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TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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PAYS ROMAND.

Pays romand
Nouvelles de Genève
Revue du passé: Lausanne
Nos dernières nouvelles
 
FEUILLETON DU CHRONIQUEUR.
Promenade à Nyon et au champs de batailles de Gingins

Noms propres de cette page

Nouvelles de Genève.

Les députés de Berne étaient partis, nous laissant bien irrités contr'eux et, ce nous semble, sans plus d'espoir. Ils avaient renvoyé loin de nous nos frères de Neuchâtel. Ils nous avaient proposé une paix qui n'en était pas une. Ils avaient fini par nous ôter toute espérance de secours. Puis ils étaient partis, se montrant fort offensés et sans prendre congé de personne. Voici cependant que Berne nous renvoie son ambassade.

Les députés sont MM. Louis de Diesbach, Jean Rodolphe de Grafenried et Michel Augsbourger. Selon la teneur de leurs ordres, ils se sont arrêtés en chemin auprès de M. le Gouverneur de Vaud, pour chercher encore avec lui le moyen de faire trêve ou accord. Ils ne l'ont quitté que munis d'un sauf-conduit. Le 21 ils sont arrivés à Genève.
Ils exposent en Conseil qu'ils sont envoyés par leurs supérieurs pour prendre soin de nos affaires et nous proposent de traiter d'une pacification. Ils nous demandent aussi de relâcher M. de Wufflens, que les députés de Berne avaient amenés avec eux et que nous avons pris en leur présence. Ils s'expliqueront en grand Conseil. On le leur accorde pour le lendemain.
Cependant le sénat délibère sur la réponse à leur donner, et l'on tombe d'accord de leur faire savoir ce qui suit :

« 1 ° Que nous ne voulons pas refuser la paix, si on la peut avoir ; mais parce que Monsieur le Duc a dit, il y a quelque temps, qu'il ne voulait pas observer l'arrêt fait pour lui par le comte de Challand, nous demandons premièrement qu'il nous donne des lettres, comme il est prêt à observer tout ce qui sera arrêté et accordé, en réservant toujours la sentence de Payerne et l'arrêt de St-Julien ; et que nous ferons le semblable.

2° Sur ce qu'ils demandent qu'on relâche M. de Wufflens, on répond que les ennemis ont pris dernièrement un des nôtres, qui était avec les dits ambassadeurs, et refusaient de le rendre si on n'avait pas pris M. d'Aruffan, pour lequel on échangea le dit de Genève, et non autrement. Si donc ils nous rendent ces trois, qui ont été pris sous ombre de la bonne foi et d'un sûr accès, nous rendrons le dit gentil-homme et les autres qui ont été pris pour ce sujet. »

Le samedi 23, les ambassadeurs représentent en grand Conseil les mêmes choses qu'ils avaient dites en Conseil ordinaire. Ils ajoutent que MM. de Berne craignent que s'il arrivait que nous fussions assiégés (nos assigiari), à peine pourraient-Ils nous donner secours à cause de leurs ennemis ; qu'ils nous exhortent donc à recevoir les trêves (trenguas).
On fait aux ambassadeurs la réponse sus-mentionnée et on y ajoute que, si nous traitons de la paix, nous n'entendons pas de traiter en aucune façon avec les traîtres que nous avons condamnés ; mais que nous voulons réserver tout notre droit et action contre eux, et exécuter nos sentences.
Les ambassadeurs n'étant pas contens de cette réponse, on la leur donne par écrit, l'après-dînée, en la même substance, comme Ils le demandaient. Ils n'en sont pas satisfaits et demandent le Conseil général, qu'on leur accorde pour le lendemain.

Conseil général.
Le dimanche 24, le Conseil est convoqué selon la manière accoutumée dans le cloître de St-Pierre, et tout le peuple étant réuni, les ambassadeurs se présentent devant lui et lui parlent de la manière suivante :

