Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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CHAPITRE XV

L'ÉGLISE DE L'UNITÉ ET LA CULTURE MODERNE

 

A l'heure où les héros de la Réforme travaillaient à la. régénération intellectuelle et morale du monde allemand, la théologie occupait, dans le cercle des sciences, une place prépondérante et faisait valoir une autorité qu'on osait à peine lui disputer. Petit à petit cependant, une bonne partie de la vie intellectuelle, échappant à cette tutelle, s'émancipa et choisit des chemins qui l'éloignèrent des principes de la foi chrétienne. Dans la seconde moitié du XVIII ème siècle, la rupture devint un fait accompli. La culture moderne, dans la personne de ses représentants les plus brillants, se montra irréligieuse, sinon hostile au christianisme, et celui-ci se vit placé devant cette alternative, ou de céder la place à l'ennemi ou de reconquérir le terrain perdu. Se refuser aux exigences des temps modernes, en repousser les conquêtes et opposer au libre mouvement de la pensée les étroitesses de la vie ascétique, c'était se déclarer vaincu. Porter au-devant du progrès de la culture les richesses inépuisables d'une foi aussi ferme que large, marier les deux domaines, pénétrer la vie intellectuelle de vie religieuse et mettre la première sous la discipline de la seconde, c'était le triomphe an lieu de la défaite.

L'Eglise de l'Unité, sans avoir jamais eu la prétention d'accomplir cette oeuvre éminemment difficile, y a cependant mis la main, prouvant, jusque dans ce détail, son affranchissement des étroitesses du piétisme de Halle.

Nous aurons à parler des établissements d'éducation, du gymnase et de l'académie de théologie de l'Eglise.

Celle-ci fonda de nombreuses maisons d'éducation dans toutes les parties de l'Allemagne, en Suisse, en Hollande, eu Livonie, et, au dix-neuvième siècle, aussi en Angleterre et en Amérique (Neuwied 1756, Montmirail 1766, Lausanne 1837, Gnadenfrei, Gnadenfeld, Niesky 1770, Kleinwelke, Gnadau, Zeist, Königsfeld 1810 et 1813; Neuwelke en Livonie; Fulneck, Fairfield, Ockbrook en Angleterre; Nazareth-Hall, Bethléem, Salem en Amérique). S'appuyant sur les communautés qui les avaient reçus chez elles, placés, pour la plupart et pendant de longues années, sous la direction du pasteur de la localité, ces pensionnats portaient un caractère franchement religieux. Le premier et grand but qu'on y poursuivait, était d'amener la jeunesse à la connaissance du Sauveur et de lui apprendre à l'aimer. Mais en même temps, loin de comprimer les aspirations généreuses de la nature et de la raison, ou s'efforçait de pratiquer une piété fécondant toutes les facultés de l'homme et laissant une large place aux joies innocentes ainsi qu'aux préoccupations intellectuelles et artistiques des élèves. A partir du XIX ème siècle, notamment, sous l'influence des théories modernes de Pestalozzi, l'éducation morave, tout en conservant sa base foncièrement religieuse, tint compte de tous les besoins légitimes de son objet.

Aussi les pensionnats moraves virent-ils affluer de nombreux élèves, appartenant fort souvent, surtout à Niesky, à la bonne et même à la meilleure société. Des milliers d'enfants y reçurent une éducation chrétienne aussi simple que solide et en sortirent avec un trésor de beaux et précieux souvenirs.

Aujourd'hui encore, en dépit des temps et des circonstances changés, et malgré les fortes exigences des lois scolaires de l'Etat moderne, la plupart des établissements d'éducation de l'Eglise de l'Unité ont maintenu leur place et continué leur vocation. En Allemagne et en Suisse, pendant chaque période de dix ans, cinq à six mille élèves y font des séjours plus ou moins prolongés. L'oeuvre, toujours fort importante et dirigée d'après les principes des pères, n'a pas cessé de s'accomplir, sous la bénédiction visible de Dieu, par l'Eglise qui l'envisage comme l'une des branches les plus belles de son activité chrétienne.

