Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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L'ÉGLISE DE L'UNITÉ DES FRÈRES


CHAPITRE XIV

L'EGLISE DE L'UNITÉ A L'ÉPOQUE DU RATIONALISME

 

La seconde moitié du XVIII éme Siècle fut, pour une grande partie de l'Europe, l'époque du rationalisme. Celui-ci régnait dans les masses sous son aspect le plus grossier; il revêtait, chez les esprits cultivés, la forme philosophique et il dégénérait, chez les sommités de la vie intellectuelle, en panthéisme plus ou moins avoué. L'on ne retrouvait plus la foi des pères, si ce n'est dans de nombreux individus, appartenant surtout à la classe des humbles et des petits, ainsi que dans quelques groupes isolés du protestantisme allemand. Au milieu de cette nuit tristement abaissée sur l'Eglise évangélique, l'Eglise de l'Unité continua à tenir haut le flambeau de l'Evangile.

Bien des détails, chez elle aussi, inspiraient de l'inquiétude. La prospérité matérielle toujours croissante de plusieurs communautés, celle de Herrnhut d'abord, semblait paralyser le zèle chrétien. Ceux dont les pères n'avaient pas hésité à tout quitter au premier appel de Dieu, s'attachaient aux choses de la terre. Il n'y avait plus chez eux le coeur franchement donné à Christ ni l'enfantine simplicité de la foi. Il régnait même, dans quelques cercles de l'Eglise, de 1790-1800, un mauvais esprit, joint à une conduite peu digne du chrétien: autant de déshonneurs dont se couvraient les communautés allemandes bien plus que celles de l'Angleterre et de l'Amérique du Nord.

Néanmoins, l'Eglise de l'Unité, à l'époque du rationalisme, a été le rempart de la saine doctrine et d'une piété vivante. C'est dans son sein que se réfugiaient un grand nombre de fidèles, nouvel élément de vie d'une incontestable valeur. C'est en elle qu'ils trouvaient ce qu'ailleurs ils avaient cherché en vain, pour la satisfaction des besoins de leurs âmes. C'est elle aussi, qui, vaillamment et avec la force qui lui avait été donnée, soutenait la lutte contre le redoutable ennemi auquel avaient succombé tant d'autres. Sans jamais songer à la propagande - preuve en soit ce fait que, pendant cinquante ans, depuis la mort de Zinzendorf, elle ne fonda en Allemagne que les trois colonies de Gnadau près de Magdebourg (1766), de Gnadenfeld dans la Haute-Silésie (1781) et de Königsfeld en Bade (1806) - elle mettait ce qui lui restait de vie et de puissance au service de la cause de Dieu et de son Christ.

Nulle part, comme dans l'Eglise de l'Unité, on ne proclama courageusement la doctrine du salut en Jésus, le Rédempteur du monde. Nulle part, on n'insista autant sur la nécessité d'une communion vivante et personnelle du coeur avec le Sauveur. Nulle part, on ne veilla avec plus de jalousie sur ces éléments d'un saint mysticisme, dont l'Eglise chrétienne ne pourra jamais se passer sans déchoir de sa grande vocation.

Deux importantes publications allemandes ne doivent pas être oubliées en ce lieu. En 1778, parurent le recueil de cantiques de l'Eglise des Frères composé par Christian Gregor, et l'Idea fidei Fratrum (exposition de la doctrine chrétienne) par Auguste-Gottlieb Spangenberg.

Le recueil de cantiques rencontra dans l'Eglise et en dehors d'elle l'accueil le plus chaleureux. Gregor y avait réuni ce que et le protestantisme croyant jusqu'à l'époque du piétisme et l'Eglise des Frères avaient produit de plus foncièrement chrétien. Il était la protestation du passé et du présent contre le dessèchement spirituel du rationalisme contemporain, et ramenait, en ligne directe, les âmes aux sources de la vie. De là le témoignage rendu, plus tard, à ce livre par Dann, pasteur de l'Eglise nationale wurtembergeoise à Stuttgardt: «Voici les archives où sont conservées les expériences les plus profondes et les plus ignorées que puisse faire un pauvre être humain. Il me semble lire dans ces pages les confessions de l'humanité tout entière. Ici, tous les recoins des coeurs sont grands ouverts et le péché se trouve poursuivi jusque dans le lieu le plus reculé où il aime à se cacher. Plus d'une fois, j'ai rencontré, dans ce volume, rendue d'une manière parfaitement conforme à l'expérience chrétienne, telle pensée que j'avais en vain cherché à formuler moi-même ».

