Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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DOROTHÉE TRUDEL

DEUXIÈME PARTIE



Oeuvre et Méthodes

 Quiconque parle habituellement de Dorothée Trudel associe aussitôt à ce nom l'idée de la guérison par la prière. On se souvient d'elle, parce que, dit-on, elle guérissait. Et ce souvenir - quoique vague - des guérisons qu'elle opéra, entoure encore son nom d'une auréole de reconnaissance et d'amour.
Nous parlerons de cette activité avec toute la réserve que comporte un sujet aussi délicat. Nous citerons quelques faits, ceux qui nous ont frappé le plus, sans les juger, sans surtout essayer d'en tirer une démonstration de la réalité des guérisons par la foi (1),car il faudrait pour cela avoir une science et une compétence que nous n'avons pas, et pouvoir être certain de l'impartialité des témoignages rapportés.

Nous insisterons par contre sur les méthodes que Dorothée Trudel employait ; car, de ce côté-là, il est facile d'avoir des faits certains, des témoignages probants.
Et, tout naturellement, la vie de Dorothée Trudel nous apparaîtra dominée par la foi.

Ce qui sauve une âme, ce ne sont pas ses oeuvres, c'est sa foi. Ce qui sauve une âme, ce n'est pas sa guérison physique, c'est sa foi. La foi, voilà ce qui importe. Quelques faits, seraient-ils même précis, probants, admirables, sont à nos yeux moins utiles que la vision d'une âme dont la foi remplit toute la vie. Dorothée Trudel nous donnera cette vision-là.
Et c'est pourquoi nous ne regrettons nullement de ne pouvoir prouver la réalité des guérisons opérées à Maennedorf. Il est d'ailleurs impossible de prouver que telle ou telle guérison est le résultat de la foi et de la prière. Car ce n'est que par un acte de foi, par conséquent sans raison contraignante (2), que nous pouvons poser une intervention divine. Mais, s'il est coupable (et nous verrons pourquoi dans la suite) de ne pas se servir de remèdes, de médecin, ou même d'abandonner les prescriptions les plus simples de l'hygiène parce qu'on a la foi en sa guérison parfaite, qu'elle soit lente ou instantanée, il est de même coupable de nier l'efficacité de la foi et de la prière sous prétexte que les remèdes seuls guérissent. Lisez à ce Sujet cette page de Thraen :

« Les remèdes guérissent, direz-vous, donc pas n'est besoin de prier ; et moi je vous répondrai : votre raisonnement prouve une petite foi, pour ne pas dire une petite sagesse. Car dire : les remèdes guérissent, c'est donner de la guérison une explication purement scientifique, purement physique ou mécanique, c'est déterminer comment telles circonstances étant données, telle ou telle action s'est produite. Mais au-dessus de l'explication physique ou mécanique, la raison demande une explication rationnelle proprement dite, une explication qui ait sa raison d'être en elle-même, qui réponde à ceci : Pourquoi, telles circonstances étant données, tel remède agit-il ? Pourquoi telles circonstances sont-elles données aujourd'hui et ne l'étaient-elles pas hier, et ne le seront-elles pas demain ? Pourquoi ?... Et là il n'y a qu'une réponse : Dieu.

« Comment les remèdes agissent-ils ? Ici c'est la science qui répond, quand elle peut. - Pourquoi les remèdes agissent-ils ? Ici il faut dire Dieu. - Dans quelles circonstances les remèdes agissent-ils ? Ici c'est la science qui répond quand elle peut. - Pourquoi ces circonstances ont-elles été données ? Ici il faut dire Dieu. Car au-dessus des remèdes, il y a la loi, c'est-à-dire Dieu. Car au-dessus des médecins, il y a le Médecin, c'est-à-dire Dieu. Oui ! Dieu.
Aussi quelqu'un est-il malade parmi vous, qu'il appelle les pasteurs, les anciens de l'Eglise et que les anciens prient. Oui, qu'on prie, il y va de la guérison, car Dieu guérit (3). »

Voilà le véritable point de vue, celui qui se garde de toute opinion extrême : c'est le point de vue de la foi. Il maintient le miracle parce que le miracle n'est pour lui que l'emploi spécial fait par Dieu des lois connues ou inconnues de la nature. Il maintient les guérisons par la foi, parce qu'il admet que Dieu peut, à cause de la foi d'un de ses enfants, rendre les circonstances favorables à sa guérison et donner efficacité à des remèdes, jusque là inefficaces.

