Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ÉPÎTRE DE SAINT PAUL AUX PHILIPPIENS

CHAPITRE PREMIER


383. Verset 1. Paul et Timothée, serviteurs de Jésus-Christ, à tous les saints en Jésus-Christ qui sont à Philippes, aux évêques et aux diacres.

Trois remarques.

A. Cette épître est la seule où la formule d'envoi mentionne les chefs de l'Église. L'Église est cependant encore nommée avant ses chefs, compris avec elle sous ce nom général de « Saints qui sont à Philippes. » Nous avons dit (note 332) l'importance de cette observation contre tout clergé se croyant l'Église, se nommant « l'Église, » et, en conséquence, absorbant l'Église.

B. Aux évêques, dit saint Paul. Il y avait donc à Philippes, comme à Éphèse (note 253), plusieurs évêques, d'où résulte évidemment que ce n'étaient point des évêques, dans le sens romain du mot.

C. Aux évêques et aux diacres. Donc, entre les évêques et les diacres, rien. Confirmation nouvelle de notre assertion que les évêques étaient les Anciens, les pasteurs, les simples pasteurs.

Clément de Rome , écrivant aux Corinthiens plus de quarante ans après saint Paul , nomme aussi d'abord les évêques, puis les diacres. Aucune trace donc, encore alors, d'une charge intermédiaire.

Versets 3 et suiv. - Progrès des Philippiens dans la foi et dans la piété. La captivité de saint Paul en est adoucie. Cette captivité contribue aux progrès de l'Évangile à Rome.


384. Verset 15. De sorte que mes chaînes sont. devenues célèbres en Christ dans tout le prétoire et partout ailleurs.

Ce saint orgueil ne serait plus qu'injustice et jalousie s'il fallait croire que saint Paul, au moment où il parle ainsi de ses travaux à Rome, se tait à dessein sur ceux de saint Pierre. Vous n'avez qu'un moyen de ne pas faire de saint Paul , en ces endroits , un homme jaloux et vil : c'est de reconnaître franchement que Pierre n'était pas à Rome et n'y avait pas été. Or, cette épître est au moins de l'an 61 , peut-être de l'an 62, près de trente ans après la mort de Jésus-Christ. L'espace se resserre ; il va se resserrer toujours plus, et, jusqu'au bout, nous pourrons renouveler notre question : « Où est saint Pierre?»

Versets 15 et suiv. - Tribulations de l'apôtre dans son ministère même. Peu lui importe. Christ est sa vie (voir note 359), et la mort lui est un gain. Mais il sent que sa tâche n'est pas finie.


CHAPITRE II


385. Verset 2. Rendez ma joie parfaite, ayant une même pensée, une même charité, une même âme, un même sentiment... ( Jusqu'au verset 16. )

Mêmes idées et même marche d'idées que dans l'épître aux Éphésiens (chap. IV, notes 373 et 375); par conséquent, mêmes remarques à faire. L'unité ici recommandée, c'est, comme précédemment, l'unité de l'esprit par le lien de la paix, par l'humilité, par le support, par les progrès de tous dans la vie en Christ, unité suprême. Comme précédemment, complet silence sur l'unité ecclésiastique et hiérarchique.

Versets 19 et suiv.- Détails sur Timothée et sur Épaphrodite. Leur éloge (note 334).


CHAPITRE III


386. Versets 2 et 5. Gardez-vous des faux circoncis, car c'est nous qui sommes les vrais circoncis, nous qui servons Dieu en esprit, qui mettons notre gloire en Jésus-Christ, et ne mettons point notre confiance en la chair.

Cette chair en laquelle saint Paul félicite les vrais fidèles de ne pas mettre leur confiance, vous avez vu (note 360) que c'est la justification par les oeuvres ; ces faux circoncis dont il recommande qu'on se garde, ce sont les hommes qui la prêchent, oubliant que la vraie circoncision, c'est-à-dire la vraie piété, celle qui sauve, est celle du coeur. Ainsi, selon saint Paul, les vrais circoncis, ce qui veut dire ici les vrais chrétiens, sont ceux qui ne cherchent pas leur justice dans des observances et des formes , ceux qui servent Dieu en esprit , ceux, enfin , qui mettent leur gloire à ne devoir leur justice qu'à Jésus-Christ. C'est ce qu'il explique encore plus clairement au verset 9. « Je regarde, dira-t-il, toutes choses comme viles, afin que je gagne Christ, et que je sois trouvé en lui, ayant, non une justice à moi, celle qui vient de la loi, mais celle qui vient de la foi en Christ, la justice qui vient de Dieu par la foi. »


