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TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE

EMPIRE D'ALLEMAGNE.

Empire d'Allemagne - Le Anabaptistes (continuation)
Pays Romand
La Bible en langue française
Un mot sur les translations de la Bible en langue vulgaire.
Nouvelles de Genève
Variétés
Noms propres de cette page

FEUILLETON DU CHRONIQUEUR.
Les pauvres soeurs de Sainte Claire pendant la dispute de religion

Les Anabaptistes. (Continuation).

Chassés de l'Allemagne méridionale par les glaives sanglans de la noblesse, les Anabaptistes se répandirent le long du Rhin, dans les Pays-Bas et dans la Westphalie. Abhorrés des seigneurs et des riches bourgeois, ils étaient accueillis par le peuple et surtout par les pauvres serfs. Bientôt ils eurent à leur tête de nouveaux chefs plus hardis que ne l'avait été Muncer. Jean Matthieu, boulanger de Harlem, se chargea de faire un corps de leurs doctrines et ils publièrent son écrit sous le titre de Livre du Rétablissement. C'étaient les premières maximes de l'anabaptisme exprimées avec une précision et une âpreté nouvelles. Tout l'écrit était dominé par l'idée de la venue du règne libre de Jésus-Christ et de ses saints. « Avant le jour du jugement, disait Jean Matthieu en montrant un passage de l'Apocalypse, il y aura un royaume de Christ sur la terre, et dans ce royaume les fidèles régneront après avoir exterminé jusqu'à la dernière des puissances. Alors tous les biens seront en commun. »

Le livre de Jean Matthieu lui fit un grand renom parmi ses frères. Tantôt ils l'appelaient le Moïse, tantôt l'Énoch, tantôt l'Elie du nouveau règne. Quand il se vit en crédit, il assembla un synode, souffla sur ceux qui le composaient, pour leur communiquer son esprit, et choisit douze hommes, qu'il nomma ses apôtres, pour aller prêcher sa doctrine en diverses provinces ; ces douze en choisirent douze autres à leur tour, et ces envoyés parcoururent la Zélande, le Brabant, la Hollande, la Frise, la Westphalie, poursuivant en tous lieux cette étrange parodie de la première évangélisation. Partout dans les rues, sur les chemins, dans les haies on trouvait de petits traités qu'ils y avaient répandus ; ils y annonçaient la colère de Dieu à tout homme qui n'abandonnerait pas gaîment ses biens et ne se hâterait pas de sortir de Babylone, pour se joindre à eux.

Luther, à les entendre, n'avait su que détruire ; les réformateurs n'apportaient aux âmes que la mort ; eux seuls avaient la vie dans leurs mains, eux seuls prêchaient cette parole qui devait juger les anges et la terre. Il était rare qu'ils se montrassent dans un lieu sans qu'il y arrivât un soulèvement populaire. À Strasbourg, à Mayence et dans les autres villes du Rhin, la multitude essaya d'appliquer matériellement les doctrines de l'anabaptisme ; enfin elle y réussit à Munster au centre de la Westphalie.

La ville de Munster est la capitale d'un peuple de simple renom. Les eaux de la Lippe arrosent ses campagnes. L'art, plus que la nature, en a fait une ville forte. L'évêque, François de Waldeck, qui en est le seigneur temporel et spirituel avait été contraint par les bourgeois de laisser la réforme s'y établir, et, par un traité signé le 14 février 1533, il avait cédé six des églises de la ville aux Luthériens. Ce fut bientôt après que les Anabaptistes pénétrèrent dans la ville de Munster, et qu'ils la remplirent de leurs erreurs. il était parmi eux un homme destiné à jouer un rôle extraordinaire ; son nom était Bécold ou Bockelson ; ils ne le connaissaient que sous celui de Jean de Leyde. Fils d'un bailli de la Haye, il avait perdu ses parens dès son enfance, et avait été élevé à Leyde et forcé de prendre le métier de tailleur. Cependant ses dispositions naturelles suppléèrent au défaut d'instruction. Il se dégoûta d'un état pour lequel il ne se sentait pas né, entra dans le commerce, passa quatre ans en Angleterre, visita la Flandre, Lisbonne, Lubec, revint à Leyde, y épousa la veuve d'un batelier, et établit une petite auberge. Ses goûts continuèrent de l'entraîner vers une carrière plus élevée. Tout en faisant le métier d'aubergiste, il composait des pièces de vers et de théâtre, tenait école de poésie, jouait la comédie, et disputait sur la Bible avec une érudition et une facilité surprenantes. Sa petite maison était le rendez-vous d'une société fort joyeuse. Le jeu, la danse s'y mêlaient aux disputes de théologie. Ce fut une école de plaisir ; mais elle n'enrichit pas le maître de la maison. Il portait d'ailleurs en soi l'ambition d'une fortune plus haute. Au mois de novembre 1533, il abandonna sa femme et son auberge pour se rendre à Munster. On lui avait dit qu'il y rencontrerait les Anabaptistes les plus puissans par la parole ; il les écouta et devint bientôt le plus ardent de leurs néophytes et le plus adroit de leurs prêcheurs.

