pouvoir s'attribuer la faculté de lire dans
les coeurs,- c'est une contradiction.
B. Mais qu'est-ce
qui n'est pas
contradiction dans cette affaire?
Je t'absous, me dit
le
prêtre. - Cette déclaration est-elle
absolue ou conditionnelle?
Si elle est
absolue,- le
plus coupable et le plus impénitent des
hommes, une fois ces mots prononcés sur lui,
va droit au ciel
Si elle est
conditionnelle, si Dieu ne la confirme que dans les
cas où le pécheur sera dans les
conditions normales du pardon,- qu'est-ce, alors,
que ce droit d'absoudre? Quel pouvoir le confesseur
a-t-il réellement exercé là
?
Il ne m'a point
absous;
Il m'a simplement affirmé que Dieu
m'absoudra si Dieu me voit dans les conditions
voulues. Tout le monde peut m'en dire
autant.
Dans ce dernier cas,
par
conséquent, le prêtre n'est qu'un
conseiller ; il vous a donné des directions
sur les moyens d'être absous , mais il ne
vous absout point. Si donc on tient à lui
laisser quelque chose et à le supposer
exerçant une autorité
réelle,-- force est d'en revenir à la
première alternative, c'est-à-dire de
lui laisser trop, beaucoup trop,
énormément trop ; force est
d'admettre qu'une fois absous au confessionnal, le
plus scélérat des hommes est absous
dans le ciel.
Si le, pouvoir du
prêtre ne va pas jusque-là, si
l'absolution est conditionnelle, l'absolution ne
garantit rien, ne donne rien, n'est rien.
C.
Mais elle a beau n'être rien
devant le bon sens et l'Évangile ; elle sera
malheureusement toujours beaucoup aux yeux de qui
veut y croire et a besoin d'y croire.
Toujours le
pécheur sera heureux qu'on lui offre un
moyen prompt et facile de se débarrasser de
ses péchés, de pécher à
nouveau sans s'inquiéter de
l'arriéré il se gardera bien de
contester au confesseur un pouvoir dont il serait
si fâché que le confesseur
n'usât pas. Aussi, dans les pays
véritablement catholiques, aucune borne
à la confiance qu'ont les gens en ce
prétendu pouvoir. Les moins croyants y
croient; on y croit même d'autant mieux qu'on
est plus loin d'avoir assez de foi pour
s'élever à la repentance
véritable, et, réciproquement, plus
on y croit, moins on songe à se repentir,
à s'amender, à rentrer en grâce
auprès de Dieu par le chemin tracé
dans l'Evangile.
120 .
Verset 50. Et
Jésus dit à la femme Ta foi t'a
sauvée; va en paix.
Nous avons vu (note
43)
la foi posée comme seule condition de
l'exaucement des prières; la voici comme
seule condition du pardon, du salut.
La foi de cette
femme
s'est traduite en actes visibles; mais ces actes
n'ont eu d'autre valeur que celle que leur donnait
la foi, et c'est pour cela que Jésus
déclare accorder à la foi seule le
pardon qu'il vient de prononcer.
Le parfum qu'elle a
versé sur ses pieds aurait pu n'être
que le vain luxe d'une piété
prétentieuse; il aurait aussi pu se faire
qu'elle s'imaginât payer son pardon par cette
offrande. Jésus loue donc en elle le
principe, non les effets visibles, qui, en soi, ne
prouveraient rien. Ta foi t'a sauvée, lui
dit-il ; et ce mot est une leçon pour tous
les siècles.
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