387. Importante comme base de toutes nos attaques contre le système romain , cette doctrine l'est encore dans une question spéciale, celle de la transmission des mérites.
Que devient, en effet, devant ces déclarations de saint Paul, l'idée que les mérites d'un homme puissent contribuer à en sauver un autre? Il déclare ne point être sauvé par les siens; il ne se reconnaît d'autre justice que celle qui lui vient de sa foi en Jésus-Christ. Que peut-il donc prêter à qui que ce soit ? Il pourra bien contribuer au salut de ses frères par sa prédication , par son exemple ; mais y contribuer directement en ajoutant ses mérites aux leurs , il n'y songe pas , il ne pourrait y songer sans effacer tout ce qu'il vient d'écrire. Ce n'est donc pas seulement par humilité qu'il n'y songe pas mais parce que ce serait le renversement de sa doctrine.


388. Versets 15 et 16. Nous tous donc qui sommes parfaits (qui saisissons la foi chrétienne dans ce qu'elle a de plus relevé), ayons cette même doctrine; et si vous pensez différemment en quelque chose, Dieu vous révélera aussi cela. Mais, dans les choses à la connaissance des quelles nous sommes parvenus, attachons-nous à la même règle et soyons d'un même sentiment.

Conciliation admirable des droits de la vérité avec ceux de la liberté.
Ceux de la vérité restent intacts. L'apôtre vient de formuler un enseignement important, et c'est là, dit-il, ce que croiront tous ceux qui seront « parfaits,» tous ceux qui posséderont pleinement la vérité : il n'admet donc nullement qu'il soit indifférent de professer cela ou autre chose. Mais ceux qui n'en seraient pas encore là, à qui les renvoie-t-il ? A Dieu. C'est Dieu, dit-il, qui les fera arriver, s'il le juge bon, à un christianisme plus complet. Aucune mention de contrainte, ni matérielle, cela va sans dire, ni morale ; aucune mention non plus d'une autorité visible indiquant infailliblement à chacun ce qui manque à son christianisme. Dieu vous révélera aussi cela. Miraculeusement? Non. Il mettra entre vos mains les moyens d'arriver à la vérité il vous soutiendra, par son Saint-Esprit, dans vos efforts; il se révélera à vous en proportion des besoins de votre âme. Partout, dans l'Écriture, la vie chrétienne est représentée comme une série de progrès, non seulement dans le bien , mais aussi dans la connaissance et la possession de la vérité ; partout ce progrès est représenté comme le fruit d'un travail individuel , d'un travail auquel Dieu, sans doute , contribue largement, mais d'un travail pourtant.

Aidons nos frères dans ce travail ; ayons des pasteurs qui, plus spécialement voués à l'étude des choses saintes, puissent la leur faciliter; mais vouloir la leur épargner, mais vouloir la leur interdire, mais prétendre, au nom d'une Église, leur imposer une foi toute faite,- ce n'est pas une tyrannie seulement, car c'est aussi le renversement du plan de Dieu pour l'éducation des âmes. A lui seul , qui tient dans ses mains et les esprits et les coeurs, à lui, d'établir l'unité, si bon lui semble. Nous ne pouvons et nous ne devons y travailler, nous, que par la persuasion et le support. L'apôtre nous dit d'être unis - dans quoi? Dans les choses à la connaissance desquelles nous sommes parvenus. » Point donc d'unité factice, reposant sur l'ignorance ou la crainte.

Versets 17 et suiv. - Imiter l'apôtre; vivre en citoyens du ciel. C'est de là que nous attendons Jésus-Christ (note 100).


CHAPITRE IV

Dernières exhortations. Évodie et Syntyche...


389. Verset 3.-... qui ont combattu avec moi pour l'Évangile, avec Clément et mes autres compagnons d'oeuvre.

Clément est celui que l'Église romaine considère comme un des successeurs de saint Pierre; elle en a fait le troisième ou le quatrième pape. Répéterons-nous encore une fois à quel point il serait étrange que Paul nommât et louât tous ses compagnons d'oeuvre, même les plus obscurs,- et, jusqu'au bout, oubliât absolument saint Pierre? Répéterons-nous, reprenant la question générale, à quel point il serait étrange que saint Paul écrivît, de Rome, à plusieurs Églises, et ne leur dît rien d'un lien quelconque établi ou à établir entre elles et l'Église de cette ville?


390. Verset 6.-... en toute circonstance, faites connaître vos besoins à Dieu par la supplication et la prière, avec actions de grâces.

Ainsi, c'est Dieu qu'il faut prier, Dieu qu'il faut remercier ; c'est lui, « en toute circonstance, » que nous devons et remercier et prier.