« Très honorés seigneurs et combourgeois, nous sommes ici venus de la part de nos seigneurs et supérieurs de la ville de Berne, lesquels se recommandent bien à vous. Très honorés seigneurs, nous avons en votre petit et en votre grand Conseil parlé de quelque trêve, et la réponse que nous avons reçue n'est pas telle que nous l'eussions pensé. C'est pour cette cause que nous avons demandé le général. Déjà précédemment moi, Louis de Diesbach, et Jean Rodolphe Naegueli, nous sommes venus par devers vous, en votre petit Conseil, cherchant à vous amener à quelque bon appointement ; mais vous nous avez tout refusé. Nous en avons été bien marris, nous et nos supérieurs, qui pensaient que vous dussiez plutôt demander la paix que la guerre. Car, nous voulons bien vous avertir, que quand vous auriez mal, Ils en auraient aussi, et seraient déplaisans de votre mal comme du leur propre. Que si vous aviez bien ils en seraient joyeux.
Or ne leur est pas bien à propos la guerre à ce moment ; car si vous dussiez être assiégés et que vous eussiez grosse nécessité de secours, que feraient-ils ayant par aventure leurs ennemis à leur porte ? Ils n'oseraient laisser leurs terres pour vous venir secourir, dont ils seraient bien marris et leur déplairait très fort. C'est la cause pour laquelle ils nous ont ici renvoyés, pour aviser d'entrer en bon appointement de paix.

Nous avons parlé à M. le Gouverneur de Vaud et aux autres gentils-hommes, lesquels ne pouvions faire à cela accorder ; toutefois, après avoir beaucoup parlé, ils nous ont dit : Pourtant allez et voyez vers eux. Nous vous avisons donc et vous admonestons d'avoir égard à notre proposition, et si vous n'y voulez entrer, nous avons charge de nos supérieurs de vous dire qu'ils y aviseront plus outre. Ils nous ont aussi donné l'ordre de demander la liberté du gentil-homme que vous avez détenu, bien qu'il fût venu ici sous ma foi. Car vous pouvez penser qu'il nous serait à grand déplaisir, au seigneur Naegueli et à moi, de nous rendre prisonniers aux mains du Gouverneur de Vaud, ce que nous serions tenus de faire, si vous ne relâchiez votre captif. Ce nous serait fort grief ; partant veuillez y avoir bon regard. »

Ainsi ont parlé les ambassadeurs. Messieurs leur ont fait réponse devant tous : « Magnifiques seigneurs, vous rejetez le fardeau sur nous, en disant que nous avons refusé de faire paix et accord, ce qui n'est pas ainsi. Vos seigneuries nous ont demandé si nous étions contens que ceux de Peney, de Jussy et autres se déportent de nous molester, de nous piller, et de ne plus sortir contre eux. Nous avons répondu que nous étions fort grévés, que ces traîtres avaient pillé tous nos biens, et qu'il ne semblait pas que nous dussions être si restreints que nous ne puissions les combattre, qu'on n'eût pas dû renvoyer le secours qui nous venait, puisque MM. de Berne avaient dit à nos ambassadeurs que nous pouvions prendre du secours là où nous en trouverions ; qu'on ne nous avait pas parlé de faire la paix avec le Duc. »

À quoi M. de Diesbach répondit : « Or bien, puisque vous en parlez tant avant, sachez qu'alors que je vins, j'avais lettres et sceaux de ceux de Peney, qu'ils voulaient entrer en appointement et tenir ce que nos seigneurs de Berne et autres feraient. »
Alors tout le peuple cria d'une voix : « Nous ne voulons point d'appointement avec les traîtres retirés à Peney ; mais les tenons tous pour traîtres, larrons et brigands. »
Sur quoi les ambassadeurs sortirent pour attendre la réponse dans leur logis.
On a ordonné qu'on leur fera la même réponse que ci-devant sans y rien changer. On leur dira que nous voulons tous la paix, pourvu qu'elle soit telle qu'elle puisse durer, et que personne ne parle de consentir à traiter avec les traîtres ; mais qu'ils demeurent toujours condamnés comme ils le sont.
Après avoir reçu cette réponse les seigneurs ambassadeurs sont repartis pour Berne.