Vers la fin de l'année, Jean Matthieu, instruit des progrès que ses doctrines avaient faits dans la Westphalie, quitta Amsterdam et se rendit à Munster. Dès qu'il y parut, tous les siens le saluèrent comme le grand prophète, l'envoyé de Dieu. Ils remplirent le pays du bruit de ses merveilles. On vit aussitôt accourir dans la ville une multitude confuse, attirée par le fanatisme ou par l'espoir de pouvoir impunément se livrer aux plus grands désordres. Matthieu, Bécold, Knipperdoling et les principaux des sectaires se mirent alors à parcourir les rues, en criant avec fureur : « Faites pénitence et soyez rebaptisés ; sinon la colère du Seigneur tombera sur vous, parce que son jour approche. »

Effrayé de ces cris lugubres, le peuple accourut en foule pour recevoir le nouveau baptême. Le nombre des fanatiques augmentait de jour en jour. Il y eut des inspirations, des visions, des scènes convulsionnaires. Les magistrats ayant donné l'ordre aux chefs des sectaires de se retirer, ils sortirent par une porte et rentrèrent travestis par une autre. Enfin se croyant assez forts, ils se montrèrent en armes, se saisirent de l'arsenal et de la place publique, et commencèrent à menacer de mort quiconque ne serait pas rebaptisé. Les catholiques et les protestans de leur côté s'emparèrent d'une partie de la ville (Over water), que la nature avait fortifiée, et ils s'y mirent en défense. Trois jours on demeura sous les armes. À la fin, les Anabaptistes, ne se sentant pas assez forts pour réduire leurs adversaires, proposèrent un accommodement. On convint que chacun conserverait sa religion et que l'on vivrait en paix. Cette convention fut le triomphe des sectaires.

Elle n'eut pas été plus tôt conclue qu'ils appelèrent du dehors, par de grandes promesses, tout ce qu'il y avait dans les alentours de pauvres et d'hommes exaltés. Les riches, de leur côté, voyant la ville se remplir d'étrangers, en sortirent le mieux qu'ils purent. Plusieurs se rendirent auprès du prince-évêque qui rassemblait des soldats, leur promettait pour récompense la moitié du butin, et s'avançait pour faire le siège de la ville. De ce moment les Anabaptistes, devenus les maîtres de Munster, songèrent à s'y organiser et à s'y défendre. Ils créèrent pour la gouverner douze juges, qu'ils nommèrent les Anciens du nouvel Israël. Sur ces douze commandaient les prophètes inspirés, et sur les prophètes Jean Matthieu, le plus grand d'entr'eux. Alors commença la terreur. Matthieu commanda, sous peine de mort, d'apporter dans sa maison tout ce qu'il y avait d'or et de pierreries ; puis toutes les armes, puis tous les livres pour qu'il les livrât aux flammes, à l'exception de l'Écriture sainte. Deux filles prophétesses avaient mission de dénoncer qui se rendrait coupable de fraude. On obéit avec une superstitieuse frayeur. Un artisan ayant laissé échapper quelques mots de raillerie, Matthieu le manda et lui passa sa hallebarde au milieu du corps. « Il est écrit, dit-il, que justice se fasse dans la maison de Dieu. » Les lois de la république furent gravées sur des tables et ces tables placées aux portes de la ville. On lisait que ce n'était pas un homme, mais l'Esprit Saint qui les avait dictées. Les vivres furent tous déposés dans des magasins communs ; deux fois le jour on portait la nourriture au peuple qui travaillait aux remparts et aux soldats chargés de les défendre. Une fois seulement tous les trois jours, il était permis aux travailleurs et aux hommes d'armes de passer quelques heures dans le sein de leurs foyers.

