Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ÉVANGILE SELON SAINT MATTHIEU

CHAPITRE VI

Jésus défend d'étaler ses bonnes oeuvres; que la main gauche ignore ce que fait la droite.


12. Verset 5. De même, quand vous priez, ne faites pas comme les hypocrites, qui aiment à prier debout dans les synagogues et au coin des rues, pour être vus des hommes.

Une Église a donc tort quand elle multiplie ces manifestations extérieures qui peuvent toujours devenir hypocrisie ou formalisme. Ainsi, dans la piété individuelle, point de formes apparentes : « Entrez dans votre cabinet, dit Jésus au verset suivant, et fermez-en la porte.» Dans la piété publique, point d'autres formes que ce qui sera nécessaire pour constituer un culte en commun. C'est ce qui eut lieu dans la primitive Église.


13. Verset 7. Quand vous priez, n'usez pas de redites, comme font les païens, qui s'imaginent que c'est par la multitude des paroles qu'ils seront exaucés.

Que penserez-vous, après cela, de ceux qui répètent dix fois, vingt fois, cent fois la même prière? Que penserez-vous du chapelet, héritage de ces païens auxquels Jésus nous défend ici de ressembler ?

Quand nous ne lirions pas cette défense, le bon sens dirait encore assez que ces prières répétées deviennent nécessairement machinales, et ne peuvent plus, par conséquent, ni plaire à Dieu, ni opérer en nous une sanctification réelle.

Les versions catholiques adoucissent ce passage, condamnation trop claire des redites romaines.La Vulgate met : «Gardez-vous, en priant, de parler beaucoup.» (Orantes, nolite multum loqui.) - Falsification incontestable, car le mot grec n'a jamais eu d'autre sens que répéter, redire, et se prend toujours en mauvaise part.



14. Versets 9 et suiv, Vous donc, priez ainsi: Notre Père qui est aux cieux... etc.

A. L'Oraison Dominicale doit être considérée plutôt comme un modèle de prière que comme une formule; Jésus, après ce qui précède, ne peut pas avoir voulu dire qu'il fallait s'en tenir à réciter ces quelques mots, ni, surtout, qu'il fallait les réciter plusieurs fois de suite.
N'est-il pas singulier qu'une prière dont on a tant abusé, dans l'Église romaine, en répétitions machinales, soit précisément celle que Jésus nous indique au moment où il vient de condamner ces répétitions?

Le chrétien doit tendre à pouvoir prier sans formules ; il peut s'en aider quelquefois, mais pour arriver à s'en passer. Qu'il redise tous les jours l'Oraison Dominicale, mais pour en prendre l'esprit , et pour la développer , dans son coeur, selon ses besoins du moment.

B. Quant aux redites imposées, dans la confession , comme pénitences, elles ne sont pas condamnables seulement comme redites , mais comme faussant la notion même de la prière chrétienne.

Partout, en effet, dans l'Écriture, la prière nous est représentée comme un privilège et un bonheur; si elle devient une pénitence, elle n'est plus ni l'un ni l'autre. Ajoutez que, dans ce cas, le fidèle est encore plus inévitablement conduit à attribuer aux redites une valeur, une vertu. Chaque Pater, chaque Ave est comme une pièce de monnaie concourant à former la somme requise pour racheter telle ou telle faute ; chaque ligne, chaque mot a sa valeur, dont Dieu tient compte, et on se croira consciencieux si on ajoute un ou deux Pater sur le tout pour être sûr que la somme y est bien.


15. Verset 16. Et quand vous jeûnez, ne prenez pas un air triste, comme font les hypocrites, qui affectent de se montrer avec un visage abattu, afin qu'on voie qu'ils jeûnent.

Mêmes remarques que sur la prière (note 12). Tout ce qui n'est pas culte public doit rester entre l'homme et Dieu. Les formes extérieures de la contrition du coeur ne sont pas toujours de l'hypocrisie, sans doute, mais risquent toujours de l'être ; elles risquent toujours aussi de tromper ceux qui en usent.
Parce qu'on a les formes, on croit avoir le fond , et on ne songe plus à se demander si on l'a.

Jésus ne condamne pas le jeûne en soi ; mais il y a loin de là au système romain des abstinences, sur lequel nous aurons à revenir.


16. Versets 19, 21 et 55. Ne vous amassez pas des trésors sur la terre... car où est votre trésor, là aussi sera votre coeur... Cherchez avant tout le royaume de Dieu et sa justice...

