Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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DOROTHÉE TRUDEL

QUATRIÈME PARTIE


 
Les méthodes de quelques guérisseurs par la foi

II

Les guérisseurs anglais

Dans un entrefilet paru cette année, vers le mois de mars un des collaborateurs du journal la Dépêche parlait du « Trust de la prière », comme l'on parle maintenant du « Trust de l'Océan », et se moquait de ces gens qui, refusant les secours médicaux, n'emploient comme seul remède à leurs maux que la prière et affirment bien haut qu'il suffit de prier pour être guéri. Il faut dire que ce journaliste avait surtout en vue les guérisseurs anglais.
La faute en revient, avouons-le, à la grande majorité des guérisseurs anglais eux-mêmes, qui n'ont pas mis de frein à leurs exagérations aussi fausses que dangereuses. Ce n'est pas nous qui nous chargerons ici de les défendre.

Cependant, comme nous désirons apporter des faits, il nous parait utile de faire connaître brièvement les théories et les méthodes les plus avancées de ces guérisseurs, afin de faire sentir où se trouve l'erreur, et de retenir dans le juste milieu ceux qui seraient tentés de les suivre, en se fondant sur une mauvaise exégèse biblique, aussi funeste pour la foi que pour l'incrédulité.

Le principe faux d'où découle toute la théorie de ceux que nous appellerons les guérisseurs anglais (1), se trouve dans leur affirmation que la maladie n'a pas été voulue de Dieu, qu'elle est, comme la mort, une conséquence de la chute, et que Jésus-Christ, dans son oeuvre de Rédemption est venu pour nous en délivrer, de même qu'il nous délivre du péché qui en a été la cause. En un mot, péché et maladie marchent de pair, sainteté et santé font de même.

Il est certain que le péché peut être parfois la cause de la souffrance, la maladie un châtiment du péché. Nous ne saurions affirmer le contraire, puisque les faits ont déjà parlé. Il n'y a, en effet, qu'à se rappeler ces malades que Dorothée Trudel vit se rétablir lorsqu'ils lui eurent confessé leurs fautes, leurs péchés les plus graves (2).

Mais de cette constatation à l'affirmation des guérisseurs anglais, il y a une exagération dangereuse qui ne s'appuie que sur une interprétation biblique absolument fausse et dont on ne sait vraiment comment arrêter l'influence néfaste quand on pense aux innombrables brochures (3) qui la répandent.
Avant la chute du premier homme, la maladie, la souffrance, la mort même étaient là.
- Là ? puisque Dieu dit à l'homme : « Si tu manges du fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, tu mourras de mort » ; ne fallait-il pas que l'homme sut ce que c'était que la mort ?
- Là ? puisque Dieu dit à la femme : « J'augmenterai ta douleur » ; preuve que la douleur avait déjà fait son apparition. Le mal physique existe donc avant la chute. Il ne dépend pas de l'homme de l'empêcher. Ce qui dépend de lui, c'est de se préserver du péché et de garder ainsi, pur de toute souillure, le berceau de l'humanité. Quant au mal physique, il n'est qu'une des conditions de l'épreuve morale, but dernier de l'existence terrestre.

Donc sainteté et santé ne sont pas deux termes corrélatifs. « La santé n'est pas plus la conséquence nécessaire de la sainteté que la sainteté n'est la condition indispensable de la santé (4). » Trop d'exemples tirés de notre Bible nous le rappellent du reste, pour que nous puissions encore fermer les yeux et soutenir pareille théorie. (5)

Dorothée Trudel ne nous semble pas avoir atteint cette exagération. Pour elle, la maladie ne parait pas avoir été la punition méritée d'un ou de plusieurs péchés. Cependant elle attirait volontiers l'attention de ses auditeurs sur le fait que, dans bien des cas, le péché pouvait entraîner la douleur, et l'assurance du salut provoquer une joie intérieure qui, se propageant à travers l'être physique lui-même, diminuerait l'intensité de la souffrance. Le fait qu'elle ne promettait à personne la guérison, vient appuyer, ce nous semble, cette opinion. (6)

Après s'être fondés sur un principe faux, les guérisseurs anglais ne purent qu'en tirer des conséquences également fausses. On s'étonne pourtant de ne pas les voir abandonner le principe devant les dangers de ses conséquences.

