Salutation. Paul a laissé Timothée à Éphèse afin qu'il veillât au maintien de la saine doctrine. Les questions vaines. Changement que l'Évangile a produit en saint Paul.
405. Verset
15.
Jésus-Christ est venu dans le monde pour
sauver les pécheurs, dont je suis le
premier.
Paul veut-il dire
qu'il
est le plus grand de tous les pécheurs? Non;
ce serait une humilité
exagérée, qui ne pourrait être
sincère. Mais une assertion reste: c'est
qu'il se considère comme ne pouvant pas
mieux qu'un autre se sauver par lui-même, et
ayant besoin, comme tout autre, d'être
sauvé par Jésus-Christ. Les
conséquences de cette déclaration
sont évidentes, et nous les avons
déjà plusieurs fois dites. Point
d'homme qui n'ait besoin d'être sauvé
par Jésus-Christ; point d'homme qui ait
assez de ses propres mérites; point d'homme,
par conséquent, qui puisse en avoir pour
autrui.
Versets 18
et suiv. -
Que Timothée veille et soit fidèle.
Hyménée et Alexandre «
livrés à Satan (voir
304).
406. Verset
1. Je
recommande donc, avant toutes choses, qu'on fasse
des prières, des supplications, des
requêtes et des actions de grâces pour
tous les hommes.
Pour tous les
vivants,
oui; pour les morts, non, car vous ne trouverez,
dans tout le Nouveau Testament, ni la prière
pour les morts, ni rien qui la suppose. Vaguement
mentionnée dans un livre apocryphe que le
concile de Trente a introduit dans le canon de
l'Ancien Testament, elle a contre elle, outre
l'inauthenticité du livre (2 éme des
Maccabées), le silence complet de tous les
autres, Ancien Testament et Nouveau.
407. Deux
mots, puisque l'occasion s'en
présente, sur cette question des
apocryphes.
Ces livres (Tobie,
Judith, Maccabées, etc.) avaient eu contre
eux, jusqu'au concile de Trente, l'unanimité
des docteurs. Les Pères en avaient
parlé avec tantôt plus, tantôt
moins d'estime, mais sans jamais les dire
canoniques; jamais les Juifs ne les avaient
placés dans le canon de l'Ancien Testament.
Même au concile, il ne se trouva personne qui
soutînt historiquement leur canonicité
il y avait seulement parti pris de les introduire
dans la Bible, surtout à cause des quelques
lignes en faveur des prières pour les morts.
Après de longs débats sur le rang
à leur assigner et sur la forme à
donner au décret, on décida de ne pas
s'expliquer, de les insérer purement et
simplement dans le catalogue des Livres Saints, et
de les y fixer par un anathème
général contre quiconque ne recevrait
pas ce catalogue entier.
Voilà sur quoi
s'appuient ceux qui accusent les protestants
d'avoir tronqué la Bible en rejetant les
apocryphes. Vous voyez qu'ils ne les ont point
rejetés, puisque, jusqu'au seizième
siècle, ces livres n'appartenaient point
à la Bible ; c'est l'Église romaine
qui, au mépris d'une opinion
jusque-là unanime, a trouvé bon de
les y introduire.
Elle vous trompe
encore
quand elle vous fait entendre que ces livres
renferment beaucoup de choses en sa faveur :
quelques lignes obscures, voilà tout.
L'indignation de ses controversistes contre ceux
qui les rejettent n'est donc pas et ne peut pas
être sincère. Ils savent très
bien, non seulement que l'histoire nous autorise
à les rejeter, mais que ce qu'il y aurait
à prendre là en faveur des dogmes
romains, on plutôt d'un dogme romain, d'un
seul , est fort peu de chose , presque rien, et
n'ébranlerait d'ailleurs point les arguments
contraires , tirés du Nouveau Testament.
Mais c'est une occasion de se donner pour les
défenseurs de la Bible ; on espère ,
à la faveur de ce bruit , échapper
quelque peu aux innombrables embarras dont elle
enlace l'Église romaine,et voilà
pourquoi, dans les Encycliques papales comme dans
les prônes de village, on va disant et
redisant que nous mutilons la Bible.
408. Verset
5. Car il
y a un seul Dieu, et un seul médiateur entre
Dieu et les hommes, Jésus-Christ
homme.
