Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

PREMIÈRE ÉPÎTRE DE SAINT PAUL AUX CORINTHIENS

CHAPITRE X

Jésus est spirituellement, pour les chrétiens, ce que fut pour les Israélites le rocher d'où l'eau jaillit. Beaucoup furent pourtant infidèles; que les Corinthiens craignent de l'être comme eux.


317. Verset 15. Je vous parle comme à des personnes intelligentes; jugez vous-mêmes de ce que je dis.

Quand saint Paul n'aurait pas écrit ces paroles, la réflexion qu'elles suggèrent ressort assez de la nature et du ton de ses épîtres. Où l'avez-vous vu ne pas parler « comme à des personnes intelligentes,» ne pas inviter à raisonner, ne pas en fournir les moyens? Où l'avez-vous vu, tout apôtre qu'il est imposer la foi? Il l'impose, sans doute, en ce sens qu'il se déclare inspiré de Dieu ; mais c'est cela même qui rend plus remarquable encore ce perpétuel respect pour l'intelligence des fidèles, ce perpétuel soin de leur exposer ses raisons. Impossible, avec lui, de croire sans avoir réfléchi, sans être allé aussi avant que la raison humaine peut aller. Non seulement il ne demande pas une foi aveugle, mais il ne la veut pas. Il sait bien qu'on peut abuser du raisonnement, de l'examen ; il condamne l'abus, mais il n'en conclut rien contre le droit, et l'exercice de ce droit lui paraît indispensable, au contraire , pour que la foi soi( réellement la foi. L'homme ne croit réellement que ce qu'il s'est approprié par l'intelligence et par le coeur.


318. Verset 16. La coupe de bénédiction, que nous bénissons, n'est-elle pas la communion au sang de Christ? Le pain que nous rompons n'est-il pas la communion au corps de christ?

Quoique l'Eucharistie ne soit considérée, en cet endroit, que comme un symbole de l'union des chrétiens, ce verset a son importance dans la question de l'Eucharistie elle-même.
L'apôtre en fait un symbole d'union ; il entend donc, évidemment, que tous aient part aux deux éléments qu'il indique, au vin comme au pain. Remarquez même qu'il met le vin le premier; autre détail inexplicable si les gens auxquels il écrit n'eussent pas été habitués à communier sous les deux espèces.

Remarquez aussi le retour de cette expression rompre le pain, si éloignée (voir 206) de supposer rien de semblable à la transsubstantiation et à la messe.

Versets 48 et suiv. - S'abstenir des viandes sacrifiées aux idoles, mais non dans la pensée que ces viandes soient souillées, car les idoles ne sont rien.


CHAPITRE XI

Conseils divers sur les assemblées chrétienne. Saint Paul a appris, dit-il, que celles des Corinthiens ne sont pas toujours assez fraternelles.


319. Versets 18 et 19. Et je le crois en partie, car il faut qu'il y ait, parmi vous, même des hérésies, afin que ceux qui sont dignes d'approbation soient manifestés parmi vous.

Saint Paul veut dire qu'il y aura inévitablement , dans l'Église, des divisions plus graves encore, lesquelles fourniront aux vrais fidèles l'occasion de manifester leur foi, leur piété, leur charité. il accepte donc les divisions comme un fait, fâcheux sans doute, mais naturel, inévitable; fait, d'ailleurs, qui se lie aux desseins de Dieu, dit-il, car il concourt à la manifestation de l'Évangile en soumettant à une utile épreuve le coeur et l'esprit des vrais chrétiens. L'unité n'est souvent que le sommeil et la mort. Une Église sans orages risque toujours beaucoup de n'être qu'une eau dormante, où vont se développer à l'aise tous les éléments de corruption.

Versets 20 et suiv.- Abus dans la célébration de la Cène. Le repas qui l'accompagne n'est ni assez fraternel ni assez grave.


