Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ÉPÎTRE DE SAINT PAUL TIM0THÉE

CHAPITRE PREMIER

Salutation. Paul a laissé Timothée à Éphèse afin qu'il veillât au maintien de la saine doctrine. Les questions vaines. Changement que l'Évangile a produit en saint Paul.


405. Verset 15. Jésus-Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, dont je suis le premier.

Paul veut-il dire qu'il est le plus grand de tous les pécheurs? Non; ce serait une humilité exagérée, qui ne pourrait être sincère. Mais une assertion reste: c'est qu'il se considère comme ne pouvant pas mieux qu'un autre se sauver par lui-même, et ayant besoin, comme tout autre, d'être sauvé par Jésus-Christ. Les conséquences de cette déclaration sont évidentes, et nous les avons déjà plusieurs fois dites. Point d'homme qui n'ait besoin d'être sauvé par Jésus-Christ; point d'homme qui ait assez de ses propres mérites; point d'homme, par conséquent, qui puisse en avoir pour autrui.

Versets 18 et suiv. - Que Timothée veille et soit fidèle. Hyménée et Alexandre « livrés à Satan (voir 304).


CHAPITRE II


406. Verset 1. Je recommande donc, avant toutes choses, qu'on fasse des prières, des supplications, des requêtes et des actions de grâces pour tous les hommes.

Pour tous les vivants, oui; pour les morts, non, car vous ne trouverez, dans tout le Nouveau Testament, ni la prière pour les morts, ni rien qui la suppose. Vaguement mentionnée dans un livre apocryphe que le concile de Trente a introduit dans le canon de l'Ancien Testament, elle a contre elle, outre l'inauthenticité du livre (2 éme des Maccabées), le silence complet de tous les autres, Ancien Testament et Nouveau.


407. Deux mots, puisque l'occasion s'en présente, sur cette question des apocryphes.
Ces livres (Tobie, Judith, Maccabées, etc.) avaient eu contre eux, jusqu'au concile de Trente, l'unanimité des docteurs. Les Pères en avaient parlé avec tantôt plus, tantôt moins d'estime, mais sans jamais les dire canoniques; jamais les Juifs ne les avaient placés dans le canon de l'Ancien Testament. Même au concile, il ne se trouva personne qui soutînt historiquement leur canonicité il y avait seulement parti pris de les introduire dans la Bible, surtout à cause des quelques lignes en faveur des prières pour les morts. Après de longs débats sur le rang à leur assigner et sur la forme à donner au décret, on décida de ne pas s'expliquer, de les insérer purement et simplement dans le catalogue des Livres Saints, et de les y fixer par un anathème général contre quiconque ne recevrait pas ce catalogue entier.

Voilà sur quoi s'appuient ceux qui accusent les protestants d'avoir tronqué la Bible en rejetant les apocryphes. Vous voyez qu'ils ne les ont point rejetés, puisque, jusqu'au seizième siècle, ces livres n'appartenaient point à la Bible ; c'est l'Église romaine qui, au mépris d'une opinion jusque-là unanime, a trouvé bon de les y introduire.

Elle vous trompe encore quand elle vous fait entendre que ces livres renferment beaucoup de choses en sa faveur : quelques lignes obscures, voilà tout. L'indignation de ses controversistes contre ceux qui les rejettent n'est donc pas et ne peut pas être sincère. Ils savent très bien, non seulement que l'histoire nous autorise à les rejeter, mais que ce qu'il y aurait à prendre là en faveur des dogmes romains, on plutôt d'un dogme romain, d'un seul , est fort peu de chose , presque rien, et n'ébranlerait d'ailleurs point les arguments contraires , tirés du Nouveau Testament. Mais c'est une occasion de se donner pour les défenseurs de la Bible ; on espère , à la faveur de ce bruit , échapper quelque peu aux innombrables embarras dont elle enlace l'Église romaine,et voilà pourquoi, dans les Encycliques papales comme dans les prônes de village, on va disant et redisant que nous mutilons la Bible.