Notre situation à l'intérieur.
La cherté du blé s'accroît. On oblige les particuliers qui en ont, à venir le vendre au marché. - Les maréchaux se trouvant sans charbon ; on est réduit, pour en faire, à couper les arbres qui sont au pré de Palais. - Les procureurs de l'hôpital demandent qu'on leur donne les draps des églises pour vêtir les pauvres, et le blé des moulins de la ville pour les nourrir. Ils paieront le blé au prix du marché. Le Conseil leur accorde tout, et leur livre le blé à 28 sous. Mais en même temps, il fait publier que personne n'ait à mendier, et que « si quelqu'un prétend qu'il y a pitié en lui, il se retire à l'hôpital en Ste-Claire. »

On a jugé équitable que les citoyens absens de la ville, et qui ne se sont pas rendus à l'appel de venir la défendre, supportent leur part de nos charges. Leurs biens contribueront à la paie des gens de guerre. - On vient de céder à un nouvel ordre de Berne de relâcher le sire de Wufflens. « Nous le faisons, avons-nous écrit à Berne, bien que nos pauvres frères chrétiens soient par là jetés en danger ; mais nous espérons que vos Excellences prendront leur affaire à coeur ; qu'il vous souvienne que nous vous redemanderons leurs vies. »

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REVUE DU PASSÉ
LAUSANNE
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« Oui, la foi l'a construit ;
De tout haut monument c'est la base éternelle.
Qui prête à qui l'embrasse une force immortelle ;
C'est le genou. de Dieu, c'est le divin appui ;
Le peuple revivra qui repose sur lui. »

Il n'y avait au lieu où s'élève aujourd'hui Lausanne ni temple, ni cité. De sombres forêts couvraient les trois collines, quand le sage Marius y transporta son siège épiscopal. Il laissa Avenches, bien qu'Avenches fût située au centre de son diocèse ; il salua d'un adieu ses ruines glorieuses. Quel motif le conduisit à porter ses pas vers la contrée au sein de laquelle Lausanne est venue se déployer ?

Une carte du pays nous le dirait, si nous en avions de cette époque reculée. Nous y verrions deux routes tracées ; l'une venant de Bourgogne, courait de colline en colline par dessus les monts de La Côte et longeait ainsi les bords du Léman. Il en reste de nombreuses traces. Les gens du pays l'appellent encore le chemin des Rémis ou des Romieux, désignant ainsi la voie que suivaient les pèlerins en se rendant à Rome. La seconde route passait par Orbe (apud Tabernas). À l'endroit où se croisaient ces deux chemins, se rencontraient les voyageurs, pèlerins ou marchands. Ce fut le lieu que le saint évêque choisit pour s'y asseoir.

Un mont se projetait entre deux vallées. Ses parois étaient abruptes ; la nature l'avait fortifié. Du plateau qui le couronnait, on embrassait tout le bassin du Léman. Ce fut sur ce plateau que Marius construisit une chapelle à Notre-Dame de pitié. Peut-être dans sa pensée la voyait-il déjà se convertir en une haute cathédrale ; peut-être en en posant les fondemens faisait-il chose plus grande qu'il ne croyait. Il écrivait en réalité Il y aura ici un grand concours de peuple ; il se construira une ville, laquelle sera un centre pour le pays qui se déploie en amphithéâtre autour du Léman ; » en d'autres termes il y aura un diocèse de Lausanne et il y aura une patrie de Vaud. *

Les trois évêques qui suivirent Marius ne portent plus le titre de pasteurs d'Avenches, mais des Aventiciens. Le quatrième se nomme évêque de Lausanne. La ville en ce peu de temps avait acquis assez d'importance pour pouvoir donner son nom à l'évêché.

Nous sortons de l'obscurité de ces premiers temps, nous entrons dans l'âge héroïque. Un royaume se forme sur les deux côtés du Jura, et Lausanne en occupe le centre. Le petit empire, fondé par la valeur, se défend par un intrépide courage. C'est le siècle des Rodolphe et de la reine Berthe, un temps d'épreuve, de renaissance et de piété ; il ne devait point bâtir la cathédrale, mais peut-être en eut-il la pensée et la légua-t-il à l'époque qui suivit. Ainsi David autrefois légua le temple à construire à Salomon. Le dixième siècle avait eu la gloire des armes, le onzième éleva le monument le plus beau qui ait jamais couvert et qui probablement doive jamais embellir notre sol.

Plusieurs générations y travaillèrent ; il suffit pour s'en assurer de considérer l'architecture de l'édifice. Le choeur s'appuie sur une petite chapelle en plein cintre, qui peut-être fut celle de Marius, et qui appartient évidemment à une époque reculée. Tout est ogives sous la nef ; mais si je ne me trompe, la partie supérieure témoigne d'un âge où déjà l'on s'écartait de la beauté des formes les plus simples, et où l'art, en cherchant la variété, tournait à l'affectation.

