Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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L'ÉGLISE DE L'UNITÉ DES FRÈRES


CHAPITRE XII

LES DERNIÈRES ANNÉES DE ZINZENDORF ET SA MORT A HERRNHUT

 

Le 16 septembre 1747, Zinzendorf, après une absence de dix ans, revint à Berthelsdorf et à Herrnhut. En dépit de toutes les prévisions humaines et à une époque où la presse répandait contre les Frères des accusations multipliées, le gouvernement de Saxe avait retiré le décret de bannissement perpétuel qu'il avait lancé, en 1736, contre le comte. «J'ai su », dit celui-ci au sujet de son retour en Lusace, « que je reviendrais à Herrnhut en 1747, mais ce que je n'aurais pas cru, c'est que la chose se fît si agréablement ». Son séjour dans la patrie ne fut cependant pas de longue durée. Des devoirs qu'il croyait importants, le rappelèrent dans la Wetterau, d'ou il partit pour Londres.

On sait le plan longtemps caressé par le comte, de faire de l'Angleterre le point d'appui de l'Eglise renouvelée de l'Unité. A cet effet, il loua, en 1751, à Londres, le vieux château de Lindsey House (1), ancienne demeure ducale, située près de Westminster, sur les bords de la Tamise. Il s'y installa, non sans des frais considérables, avec l'Eglise des pèlerins, à laquelle il avait donné le nouveau titre de maison ou famille des disciples. De nombreuses conférences y furent organisées. La maison devint le centre d'une grande activité et attira les regards d'un certain nombre de personnes de distinction. Zinzendorf forma d'importantes relations et obtint même une audience du Roi.

Cela dura jusqu'en été 1755, année où différentes circonstances ramenèrent le comte et son entourage définitivement à Herrnhut. La localité, alors, comptait 1300 habitants. Les affaires y avaient pris un grand développement. Le commerce de toile surtout florissait (Abraham Dürninger). Les domaines de Berthelsdorf et de Hennersdorf étaient devenus la propriété de l'Eglise. Aux environs, les hostilités avaient cessé. Le clergé national, bien disposé, aimait à entretenir des rapports avec les Moraves et se réunissait même, une fois par an, à Herrnhut pour une conférence pastorale dont les séances se sont continuées, dans cette localité, jusqu'à nos jours. Dans ces circonstances, l'activité bénie que Zinzendorf avait exercée dans la Lusace, jusqu'en 1736, et à laquelle son bannissement du territoire de Saxe avait coupé court, put être reprise sans entraves.

Un coup douloureux survint en 1756. Pendant un synode, dont les premières séances l'avaient encore vivement intéressée, s'endormit, sans maladie, le 19 juin, à l'âge de 53 ans, Erdmuth Dorothée de Zinzendorf, née comtesse de Reuss. Sans jouer un rôle marqué dans l'histoire de l'Eglise, cette femme, aussi humble et pieuse que douée de grandes capacités, a rendu, à côté de son éminent époux, les services les plus signalés. C'est elle qui, de 1736-1746, fut la tête matérielle de l'Eglise des pèlerins, pourvoyant avec sagesse et économie aux besoins toujours croissants de ce ménage compliqué et souvent immense. En l'absence de son époux, elle conduisit, plus tard, les négociations difficiles avec les cours de Danemark et de Russie. Toujours vaillante, tour à tour s'effaçant et dirigeant les affaires, acceptant sans murmurer la vie hérissée de difficultés de tous genres à laquelle l'avait appelée son alliance avec Zinzendorf., se donnant à tous jusqu'au plus petit et sachant tout à la fois conserver pour sa personne le respect de chacun, Erdmuth était une vraie mère de l'Eglise comme elle était une vraie mère au sein de sa famille. De ses douze enfants, trois filles seulement lui survécurent. Quand elle dut rendre à Dieu le dernier de ses six fils, Christian-René, décédé à Londres en 1752, la coupe des souffrances déborda pour elle. Dès ce moment, elle fut brisée. Quoique soumise à la volonté sévère de son Dieu, elle soupirait après la délivrance. Lorsque le Seigneur la lui accorda, elle s'en alla en paix, laissant derrière elle la trace lumineuse de la femme vertueuse et de l'humble servante de Christ. Ses cantiques, inspirés par un amour ardent pour le Sauveur, sont demeurés, en souvenir d'elle, un trésor de l'Eglise.