408. Verset 5. Car il y a un seul Dieu, et un seul médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme.

Pour éluder les conséquences d'une déclaration si peu d'accord avec le rôle attribué aux saints, les théologiens romains ont imaginé de distinguer entre médiation de rédemption et médiation d'intercession , l'une, oeuvre de Jésus-Christ, l'autre, oeuvre de Jésus-Christ et des saints.

Cette distinction qu'on invoque , remarquez« d'abord que, en fait, on ne l'observe pas. Enseigner que les mérites des saints concourent avec ceux de Jésus-Christ au salut des fidèles, c'est, évidemment, donner aux saints une part dans l'oeuvre de la rédemption.

Cette distinction a contre elle , en second lieu , non seulement qu'il n'en est rien dit dans l'Écriture, mais que les passages relatifs au médiateur unique, Jésus-Christ, s'y opposent absolument.

Silence de l'Écriture, disons-nous. C'est par dizaines et par vingtaines que vous compterez les passages où il est question de la prière. Trouvez-en un où il soit parlé des saints comme pouvant et devant nous servir d'intercesseurs.

Force et clarté , ajoutons-nous , des passages contraires. Partout le rôle d'intercesseur est attribué à Jésus-Christ comme lié à celui de rédempteur; partout, qu'il s'agisse de l'un ou de l'autre rôle, Jésus-Christ est représenté coin me le remplissant seul , comme seul placé entre les hommes et Dieu, comme formant, à lui seuil, le lien entre la terre et le ciel. Remarquez que le verset ci-dessus est au milieu de réflexions et de recommandations sur la prière; preuve nouvelle que l'idée d'intercesseur unique est comprise dans celle de médiateur unique.

Dans ce passage, en outre, l'unité du médiateur est liée à l'unité même de Dieu : « Il y a un seul Dieu, un seul médiateur. » Le dernier mot: « Jésus-Christ homme, » vient encore à l'appui de ce que nous tirons de là. « Les saints, vous dit-on, sont d'autant mieux disposés a nous servir qu'ils ont été des hommes, qu'ils ont vu et connu les misères de l'humanité. » Eh bien! C'est à Jésus-Christ homme, à Jésus dans son humanité , que saint Paul attribue les fonctions de médiateur. S'il vous faut un homme, le voilà aucune raison pour en aller chercher d'autres.

Mais il ne s'agit pas ici de raisonnements pour ou contre. Un seul médiateur, vous dit saint Paul ; entre Dieu et les hommes, un seul homme, le fils de Dieu fait homme. De quel droit sortez-vous de là? De quel droit donnez-vous des aides à Celui qui peut et veut faire l'oeuvre, l'oeuvre entière, l'oeuvre d'intercession comme l'oeuvre de médiation?

Enfin, avez-vous bien réfléchi à ce que vous faites quand vous invoquez un saint? Vous lui accordez un des plus grands et des plus incompréhensibles attributs de la divinité, celui d'être partout, de tout voir, de tout entendre. Un homme qui ne voyait et n'entendait, comme vous, que dans un cercle borné, infranchissable, et qui, comme vous, ne pouvait lire dans le coeur d'un seul de ses semblables, - voilà qu'il lit dans tous le coeurs à la fois ; voilà que, en Europe, en Amérique, au plus profond des mines comme au sommet des montagnes, le jour, la nuit, partout et à jamais, voilà, dis-je, qu'il recueille instantanément toutes les paroles, tous les soupirs, tous les plus légers élans d'âme où se mêle l'idée de son intercession, car vous ne pouvez supposer qu'il y ait des lieux et des moments où il ne vous entendrait pas. Pas de milieu : ou les saints n'ont pas la faculté de nous entendre, ou ils l'ont au même degré que Dieu. Dieu a pu le vouloir ainsi, vous dit-on. Oui ; mais qu'en savez-vous ? Qu'en savent ceux qui vous l'enseignent? Plus est grand et divin ce privilège qu'on suppose accordé aux saints, plus il serait nécessaire, indispensable, d'en avoir les preuves. Où sont-elles?