L'histoire ne nous fournirait que trop de quoi tourner tout cela contre l'Église romaine.
Elle a acquis, partout où elle l'a pu, des richesses immenses; elle a souvent cherché bien moins « le royaume de Dieu et sa justice» que le maintien et l'accroissement sans fin de ses privilèges terrestres ; elle a dormi, durant plus (le mille ans, dans toutes les corruptions de l'opulence, et, telle elle était au seizième siècle, telle elle est encore, ou à peu près , dans les pays où son opulence a subsisté.

Quant au rôle de l'argent dans l'Église romaine , comme prix des indulgences, des messes, des dispensés , etc. , nous en parlerons ailleurs.


CHAPITRE VII

Fin du discours sur la montagne. - La paille et la poutre. La prière. Demandez et vous recevrez.


17. Verset 8. Car quiconque demande, reçoit...

A. Jésus semble promettre que toute prière sera exaucée, et il est évident que ce n'est pas là ce qu'il veut dire.
Notez donc ceci comme exemple de promesses que le bon sens et l'expérience ne permettent pas de prendre à la lettre. Cette observation nous sera utile plus tard (note 86).

B. Au milieu de tous ces conseils sur la prière, remarquez bien qu'il n'est rien dit de l'invocation des saints , et vous allez voir que Jésus-Christ n'en parle pas plus ailleurs qu'ici.
Jamais il ne vous parlera que d'invoquer Dieu , Dieu seul ; il vous indiquera un seul intercesseur, un seul avocat auprès de Dieu , et, cet avocat, ce sera lui-même. Les apôtres, dans leurs épîtres, ne vous diront rien d'autre ni rien de plus.


18. Verset 13. Entrez par la porte étroite...

Est-ce une porte étroite que celle qu'on ouvre aux fidèles, dans l'Église romaine, avec ces mille moyens d'arriver au ciel a bon marché?

Les indulgences sont de plus en plus prodiguées; on peut en faire, presque pour rien, des provisions énormes. L'absolution se donne à qui la veut, et aussi souvent qu'on veut.

Beaucoup de congrégations sont des espèces de sociétés d'assurance, qui, pour une prime modique, vous garantissent contre les chances de damnation.

L'Église romaine sait faire, au nom du ciel, de terribles menaces ; mais elle ne les fait que pour qu'on recoure à elle, et, du moment que vous vous mettez entre ses mains, toute sévérité s'évanouit : la porte est ouverte à deux battants.



19. Versets 22 et 25. Plusieurs me diront, en ce jour-là : Seigneur, Seigneur, n'avons nous pas prophétisé en ton nom? N'avons-nous pas chassé les démons en ton nom, et n'avons-nous pas fait plusieurs miracles en ton nom? Alors je leur dirai ouvertement: Je ne vous ai jamais connus. Retirez-vous dé moi, vous qui faites des oeuvres d'iniquité.

Que sera-ce donc si, au nombre de ces «oeuvres d'iniquité, » se trouvent de faux miracles, fabriqués pour tromper les peuples?
Même de vrais miracles, vous dit Jésus, ne prouveraient pas nécessairement la sainteté de ceux qui auraient reçu le don d'en faire. Mais l'Église romaine l'a-t-elle reçu, ce don? Qui est-ce qui croit, parmi ses chefs, à ces grossiers mensonges de Rimini et de la Sallette?
Et cependant ils font tout pour qu'on y croie ; et le pape laisse faire, prêt à en décréter l'authenticité un jour (01), comme il a décrété, lui ou ses prédécesseurs, celle de tant d'autres légendes. Reconnaissez l'arbre à ses fruits.. Une Église qui aurait ses racines dans le vrai aurait horreur de semblables moyens.

Versets 24 et suiv. - Écouter Jésus-Christ, mettre ses paroles en pratique, c'est bâtir sur le roc.


20. Verset 26. Mais quiconque entend mes paroles, et ne les met pas en pratique, est semblable à un homme insensé qui a bâti sa maison sur le sable.

Bâtissez donc votre christianisme sur les paroles de Jésus-Christ, seul rocher ; tout le reste est sable. Les traditions qui ne se justifient pas par l'Écriture, c'est du sable; l'autorité d'une Église qui se croit quelque chose indépendamment de l'Écriture, c'est du sable.

