Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ÉPÎTRE DE SAINT JACQUES

CHAPITRE PREMIER

Salutation. Les épreuves. La patience. La prière. Les tentations.


450. Verset 17. Toute grâce excellente et tout don parfait vient d'en haut, et descend du Père des lumières.

L'Église romaine ne nie pas, en théorie, que toute grâce ne vienne de Dieu ; ce que nous lui reprochons, c'est de conduire les hommes à l'oublier. Un saint qu'elle vous aura enseigné à prier dans tous vos besoins, comment pourriez-vous ne pas en venir à le considérer comme l'auteur de tout le bien qui vous arrive? Vous pourrez bien encore, quand on vous interrogera, répondre que ce saint n'a été que l'intercesseur, que le canal; mais, dans le cours ordinaire de vos sentiments et de vos pensées, c'est lui que vous aurez eu devant les yeux, lui que vous aurez remercié, lui que vous aurez aimé. Qu'importe, après cela, que vous sachiez énoncer, dans l'occasion, une idée un peu moins fausse? Votre idée, ,votre sentiment habituel n'en aura pas moins été faux. Or, ce sentiment faux, nous avons vu que l'Église romaine le développe aujourd'hui plus que jamais, surtout en ce qui tient à la Vierge. De plus en plus on enseigne à lui tout demander et à tout attendre d'elle ; de plus en plus nous l'entendons invoquer et remercier comme reine, comme déesse, comme source divine de tous les biens attendus ou reçus.


451. Verset 25. La loi parfaite, qui est celle de la liberté...

Saint Jacques, comme saint Paul, voit la perfection du christianisme dans sa spiritualité l'Évangile est la loi parfaite, parce qu'il est celle de la liberté, celle qui nous affranchit des observances matérielles, nous prescrit un culte spirituel et vivant, nous place sous l'empire tout spirituel de Dieu. Cette déclaration est d'autant plus remarquable chez saint Jacques, que son épître nous révèle une tendance plus pratique. Sans attribuer plus que saint Paul le salut aux vertus de l'homme, il presse avec plus de détails la nécessité des oeuvres , comme preuves, comme incarnations de la foi. Mais, ces oeuvres qu'il prêche, ce sont les bonnes oeuvres, bienfaisance, support, charité sous toutes ses formes; les oeuvres cérémonielles, les observances, les pratiques, le salut attaché, à quelque degré que ce soit, à la fidélité dans des choses de ce genre, - cherchez s'il en dira un seul mot, lui, pourtant, nous le répétons, qui insiste avec tant de force sur la nécessité des oeuvres.


CHAPITRE II

Égalité du riche et du pauvre. Ne nous reposons pas sur ce que nous aurons observé certaines parties de la loi de Dieu.


452. Verset 10. Car quiconque aura observé toute la loi, s'il vient à pécher contre un seul commandement, est coupable, aussi bien que s'il les avait tous violés.

La loi de Dieu est un tout, un ensemble unique; mais l'homme, par un calcul dont il ne se rend pas compte, la divise et la subdivise, observant ceci, violant cela, élargissant insensiblement le cercle dans lequel il péchera sans remords. C'est contre ce calcul que saint Jacques veut nous prémunir. L'Église romaine, au contraire, l'encourage et le sanctionne ; sa distinction des péchés en véniels et mortels n'est autre chose que ce calcul même, régularisé, devenu doctrine, d'autant plus dangereux, par conséquent, qu'on s'y livrera sans scrupule. Une parole de Jésus-Christ nous a déjà montré (note 11) que, pour le chrétien véritable, il n'y a point de petits péchés. Un bon fils ne se permettra pas mieux d'offenser son père dans les petites choses que dans les grandes ; un père ou un maître montrerait bien peu de sagesse et de bon sens s'il enseignait à ce fils à entrer dans ces distinctions.

Versets 14 et suiv. - La foi et les oeuvres. La foi sans les oeuvres est morte.


453. Verset 2 1. Notre père Abraham ne fut-il pas justifié par les oeuvres, lorsqu'il offrit son fils Isaac sur l'autel?

Aucune contradiction entre ce que dit ici saint Jacques et ce que nous avons dit, avec saint Paul, contre l'idée du salut acheté, en tout ou en partie, par les oeuvres. Cette oeuvre par laquelle il est dit qu'Abraham fut justifié, c'est une oeuvre qui ne venait et ne pouvait venir que d'une foi profonde, ardente ; être justifié par une oeuvre de ce genre , fruit évident de la foi seule , c'est l'être par la foi.

