Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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L'ÉGLISE DE L'UNITÉ DES FRÈRES


SECONDE PARTIE

De la mort de Zinzendorf jusqu'à nos jours.

CHAPITRE XIII

LES SYNODES CONSTITUTIFS DE MARIENBORN
(1764 ET 1769) ET DE BARBY (1775)

 

Après la mort du comte de Zinzendorf, les adversaires de l'Eglise de l'Unité prédisaient tout haut « la fin de la secte morave ». Nul doute que les événements ne leur eussent donné raison, si Dieu n'avait pas veillé sur son oeuvre.

Quelques difficultés ne tardèrent pas à surgir. Jean de Watteville, gendre du comte, prétendait à la place de directeur de l'Unité, laissée vacante par la mort de son beau-père. Henri XXVIII, prince de Reuss, Köber et d'autres s'opposèrent à ces aspirations. Ils avaient compris que le moment était venu de remettre le gouvernail de l'Eglise entre les mains d'un synode, issu d'un suffrage universel.

L'homme à qui il fut donné de ramener la paix et ,de concilier les esprits, fut Spangenberg, arrivé, en 1762, de l'Amérique du Nord où il venait d'accomplir l'importante mission de consolider l'oeuvre morave menacée par la guerre franco-anglaise et le soulèvement des Peaux rouges.

Quelques mois après son retour déjà, l'influence bénie de ce chrétien, aussi humble et doux que décidé et clairvoyant, se faisait favorablement sentir. On tomba d'accord pour la convocation d'un synode dont le lieu et le moment furent décidés par le sort. Il devait s'ouvrir, en 1764, à Marienborn, dans la Wetterau.

Ce synode était le dix-septième de l'Eglise des Frères renouvelée, et le premier dont les membres eussent reçu leur mandat par le libre choix de leurs frères. Presque tous, au nombre de soixante-neuf, appartenaient au clergé; neuf d'entre eux seulement étaient laïques. On leur avait adjoint vingt-une soeurs. (1)

On comprend sans peine la gravité du moment que traversait l'Eglise. En face d'elle-même comme elle ne l'avait jamais été jusqu'alors, elle devait se rendre compte de sa vocation et choisir son chemin. Trois thèses furent, à ce sujet, présentées au synode. La première: Notre champ, c'est le monde. La seconde: Le centre de notre doctrine, c'est l'Evangile de la réconciliation du pécheur avec Dieu par la foi. Nous ne demandons pas: de quelle Eglise êtes-vous ? nous demandons : aimez-vous le Sauveur? La troisième. Nous voulons, non pas une doctrine abstraite, mais une doctrine vécue, la sanctification de l'esprit et du corps dans la communion de Jésus et par les mérites de sa sainte humanité.

D'accord sur ces points, le synode affirma l'existence de l'Eglise de l'Unité, sous le suprême gouvernement de Christ, se distinguant de ses Eglises soeurs, sinon par une confession formulée et spéciale, au moins par son organisation, ses rites, ses cultes et sa vocation auprès du monde. Il établit comme première autorité humaine de l'Eglise, les synodes issus d'élections directes, et, pour la durée de chaque période synodale, un directoire choisi par le synode et composé de neuf frères.

A part ces grandes questions, un détail d'une difficulté extrême, préoccupa le synode, savoir la situation financière de l'Eglise qui s'aggravait d'année en année, en dépit des mesures qui avaient été prises du vivant de Zinzendorf déjà. L'on se trouvait en face d'une dette de 1,500,000 thalers environ, soit 5,625,000 francs. Il fallait, pour faire face aux dépenses annuelles, non moins de 277,500 francs, tandis qu'on ne disposait que d'une recette de 113,700 francs. En particulier, l'Eglise devait une somme considérable à la famille de Zinzendorf, à laquelle les fonds qu'elle avait généreusement avancés, n'avaient pas encore pu être restitués.

