Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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DOROTHÉE TRUDEL

DEUXIÈME PARTIE



IV

Les méthodes : Les cultes

Ce qui soutenait Dorothée Trudel au milieu de cette activité débordante, dont nous n'avons pu donner qu'un aperçu bien au-dessous de la réalité, c'était l'esprit de prière qui l'animait et qui se traduisait pour tous les habitants des trois maisons de Maennedorf par les cultes auxquels elle les conviait. C'était là sa principale méthode et sa plus grande force.

On méditait donc la Parole de Dieu après chaque repas ; et comme l'usage zurichois était de prendre quatre repas par jour, on avait aussi quatre cultes, à 8 heures 1/2 du matin, à 1 heure, à 5 heures et à 8 heures du soir. Le culte de 5 heures était spécialement consacré à la prière. Chacun de ces cultes durait 1 heure, et celui du matin souvent plus longtemps.

Comme mère de famille, Mlle Trudel présidait. Elle faisait placer deux malades à ses côtes, et leur imposait les mains tant que duraient son discours et sa prière ; aussi ne fit-elle jamais de gestes, ce qui contribuait à donner de l'autorité et de la dignité à son attitude.

Longtemps elle s'était bornée à lire un sermon de Hofacker ou, quelques pages de Kolb, un disciple de Michaël Hahn. Plus tard, elle se mit à faire elle-même quelques réflexions sur ce qu'elle avait lu. Elle prenait en général le chapitre indiqué par le livre de textes moraves et le lisait en entier ; ou bien, se recueillant et dirigeant un regard suppliant vers le ciel, elle tirait son texte de la petite boîte contenant la collection des mille passages bibliques. À peine la lecture finie, elle parlait pendant près d'une heure avec une liberté, une force, une verve et une charité difficiles à se représenter.

Les discours de Mütterli n'étaient que de simples méditations sur les versets qu'elle venait de lire et qu'elle suivait de nouveau pas à pas... Mais chacun d'eux lui rappelait une multitude de souvenirs et ces faits d'expérience ajoutaient à sa prédication, déjà forte et édifiante, une vie et un intérêt tout particuliers. En un mot, sa prédication était une prédication d'expérience.

Elle ne parlait guère sur les guérisons.
Aussi ne pouvons-nous donner exactement sa pensée sur ce point. Elle n'a d'ailleurs consigné nulle part ses théories, si toutefois elle en avait de précises. Et ses simples méditations ne touchaient qu'au développement spirituel des âmes que le Seigneur lui avait confiées, ou à leur conversion si, chez elles, il n'y avait eu encore aucune transformation véritable. Avant toutes choses, elle désirait apprendre aux âmes à s'adresser elles-mêmes au Père miséricordieux et tendre, à se confier en Lui et à le prier avec foi et persévérance. « Oh ! ne vous appuyez pas sur ma prière en votre faveur, recommandait-elle à ses malades ! Mais priez vous-mêmes, comme si personne ne priait pour vous: et cela ira bien. »

Aussi est-ce avec insistance qu'elle invitait les âmes irrégénérées à changer de vie:
« Ceux qui ne possèdent pas Christ, disait-elle, sont encore des noyés ! » Et encore - « Notre coeur doit avoir une haine, je dirai plus : un dégoût pour le péché. Les yeux de Dieu sont des éclairs qui dévoilent toute chose : s'ils s'arrêtent sur quelqu'un, cet homme ne peut que s'effrayer ! ... Mais comme il est doux de voir s'évanouir devant l'amour de Dieu les hautes montagnes de son péché. » Et plus loin : « Changez tout, ce qui est en vous : les yeux, les oreilles, le nez, les pieds, la langue, etc., etc... Le jeune homme riche devint triste parce qu'il lui fallait abandonner quelques biens ; d'autres deviennent joyeux, lorsqu'ils ont tout perdu. »

À ceux qui s'étaient donnés au Sauveur, elle rappelait l'obéissance aux commandements divins : « Nous savons, disait-elle, que les sujets d'un roi doivent suivre ponctuellement ses ordres ; si nous, chrétiens, nous étions plus attentifs aux ordres de notre Roi céleste, nous serions plus heureux. Si nous sommes les élus de Dieu, restons donc avec le Roi céleste dans une communion vraiment intime, obéissons ponctuellement à ses ordres, comme les serviteurs d'un roi lui obéissent. Nous ne serons jamais trop sévères dans l'accomplissement de la Parole de Dieu. » Et encore : « Ne servons plus aucune image. Nous devons avoir honte de ne pas avoir fait encore de Dieu la chose principale de notre vie. Il y a encore assez de cultes d'idoles : mainte mère a pour dieux ses enfants, lorsqu'elle n'a pas seulement en vue leurs âmes. » Une autre fois, elle s'écriait « Laissez-vous pénétrer par l'Esprit-Saint priez le Seigneur qu'Il vous ouvre votre Bible ! Ne vous épargnez point : imitez Jésus-Christ qui s'est oublié lui-même ! »