L'adresse peut donner l'empire sur la multitude ; mais il ne se conserve point sans courage. Matthieu, voulant montrer le sien, se mit à la tête de ses gens, fit, une sortie vigoureuse, surprit et frappa l'ennemi. Enhardi par ce succès, il rassembla une seconde fois ses soldats, leur promit de la part de Dieu une victoire certaine, et s'élança lui le premier, sans être couvert d'armes défensives, pour se précipiter à leur tête sur l'armée des assiégeans. Mais ceux-ci étaient cette fois préparés à le recevoir ; Matthieu fut tué, sa troupe fut exterminée et la consternation se répandit dans les murs. L'anabaptisme allait mourir avec son prophète, lorsque Jean de Leyde s'avança : « O peuple, s'écria-t-il, n'as-tu jamais lu qu'un prophète soit mort pour Israël ? Ne te souvient-il ni des Maccabées, ni de tant de saints martyrs, dont le sang a coulé pour l'Eglise ? Peut-être vous semble-t-il que celui-ci eut du prévoir son destin; vous ignorez donc qu'à l'un Dieu révèle telle manifestation et qu'il accorde telle révélation à l'autre. C'est moi que l'Esprit-Saint a visité à l'heure où Matthieu courait à l'ennemi ; il m'a appris que l'heure du prophète était marquée et m'a fait savoir que nous ne devons point pleurer celui qui est allé trouver son lieu dans le ciel. » Il dit et la multitude d'applaudir.

Bientôt Jean de Leyde se lève, se dépouille de ses vêtemens et feignant d'obéir à l'enthousiasme, il parcourt toute la ville en criant : « Sion, ton roi, le voici ; Sion, voici ton roi. » La multitude s'assemble dans l'étonnement ; on interroge Bécold ; il ne peut répondre. Il fait comprendre par un signe que le ciel a lié sa langue pour trois jours. Tout ce temps le peuple demeura dans l'attente ; au troisième jour un prophète s'éleva ; c'était Knipperdoling, un cardeur de laine ; il parle et exprime la volonté de Dieu : « Dieu relève, selon sa promesse, le trône puissant de David ; il ordonne que Jean de Leyde s'y asseye, et qu'il épouse la veuve de Jean Matthieu. Les églises seront rasées. Tout ce qui s'élève sera abaissé. Vous élèverez au contraire ce qui est humble et vous établirez de nouveaux juges sur Israël ; le roi fera des lois nouvelles ; sous lui s'accompliront les grands événemens promis au peuple de Dieu. » - Jean de Leyde s'inclina, reconnut la volonté divine, accepta la royauté et, pour premier acte, il remit à Knipperdoling le glaive, le glaive tranchant du bourreau.

Cependant le peuple hésitait encore. Les douze anciens, dépossédés par le pouvoir nouveau, se refusaient à quitter leurs sièges. Alors Jean de Leyde en appela à un nouveau prophète. Il se trouvait là un orfèvre de Warmdorf, nommé Tuscoschierer : « Parle, lui dit Bécold, et prononce la volonté de Dieu. Tuscoschierer ordonna d'assembler Israël. Les cloches sonnèrent, le peuple se réunit. « Écoute, dit alors le prophète, Israël, écoute ce que ton Dieu t'ordonne. Vous déposerez les juges de leurs charges, vous choisirez douze hommes ignorans pour annoncer au peuple ma parole. Et toi, Jean de Leyde, reçois ici l'épée que le Seigneur ton Dieu te donne, il t'établit roi pour régner non seulement sur Sion, mais encore sur toute la terre. » -

À cette heure (le 24 juin 1534) Bécold fut salué roi par le peuple des Anabaptistes. Une couronne d'or ceignit sa tête et il s'offrit aux yeux de la multitude, dans la pompe et l'éblouissant appareil d'un monarque de l'Orient. Les longs plis de son vêtement resplendissaient de l'éclat de l'or, de la pourpre et des pierreries. Une Bible était portée à sa droite ; à sa gauche, un glaive étincelant. Bientôt une garde lui forma cortège et un corps brillant d'officiers entoura sa personne. Une monnaie nouvelle fut frappée à son effigie, avec ces mots : « Une foi, un Dieu, un baptême. »

Les armes du nouveau roi étaient un globe percé de deux glaives et surmonté d'une croix. Il établit Knipperdoling gouverneur de la cité. De nouveaux apôtres furent envoyés dans les provinces, tant pour y demander du secours que pour y répandre les doctrines du livre du Rétablissement.

