CATHERINE BOOTH
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Par l’auteur de Serge Batourine
(Suite 8)
«Il y a eu, dit la Review of Reviews d’octobre 1891, des hommes grands et fameux qui ont fondé des organisations célèbres, mais le Général Booth est le seul qui ait élevé une famille dans le but exprès de poursuivre et de perfectionner l’œuvre qu’il a commencée.
Le secret en est peut-être dans le fait que l’Armée est autant l’œuvre de sa femme que la sienne propre.
L’Armée du salut croit à l’hérédité; elle croit à l’éducation, et ces deux croyances sont fortement confirmées par la capacité extraordinaire de toute la famille. Consacrés dès le berceau au service de l’Armée, ils ont, sans une seule exception, voué leurs vies à la même cause. Ils diffèrent les uns des autres, mais ils possèdent tous en quelque mesure les dons hors ligne de leurs parents.
Au physique, ils sont loin d’être robustes. Jamais il n’y a eu d’infirmes qui aient fait un travail plus pénible que la famille Booth... Mais malgré leur faiblesse, ils ont une grande réserve d’énergie et d’élan. Formés dès l’enfance à s’occuper des détails matériels de l’administration et des finances, accoutumés à s’occuper des individus et à faire face aux masses, il n’y a pas un seul d’entre eux qui ne soit mieux préparé pour être à la tête de l’Armée que le Général ne l’était il y a douze ans pour diriger une organisation religieuse qui embrasse le monde entier.»
La Contemporary Review de novembre 1891 a publié un portrait de Mme Booth par une dame bien connue (Mme Joséphine Butler) qui a travaillé de concert avec elle au relèvement moral. J’en citerai quelques lignes en terminant.
«Parmi les traits qui m’ont le plus frappée chez la mère de l’Armée du salut, le premier est l’idée de la famille illustrée dans son propre intérieur et dans toute l'organisation qu’elle a dirigée. La famille, l’institution humaine la plus sacrée, que Jéhovah a sanctionnée de son nom en s’appelant le Dieu des familles de la terre. C’est un idéal qui a constamment besoin d’être vivifié et fortifié.
Mme Booth doit avoir été douée d’une manière très spéciale pour consacrer et faire revivre cette idée dans le monde, tant par son bonheur singulier comme épouse et comme mère, que par le succès signalé qui a été le résultat de ses efforts. Il semble que ce mariage ait été fait au ciel et cette famille formée pour accomplir une grande œuvre.
Les grandes sociétés religieuses ont été fondées jusqu’ici sur le renoncement aux liens du sang et ceux de ces mouvements qui ont admis les femmes dans leur sein, ne l’ont fait que d’une manière fort subordonnée.
La vie de famille de l’Armée tout entière m’a beaucoup frappée et profondément touchée, lorsque je me suis trouvée en contact avec elle en Angleterre ou sur le continent à l’occasion de réformes législatives et sociales pour lesquelles elle a toujours manifesté de chaudes sympathies.
Une juste indignation contre le mal est le second trait caractéristique qui me frappe en Mme Booth. Elle avait une horreur instinctive de toute injustice et de toute oppression, et ce n’était pas seulement l’indignation sanctifiée de la chrétienne, mais le courroux de la femme. Je me rappelle encore sa petite main crispée et les éclairs que lançaient ses yeux intelligents et bons au récit d’actes de tyrannie et de cruauté.
Il me semble qu’après son amour intense pour les âmes, cette sainte indignation contre le mal avait la première place dans son cœur... Elle était un critique sévère, et lorsqu’une chose lui paraissait haïssable, elle la haïssait avec passion...
En troisième lieu, c’était une femme de grande pénétration en matière de politique. Comme orateur, son principal succès semble avoir résidé dans sa puissance de raisonnement et dans la logique qui ne lui faisait jamais défaut, même dans ses paroxysmes d’indignation. Je me souviens d’avoir rencontré M. Froude, l’historien, peu de temps après une conférence de madame Booth sur des sujets qui touchaient à des questions nationales et sociales. Il me dit avoir été frappé de son jugement, de sa pénétration, de sa finesse d’esprit et de son absolue sincérité.
En quatrième lien, ajoute l’auteur, la grande question de la position des femmes a pour ainsi dire été résolue par l’existence de Mme Booth.»
Cette affirmation ne paraîtra pas exagérée à ceux qui savent que sur 9.000 Officiers salutistes, 40 pour cent sont des femmes. Que de talents qui seraient restés enfouis dans la terre, ont été mis en usage! Que de vies qui se seraient passées dans l’obscurité et la langueur, sont devenues des centres de lumière et d’activité! Que de cœurs vides et desséchés qui ont été remplis d’amour pour Dieu et rendus propres au service de leurs semblables! Si Mme Booth n’avait fait que cela, elle aurait déjà accompli une belle œuvre.
* * *
Sur une plage aride des côtes d’Essex, non loin de l’embouchure de la Tamise, s’élève la petite ville de Clacton. C’est là que, dans une maison de repos destinée aux Officiers fatigués ou malades, la mère de l’Armée du Salut, fatiguée et malade aussi, se fit transporter pour respirer les brises de mer.
Elle ne retourna plus à la vieille maison de Hackney, où son mari seul, avec une de ses filles, poursuivit sa fiévreuse activité.
Mme Booth-Tucker (Aujourd’hui dans la Gloire) s’établit auprès de sa mère, qu’elle entoura de ses soins jusqu’à la fin. Chaque fois qu’il pouvait échapper aux exigences de la guerre, le Général prenait le train pour Clacton et venait s’asseoir au chevet de sa compagne bien-aimée.
Leurs autres enfants, dispersés en Angleterre, sur le Continent et par delà les mers, y faisaient des pèlerinages aussi fréquents que la distance le permettait; mais toujours prête à renoncer à elle-même, la malade les renvoyait à leur poste. Elle ne voulait pas que l’œuvre souffrît à cause d’elle.
Plusieurs fois le mal s’aggrava à tel point que l’on crut l’heure dernière arrivée; plusieurs fois la famille se réunit et les adieux furent prononcés, mais ce ne fut qu’au bout de dix-huit mois de terribles souffrances que Dieu rappela enfin à Lui Sa servante. — Je suis confuse du peu que j’ai fait, s’écriait Mme Booth peu avant sa mort.
(À suivre.).
En avant 1904 08 27
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