Pour éluder les
conséquences d'une déclaration si peu
d'accord avec le rôle attribué aux
saints, les théologiens romains ont
imaginé de distinguer entre médiation
de rédemption et médiation
d'intercession , l'une, oeuvre de
Jésus-Christ, l'autre, oeuvre de
Jésus-Christ et des saints.
Cette distinction
qu'on
invoque , remarquez« d'abord que, en fait, on
ne l'observe pas. Enseigner que les mérites
des saints concourent avec ceux de
Jésus-Christ au salut des fidèles,
c'est, évidemment, donner aux saints une
part dans l'oeuvre de la
rédemption.
Cette distinction a
contre elle , en second lieu , non seulement qu'il
n'en est rien dit dans l'Écriture, mais que
les passages relatifs au médiateur unique,
Jésus-Christ, s'y opposent
absolument.
Silence de
l'Écriture, disons-nous. C'est par dizaines
et par vingtaines que vous compterez les passages
où il est question de la prière.
Trouvez-en un où il soit parlé des
saints comme pouvant et devant nous servir
d'intercesseurs.
Force et clarté ,
ajoutons-nous , des passages contraires. Partout le
rôle d'intercesseur est attribué
à Jésus-Christ comme lié
à celui de rédempteur; partout, qu'il
s'agisse de l'un ou de l'autre rôle,
Jésus-Christ est représenté
coin me le remplissant seul , comme seul
placé entre les hommes et Dieu, comme
formant, à lui seuil, le lien entre la terre
et le ciel. Remarquez que le verset ci-dessus est
au milieu de réflexions et de
recommandations sur la prière; preuve
nouvelle que l'idée d'intercesseur unique
est comprise dans celle de médiateur
unique.
Dans ce passage, en
outre, l'unité du médiateur est
liée à l'unité même de
Dieu : « Il y a un seul Dieu, un seul
médiateur. » Le dernier mot: «
Jésus-Christ homme, » vient encore
à l'appui de ce que nous tirons de
là. « Les saints, vous dit-on, sont
d'autant mieux disposés a nous servir qu'ils
ont été des hommes, qu'ils ont vu et
connu les misères de l'humanité.
» Eh bien! C'est à Jésus-Christ
homme, à Jésus dans son
humanité , que saint Paul attribue les
fonctions de médiateur. S'il vous faut un
homme, le voilà aucune raison pour en aller
chercher d'autres.
Mais il ne s'agit
pas ici
de raisonnements pour ou contre. Un seul
médiateur, vous dit saint Paul ; entre Dieu
et les hommes, un seul homme, le fils de Dieu fait
homme. De quel droit sortez-vous de là? De
quel droit donnez-vous des aides à Celui qui
peut et veut faire l'oeuvre, l'oeuvre
entière, l'oeuvre d'intercession comme
l'oeuvre de médiation?
Enfin, avez-vous
bien
réfléchi à ce que vous faites
quand vous invoquez un saint? Vous lui accordez un
des plus grands et des plus
incompréhensibles attributs de la
divinité, celui d'être partout, de
tout voir, de tout entendre. Un homme qui ne voyait
et n'entendait, comme vous, que dans un cercle
borné, infranchissable, et qui, comme vous,
ne pouvait lire dans le coeur d'un seul de ses
semblables, - voilà qu'il lit dans tous le
coeurs à la fois ; voilà que, en
Europe, en Amérique, au plus profond des
mines comme au sommet des montagnes, le jour, la
nuit, partout et à jamais, voilà,
dis-je, qu'il recueille instantanément
toutes les paroles, tous les soupirs, tous les plus
légers élans d'âme où se
mêle l'idée de son intercession, car
vous ne pouvez supposer qu'il y ait des lieux et
des moments où il ne vous entendrait pas.
Pas de milieu : ou les saints n'ont pas la
faculté de nous entendre, ou ils l'ont au
même degré que Dieu. Dieu a pu le
vouloir ainsi, vous dit-on. Oui ; mais qu'en
savez-vous ? Qu'en savent ceux qui vous
l'enseignent? Plus est grand et divin ce
privilège qu'on suppose accordé aux
saints, plus il serait nécessaire,
indispensable, d'en avoir les preuves. Où
sont-elles?
Au lieu de preuves,
on a
voulu donner une sorte d'explication. Dieu seul,
a-t-on dit, est présent partout ; c'est par
lui, en lui, par une intuition mystérieuse,
que les saints connaissent nos prières, et
ils ne font que les lui reporter ensuite,
fécondées par leur intercession.