I

Les débuts de l'oeuvre

Nous avions laissé Dorothée Trudel au moment où s'achevait en elle sa conversion. C'était vers 1850 et Dorothée était alors âgée de trente-sept ans. Elle s'occupait dans l'atelier de passementerie de son neveu du bien matériel et spirituel des ouvriers, comme l'aurait fait une tendre mère. Sa conversion ne changea en rien ni ses occupations, ni sa vie extérieure. Elle continua la même oeuvre avec plus de désintéressement, plus de charité, plus de dévouement encore que par le passé.
Or quelque temps après, quatre ouvriers de son neveu tombèrent gravement malades. Le médecin, appelé en toute hâte, ne put rien dire, ni rien faire. On désespérait donc de les sauver, lorsque Dorothée Trudel, qui se rappelait les prières si merveilleusement exaucées de sa mère, se sentit poussée à suivre à leur égard la ligne tracée par Saint-Jacques (Jacques V, 14 et 15.) et à leur imposer les mains au nom du Seigneur. Ne connaissant pas d'ancien qualifié à appeler auprès de ces malades, elle dit naïvement au Seigneur : « Sois toi-même l'ancien ! » Elle pria et obtint la guérison.

Il en fut de même dans un second cas, et bientôt elle était couramment appelée auprès des malades du village, pour leur imposer les mains et prier avec eux. Il y eut à Maennedorf de nombreuses guérisons et sa réputation se répandit de proche en proche.

En 1852, Dorothée vint habiter la maison de son oncle ; elle continuait à faire des fleurs pour vivre, mais elle avait consacré sa vie au Seigneur ; visitant les malades et les aliénés dans ses heures de loisir, elle réunissait aussi les enfants du village pour leur lire la Bible et prier avec eux.

Son mot d'ordre était :

Que mon nom, disparu de la scène du monde,
Soit un jour répété par l'écho du saint lieu ;
Qu'il dorme enseveli dans une nuit profonde,
Pourvu qu'il soit inscrit dans le livre de Dieu. (4)

Une jeune fille de Maennedorf qui était en service dans un village voisin, y fut atteinte d'une violente nostalgie. Dorothée, l'ayant appris, alla la voir, pria beaucoup avec elle et la guérit. La maîtresse de cette jeune fille fut la première à engager Mlle Trudel à prendre des malades chez elle. Elle répondit qu'elle ne s'y sentait point appelée. Malgré ce refus, cette dame lui adressa plusieurs malades, entre autres la veuve d'un pasteur, mère de douze enfants, que la mort de son mari avait rendue folle. Remise de son mal après sept semaines et rentrée dans sa famille, cette veuve engagea à son tour Dorothée à s'établir de manière a recevoir des malades.

Ce ne fut qu'après avoir demandé à Dieu de lui montrer sa volonté et devant les nombreux malades qu'on lui envoyait de tous côtés, que Dorothée Trudel se décida à s'établir et à acheter une deuxième maison ; sa soeur renonça, en vue de cet achat, à l'héritage de son oncle (5).

C'est ainsi que se fonda I'Oeuvre de Maennedorf. Dorothée Trudel n'avait pas eu de révélation spéciale d'En-Haut lui ordonnant de guérir ses frères. Sa conversion n'avait pas été en même temps un appel direct à l'oeuvre pour laquelle elle donna si joyeusement sa vie. Mais, comme il ne lui était plus possible de se renfermer en elle-même, qu'il lui fallait des âmes à soulager, des coeurs à transformer, comme, en un mot, sa vie n'était plus qu'une longue et constante prière vers son Dieu et son Sauveur, - après avoir prié pour elle-même, elle se sentit tout simplement poussée à prier pour les autres, plus spécialement pour les malades, pour les souffrants.

