CATHERINE BOOTH
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Par l’auteur de Serge Batourine
(suite 5)
À la fin de l’année 1890, l’Armée du salut avait en tout 2.805 Corps et 8.798 Officiers. Aujourd’hui elle a environ 7.368 Corps; ses Officiers sont au nombre de 15.389, et ses Sous-Officiers de 50.000.
Il est certainement étrange de constater un pareil accroissement en face du fait que du haut au bas de l’échelle, ses Officiers ne reçoivent en fait de salaire que le strict nécessaire, et qu’un grand nombre d’entre eux vont au devant de persécutions et de privations de tout genre.
«L’Armée du salut, dit l’éditeur de la Review of Reviews, est un miracle des temps modernes, le dernier triomphe de l’invisible sur le visible, de l’esprit sur la matière.»
Le lecteur excusera cette digression quand il se rappellera l’influence que Mme Booth exerça sur le salutisme.
En 1881 elle donna au Steinway Hall, en 1882 aux Portland Rooms, et en 1883 à la salle Saint-James, des conférences qui furent ensuite imprimées sous les titres suivants: Godliness, Life and Death, Popular Christianity.
Ces trois salles se trouvent dans l’ouest de Londres, au centre du quartier aristocratique, et ces discours s’adressaient exclusivement aux classes supérieures. Il est curieux de voir l’influence, on pourrait presque dire la fascination qu’elle exerçait sur l’auditoire choisi qui se pressait à ses pieds; grandes dames et philanthropes, étudiants et pasteurs de l’Église établie, jeunes et vieux l’écoutaient avec la plus religieuse attention.
Il y a quelques années elle tint des réunions spéciales à Cambridge, auxquelles assistèrent un grand nombre des étudiants de l’Université. Plusieurs font remonter à ce moment le changement de leur vie.
Ce n’est pas que Mme Booth leur adresse des paroles agréables ou flatteuses, bien au contraire, sa parole était acérée comme une lame d’acier. Pleine de compassion pour les êtres dégradés des bas-fonds de la société, elle n’avait pas de ménagements pour ce qu’elle appelait des PHARISIENS DE SALON.
Sa sévérité allait jusqu’à la rudesse. Son indignation contre le mal l’emportait sur tout, et lui faisait parfois prendre les accents de Jean-Baptiste au bord du Jourdain: Race de vipères, qui vous a appris à fuir la colère à venir!
Mme Booth était essentiellement un prédicateur de la justice. Elle avait horreur de l’antinomianisme; si elle annonçait le pardon au pécheur, elle insistait sur un changement radical.
La sainteté de la vie était son thème favori. Et non seulement elle la prêchait, mais elle la pratiquait elle-même; tous ceux qui l’ont connue de près en rendent témoignage.
«Des millions d’âmes sont fourvoyées par les Évangiles antinomiens qui se prêchent de nos jours, dit-elle dans Popular Christianity. Ces Évangiles ont été écorchés et taillés comme autant de victimes de la vivisection. Les bornes mêmes de la sainteté, de l’honnêteté et de la chasteté ont été renversées, et l’on enseigne au peuple qu’il n’y a rien à faire, rien à sacrifier, rien à souffrir pour arriver au ciel; qu’on peut s’y rendre aussi bien par la route large que par le chemin étroit.»
On a blâmé l’intransigeance de Mme Booth, mais personne n’osa jamais associer son nom aux accusations de manque de droiture si souvent formulées par les ennemis de l’Armée.
Le moindre écart de la vérité lui faisait horreur. Ce sentiment, elle l’inculqua à ses enfants dès le berceau. Il serait étrange qu’ils s’en fussent départis et que cette armée dont elle fut aussi la mère, eût si mal compris ses leçons.
«Un point très important pour diriger un enfant dans la bonne voie, dit Mme Booth dans une brochure intitulée aux mères, est de l’élever dans la pratique de la vérité et de la sincérité. La Bible dit de l’homme que les pensées de son cœur sont mauvaises dès sa jeunesse, et l’on ne peut méconnaître que le manque de véracité soit un des péchés les plus caractéristiques de notre race.
Combattre cette tendance, donner à l’âme des habitudes de vérité, doit être un des premiers objets d’une bonne éducation. A cet effet, que les parents se gardent de tout ce qui aurait l’air d’excuser, de pallier la tendance naturelle de leurs enfants à la fausseté. J’ai été plus d’une fois stupéfaite de voir des mères sourire avec complaisance des petits artifices imaginés par leurs enfants pour les tromper ou leur cacher quelque faute... Il faut amener votre enfant à désespérer de vous cacher quelque chose. Que ce soit votre moyen de le rendre véridique, si vous n’en avez pas d’autres».
On pourrait ajouter ici de longues citations dans le même sens tirées du livre du Général Booth sur l’éducation des enfants (The training of children), où il consacre un chapitre entier à ce sujet important entre tous. Ceux qui le liront pourront se convaincre qu’en cela, comme en toute autre chose, il y avait harmonie parfaite entre le mari et la femme.
Mme Booth était reçue avec honneur dans plusieurs des plus riches demeures de l’Angleterre, mais nulle part elle ne se sentait aussi bienvenue que dans les humbles réduits du pauvre. C’est là seulement que se révélaient en plein les côtés doux et féminins de sa nature.
Si elle ne savait pas toujours se mettre à la place des grands, si elle les reprenait parfois avec trop de sévérité, elle était pleine de tendresse pour les malheureux. À cet égard, ce qui est vrai de Mme Booth l’est aussi de tout le Corps auquel elle appartenait.
«Où que l’Armée du salut plante sa tente, elle va droit aux masses les plus négligées, celles qui donnent le moins d’espoir. Les Officiers vivent avec les pauvres et comme eux. Dans les bas-fonds de Londres, dans les ruelles de Paris, ils vont chercher les plus misérables, les plus dégradés. Il est impossible de décrire dans un court article tous les efforts de l’Armée pour dessécher les bourbiers du désespoir qui croupissent sous les couches brillantes de notre civilisation du dix-neuvième siècle. Ceux qui y sont arrachés, se regardent comme des ouvriers dans la même noble cause et savent s’élever à la hauteur de leur situation».
(À suivre.)
En avant 1904 08 06
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