Qu'en savez-vous? répéterons-nous.
Qu'en savent ceux qui vous l'enseignent ? Mais il
n'est pas même nécessaire, ici ,
d'insister sur ce que les preuves manquent ; le
système est trop évidemment fait
après coup et pour tâcher de nous
fermer la bouche. On nous dit cela, à nous;
on ne le dit guère aux fidèles.
Où sont, d'ailleurs, même parmi les
docteurs , ceux qui songent, en pratique, à
cette théorie ? Où sont ceux qui,
dans leurs prières aux saints, ne les
invoquent pas comme présents, et, par
conséquent, comme dieux?
Versets 8
et suiv. La
prière. Les femmes chrétiennes. La
femme a eu la première part dans la chute
primitive; elle a été plus coupable
que l'homme.
409. Verset
15. Mais
elle sera sauvée en devenant mère, si
elle élève ses enfants dans la foi,
dans la charité, dans la sainteté,
dans la modestie.
Il est clair que
l'apôtre ne prétend pas lier
absolument le salut de la femme au fait qu'elle
devienne mère et qu'elle ait des enfants
à élever; mais il est clair aussi que
c'est là qu'il voit, pour la femme, la
carrière normale du salut. Là, en
effet, est le développement normal de ses
facultés, de ses sentiments ; là
l'attendent les grâces qui lui sont
particulièrement réservées.
Vous remarquerez que saint Paul, sauf dans un seul
endroit que nous avons examiné (notes 308
et 310),
envisage
toujours la femme ou comme mariée,
ou comme devant se marier, on comme veuve. Bien sur
le célibat par voeu, rien sur la
virginité légale, rien sur aucune de
ces questions auxquelles on prétend donner
une si immense importance.
410.
Versets 2 et 8.
il faut donc que l'évêque soit
irréprochable ... Que les diacres aussi
soient hommes graves ...
L'épiscopat au
verset 2, le diaconat au verset 8 ; rien entre les
deux. Vous avez déjà vu cela
(note
383).
Aucun moyen de nier l'identité de
l'Évêque et de l'Ancien.
411. Verset
2. Il faut
donc que l'évêque soit
irréprochable, mari d'une seule
femme.
On a eu le courage
de
prétendre que ces derniers mots ne
supposaient pas l'évêque marié.
La pensée de l'apôtre serait que
l'évêque doit être ou
célibataire, ou veuf, et, dans ce dernier
cas, n'avoir été marié qu'une
fois.
Si cette misérable
échappatoire pouvait être prise au
sérieux, nous remarquerions, d'abord, que la
réfutation est dans la forme même du
précepte. Observez, en effet, que saint Paul
ne pose point d'alternative ; il ne dit pas :
« Ou célibataire, ou mari d'une seule
femme, » mais seulement : «Mari d'une
seule femme.» Si ces derniers mots veulent
dire veuf, voilà le veuvage qui devient une
condition nécessaire : tout
évêque doit être un veuf. Donc,
ou saint Paul a dit une chose absurde , ou ces mots
« mari d'une seule femme » ont ici leur
sens naturel, et, en présence de la
polygamie orientale, rien de plus simple que cette
recommandation.
Le texte grec peut
signifier aussi : «Homme à une seule
femme, » et le précepte se rapporterait
alors, non à la polygamie légale,
mais aux mauvaises moeurs que la corruption du
siècle autorisait à côté
du mariage. Ce qui est sûr, c'est que rien,
dans les mots, n'indique un temps passé, un
état antérieur, tandis que, plus loin
(chap. V), quand saint Paul parlera de veuves, il
ne dira pas: «Femme d'un seul mari, »
mais: «Ayant été femme d'un seul
mari. »
Nous pourrions, en
second
lieu, renvoyer aux versets 4 et 5, où
l'apôtre nous parle des enfants de
l'évêque, et lui recommande, à
deux reprises, de bien gouverner sa famille; puis,
aux versets 11 et 12, où l'apôtre
répète identiquement pour les diacres
ce qu'il vient de dire des évêques,
et, à côté de cela, parle des
femmes des diacres. « Que leurs femmes,
dit-il, soient de bonnes moeurs, point
médisantes, etc. » Il faudrait donc que
la même expression «mari d'une seule
femme » signifiât, pour
l'évêque, « n'ayant eu qu'une
femme,» et, pour le diacre, «n'ayant
qu'une femme.» Ajoutez encore que
l'apôtre, immédiatement après,
fait envisager aux diacres, comme récompense
de leur zèle, lit perspective d'être
élevés à une plus haute
charge, laquelle, d'après ce, qui
précède, ne peut être que
l'épiscopat, le pastorat. Il fallait donc
absolument que leurs femmes mourussent dans
l'intervalle?