320. Verset 20. Lors donc que vous vous assemblez ainsi, ce n'est pas manger la Cène du Seigneur.

Voilà où en était, après quelques années d'existence, une Église fondée par saint Paul. Quel argument contre la tradition ! Quelle preuve, de la nécessité d'une autorité écrite, immuable, que chaque Église et chaque fidèle puisse consulter en chaque occasion ! Tout ce que saint Paul enseigne aux Corinthiens dans ce chapitre , il affirme le leur avoir enseigné , et, sûrement, il y était revenu bien des fois. Qu'en avaient-ils fait? Qu'en avaient fait les chefs de leur Église? À quoi eût servi de le leur répéter de bouche? Ils l'auraient oublié, comme la première fois, et saint Paul n'eût plus été là pour le redire; les abus, les altérations auraient poursuivi leur chemin. Hélas ! les altérations n'ont que trop marché, malgré ce chapitre; mais nous avons au moins , ce chapitre en main, de quoi les combattre, sûrs que nous sommes d'avoir là, intacte, la pensée de saint Paul.


321. Versets 25-29. J'ai appris du Seigneur ce que je vous ai enseigné c'est que le Seigneur Jésus, la nuit qu'il fut livré, prit du pain, et, ayant rendu grâces, le rompit, et dit: Prenez., mangez, ceci est mon corps qui est rompu pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. De même aussi, après avoir soupé, il prit la coupe, et dit: Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang; faites ceci en mémoire de moi, toutes les fois que vous en boirez. Car toutes les fois que vous mangerez de ce pain et que vous boirez de cette coupe, vous annoncerez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne. C'est pourquoi quiconque mangera de ce pain ou boira de la coupe du Seigneur indignement, sera coupable du corps et du sang du Seigneur. Que chacun donc s'éprouve soi-même, et qu'ainsi il mange de ce pain et boive de cette coupe, car celui qui en mange et en boit indignement mange et boit sa condamnation, ne discernant point le corps du Seigneur.

Tout ce morceau est de la plus grande importance. Vous n'avez, dans les Évangiles, que le récit de l'institution de la Cène ; le voici avec les mêmes détails , mais arrangé en vue de la pratique, tableau vivant de la Cène vingt ou vingt-cinq ans après la mort de Jésus-Christ.

Vous remarquerez, d'abord, la forme que l'auteur attribue ou plutôt conserve à la Cène : elle se célébrait dans un repas. Blâme-t-il cet usage? Nullement; il ne se plaint que des abus qui s'y sont introduits, abus qui firent plus tard abandonner l'usage même, peu praticable dans une Église nombreuse. Reste donc toujours ce grand fait que la Cène avait lieu dans un repas, et que la chose, en soi, paraît à saint Paul toute naturelle. Essayez , comme nous l'avons déjà dit , de retrouver là la Messe; essayez de comprendre comment l'idée de la. présence réelle, matérielle, s'accommoderait de la Cène ainsi donnée.

Mais poursuivons. Que veut, dans tout ce morceau, saint Paul? Augmenter le respect des Corinthiens pour la Cène. Que dirait, dans ce cas un catholique, théologien ou non ?

Une seule chose : «Ce que vous mangez, ce que vous buvez, c'est le corps et le sang de Jésus-Christ, son vrai corps, son vrai sang. » Saint Paul dit-il cela ? Non.

Les mots « ne discernant point le corps dit Seigneur » se lient à ce qu'il a dit du manque de respect et de préparation ; il défend donc de participer à la Cène comme à un repas ordinaire, sans discerner ce qu'elle est, ce qu'elle rappelle. Et en effet, au moment même où il insiste sur le respect dont elle doit être entourée, il ne dit encore, à deux reprises, que: « Ce pain, cette coupe. » En y prenant part, dit-il, nous annonçons (nous rappelons) la mort du Seigneur a jusqu'à ce qu'il vienne. .» Est-ce là ce qu'il dirait s'il croyait pouvoir dire que le Seigneur est présent? Parlerait-il de la venue future quand il pourrait parler d'une venue actuelle? Encore une fois, faites l'expérience. Interrogez un croyant catholique, théologien ou non ; demandez-lui ce qu'il dirait à des gens communiant sans respect, et voyez si l'argument de la présence réelle ne serait pas le premier dans son esprit , le premier dans sa bouche; voyez s'il croirait raisonner juste en allant chercher l'idée d'une présence future du Sauveur.