La cathédrale fut donc l'oeuvre d'un peuple, plusieurs générations durant. Ce fut leur luxe et leur industrie. Ce que d'autres générations ont mis à construire des routes ou à ériger des palais, ce que nous faisons servir à rendre agréables les maisons des particuliers, elles l'ont employé à embellir la maison de Dieu. Siècle de foi, âge où les hommes n'agissaient que par un mouvement, n'obéissaient qu'à une pensée, on n'y faisait pas consister le bonheur dans une richesse qui périt ; on le mettait à demeurer pauvre, après avoir versé ses économies dans le trésor de l'Éternel.

Tous travaillaient, bien que par dés mobiles divers. Les uns, comme anciennement les constructeurs de Babel, croyaient par leurs sacrifices atteindre jusques au ciel et mériter la vie éternelle pour prix de leur piété ; d'autres donnaient dans le sentiment de cette femme qui crut ne pouvoir assez faire pour témoigner son amour à Jésus-Christ, et qui répandit sur ses pieds son parfum le plus précieux. Chacun apportait à l'oeuvre la pensée bonne ou mauvaise de son coeur, et Dieu du haut du ciel en a fait la différence et a jugé la foi de chacun.
Ainsi s'est élevée la cathédrale, sur son magnifique piédestal. Les grandes roches, sur lesquelles elle repose, baignaient leurs pieds dans des marais ; une partie de ces marais furent comblés et du lieu qu'ils occupaient une rampe large et rapide conduisit à la maison de Dieu. On commence à monter à peine, que déjà le vaste édifice se présente tout entier aux regards ** : le grand portail, la tour gigantesque avec ses cinq étages *** ses jours, ses colonnes nombreuses, sa grâce et sa hardiesse, puis le corps du temple avec son beau portail des douze apôtres, avec ses auvens, ses arabesques, ses aiguilles, ses dentelures, sa riche broderie, ses détails variés à l'infini et tous ralliés à l'ensemble ; le choeur enfin avec sa flèche élancée, qui semble chercher le ciel.

Aucune construction étrangère à l'édifice n'en voile la majesté. L'antique évêché se tient à distance et le cloître, demeure des chanoines, se cache derrière le choeur. En approchant on arrive au gazon, aux fleurs et aux croix du cimetière. La voie qui circule dans la pelouse est celle que suivent les processions. Nous sommes arrivés assez près pour reconnaître la forme du temple ; c'est la croix. La base en est au couchant et se termine à la grande porte. Le haut de la croix forme le choeur ; la rose est à l'un des bras, tournée au soleil à son midi, et l'extrémité supérieure s'arrondit en tête qui se couronne tous les matins des rayons du soleil levant. L'idée, je dis mieux, le fait de la rédemption, a donné le plan de la cathédrale chrétienne, et il se reproduit à l'infini dans tous les détails de ce monument.

Entrons par le grand portail. Passons auprès de la statue de Saint-Sébastien. Franchissons le vestibule ; voilà l'intérieur du temple qui se révèle à nous dans son entier. La nef est haute de cent pieds ; elle s'appuie sur des chapiteaux que soutiennent vingt faisceaux de colonnes diversement assemblées.
Sur les côtés, entre la colonnade et les chapelles latérales, se prélassent les religieux et cheminent les processions. Au dessus court une haute et frêle galerie de colonnettes fines et légères. Sous le ciel de la voûte, les abscisses des ogives se cherchent, se croisent, se rencontrent dans leur vol, se fuient de nouveau et se jouent avec harmonie dans tous les sens divers.
À travers les prismes des vitraux, à travers la rose surtout, rayonnent dans le choeur, sur les colonnes, sur les voûtes, dans toutes les parties du temple, titille et mille reflets, apparitions brillantes, et comme des messagers d'un monde meilleur et des appels à une vie plus rapprochée de Dieu, plus glorieuse et plus pure.

Partout la pensée rencontre l'infini. Il semble même que le temple à son extrémité se perd dans les profondeurs d'un ciel sans horizon ; l'architecte a atteint cet effet en s'écartant de la symétrie et en cachant à demi, derrière les colonnes du choeur, les croisées par lesquelles il se termine ; les yeux ne rencontrant point le fini, l'âme se tourne vers le mystère, elle se recueille, elle cherche, elle reconnaît le symbole ; cette inclinaison du choeur lui rappelle la tête penchée du Christ, alors qu'il mourait sur la croix pour le salut du genre humain.

