Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ÉVANGILE SELON SAINT MATTHIEU

CHAPITRE XXVI

Les sacrificateurs tiennent conseil contre Jésus. Judas forme le projet de le livrer. Il ordonne de préparer le repas de la Pâque. Il se met à table avec ses disciples.


80. Verset 26. Or, pendant qu'ils mangeaient, Jésus prit du pain, et, ayant rendu grâces (01), le rompit et dit: Prenez, mangez; ceci est mon corps.

Comme nous aurons à revenir plusieurs fois sur la question que ces derniers mots soulèvent, nous ne placerons ici que quelques observations.
La transsubstantiation, nous dit-on, est un miracle. Qu'importe, dès lors, que nous ne la comprenions pas? Tout est possible à Dieu.

Oui; mais Dieu ne fait pas tout ce qui lui serait possible. La possibilité d'une chose ne prouve rien ; il faut toujours prouver encore que celui qui peut la faire veut la faire, et qu'elle a réellement lieu.
Allons plus loin. La possibilité, dans le présent cas, existe-t-elle ? Est-il vrai que tout soit possible à Dieu?
Non. Il y a des choses que Dieu ne pourrait vouloir sans cesser d'être raisonnable et sage , sans cesser d'être Dieu.

Peut-il vouloir, peut-il faire qu'une chose soit et ne soit pas ? Qu'un événement passé soit encore à venir ? Peut-il créer un carré qui soit rond, un cercle qui ne soit pas rond?
Or, entre ces impossibilités-là et celles qui abondent dans la doctrine de la transsubstantiation, nous défions qu'on établisse une différence réelle. Votre raison ne s'accommode pas mieux d'un corps présent en deux endroits que d'un carré qui ne serait pas carré, d'un cercle qui ne serait pas rond, d'un événement passé qui serait encore à venir.

L'invraisemblance n'eût jamais été plus énorme qu'au moment même de l'institution de la Cène; c'est Jésus, en chair et en os, Jésus, assis au milieu de ses apôtres, qui tiendrait, qui romprait, sous leurs yeux, son propre corps. Eux , cependant, toujours si lents à croire, si prompts à s'étonner, comment se fait-il, ici, qu'ils n'aient pas l'air d'avoir rien vu ni rien entendu qui les surprenne? Une seule explication est possible : c'est qu'ils ont compris figurément, spirituellement.

Celui qui vient de leur dire: « Ceci est mon corps, » c'est celui qu'ils ont entendu cent fois, mille fois, parler en figures; c'est celui qui leur a dit un jour : «Je suis le chemin ;» un autre jour : « Je suis le cep ; » un autre jour, parlant de sa mort et de sa résurrection: «Détruisez ce temple, et je le rebâtirai en trois jours.»

Quand Jésus ne les aurait pas habitués à l'entendre parler figurément, ils n'auraient encore aucune peine a apercevoir là une figure. Hébreux et Grecs n'employaient-ils pas constamment être dans le sens de représenter (02)? Jésus ne dira-t-il pas, l'instant d'après : « Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang (03)?» Voilà pourquoi leur raison ne s'offense point de lui entendre dire qu'un morceau de pain est son corps ; voilà où la vôtre doit chercher l'explication de ces mots.
La raison n'a rien à faire ici, dira-t-on.

Entendons-nous. Ce qui lui est seulement supérieur , il petit arriver, en effet, qu'elle n'ait rien à y voir ; ce qui lui est contraire, jamais vous ne lui ôterez le droit de le rejeter, car c'est un droit qu'elle garde forcément et qu'elle exerce malgré elle, comme l'oeil celui de voir et l'oreille celui d'entendre, aussi longtemps, du moins, que l'organe n'est pas détruit. La transsubstantiation n'est-elle que supérieure à la raison? Non. Que ceux qui y croient se demandent de quelle manière ils y croient, et ils verront que ce n'est pas d'une simple croyance, comme, par exemple, aux miracles racontés dans les Évangiles, mais en refoulant leur raison, en s'exaltant ou en s'étourdissant. Il y aura éternellement contradiction dans l'idée d'un corps toujours le même, et présent, tout entier, dans plusieurs endroits à la fois.