Notons, enfin, les paroles mêmes que saint Paul met dans la bouche de Jésus-Christ. « Ceci est mon corps, qui est rompu pour vous. » Son corps, en ce moment, était-il rompu?
Non ; la crucifixion n'eut lieu que le lendemain, Donc , dans cette partie partie de la phrase, il y a figure; Jésus appelle rompu ce qui ne l'est pas. Mais, s'il y a figure dans une moitié de la phrase, peut-il ne pas y avoir figure dans l'autre moitié ?
Le mot corps peut-il être au figuré relativement aux derniers mots, et garder, avec les premiers, son sens propre?

On a si bien senti la portée de ce contraste , que , dans la Vulgate , on l'a ôté. Au lieu de « Ceci est mon corps, qui est rompu pour vous, » on a mis « Ceci est mon corps, qui sera livré pour vous » Alors, plus de figure dans la fin de la phrase, et on peut se remettre à soutenir que le commencement n'est pas figuré non plus. - Et voilà de quels subterfuges on est obligé d'étayer la transsubstantiation !


322. Aucune trace donc, dans ce morceau, de la présence réelle; aucune non plus, ajouterons-nous, de la Cène envisagée comme un renouvellement quotidien du sacrifice de Jésus-Christ. Non seulement saint Paul rapporte, comme saint Luc, les mots: « Faites ceci en mémoire de moi, » mots qui excluent l'idée d'un renouvellement de l'acte même, - mais l'ensemble du récit, comme des conseils qui suivent, ne laisse aucune place à la doctrine du renouvellement. C'était pourtant, après la présence réelle, le plus fort argument à présenter aux Corinthiens pour leur rendre la Cène vénérable. Pourquoi saint Luc n'en use-t-il pas ?- Mais nous reviendrons là-dessus dans l'Épître aux Hébreux. Ajoutons seulement qu'il n'y a non plus aucune trace, dans l'antiquité chrétienne, de communions sans communiants, ce qui est devenu, avec la Messe, le cas le plus ordinaire ; autre preuve, par conséquent, que la Cène n'était pas ce que fut plus tard la Messe, acte sacerdotal, sacrifice à renouveler sans cesse, en l'absence comme en la présence des fidèles.


323. Les versets 27, 28 et 29, confirment ce que nous avons dit (notes 81 et 318) de la communion sous les deux espèces. L'apôtre y parle de pain et de coupe, de manger et de boire. Impossible de dire ici, comme on l'a essayé à l'occasion du récit des Évangélistes, que Jésus ait eu l'intention de ne donner qu'aux prêtres l'ordre de manger et de boire. Ainsi, au temps de saint Paul, tous recevaient le vin comme le pain; tous donc, aujourd'hui, devraient recevoir le vin comme le pain. On va chercher, dans l'histoire des premiers siècles, un tout petit nombre de cas où , par impossibilité ou pour quelque autre cause accidentelle, la communion eut lieu sous une espèce; mais il n'en est pas moins incontestable que la règle universelle, aussi bien que l'usage universel, était de participer aux deux. Ne croyez pas à ce qu'on vous dira des désordres qu'entraînerait la communion par le pain et le vin ; les pays protestants vous montreront des communions de trois mille personnes , et vous n'y verrez nulle trace de ces prétendus désordres dont on veut vous faire peur. Le seul motif réel du retranchement de la coupe, c'est qu'on a voulu relever le prêtre en le séparant de la foule. Voilà pourquoi on a érigé en privilège ce qui avait été primitivement le droit de tous.


324. Le verset 28, enfin, confirme ce que nous avons dit ailleurs contre la confession sacramentelle. Avant de communier, vous dit saint Paul, que chacun s'éprouve soi-même.

Si la confession avait été en usage, ou que saint Paul eût songé à l'établir, croyez-vous qu'il n'en aurait pas parlé ici? Dans l'Église romaine, c'est précisément avant de communier que la confession est réputée indispensable ; saint Paul parle de la communion, de la nécessité de s'y préparer dignement, et c'est alors qu'il dit : « Que chacun s'éprouve soi-même.» Il pourra être bon , sans doute , dans certains cas , de s'éprouver soi-même avec l'aide de son pasteur; mais ce verset n'en montre pas moins que la confession sacramentelle était inconnue aux Corinthiens, inconnue à saint Paul.