Puis, petit à petit, on l'appela, on ne put se passer d'elle, on la supplia de s'installer. Et elle finit par se laisser fléchir, et par les prières de ceux dont elle avait été l'un des moyens de guérison, et par les envois de malades que sa charité ne pouvait renvoyer à vide. Ce ne fut pourtant pas sans lutte intérieure, sans anxiété, ni sans prières. Mais son immense pitié, son amour sans bornes l'avaient guidée ; elle était entraînée presque malgré elle, peut-être aussi plus loin qu'elle ne l'eût voulu, sur un chemin dont elle ne voyait pas bien l'issue. Qui sait ? N'était-ce pas là le doigt même de Dieu !

Toutefois, si les foules sacrèrent Dorothée Trudel guérisseur par là prière, elle sut rester avant tout, vis-à-vis des individus, un moyen de salut et de guérison pour les âmes. Jamais on ne la vit s'inquiéter d'un corps avant d'avoir adressé quelque appel à l'âme. Et c'est bien en effet de cette manière qu'elle sut acquérir auprès de ses malades, de ses visiteurs et des gens de son village sa principale influence, en même temps qu'elle accomplit l'oeuvre la plus durable de sa vie, celle pour laquelle elle avait reçu du Seigneur la vocation la plus certaine et la plus digne d'envie.
Mais, comme toute influence sanctifiante, sitôt qu'elle se fait sentir, soulève contre elle des oppositions et des critiques, et, plus cette influence est sainte, plus aussi elle est combattue, - à peine, Dorothée Trudel eut-elle commencé son oeuvre de bienfaisante humanité, que certains hommes essayèrent de l'arrêter.

Ce fut en 1856, alors que les deux maisons regorgeaient de malades et que le Seigneur opérait avec puissance. Les médecins qui voyaient leur clientèle s'en aller vers Dorothée, portèrent plainte contre elle pour exercice illégal de la médecine. Il lui fut enjoint de payer soixante francs d'amende et de fermer sa maison.

Quoiqu'il lui en coûtât beaucoup, Dorothée Trudel obéit. Mais bientôt les deux maisons se remplirent d'aveugles, de sourds, de paralytiques, pour lesquels le Seigneur se montra tout-puissant. L'unique préoccupation de Dorothée fut de réclamer de leur part un changement profond du coeur : « Pour moi, disait-elle, la principale chose et celle dont je me réjouis le plus, c'est lorsque le Seigneur vient de transformer un loup en agneau »

Cependant le gouvernement ne s'opposa bientôt plus au maintien de l'oeuvre, et le nombre des malades augmenta tellement qu'il fallut acheter une nouvelle maison. C'est dans ces trois maisons que Dorothée Trudel déploya pendant six ans environ une activité extraordinairement bénie.

II

L'activité de Mütterli

Dans les trois maisons de Maennedorf, pendant six ans, l'on n'entendit plus prononcer qu'un seul nom : Mütterli ! Et ce nom, donné à Dorothée Trudel par ceux qui l'approchèrent, dit bien toute la vénération, toute l'affection, toute la reconnaissance qu'ils avaient vis-à-vis de celle qui se dépensait avec tant de désintéressement pour leur soulagement et leur bien-être spirituel.

Dorothée Trudel donnait à chacun un exemple de complète abnégation et de charité inépuisable. Toujours vaillante, elle ne se lassait pas de faire le bien, de donner à qui une parole d'amour, à qui un sourire, a qui une exhortation, un encouragement. Jamais on ne la trouva de mauvaise humeur. Voici au contraire un exemple de l'originalité aimable et pleine de franchise avec laquelle elle accueillait ceux qui venaient à elle (6) : un soir, comme elle se tenait sur sa porte, arriva M. X..., le fils d'un chrétien distingué. Il était malade depuis longtemps et profondément triste. Dès qu'elle le reconnut, elle s'écria :
- Comment ! vous êtes le fils de M. X..., et vous faites une pareille figure ! Ah ! quand la maladie du péché sera sortie du coeur, la maladie du corps cédera aussi bien vite.
Au bout de dix jours, ce jeune homme repartait après avoir passé par une profonde conversion et quant au physique, en bonne voie de guérison.