Il serait difficile de dire plus complètement le contraire de ce que nous voyons dans l'Église romaine. Pour une prière à Dieu, il s'en fait dix aux saints et à la Vierge; même l'Oraison Dominicale, on a si bien pris l'habitude de ne la réciter que devant la Vierge et les saints, qu'elle a presque cessé d'être une prière à Dieu. Quant aux actions de grâces , il est encore plus rare que ce soit à lui qu'on les adresse, et, quand on le fait, c'est encore presque toujours en attribuant à quelque saint , à la Vierge surtout , l'heureux succès de la demande. Dieu ne serait donc, sans la Vierge, qu'un impitoyable maître ? C'était à un impitoyable maître que les chrétiens, sur l'invitation de saint Paul , adressaient leurs prières et leurs actions de grâces? Pas de milieu : ou les premiers chrétiens n'ont connu qu'un christianisme insuffisant, tronqué , dur, misérable,- ou ce que l'Église romaine y a ajouté n'en est pas.


391. Versets 8 et 9. Au reste, mes Frères, que tout ce qui est véritable, que tout ce qui est honnête, que tout ce qui est juste... soit l'objet de vos pensées. Toutes ces choses, que vous avez apprises et reçues de moi, que vous avez entendu dire de moi et vues en moi, faites-les.

On a cité ces derniers mots en faveur de la tradition et des droits que Rome lui accorde.
Il a fallu, pour cela, isoler ce verset du précédent, et faire dire à l'apôtre : « Faites ce que vous avez appris et reçu de moi. » Or, dans le grec , les deux versets sont liés, et l'ensemble veut dire simplement : « Attachez-vous à tout ce qui est véritable, honnête, juste, etc. C'est ce que je vous ai enseigné ; c'est ce dont je vous ai donné l'exemple. »

Même isolé, le second verset dirait-il ce qu'on prétend lui faire dire? Paul ne dit là que ce que dirait tout maître écrivant à ses disciples; il recommande aux Philippiens de faire ce qu'il leur a enseigné.

Quel indice avez-vous que ces mots soient une allusion à autre chose qu'à ce qui est enseigné dans l'épître même, ou dans les autres épîtres de saint Paul? Comment, surtout, vous autoriseriez-vous de ce verset pour supposer saint Paul enseignant de bouche aux Philippiens le contraire de ce qu'il vient de leur rappeler par écrit? Il viendra, par exemple, de leur parler de la prière comme s'adressant à Dieu seul ; mais , de bouche , il leur aura enseigné à prier les saints et la Vierge. Il viendra de leur parler de l'Église de l'unité, sans leur dire un mot d'un centre, d'un chef humain ;.mais, de bouche, il leur aura parlé et de Rome, et de saint Pierre. Il viendra de donner indifféremment aux chefs d'Églises le nom d'Anciens et celui d'Évêques ; mais, de bouche, il aura dit que l'évêque seul est le chef, que toute autorité réside en lui, émane de lui. Il viendra d'établir, à vingt reprises, la doctrine de la justification par la foi ; mais , de bouche, il aura encouragé la confiance aux oeuvres. Il viendra de représenter le christianisme comme essentiellement spirituel dans ses dogmes , dans son culte ; mais , de bouche, il aura enseigné des cérémonies, des pratiques, héritage grossier de l'ancienne loi et des païens.

Voilà pourtant ce que les défenseurs du système romain sont obligés de soutenir. Il faut prouver que des doctrines très graves ont pu être prêchées par les apôtres , et , ensuite, dans leurs écrits, être totalement omises ; que des institutions de la plus haute importance ont pu être fondées ou reconnues par eux , et, ensuite , dans leurs écrits , parmi tant de directions adressées à tant d'Églises, n'être jamais mentionnées. Il faut prouver, surtout, que l'enseignement oral a pu différer totalement de l'enseignement écrit, et que saint Paul a prêché aux Philippiens , aux Éphésiens , aux Galates , aux Corinthiens, aux Romains , précisément ce qu'il combattait dans ses lettres à ces Églises. Voilà, sur le terrain de l'Écriture, à quelles impossibilités le système romain se heurte.

Nous n'avons pas à le suivre ici sur le terrain de l'histoire. Elle nous montrerait les commencements , les progrès , la consécration quelquefois lente, quelquefois rapide, de toutes ces doctrines que nous combattons par l'Écriture. Ce serait une étude curieuse, mais fort triste, car elle nous appellerait souvent à douter de la bonne foi de ceux qui, connaissant l'histoire , persistent à attribuer aux apôtres ce qui leur a été si incontestablement postérieur.

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