Un an après la mort de la comtesse, Zinzendorf épousa, en secondes noces, le 27 juin de l'année 1757, la Morave Anna Nitschmann, à bien des égards inférieure à Erdmuth, mais entrée en plein, dès longtemps, dans les vues du comte et associée à l'Eglise des pèlerins. Le comte, en contractant cette seconde alliance, mésalliance selon le monde, croyait servir les intérêts de l'Eglise. De fait, l'Eglise ne comprit guère ce pas de son chef.

Trois années de vie restaient à Zinzendorf. On ne sait, s'il eut un pressentiment précis de sa fin prochaine, mais il aimait à parler de l'année 760 comme d'une époque qui devait marquer dans l'histoire de l'Eglise. Ce qui est certain, c'est qu'il déploya, de 1757 à 1760, une activité quelquefois fiévreuse. Infatigable dans l'exercice de la cure d'âme, multipliant les entrevues et les conférences avec ses compagnons d'oeuvre, collègues, serviteurs de l'Eglise, hommes et femmes destinés à l'accomplissement de quelque travail, projetant et réalisant de nouveaux grands voyages, ne cachant pas ses inquiétudes au sujet de l'avenir et se dépensant sans ménagement au service de Christ, il arriva au printemps de 1760 Les derniers quatre mois avaient achevé de miner ses forces. « Enfants », avait-il dit, « le temps est court, il nous faut travailler avec zèle ».

Il avait, depuis le commencement de l'année, prononcé non moins de cent-vingt discours et se disposait à partir pour la Hollande. A ce moment, il tomba malade, le 5 mai, d'une fièvre catarrhale qui devait amener sa fin.

Il parait que Zinzendorf, dès le début de cette maladie, en avait entrevu l'issue fatale. Mais la pensée de sa fin ne l'effrayait pas. « je suis heureux », dit-il, « et entièrement d'accord avec mon Maître. » Deux jours avant sa mort, il revisa encore une portion du livre des Textes de 1761, se fit lire des nouvelles, arrivées des Eglises et des Missions, et y ajouta quelques observations. Le lendemain, voyant un certain nombre de personnes groupées autour de son lit: « je ne saurais vous dire », s'écria-t-il, « à quel point je vous aime tous. C'est ainsi que je me plais. Ne sommes-nous pas réunis comme le sont les anges au ciel? » Et, s'adressant à un frère: « Aurais-tu pensé, au commencement, que cette dernière prière de Christ: Que tous ne soient qu'un, pût trouver, au milieu de nous, un si bel exaucement? » - Dans l'après-midi, il se rappela les noms de ses frères et amis qui l'avaient devancé dans la patrie céleste, acheva avec beaucoup d'entrain le travail du livre des Textes, et parla avec actions de grâce des grands bienfaits de Dieu durant son ministère au sein de l'Eglise. Après cela, se tournant vers David Nitschmann et les autres assistants: « Vous serait-il venu à l'esprit que le Sauveur ferait ces grandes choses que nous voyons, aujourd'hui, de nos yeux, au sein des Eglises, parmi tant d'enfants de Dieu dispersés et parmi les païens? Pour ce qui est de ces derniers, je n'ai demandé que quelques prémices, et voilà, il y en a des milliers. Quelle caravane formidable que celle qui, amenée par nos frères, entoure le trône de l'Agneau! »

Le 9, an matin, ayant retrouvé la parole, dont il avait été privé par un accès de suffocation: « je suis entièrement d'accord avec les voies de mon Maître », répéta-t-il. « Il a sur son serviteur des vues très arrêtées, Vous ne les partagez pas, cette fois. je crois vous avoir à peu près tout dit. Vous connaissez ma pensée, et je puis m'en aller. » Peu après, adressant la parole à son gendre, Jean de Watteville, et en faisant de grands efforts: « Mon cher, mon excellent jean, j'irai maintenant auprès du Sauveur. je suis prêt. je suis entièrement soumis à la volonté de mon Maître, et il est content de moi. S'il ne veut plus se servir de moi ici-bas, je suis tout prêt à aller auprès de lui. Rien ne me barre plus le chemin.» -Encore quelques recommandations, une vaine tentative de tracer quelques lignes sur un papier qu'il avait demandé, un regard plein d'amour, trois. longues respirations, et le comte renversa la tête et ferma les yeux. Son âme avait quitté la terre. Le texte du jour était: Il reviendra avec joie en rapportant sa moisson. Douze jours plus tard, le 21, sa seconde épouse le suivit dans le ciel.