Notons ici, dans la
Vulgate, une de ses falsifications les plus
hardies. Profitant de ce qu'un même mot grec
signifie femme en général et femme
mariée, on a employé, au verset 11,
le mot latin signifiant femme en
général. Ainsi, au verset 10,
l'apôtre parle (les diacres ; an verset 12,
des diacres encore; au verset 11 , entre les deux ,
il parlerait, non pas de leurs femmes, mais de
femmes quelconques : une exhortation aux diacres
serait coupée par un verset où
l'apôtre recommanderait aux femmes, à
toutes les femmes, d'être de bonnes moeurs,
point médisantes, etc. Voilà ce qu'on
a osé imaginer pour se débarrasser de
ce passage. Est-ce assez hardi? Est-ce assez
significatif?
Un autre mot, qu'on
n'a
pas, altéré, mais qu'on a
exploité contre toute vraisemblance, se
trouve aussi dans cette épître. Saint
Paul (IV, 12, et V, 22) recommande à
Timothée d'être chaste ; et comme le
mot chasteté, dans l'Église romaine,
est souvent pris pour célibat, on cite ces
deux passages comme se rapportant au célibat
et le prescrivant à Timothée. On
oublie que saint Paul a employé le
même mot (Tite 11, 5) en parlant aux femmes
mariées. Les deux passages, d'ailleurs,
n'ont pas besoin de cet éclaircissement; ils
disent assez d'eux-mêmes que la
chasteté dont ils parlent n'est autre que la
pureté, opposée à
l'impureté, et complètement
indépendante ou du célibat ou du
mariage.
412.
Versets 14 et 15.
Je t'écris ceci , quoique j'espère
aller te voir bientôt; mais c'est afin que,
si je tardais, tu saches comment il faut se
conduire dans la maison de Dieu, qui est
l'Église du Dieu vivant, la colonne et
l'appui de la vérité.
Il s'agit de savoir
à quelle Église saint Paul attribuait
ce privilège. Était-ce à
l'Église d'Éphèse, où
Timothée exerçait alors son
ministère? Évidemment non. Il ne
pouvait non plus avoir en vue aucune autre
Église particulière; il parlait donc
de l'Église en général. Or,
à cette époque, qu'était-ce
que l'Église en général?
Existait-il, entre les Églises, aucun lien
régulier, légal? Avaient-elles un
centre commun? Était-il question d'en avoir
un? Voyez-vous saint Paul en parler, ni pour le
présent, ni pour l'avenir? Donc, sous sa
plume, l'Église en général,
l'Église « maison de Dieu, »
l'Église « dit Dieu vivant, »
l'Église « colonne et appui de la
vérité, »- c'est l'ensemble des
vrais fidèles, en quelque lieu et dans
quelque Église locale qu'ils se trouvent
pour le moment. Il est donc impossible d'attribuer
spécialement à une Église,
grande ou petite, et d'attacher à certaines
formes de gouvernement, d'unité, un
privilège dont saint Paul a parlé
sans le rattacher à rien de semblable, vu
que rien de semblable n'existait.
Mais l'idée
romaine est encore fausse sous un autre point de
vue. Est-il vrai que saint Paul parle ici d'un
privilège? C'est un privilège , sans
doute, que d'avoir à remplir une grande et
belle tâche; mais le privilège, dans
ce cas, est lié à l'accomplissement
fidèle de la tâche, et, par
conséquent, peut se perdre.
«L'Église, disent les
théologiens romains, est appelée la
colonne et l'appui de la vérité ;
donc l'Église ne peut errer. »
Sophisme.