Au lieu de preuves, on a voulu donner une sorte d'explication. Dieu seul, a-t-on dit, est présent partout ; c'est par lui, en lui, par une intuition mystérieuse, que les saints connaissent nos prières, et ils ne font que les lui reporter ensuite, fécondées par leur intercession. Qu'en savez-vous? répéterons-nous. Qu'en savent ceux qui vous l'enseignent ? Mais il n'est pas même nécessaire, ici , d'insister sur ce que les preuves manquent ; le système est trop évidemment fait après coup et pour tâcher de nous fermer la bouche. On nous dit cela, à nous; on ne le dit guère aux fidèles. Où sont, d'ailleurs, même parmi les docteurs , ceux qui songent, en pratique, à cette théorie ? Où sont ceux qui, dans leurs prières aux saints, ne les invoquent pas comme présents, et, par conséquent, comme dieux?

Versets 8 et suiv. La prière. Les femmes chrétiennes. La femme a eu la première part dans la chute primitive; elle a été plus coupable que l'homme.


409. Verset 15. Mais elle sera sauvée en devenant mère, si elle élève ses enfants dans la foi, dans la charité, dans la sainteté, dans la modestie.

Il est clair que l'apôtre ne prétend pas lier absolument le salut de la femme au fait qu'elle devienne mère et qu'elle ait des enfants à élever; mais il est clair aussi que c'est là qu'il voit, pour la femme, la carrière normale du salut. Là, en effet, est le développement normal de ses facultés, de ses sentiments ; là l'attendent les grâces qui lui sont particulièrement réservées. Vous remarquerez que saint Paul, sauf dans un seul endroit que nous avons examiné (notes 308 et 310), envisage toujours la femme ou comme mariée, ou comme devant se marier, on comme veuve. Bien sur le célibat par voeu, rien sur la virginité légale, rien sur aucune de ces questions auxquelles on prétend donner une si immense importance.


CHAPITRE III


410. Versets 2 et 8. il faut donc que l'évêque soit irréprochable ... Que les diacres aussi soient hommes graves ...

L'épiscopat au verset 2, le diaconat au verset 8 ; rien entre les deux. Vous avez déjà vu cela (note 383). Aucun moyen de nier l'identité de l'Évêque et de l'Ancien.


411. Verset 2. Il faut donc que l'évêque soit irréprochable, mari d'une seule femme.

On a eu le courage de prétendre que ces derniers mots ne supposaient pas l'évêque marié. La pensée de l'apôtre serait que l'évêque doit être ou célibataire, ou veuf, et, dans ce dernier cas, n'avoir été marié qu'une fois.

Si cette misérable échappatoire pouvait être prise au sérieux, nous remarquerions, d'abord, que la réfutation est dans la forme même du précepte. Observez, en effet, que saint Paul ne pose point d'alternative ; il ne dit pas : « Ou célibataire, ou mari d'une seule femme, » mais seulement : «Mari d'une seule femme.» Si ces derniers mots veulent dire veuf, voilà le veuvage qui devient une condition nécessaire : tout évêque doit être un veuf. Donc, ou saint Paul a dit une chose absurde , ou ces mots « mari d'une seule femme » ont ici leur sens naturel, et, en présence de la polygamie orientale, rien de plus simple que cette recommandation.

Le texte grec peut signifier aussi : «Homme à une seule femme, » et le précepte se rapporterait alors, non à la polygamie légale, mais aux mauvaises moeurs que la corruption du siècle autorisait à côté du mariage. Ce qui est sûr, c'est que rien, dans les mots, n'indique un temps passé, un état antérieur, tandis que, plus loin (chap. V), quand saint Paul parlera de veuves, il ne dira pas: «Femme d'un seul mari, » mais: «Ayant été femme d'un seul mari. »

Nous pourrions, en second lieu, renvoyer aux versets 4 et 5, où l'apôtre nous parle des enfants de l'évêque, et lui recommande, à deux reprises, de bien gouverner sa famille; puis, aux versets 11 et 12, où l'apôtre répète identiquement pour les diacres ce qu'il vient de dire des évêques, et, à côté de cela, parle des femmes des diacres. « Que leurs femmes, dit-il, soient de bonnes moeurs, point médisantes, etc. » Il faudrait donc que la même expression «mari d'une seule femme » signifiât, pour l'évêque, « n'ayant eu qu'une femme,» et, pour le diacre, «n'ayant qu'une femme.» Ajoutez encore que l'apôtre, immédiatement après, fait envisager aux diacres, comme récompense de leur zèle, lit perspective d'être élevés à une plus haute charge, laquelle, d'après ce, qui précède, ne peut être que l'épiscopat, le pastorat. Il fallait donc absolument que leurs femmes mourussent dans l'intervalle?