Lire les Évangiles, c'est revivre dix-huit siècles en arrière; c'est entendre, comme les hommes d'alors, la voix de Jésus-Christ. Mais, comme alors, chaque parole entendue crée pour nous un devoir, celui de la « mettre en pratique. » Quand donc une de ces paroles vous amène à reconnaître la fausseté de quelque enseignement dont on vous avait nourri, - le seul moyen de la « mettre en pratique». et de ne pas imiter cet « insensé » dont parlait Jésus-Christ, c'est de rejeter franchement l'idée fausse, d'embrasser franchement la vraie , de quitter courageusement le sable pour le rocher.


CHAPITRE VIII

Guérison d'un lépreux et du serviteur d'un centenier.


21. Verset 14. Jésus entra ensuite dans la maison de Pierre, dont la belle-mère était au lit, et avait la fièvre.

La belle-mère de Pierre. Pierre était donc marié.
L'Église romaine a fait des saints et des saintes de tous les personnages du Nouveau Testament, y compris le père et la mère de Marie , dont les Évangélistes ne disent pas un mot ; mais, la femme de saint Pierre, on se garde bien d'en parler.

Saint Paul nous la montre pourtant (I Cor. IX, 5) accompagnant Pierre dans ses voyages; ce seul fait, en tout autre cas, aurait suffi pour qu'on lui donnât la première place parmi les femmes de l'âge apostolique. Mais le fait, comme la personne, a été laissé dans l'ombre,- et l'Église romaine anathématise ceux qui , en abolissant le célibat ecclésiastique , n'ont fait que rétablir ce qui fut permis aux apôtres, ce que les apôtres permirent aux pasteurs de la primitive Église, ce qui ne fut interdit que bien longtemps après.

Versets 46 et suiv. - Guérisons diverses. Jésus marchant sur les eaux. Guérison de deux possédés.


CHAPITRE IX

On apporte un paralytique à Jésus. Jésus lui dit : « Tes péchés te sont pardonnés. à Ces paroles scandalisent les Juifs. « Lequel est le plus aisé, répond Jésus, ou de dire à cet homme : Tes péchés te sont pardonnés, ou de lui dire : Lève-toi, et marche ?


22. Verset 6. Or, afin que vous sachiez que le Fils de l'homme a, sur la terre, le pouvoir de remettre les péchés : Lève-toi, dit-il alors au paralytique, emporte ton lit, et va-t-en dans ta maison.

Les Juifs, croyant Jésus un simple homme et l'entendant remettre les péchés, l'accusent de blasphémer; le droit de pardonner les péchés n'appartient qu'à Dieu, pensent-ils, et ils ont raison.

Comment Jésus leur prouve-t-il que ce droit est entre ses mains? Par la guérison du paralytique. Forcés de croire an miracle visible , ils pourront croire , alors , au miracle intérieur.- Quand votre confesseur vous offrira des preuves de ce genre, alors vous pourrez croire aux absolutions qu'il prononce.

Versets 9 et suiv. - Vocation de Matthieu. Les pharisiens se scandalisent de voir Jésus avec des publicains. Instruction donnée aux disciples de Jean-Baptiste. Guérison d'une femme. Résurrection de la fille de Jaïrus. Autres guérisons.


23. Verset 56. Et voyant tout ce peuple, il fut ému de compassion envers eux, de ce qu'ils étaient misérables et errants comme des brebis qui n'ont point de berger.

L'organisation visible de l'Église juive était cependant encore intacte; l'autorité hiérarchique de ses chefs et de ses docteurs était incontestable, incontestée. Une Église peut donc avoir tout cela , et n'être plus, devant Dieu, ni vivante, ni sainte.

Ainsi, quand la hiérarchie romaine pourrait, comme la hiérarchie juive, se dire établie de Dieu, et quand la succession apostolique résiderait incontestablement chez elle, elle pourrait encore n'avoir que la forme sans le fond, ne posséder que l'autorité légale et nullement la vérité.


CHAPITRE X


24. Verset 2. Voici les noms des douze apôtres. Le premier, Simon, qui est appelé Pierre...

Le premier. Le grec met Premier, sans article ; c'est donc moins un titre donné qu'un mot ouvrant simplement la liste, et synonyme de Premièrement. Marc (III, 16) et Lue (VI, 14) donnent la liste et omettent ce mot. Jean ne la donne pas.
Reste donc pourtant que Matthieu, Marc et Luc, donnant la liste des apôtres , mettent saint Pierre en tête. Quelle est la portée de ce fait?
Nous aurons souvent à revenir sur tout ce qui tient à saint Pierre. Contentons-nous, ici, d'une observation générale.