Avançons. Pénétrons dans le sanctuaire. Ici dort sous la pierre le saint évêque Henri, dont la main posa les fondemens de la cathédrale. La tradition lui attribue la fondation de tous les temples de Lausanne ; ainsi jadis les Romains rattachèrent toutes leurs institutions saintes au nom pieux de Numa. Non loin de la tombe de l'évêque, reconnaissez celle du chevalier ; l'histoire d'Othon de Grandson est présente à votre mémoire. Voyez à gauche la porte qui du cloître mène dans le choeur ; elle est celle par laquelle les chanoines entrent et sortent. Au milieu du choeur est le grand autel ; observez comme devant sa base le pied de ceux qui viennent adorer a creusé profondément la pierre.
Vous cherchez peut-être le nom de l'architecte qui a conçu le plan du saint édifice ; vous ne le rencontrerez nulle part ; ces hommes de foi, de génie et de long labeur n'ont gravé sur la pierre que le nom de Jésus-Christ ; vous n'en trouverez pas d'autre ici qui n'ait été récemment écrit et depuis la corruption de l'Eglise. Ces chiffres sont ceux des derniers évêques, ces devises, ces armoiries sont celles des Montfaucon. Ces ciselures, ces griffons, ces images satiriques, ces figures où s'est jouée l'imagination de l'artiste, sont d'un âge où l'inspiration avait changé de nature.
Vous avez en entrant remarqué que des deux tours qui devaient s'élever aux deux côtés du portail, une seule est achevée ; la foi n'a pas duré assez pour amener la seconde à sa perfection. Les jours d'enthousiasme passèrent. On avait couru à la croisade ; on en revint avec la réflexion.

Valdo, Bernard, Abailard, ces noms expriment les tendances diverses qui se manifestèrent alors dans la chrétienté. La foi se sépara de l'Évangile. L'Eglise se tourna vers la vente des indulgences. Elle recourut aux dévotions nouvelles.

Ce fut à qui achèterait pour son temple quelque goutte du sang de Jésus-Christ et quelque fragment du bois de la vraie croix. L'évêque à l'approche de la foire de Lausanne envoya quérir à Genève ou dans l'un des évêchés voisins quelque relique nouvelle, qui ranimât le zèle et la superstition. Dès lors Dieu s'est retiré de la cathédrale. Les noms d'hommes y ont remplacé la majesté du sien. L'église profanée et changée en un lieu de marché appelle une réformation.

Cette réformation, au reste, non plus qu'aucune de ce siècle, ne s'accomplira probablement sans révolution. C'est le résultat du double rôle que remplissent de nos jours les conducteurs des troupeaux. L'on ne peut contredire à l'évêque sans attaquer le prince temporel. Il était bien à Grégoire de repousser la main séculière de l'administration des choses saintes ; mais il eût été pareillement de son devoir de père vigilant des fidèles de ne pas laisser l'homme d'Eglise régner en gouverneur de l'État. Tout s'est altéré, tout s'est corrompu, dans l'État et dans l'Eglise, depuis que la même main a cru pouvoir tenir le sceptre et l'encensoir. Les soins du prince ont d'ordinaire absorbé ceux de l'évêque, les intérêts matériels ont prévalu sur ceux des âmes, et le prêtre, que l'on a rencontré mêlé à tous les débats du monde, a perdu l'autorité dont il eût dû faire preuve comme serviteur de Jésus-Christ.

Que renferme depuis trois siècles l'histoire de l'évêché de Lausanne, sinon le narré des querelles du prince avec le duc et avec ses sujets ?
Dès l'an 1240 nous voyons la maison de Savoie aspirer au siège épiscopal, et dès lors à chaque élection a recommencé le débat entre le candidat des comtes et l'élu de la noblesse du pays. Le palais de l'évêque s'est changé en ce château que vous voyez flanqué de tours de terre cuite et entouré de fossés profonds. La montagne de l'Éternel a été environnée de murailles et changée en une place forte. La guerre n'a cessé de renaître avec les barons de Vaud, avec les Gruyère, avec les Villarzel, avec tout le parti de la maison de Savoie. La lutte après trois cents ans n'est pas encore terminée et le Chroniqueur (à sa page 9) a commencé ses récits par raconter le dernier effort tenté par le duc Charles, pour enlever à Sébastien de Montfaucon les droits temporels de l'évêché. Cette tentative a été vaine. La puissance de Savoie se replie. Mais il est un autre ennemi qui menace le prince-évêque de périls qui peuvent être davantage à redouter.