Un roi dans un
royaume,
un magistrat dans une république , un
peuple, considéré dans son ensemble,
est aussi la colonne et l'appui de beaucoup de
choses, ordre publie, moralité publique,
justice, etc. ; suit-il de que ce roi, que ce
magistrat, que ce peuple, soient
nécessairement cela et ne puissent pas ne
pas l'être? Est-ce que la chute de saint
Pierre ne fut pas postérieure aux paroles
qui faisaient de lui, selon vous, non seulement une
des colonnes, mais la base même de
l'Église ? Oui : l'Église doit
être la colonne et l'appui de la
vérité mais la seule
conséquence raisonnable à tirer de
là, c'est que toute Église doit
l'être, que toute Église manque
à sa tâche quand elle ne l'est pas. Et
à quoi reconnaîtrez-vous, à
quoi reconnaîtra-t-elle qu'elle l'est? A
certains caractères extérieurs?
L'Écriture, encore une fois, n'en indique
point, ne dit point que des caractères de ce
genre doivent jamais entrer dans les
éléments de la question. Un seul
élément est réel, un seul est
tout : la conformité des doctrines avec la
Parole de Dieu. Tout vous ramène là
toutes les questions arrivent nécessairement
sur ce terrain.
413.
Versets 1 et 5.
Or, l'Esprit dit expressément que, dans les
derniers temps, quelques-uns abandonneront la foi,
s'attachant à des esprits séducteurs
et à des doctrines de démons...
Interdisant de se marier, et d'user d'aliments que
Dieu a créés pour que les
fidèles et ceux qui connaissent la
vérité en usent avec actions de
grâces.
Nouvelle
condamnation des
abstinences. Saint Paul n'avait-il en vue que des
gens interdisant absolument l'usage de la viande?
L'expression « Doctrines de démons
» serait bien forte, bien singulière,
s'il avait entendu approuver la chose en soi et ne
blâmer que l'excès. D'ailleurs,
l'Église romaine a approuvé et
sanctionné l'excès même, car il
y a des Ordres religieux qui s'interdisent
absolument la viande, et cette mortification est
citée avec grand éloge dans
l'histoire de beaucoup de saints.
414.
Nouvelle condamnation, en même
temps, de l'interdiction du mariage. Saint Paul
peut-il n'avoir eu en vue que des gens
l'interdisant absolument? Ici encore, l'expression
« Doctrines de démons» serait bien
forte, bien étrange, s'il avait
approuvé l'interdiction dans certains cas,
et blâmé l'excès seulement. La
force même du blâme aurait rendu une
explication indispensable; jamais homme approuvant
le célibat des prêtres et le
célibat monastique ne s'exprimera de la
sorte sur des docteurs prêchant le
célibat, et le prêchant seulement avec
un peu trop d'ardeur. Ce passage jette un grand
jour sur les conseils donnés ailleurs par
saint Paul en cette matière, et confirme
tout ce que nous en avons dit (notes 308
et 309).
Il confirme
également ce que nous avons dit
(note
310)
du célibat en général. Si
saint Paul l'avait considéré, comme
un état plus pur, en soi, que le mariage,
plus agréable, en soi, à Dieu, plus
saint, enfin, que tout autre, - on ne comprend pas
qu'il eut vu une « doctrine de démons
» dans une simple exagération de cette
idée.
Remarquez encore, un
peu
plus loin , combien il presse Timothée de
s'élever contre ces doctrines, qui germaient
déjà dans l'Église. C'est en
les combattant, lui dit-il au verset 6, qu'il se
montrera «un bon ministre de
Jésus-Christ, nourri des paroles de la foi.
» Tant le christianisme lui paraissait
atteint, compromis, profondément
vicié, par ces raffinements d'une
piété formaliste!
415. Verset
7. Rejette
les fables profanes contes de vieilles
femmes.
Ces mêmes
judaïsants, apôtres du formalisme,
l'étaient aussi d'une foule de fables
empruntées aux rabbins et
grossièrement
christianisées.
Le formalisme et la
crédulité se donnent
nécessairement la main; une religion qui met
le salut dans des observances aura toujours tout un
arsenal de fables sur la valeur de ces observances,
sur les guérisons, conversions, etc. qui en
ont prouvé la vertu. De là, dans
l'Église romaine, ce vaste bagage de,
légendes dont les uns rient ou s'indignent,
dont les autres se contentent de ne jamais parler,
dont le clergé, enfin, suivant les temps,
les pays ou les personnes, se sert ou ne se sert
pas.
Rarement vous
amènerez un prêtre, fût-il des
plus éclairés, à vous dire ce
qu'il pense de tel ou tel de ces mensonges. Il sait
que des milliers de ses confrères le
répètent, l'exploitent; il n'est pas
sûr qu'on ne lui impose pas un jour
l'obligation de le répéter, de
l'exploiter.
