CATHERINE
BOOTH
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Par l’auteur de Serge Batourine
(Suite 4)
Une femme journaliste, Hulda Friederichs, s’exprime en ces termes:
Timide, réservée, sensible, il lui répugnait de sortir de la sphère d’une femme modeste. Mais l’appel lui fut adressé plusieurs fois, et après une lutte désespérée avec ses préférences naturelles, elle fit le pas décisif. Ce fut le début de sa carrière publique.
Son éloquence a attiré les pauvres et les riches, les ignorants et les lettrés. Après ce premier essai, il ne se passa pas de dimanche où Mme Booth ne parlât en public. Bientôt sa réputation se répandit dans tout le pays. Dans la plus vaste salle de Hastings, elle parla à une multitude de gens qui donnaient volontiers leurs dix shillings (12 fr 50) (en 1904) pour obtenir une place qui ne fût pas trop éloignée de la plateforme (1).
Au moment de la saison de Brighton, le Dôme ne pouvait contenir la foule aristocratique qui se pressait pour entendre la femme prédicateur, et dans nombre cas ceux qui étaient entrés pour critiquer restaient pour prier... Et lorsque la femme du ministre revenait à la maison, fatiguée et épuisée par l’effort qu’elle avait fait, elle serrait ses enfants contre son cœur avec l’amour anxieux d’une mère.
Ces agneaux seraient-ils négligés parce que le Maître l’appelait à travailler dans sa vigne?
Non, elle sera aussi bonne mère que si elle n’avait autre chose à faire qu’à les élever.
Si vous voulez savoir en quelle mesure Mme Booth remplit cet engagement, examinez alors les vies de dévouement que mènent ses fils et ses filles. Ils se lèvent et la proclament bienheureuse!»
L’abandon qu’elle avait fait d’elle-même à Dieu s'étendait à ses enfants. «Jamais elle ne tourna nos pensées vers une carrière qui aurait eu pour but notre intérêt personnel, dit sa fille aînée. Plusieurs fois elle refusa des offres avantageuses pour notre éducation, parce que cela nous, aurait placés dans un milieu mondain».
«Je sais ce que sont les sentiments maternels, nous dit-elle elle-même; je sais la tentation qu’il y a à voir ses enfants briller et surpasser leurs camarades. Je connais tout cela, mais j’ai dit arrière de moi, Satan! Je les garderai pour Dieu. Avant même d’être mère, je les lui avais donnés».
Elle eut sa récompense; elle les vit un à un se mettre au service du même Maître et imbus des mêmes principes que leurs parents, consacrer leurs talents divers au bien de l’humanité.
En 1862, après quatre ans de travail à Gateshead, M. Booth s’offrit encore une fois pour l’évangélisation. Cette fois encore la conférence lui refusa sa demande. Le Général se décida à tout sacrifier à l’appel de Dieu. Sa femme se trouvait alors dans un état de santé fort précaire, avec quatre enfants en bas âge. En dehors du méthodisme, ils n’avaient pas un ami.
Sans home et sans ressources d’aucun genre, Mme Booth aurait pu hésiter à se rendre à la conviction de son mari, mais elle n’était pas femme à regarder à ses intérêts personnels. Ceux du Maître passaient avant tout.
On raconte que M. et Mme Booth s’étaient rendus ensemble, à la réunion où leur sort devait se décider. Quand M. Booth eut présenté ses raisons pour donner sa démission, la voix de sa femme se fit entendre du haut de la galerie: «Tiens-t’en à ce que tu as dit, William; allons-nous en!»
«Nous partîmes ensemble, dit M. Booth, sans savoir où nous allions. Nous ne connaissions pas une âme qui put nous donner un shilling. Après un séjour de quinze jours chez un de nos parents, nous nous rendîmes en Cornouailles, où se produisait alors un des plus grands réveils qui aient jamais eu lieu dans le pays. Nous y restâmes deux ans pendant lesquels sept mille personnes rendirent témoignage de leur foi, et des milliers se joignirent aux églises».
Ils travaillèrent ensuite à Cardiff. En 1865, pendant une visite à Londres, M. Booth fut invité à tenir une réunion sous une tente dans un quartier de l’est. Son âme fut touchée par les besoins de ces millions d’âmes, et dans le cœur de sa femme s’alluma aussi un ardent désir de faire quelque chose pour eux. C’est ainsi que sous un autre nom, celui de Mission chrétienne, la première pierre de l’Armée du salut fut posée à Londres.
Pendant les dix ans qui suivirent, l’activité de M. et Mme Booth se borna aux limites des îles Britanniques, où elle prit une immense extension.
À la fin de 1879, le premier War Cry fut publié. Il souleva une vague d’opposition, qui se calma cependant lorsqu’on vit les services qu’il rendait, et la salutaire concurrence qu’il faisait aux Pennydreafuls (2).
L’année précédente avait marqué par l’apparition des femmes capitaines. C’est à cette époque que se développa l’organisation militaire et ce qui caractérise l’Armée du salut.
En 1872 le premier Corps salutiste avait été formé aux États-Unis par un ouvrier anglais qui y avait émigré.
En 1882 le Général envoya des Officiers au Canada. La même année une dame suédoise convertie pendant une visite de M. Bramwell-Booth dans son pays, planta la bannière de l’Armée sur le sol Scandinave.
En sept ans, 101 Corps furent formés en Suède et en Norvège, et 19 en Danemark.
En 1879, un laitier, libertin réformé par l’influence de l’Armée du salut, s’établit dans le sud de l’Australie, où il fonda une station missionnaire.
À sa demande, le Général lui envoya deux Officiers en 1881. Au bout de quatre ans, l’Australie et la Nouvelle-Zélande comptaient cent quatre Corps. Il y en a maintenant 350.
La mission aux Hindous fut aussi commencée en 1882. Les indigènes ont toujours témoigné la plus grande sympathie aux salutistes, qui ont adopté leur costume et leur mode de vie. Il n’en fut pas de même au sud de l’Afrique, où ils débarquèrent en 1883. Leur arrivée fut marquée par des émeutes. On sait l’histoire des débuts de l’Armée en France et en Suisse.
Ce fut en 1881 que l’envoyé du Général Booth partit, selon son expression, à la conquête de la France. Il y a à l’heure qu’il est (en 1904) plusieurs Corps salutistes en Allemagne, mais leurs progrès y sont lents.(3). On leur est plus sympathique en Belgique et surtout en Hollande, où, s’il y a des réunions souvent orageuses, ils ont des amis même parmi le clergé et les magistrats.
(À suivre.)
En avant 1904 07 30
(1) Il est important de rectifier en passant une idée fausse assez répandue au sujet des collectes de l’Armée. Ces collectes et les finances perçues à la porte des salles sont exclusivement consacrées à l’Oeuvre de l'Armée du Salut. Un ami fortuné qui désirait que le général Booth pût se consacrer entièrement et sans empêchements à sa grande oeuvre, lui fit don d’un capital suffisant pour les besoins de sa famille.
(2) Feuilletons à sensation, du genre le plus grossier.
(3) Ce n’est plus-vrai aujourd'hui.
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