La primauté de rôle et la primauté d'autorité , d'autorité légale et officielle, peuvent être et sont en effet souvent deux choses très différentes.

La première n'implique point nécessairement la seconde, pas plus que la seconde ne produit nécessairement la première. Vous pouvez, avec une grande autorité officielle, ne jouer qu'un petit rôle; vous pouvez jouer un grand rôle, et n'être, officiellement, rien de plus que ceux qui vous entourent.

Pierre a-t-il eu la primauté de rôle? - Sur ce point déjà, nous le verrons, il y aurait bien des distinctions à faire. Si cette primauté est, dans certains cas, incontestable, elle s'efface dans beaucoup d'autres; si elle est plus saillante pendant la vie de Jésus-Christ et immédiatement après, elle disparaît ensuite, c'est-à-dire au moment où les progrès du christianisme et la multiplication des Églises auraient dû, au contraire , la mettre plus en vue. Saint Pierre s'efface devant saint Paul, non pas à demi, mais totalement.

Mais restons, si on veut, dans la période où saint Pierre a la primauté de rôle. Cette primauté, telle qu'il l'exerce, suppose-t-elle la primauté de rang?- Toute la question est là. Si nous montrons qu'il n'a rien fait ni rien dit qui ne rentre dans la primauté de rôle, qui ne s'explique par son zèle, par son caractère ardent, par le relief que lui donnèrent certaines circonstances, par sa chute éclatante, par le besoin de la réparer, par l'ascendant que cette chute même, une fois réparée, donnait à sa prédication, si, dis-je, nous montrons cela, la primauté d'autorité n'est déjà plus qu'une supposition que rien ne nécessite.

Alors, s'il se trouve des cas où cette primauté devrait apparaître clairement, et cependant n'apparaît point; si saint Pierre, après avoir été le premier dans certains cas où il n'y avait pas lieu à exercer une autorité officielle, se trouve ne plus l'être dans des cas où le chef de l'Église l'aurait été naturellement, nécessairement, alors, dis-je, la supposition ci-dessus n'est pas seulement inutile, mais sans fondement, mais fausse.
Voilà notre route tracée, et les faits viendront s'y placer d'eux-mêmes.

Versets 5 et suiv. instructions diverses données aux apôtres. Qu'ils prêchent, guérissent, etc.


25. Verset 8. Vous avez reçu gratuitement donnez gratuitement.

L'Église romaine a-t-elle obéi à ce précepte? Il est vrai que Jésus, au verset 10, ajoute que «l'ouvrier mérite sa nourriture; » mais il y a loin de là à ces tarifs où toutes les choses saintes sont cotées, et l'Église romaine a été blâmée, sur ce point, par beaucoup de ses meilleurs amis.

Versets 11 et suiv.- Quand les apôtres entreront dans une maison, qu'ils disent: La paix soit sur cette maison. »


26. Verset 15. si cette maison en est digne, que votre paix vienne sur elle ; mais si elle n'en est pas digne, que votre paix retourne à vous.

Il est donc nécessaire, pour recevoir une grâce, d'en être digne, autant, du moins, que l'homme peut l'être, c'est-à-dire par de saints désirs, par des efforts pour la recevoir dans un coeur pur.

Que penserez-vous , en conséquence , de la valeur qu'on attribue, dans l'Église romaine, aux bénédictions cérémonielles?
Que penserez-vous de ces objets auxquels on attache l'idée de bénédiction , médailles, chapelets bénits , Agnus-Dei , etc. ?

Ne sont-ce pas autant d'encouragements à ne pas s'inquiéter de ce qu'on est, de ce qu'on vaut, et à s'en remettre aux vertus magiques d'un objet qu'on aura dans sa poche ou à son cou?
Jésus vous enseigne, au contraire , que la bénédiction d'un apôtre même, en personne, ne donne rien à qui n'en est pas digne.

Versets 16 et suiv. - Les apôtres seront persécutés. On les traînera devant les magistrats et devant les rois.


27. Versets 19 et 20. Mais quand on vous livrera entre leurs mains, ne soyez point en peine de ce que vous direz, ni comment vous parlerez, car ce que vous aurez à dire vous sera donné à l'heure même, ce n'est pas vous qui parlerez, mais c'est l'Esprit de votre Père qui parlera en vous.