Notons ici, dans la Vulgate, une de ses falsifications les plus hardies. Profitant de ce qu'un même mot grec signifie femme en général et femme mariée, on a employé, au verset 11, le mot latin signifiant femme en général. Ainsi, au verset 10, l'apôtre parle (les diacres ; an verset 12, des diacres encore; au verset 11 , entre les deux , il parlerait, non pas de leurs femmes, mais de femmes quelconques : une exhortation aux diacres serait coupée par un verset où l'apôtre recommanderait aux femmes, à toutes les femmes, d'être de bonnes moeurs, point médisantes, etc. Voilà ce qu'on a osé imaginer pour se débarrasser de ce passage. Est-ce assez hardi? Est-ce assez significatif?

Un autre mot, qu'on n'a pas, altéré, mais qu'on a exploité contre toute vraisemblance, se trouve aussi dans cette épître. Saint Paul (IV, 12, et V, 22) recommande à Timothée d'être chaste ; et comme le mot chasteté, dans l'Église romaine, est souvent pris pour célibat, on cite ces deux passages comme se rapportant au célibat et le prescrivant à Timothée. On oublie que saint Paul a employé le même mot (Tite 11, 5) en parlant aux femmes mariées. Les deux passages, d'ailleurs, n'ont pas besoin de cet éclaircissement; ils disent assez d'eux-mêmes que la chasteté dont ils parlent n'est autre que la pureté, opposée à l'impureté, et complètement indépendante ou du célibat ou du mariage.


412. Versets 14 et 15. Je t'écris ceci , quoique j'espère aller te voir bientôt; mais c'est afin que, si je tardais, tu saches comment il faut se conduire dans la maison de Dieu, qui est l'Église du Dieu vivant, la colonne et l'appui de la vérité.

Il s'agit de savoir à quelle Église saint Paul attribuait ce privilège. Était-ce à l'Église d'Éphèse, où Timothée exerçait alors son ministère? Évidemment non. Il ne pouvait non plus avoir en vue aucune autre Église particulière; il parlait donc de l'Église en général. Or, à cette époque, qu'était-ce que l'Église en général? Existait-il, entre les Églises, aucun lien régulier, légal? Avaient-elles un centre commun? Était-il question d'en avoir un? Voyez-vous saint Paul en parler, ni pour le présent, ni pour l'avenir? Donc, sous sa plume, l'Église en général, l'Église « maison de Dieu, » l'Église « dit Dieu vivant, » l'Église « colonne et appui de la vérité, »- c'est l'ensemble des vrais fidèles, en quelque lieu et dans quelque Église locale qu'ils se trouvent pour le moment. Il est donc impossible d'attribuer spécialement à une Église, grande ou petite, et d'attacher à certaines formes de gouvernement, d'unité, un privilège dont saint Paul a parlé sans le rattacher à rien de semblable, vu que rien de semblable n'existait.

Mais l'idée romaine est encore fausse sous un autre point de vue. Est-il vrai que saint Paul parle ici d'un privilège? C'est un privilège , sans doute, que d'avoir à remplir une grande et belle tâche; mais le privilège, dans ce cas, est lié à l'accomplissement fidèle de la tâche, et, par conséquent, peut se perdre. «L'Église, disent les théologiens romains, est appelée la colonne et l'appui de la vérité ; donc l'Église ne peut errer. » Sophisme.

