CATHERINE BOOTH
N° 1 - 2
- 3 - 4
- 5 - 6
- 7 - 8
- 9
Par l’auteur de Serge Batourine
(Suite 9 - Fin)
Lorsque ses amis lui rappelaient sa vie de dévouement, elle les faisait taire.
Ne me parlez pas de moi; parlez-moi de Jésus.
Ainsi s’éteignit cette belle vie. Les chants et les prières de ses enfants l’accompagnèrent jusqu’aux portes du Ciel. À la demande de nombreux amis, le corps de Mme Booth fut exposé dans le grand Congress Hall du nord de Londres. On a beaucoup blâmé cette manifestation, mais il faut se rappeler qu’on fit de même pour Wesley. Plus de cinquante mille personnes vinrent jeter un dernier regard sur les restes de cette femme remarquable (Contrairement à de fausses assertions, l'entrée de la salle était libre.). Des membres du Parlement et des pauvres en haillons s’y sont rencontrés. Des catholiques et des sécularistes lui ont rendu hommage. Des ouvriers, au rude extérieur, ont pleuré en face de ce cercueil.
— Cette femme a vécu pour moi, s’écria un ivrogne avec des sanglots. De ce jour date le changement de ma vie.
Une vieille femme au pas chancelant s’y arrêtait trop longtemps. Un officier de service voulut la faire passer.
— Non, non, s’écria-t-elle avec énergie, les autres peuvent passer, moi j’ai fait soixante milles pour la voir, elle a sauvé mes deux fils, j’ai le droit de rester!
— Saurons-nous jamais, a dit quelqu’un, le bien que fit le pauvre corps usé et privé de vie de cette femme qui ne le regarda jamais que comme le temple du Très-Haut?
Le rédacteur d’un des journaux illustrés de Londres accompagne ses gravures des réflexions suivantes:
«J’étais présent au service célébré en mémoire de Mme Booth, lundi, à l’Olympia, et je dois reconnaître n’avoir jamais assisté à une cérémonie plus remarquable. J’ai été à d’immenses réunions en plein air et dans les salles, j’ai vu les funérailles de Victor Hugo, alors qu’une nation tout entière a déposé des fleurs sur la tombe du grand poète; j’ai été témoin des plus vastes meetings d’hommes et de femmes réunis dans des buts divers, mais je ne me rappelle pas une assemblée plus frappante et plus grandiose que celle de l’Armée du Salut entourant le cercueil de Mme Booth.
La cérémonie de l’Olympia était loin d’être vulgaire. Cependant tout y était joyeux, solennellement joyeux. Je n’ai jamais compris, ajoute le journaliste, pourquoi les chrétiens qui font profession de croire que la mort est la porte de la vie, sont si tristes en face d’elle».
De son vivant, Mme Booth s’était souvent écriée:
— Ah! que ne peut-on arrêter cette grande ville avec son commerce, ses banques, ses magasins, pendant une ou deux heures, pour l’obliger à réfléchir aux choses qui regardent son salut!
Si pendant sa vie elle n’a pas vu l’accomplissement de ce vœu, il a été, en quelque mesure du moins, réalisé par sa mort.
Voici le tribut que rend à Mme Booth le Dr Joseph Parker, ce prédicateur distingué, cet homme au cœur large qui ne craignait pas de lui offrir sa chaire:
«En entrant à l’église ce matin, j’ai appris un événement solennel, événement attendu depuis des mois. Mme Booth, de l’Armée du Salut, est morte hier après midi. Elle a cessé de combattre; elle est avec les anges de Dieu. Mme Booth n’est point entrée dans le monde invisible en vertu d’une spéculation religieuse ou d’une théorie nouvelle. Elle a jeté ses bras autour de la croix et a passé dans le sanctuaire, en se confiant dans le sang purificateur de Christ. Elle a été un vaillant soldat de la Croix, éloquente, clairvoyante, brave comme un guerrier, et cependant douce comme une mère. Elle a combattu le bon combat; elle est morte en vainqueur. La couronne de gloire lui est réservée.
Nous sympathisons avec le Général et toute sa famille; nous prions qu’ils aient la victoire et qu'ils se montrent aussi capables de souffrir patiemment que de lutter en héros. Chacun rend témoignage au zèle de la défunte. Elle gagnait tous les cœurs. Elle nous a laissé un legs de responsabilité et un grand exemple.
Qui veut reprendre son œuvre, ne fût-ce qu’en une petite mesure? Elle ne demande pas à être admirée, mais à être remplacée. De sa place auprès du trône éternel, elle nous demande:
«Qui veut continuer l’œuvre que j’ai dû abandonner?
Pourquoi restez-vous là tout le jour sans rien faire?
Nous n’avons pas besoin de critiques, mais de camarades pour la guerre, d’aides et d’amis».
«Que Dieu bénisse l’Armée du Salut, ajoute le Dr Parker, car sans elle toute l’Église de Dieu serait considérablement affaiblie. Que ceux qui l'attaquent fassent mieux qu’elle... Le temps est venu de travailler de concert, de faire trêve à la guerre civile et de nous unir en une grande fraternité. Qu’elle opère dans l’esprit de la divine alliance, tirant sa lumière et sa force de cette croix où expire un Dieu triomphant. Commençons tout à nouveau autour de la tombe de cette femme remarquable par ses dons et illustre par son dévouement.»
FIN
En avant 1904 09 10
Table des matières |