Le travail de Spangenberg eut un succès plus grand encore. A peine sorti de la retraite d'un pavillon de jardin à Barby, où son auteur, vieillard de soixante-quatorze ans, l'avait composé dans le sentiment de sa grande responsabilité et puissamment appuyé par la prière de ses frères, ce volume fut traduit dans la plupart des langues européennes. Le monde protestant semblait avoir attendu ces pages étrangères à toute controverse théologique, franchement basées sur l'Ecriture sainte, étudiées à la lumière de riches expériences personnelles, affirmant avec beaucoup de simplicité l'objet de la foi chrétienne et ouvrant devant la théologie contemporaine, séduite par le culte de la raison, le chemin du retour a la vérité et à la vie. « Si j'eusse écrit ce seul livre, je renoncerais sans peine à avoir publié quoi que ce soit d'autre », disait un grand prédicateur après avoir lu Spangenberg. Et un philosophe, en vogue alors, s'écria: « je lis l'Idea de Spangenberg. Nos enfants, s'ils veulent une théologie chrétienne, devront la chercher auprès des Frères moraves ». Dieu, de la sorte, tira sa gloire de ces études, les moins prétentieuses, peut-être, qui eussent jamais été publiées par l'Eglise des Frères.

Celle-ci, d'ailleurs, ne se borna pas à des travaux littéraires. Elle entretint, par la voie de son directoire, des relations suivies avec les neuf universités de Leipzig, Wittemberg, Halle, Iéna, Tubingue, Giessen, Göttingen, Erlangen et Helmstädt. La plus grande franchise régnait dans les correspondances échangées, entre Spangenberg et ses frères d'une part, et les chefs du rationalisme, Semmler à Halle, Basedow à Dessau, J. G. Rosenmüller à Leipzig d'autre part. Témoin ce fragment d'une lettre de Spangenberg au professeur Basedow, connu par ses efforts pour déchristianiser l'éducation de la jeunesse : « Quand, de tout votre coeur vous vous serez tourné vers le Christ qui s'est donné lui-même pour vous et que, par la foi, il sera devenu votre Sauveur, il vous pardonnera vos péchés. Pardonné, vous l'aimerez. Aimant, vous garderez ses commandements. C'est là le bonheur que mon coeur vous souhaite. Peut-être que, lorsque vous le posséderez, il sortira de vos mains un nouveau livre qui sera quelque chose de semblable à La seule chose nécessaire par Amos Coménius. »

Beaucoup de liaisons précieuses se formèrent, dans ce temps, entre l'Eglise de l'Unité et des représentants d'autres Eglises, en Allemagne et en Suisse surtout. Les écoles de théologie, renonçant à leur polémique, commencèrent à rendre hommage à ce qu'elles avaient reconnu pour bon dans l'association religieuse si longtemps combattue avec acharnement. Dans l'Allemagne du Sud, l'Eglise de l'Unité gagna l'affection du piétisme wurtembergeois, tandis que dans l'Allemagne du Nord, dans les milieux les plus divers, elle vint remplacer, fort souvent, le piétisme de Halle. Les comtes de Hohenthal et d'Einsiedel, les de Schönberg et de Hardenberg, les Moser et d'autres, attirés par la fermeté et la simplicité chrétienne de l'Eglise, devinrent ses bons amis.