Le miracle de la
Sallette, par exemple, même dans les
diocèses de France où il n'est pas
officiellement admis, -un prêtre peut-il le
nier? Demain peut-être l'évêque
trouvera, bon de le déclarer authentique,
et, à moins de rompre avec
l'évêque, avec l'Église, il
faudra bien le prêcher.
Voyez ce qui se
passe
pour le Bréviaire romain, longtemps
repoussé, en France, entre autres raisons,
comme plein de fables : les évêques
français ne se mettent-ils pas , l'un
après l'autre, à l'imposer à
leurs clergés? Quelle discipline! Quel
système ! Quel peu de soin à garder
au moins les apparences dit respect pour la
vérité!
416. Verset
14. Ne
néglige pas le don qui est en toi, lequel
t'a été communiqué par
prophétie, par l'imposition des mains de
l'assemblée des Anciens.
Si Timothée a
été consacré ait saint
Ministère «par l'imposition des mains
de l'assemblée des Anciens,» des
presbyteri, des prêtres, - pourquoi
l'Église romaine enseigne-t-elle que les
évêques seuls peuvent conférer
la prêtrise? Pourquoi condamne-t-elle comme
une nouveauté l'usage des Églises
où c'est aussi l'assemblée des
ministres, le corps des ministres, qui
confère, par l'imposition des mains, le
caractère ecclésiastique? Vous avez
vu, d'ailleurs, qu'il y avait une bien bonne raison
pour que ni Timothée ni personne n'eût
été consacré par un
évêque. Les pasteurs étaient
égaux, et l'épiscopat, dans le sens
romain, n'existait pas.
417.
Versets 1 et
suiv. Ne reprends pas un vieillard avec rudesse,
mais... etc.
Au milieu de ces
directions données à Timothée
sur ses relations avec tous les membres du
troupeau, vieux, jeunes, homme,, femmes, remarquez
qu'il n'est pas dit un mot de la charge de
confesseur. Aucune trace donc, dans
l'Écriture, - et l'Écriture, ici, est
en même temps l'histoire du siècle
apostolique, - aucune trace, disons-nous, d'une
charge devenue plus tard si importante. La
confession, dans l'Église romaine, est le
fondement des relations entre le pasteur et les
fidèles. Croirez-vous, après cette
épître, qu'il en fuit de même
alors ?
418.
Versets 9 et 10.
Que celle qui sera mise sur le rôle des
veuves n'ait pas moins de soixante ans; qu'elle ait
été femme d'un seul mari; qu'elle
soit connue pour avoir fait de bonnes oeuvres, pour
avoir bien élevé ses enfants,
exercé l'hospitalité,
etc.
Ces versets nous
révèlent une institution de veuves,
chargées de certaines oeuvres
d'édification, de consolation. Une fois
vouées à cette tâche, elles ne
devront pas (verset 11) se remarier; mais aussi ce
n'est qu'à soixante ans qu'elles auront
été inscrites, et, d'ailleurs,
l'apôtre ne parle pas de les contraindre
à tenir leur engagement. Rien de plus
éloigné, par conséquent, du
système romain des voeux. Remarquez
également que, si saint Paul approuve cette
consécration spéciale à
Jésus-Christ, c'est en lui assignant un but
pratique; autre argument contre la vie monastique
proprement dite, qui consiste à rompre avec
toutes choses et à ne plus vivre que pour
soi. Aussi, comme nous l'avons déjà
remarqué, quand on prétend la
justifier en rappelant les travaux de certains
Ordres, c'est, au fond, abandonner le principe. Le
véritable moine, la véritable
religieuse, ne travaille pas ; tout son temps est
supposé consacré à la
méditation , à la
prière.
Quand les services
rendus
par certains Ordres pourraient logiquement
être cités en faveur du principe
monastique, il y aurait encore plus d'une
observation à faire.
Nous remarquerions,
d'abord, que plusieurs des faits invoqués ne
datent point des siècles catholiques, ne
sont point nés de l'idée monastique,
mais, au contraire, du besoin de la justifier
devant des générations moins
disposées à l'accepter et à
l'admirer en soi. Les Soeurs de Charité, par
exemple, n'ont guère que deux cents ans. Les
millions de femmes que le moyen âge a
cloîtrées ont vécu dans la plus
profonde oisiveté.