CHAPITRE XII

Diversité des dons et des ministères dans l'Église. Tout, cependant, procède du même Esprit, et concourt à une même unité spirituelle (note 277). Que chacun donc exerce le don qu'il a reçu, car tout chrétien est ouvrier avec Dieu.


325. Verset 28. Ainsi, Dieu a établi dans l'Église premièrement des apôtres, secondement des, prophètes, troisièmement des docteurs, ensuite... etc.

A. De tous les passages à citer contre la papauté, voici peut-être le plus frappant, car c'est celui où il serait le plus invraisemblable, le plus absurde, que saint Paul ne dit rien d'un chef suprême. Remarquez, en effet, que ce chapitre est tout entier sur l'unité, tout entier de conseils et de considérations sur l'unité. Et c'est là que saint Paul aurait omis de parler du centre! C'est là qu'après avoir onze fois pris et repris l'image première, celle d'un corps, il omettrait de mentionner la tête! On est tenté de se demander à quoi bon discuter encore avec des gens qui ne se rendraient pas à une pareille évidence. Pensez-y, catholiques! Il est un degré de persistance où les yeux fermés sont coupables , où l'erreur devient un péché. Demandez-vous ici, sérieusement et devant Dieu, si ce n'est pas là que vous en êtes quand vous persistez à croire au pape.

B. Croire au pape ! Sait-on bien, au moins, quand on y croit, ce qu'on croit? - Nous avons vu que non.
Les catholiques s'accorderont bien, en gros, à l'appeler chef de l'Église et vicaire de Jésus-Christ; mais, quant à la nature et à l'étendue de ses droits, autant de docteurs, autant d'avis. L'ultramontain fait de lui la source unique de tout pouvoir spirituel et de toute vérité le gallican ne voit en lui que le chef hiérarchique de l'Église, chargé de la gouverner selon des lois faites par elle. Entre ces deux extrêmes , mille degrés , mille nuances, les papes eux-mêmes,- tous ultramontains, ne l'ont pas été tous, à beaucoup près, au même degré, quoique l'étant toujours assez pour que la majorité des catholiques fût, sur ce point, en désaccord avec eux, souvent en guerre ouverte.

Ainsi , dans une Église qui se prétend investie du droit et des moyens de déterminer tout ce qu'il faut croire, voilà les fidèles condamnés à ne rien savoir de précis sur l'autorité de leur chef , pas plus , comme nous l'avons déjà vu , que sur l'autorité en général, son principe, son siège, etc. Le concile de Trente essaya de mettre un terme à cette anomalie; on délibéra longuement , mais on vit qu'on ne s'entendrait jamais, et qu'on ne faisait, d'ailleurs, que soulever des flots d'incertitudes. Si personne n'alla jusqu'à reconnaître ouvertement que la papauté n'est pas dans l'Écriture, il se fit d'étranges aveux sur l'impossibilité de déterminer, par l'Écriture, ce qu'elle est, ce qu'elle doit être; les moins ultramontains s'effrayaient de ne lui trouver, dès qu'on allait au fond, que des bases si vagues, si peu capables de porter un tel édifice. On finit par n'en pas dire un seul mot, l'acceptant comme un fait, mais renonçant à en exposer la théorie. Ce que le concile de Trente n'a pas fait, on ne le fera jamais trop de dissentiments, trop d'incertitudes s'y opposent.

C. Même silence , dans les décrets du concile de Trente , sur tout ce qui tient aux cardinaux; même embarras quand on avait essayé d'en parler. Tout le monde savait leur origine ; la jalousie des évêques ne se faisait pas faute de rappeler le temps où cardinal était au-dessous d'évêque, où ce titre était celui des curés de quelques paroisses de Rome. Impossible donc , même à leurs amis, de leur trouver une place régulière dans la hiérarchie catholique , qui ne peut laisser faire aucune brèche à ses prétentions d'antiquité , d'apostolicité ; le cardinalat n'a eu d'autre origine et n'a d'autre légitimité que le bon plaisir des papes.