Ce que l'apôtre veut dire , c'est que l'absence de cette oeuvre, le refus d'Abraham d'obéir à l'ordre de Dieu, eût montré qu'il n'avait qu'une foi morte ; il a donc été justifié, non par l'oeuvre, mais par la foi dont l'oeuvre n'était que la manifestation. En d'autres termes, nous sommes justifiés par la foi, mais par la foi vivante ; la foi vivante étant celle qui produit les oeuvres, les oeuvres deviennent ainsi la marque de la justification, et, là où il n'y a pas les oeuvres, il n'y a pas justification non plus, mais parce qu'il n'y a pas la foi vivante.

Tout cela, d'autre part, confirme que la doctrine du salut par la foi, non seulement n'est pas hostile aux oeuvres, mais y pousse plus que toute autre. La foi sans les oeuvres est morte, nous dit l'apôtre au verset 20, et il le' répète au verset 26. Nous avons vu saint Paul (note 431) dire la même chose en d'autres termes, mais tout aussi nettement.


CHAPITRE III

Que chacun veille sur sa langue, car elle est la cause ou l'occasion d'une foule de péchés. Nature et caractères de la sagesse selon Dieu. Elle aime la paix, et la produit.


CHAPITRE IV

Les passions. Entre autres mauvais effets, elles ont celui de nous inspirer de mauvaises prières.


454. Verset 8. Approchez-vous de Dieu, et il s'approchera de vous.

Nous voici bientôt à la fin du Nouveau Testament. Avez-vous trouvé un seul endroit où il vous fût ordonné ni conseillé de vous approcher de Dieu autrement que directement, ou par quelque autre que Jésus-Christ?

Mais ce que l'apôtre a dit, dans les versets précédents, sur la nécessité de ne s'approcher de Dieu qu'avec des prières dignes de lui être adressées , nous conduirait à rappeler un des grands inconvénients de l'invocation des saints.

Cet inconvénient, c'est qu'on arrive à leur adresser des prières que jamais on n'eût adressées à Dieu, prières futiles, prières coupables , prières abaissant le ciel au niveau de tous les intérêts et de toutes les passions. La possibilité d'exprimer des voeux quelconques vous encourage à les concevoir sans scrupule ; plus on est dévot à son patron, mieux on ose lui dire et lui demander n'importe quoi. C'est ce qui est surtout frappant dans le culte de la Vierge. Les fidèles, surtout les femmes, sont arrivés, dans quelques pays, à ne plus avoir en Marie qu'une confidente intime de toutes leurs faiblesses. La sagesse et la justice éternelles n'existent plus que sous les traits d'une femme plus indulgente, plus faible que ne le sera jamais une femme ordinaire un peu chrétienne et un peu sérieuse.

On s'imagine l'honorer en se la représentant toujours plus accessible à tous, toujours plus prête à protéger quiconque aura recouru à elle. Le clergé, au lieu de rectifier ce sentiment, l'exploite. Vous n'entendez qu'exhortations à tout demander à Marie, que récits merveilleux sur les résultats obtenus, et, souvent, dans les exemples cités, les prières les plus étranges sont celles qui sont racontées comme ayant eu le plus de succès.

Versets 9 et suiv. - L'humilité. Ne pas juger. Se rappeler la fragilité de la vie et la toute-puissance de Dieu.


CHAPITRE V

Les mauvais riches. La patience. Le serment. Les maladies.


455. Versets 14 et 45. Quelqu'un parmi vous est-il malade, qu'il appelle les Anciens de l'Église, et qu'ils prient pour lui, l'oignant d'huile au nom du Seigneur. Et la prière de la foi sauvera le malade, et le Seigneur le relèvera, et, s'il a commis des péchés, ils lui seront pardonnés.

Voilà, au premier abord, l'Extrême-Onction. Regardez de plus près, et vous ne la verrez plus.
Même avant d'examiner les détails, on pourrait déjà s'étonner qu'une institution si importante n'eût été mentionnée, dans tout le nouveau Testament, qu'une fois, car nous avons montré que, dans saint Marc (VI, 13), ce n'est pas de cela qu'il est question. - Mais passons.

Remarquez donc, d'abord, que les effets sont attribués ici, non à l'onction, mais à la prière. Et la prière de la foi sauvera le malade. Voilà qui réduit déjà notablement l'importance de l'onction, ancien usage oriental que l'apôtre n'a pas cru devoir condamner, mais qu'il ne sanctionne qu'en passant et tout à fait incidemment. « Que les Anciens prient pour lui, l'oignant d'huile au nom du Seigneur, et la prière de la foi..,. - etc.),

Remarquez ensuite qu'un des deux effets indiqués est un effet miraculeux, celui de guérir le malade. « La prière de la foi sauvera le malade; le Seigneur le relèvera. » Est-ce là ce qu'on enseigne sur l'Extrême-Onction ? Nullement ; on ne l'administre , au contraire, que comme une dernière et suprême préparation à la mort.