Plus directement encore que dans les pensionnats, on travailla à l'alliance de la science et de la piété dans le gymnase ou pédagogium de l'Eglise. L'origine de cette école latine remonte à l'année 739 et au comte de Zinzendorf. Elle fut ouverte dans la Wetterau, passa en 1750 à Gross-Hermersdorf près de Herrnhut, en 1760 à Niesky, en 1789 à Barby, puis, en 1808, définitivement à Niesky, où, pendant dix ans, elle eut sa place à côté de l'académie de théologie, et où, après le départ de celle-ci pour Gnadenfeld (Haute-Silésie), elle est demeurée fixée jusqu'à nos jours. Le souvenir de quelques noms est resté inséparable de cette institution dans laquelle les serviteurs de l'Eglise sont appelés à faire leurs études classiques: Paul-Eugene Layritz, homme savant, pédagogue distingué, hautement qualifié pour la place de directeur du gymnase qu'il occupa jusqu'en 1763; Forestier, chapelain de la maison; Jean-Baptiste d'Albertini, naturaliste et linguiste; Zembsch, latiniste distingué qui, 50 ans durant, servit l'institut; Schordan, aussi versé dans la littérature de l'ancienne Grèce que Zembsch l'avait été dans celle de Rome.

Autour de ces hommes et de tant d'autres qui se succédaient soit comme directeurs soit comme professeurs du pédagogium, se groupaient, vivant sous le même toit, d'habitude pendant cinq ans, de nombreux jeunes gens, à peu près tous futurs pasteurs de l'Eglise. Sous la direction de leurs maîtres humanistes et s'enflammant mutuellement, ils étudiaient les auteurs de l'antiquité, les latins de préférence sous Zembsch, les grecs sous Schordan. (1) A côté des études classiques, les mathématiques, les sciences naturelles, la botanique, la rhétorique, les langues modernes trouvaient leur place assurée. La culture des beaux-arts florissait, à partir de 1775 surtout. On entendait, dans les murs du gymnase, le Messie de Haendel, la mort de Jésus par Gratin. On y entretenait le goût du dessin et de la peinture. A mesure aussi que les temps avançaient, les libertés que l'austère pédagogie des vieux temps avait refusées à la jeunesse, et que réclamait, en sa faveur, la philanthropie moderne, furent accordées aux étudiants du pédagogium (permission du patinage 1811).

Les années les plus heureuses de celui-ci furent celles de son séjour dans le château de Barby (1789-1808). Nulle part mieux que dans cette paisible retraite, tout empreinte de douce sérénité (heiteres Studienkloster), les jeunes esprits ne s'éprirent de tout ce qu'il y avait de grand et de beau dans le passé et dans le présent, et nulle part ne se formèrent des liaisons plus durables entre les coeurs.

Mais si, de cette façon, ou ouvrait largement la porte aux influences du dehors, on la refermait dès qu'un danger moral ou spirituel semblait vouloir entrer. La lecture d'un certain nombre d'écrivains contemporains était interdite aux étudiants du pédagogium. Craintive par fidélité, la direction de l'institut ne fut pas toujours sans pousser trop loin les mesures préventives, et de faire par là plus de mal que de bien.

Ce qu'il importe de constater, avant tout, c'est que, dans le pédagogium comme dans les pensionnats, les intérêts du coeur et de l'âme devaient primer tous les, autres. Le Sauveur, tel que Zinzendorf l'avait prêché, devait occuper, dans le coeur des étudiants, le premier rang. A ce sujet, nous citerons le fragment de lettre suivant, issu de la plume de Schleiermacher (né en 1768), élève du pédagogium en 1785 : (2) « J'ai fait beaucoup d'expériences, expériences du mal qu'il y a en moi et de l'abondance de grâce qu'il y a dans le Sauveur. J'ai mérité la colère: voilà ma confession. Et du haut de sa croix l'Agneau de Dieu me répond: J'ai ôté ton péché. Quand je me dis ce à quoi on s'attend de la part d'un membre de l'Eglise, je perds courage; impossible d'aller en avant en me confiant en mes forces. C'est pourquoi, chère soeur, pense beaucoup à moi devant le Sauveur ». Or, ce que ce plus grand élève du gymnase morave confessait quant à lui-même, beaucoup d'autres le disaient comme lui.