Nous demanderions,
en
second lieu, ce que valent réellement les
services rendus pendant cette période. On
nous cite quelques couvents défrichant des
contrées sauvages; oublierons-nous, pour
cela, que des milliers d'autres ont
possédé les meilleures terres de
l'Europe, et, trop souvent, pour les laisser
dépérir?
On nous cite
quelques
oeuvres et quelques, institutions de bienfaisance ;
oublierons-nous combien c'était peu de chose
en proportion de pareilles richesses? La
bienfaisance moderne a eu presque tout à
créer. On nous cite la conservation des
lumières. De quelles lumières?
Hélas! il faudrait souvent dire plutôt
la conservation des ténèbres.
Même la portion matérielle de cette
belle tâche, la conservation des livres , -
comment les moines s'en sont-ils acquittés?
Que d'ouvrages perdus! Que d'autres perdus en
partie! Que d'autres, et des meilleurs, dont on n'a
retrouvé que trois ou quatre manuscrits, ou
même qu'un seul, témoin Tacite!
419. Verset
17. Que
les Anciens qui gouvernent bien soient
réputés dignes d'un double honneur,
principalement ceux qui travaillent à la
prédication et à l'enseignement
religieux.
Ceux qui travaillent
à la prédication. - Nous avons
déjà vu (note
217)
combien la prédication est loin d'avoir,
dans l'Église romaine, la place et
l'importance qu'elle eut dans l'Église
primitive.
Ceux qui travaillent
à l'enseignement religieux. - Dans
l'Église romaine, on y travaille, en
général, fort peu. La première
communion se faisant de très bonne heure,
l'enseignement religieux est borné à
ce que peuvent retenir des enfants de dix ou douze
ans ; aussi , tous ceux que des circonstances
particulières n'appellent pas ensuite
à recevoir ou à se donner une
instruction plus développée, vous les
retrouvez, dans l'âge mûr , ne sachant
presque rien en religion, presque rien du
christianisme, presque rien du catholicisme
même.
Dans les pays
exclusivement catholiques, où l'ignorance en
tout le reste aide à l'ignorance religieuse
, ce n'est pas presque rien qu'il faudrait dire,
mais rien. Même les gens d'ailleurs
instruits, il est généralement
impossible, dans ces pays, de causer avec eux sur
des matières religieuses; les premiers
éléments leur manquent, et, poussant
jusqu'à ses dernières
conséquences l'idée que la religion
est l'affaire des prêtres, souvent ils ne
savent pas même le peu qu'ils devraient avoir
appris, ce semble, dans les, quelques sermons
qu'ils ont eu occasion d'entendre. Quel contraste
avec cette Église primitive où
l'instruction occupait tant de place, où le
don d'enseigner était estimé si haut,
où la religion appartenait tout
entière à tout le monde, où
chacun avait, devant Dieu et devant les hommes, la
responsabilité de ses croyances, où
chacun devenait, dans l'occasion, un
prédicateur, un missionnaire!
420.
Versets 19, 20,
22. Ne reçois point d'accusation contre un
Ancien, si ce n'est sur la déposition de
deux ou trois témoins. Reprends publiquement
ceux qui auront péché... N'impose les
mains à personne avec
précipitation...
Nous avons nié
l'existence de l'épiscopat à cette
époque. On objectera peut-être que ces
versets montrent Timothée exerçant
tous les droits de l'épiscopat.
Il les exerce, oui,
mais
ce qu'il faudrait prouver , c'est qu'il les exerce
comme évêque , dans le sens romain de
ce titre, en vertu d'une charge définie,
constituée, - et l'épître
même nous fournit de quoi prouver le
contraire. Relisez le début : Paul, partant
pour la Macédoine, a prié
Timothée de rester à
Éphèse pour s'opposer aux tendances
judaïques qui se développaient dans
cette Église. Quand nous ne verrions pas par
là que Timothée agissait, à
Éphèse, comme
délégué de saint Paul, et
qu'il y exerçait, non une charge, mais une
mission spéciale et extraordinaire, - ce
dernier fait serait encore évident par cela
seul que les autres épîtres ne nous
ont montré, en d'autres villes, aucune trace
d'un épiscopat de ce genre. S'il y avait eu
à Rome, à Corinthe, en Galatie,
à Éphèse avant
Timothée, à Philippes, à
Colosses, à Thessalonique, un homme investi
de l'autorité que nous voyons ici entre les
mains de Timothée , c'est à cet homme
, évidemment, que Paul aurait dû
écrire la plupart des choses qu'il
écrit aux Romains, aux Corinthiens, aux
Galates, etc. Au moins aurait-il parlé de
cet homme, de ses droits, de ses
devoirs.