Un roi dans un royaume, un magistrat dans une république , un peuple, considéré dans son ensemble, est aussi la colonne et l'appui de beaucoup de choses, ordre publie, moralité publique, justice, etc. ; suit-il de que ce roi, que ce magistrat, que ce peuple, soient nécessairement cela et ne puissent pas ne pas l'être? Est-ce que la chute de saint Pierre ne fut pas postérieure aux paroles qui faisaient de lui, selon vous, non seulement une des colonnes, mais la base même de l'Église ? Oui : l'Église doit être la colonne et l'appui de la vérité mais la seule conséquence raisonnable à tirer de là, c'est que toute Église doit l'être, que toute Église manque à sa tâche quand elle ne l'est pas. Et à quoi reconnaîtrez-vous, à quoi reconnaîtra-t-elle qu'elle l'est? A certains caractères extérieurs? L'Écriture, encore une fois, n'en indique point, ne dit point que des caractères de ce genre doivent jamais entrer dans les éléments de la question. Un seul élément est réel, un seul est tout : la conformité des doctrines avec la Parole de Dieu. Tout vous ramène là toutes les questions arrivent nécessairement sur ce terrain.


CHAPITRE IV


413. Versets 1 et 5. Or, l'Esprit dit expressément que, dans les derniers temps, quelques-uns abandonneront la foi, s'attachant à des esprits séducteurs et à des doctrines de démons... Interdisant de se marier, et d'user d'aliments que Dieu a créés pour que les fidèles et ceux qui connaissent la vérité en usent avec actions de grâces.

Nouvelle condamnation des abstinences. Saint Paul n'avait-il en vue que des gens interdisant absolument l'usage de la viande? L'expression « Doctrines de démons » serait bien forte, bien singulière, s'il avait entendu approuver la chose en soi et ne blâmer que l'excès. D'ailleurs, l'Église romaine a approuvé et sanctionné l'excès même, car il y a des Ordres religieux qui s'interdisent absolument la viande, et cette mortification est citée avec grand éloge dans l'histoire de beaucoup de saints.


414. Nouvelle condamnation, en même temps, de l'interdiction du mariage. Saint Paul peut-il n'avoir eu en vue que des gens l'interdisant absolument? Ici encore, l'expression « Doctrines de démons» serait bien forte, bien étrange, s'il avait approuvé l'interdiction dans certains cas, et blâmé l'excès seulement. La force même du blâme aurait rendu une explication indispensable; jamais homme approuvant le célibat des prêtres et le célibat monastique ne s'exprimera de la sorte sur des docteurs prêchant le célibat, et le prêchant seulement avec un peu trop d'ardeur. Ce passage jette un grand jour sur les conseils donnés ailleurs par saint Paul en cette matière, et confirme tout ce que nous en avons dit (notes 308 et 309).

Il confirme également ce que nous avons dit (note 310) du célibat en général. Si saint Paul l'avait considéré, comme un état plus pur, en soi, que le mariage, plus agréable, en soi, à Dieu, plus saint, enfin, que tout autre, - on ne comprend pas qu'il eut vu une « doctrine de démons » dans une simple exagération de cette idée.

Remarquez encore, un peu plus loin , combien il presse Timothée de s'élever contre ces doctrines, qui germaient déjà dans l'Église. C'est en les combattant, lui dit-il au verset 6, qu'il se montrera «un bon ministre de Jésus-Christ, nourri des paroles de la foi. » Tant le christianisme lui paraissait atteint, compromis, profondément vicié, par ces raffinements d'une piété formaliste!


415. Verset 7. Rejette les fables profanes contes de vieilles femmes.

Ces mêmes judaïsants, apôtres du formalisme, l'étaient aussi d'une foule de fables empruntées aux rabbins et grossièrement christianisées.

Le formalisme et la crédulité se donnent nécessairement la main; une religion qui met le salut dans des observances aura toujours tout un arsenal de fables sur la valeur de ces observances, sur les guérisons, conversions, etc. qui en ont prouvé la vertu. De là, dans l'Église romaine, ce vaste bagage de, légendes dont les uns rient ou s'indignent, dont les autres se contentent de ne jamais parler, dont le clergé, enfin, suivant les temps, les pays ou les personnes, se sert ou ne se sert pas.