Mais si les effets de l'Extrême-Onction ne sont pas ceux de l'onction dont parle saint Jacques, pouvez-vous dire qu'il ait enseigné l'Extrême-Onction ?

Pour la fonder sur ces quelques mots , il faudrait s'en tenir à ce que ces mots enseignent, - et vous ne le pouvez pas. La Vulgate essaie d'adoucir. Au lieu d'une guérison miraculeuse, elle indique un simple soulagement , et nous voilà un peu moins loin de l'Extrême-Onction romaine. Mais le texte grec est inexorable. Il nous transporte dans l'économie miraculeuse des premières années de l'Église, et, pour en tirer l'extrême-onction, il faut commencer par l'arranger en vue de l'Extrême-Onction.

Mais, dira-t-on, une chose reste pourtant. L'apôtre a parlé d'une onction ; il ne l'a pas désapprouvée. Pourquoi repousser l'usage d'une onction ?
C'est, d'abord, parce qu'il ne nous paraît pas que les paroles de saint Jacques renferment un ordre positif. Ce sentiment a été celui des premiers siècles, car il s'est passé bien du temps avant que l'Église adoptât et généralisât l'usage mentionné par cet apôtre. L'histoire nous a conservé des détails sur la mort de beaucoup de personnages des premiers siècles, et l'Extrême-Onction n'y figure pas.

Autorisés donc et par la forme du conseil de saint Jacques, et par le silence, des autres apôtres, et par celui de l'histoire aux premiers siècles, nous avons pu nous considérer comme libres de ne pas admettre un usage qui ne pouvait plus, d'ailleurs, avoir le sens qu'indique saint Jacques. Privée de son élément miraculeux, employée, non en vue de la guérison du malade , mais uniquement en vue de son salut, l'Extrême-Onction devenait nécessairement la source d'une sécurité fausse et dangereuse. On ne demande plus si un malade est mort chrétiennement, mais s'il a reçu l'Extrême-Onction ; on ne demande même pas s'il l'a reçue ayant encore ses sens , pouvant éprouver les sentiments qu'elle suppose, mais simplement s'il l'a reçue ; c'est l'onction même , c'est l'huile , qui est supposée ouvrir le ciel. On a beau ne pas enseigner officiellement cela; on l'enseigne assez par cela seul qu'on administre souvent l'Extrême-Onction à des malades sans connaissance, abus qu'il est impossible d'éviter. De là, nécessairement, une foi superstitieuse en la vertu magique de l'onction ; de là une déplorable brèche à la spiritualité de l'Évangile. C'est ce qu'ont voulu éviter ceux qui ont aboli l'Extrême-Onction ; c'est, fort probablement, ce qui avait empêché les premiers siècles d'en adopter l'usage. Elle n'a pu s'établir qu'à une époque où le christianisme était déjà plus ou moins éloigné de sa spiritualité première.


456. Verset 16. Confessez vos fautes les uns aux autres.

Si on vous dit que voilà la confession , répondez qu'il est impossible, au contraire, que l'apôtre eut ainsi parlé si elle eut été en usage ou qu'il eut voulu l'établir. Quelle trace avez-vous là du droit de lier et de délier ? « Priez les uns pour les autres, afin que vous soyez guéris, car la prière du juste, faite avec ferveur, a une grande efficace. » Voilà la fin du verset.

Confession mutuelle des péchés ; prière, ensuite, de tous pour tous, afin que Dieu ait pitié de tous. La Vulgate essaie, encore ici, de venir en aide au sens romain, et, grâce à elle, au lieu de : « Confessez vos fautes les uns aux autres, » Sacy a pu traduire: , Confessez vos fautes l'un, à l'autre,» ce qui a un peu plus l'air d'un entretien à deux. Malgré cela, rien encore n'indique un ministère officiel , exercé par qui que ce soit. L'apôtre, immédiatement ayant, quand il s'agissait de l'onction à administrer aux malades, a dit d'appeler les Anciens, les prêtres ; ici, nulle mention d'eux. Jamais vous n'imaginerez un docteur romain parlant de la confession des péchés, du pardon des péchés, sans dire un mot de la confession sacramentelle, de l'absolution ni du prêtre.

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