L'Eglise avait le sentiment qu'un prince dans le royaume de Dieu l'avait quittée. Aussi prépara-t-elle au défunt des funérailles princières. Trente-deux pasteurs et ministres portèrent le cercueil sur le Hutberg. Deux mille et cent frères et soeurs le suivirent, auxquels se joignirent encore deux mille amis de l'Eglise. Au cimetière, après la descente de la bière dans le caveau, le pasteur officiant dit: « Nous déposons en pleurant ce grain de froment, mais il portera ses fruits en son temps; il y aura une moisson dans l'allégresse. Que celui qui le désire, dise: Amen ». Et toute l'Eglise de répondre : Amen.

Quant à celui que Dieu avait repris à lui, il avait, sans s'en douter, laissé à l'Eglise de l'Unité sa suprême bénédiction, dans ces dernières paroles du livre des Textes de 1761, rédigées par sa main:

Nous vous bénissons, vous qui êtes de la maison de l'Eternel. (Ps. 118, 26.)

A chacun la bénédiction qui lui est propre. (Genèse 49, 28.)

L'Eternel ajoutera de nouvelles bénédictions sur vous et sur vos enfants. (Ps. 115, 15.)

Que la paix de Dieu règne dans vos coeurs. (Col. 3, 15)

Que le Roi, tournant son visage, bénisse toute l'assemblée d'Israël. (I Rois 8, 14.)

Deux grandes et saintes aspirations ont rempli la vie du comte de Zinzendorf. A Page de quinze ans déjà, il s'écria: « Gagner les coeurs des hommes à Celui qui a donné sa vie pour nos âmes, voilà le but du travail que, sans nous lasser, nous poursuivrons à travers le monde. » Celui qui parlait ainsi, n'avait, selon ses propres termes, qu'une seule passion: le Christ. Aimer le Sauveur et le faire aimer par d'autres: là fut le premier et dernier mot de sa vie.

A côté des ferveurs de l'âme pour le Rédempteur, le désir non moins ardent de réunir en un seul corps tous ceux qui croient.

Jeune homme encore, Zinzendorf cherche et trouve un cercle d'amis chrétiens et pieux pour jouir, dans ce milieu, de communion fraternelle. Devenu seigneur de Berthelsdorf, il y crée l'alliance des quatre frères. Ayant reçu, de la main de Dieu, les émigrés moraves, il a hâte de les grouper et d'en faire une famille de frères et de soeurs, bien unis ensemble et travaillant à propager les principes de la communion fraternelle. Banni de ses terres, il se met courageusement à l'oeuvre de l'union de tous les enfants de Dieu de la dispersion. Et quand, malgré lui, l'Eglise de l'Unité se forme, association religieuse forcément séparée des autres Eglises, il s'empresse de lui imprimer le caractère de la plus grande largeur évangélique. En elle, se rencontreront, sans se heurter, le chrétien luthérien et le chrétien réformé, frères l'un de l'autre, parce que tous deux sont disciples du même Maître. Elle sera l'Eglise par excellence de l'alliance évangélique. Elle sera ce que dit son nom, savoir l'Unité, abritant sous son aile et flans la paix du Seigneur, les diversités humaines.

A cet égard, on le constate sans peine, il y a eu, dans les vues du comte, une ferme continuité. Toute sa vie au service d'une seule cause; tous ses actes accomplis dans l'obéissance du même principe; un seul but poursuivi jusqu'au bout: voilà une des grandeurs de Zinzendorf.