Maître du trône et du pouvoir, Jean de Leyde jugea que l'heure était venue de lâcher le frein à ses désirs. Il est rare que le désordre des sens n'accompagne les égaremens de l'enthousiasme. Le nouveau roi fit connaître qu'il avait eu en songe une révélation, et il jura par le ciel qu'un dogme lui avait été révélé. Il avait appris que dans l'âge heureux promis aux saints par le Seigneur, non seulement les biens seraient communs, mais qu'il serait accordé à l'homme de pouvoir être l'époux de plusieurs femmes. « Voyez, dit-il aux docteurs, si la chose est contraire ou conforme aux Écritures, et si je vous ai dit la vérité, prêchez-la trois jours à la congrégation d'Israël. »

Les docteurs furent contraints d'obéir. Plusieurs jours durant, ils s'employèrent à façonner les imaginations à la licence de la loi nouvelle, à corrompre les consciences et à bannir toute honte des coeurs. Puis Bécold, usant le premier de ce qu'il appelait le privilège des saints, donna l'exemple en épousant trois femmes. Une seule d'elles, c'était la veuve de Jean Matthieu, prit le nom et la riche parure d'une reine. Bientôt le dérèglement du despote croissant avec sa tyrannie, douze et jusqu'à seize femmes lui furent subordonnées. La multitude, imitant son prophète, se jeta dans ce que la luxure a de plus aveugle, de plus brutal et de plus effréné. Ce fut un crime que de ne pas user de la liberté chrétienne. À la polygamie fut ajoutée la liberté du divorce. Il n'y eut forfait qui ne fut commis de ceux que peut se permettre la passion, quand elle a rejeté le frein des lois et le sentiment de la pudeur. Et ces voluptueuses fureurs se couvrent du nom de la religion ! Et ces débauches infâmes s'allient aux austérités du fanatisme !

Et cependant l'évêque de Munster a vainement cherché, à plus d'une reprise, à soulever le peuple contre le despotisme qui le régit. Actif, vigilant, Jean de Leyde a jusqu'à ce jour déjoué tous ses efforts. Du sein des plaisirs, il sait contenir le peuple par la terreur. Les princes de la Germanie ont pourtant fait taire leurs querelles, afin de s'allier contre lui.

Frémissant de l'injure faite à leur dignité et de l'outrage qu'a reçu le nom chrétien, ils se sont assemblés à Coblence à la fin de l'année dernière, et ils viennent, en ce mois d'avril, de se réunir à Worms, pour convenir du secours à fournir au prince-évêque. Ils ont promis de lui donner un subside de 120,000 écus et de lui envoyer leurs soldats.

Luther, de son côté, a fait entendre son cri de guerre. Les troupes sont venues de toutes parts. Le commandement a été donné au comte d'Oberstein, officier d'expérience et, depuis les jours du printemps, la ville se trouve cernée avec un soin tout nouveau. Dès lors aussi la famine a commencé d'y régner. On nous assure que malgré l'économie qui préside à la distribution des vivres, bien des infortunés y sont déjà morts de faim. On raconte que l'une des femmes de Jean de Leyde, touchée de compassion pour ces victimes, s'était laissée aller à comparer leur détresse aux délices de la table royale ; le tyran, dès qu'il l'a su, l'a fait amener sur la place publique, l'a fait mettre à genoux et a fait voler sa tête en la vouant à la malédiction ; puis ses autres femmes, formant un choeur, se sont mises à chanter un cantique d'actions de grâces, à danser d'un pied joyeux, et à encourager le peuple à oublier sa détresse et à se joindre à leur jubilation. Telle est la situation de la malheureuse cité.