Il faut avouer, cependant, que l'union d'une piété vivante et des sciences à laquelle on avait aspiré, ne fut réalisée, dans le pédagogium, que d'une manière bien imparfaite. Elle fut sérieusement compromise au commencement du XIX ème siècle. L'élément religieux, tout en conservant ses anciennes formes, perdit du terrain dans les coeurs. Un mauvais esprit régna parmi la jeunesse jusqu'au moment où Dieu, par un puissant réveil dont nous aurons à parler plus tard, fit valoir ses droits sacrés.

Tout aussi bien que le pédagogium, l'académie de théologie de l'Eglise était une création de Zinzendorf. Avec le coup d'oeil si sûr qui lui était propre dans tout ce qui touchait aux affaires de Dieu ici-bas, le comte avait compris qu'il fallait, aux serviteurs du Seigneur, une culture d'esprit étendue et profonde. Aussi rencontrons-nous, en 1739 déjà, dans la Wetterau, une école de théologie morave. Transportée en 1754 à Barby, elle y prit, sous la direction de Gottfried Clemens, un développement nouveau. Zinzendorf d'abord, puis Spangenberg, lui vouèrent des soins précieux. Le directoire de l'Eglise, fixé à Barby de 1771-17841 la suivit de près. Après avoir échangé, en 1789, Barby contre Niesky, l'académie trouva, en 1818, sa place définitive au sein de la communauté de Gnadenfeld.

L'esprit dans lequel l'Eglise était désireuse de voir s'achever la préparation de ses pasteurs au saint ministère, apparaît dans ces paroles du directoire, du 13 janvier 1779: « On ne fait pas d'études pour briller dans le monde, mais pour servir le Sauveur. Ce n'est pas dire que les études doivent se faire superficiellement. Il faut, au contraire, attaquer les sciences de front et profiter de toutes les circonstances qui se présentent pour élargir le cercle des connaissances déjà acquises, afin de se rendre d'autant plus utile au service de Christ.

Tout en travaillant ainsi, l'étudiant aura soin de demeurer en communion vivante et personnelle avec son Sauveur et de l'initier à tout. Les deux choses, selon de nombreux témoignages de l'expérience chrétienne, ne s'excluent pas, mais doivent subsister l'une à côté de l'autre. La condition de réussite est là. »

Le programme des études (trois ans) était riche et varié. Loin de s'arrêter aux diverses branches de la théologie proprement dite, il embrassait la langue hébraïque, les mathématiques, la logique, l'encyclopédie, la physique, la physiologie, la botanique &c. On entretenait aussi, avec un sage discernement, de fréquents rapports avec quelques sommités de la science allemande. On aurait voulu prendre partout ce qu'il y avait de bon, en laissant ce qui était contraire à l'esprit chrétien, ou bien se refusait à une assimilation avec la pensée religieuse. Vaillants efforts qui auraient été dignes d'un plein succès!

Mais l'Eglise ne possédait pas les forces intellectuelles et morales pour la réalisation du plan qu'elle s'était tracé. Les plus doués de ses jeunes théologiens ne se trouvèrent pas satisfaits par l'enseignement qui leur était offert. Le plus éminent d'entre eux, Schleiermacher, quitta Barby, en 1787, et se rendit à Halle. D'autres, tels que J. B d'Albertini, n'y furent retenus que par des sentiments de piété. Après le départ de l'excellent Moore (1787) dont l'autorité morale sur les étudiants avait été grande, l'académie tout entière subit, d'une manière de plus en plus fâcheuse, l'influence démoralisante du souffle d'insubordination, de légèreté et d'indifférence religieuse qui passait alors sur le monde universitaire de l'Allemagne. Des difficultés d'un autre genre surgirent à Niesky, où l'académie fut transférée en 1789. La philosophie contemporaine (Kant) qu'à tort ou à raison on aurait voulu bannir de l'esprit des étudiants et qui néanmoins avait trouvé son chemin jusque dans leur cercle, s'y fit puissamment et ouvertement valoir. Ni professeurs, ni élèves ne purent se soustraire au grand mouvement des esprits en Allemagne. Chez plusieurs, un combat acharné s'engagea entre le doute et la foi. Chez d'autres, que la raison avait entraînés loin du chemin de la foi orthodoxe, la foi du coeur devint le moyen qui les retint, en dépit de tout, auprès du Sauveur de leur enfance (d'Albertini, Christlieb Reichel, Curie, Jean Plitt). En présence de ce débordement de l'esprit philosophique, le directoire de l'Eglise crut devoir intervenir. Il réalisa des mesures restrictives, en partie fort malheureuses, telles qu'une réduction des semestres d'étude (quatre au lieu de six), et introduisit, dans le programme de l'académie, des cours nouveaux, tels que l'histoire de l'Eglise de l'Unité et la pédagogie. Néanmoins, la philosophie (Fries), représentée avec distinction par le spirituel professeur Brahts, continua à régner. La théologie, détrônée, ne joua qu'un rôle secondaire. Il appartenait à l'avenir de lui rendre ce qu'elle avait perdu.