Aussi le catholicisme moderne cherche-t-il souvent à voiler, à spiritualiser cette doctrine. Quand donc nous aurons à la combattre, commençons toujours par la ramener à ses véritables termes , à ceux du concile de Trente.
Le décret (session XIII) porte : «Anathème à qui niera que le corps et le sang de Jésus-Christ, avec son âme et sa divinité, soit contenu véritablement, réellement et substantiellement dans l'Eucharistie. Anathème à qui niera le changement de toute la substance du pain au corps de Jésus-Christ, et de toute la substance du vin au sang de Jésus-Christ. »
Et le concile, dans les considérants, ajoute que « C'est un attentat intolérable » d'introduire sur ce point « des explications métaphoriques, » et de ne pas enseigner la présence de Jésus-Christ dans la Cène comme réelle, corporelle, matérielle.

Voilà ce que l'Église romaine a tiré des mots : « Ceci est mon corps;» voilà ce que tout catholique, sous peine d'anathème, est tenu de croire. Aussi en est-il un grand nombre dont la foi en ce dogme ne subsiste que grâce aux ménagements avec lesquels on le leur a prêché, ou aux adoucissements qu'ils y ont introduits eux-mêmes afin de pouvoir y croire. Ceux-là, il suffira de leur bien montrer ce que c'est, ce qu'ils ont à croire, et certainement ils ne croiront plus.

Ceux qui persisteraient malgré l'exposé de la doctrine, montrez-leur où elle mène ; montrez-leur ce qu'ils s'engagent à croire, une fois le principe admis.
Ils s'engagent à croire que le corps de Jésus-Christ est tout entier dans chaque fragment d'hostie, tellement que si, par mégarde, on casse l'hostie en la recevant, on a Jésus-Christ dans la bouche autant de fois qu'il y a de morceaux.
Ils s'engagent à croire que le corps de Jésus-Christ est tout entier dans chaque goutte du vin contenu dans le calice, tellement que , si une goutte tombe, c'est Jésus-Christ qui est là, sur la nappe ou sur le sol.
Ils s'engagent à croire que, une fois l'hostie consacrée, le miraculeux pouvoir du prêtre appartient au premier venu , vu que le premier venu peut, en coupant l'hostie, reproduire autant de Jésus qu'il lui plaira.
Ils s'engagent à croire qu'un animal qui mangera l'hostie, mangera le corps de Jésus-Christ.
Ils s'engagent à croire que le corps de Jésus-Christ, «avec son âme et sa divinité, » comme dit le concile de Trente, subsiste dans une hostie desséchée, moisie, corrompue.
Ils s'engagent à croire qu'un prêtre peut changer en corps et sang de Jésus-Christ, non seulement une hostie ou mille hosties, non seulement le vin d'un petit ou d'un grand calice, mais tout le pain qui sera chez un boulanger, tout un tonneau de vin, tout le vin qui sera dans une cave. Et en effet, si le pouvoir existe, où est la limite à ce pouvoir?

Ces cas, et beaucoup d'autres que nous pourrions énumérer, qu'on ne se figure pas que nous les inventons. Ce sont les théologiens romains qui les ont indiqués comme autant de conséquences de la transsubstantiation ; vous les trouverez dans tous leurs livres , d'Innocent III à Bellarmin , et de Bellarmin aux modernes. Ainsi, quiconque ne croira pas à ce que nous venons de dire, à tout ce que nous venons de dire, ne croit pas réellement à ce dogme.
Avant de le soutenir, qu'on se demande bien si on aura le courage de le soutenir jusque-là ; si on ne le soutient pas jusque-là, autant vaut, dès l'abord , ne le pas soutenir du tout.
Mais nous aurons à reprendre tous ces points.


81. Verset 27. De même, ayant pris la coupe et rendu grâces, il la leur donna , en disant: Buvez-en tous.

Tous. Ce mot ne semble-t-il pas avoir été ajouté par Jésus-Christ pour ôter d'avance toute excuse à l'usage romain de refuser le vin aux communiants? Au verset précédent, parlant du pain, il ne dit que : «Mangez.» Ici, parlant du vin «Buvez-en tous. »
On a répondu que les apôtres n'étaient pas des communiants ordinaires.
Qu'on s'arrange alors avec saint Paul, qui parle à tous (1 Cor. XI) du vin comme du pain.
Qu'on s'arrange avec l'histoire, qui nous montre les deux espèces reçues par tous durant des siècles, puis, longtemps encore, par quiconque les demandait, et ne cessant définitivement de l'être qu'en 1120.
Qu'on s'arrange avec le concile de Constance, qui (Session XIII) avoue positivement le fait;
Qu'on s'arrange avec le concile de Trente, moins franc, et reconnaissant pourtant (Session XXI) que cette forme de communion « n'était pas rare » aux premiers siècles.