La réputation de Mütterli s'étendant toujours plus loin, l'affluence devint toujours plus considérable, et, comme sa compassion pour les malheureux ne lui permettait pas de repousser ceux qui s'adressaient à elle, elle prit le parti de s'en remettre pour cela à Dieu, lui demandant régulièrement de ne lui envoyer que ceux qui devaient réellement venir et de fermer la voie à ceux qu'il ne lui destinait pas lui-même. Forte de cette prière réitérée tous les jours avec la même confiance, elle recevait chaque arrivant, annoncé ou non, et trouvait toujours moyen de caser ceux que son amour ne pouvait repousser.

Ses aides étaient souvent alarmées en voyant les chambres se transformer en dortoirs ; mais sa foi relevait leur courage et semblait dissiper des difficultés en apparence insurmontables. Sa soeur aînée, qui aidait aux soins du ménage, et apportait à ce travail un esprit quelque peu soucieux, soulevait souvent des objections et des réclamations. Un jour, au milieu d'une affluence extraordinaire d'arrivants, Dorothée s'empressa de consulter son Dieu par le sort. Elle portait avec elle une petite boîte renfermant environ mille passages bibliques et dans laquelle elle puisait, après avoir prié. Ce jour-là, elle revint rayonnante, montrant à sa soeur le passage suivant : « Donnerais-je ceci à cent hommes ? Mais il lui répondit : Donne-le à ces gens et qu'ils mangent. Car, ainsi a dit l'Éternel : On en mangera et on en aura de reste (2 Rois IV, 42-44) »

Chose étonnante, dans ces trois maisons remplies de malades, elle ne possédait elle-même pas un coin, pas un lit. La chambre que l'on appelait la « chambre de Mütterli », était une sorte de salle d'attente sans lit, dans laquelle on introduisait les nouveaux arrivants et ceux qui voulaient lui parler. C'est là que le soir, quand tout le monde était allé se reposer, elle réunissait ses aides, ses servantes volontaires et quelques intimes. On causait encore un moment, on mangeait une pomme ou une croûte de pain, chacun tirait encore pour soi un passage de la Bible, puis elle disait : « Maintenant, enfants, à genoux », et alors recommençaient les supplications et intercessions pour les cas les plus graves, pour les sujets les plus pressants ; chacun avait son fardeau à remettre aux soins du Maître souverain. À la fin, s'adressant à son aide principale, elle disait : « Où me faut-il aller cette nuit ? » Après une courte consultation, on se décidait pour la femme la plus souffrante ou la plus dangereusement atteinte, pour la folle la plus agitée.

Alors, s'avançant vers son buffet, elle en sortait ses vêtements de nuit, et avec ce paquet sous le bras elle montait dans quelque mansarde, on traversait la route et allait se coucher auprès d'une de ses pauvres malades, la soutenant dans ses bras et lui prodiguant encore pendant le sommeil des consolations et des soins. Il lui est arrivé de passer une nuit entière couchée entre deux femmes aliénées qu'elle cherchait à tranquilliser. Le lendemain, avant sept heures, elle était assise radieuse, pleine d'entrain et d'affection, au haut bout de la table du déjeuner, agitant sa petite sonnette pour obtenir le silence avant de faire la prière et de rompre le pain.
Quand il s'agissait d'un homme gravement atteint, elle passait près de lui des nuits entières, assise sur un escabeau et lui imposant les mains. C'était cependant là une exception.