Abaissez vos regards sur les toits nombreux qui se pressent au pied de la cathédrale. Là s'agite un peuple enorgueilli de sa richesse, de sa force, de ce qu'il a et de ce qu'il espère de liberté. C'est ce peuple dont les insurrections assaillent journellement l'évêque et menacent son pouvoir. Naguère il ne formait pas un corps ; il n'avait pas, comme aujourd'hui, ses lois, son organisation, son conseil ; Lausanne formait autrefois plusieurs communautés distinctes et de différente origine. Sur le dos de cette colline qui se courbe entre le lac et la Cité, s'élevèrent les premières demeures. À la vue de Notre-Dame et sur une forte assiette, des hommes libres construisirent des maisons qu'ils eurent soin de bien fortifier. Ils se rangèrent autour de l'évêque-roi et formèrent son bourg, sa forteresse, la gloire et l'appui de sa cité. Barons ou libres, ils possédaient les droits des hommes libres ; ils avaient leurs foires et leurs marchés, levaient péage, rendaient haute justice et étaient les exécuteurs des sentences épiscopales. Du reste, ils dépendaient de l'évêque. « Le Bourg et la Cité, disait-on dans ces anciens temps, sont l'apanage de Marie. Civitas et Bargum allodium Mariae. »

Bientôt la ville s'agrandit. Le marais (ou la Palud) situé au pied du mont de la cathédrale, ayant été comblé, des maisons s'élevèrent sur la place qu'il occupait ; un pont ne tarda pas à se construire sur le torrent marécageux du Flon ; et deux rues descendirent l'une du Bourg, l'autre de la Palud pour se réunir à ce pont. C'était une ville nouvelle qui se fondait, à tous égards bien différente du Bourg et de la Cité.

A la Cité, l'évêque et le clergé siégeaient en leur haut lieu ; la noblesse s'était fortifiée sur la colline ; ici, dans le bas, s'établissait le peuple des artisans, des marchands, des serfs affranchis ou fugitifs ; gens esclaves de hier, sans droits, sans lois, honnis, foulés, d'une origine incertaine. Un reste des captifs qui, sous Rome, cultivaient les terres, les esclaves que fit la conquête bourguignonne, les débris des hordes germaines, tartares ou même sarrasines, voilà ce dont s'est composé le peuple de nos villes et de nos campagnes. Ce sont les hommes dont nous avons emprunté les traits. C'est de cette humiliation que sont sortis ces bourgeois, qui commencent à se montrer si fiers et si jaloux de la liberté. Tout peuple, dans le moyen-âge est né comme d'une crèche. Acceptons cette origine, et apprenons à l'école du chrétien à chercher notre gloire dans ce qui nous a humiliés.

Les nouveaux habitans de Lausanne n'y apportèrent pas, comme les nobles, le droit de juger et de se régir ; mais ils y vinrent avec la nécessité de l'industrie et du travail et ils prospérèrent par la bénédiction de Dieu.

Quelques coutumes empruntées aux usages de Bourgogne leur servirent de premier code ; elles furent écrites en 1568 et formèrent le plaid général.

La ville, cependant, continua de s'agrandir. Une rue se forma le long du temple de St-François et toute une cité nouvelle autour de celui de St-Laurent. On sait le rôle que les Juifs jouaient jadis auprès des princes, le besoin qu'ils avaient de leur protection et le prix auquel ils la payaient ; ils s'établirent aussi à Lausanne et ce fut sous son château que l'évêque leur assigna leur demeure. *1 Bientôt du lieu de leurs habitations une rue descendit vers la Palud. De grands, de fréquens incendies n'arrêtèrent pas la ville des bourgeois dans son développement. Un quartier ne se trouvait pas plus tôt environné de murailles que la population accrue en sortait pour former de nouveaux faubourgs. Ces faubourgs s'avancèrent de tous côtés, hors de St-Pierre, hors de St-François, vers St-Roch **1. Avec tous ces progrès, avec ces embellissemens, la ville, comme vous le voyez, conserve un aspect sévère. Tout est environné de murs et ceint de larges fossés.