Donné à l'heure même. Voilà l'inspiration; voilà l'infaillibilité.
Pour que les papes et les conciles pussent se dire infaillibles, il faudrait, au moins, qu'on ne vît pas les longs tâtonnements dont leurs décisions sont précédées. Le concile de Trente, sur certaines questions, a délibéré des mois entiers. S'il a fallu des mois pour se mettre d'accord sur un décret, qui vous garantira qu'une délibération plus longue encore n'eût pas amené un décret plus ou moins différent ?

L'histoire nous dit, d'ailleurs, à quoi s'employaient ces longs mois, et de quelles intrigues sortaient ces décisions qu'on a imposées à l'Église comme émanant du Saint-Esprit (02).


28. Verset 28. Ne craignez point ceux qui tuent le corps, et ne peuvent tuer l'âme.

C'est ce qu'on a pu dire également à tous ceux qui montaient sur les échafauds et les bûchers de l'Église romaine. Une religion qui persécute ne s'écarte pas seulement de l'esprit du christianisme ; le simple bon sens dit assez qu'il y a folie à vouloir régner sur les âmes autrement que par la persuasion.

N'objectez pas que d'autres Églises ont persécuté aussi. De qui avaient-elles appris, ces Églises, à persécuter? Qui avait établi, comme un principe incontestable, qu'on peut, qu'on doit appeler la force au secours de ce qu'on regarde comme la vérité ?

Rome avait fait, durant mille ans, l'éducation du monde ; une éducation de mille ans ne s'oublie pas en un jour. Si des protestants ont persécuté, cela ne prouve qu'une chose: c'est qu'ils étaient encore, sur ce point, catholiques.


29. Versets 54, 55 et 57. Ne pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l'épée. Car je suis venu mettre la division entre le fils et le père, entre la fille et la mère... Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi, n'est pas digne de moi.

Quelle est la paix que Jésus-Christ déclare n'être pas venu apporter?
Ce ne peut être qu'une paix fausse et coupable, celle qui nuirait à l'avancement de son règne, celle que nous achèterions en dissimulant nos convictions, en pratiquant un culte que notre coeur condamnerait, en restant membres d'une Église qui ne nous paraîtrait plus l'organe de la vérité.

Jésus-Christ ne dit pas, comme l'Église romaine, qu'on doit rester dans la religion de ses pères, car ç'eût été dire aux Juifs de rester Juifs, aux païens de rester païens; il dit que nous devons l'aimer, lui, plus que notre père, plus que notre mère, et qu'est-ce que lui, sinon la vérité?

Ainsi,là où nous voyons la vérité, nous devons y aller; là où nous voyons l'erreur, nous ne devons pas y rester. Le chrétien n'oubliera jamais ce qu'on doit à un père, à une mère; il aura pour eux et pour leurs idées tout le respect compatible avec les droits souverains de l'Évangile ; mais , quand il lui faudra définitivement choisir entre l'Évangile et eux, il n'hésitera pas.

N'est-ce pas ce que l'Église romaine loue elle-même chez un grand nombre de convertis et de martyrs des premiers siècles? Ce courage qu'ils ont eu de se séparer de leur famille et de leurs concitoyens, n'y voit-elle pas une preuve de leur foi, de leur sainteté? Rien donc dans une semblable démarche, quand la conscience l'ordonne, qui ne soit bon et honorable devant Dieu et devant les hommes. Si elle vous est pénible, douloureuse, raison de plus pour croire que Dieu vous y appelle, car c'est le propre du chrétien d'avoir une croix à porter. Voyez au verset 38. « Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas, n'est pas digne de moi. »


CHAPITRE XI

Jean-Baptiste envoie ses disciples vers Jésus. Jésus rend témoignage de lui. Folie de ceux qui n'écoutent ni Jean ni le Christ.


30. Verset 25. Alors Jésus dit : Je te bénis, ô Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux savants, et les as révélées aux enfants.

L'Évangile est donc abordable aux simples, aux ignorants, aux petits ; le fût-il moins, ce ne serait pas une raison pour qu'une Église eût le droit de leur en défendre l'étude, et de leur imposer ce qu'ils devront croire. Or, ce n'est pas aux ignorants seulement, mais à tous, que l'Église romaine défend de puiser eux-mêmes aux sources de la foi ; tous, selon elle, doivent recevoir leur foi d'elle seule.