C'est ainsi qu'elle veilla plusieurs nuits de suite un pauvre misérable atteint au pied par la gangrène et dont l'orteil finit par tomber. Une nuit entre autres, harassée, exténuée, à moitié suffoquée par l'odeur fétide qu'exhalait cette plaie, il lui arriva de se laisser aller à une plainte et de soupirer après un peu de repos ; au même instant elle sentit toute son énergie s'évanouir et fut sur le point de défaillir. Mais surmontant cette défaillance, et, voyant dans sa plainte une affreuse tentation, elle s'indigna de sa faiblesse et se dit : « Si je me plains, je suis perdue ! » Puis regardant à son Sauveur avec un nouvel élan de foi, elle reconnut que c'était pour elle un privilège de pouvoir souffrir, et que, dans son infirmité, Dieu voulait accomplir sa force. Cet acte de foi dissipa soudain toute son angoisse, même toute sa fatigue, de sorte que, merveilleusement soutenue pendant le reste de cette nuit, elle se remit le lendemain au travail aussi restaurée qu'après une nuit paisible et le malade fut guéri.

On reconnaît bien dans cette abnégation, ce dévouement, cette charité sans bornes, celle qui avait fait entre les mains de son Dieu l'abandon de sa vie, parce qu'elle n'avait appris dans sa jeunesse qu'une chose : avoir confiance en Lui ! On y voit aussi tout entière celle qui écrivit ces lignes, adressées à quelques-uns de ses anciens malades : « Chères âmes, tout ne se trouve-t-il pas dans un abandon complet à la volonté de Dieu ? Si vous saviez quelles bénédictions l'on obtient dans l'obéissance complète et le complet renoncement à sa propre volonté, vous demanderiez tous une chose : ne plus rien posséder que Lui ! »

Ne plus rien posséder que Lui ! Renoncer complètement à sa volonté ! Qui donc, semble avoir parmi nous aussi bien réalisé ces exhortations, que celle-là même qui vient de nous les donner ! Elle renonçait complètement à elle-même, pour aimer davantage et développer encore l'activité qu'elle avait auprès des âmes. Car, disait-elle : « Ils sont morts ou endormis, ceux qui ne sont pas préoccupés jour et nuit, du fond du coeur, du salut de quelque âme d'homme ! »

III

Les deux nouveaux aides de Mütterli

Mais le nombre des malades allait sans cesse en augmentant. Ce n'était certes pas le luxe, ni même le bien-être matériel qui attiraient à Maennedorf cette foule qu'on entassait dans des chambres trop petites pour le nombre de lits qu'elles renfermaient. Dans les trois maisons tout était propre, mais de la plus grande simplicité. La table aussi, quoique frugale, était toujours abondante et les mets bien apprêtés.

D'ailleurs cette grande affluence n'a pas enrichi non plus celle dont l'amour ne savait repousser personne. Mütterli demandait dix francs par semaine aux gens riches, et cinq à ceux qui ne l'étaient pas. Beaucoup de pauvres étaient reçus pour rien. On ne faisait rien pour les attirer, mais on les accueillait avec simplicité.

Pour se tirer d'affaire, il fallait donc économiser la main-d'oeuvre : aussi Dorothée employait-elle, comme dans une famille, les personnes valides, surtout les jeunes, à toutes sortes de services. L'une lavait la vaisselle, une autre pliait le linge, etc.... et elle se faisait tant aimer que travailler pour elle était un plaisir et un privilège.
D'autre part, des malades reconnaissants, et, petit à petit, de nombreux amis de l'oeuvre aidèrent, par leurs dons généreux et souvent envoyés au moment du besoin, à combler les déficits et à marcher de l'avant.
Un adversaire même offrit un jour de prêter de l'argent. Mais ce fut surtout au moment du fameux procès, dont nous parlerons dans la suite, que l'Éternel prit soin de montrer que cette oeuvre était la sienne, en mettant au coeur de bien des amis restés inconnus de la soutenir par leurs dons et leurs prières.
Il arriva une fois de Hollande 3,000 francs sur lesquels on ne comptait plus. Un autre jour on allait emprunter, quand arrivèrent 250 francs destinés à payer les frais de justice.
Et c'est ainsi qu'au jour le jour vivaient les abrités des trois maisons de Maennedorf.