Rarement vous amènerez un prêtre, fût-il des plus éclairés, à vous dire ce qu'il pense de tel ou tel de ces mensonges. Il sait que des milliers de ses confrères le répètent, l'exploitent; il n'est pas sûr qu'on ne lui impose pas un jour l'obligation de le répéter, de l'exploiter.

Le miracle de la Sallette, par exemple, même dans les diocèses de France où il n'est pas officiellement admis, -un prêtre peut-il le nier? Demain peut-être l'évêque trouvera, bon de le déclarer authentique, et, à moins de rompre avec l'évêque, avec l'Église, il faudra bien le prêcher.

Voyez ce qui se passe pour le Bréviaire romain, longtemps repoussé, en France, entre autres raisons, comme plein de fables : les évêques français ne se mettent-ils pas , l'un après l'autre, à l'imposer à leurs clergés? Quelle discipline! Quel système ! Quel peu de soin à garder au moins les apparences dit respect pour la vérité!


416. Verset 14. Ne néglige pas le don qui est en toi, lequel t'a été communiqué par prophétie, par l'imposition des mains de l'assemblée des Anciens.

Si Timothée a été consacré ait saint Ministère «par l'imposition des mains de l'assemblée des Anciens,» des presbyteri, des prêtres, - pourquoi l'Église romaine enseigne-t-elle que les évêques seuls peuvent conférer la prêtrise? Pourquoi condamne-t-elle comme une nouveauté l'usage des Églises où c'est aussi l'assemblée des ministres, le corps des ministres, qui confère, par l'imposition des mains, le caractère ecclésiastique? Vous avez vu, d'ailleurs, qu'il y avait une bien bonne raison pour que ni Timothée ni personne n'eût été consacré par un évêque. Les pasteurs étaient égaux, et l'épiscopat, dans le sens romain, n'existait pas.


CHAPITRE V


417. Versets 1 et suiv. Ne reprends pas un vieillard avec rudesse, mais... etc.

Au milieu de ces directions données à Timothée sur ses relations avec tous les membres du troupeau, vieux, jeunes, homme,, femmes, remarquez qu'il n'est pas dit un mot de la charge de confesseur. Aucune trace donc, dans l'Écriture, - et l'Écriture, ici, est en même temps l'histoire du siècle apostolique, - aucune trace, disons-nous, d'une charge devenue plus tard si importante. La confession, dans l'Église romaine, est le fondement des relations entre le pasteur et les fidèles. Croirez-vous, après cette épître, qu'il en fuit de même alors ?


418. Versets 9 et 10. Que celle qui sera mise sur le rôle des veuves n'ait pas moins de soixante ans; qu'elle ait été femme d'un seul mari; qu'elle soit connue pour avoir fait de bonnes oeuvres, pour avoir bien élevé ses enfants, exercé l'hospitalité, etc.

Ces versets nous révèlent une institution de veuves, chargées de certaines oeuvres d'édification, de consolation. Une fois vouées à cette tâche, elles ne devront pas (verset 11) se remarier; mais aussi ce n'est qu'à soixante ans qu'elles auront été inscrites, et, d'ailleurs, l'apôtre ne parle pas de les contraindre à tenir leur engagement. Rien de plus éloigné, par conséquent, du système romain des voeux. Remarquez également que, si saint Paul approuve cette consécration spéciale à Jésus-Christ, c'est en lui assignant un but pratique; autre argument contre la vie monastique proprement dite, qui consiste à rompre avec toutes choses et à ne plus vivre que pour soi. Aussi, comme nous l'avons déjà remarqué, quand on prétend la justifier en rappelant les travaux de certains Ordres, c'est, au fond, abandonner le principe. Le véritable moine, la véritable religieuse, ne travaille pas ; tout son temps est supposé consacré à la méditation , à la prière.

Quand les services rendus par certains Ordres pourraient logiquement être cités en faveur du principe monastique, il y aurait encore plus d'une observation à faire.

Nous remarquerions, d'abord, que plusieurs des faits invoqués ne datent point des siècles catholiques, ne sont point nés de l'idée monastique, mais, au contraire, du besoin de la justifier devant des générations moins disposées à l'accepter et à l'admirer en soi. Les Soeurs de Charité, par exemple, n'ont guère que deux cents ans. Les millions de femmes que le moyen âge a cloîtrées ont vécu dans la plus profonde oisiveté.