Quand donc elle cherchera à vous effrayer sur votre impuissance, rassurez-vous par ces paroles du Maître, et, qui que vous soyez , abordez avec confiance l'étude de ces vérités saintes que Jésus remerciait Dieu d'avoir « révélées aux enfants » L'Église romaine ne craint point que vous ne les compreniez pas ; elle craint seulement que vous ne vous aperceviez des changements qu'elles ont subis chez elle.



31. Verset 28. Venez à moi., vous tous qui êtes travaillés et chargés, et je vous soulagerai.

Venez à moi. C'est à lui, à lui seul qu'il appelle ceux qui souffrent; c'est à lui, à lui seul, que tout le Nouveau Testament nous dit d'aller, si nous voulons être soulagés, soit du poids de nos afflictions terrestres , soit du poids de nos péchés.

Vous ne trouverez pas un seul passage où il soit fait mention de qui que ce soit d'autre à invoquer dans nos détresses ; pas un seul passage, en particulier, où ce rôle divin qu'il s'attribue soit attribué à sa mère.

Quand il vous dit : « Venez à moi et je vous soulagerai, » que vous faut-il de plus ? Si un roi vous disait cela, auriez-vous l'idée, ensuite, de ne pas aller droit à lui, de le faire prier par d'autres, par ses ministres, par sa mère? Ne sentiriez-vous pas que vous allez avoir l'air de douter de sa promesse ? Ne craindriez-vous pas que sa première parole, quand vous paraîtrez devant lui, ne fut pour vous demander si vous en avez douté? Quand ce roi vous aurait offert sa protection froidement, sèchement, on comprendrait que vous eussiez quelque embarras à la réclamer ensuite ; mais ici, est-ce le cas?

Les offres que l'Église romaine suppose faites par la Vierge pourraient-elles être plus tendres, plus pressantes, que celles que vous avez là, comme dans cent autres passages, écrites, certaines , positivement sorties de la bouche de Jésus-Christ? Encore une fois, qu'avez-vous besoin d'autre chose ou de quelqu'un d'autre?


CHAPITRE XII

Épis cueillis et homme guéri un jour de sabbat. Instructions à cette occasion. Guérison d'un démoniaque aveugle et muet. Jésus , accusé de ne faire des miracles que par la puissance de Satan , montre que c'est là un blasphème contre le Saint-Esprit, blasphème qui constitue le plus irrémissible des péchés.


32. Verset 52. Si quelqu'un a parlé contre le fils de l'homme, il pourra lui être pardonné mais celui qui aura parlé contre le Saint-Esprit, il ne lui sera pardonné ni dans ce siècle, ni dans le siècle à venir.

En quoi les pharisiens, que Jésus a ici en vue, ont-ils commis ce péché?
En refusant de reconnaître l'action du Saint-Esprit en dehors de leurs idées et de leur autorité. Ainsi pèche, par conséquent, toute Église qui se dit seule en possession de la grâce, seule en droit de la communiquer; ainsi pèche l'Église romaine quand elle prétend que, hors de son sein , il n'y a point de salut, comme si le salut n'était pas l'oeuvre de Dieu, et comme si l'oeuvre de Dieu ne pouvait pas s'opérer en toute âme d'homme.

Ce principe une fois posé, l'Église romaine est obligée ou de nier tout le bien qui se trouve en dehors d'elle, ou de le dénigrer comme ne venant que d'impures sources; la bonté des fruits pourrait faire croire à la bonté de l'arbre, et le seul arbre qui soit bon, selon elle, c'est elle-même. De là tant d'accusations, tant d'attaques contre les autres Églises ; de là tant d'efforts pour prouver qu'il n'y a, en dehors du catholicisme, ni foi, ni piété, ni charité, ni bonnes oeuvres.
Le croyez-vous?

Si vous le croyez, ouvrez les yeux, et vous serez vite détrompé ; si vous ne le croyez pas , reniez donc le principe intolérant qui vous condamnerait à être injuste et de mauvaise foi envers tout ce qui n'est pas de l'Église romaine.


33. Verset 32.-... ni dans le siècle à venir.

Il y a donc des péchés, ont dit les controversistes romains, qui ne sont pas comme celui-là, et qui pourront être pardonnés dans l'autre vie. Voilà le Purgatoire, ont-ils conclu.

Ce que nous pouvons conclure, nous, d'un raisonnement semblable, c'est qu'on doit n'avoir pas trouvé un seul passage où le Purgatoire parut véritablement enseigné, car il est clair que, si on en avait trouvé un seul , on n'irait pas chercher une si légère ombre de preuve.