Les Églises qui l'emploient n'ont donc fait que la renouveler, et c'est se jouer de l'histoire , comme de l'Écriture, que de les accuser d'avoir innové sur ce point.
On cherche des raisons d'ordre, de décence. Qu'adviendrait-il, dit-on, si le vin était offert à la foule ?- La foule ferait ce qu'elle fait dans les Églises où il lui est offert , et où il est sans exemple qu'un communiant fasse plus que de tremper ses lèvres dans la coupe commune.- Voir note 323.


82. Verset 29. Or je vous dis que désormais je ne boirai plus de ce fruit de la vigne, jusqu'à ce jour auquel je le boirai nouveau, avec vous, dans le royaume de mon Père.

Si le vin a été changé en sang, pourquoi ces mots : «Fruit de la vigne?» Au moment même où Jésus viendrait d'enseigner que ce vin n'est plus du vin, voilà le vin qui revient avec une mention précise de l'origine et de la nature du liquide; Jésus n'indique plus que du vin, rigoureusement du vin. Avouez que vous trouveriez bien étrange qu'un prêtre appelât le vin « fruit de la vigne » au moment même où il va le boire en qualité de sang de Jésus-Christ.

Remarquez encore ces mots: « Jusqu'à ce jour auquel je le boirai nouveau, » car c'est là ce que dit le texte grec, et non pas « où je le boirai de nouveau, » comme on a souvent traduit. Dans le royaume de son père , il le boira nouveau, dit-il, nouveau dans le sens où tout doit l'être alors, c'est-à-dire changé, spiritualisé, divinisé l'union entre lui et ses apôtres, l'union encore grossière de la Cène terrestre, se changera en une union intime, divine.
Mais si le vin renferme déjà, avec le sang de Jésus-Christ, son âme et sa divinité, comme dit le concile de Trente, qu'est-ce qu'il pourrait renfermer de plus dans le ciel? En quel sens serait-il question de le boire alors nouveau?

Tout donc nous ramène au sens naturel. Le vin que Jésus offre aux apôtres, c'est du vin. Emblème de l'union parmi les hommes , la coupe devient, entre ses mains et dans la perspective de son sacrifice adorable, l'emblème de leur union avec lui , imparfaite d'abord sur cette terre , et parfaite ensuite dans le ciel.

Versets 30 et suiv. - Jésus prédit le reniement de saint Pierre. Il se rend en Gethsémané. Ses angoisses. Judas arrive avec ceux qui doivent le saisir. Pierre veut résister. Jésus le lui défend.


83. Verset 54. Comment donc s'accompliraient les Écritures, qui disent qu'il faut que cela arrive ainsi?

Jésus n'avait pas besoin des prophéties pour savoir les desseins de Dieu ; il n'avait pas besoin non plus d'être lié par elles pour accomplir la volonté de son Père. Si donc il se représente toujours comme obéissant aux Écritures, comme lié par leurs déclarations, c'est uniquement en vue des hommes , et pour les leur rendre plus sacrées. La Bible s'étant complétée de livres spécialement chrétiens, placés, dès lors, sur le même pied que les autres, nous avons le droit d'exiger de tout docteur, de toute Église, que, selon l'exemple donné, par Jésus-Christ, l'accomplissement des Écritures soit leur but, leur règle, leur tout. Personne au-dessus ; personne en dehors.

Versets 51 et suiv.- Jésus chez Caïphe. Reniement de saint Pierre.


CHAPITRE XXVII

Jésus est conduit à Pilate. Désespoir et mort de Judas.


84 . Verset Et s'en étant allé, il se pendit.

Ce Judas qui trahit soit Maître, qui couronne son crime par un autre crime, le suicide, ce Judas, enfin , dont le nom même est devenu une injure, il avait eu part, comme apôtre, à toutes les promesses de Jésus ; il avait été, comme ses collègues, en pleine possession des droits d'apôtre.
Rien de plus concluant, par conséquent, contre la prétention d'attribuer à certaines paroles du Sauveur un effet infaillible, indélébile, indépendant des temps et des personnes.