En vue de cette position désespérée qu'envenimait encore un déplorable manque de confiance au sein des Eglises, le synode chargea une commission de seize membres d'examiner les mesures à prendre. Mais les, travaux de celle-ci n'aboutirent à rien. Le Seigneur, consulté par le sort au sujet de propositions diverses> ne répondit que par le bulletin blanc qu'on avait joint. à ceux qui portaient le oui et le non. L'on comprit alors que le souverain Chef de l'Eglise exigeait autre chose que les combinaisons de la prudence humaine. Une nouvelle commission de vingt-sept frères et de. neuf soeurs se réunit sous la présidence de Jean de Watteville. Ni Spangenberg ni Köber n'en faisaient partie. Tous sentaient qu'il fallait avant tout une profonde humiliation, une entière ouverture de coeur, un aveu loyal des fautes commises. Chacun fit sa confession. Les pasteurs, en premier lieu, convinrent de leurs omissions et de leurs erreurs. Puis, de tous ces entretiens fraternels, on tira une suite de thèses qu'on soumit au Seigneur, en lui demandant, si c'était là ce qu'il avait à dire à l'Eglise? Le Seigneur, par la voix du sort, approuva douze paroles dont voici quelques-unes :

Les pasteurs de l'Eglise ont cherché leurs propres intérêts et non point ceux de Christ.

Nous avons abandonné la simplicité de coeur.

Le commerce, au milieu de nous, a fait naître la soif du gain et les principes de l'Eglise en ont souffert.(2)

Pensées, paroles et oeuvres, parmi nous, se ressentent de l'influence du siècle présent.

Méditées à genoux, arrosées de beaucoup de larmes, ces paroles du Seigneur à l'Eglise produisirent au sein du synode un de ces salutaires ébranlements spirituels qui préparent des jours nouveaux. La paix de Dieu rentra dans les âmes. Les délibérations financières reprirent avec un nouvel élan, et une première solution des problèmes du jour fut trouvée.

L'Eglise de l'Unité, définitivement organisée, se constitua héritière de toute la dette comme de tout l'avoir (3) que lui avait légués le passé, et dédommagea la famille de Zinzendorf par une somme de 450,000 francs. Elle résolut, en outre, de modifier le versement des contributions destinées au service des intérêts et à la diminution de son passif. L'impôt ecclésiastique céda la place aux dons volontaires.

Mais de nouvelles complications survinrent. Le système de la centralisation absolue se heurta contre l'opposition de plusieurs cercles de l'Eglise et l'esprit de mécontentement, à peine banni, regagna du terrain. On disait que le directoire manquait de savoir-faire, on l'accusait de prodigalité, et les (Ions volontaires, après avoir largement afflué pendant deux ans, tendirent à diminuer d'une manière effrayante. Enfin, la position matérielle de telle Eglise particulière inspirait les plus vives inquiétudes.

Un nouveau synode (4) se réunit, en 1769, à Marienborn, pour s'occuper de ces graves affaires. Le directoire abdiqua son pouvoir entre les mains de l'assemblée dont Spangenberg fut élu président.

A l'ouverture des séances, on lut une émouvante lettre de Frédéric de Watteville, malade à Herrnhut. Une profonde humiliation s'y mêlait à des exhortations pleines de sérieux et de sagesse. « Mieux vaut reconnaître humblement son péché que de délibérer pendant six mois », s'écriait, entre autres, le vénérable vieillard.

Avec la lecture de cette lettre coïncida la nouvelle du décès de quatre missionnaires de la Guinée, ce qui acheva d'humilier les délégués des Eglises.

C'est dans ces dispositions qu'ils abordèrent les nombreuses questions du jour et, avant tout, celle des finances. La plus grande franchise régna dans la salle des séances. Anciens directeurs et délégués, pasteurs et laïques, se prononcèrent avec une égale liberté. D'une part, on confessa avoir officiellement disposé d'une manière irréfléchie de la fortune particulière; de l'autre, on avoua des habitudes de luxe et de mondanité et l'on reconnut avoir manqué de confiance à l'égard du Seigneur et de ses serviteurs. Tandis que Spangenberg, assuré « qu'à la condition d'une vraie conversion tout irait bien », s'efforçait de maintenir les coeurs dans ces sentiments de contrition, Köber travaillait à réaliser le résultat pratique auquel s'attendait l'Eglise. Il fut décidé de vendre Lindsey-House et les bâtiments du Herrnhaag, et de restreindre les dépenses officielles jusqu'à la limite du possible. On résolut aussi, afin de donner plus d'indépendance aux différentes communautés de l'Eglise, de répartir entre celles-ci toute la fortune dont on disposait. Les communautés, en retour de cet arrangement, devaient chacune salarier ses pasteurs et contribuer, selon la mesure de leurs forces et avec une libéralité proportionnée à la confiance qui leur avait été témoignée, au paiement des intérêts de la dette de l'Eglise et à l'entretien de ses oeuvres. L'Eglise, en suite de ces changements, était devenue une confédération.