D. De là, dans la question de la papauté elle-même , des conséquences que le concile de Trente se garda bien de tirer, mais qui n'en subsistent pas moins.
Les cardinaux élisent le pape, mais seulement depuis un décret de Nicolas III, en 1059. Nous demanderons donc, d'abord, si la papauté pouvait légitimement transférer à un corps nouveau le droit de la perpétuer. Un pouvoir ne peut pas changer les conditions de sa propre existence ; la papauté le pouvait moins que tout autre, puisque, plus que tout autre, elle était réputée d'institution divine. Ainsi, soit au point de vue hiérarchique, soit au point de vue mystique, il n'est pas facile de comprendre comment la transmission par un canal tout nouveau a pu ne pas altérer la transmission.

On nous répond que l'innovation de Nicolas III a amené plus de régularité dans l'élection des papes, longtemps livrée aux caprices du peuple de Rome , aux violences des seigneurs , etc. Oui ; mais donner cette raison , c'est nous rappeler ces désordres qui ont duré des siècles, et notre objection ne fait que changer de terrain. Comment comprendre une légitimité se perpétuant intacte à travers ces caprices , ces violences , ces crimes, qui en devenaient les arbitres? Laissons, si vous voulez, les violences et les crimes; l'objection reparaît encore. Depuis que le pape est élu par les cardinaux , cardinal lui-même, créé cardinal par un pape, on peut au moins apercevoir une filiation mystique entre les papes.

Jadis, rien de semblable. On choisissait un évêque quelconque, un prêtre quelconque, parfois même, cela s'est vu, un laïque, qu'il fallait faire prêtre avant de le sacrer pape. Comment et par qui s'opérait, dans tous ces cas, la transmission des pouvoirs de saint Pierre ? Quelle filiation aperçoit-on entre des papes ainsi élus? Une chaîne ainsi composée était-elle, spirituellement, une chaîne? Peut-elle avoir servi de canal entre saint Pierre et les papes modernes?

Ainsi , même en dehors de nos objections quant au fond , même sur le terrain de l'idée romaine et de la forme romaine, - obscurités, difficultés de tout genre.


CHAPITRE XIII

La charité. Sans elle, tout est sans valeur devant Dieu.


326. Verset 2. Et quand j'aurais le don de prophétie, et que je connaîtrais tous les mystères et toute la science , et que j'aurais toute la foi, jusqu'à transporter des montagnes, si je n'ai pas la charité, je ne suis rien.

Ainsi, quand une Église posséderait réellement cette science et cette infaillibilité que l'Église romaine s'attribue , cette Église pourrait encore, chrétiennement, n'être rien: il suffirait que la charité lui manquât. En vain compterait-elle, parmi ses chefs, des hommes profondément croyants; en vain leur foi irait-elle, selon l'énergique figure de l'apôtre, jusqu'à transporter des montagnes : si cette vigueur de foi se tourne en intolérance , en violence , ces hommes , comme leur Église, ne sont rien, chrétiennement rien, car il leur manque ce qui fait surtout le chrétien, la charité.

Oublier momentanément la charité, c'est déjà grave ; mais ce qui est grave surtout, c'est quand les principes mêmes d'une Église consacrent cet oubli, de telle sorte qu'elle ne puisse pas ne pas user d'intolérance partout où elle en aura les moyens. Voilà, en réalité tomme en système, ce qui a lieu dans l'Église romaine. Partout où elle a pu persécuter, elle l'a fait, elle le fait. Un catholique n'est tolérant que par inconséquence ; des lois formelles , des traditions constantes , l'esprit de ces traditions et de ces lois, tout, enfin, lui interdirait de l'être. Rome n'a pas la charité ; Rome posséderait tous les dons qu'elle s'attribue, que, par cela seul, devant Dieu, ils seraient nuls.


327. Verset 3. Et quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, et quand je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n'ai pas la charité, cela ne me sert de rien.

Quand je distribuerais tous mes biens. - Ainsi, soit en recommandant, soit en pratiquant l'aumône, gardez-vous de la considérer comme ayant un mérite en soi; elle ne vaut, devant Dieu, que par le coeur, et elle deviendrait facilement, dans notre esprit, une monnaie à payer le ciel. Ce calcul, l'Église, romaine y a grandement poussé, soit par les promesses magnifiques dont elle accompagne toujours ses exhortations à l'aumône, soit par l'éclat qu'elle donne aux oeuvres qui s'y rapportent, soit par la divinisation de l'aumône elle-même dans la personne de beaucoup de saints. Il est bien difficile, après cela, que le fidèle ne confonde pas, plus ou moins, aumône et sainteté, aumône et saint, - erreur positivement contraire à ce qu'enseigne ici saint Paul.