Nous demanderions, en second lieu, ce que valent réellement les services rendus pendant cette période. On nous cite quelques couvents défrichant des contrées sauvages; oublierons-nous, pour cela, que des milliers d'autres ont possédé les meilleures terres de l'Europe, et, trop souvent, pour les laisser dépérir?

On nous cite quelques oeuvres et quelques, institutions de bienfaisance ; oublierons-nous combien c'était peu de chose en proportion de pareilles richesses? La bienfaisance moderne a eu presque tout à créer. On nous cite la conservation des lumières. De quelles lumières? Hélas! il faudrait souvent dire plutôt la conservation des ténèbres. Même la portion matérielle de cette belle tâche, la conservation des livres , - comment les moines s'en sont-ils acquittés? Que d'ouvrages perdus! Que d'autres perdus en partie! Que d'autres, et des meilleurs, dont on n'a retrouvé que trois ou quatre manuscrits, ou même qu'un seul, témoin Tacite!


419. Verset 17. Que les Anciens qui gouvernent bien soient réputés dignes d'un double honneur, principalement ceux qui travaillent à la prédication et à l'enseignement religieux.

Ceux qui travaillent à la prédication. - Nous avons déjà vu (note 217) combien la prédication est loin d'avoir, dans l'Église romaine, la place et l'importance qu'elle eut dans l'Église primitive.

Ceux qui travaillent à l'enseignement religieux. - Dans l'Église romaine, on y travaille, en général, fort peu. La première communion se faisant de très bonne heure, l'enseignement religieux est borné à ce que peuvent retenir des enfants de dix ou douze ans ; aussi , tous ceux que des circonstances particulières n'appellent pas ensuite à recevoir ou à se donner une instruction plus développée, vous les retrouvez, dans l'âge mûr , ne sachant presque rien en religion, presque rien du christianisme, presque rien du catholicisme même.

Dans les pays exclusivement catholiques, où l'ignorance en tout le reste aide à l'ignorance religieuse , ce n'est pas presque rien qu'il faudrait dire, mais rien. Même les gens d'ailleurs instruits, il est généralement impossible, dans ces pays, de causer avec eux sur des matières religieuses; les premiers éléments leur manquent, et, poussant jusqu'à ses dernières conséquences l'idée que la religion est l'affaire des prêtres, souvent ils ne savent pas même le peu qu'ils devraient avoir appris, ce semble, dans les, quelques sermons qu'ils ont eu occasion d'entendre. Quel contraste avec cette Église primitive où l'instruction occupait tant de place, où le don d'enseigner était estimé si haut, où la religion appartenait tout entière à tout le monde, où chacun avait, devant Dieu et devant les hommes, la responsabilité de ses croyances, où chacun devenait, dans l'occasion, un prédicateur, un missionnaire!


420. Versets 19, 20, 22. Ne reçois point d'accusation contre un Ancien, si ce n'est sur la déposition de deux ou trois témoins. Reprends publiquement ceux qui auront péché... N'impose les mains à personne avec précipitation...

Nous avons nié l'existence de l'épiscopat à cette époque. On objectera peut-être que ces versets montrent Timothée exerçant tous les droits de l'épiscopat.

Il les exerce, oui, mais ce qu'il faudrait prouver , c'est qu'il les exerce comme évêque , dans le sens romain de ce titre, en vertu d'une charge définie, constituée, - et l'épître même nous fournit de quoi prouver le contraire. Relisez le début : Paul, partant pour la Macédoine, a prié Timothée de rester à Éphèse pour s'opposer aux tendances judaïques qui se développaient dans cette Église. Quand nous ne verrions pas par là que Timothée agissait, à Éphèse, comme délégué de saint Paul, et qu'il y exerçait, non une charge, mais une mission spéciale et extraordinaire, - ce dernier fait serait encore évident par cela seul que les autres épîtres ne nous ont montré, en d'autres villes, aucune trace d'un épiscopat de ce genre. S'il y avait eu à Rome, à Corinthe, en Galatie, à Éphèse avant Timothée, à Philippes, à Colosses, à Thessalonique, un homme investi de l'autorité que nous voyons ici entre les mains de Timothée , c'est à cet homme , évidemment, que Paul aurait dû écrire la plupart des choses qu'il écrit aux Romains, aux Corinthiens, aux Galates, etc. Au moins aurait-il parlé de cet homme, de ses droits, de ses devoirs.
Tout donc, ici , nous montre Timothée dans une position exceptionnelle. L'épître à Tite nous autorisera à en dire autant de ce dernier.