L'une des premières conséquences, c'est qu'on commande à Dieu de guérir les corps. Dieu, dit-on, veut guérir tous les malades, puisqu'il veut sauver tous les pécheurs. Donc il ne faut plus employer la formule : « Guéris-moi, si c'est ta volonté ! » mais celle-ci : « Guéris-moi, car c'est ta volonté, ! »

Ce « car » qui remplace le « si », c'est là porte ouverte aux supplications les plus hardies, les plus téméraires, aux prières les plus volontaires, par conséquent aussi, celles où l'on sera le moins porté à l'humiliation, à la soumission, à l'amour. Est-ce ainsi que pria Jésus ? Lui, qui resta soumis jusque sur le Calvaire, qui en toutes choses s'inclina devant la volonté du Père et put Lui dire toujours : « Non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ? » Est-ce ainsi que prièrent les apôtres ?
- Quand saurons-nous joindre à la foi persévérante cette soumission pleine de confiance sans laquelle nos prières ne seront pas efficaces ! Car nous ne pouvons pas nous targuer de connaître la volonté du Père céleste. Affirmer que Dieu veut nous guérir, c'est être présomptueux, c'est déjà redescendre vers l'orgueil spirituel qui arrête et détruit en nous l'oeuvre du Saint-Esprit.

Dorothée Trudel sut rester dans la juste mesure. Jamais on ne vit prières plus ardentes et soumission plus résignée, foi plus sincère, plus héroïque et confiance plus absolue. Elle se réjouissait des exaucements du Père céleste, mais n'en tirait aucune vaine gloire. Au contraire, cela l'humiliait davantage, et sa foi en était purifiée.

Si nous revenons à nos guérisseurs anglais, nous nous trouvons en présence d'une seconde conséquence, qu'entraîne logiquement avec lui le principe faux qui unit sainteté et santé comme deux termes corrélatifs. puisque sainteté et santé, nous dit-on, sont deux termes corrélatifs, comme il a y une correspondance exacte entre l'état du corps et celui de l'âme, la guérison suivra une marche proportionnée aux progrès que le malade réalisera dans la foi et dans la sainteté. Si le malade n'est pas du tout délivré de son affection corporelle, c'est qu'il ne possède pas la « vraie vie en Jésus », au moins dans son degré supérieur ; s'il ne l'est qu'à moitié, c'est qu'il ne la possède qu'à moitié.

On devait s'y attendre. N'est-ce pas tout à fait logique ? - Et pourtant, l'exagération est si forte qu'il suffit presque de l'énoncer devant un esprit sain et réfléchi, pour qu'il la considère aussitôt comme téméraire et dangereuse.
N'est-il pas, en effet, téméraire et dangereux de dire à un malade : « Si tu as une foi ferme et une conscience pure, tu seras infailliblement guéri par l'invocation du nom du Christ et l'imposition de mes mains. Si tu n'es pas guéri, c'est qu'il manque quelque chose à la fermeté de ta foi ou à la pureté de ta conscience. »

Téméraire ? parce que vous ne savez pas ce que Dieu réserve à ce malade, qu'il se peut bien qu'il guérisse sans être converti, ou qu'il ne guérisse pas bien qu'ayant la foi nécessaire. « La maladie, dit M. Chaponnière, n'est qu'une des nombreuses épreuves qui pèsent ici-bas sur l'humanité déchue, et il n'y a pas de raison pour que les croyants et les saints en soient exemptés plus infailliblement qu'ils ne le sont, par exemple, de l'insuccès ou de la pauvreté (7). »

Dangereux ? parce qu'il nous semble qu'un tel langage présente un double péril que M. Chaponnière résume très bien lorsqu'il écrit (8: « Si le malade guérit, ne risquera-t-il pas d'aller échouer sur le récif de l'orgueil spirituel, de se croire arrivé à un degré de sainteté tout à fait extraordinaire ? S'il demeure au contraire malade, ou s'il rechute, n'ira-t-il pas se briser contre l'écueil du décourageaient moral, du désespoir religieux, ne se croira-t-il pas fatalement voué à la réprobation divine (9? »