Son amour des âmes lui faisait, trouver des accents qui remuaient les coeurs et les consciences. Elle rappelait son passé, ses conversions, priant le Seigneur de toucher les âmes et de les transformer comme Il l'avait fait pour la sienne.
Mais, par-dessus tout, ses allocutions disaient bien haut l'entière et pleine confiance qu'elle avait en son Sauveur. Nous y lisons : « Ceux qui sont nés de nouveau ne doivent plus se confier en eux-mêmes ; c'est le Seigneur qui garde l'âme de ses saints. Si je reste en Lui, alors Il reste en moi. Oh ! s'il m'arrivait de ne plus me confier qu'en moi-même et en mes propres forces, je sais d'avance que je ne pourrais rester debout trois jours ! » Et encore : « Nous pouvons être complètement rassurés lorsque nous appartenons au véritable Conducteur. Nous avons d'ailleurs en Lui un Sauveur qui ne repousse personne ; appelez-Le et Il vous répondra ; louez-Le, car Il fait sauter les liens et possède des biens en réserve pour les infidèles. Ne vous plaignez plus et ne gémissez plus ! C'est à Lui que je me confie pour l'avenir avec mes enfants. Remettez-Lui aussi toutes choses entre les mains ! »

Cette inébranlable confiance en son Dieu faisait qu'au milieu même de ses occupations et de ses soucis, Dorothée Trudel restait paisible et joyeuse. Son calme dissipait bien des angoisses ; sa joie relevait bien des courages et brisait bien des doutes. C'est que, pour elle, la joie devait suivre la conversion et faire partie de la vie de tout vrai chrétien. N'avait-elle pas éprouvé cette joie-là, au moment de sa seconde conversion, joie d'ailleurs si profonde et si vivace qu'elle avait été obligée de demander à Dieu d'en diminuer l'intensité ! Aussi prêchait-elle la joie : « Dès que ton coeur s'est placé sous le commandement du Roi plein d'amour et que ce Roi a fait en toi sa demeure, tu as la joie ! » Et quelques pages plus loin : « Louez Dieu tous les jours ; nous ne sommes de vrais chrétiens que si nous pouvons louer le Seigneur dans tous les temps, dans les bons et dans les mauvais jours ! »

Voilà toute la prédication de Mütterli. Sa forme est la simplicité même : pas de recherche, pas même de plan. Suivant les versets qu'elle avait lus, et suivant aussi les besoins du moment, Dorothée Trudel laissait parler son coeur. Mais la richesse de sa vie intérieure suppléait au manque de préparation, la chaleur communicative de sa foi et de son amour faisait oublier la froideur de la forme, quelquefois même celle du débit.

Ses appels à la conscience frappaient comme des boulets contre un mur, selon l'énergique expression du prédicateur de ses funérailles, mais - c'est maintenant Charles Secrétan qui parle (1) - « quand elle poursuivait les délicates exigences de la conscience chrétienne ; quand elle peignait l'austère suavité des joies que le chrétien sait extraire de l'amertume ; quand elle disait le profit à tirer des ennemis, par exemple, la douceur de prier pour eux, et comment ceux qui exercent notre support et notre pardon nous font contre leur gré le plus grand bien possible, et comment nous leur en devons une reconnaissance infinie, et comment nous pouvons la leur témoigner, il semblait la musique d'un autre monde, il semblait une colombe qui, sûre de sa route, se perdait à nos yeux dans l'azur. »

Conversion, sanctification, pardon, justification et vie, amour de Dieu et du prochain, prière, persévérance, humilité, foi, confiance et joie, tel était en gros le thème de ces méditations qui convainquirent tant d'âmes à se donner au Sauveur, réveillèrent tant de consciences endormies, et allumèrent dans bien des coeurs la flamme sainte de la charité, du dévouement et du sacrifice.