Nous rappelons, du reste, ce que nous avons dit (note 253) de l'épiscopat en général. Nous ne le condamnons point absolument; nous reconnaissons qu'on a pu, sans violer directement aucun ordre divin, donner à un homme , dans une Église , l'autorité que Timothée exerçait à Éphèse. Ce que nous condamnons, c'est l'épiscopat de droit divin,- et vous voyez que les temps apostoliques n'en offrent aucune trace.


CHAPITRE VI

Devoirs des serviteurs. Condamnation de gens qui avaient vu dans la piété un moyen de s'enrichir.


421. Verset 10. Car l'amour de l'argent est la racine de tous les maux, et quelques-uns, en étant possédés, se sont écartés de la foi.

Nous avons vu comment l'amour de l'argent a eu sa part dans toutes les altérations qui ont déformé le christianisme.
Ce que saint Paul disait là de quelques hommes s'est réalisé, en grand, dans l'Église.

Ces hommes dont parle l'apôtre étaient-ils nécessairement des hypocrites? Non. Leur piété pouvait, dans une certaine mesure, être sincère ; mais il avait suffi d'un mélange d'intérêt, d'avidité , pour qu'ils s'écartassent plus ou moins de ces vérités saintes qui leur avaient cependant été si récemment prêchées, et prêchées par un saint Paul. Plus tard, de même, il s'en faut bien que nous puissions accuser d'hypocrisie tous ceux qui ont contribué à établir les erreurs du romanisme ; mais il n'en est pas moins vrai que celles qui se sont le plus développées sont celles dont le développement amenait le plus d'argent, tandis que les doctrines dont Rome a été l'ennemie étaient au contraire, presque toutes, de celles qui n'en amènent point. Ce serait une curieuse histoire que celle qui exposerait parallèlement ces deux tableaux : doctrines favorisées, presque toutes lucratives ; doctrines combattues, presque toutes fâcheuses pour les finances de l''Église.


422. Verset 20. 0 Timothée, conserve le dépôt qui t'a été confié.

Voilà le dépôt de la tradition, disent les controversistes romains. Ils oublient donc tout ce qui précède? L'épître entière a été consacrée à recommander à Timothée de ne pas laisser altérer, par les judaïsants, la spiritualité de l'Évangile. Donc, ce dépôt qui a été confié à Timothée , c'est tout simplement l'Évangile, l'Évangile qu'a prêché saint Paul, l'Évangile qu'il résume en plusieurs endroits de cette épître , après l'avoir largement et complètement exposé dans les précédentes.

Rien donc, dans tout ceci, n'indique ni ne suppose un dépôt que nous n'ayons pas , nous , quand nous avons le Nouveau Testament. Rappelez-vous encore ce que nous avons dit (note 183) sur la nature de ce prétendu dépôt. Ces choses que les apôtres, selon l'Église romaine , n'enseignèrent et ne confièrent qu'aux chefs , - nous avons montré que ce sont précisément celles qui eussent été le mieux à la portée de la foule , celles qu'il n'y avait , d'ailleurs , aucune raison de cacher. Rappelez-vous, enfin, ce que nous avons dit aussi (note 391) sur les contradictions qu'on est conduit à supposer entre l'enseignement oral, laissé en dépôt à quelques-uns, et l'enseignement écrit, livré à tous. Paul aurait enseigné de bouche à Timothée tout ce que nous combattons, ici même, par son épître à Timothée. C'est là ce qu'il lui dirait de «conserver» au moment même où il vient de lui dire tout ce qui pourra le mieux le lui faire rejeter.

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