Est-il utile d'ajouter que Dorothée Trudel ne tomba jamais dans cette exagération, puisque jamais elle ne promit la guérison à un malade, fut-il même converti ? Son point de vue resta toujours : « Si tu as la foi, la prière peut te guérir ; le Seigneur en décidera. »

« Le Seigneur en décidera », voilà le vrai point de vue. Malheureusement, les guérisseurs anglais oublièrent totalement que Dieu est libre de faire ce qui lui semble bon et qu'il peut lui sembler bon de prolonger la souffrance physique dans l'intérêt de l'épreuve morale. Du même coup, ils enchaînèrent l'homme à une méthode unique, invariable, obligatoire et la conséquence dernière ne se fit pas attendre.

Cette troisième conséquence s'est transformée en principe chez une secte spéciale connue sous le nom de Peculiar People (Peuple particulier) et qui soutient que le chrétien ne doit jamais consulter de médecin ni prendre de remèdes, mais qu'il doit recourir, en cas de maladie, à l'onction d'huile et à l'imposition des mains des anciens de l'Eglise.

Cette erreur, depuis son apparition, a fait beaucoup de chemin et s'est glissée partout, dans tous les milieux, dans toutes les classes de la société, non pas seulement en Angleterre ou en Amérique, mais encore en Allemagne, en Suisse et en France. Il semble donc que médecin et guérisseur doivent rester toujours deux adversaires, remède et prière deux moyens inconciliables entre lesquels il faille choisir.

Même Dorothée Trudel ne paraît pas avoir été exempte de cette exagération-là. N'est-ce pas le, manque d'hygiène et l'absence de médecins qui ont fait que, dans les maisons de Maennedorf, l'épidémie meurtrière qui a emporté la pieuse directrice elle-même, a pu se développer prodigieusement (10? Et cependant, Dorothée Trudel n'eut pas sur ce sujet une règle fixe, invariable. Elle appelait les médecins dans les cas les plus graves et n'empêchait jamais malades ou parents de les faire venir s'ils le désiraient (11).

Il faut d'ailleurs avouer que, plus la maison de Maennedorf fit d'expériences, plus elle devint circonspecte et modérée dans la pratique des guérisons par la prière. Et M. Zeller est, sous ce rapport, beaucoup plus sobre que ne l'était Mütterli. On peut en dire autant de l'établissement du pasteur Blumhardt à Boll, et de celui de M. Stockmayer, un imitateur de Dorothée Trudel, à Hauptweil.

Quoi qu'il en soit, ce que nous désirons faire remarquer, c'est le danger de cette troisième erreur, introduite par les guérisseurs anglais avec leur principe inexact. Car cette idée fausse peut conduire aux plus lamentables aberrations.
C'est ainsi que, si, d'un côté, les membres, de la secte Peculiar People se font gloire de plusieurs cas de guérisons survenues d'une manière soudaine, à la suite de leurs prières, d'autre part, leurs voisins citent un plus grand nombre encore de cas de morts naturelles qui se sont produites au sein de ces familles et qui auraient pu être prévenues par des soins médicaux. Et ne raconte-t-on pas la triste histoire de ce missionnaire qui aima mieux mourir de la fièvre au milieu du grand désert d'Afrique, plutôt que de contrevenir à ses principes en prenant une dose de quinine (12?

Au lieu d'en arriver à de tels désastres, reconnaissons que notre Bible ne nous défend nullement l'emploi des remèdes et que bien souvent elle nous rapporte des guérisons qui ont été accompagnées de l'emploi de moyens humains. Reconnaissons que ce n'est pas faire preuve d'une insuffisance de foi, d'un manque de confiance à l'égard de Dieu que de se servir de remèdes que Dieu lui-même permit à notre intelligence de découvrir et d'appliquer, après leur avoir assigné dans sa création pleine de sagesse, une place à occuper, un but à atteindre. Reconnaissons enfin que Dieu est libre de guérir comme il lui plaît, de guérir directement par un effet de sa miséricorde et de sa puissance, mais aussi de guérir indirectement par l'intermédiaire des causes secondes, comme l'emploi des remèdes ou le recours au médecin. Dieu est libre dans le choix du mode et des conditions de son intervention. Nous adopterons donc la conclusion de M. Chaponnière qui écrit dans son intéressant article « Sainteté et Santé » :
« Notre principe, à nous, le voici. Si nous sommes malades, nous devons employer les remèdes que les hommes de l'art nous prescrivent, sauf dans deux cas, celui où Dieu refuse de les mettre à notre portée, et celui où l'expérience nous démontre leur complète inefficacité.