328. Quand je livrerais mon corps pour être brûlé, dit-il encore. - Voilà qui atteint d'autres saints, ceux qui ont dû au titre seul de martyrs l'honneur d'être mis sur les autels. Or, il y en a une foule; le nombre s'en accroît même tous les jours, car tous les jours on expédie de Rome quelque squelette de martyr, retrouvé dans les catacombes. Ce martyr, comme nous l'avons déjà dit (note 247), on ignore souvent jusqu'à son nom, et le pape lui en donne un au hasard; souvent aussi il n'est pas du tout prouvé que ce martyr en soit un. Mais, n'y eût-il aucun doute sur le fait même du martyre, ce fait, selon saint Paul, ne suffirait point à prouver la sainteté. L'histoire est d'accord avec saint Paul. S'il y a eu, dans les premiers temps de l'Église, des martyrs dont la mort n'était que le couronnement d'une vie toute sainte, il y en eut aussi dont l'orgueil provoqua souvent les justes reproches des Pères. Souvent l'Église eut à se plaindre d'hommes qui avaient affronté la mort, et qui, ne l'ayant pas affrontée dans un esprit suffisamment chrétien , ne trouvaient dans le souvenir de leur courage, dans les éloges qui leur étaient donnés, qu'un motif pour mépriser leurs frères et se mettre au-dessus de toute loi. Il y a donc dans la divinisation du martyr en lui-même, pour lui-même, quelque chose de charnel et de grossièrement humain ; la sainte guerre de la foi se trouve assimilée à nos guerres ordinaires, où on fait un héros de quiconque s'est bien battu, quelle qu'ait été d'ailleurs sa vie. Une Église chrétienne doit apprécier autrement les héros du christianisme.


CHAPITRE XIV

Directions relatives à l'usage de certains dons, soit miraculeux, soit ordinaires.


329. Versets 6, 9 et 19. Ainsi, mes Frères, si je venais parmi vous parlant en langues (inconnues), en quoi vous serais-je utile?.. Vous, de même, si vous ne parlez pas une langue qui soit comprise, comment saura-t-on ce que vous dites? J'aimerais mieux ne prononcer dans l'Église que cinq paroles selon mon intelligence, afin d'instruire aussi les autres, que dix mille dans une langue inconnue.

Quoique nous manquions de quelques-unes des données historiques qui seraient nécessaires pour bien comprendre ce chapitre, la leçon qui en sort est assez claire: Paul veut que ce qui se dira dans les assemblées chrétiennes puisse être compris de tous. - C'est donc au mépris de cet ordre que l'Église romaine a adopté, dans son culte, une langue morte, laquelle est nécessairement, soit pour tous les assistants, soit pour presque tous, une langue inconnue. Ajoutez que ceux mêmes qui savent le latin comprennent souvent tout aussi peu que ceux qui ne le savent pas. L'emploi d'une langue non comprise a amené l'habitude de parler bas, vite, confusément; ce n'est qu'en suivant dans un livre les paroles du prêtre, ou la traduction de ces paroles, qu'on peut, et souvent ce n'est pas sans peine, s'associer à ce qu'il dit.

Le latin n'a été primitivement la langue de l'Église que parce qu'il était la langue de tout le monde; ne dites même pas qu'il était la langue de l'Église, mais de l'Église d'Occident, de l'Église latine. Eut-on l'idée, alors, de l'imposer aux peuples qui ne le parlaient pas? Les Orientaux, de leur côté, songèrent-ils à imposer le grec? Ils auraient eu, pourtant, de bonnes raisons à donner. Les apôtres avaient prêché, avaient écrit en grec; c'est en grec que le Nouveau Testament était arrivé dans l'Occident. Si le christianisme doit avoir une langue sainte, cette langue est le grec, non le latin.