Le jour viendra peut-être que la paix et la sécurité viendront habiter les campagnes ; alors les maisons, joyeuses, s'éparpilleront hors des murs ; elles en sortiront comme le peuple dans les jours de fête ; de belles routes escaladeront les monts et courront à travers les prairies ; de riantes demeures couvriront la magnificence de ces côteaux ; c'est alors qu'il sera parlé au loin de Lausanne, de sa gloire et de sa beauté.

Rentrons, pour le moment, dans les murs et revenons au vieil âge. Ce n'était pas à l'extérieur seulement que grandissait la ville des gens du commun.
Les maisons, à l'intérieur, commencèrent à s'étager, les fortunes s'accrurent, les citoyens égalèrent les gentils-hommes en culture, en richesse et en fierté.

L'évêque, dans ses fréquentes guerres, avait souvent besoin des services des bourgeois ; ils marchèrent alors rangés sous les cinq bannières de la Cité, de Bourg, du Pont, de la Palud et de St-Laurent. Les termes de leur service sont fixés par le plaid *2. Dans sa pénurie, l'évêque eut aussi besoin de leur argent, ils en profitèrent pour acheter de lui quelques nouvelles libertés. Les citoyens ayant commencé à avoir des propriétés communes, ils choisirent des syndics pour les administrer. À cette charge les syndics ne tardèrent pas de joindre quelques fonctions de police. La ville était divisée en quartiers : autant il y en avait, autant il y avait de communautés ; elles finirent par se réunir pour former une seule bourgeoisie et un seul corps de cité. Un hôtel de ville fut construit.

Les progrès des citoyens eussent été bien plus sensibles encore, s'ils n'eussent été dépendans du clergé pour leur principale industrie. Le grand commerce de Lausanne est celui des indulgences. La ville est pleine d'hôtelleries qui attendent les pèlerins, et c'est du trésor du temple que l'or descend chez les bourgeois. Enrichis par cette voie, les citoyens se sentent retenus sous la tutelle de l'évêque. Ils n'osent marcher vers l'affranchissement, de peur de s'éloigner de la fortune, De cet état de choses résulte la faiblesse et la corruption. Les Lausannois démoralisés n'avancent qu'en chancelant vers un état meilleur. Ils voient Fribourg, Berne, Soleure jouir de la liberté, les villes du Pays-de-Vaud posséder des franchises étendues, et ils demeurent eux-mêmes en arrière de tout ce qui les environne. Pourtant, durant ces trente dernières années, ils ont fait quelques pas vers la liberté. Dès lors leur histoire n'a plus été que celle des querelles toujours renaissantes des sujets avec leur prince, de l'évêque avec les citoyens.

(La suite au numéro prochain.)

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NOS DERNIÈRES NOUVELLES.

BERNE. Du 29 octobre. Messire Paolo Vagniono, s'est présenté à Berne, comme ambassadeur de l'illustrissime duc de Savoie et en présence de M. d'Estavayer et du secrétaire Fontanel, il s'est adressé à MM. du petit et du grand Conseil en ces termes : « Je viens, a-t-il dit, touchant la vuidance des querelles advenues entre mon prince et vos seigneuries à cause de la ville de Genève. Selon la dernière postulation faite par vos ambassadeurs, vous nous demandez d'expulser les forensis de Peney, ils doivent être déchassés à ce jour ; de donner sûreté à ceux de Genève, d'aller et de venir, de hanter et trafiquer par les pays de Savoie ; Mon seigneur y a mis ordre et leur donne pleine permission, pourvu que sur ses pays ils ne fassent ni ne pratiquent chose contre son autorité et touchant l'affaire de la foi. Que s'il reste quelque fâcherie pendante en ces affaires de Genève, mon prince vous propose par sa grâce de s'approcher jusques à Aoste et de prendre journée d'amitié entre lui et vous. »

À ces discours Messeigneurs ont exprimé un grand contentement. L'idée d'une journée en la val d'Aoste leur a plu, et ils sont convenus avec les ambassadeurs qu'elle se tiendrait le 21 novembre prochain. Ils y enverront leurs commis trouver illec Monseigneur de Savoie, s'il est de son bon plaisir de s'y rencontrer, et ils espèrent que bien par sa grâce achèvera bonne paix de tous côtés.
Cependant ils prient l'excellence de Monsieur de Savoie de retirer tous ses gens d'armes des alentours de Genève et de mettre bonne pacification partout. Et touchant les personnes qui sont détenues à Chillon et à Pignerolles, Messieurs le prient, pour commencement du dit amiable accord, de les mettre en liberté. Ce que les ambassadeurs espèrent qu'il fera. Et Messieurs de leur côté se font fort de faire mettre en liberté les captifs qui, d'aventure, seraient détenus par leurs combourgeois de Genève.