Cependant, Mlle Trudel finit par éprouver - c'était vers la fin de 1860 - un désir toujours plus marqué de se voir soutenue par des aides capables de lui succéder et de continuer son oeuvre d'amour auprès des âmes et des corps.
Elle présenta cette requête avec foi et constance à son Dieu, et bientôt une jeune personne qui s'était convertie quelques années auparavant à Maennedorf et avait donné des preuves d'une piété vivante et de dons réels, se décida, sur un appel, à se consacrer avec Mlle Trudel au soin des malades. À son entrée dans la maison, le passage tiré, suivant l'habitude, pour marquer cet événement, fut : « Et Aaron et Hur soutinrent ses mains, l'un d'un côté, l'autre de l'autre. (Exode XVII, 12.) »
- Bon, dit alors Dorothée Trudel, voilà Hur, nous verrons bientôt quel Aaron Dieu me destine.

Peu de temps après, M. Samuel Zeller, qui avait été, guéri et converti à Dieu quatre ans auparavant à Maennedorf, et qui partageait en tout point les vues de Mütterli sur la maladie et sur l'imposition des mains, répondant à un appel, se décida, lui aussi, à consacrer sa vie au service de Dieu, dans la maison où il avait appris à le connaître comme son Sauveur et son Médecin.

À son arrivée, Dorothée consulta de nouveau ses passages de l'Écriture et en tira le suivant : « Ainsi Aaron portera les noms des enfants d'Israël, au pectoral du jugement, sur son coeur, quand il entrera dans le lieu saint... (Exode XXVIII, 29.) » Cette douce confirmation donnée ainsi par son Père Céleste aux décisions qu'on venait de prendre fut pour Mütterli, pour ses aides et pour toute son heureuse famille, un puissant encouragement.

M. Samuel Zeller vit encore et continue à diriger, dans le même esprit que Dorothée Trudel, les établissements de Maennedorf.


Table des matières


(1) « Quant à la réalité des miracles, c'est une question qui ne saurait être décidée en bloc, par des considérations générales : il faut pour chaque miracle ou pour chaque document racontant des miracles, un examen critique particulier... La réalité d'un miracle se constate de la même manière que celle de tout autre fait historique ; c'est ainsi que le miracle le plus significatif et le plus essentiel, celui de la résurrection de Jésus-Christ, est aussi le plus certifié... » Ch. Bois, Encyclopédie des Sciences religieuses, art. Surnaturel, tome XII, page 999.

(2) « Le miracle ne produit pas nécessairement la conviction. En présence de ce fait religieux, comme en présence de tous les autres, l'homme reste un être libre et moral. Il ne peut pas, cela est vrai, ne pas être étonné, effrayé ou ravi. Mais il peut ne pas croire. Le miracle est une manifestation qui peut n'être pas comprise, une preuve qui peut être tournée.

Le miracle est à sa façon un appel de Dieu qui peut rester sans réponse...
Il révèle la présence et l'action de Dieu, mais à ceux qui croient en Dieu ou sont disposés à croire en lui. Ceux qui ne croient pas en Dieu ou ceux qui ne veulent pas le reconnaître, trouvent toujours un moyen d'échapper à la démonstration du miracle, parce que l'évidence de la manifestation divine, tout en y étant pour ainsi dire palpable, n'y est pourtant pas absolue. » Ch. Bois, art. cit., page 998.
« J'ai besoin, moi, des miracles pour comprendre l'histoire mais si vous ne pouvez les accepter, je ne vous les imposerai pas ; bénéficia non obtruduntur. » Rothe (voir Ch. Bois, art. cit., page 998)

(3) A. Thraen, Sermons ; pages 56 et 57.

(4) Mein Name vor der Welt vergeh',
Damit er dort geschrieben steh'
Hier unbekannt und ungenannt,
Dort vor des Vaters Thron bekannt.

(5) Tous ces détails et ceux qui suivront sont traduits du petit volume « Aus dem Leben etc... »

(6) Les renseignements qui suivent sont empruntés au traité intitulé : Dorothée Trudel, op. cit, pages 21, 27 à 31.

 

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