CATHERINE BOOTH
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Par l’auteur de Serge Batourine
(Suite 3)
Avant la naissance de son quatrième enfant elle écrivait la brochure intitulée: Le ministère des femmes, «brochure qui, ajoute sa fille, a fait un bien remarquable en convainquant plusieurs des premiers esprits de notre pays du droit qu’a la femme d’annoncer l'Évangile.
Sa vie de parfaite mère de famille n’était pas moins remplie d’activité publique que celle de mon père. Ne vous imaginez pas qu’elle eût une santé robuste, bien au contraire, elle a toujours été délicate.
Mon père dit que ses premiers souvenirs d’elle ont trait à sa faible santé; mais elle avait un courage indomptable pour se vaincre et tout surmonter. Que de fois, n’écoutant ni faiblesse, ni souffrance, elle a quitté un lit de maladie pour tenir une réunion de 2000 à 3000 personnes, après quoi elle retournait souffrir.
Quel était le secret de cette énergie?
C’était l’amour, l’ardent désir de voir le règne de Dieu s’étendre sur la terre, un feu sacré dans ses os, qui eh faisait une guerrière».
Mme Booth parlait peu; elle avait horreur des lieux communs débités dans la société; quand elle ouvrait la bouche, c’est qu’elle avait quelque chose à dire.
«Je ne l’ai jamais entendue bavarder, dit le Général, ni parler mal à propos. Si elle allait en société, ce qui était rare, ses paroles ne se perdaient pas en inutilités. Lorsque, jeune ministre, je devais, accompagné d’elle, me trouver avec des hommes de Dieu pour nous occuper des questions concernant son Royaume, elle cousait ou tricotait dans le silence; sa voix ne se faisait entendre que si l’on s’élevait contre des questions vitales telles que le ministère des femmes ou le mouvement de tempérance, car, il y a quarante à cinquante ans, ces sujets-là étaient encore discutés en Angleterre et en butte à l’opposition. Elle savait répondre à ses adversaires avec l’énergie de la vérité. Tous étaient suspendus à ses lèvres».
Il y a quelques années, je dînai avec elle chez une dame qui l’avait invitée à passer la nuit sous son toit. C’était dans une ville du sud de l’Angleterre, où elle devait plaider la cause du relèvement moral. J’avais beaucoup entendu parler d’elle et j’espérais profiter de sa conversation. Je me trouvai en face d’une femme au visage austère. Son expression avait plus de force que de douceur. En la voyant, on pensait à Déborah ou à Jaël. Ses yeux me frappèrent, ils semblaient vous lire jusqu’au fond de l’âme.
Pendant le dîner elle ouvrit à peine la bouche. Une heure après, sa parole tenait enchaîné un immense auditoire qui frémissait d’indignation pendant qu’elle dénonçait le vice avec les foudres d’un Élie. Sa voix, faible au début, prenait de l’ampleur à mesure qu’elle parlait.
L’intensité de ses sentiments lui donnait des accents passionnés et pleins de puissance. Jamais je n’entendis de discours plus impressif sortir de la bouche d’un homme. En rentrant, elle se laissa tomber épuisée sur les marches de l’escalier.
En 1860, la conférence méthodiste décida, malgré les vives protestations du jeune ministre, de lui faire abandonner son œuvre d’évangélisation pour lui donner la charge du district de Gateshead dans le nord de l’Angleterre.
Ne voulant pas faire acte d’insubordination, William Booth se soumit à cette décision. Ses méthodes avaient-elles déplu à certaines personnes, son succès en avait-il indisposé d’autres, et cette démarche avait-elle pour but de restreindre son activité?
Quoi qu’il en soit, ce but ne fut point atteint, car Gatlieshead, qui était à son arrivée l’un des districts les plus pauvres, devint en peu de temps l’un des plus prospères de la société.
L’expérience qu’il acquit pendant les trois ans qu’il y passa, fut plus tard d’un grand service à M. Booth.
C’est à Gateshead que se passa un des événements les plus mémorables de la vie de Mme Booth: son premier pas dans le ministère public. C’est une erreur de croire qu’elle y entra volontiers et par choix. Tout au contraire.
Pendant dix ans son mari, qui connaissait ses dons et pressentait l’influence qu’ils pourraient avoir, l’engagea vainement à vaincre sa timidité.
Voici comment Mme Booth raconte elle-même les circonstances qui la décidèrent enfin à répondre à son désir.
Il y avait longtemps que l’Esprit de Dieu luttait avec moi à ce sujet. Depuis l’heure de ma conversion je me sentais poussée vers un champ de travail qui me paraissait fermé pour moi. Peut-être me croirez-vous à peine si je vous dis que j’étais un des disciples les plus timides de Jésus-Christ.
Je prenais des résolutions, mais quand l’heure était venue de les accomplir, je n’en avais plus le courage.
Pendant un temps de maladie, Dieu me révéla clairement sa volonté. Je me prosternais la face contre terre et je m’écriai: Si ton Esprit m’y pousse, Seigneur, je t’obéirai, quoi qu’il m’en coûte, fût-ce même au prix de ma vie.
Trois mois s’écoulèrent; j’étais remise et me trouvai dans la chapelle dont mon mari était le ministre. L’Esprit vint sur moi. Il me sembla entendre une voix qui me disait:
Va, confesse-moi, et je te bénirai, toi et le peuple qui t’entendra.
— Je le Crois, Seigneur, répondis-je, mais je ne puis.
J’avais oublié ma promesse.
Tu ne t’es pas préparée à parler, me souffla le malin. Tu auras l'air d’une folle; tu n’auras rien à dire.
Ce fut cette suggestion-là qui me décida.
— Ah! m’ériai-je en moi-même, c’est cela; je n’ai pas encore voulu être folle pour l’amour de Christ; je le serai maintenant. Je me levai et j’allai droit à la chaire.
Mon mari allait conclure. Il crut qu’il était arrivé un malheur; la congrégation le crût aussi. Il se pencha vers moi.
— Qu’y a-t-il, ma chère? Mme Booth s’expliqua à la hâte.
— Ma chère femme désire dire un mot, dit-il sans rien pouvoir ajouter, si grande était sa surprise. Il y avait dix ans qu’il appelait ce moment de ces vœux. Depuis ce jour Mme Booth prêcha régulièrement, et pendant une absence de son mari elle fut priée de le remplacer.
(À suivre.)
En avant 1904 07 23
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