Si les promesses faites aux apôtres n'ont pas empêché un apôtre de devenir ce qu'est devenu Judas, les promesses faites à l'Église ne peuvent pas empêcher une Église de dégénérer, d'errer, de tomber. « Ne vous ai-je pas choisis tous les douze ? Et cependant l'un de vous est un démon. » Voilà ce qu'avait dit un jour Jésus (Jean VI, 70).

Si un des apôtres , choisi par le Sauveur lui-même, a perdu cependant les droits et la qualité d'apôtre , il est inadmissible qu'un de leurs successeurs, choisi par des hommes faillibles, soit nécessairement en possession de ces droits; il est inadmissible que des promesses qui ne se réalisèrent pas en Judas, un des apôtres, doivent nécessairement se réaliser en d'autres hommes, leurs successeurs.

Versets Il et suiv.- Jésus devant Pilate. La crucifixion. Plusieurs femmes y assistent de loin.


85. Verset 56. Entre autres... Marie, mère de Jacques et de Joses.

Voici le seul passage sur lequel on ait pu essayer d'établir que les frères de Jésus n'étaient que ses cousins. Cette même Marie étant désignée ailleurs comme la soeur de la mère de Jésus, et ces deux mêmes noms, Jacques et Joses, se trouvant parmi les quatre indiqués (Matth. XIII) comme ceux des frères de Jésus, on a cru pouvoir conclure qu'il s'agissait des deux mêmes personnages, et que les quatre noms, par conséquent, étaient ceux de cousins de Jésus-Christ.
L'identité des noms prouve-t-elle ici celle des personnes ? Deux frères de Jésus, deux sur quatre, n'ont-ils pas pu s'appeler comme deux de ses cousins? Remarquez que ce fait, très possible et très ordinaire chez nous, l'était plus encore chez les Juifs, vu le très petit nombre de noms en usage chez eux.

Vous avez, ici même, deux soeurs s'appelant Marie. Vous avez, parmi les apôtres, deux Simon, deux Jacques, deux Judas, car Jude et Judas sont le même mot en hébreu. Vous avez, sans sortir de l'histoire de Jésus-Christ et des apôtres, d'autres Marie encore, d'autres Simon, d'autres Judas. De grands travaux ont été faits sur l'histoire des Jacques, et les savants catholiques ne sont pas mieux arrivés que d'autres à l'éclaircir définitivement, ni même à se mettre d'accord.

Une seule chose est claire, et nous l'avons déjà dite, cette chose: c'est que les Évangélistes n'ont pas en la pensée qu'on dût un jour s'inquiéter de ces détails. Considérez, d'un côté, l'importance qu'on donne à la question, et, de l'autre, la nécessité où l'on est de se prendre à un fragment de verset, à un petit incident de récit, à deux noms, enfin, qui ne prouvent rien, puisqu'ils peuvent tout aussi bien avoir été portés par quatre personnes que par deux. Voilà à quel imperceptible fil on est obligé de rattacher un dogme qu'on dit si grave, et ce fil même, vous le voyez, ne tient pas.


CHAPITRE XXVIII

La résurrection. Jésus apparaît aux saintes femmes, puis aux onze apôtres. Il les charge traiter instruire et baptiser toutes les nations.


86. Verset 20. -... et voici, je suis tous les jours avec vous, jusqu'à la consommation des siècles.

Ce passage, dont on a tiré tant de choses, ne dit réellement rien de plus que ceux dont nous avons pris note pour nous en servir maintenant.
S'il ne peut pas être vrai à la lettre (note 17) que quiconque demande reçoit : S'il ne peut pas être vrai à la lettre (note 53) que, si deux personnes s'unissent pour demander une chose, elle leur sera accordée,
S'il ne peut pas être vrai à la lettre (note 54) que, dès que deux ou trois personnes seront assemblées en son nom, Jésus sera au milieu d'elles pour les préserver de tout mal, de toute erreur ;

Si un apôtre, choisi par Jésus lui-même , héritier comme les onze autres de tout ce qui leur était promis, a pu (note 84) n'en rien garder, tomber au-dessous de rien ;
S'il y a, en un mot , dans l'Évangile, des promesses qui n'ont évidemment pas été faites comme devant s'accomplir nécessairement , infailliblement, rien ne prouve que cette nouvelle promesse ait été d'une autre nature, et qu'elle ait dû infailliblement s'accomplir.