Eminemment religieux, Zinzendorf mérite d'être nommé un génie dans le domaine spirituel. Il appartient au génie de saisir et de propager une idée nouvelle et de devancer par là son temps. C'est ce qu'a fait cet homme qu'on a raison de nommer le Père de l'Alliance évangélique. Tout génie aussi est appelé à souffrir pour la cause à laquelle il fraie le chemin. Et grandes furent, on le sait, les souffrances de Zinzendorf au contact du monde non seulement, mais aussi au milieu des Moraves, fort loin, bien souvent, de le comprendre. « Nous n'étions pas dignes de lui », s'écria, un jour, David Nitschmann. « Quoique nous l'ayons beaucoup aimé, il a passé parmi nous des heures difficiles. Son esprit s'élevait comme sur des ailes d'aigle, et pour nous, nous étions incapables de le suivre. »

Zinzendorf, dans lequel quelques-uns n'ont vu que le mystique ou bien le héros dans le domaine de l'imagination et du sentiment, a été l'homme de l'énergique action. Il avait adopté en plein cette devise de sa famille: je ne cède, ni à un ni à plusieurs. Fidèle à' cet engagement, pris par devers lui-même, il dit, dans le courant de sa vie si remplie de vicissitudes de tout genre : « La maxime du soldat de Christ, c'est qu'il tienne bon dans les impossibilités, qu'il attende avec patience que les difficultés s'aplanissent et qu'il laisse aux circonstances et aux personnes le temps de changer. »

Mais, à la persévérance d'une grande énergie et à un courage indomptable, se joignait chez cet homme la plus absolue dépendance à l'égard de Celui en qui il honorait son Maître suprême. Rien de plus étranger à Zinzendorf que de faire valoir, au service de l'Evangile, la volonté et le zèle de l'homme. En 1740, il disait au sujet de l'oeuvre missionnaire de l'Eglise: «Je ne sais point, si les temps des païens sont déjà accomplis. Aussi les conversions que nous avons vues se produire parmi les Hottentots, les Groënlandais et des centaines de nègres, ne me semblent être autre chose qu'une petite récompense que le Sauveur a voulu nous accorder. Il a eu égard aux luttes et aux douleurs de ses pauvres serviteurs. Il a pensé à la mort qu'une trentaine de ses enfants ont acceptée pour l'amour de sa cause. C'est pour cela qu'il a voulu leur faire voir ce que, peut-être, il aurait accompli sans eux, tout aussi bien qu'avec leur concours. » Et quelques jours avant sa mort, parlant une dernière fois en public, il s'écria: « jamais nos propres efforts pour augmenter, pour agrandir nos Eglises, n'ont rien donné. Soyez sûrs que, quand le Sauveur veut de grands chiffres, il se les crée ; sûrs aussi que, quand il ne veut que le petit troupeau, il veille sur les quelques-uns comme il veillerait sur une multitude ... Il faut que nous soyons au clair, parfaitement au clair, sur sa volonté ; que nous sachions qu'il veut, ici l'organisation d'une Eglise et là l'établissement d'une colonie ; autrement, rien n'est certain; après des années de peines et de travaux, tout pourrait s'évanouir entre nos mains. Il n'y a, d'ailleurs, en cela rien de nouveau. Israël déjà a fait cette expérience. Toutes les fois qu'il était parti ou qu'il avait établi son camp sans en avoir reçu l'ordre formel de Dieu, il a vu s'anéantir le plan de sa sagesse humaine. »

Zinzendorf n'a pas été un saint et ne s'est pas cru indispensable lui-même. Personne, plus énergiquement que lui, n'aurait protesté contre cette pensée. Il a franchement et loyalement reconnu son péché et les erreurs de sa vie. Et quand Dieu, vers la fin de son ministère au sein de l'Eglise, lui eut fait comprendre, qu'il n'était plus l'homme capable de mener la barque de l'Unité, il subit sans regimber cette suprême humiliation. Il consentit à la douloureuse nécessité de faire place à d'autres pour leur remettre la direction des temps nouveaux qu'il avait aidé à amener.

On ne rendra pas de témoignage plus beau à la valeur morale de cet homme éminent dans le Royaume de Dieu.



Table des matières

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1) Acheté, plus tard, par l'Eglise.

 

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