Mais que parlez-vous de langue sainte? L'universalité même de christianisme n'est-elle pas un argument contre l'unité de langage dont Rome a voulu le doter? Ce n'est que dans les pays à castes, chez les anciens Égyptiens, chez les Hindous, que nous trouvons une langue spéciale pour le culte et les prêtres. Quand une religion s'annonce comme devant appartenir à tous les peuples, et, dans chaque peuple, à tout homme qui voudra se l'approprier , - il est contradictoire à son essence de la faire parler, où que ce soit, dans une langue que tous n'entendent pas.

Au reste, ce n'est pas par hasard que Rome se trouve ici en rapport avec l'Égypte et l'Inde. Le latin dans le culte , c'est une barrière de plus entre le clergé et le peuple , un élément de plus dans la notion sacerdotale substituée à celle du ministère évangélique. Puis , en beaucoup de choses, le fond s'est incorporé à la forme ; l'abandon du latin compromettrait d'importantes portions de l'édifice. Voyez la Messe. En français, en anglais, en allemand , serait-ce encore la Messe? Garderait-elle son prestige?

Ce qui opère la transsubstantiation, ce sont les mots : Hoc est corpus meum. Leur puissance magique ne passerait pas facilement, aux yeux de la foule, dans les quatre mots correspondants d'une langue moderne. Voyez encore la Confession. Ce qui absout, c'est: Ego te absolvo. Essayez de dire: «Je t'absous,» et beaucoup de gens croiront moins à votre pouvoir d'absoudre. Singulier christianisme que celui qui tient, en tant de choses, à quoi? A la langue en laquelle on le fera s'exprimer!


CHAPITRE XV

Preuves de la résurrection de Jésus-Christ. Jésus ressuscité s'est montré d'abord à Pierre (note 99), puis à tous les apôtres, etc. Tous meurent en Adam ; tous revivront en Jésus-Christ. Enfin, Jésus remettra « le royaume » à Dieu son père, après avoir détruit « tout empire, toute domination et toute puissance... »


330. Verset 25. Car il faut qu'il règne jusqu'à ce qu'il ait mis tous ses ennemis sous ses pieds.

Sous quelque forme que nous soit présenté, dans l'Écriture, le règne de Jésus-Christ, aucun détail, aucun mot ne nous autorise à supposer que ce règne ne doive pas être le sien, strictement le sien, sans amoindrissement et sans partage. L'idée de la royauté de sa mère n'est pas seulement omise, introuvable ; il est encore impossible de trouver, dans l'Écriture, une place où on puisse introduire cette idée, un terrain, tant borné soit-il, où on puisse élever le prétendu trône de Marie.

Versets 29 et suiv. Sans la doctrine de la résurrection, plus d'espérance, plus de courage. Explications sur ce mystère. La mort vaincue.


331. Verset 57. Grâces soient rendues à Dieu, qui nous a donné la victoire par Jésus-Christ notre Seigneur!

Encore une parole peu d'accord avec ce qui s'enseigne et se pratique dans l'Église romaine, où la victoire sur la mort, la grâce de bien mourir, est si généralement demandée, non à Jésus-Christ, mais aux saints et surtout à la Vierge.

Toutes les grâces spéciales que certaines congrégations offrent à leurs affiliés mourants, c'est Marie qui est supposée les leur procurer ; toutes les morts pieuses, c'est à elle qu'on en rend grâces. Marie attend, au delà du tombeau, quiconque aura espéré en elle, quiconque, après n'importe quelle vie, se sera tourné un moment vers elle.

C'est à elle qu'on recommande tous ceux que leur état expose à mourir sans préparation, les soldats, les marins. Un peu de foi en Marie, ou, moins encore, une médaille au cou avec l'image de Marie , et, à quelque heure ou sous quelque forme que la mort les surprenne, le ciel s'ouvrira devant eux.

Autant de gens , par conséquent, qui ne se joignent pas à l'exclamation de l'apôtre, et qui, n'ayant rien demandé à Jésus-Christ, ne lui rendent grâces de rien ; autant de gens à qui on enseigne à mourir sans passer par la seule voie de salut que saint Paul ait connue et que Dieu nous ait révélée.


CHAPITRE XVI

Collecte à faire pour les chrétiens de Jérusalem. L'apôtre se propose d'aller voir ceux de Corinthe. Exhortations; salutations.

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