Mais laissons rendre son témoignage à une auditrice (2) de Mütterli. Voici ce qu'elle nous dit : « Dorothée Trudel ne se sentait pas appelée à expliquer la Bible ou à enseigner, mais les versets du chapitre qui passaient tour à tour sous ses yeux lui servaient de point de départ pour parler de sujets qui lui tenaient à coeur. Son discours n'avait pas tant le caractère d'un enseignement que celui d'un témoignage rendu à la fidélité, à la sainteté et à la puissance de Dieu. Sans cesse, elle parlait de ses propres expériences, et la richesse de sa vie intérieure donnait une grande autorité à sa parole. Elle était sévère et cependant très encourageante, poursuivant jusqu'en ses derniers retranchements la piété alanguie, attiédie et à demi-mondaine. Elle voulait à tout prix amener les âmes à des rapports personnels avec un Sauveur vivant, sans craindre de troubler dans ce but une paix factice et de dissiper des espérances illusoires. Le souvenir des quinze années qui avaient précédé pour elle la crise qu'elle appelait sa vraie conversion, et pendant lesquelles sa vie chrétienne était restée stérile, la pressait d'encourager chacun à prendre les promesses de Dieu plus au sérieux, à rechercher un entier affranchissement du péché et une vie sainte et bénie.

« Ce qu'elle recommandait à l'individu, elle aurait voulu le voir réaliser par l'Eglise entière ; elle s'affligeait du manque de dons spirituels dont elle voyait partout la preuve, proclamant la nécessité d'un christianisme apostolique et d'une abondante effusion du Saint-Esprit en des coeurs vraiment transformés.

« Il y avait dans ses allocutions tant de vie émue, qu'on assistait sans lassitude à ces quatre cultes par jour ; c'est avec joie et avec une attente toujours renouvelée que jeunes et vieux venaient reprendre leurs places d'abord autour de la table commune, et plus tard, quand le nombre des malades eut augmenté, dans une petite salle adaptée à cet usage.

« Ce témoignage puissant et d'un genre si particulier ne tardait pas à agir sur les hôtes de la maison hospitalière. Les domestiques, aussi bien que les malades, vivaient là sous une forte discipline spirituelle ; les paroles inutiles, l'esprit volage et badin étaient comme bannis de cette petite société, on se sentait repris et intérieurement travaillé ; bien des illusions s'évanouissaient et l'on en venait à aspirer avec angoisse à la lumière et au pardon. Chacun, du reste, était individuellement pris à partie et dans le secret des coeurs se livraient des luttes et s'opéraient des dépouillements, dont les heureux effets se font sentir aujourd'hui encore dans mainte famille. »
Dans le village aussi il se produisit pendant un temps de nombreuses conversions, surtout parmi les jeunes filles et les jeunes gens.

V

Quelques pensées de Mütterli

Ajoutons maintenant à ce que nous venons de dire sur la prédication de Mütterli, quelques pensées qui nous feront entrer plus avant dans les préoccupations de son esprit et de son coeur. Elles se passent de commentaire, mais nous engagent à méditer sérieusement et avec prière.

- Courir des réunions et conserver son vieil homme, cela fait des gens de la pire espèce.
- Celui qui est sensible ou susceptible est malade ; car chacun sait qu'un membre malade est très sensible.
- Se plaindre, - c'est renier Jésus !
- Il nous est impossible de chanter un cantique nouveau avec notre vieille langue.
- L'esprit badin chasse l'Esprit saint.

- Une foule de gens prient beaucoup, mais ne consentent pas à se laisser réduire en poussière et à devenir des zéros.
- Devenons des tonneaux vides, afin que Dieu puisse nous remplir lui-même tout entiers.
- Le monde est une antichambre où l'on change de vêtements.
- On n'est réellement heureux que quand on est entièrement détaché de tout et qu'on ne tient plus à rien.
- Il est nécessaire pour notre éducation que d'autres nous soient préférés.

- Que celui qui se préoccupe encore beaucoup de savoir ce que d'autres pensent ou disent de lui, se garde de dire qu'il est un fidèle disciple du Christ !
- Je ne donnerais pas grand'chose d'un homme de prière, qui à peine la prière terminée se met à causer de choses inutiles ou à faire des plaisanteries.
- Ne me parlez pas d'une foi que je puis perdre pour avoir subi une injustice ! Si une pareille foi s'effondre, ce n'est certes pas dommage, elle ne vaut pas un liard.
- Je n'ai point trouvé dans la Bible de passage annonçant une condamnation, pour ceux qui veulent se laisser sauver.
- Les vrais chrétiens sont ceux qui n'ont pas seulement reçu le baptême d'eau, mais aussi le baptême de feu du Saint-Esprit.