L'oeuvre morave qui, durant les temps du rationalisme, avait, de plus en plus, sa raison d'être et s'accomplissait sous la bénédiction particulière de Dieu, fut celle de la diaspora. On le comprit si bien qu'un synode, convoqué ad hoc à Herrnhut en 1782, s'occupa à fond de cette importante branche de l'activité de l'Eglise et du devoir de celle-ci, d'être, par ce moyen, un sel et un levain au sein des Eglises nationales. Munis d'instruction, encouragés et fortifiés dans la foi, les soixante-six frères et soeurs, employés dans la diaspora, qui avaient pu se rendre à Herrnhut, repartirent pour reprendre chacun son travail.

Celui-ci se poursuivait, dans dix-huit champs d'activité luthériens et dans deux pays réformés (la Suisse et la Hollande). Dans la Livonie et dans l'Esthonie seules, six mille personnes s'étaient fait inscrire comme membres de la diaspora morave. A Copenhague, à Stockholm, à Gothembourg, à Christiania, des noyaux s'étaient formés. Les gouvernements se montraient favorables. Le clergé, sauf de rares exceptions, laissait faire ou bien appuyait les Frères qui, loin de prêcher pour leur paroisse, servaient les paroisses officielles. Dieu, en ouvrant tant de portes, permît à ses serviteurs de jeter, sur de grandes étendues de l'Europe, la semence incorruptible du pur Evangile, d'affermir les croyants dans la foi à l'heure même où celle-ci menaçait de s'ébranler au contact du rationalisme parlant du haut de la plupart des chaires chrétiennes, et de réunir en une infinité de foyers de lumière et de vie, les charbons qui brûlaient encore, par-ci par-là, dans le monde protestant.

En Angleterre et en Amérique aussi, l'Eglise de l'Unité, dans des circonstances essentiellement différentes de celles de la branche allemande, noua de nouvelles relations. Ici, nous trouvons Jean de Watteville à l'oeuvre, tandis qu'en Angleterre Benjamin LaTrobe travaillait infatigablement à l'union des coeurs dans le Seigneur. Ni dans l'un ni dans l'autre de ces deux Pays ne s'appliquaient les principes de la diaspora allemande. Mais les efforts des Frères d'outre-mer, pour revêtir une forme nouvelle, n'en demeuraient pas moins pour cela pénétrés de l'esprit de l'Eglise.

Nous ne nous refuserons pas, avant de tourner cette page de l'histoire de l'Eglise morave, à citer ce mot du professeur Dorner (1) : «L'Eglise de l'Unité, en tenant ferme le principe dune vraie catholicité qu'aucune dénomination chrétienne, grande ou petite, ne saurait renier sans devenir la victime d'un esprit sectaire, a reçu pour l'Eglise évangélique tout entière une grande ,et sainte mission que l'on ne méconnaîtra pas sans faire preuve d'étroitesse ecclésiastique. A l'époque de la léthargie et des ténèbres spirituelles répandues un peu partout, c'est elle, humble prêtresse du sanctuaire, qui a nourri la sainte flamme sur son foyer. »

Il est permis de demander ce qui a rendu l'Eglise capable de ces choses, en dépit des nombreuses lacunes que nous avons constatées dans sa piété pratique ? Nous n'hésitons pas à répondre, qu'à côté des grandes traditions du passé et de la puissante influence qu'exerçaient sur elle les Spangenberg et tant d'autres instruments choisis, se dépensant au service des âmes de leurs frères, l'Eglise est redevable à ses Missions d'avoir pu être la ville sur la montagne et la lumière brillante. C'était des champs missionnaires anciens (2) et nouveaux (les îles d'Antigoa et de la Barbade, le Pays des Bois, le Labrador), du milieu des nombreuses Eglises d'entre les païens (32000 baptisés en 1798), que la sève, jeune et puissante, refluait vers l'Eglise mère et y entretenait les saints enthousiasmes et le feu sacré. C'était dans les conquêtes faites sur terre païenne, que l'Evangile ne cessait point de se manifester dans toute sa puissance et avec toutes ses grâces, sollicitant irrésistiblement de nouveaux efforts et fortifiant les faibles dans la foi.



Table des matières

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(1) Geschichte der protestantischen Theologie, p. 668.

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(2) Voir chapitre Xl.

 

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