L'ombre même n'y est pas , car Jésus ne dit point que ce péché ne sera pas expié, mais qu'il ne sera pas remis. Ajoutez que saint Marc, dans le passage parallèle, ne dit pas « ni dans le siècle à venir, » mais simplement «jamais; » saint Luc, plus simplement encore, dit que ce péché « ne sera pas remis. »

Cette déclaration ne peut donc signifier qu'une chose: que le péché contre le Saint-Esprit est le plus grave de tous; qu'il ne sera pardonné ni dans cette vie, ni au jour du jugement. Lisez quatre versets de plus, et vous verrez que c'est en effet à l'idée du jugement qu'aboutit le discours de Jésus-Christ.

Les pharisiens ont blasphémé contre le Saint-Esprit; les pharisiens seront infailliblement condamnés. Rien d'autre à tirer de ce passage.


34. Verset 46. Comme Jésus parlait encore à la foule, voici, sa mère et ses frères étaient dehors, voulant lui parler.

Ainsi, ou Marie avait eu d'autres enfants que Jésus-Christ, ou l'Évangéliste, du moins, n'a rien fait pour nous empêcher de le croire, et n'a mis, comme nous l'avons déjà dit (note 1), aucune importance à cette question.
Ces frères, nous dit-on , ce n'étaient que des cousins de Jésus, des neveux de Marie.

Que des cousins pussent être appelés familièrement et par amitié des frères, c'est très croyable ; mais que ce nom ait pu leur être donné, constamment donné, dans des récits purement historiques, calmes, raisonnés, détaillés, c'est inadmissible. Nous pourrons, à chaque fois, le montrer.
Ce mot, d'ailleurs , vous le verrez toujours à côté d'un autre, celui de mère, lequel est incontestablement dans son sens propre.

Où trouver, et dans les auteurs sacrés, et dans n'importe quel livre, une semblable association de deux mots, l'un , toujours pris dans son sens propre et direct, l'autre, toujours dans un sens détourné?

A la constante association des deux mots, joignez celle des personnes. Qu'est-ce que cette femme toujours et partout accompagnée de... neveux? Quand le mot neveux y serait, on s'étonnerait encore qu'un fait aussi étrange ne fût pas expliqué en quelque endroit ; ce mot n'y étant pas, à qui viendrait, dans quelque autre histoire que ce fût, l'idée qu'il ne s'agisse pas de fils, mais de neveux?

Enfin, redisons-le encore, quand l'Église romaine arriverait à découvrir une preuve du contraire , un fait subsistera toujours : c'est que l'idée de la virginité perpétuelle de Marie, qui occupe tant de place dans l'enseignement catholique, n'en prend aucune, absolument aucune, dans le Nouveau Testament.


35. Versets 48-50. Mais il répondit à celui qui lui avait dit cela: Qui est ma mère, et qui sont mes frères? Et étendant sa main vers ses disciples, il dit. Voici ma mère et mes frères, car quiconque fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est mon frère, et ma soeur, et ma mère.

Est-ce ainsi que Jésus aurait parlé de sa mère , s'il avait voulu que l'Église lui rendit plus tard un culte?
Impossible, au contraire, de nous dire plus nettement que, comme fils de Dieu, comme chef suprême de l'Église, il n'a plus ni frères, ni mère; que les seuls liens qui existent entre lui et qui que ce soit, ce sont les liens nouveaux et tout spirituels que la foi aura formés. Rien donc de plus opposé que ces paroles à la doctrine romaine d'une union mystique entre le Sauveur et sa mère.

Le Sauveur, en tant que Sauveur, ne connaît plus Marie. Comme Fils de Dieu, il n'a point de mère ; tout ce qu'il a fait ou fera en cette qualité, sa mère selon la chair ne peut y avoir aucune part. Voilà ce qui ressort de tout ce que les Évangélistes nous racontent de ses rapports avec sa mère. Dans les Épîtres, elle n'est pas même nommée, et ce complet silence prouve assez que l'Église primitive n'a pas entendu la chose autrement que nous.

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(01) Au fond, c'est déjà fait, car des grâces pontificales ont été accordées à des églises bâties sous l'invocation de Notre Dame de la Sallette. Le pape a donc, implicitement reconnu le miracle.
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(02) Voir notre Histoire du Concile de Trente.
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