Tout donc, ici ,
nous
montre Timothée dans une position
exceptionnelle. L'épître à Tite
nous autorisera à en dire autant de ce
dernier.
Nous rappelons, du
reste,
ce que nous avons dit (note
253)
de l'épiscopat en général.
Nous ne le condamnons point absolument; nous
reconnaissons qu'on a pu, sans violer directement
aucun ordre divin, donner à un homme , dans
une Église , l'autorité que
Timothée exerçait à
Éphèse. Ce que nous condamnons, c'est
l'épiscopat de droit divin,- et vous voyez
que les temps apostoliques n'en offrent aucune
trace.
Devoirs des serviteurs. Condamnation de gens qui avaient vu dans la piété un moyen de s'enrichir.
421. Verset
10. Car
l'amour de l'argent est la racine de tous les maux,
et quelques-uns, en étant
possédés, se sont
écartés de la foi.
Nous avons vu
comment
l'amour de l'argent a eu sa part dans toutes les
altérations qui ont déformé le
christianisme.
Ce que saint Paul
disait
là de quelques hommes s'est
réalisé, en grand, dans
l'Église.
Ces hommes dont
parle
l'apôtre étaient-ils
nécessairement des hypocrites? Non. Leur
piété pouvait, dans une certaine
mesure, être sincère ; mais il avait
suffi d'un mélange d'intérêt,
d'avidité , pour qu'ils s'écartassent
plus ou moins de ces vérités saintes
qui leur avaient cependant été si
récemment prêchées, et
prêchées par un saint Paul. Plus tard,
de même, il s'en faut bien que nous puissions
accuser d'hypocrisie tous ceux qui ont
contribué à établir les
erreurs du romanisme ; mais il n'en est pas moins
vrai que celles qui se sont le plus
développées sont celles dont le
développement amenait le plus d'argent,
tandis que les doctrines dont Rome a
été l'ennemie étaient au
contraire, presque toutes, de celles qui n'en
amènent point. Ce serait une curieuse
histoire que celle qui exposerait
parallèlement ces deux tableaux : doctrines
favorisées, presque toutes lucratives ;
doctrines combattues, presque toutes
fâcheuses pour les finances de
l''Église.
422. Verset
20. 0
Timothée, conserve le dépôt qui
t'a été
confié.
Voilà le
dépôt de la tradition, disent les
controversistes romains. Ils oublient donc tout ce
qui précède? L'épître
entière a été consacrée
à recommander à Timothée de ne
pas laisser altérer, par les
judaïsants, la spiritualité de
l'Évangile. Donc, ce dépôt qui
a été confié à
Timothée , c'est tout simplement
l'Évangile, l'Évangile qu'a
prêché saint Paul, l'Évangile
qu'il résume en plusieurs endroits de cette
épître , après l'avoir
largement et complètement exposé dans
les précédentes.
Rien donc, dans tout
ceci, n'indique ni ne suppose un dépôt
que nous n'ayons pas , nous , quand nous avons le
Nouveau Testament. Rappelez-vous encore ce que nous
avons dit (note
183)
sur la nature de ce prétendu
dépôt. Ces choses que les
apôtres, selon l'Église romaine ,
n'enseignèrent et ne confièrent
qu'aux chefs , - nous avons montré que ce
sont précisément celles qui eussent
été le mieux à la
portée de la foule , celles qu'il n'y avait
, d'ailleurs , aucune raison de cacher.
Rappelez-vous, enfin, ce que nous avons dit aussi
(note
391)
sur les contradictions qu'on est conduit à
supposer entre l'enseignement oral, laissé
en dépôt à quelques-uns, et
l'enseignement écrit, livré à
tous. Paul aurait enseigné de bouche
à Timothée tout ce que nous
combattons, ici même, par son
épître à Timothée. C'est
là ce qu'il lui dirait de
«conserver» au moment même
où il vient de lui dire tout ce qui pourra
le mieux le lui faire rejeter.
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