Le 18 septembre , 1818, l'académie de l'Eglise de l'Unité fut installée à Gnadenfeld. C'est là qu'elle devint, sous la direction distinguée de Jean et de Hermann Plitt, le séminaire de théologie dont l'Eglise avait besoin.

A ces récits, humiliants à plus d'un point de vue, il faut ajouter un détail qui mérite d'être relevé. L'Eglise de l'Unité, incapable de ramener à la foi la vie intellectuelle de l'Allemagne, a cependant eu le privilège de donner ait protestantisme l'homme qui, entre les mains de Dieu, devait être un premier instrument pour l'accomplissement de cette oeuvre, encore loin d'être achevée de nos jours. L'immortel Frédéric Schleiermacher qui avait été admis dans l'Eglise des Frères à l'âge de dix-neuf ans, emporta, en la quittant, un précieux dépôt spirituel qu'il n'a jamais renié et dont la valeur pour l'oeuvre de sa vie, notamment pour sa théologie, a été grande. La place prédominante qu'il a accordée à la personne du Christ dans son système du christianisme, voilà la trace de son éducation morave. Aussi a-t-il conservé à l'Eglise de sa jeunesse un pieux souvenir. Preuve en soient les quelques lignes suivantes qu'il traça à Halle en 1805 (3): « J'ai passé la semaine de Pâques à Barby, dans l'Eglise des Frères: belles et saintes journées, riches en souvenirs mémorables et en jouissances pour mon coeur J'ai retrouvé dans cette localité mon vieux recteur, vieillard de soixante-dix-sept ans , encore actif et plein de vie, qui, aussi longtemps que je fus sous sa surveillance, m'avait aimé comme un second père. Puis, les beaux cultes du Vendredi Saint: la lecture du récit de la Passion, coupée, de temps en temps, par un cantique, ou bien quelque chant du choeur bien compris; pas de discours, rien qu'une puissante prière prononcée à l'heure de la mort du Christ et toute pénétrée de la grande pensée de la réconciliation; l'agape du grand sabbat; le culte sur le cimetière, le matin de Pâques, au moment du lever du soleil.

Vraiment, il n'y a, aujourd'hui, dans toute la chrétienté pas de culte public qui réponde mieux aux aspirations de la piété chrétienne ou qui l'éveille plus sûrement, que ceux de l'Eglise de l'Unité. Tout absorbé par l'amour et la foi, je sentis profondément combien nous sommes en arrière, nous autres, chez lesquels le pauvre discours, et quel discours souvent! est tout .... je serai bientôt appelé à organiser ici un service divin académique. .... que ne puis-je introduire ce qu'il y a chez les Frères de beau et de bon ! J'aurais aussi, sans doute, obtenu la permission de prendre la Cène avec l'Eglise, mais je n'ai pas voulu demander ce qui, au fond, n'est pas dans l'ordre. (4) On ne célèbre de vraie Cène que là .... Quand je réfléchis à mon isolement dans le monde et à ma séparation d'avec ceux qui forment la plus vraie Eglise de Christ sur la terre, j'essaie de me consoler par la pensée d'appartenir à l'Eglise invisible, dispersée partout, dans nu même esprit, une même piété et un même amour. »



Table des matières

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(1) Le piétisme de Halle s'était borné à l'étude du texte original du -Nouveau Testament.
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(2) Lettre à sa soeur Charlotte.
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(3) Lettre à Charlotte de Kathen.
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(4) L'Eglise morave, autrefois quelque peu exclusive quant à la Cène, y admet aujourd'hui de grand coeur les amis qui se sont annoncés auprès du pasteur.

 

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