Les choses ainsi arrangées, Messeigneurs se sont hâtés d'écrire aux Genevois de n'entreprendre aucune hostilité, ni par parole, ni par voie de fait contre le Duc et ses sujets ; mais d'attendre tranquillement le succès de l'entrevue, sous peine de perdre leur alliance.
Ils exhortent aussi fortement le bailli et les villes du Pays-de-Vaud à remplir l'engagement contracté par le prince.

GENÈVE, 30 octobre. Les Savoyards continuent à faire des prises sur nous et par représailles nous en faisons sur les Savoyards.
Une vive escarmouche a en lieu le 27 du côté de Gaillard. Aujourd'hui nous venons d'intercepter une lettre du Duc au capitaine de ses troupes, datée du 29 octobre, et dans laquelle il le presse, l'aiguillonne et « lui recommande fort ses affaires. »
À l'intérieur, le peuple est toujours fort après les images. On vient de brûler, au sortir du Conseil, et dans la salle même du Conseil, la belle image de N. Dame de grâce, à la vue de tous.
Nous apprenons la mort du duc de Milan. Le duché échoit à l'empire. L'empereur est attendu.

SOURCES.
Cluvier II, 4 Leu. Levade. Nos propres observations. Notes empruntées aux archives de Nyon. Les topographies et la Collection des privilèges de Vaud, dans la Bibi. de la ville de Berne. Cibrario, documenti. Pièces sur St-Cergues. tirées des archives de St-Claude. J'ai cherché à mettre quelque clarté dans un sujet obscur. Je ne sais si mes autorités ont toujours été pour moi des guides sûrs.


Table des matières

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* Préfère-t-on au motif que nous prêtons à Marius celui que la tradition lui donne ? La Vierge aurait apparu à un bûcheron qui s'était blessé de sa hache, et elle lui aurait apporté la guérison; la chapelle se serait élevée sur la place que les pas divins avaient touchée. Aucun temple ne se construisait au moyen-âge que le sol n'eût été sanctifié par un miracle.

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** La terrasse n'existait pas. Les maisons qui cachent le temple n'étaient pas construites. L'escalier couvert est d'un temps où l'on avait appris à se mettre à l'abri de la pluie, mais où l'on avait perdu le sens de ce qu'est la cathédrale. Sentiment chrétien, amour de la liberté, intelligence de l'art sont nécessaires pour le comprendre.

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*** Elle les avait alors.

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* 1 À la Barre.

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**1 La chapelle de St-Roch, hors de St-Laurent, n'existe plus que dans les dessins que quelques personnes en ont pris.

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*2 Ils marchent à leurs dépens si la campagne n'outrepasse pas les 24 heures, si elle se prolonge au-delà de ce temps, c'est aux dépens de l'évêque.


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Abailard - Aoste - Aruffan - Augsbourger - Avenches - Aventiciens -

Babel - Bargum - Bernard - Berne - Berthe - Bibi - Bourgogne -

Cergues - Challand - Charles - Chillon - Christ - Cibrario - Claire - Claude - Cluvier -

David - Diesbach - Dieu -

Estavayer -

Flon - François - Fribourg -

Gaillard - Genève - Genevois - Gingins - Grafenried - Grandson - Grégoire - Gruyère -

Henri -

Jean - Jésus - Juifs - Julien - Jura - Jussy -

Laurent - Lausanne - Lausannois - Léman - Levade - Louis -

Marie - Marius - Michel - Milan - Montfaucon - Naegueli - Neuchâtel - Numa - Nyon -

Orbe - Othon -

Palud - Paolo - Payerne - Peney - Pierre - Pignerolles -

Roch - Rodolphe - Romains - Rome - Romieux -

Salomon - Savoie - Savoyards - Sébastien - Soleure -

Tabernas -

Vagniono - Valdo - Vaud - Vierge - Villarzel -

Wufflens -

 

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