- Soyons des imitateurs, non pas des admirateurs !
- Sur la route qui mène au ciel, il n'y a qu'un commandement : En avant !
- Ceux qui se tiennent devant le trône de Dieu, ce sont les vainqueurs, - non les vaincus.
- Si l'on savait comme il est doux d'être vainqueur, personne ne reculerait.
- Qu'est-ce qui t'est plus cher, l'âme du voleur ou l'objet qu'il t'a dérobé ?

VI

Les méthodes : l'amour

Si la plus grande force de Mütterli était dans la prière et dans ses cultes, nous pouvons affirmer qu'elle possédait en elle pour ses malades une seconde force, non moins grande que l'autre, je veux dire : l'amour. Nous avons déjà fait remarquer combien ses méditations étaient empreintes d'un amour ardent des âmes. C'est dans la vie ordinaire, dans les détails les plus petits et les plus obscurs de l'oeuvre de Maennedorf que nous voudrions maintenant relever l'activité inlassable de ce même amour.

Dorothée Trudel savait accueillir chacun avec tant d'empressement et de sollicitude qu'on se sentait gagné dès la première entrevue. Et puis, comme elle avait le don de comprendre les âmes ! et comme elle leur distribuait avec sagesse et bonté ce dont elles avaient besoin ! Certes elle ne reculait pas devant la sévérité, ni parfois devant les reproches. Mais au fond, on le sentait bien, c'était l'amour qui dominait. Dès le début, on ne pouvait pas ne pas avoir confiance en cette tendre mère. Quelques malades même ne tardaient pas à lui faire les confessions les plus intimes, ce qu'elle ne demandait d'ailleurs jamais à personne.

Mais certains malades n'obtenaient de soulagement que, lorsque rentrant en eux-mêmes, ils confessaient leurs fautes et se repentaient, se demandant comme les frères de Joseph : « Pourquoi ceci nous arrive-t-il ? » Ce fut le cas, par exemple, d'un jeune ouvrier gravement malade par suite d'inconduite - du jour où il eut confessé ses péchés, non seulement à Dieu, mais devant les hommes, il se sentit soulagé dans son corps. Et quand il eut déchargé sa conscience par l'aveu de son plus grand péché, il alla de mieux en mieux jusqu'à guérison complète et inespérée.

Malheureusement, Dorothée ne vit pas, toujours ses efforts récompensés : parfois, après avoir été guéris, ses malades retournaient au mal, mais jamais sa charité ne se laissa décourager.
C'est spécialement lorsqu'elle voyait quelqu'un approcher de la mort sans posséder la foi, que Dorothée Trudel redoublait d'ardeur. Elle rappelait alors hardiment au Seigneur ses promesses, et lui demandait de prolonger la vie de ces malheureux, jusqu'à ce qu'ils eussent trouvé le salut de Christ. Son amour ne pouvait se résoudre à laisser partir une âme qui ne fût pas sauvée !

C'est par l'amour qu'elle arrivait à rendre dociles les aliénés. Elle les entourait d'autant plus qu'ils étaient plus inabordables. Et très souvent la puissance de l'amour remporta la victoire. Mais aussi à quels dangers ne s'exposait-elle pas : témoin ce jour où une femme, dans un état complet de rage, la mordit si cruellement au visage qu'il se mit à enfler.

Quant à ceux qui se laissaient aller à leur douleur, elle les reprenait avec énergie et blâmait leur conduite, ou bien elle les entourait avec amour, priait avec eux, les consolait jusqu'à ce qu'ils eussent compris qu'elle était aussi dévouée pour leur salut que pour celui des autres.

« De l'abondance du coeur, la bouche parle. » Aussi retrouvait-on toujours dans les explications bibliques de Mütterli, dans ses entretiens particuliers, dans sa correspondance, cette même pensée : « Une seule chose est nécessaire. » S'adressait-on à elle pour avoir quelques conseils, elle répondait par des paroles aussi pleines de droiture que d'amour. Toute pénétrée de la puissance que donne la communion vivante avec Jésus, elle en communiquait en quelque degré l'influence à tous ceux qui l'approchaient.


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(1) Chrétien Évangélique, année 1862, page 541.

(2) Madame Vinet, cf Dorothée Trudel, op. cit, pages 22 a 24.

 

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