L'épreuve, cependant, n'avait pas encore atteint son terme. La vie spirituelle de l'Eglise souffrait sous le lourd poids des préoccupations matérielles. Telle communauté, ne pensant qu'à ses intérêts à elle, et luttant uniquement pour son existence, oubliait ses obligations envers l'ensemble de l'Eglise. Celle de Neuwied subit, non sans sa faute, une nouvelle perte de 1 20,000 francs. Ailleurs, en Angleterre surtout, l'on se plaignait ouvertement que l'Eglise, ayant perdu la foi en son Chef divin et ayant quitté le chemin de l'obéissance et de la fidélité, était tombée entre les mains des hommes.

Ainsi se croisaient, multiples, touchant tantôt à un détail tantôt à un autre, les accusations, les refus, les projets, les déceptions et les humiliations, filet pernicieux dont les mailles menaçaient d'étouffer le corps spirituel de l'Eglise.

Au moment même où l'on préparait un dernier pas en avant dans le chemin de la décentralisation qui, selon toute probabilité, eût été un irréparable malheur, nous disons au moment où, après avoir réparti la fortune de l'Eglise, on allait répartir également la dette entre toutes les communautés, les chargeant chacune individuellement d'une partie du fardeau et les abandonnant à leur sort, Dieu intervint par un de ces actes de puissance, de bonté et de sagesse qui abondent dans l'histoire de l'Eglise de l'Unité.

Le 4 septembre 1772, une vingtaine de soeurs, appartenant à la portion la plus pauvre de la communauté de Herrnhut, se déclarèrent prêtes, dans une lettre adressée à l'Eglise, à réunir les fonds nécessaires pour combler le déficit. A cet effet, elles proposèrent la vente de l'argenterie et de n'importe quel objet de prix, qui pourraient se trouver en possession des membres de l'Eglise.

C'était l'appel au sacrifice, parti de coeurs profondément affligés par l'état de choses désespérant contre lequel les synodes avaient lutté en vain. C'était le fruit béni des prières et des infatigables efforts de Spangenberg, de Jean de Watteville et de quelques autres frères. C'était, en premier lieu, un miracle de la grâce divine, grand par sa simplicité autant que par ses effets.

La proposition des vingt soeurs eut un puissant retentissement. Beaucoup de personnes la saluèrent comme la manifestation la plus noble et la plus généreuse de l'attachement du coeur à l'Eglise en détresse. D'autres, natures plus critiques, moins confiantes, souriaient à la vue de cet élan qu'elles traitaient de naïf. Quelques-uns, sept hommes, nourrissant dès longtemps des sentiments d'aigreur et d'opiniâtre résistance, haïssant la lumière du jour nouveau qui se levait sur Herrnhut et l'Eglise de l'Unité tout entière, quittèrent la localité avec leurs familles.

Au sein de tout ce mouvement des esprits, le fonds pour combler le déficit augmenta rapidement. On vendit qui ses cuillers d'argent, qui un bijou. La charité, ingénieuse, inventa mille moyens de donner. Les Eglises de Silésie suivirent l'exemple de l'Eglise de Herrnhut. ]Partout s'éveilla un saint patriotisme qui ne semblait avoir attendu qu'un signal pour se montrer.

En même temps le directoire réussit à vendre Lindsey-House et le Herrnhaag. Les domaines de l'Eglise, en dépit de maigres récoltes, fournirent un beau revenu, et Dieu se plut à accorder à ceux qui géraient les affaires, les délivrances les plus signalées. A partir du printemps 1773, le danger qu'avait couru l'Eglise pouvait être envisagé comme définitivement conjuré, et, le premier janvier 1774, on lut avec émotion ce passage du livre des Textes : Les ténèbres sont passées. Peu de temps après, les sommes réunies avaient atteint le chiffre de 975,000 francs.!

Telles étaient les circonstances dans lesquelles s'ouvrit, en 1775, à Barby, le troisième synode constitutif de l'Eglise. La note qui y dominait, était celle d'une Profonde reconnaissance. Le coeur joyeux, puissamment fortifiés dans la foi, les délégués mirent la dernière main à l'organisation de l'Eglise de l'Unité.

Au point de vue administratif, ils effectuèrent un retour au principe de la centralisation abandonnée en 1769. Le directoire - la conférence des Anciens de l'Unité - responsable vis-à-vis du synode seul, reprend sur toute la ligne la gestion des affaires. Il administre la fortune reconstituée de l'Eglise, qu'il dirige tout à la fois spirituellement. Il surveille toutes les communautés, sans que celles-ci perdent leur indépendance et leur liberté d'action. Il leur garantit le secours qu'il leur faudra, à la condition qu'elles contribuent, dans la mesure du possible, aux besoins de l'ensemble de l'Eglise.