Remarquez même que les termes en sont notablement plus vagues; c'est de conséquence en conséquence qu'on arrive à ce que l'Église romaine veut y voir. «Les apôtres, nous dit-on, ne devaient pas vivre jusqu'à la consommation des siècles, donc Jésus, par ces mots, désigne leurs successeurs. Les apôtres étaient en possession de la vérité ; donc, si Jésus est avec eux, ce qui veut dire avec leurs successeurs, c'est pour que la vérité ne s'altère jamais entre leurs mains,- et voilà l'Église infaillible. »

Avec ces procédés-là, on va loin. Il est vrai qu'il faudrait prouver encore que cette Église est l'Église romaine ; mais, sur ce point, Rome n'a pas même l'air de penser qu'il faille prouver. L'Église, c'est elle, et tout est dit.
Que dirons-nous donc, nous , de cette promesse ?

Ce que nous avons dit de toutes les promesses analogues. Prenez-la dans son esprit, et voilà un magnifique encouragement aux apôtres, à tous ceux qui travailleront avec eux ou après eux, à tous les fidèles, enfin - Jésus avec eux dans leurs travaux, dans leurs épreuves, toujours, partout.
Mais si vous voulez préciser, si vous voulez dire exactement ce que Jésus a promis, si vous voulez mettre un système là où il n'a mis que son amour,- alors, plus de limite aux prétentions que vous baserez là-dessus, mais, aussi, plus de fondement raisonnable à votre confiance en la promesse. Vous en changez la nature; vous lui faites dire ce que n'a dit aucune des promesses analogues , ce que les faits n'ont montré en aucune d'elles.
Encore une remarque, déjà faite (note 45) , et non moins frappante ici.

Si «Je suis avec vous » implique cette assistance régulière, miraculeuse, dont l'Église romaine se dit favorisée,- cette assistance se bornera-t-elle au dogme? Non. Jésus avec nous suppose la vertu aussi bien que la vérité si je dis à un homme: « Jésus soit avec toi,» il est clair que je lui souhaite d'être bon tout autant que d'avoir une foi exacte et pure.

Dans l'Église romaine, l'histoire vous condamne à séparer ces deux choses; il faut que «Je suis avec vous » se soit accompli, quant au dogme, dans des temps où il ne s'accomplissait évidemment plus en tout le reste : il faut que Jésus ait été avec Alexandre VI, pape, quand ce même Alexandre VI, homme, était un scélérat. Encore une fois, sur quoi basez-vous cette distinction ? Quelle trace, quel germe en montrerez-vous dans la promesse? Où a-t-on vu que «Je suis avec vous» implique assistance en fait de dogmes quand il n'y aura plus assistance en autres choses?

Si la promesse, par la perversité des hommes, est restée souvent, en grande moitié, sans accomplissement, comment prouver que l'autre moitié a dû s'accomplir toujours?

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(01) La Vulgate met: «Accepit Jesus panem. et benedixit, ac fregit, » et le concile de Trente tire de là l'idée d'une bénédiction du pain, d'une consécration du pain, premier argument en faveur de la Transsubstantiation. Le mot latin , évidemment employé à dessein, se prête à cet arrangement; le mot grec s'y refuse. Jésus ne bénit point le pain; il bénit Dieu, et après cela, rompt le pain. C'est ce que dit encore plus positivement le mot grec employé, au verset suivant, en parlant de la coupe, et qui ne signifie jamais que rendre grâces; ce dernier mot est même le seul qu'emploient saint Luc (XXII, 19) et saint Paul (I Cor. XI, 24) dans le récit de la Cène.
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(02) Non seulement il y en a des exemples dans beaucoup de livres de la Bible, Ancien Testament et Nouveau, mais, ce qui est surtout curieux, c'est qu'il n'y a pas, dans toute la Bible, un seul exemple contraire : partout où les écrivains sacrés ont eu à exprimer représenter, ils ont mis être.
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(03) Luc XXII, 20. 4 Cor. XI, 25.
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