En dehors de ces deux cas, le rejet systématique des moyens naturels de guérison nous semble condamné, par la réponse que le Seigneur fit au démon, qui lui suggérait de se jeter du haut en bas du temple en s'en remettant aux bras des anges pour le porter : « Il est écrit : Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu (13). »

Et nous nous souviendrons aussi de la parole d'Ambroise Paré, si souvent redite, mais toujours vraie : « Je le pansay, - Dieu le guarit ! »

En résumé, ne pas reconnaître les progrès de la science et en faire fi ; - rejeter la liberté divine et enchaîner Dieu à un déterminisme qui l'oblige à guérir les uns et à refuser tout secours aux autres ; - forcer l'homme enfin à considérer la maladie comme un péché et la foi comme un gage certain de la guérison du corps, - c'est souvent tuer son corps, dissoudre sa foi, perdre son âme, - c'est en tout cas amener les incrédules à se moquer, les journalistes à dénigrer le Christianisme et les âmes simples à douter.

Aux guérisseurs anglais à refaire leur exégèse, à comprendre mieux leur Bible et à supprimer de leurs systèmes ces exagérations dangereuses, qui nuisent plutôt à l'avancement du règne de Dieu, qu'elles n'y contribuent.


Table des matières

Page suivante:


(1) Nous désignerons sous ce titre la grande majorité des guérisseurs dont nous combattons les théories, sans pour cela affirmer qu'il n'y ait parmi eux aucun chrétien modéré, circonspect et réservé.

(2) Voir : page 94.

(3) Lire particulièrement la brochure du Rév. Simpson sur « Guérisons selon l'Évangile », derrière laquelle on trouvera d'ailleurs une longue liste de traités et ouvrages conçus dans le même esprit.

(4) F. Chaponnière. - De la guérison par la foi, art. Sainteté et santé, page 37.

(5) Se rappeler, en particulier, la réplique de Jésus touchant l'aveugle-né (Jean IX, v. 1-4). On peut citer les ulcères du pauvre Lazare, la maladie d'Épaphrodite, l'écharde de l'apôtre Paul, etc... Tout le livre de Job n'est-il pas une protestation contre l'affirmation qui fait de sainteté et de santé, de péché et de maladie, des termes corrélatifs ? Dans l'histoire de l'Eglise, notons seulement les souffrances d'un Calvin, d'un Félix Neff, d'un Vinet, et d'un Adolphe-Monod.

(6) Voir : page 107.

(7) F. Chaponnière, op. cité, page 36.

(8) id. page 38.

(9) Il nous serait facile de citer quelques faits récents ; nous ne le ferons pas pour ne pas allonger ce chapitre, et parce que ces faits sont tous particulièrement navrants à raconter.

(10) Voir page 121.

(11) Voir pages 109 et 110

(12) « La dernière phrase écrite dans son journal par ce missionnaire de l'Eglise méthodiste américaine était celle-ci : « Je n'ai pas la fièvre, mais seulement un sentiment de faiblesse. Je m'empare de cette promesse : « Il donne de la force à celui qui défaille », et je reçois la bénédiction promise. » Son médecin raconte ainsi leur dernière conversation : « Charles, lui dit-il, votre pouls, la température de votre corps, tout me dit que vous allez mourir si vous ne prenez pas un remède pour couper cette fièvre. » - « Eh bien, répondit le pauvre garçon je mourrai, car je me suis juré à moi-même de ne pas prendre de médecine. » - J.-M. Buckley - la guérison par la foi et les phénomènes similaires, page 13

(13) F. Chaponnière, op. cit., page 40.

 

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