Au point de vue ecclésiastique, nous remarquons le maintien, par le synode, de tous les droits de l'Eglise morave épiscopale au milieu de ses Eglises soeurs protestantes. Ses évêques, toutefois, dépourvus de diocèses, n'ayant aucune part à l'administration de l'Eglise, n'auront de prérogative que celle de la consécration des pasteurs.

Au point de vue de la doctrine enfin, le synode, après de longues délibérations, se prononce en ces termes - Nous tiendrons d'une façon particulière et sans varier à quatre points de doctrine beaucoup combattus de nos jours -

1° La doctrine du sacrifice expiatoire de Christ, mort pour nos péchés et offrant, au pécheur, la force de vivre d'une vie nouvelle.

2° La doctrine de la corruption naturelle de l'homme et de son incapacité de se sauver lui-même.

3° La doctrine de la divinité de Christ.

4° La doctrine du Saint-Esprit et de son travail dans l'homme racheté.

A part ces graves questions, le synode s'occupa de beaucoup de détails, réglant sur toute la ligne la vie et les pratiques de l'Eglise et élaborant des statuts. Son oeuvre ainsi accomplie, il tint, le 9 octobre, sa dernière séance. L'Eglise renouvelée de l'Unité était devenue une réalité. Sa constitution, après un travail de vingt-cinq ans, était achevée dans ses grands traits.

Contemplerons-nous sans émotion ce résultat de même que les luttes, les défaites et les victoires qu'il avait fallu pour l'amener ?

En comparant l'Eglise de l'Unité fortement organisée à l'idéal tel que Zinzendorf l'avait conçu et aux libres et généreux débordements des premiers temps, nous constatons comme un endiguement des flots impétueux et des forces vives du passé: L'indépendance du mouvement arrêtée par les règlements; la libre association des coeurs au service de Christ devenue une organisation ecclésiastique, traçant jusque dans ses détails le chemin de l'ensemble et de l'individu et tramant le lourd fardeau d'une fortune à gérer; la grande pensée de Zinzendorf réduite à une expression qui ne la rendait que fort imparfaitement.

Les choses auraient-elles pu se passer autrement? Nous le nions, parce que nous comptons avec le péché de l'homme et les insuffisances de la terre. Le royaume de Dieu, prenant corps ici-bas, revêtira nécessairement une forme humaine, lointain et pâle reflet de l'idéal. On regrettera ce fait; on ne le changera pas.

Mais aux regrets se mêleront, pour quiconque a suivi le cours des événements dans l'Eglise de l'Unité, les actions de grâces et de saintes instructions. Ce ne furent point les combinaisons de la prudence humaine, mais l'action de Dieu dans les coeurs et son travail dans les consciences, qui, d'étape en étape, à travers toutes les difficultés, conduisirent l'Eglise au résultat obtenu en 1775. Nous tirons de là cette conclusion que ce ne sont pas tout d'abord les institutions humaines qu'il faut pour le vrai développement de nos Eglises, mais que c'est plutôt la vie individuellement produite et nourrie dans leurs membres par le Saint-Esprit.

On a dit que, depuis le temps où les hardiesses d'une foi qui ne calculait pas, avaient plongé l'Eglise de l'Unité dans les embarras cruels dont, sans le puissant secours de Dieu, elle serait devenue la victime, cette Eglise n'a jamais désappris à regarder à la dépense avant de bâtir la tour et à examiner si elle a de quoi l'achever. S'il n'en était pas ainsi, l'Eglise aurait méprisé une des leçons les plus sévères que lui a laissées son histoire.



Table des matières

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(1) Usage, aboli de nos jours dès longtemps.
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(2) Il fut constaté, à l'occasion de cette thèse et avec douleur, que quelques frères avaient tenu leur magasin ouvert même pendant les heures de culte du soir. La commission qualifia cette conduite d'inexcusable.
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(3) Etablissements d'éducation, maisons de commerce, industries, domaines.
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(4) Parmi les hôtes étrangers admis à quelques séances du synode de 1769, se trouvait le poète Goethe. « Les excellents hommes dont se composait cette assemblée », dit Goethe, « avaient gagné toute ma vénération. Il n'aurait dépendu que d'eux seuls de me faire entrer dans leurs rangs. »

 

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