Plusieurs tentatives faites par les Anabaptistes Hollandais de se saisir de l'autorité dans leurs villes, plusieurs essais faits par eux de secourir leurs frères de Munster ont successivement échoué. Plus d'espoir pour les assiégés. Il est impossible qu'ils ne succombent tôt on tard sous les efforts de l'Allemagne conjurée. Tel est cependant l'ascendant de Jean de Leyde sur la multitude fanatisée, telle est la foi crédule du peuple à ses visions et à ses prophéties que les malheureux ne doutent point d'une délivrance prochaine.
On en a bien vu quelques-uns s'échapper de la ville dans leur désespoir, et venir tout décharnés se jeter dans le camp des assiégeans ; mais la plupart attendent encore avec confiance leur salut de quelque miracle du ciel.
« Ainsi, c'est Luther qui parle, ainsi les mènent les démons, qui sont tous venus habiter parmi eux ; les fourbes ne cessent de les conduire par des chemins détournés et par des voies souterraines.

Vous les avez vus jadis les enseigner à prendre le visage austère, à pencher la tête, à jeûner, à ne point toucher à l'argent, à s'abstenir de viande, à avoir horreur du mariage, à refuser toute supériorité, à montrer une humilité singulière, et vous voyez jusqu'où ils les ont fait venir. Telle est la marche du démon, telle est sa ruse et sa méthode. Et plût à Dieu qu'il n'y en eût pas de plus rusé et de plus à craindre que celui de Munster. Pourvu que Dieu ne nous prive pas de sa Parole, peu de gens ajouteront foi à un maître si grossier et si peu sobre. Mais il est d'autres démons à qui une étincelle suffirait aussi pour allumer un incendie ; et Dieu nous a rendus témoins des fureurs de celui-ci, pour nous prêcher par un grand et mémorable exemple, la vigilance, la prudence et la modération. »

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PAYS ROMAND.

La Bible en langue française.

Voici une chose bien nouvelle et bien surprenante. Ces saintes Écritures, ce livre des livres, ce fondement de l'Eglise, que ses docteurs tenaient jusqu'à nos jours si soigneusement caché, la Bible, la voilà aujourd'hui imprimée en bonne et simple langue française, intelligible à tout lecteur. Nous l'avons vu de nos yeux. Le volume est un gros in-folio. Il ne porte que ce simple titre :
« La Bible, qui est toute la sainte Écriture ; » et pour épigraphe : Dieu en tout. » À la dernière page se lit le nom de l'imprimeur. Il y est écrit : « Achevé d'imprimer en la ville et comté de Neuchâtel, par Pierre de Wingle, dit Pirot Picard, l'an 1535, le 4e jour de juin. »

Pour dire plus exactement, c'est à Serrières que s'est faite l'impression. Le typographe est picard de nation ; de là les bonnes gens de Neuchâtel l'ont appelé Pirot ou Pierrot le Picard. Ils lui ont donné la bourgeoisie. Le livre est fort beau, bien imprimé, sur deux colonnes. Il commence et finit par quelques vers adressés aux lecteurs, bien plats et bien mauvais. Je veux pourtant ici retracer les derniers de ces vers, parce qu'en réunissant les premières lettres des mots qui les composent, ils nous donneront le secret de l'origine de cette publication :

Lecteur, Entends Si Vérité Adresse.
Viens Donc Ouïr Instamment Sa Promesse
Et Vif Parler, Lequel En Excellence
Veut Assurer Notre Grande Espérance.
L'esprit Jésus, Qui Visite Et Ordonne
Nos Tendres Moeurs, Ici Sans Cri Étonne
Tout Haut Raillard Écumant Son Ordure.
Remercions Éternelle Nature,
Prenons Vouloir Bienfaire Librement,
Jésus Querons Voir Éternellement.

Assemblons maintenant les premières lettres de chaque mot ; et nous nous trouverons en avoir fait les deux vers suivans :

Les Vaudois, peuple évangélique,
Ont mis ce thrésor en publique.

Chose en effet bien digne d'attention. Ce sont les Vaudois d'Angrogne, de Luzerne, de Freysinières, de Cabrières, de Mérendol, de la Calabre ; c'est le pauvre peuple des vallées des Alpes et des Apennins, qui a réuni la somme nécessaire pour exécuter ce grand labeur. Dépouillés, maudits, traqués dans leurs montagnes, aux plus reculés des lieux habitables, les Vaudois ont le crime d'avoir conservé de siècle en siècle la foi de l'Eglise des premiers temps.

Inoffensifs, leurs doctrines sont celles qui les enseignent à prier pour leurs ennemis. Ils croyaient, bien avant Luther, ce que prêchent les réformateurs. Aussi leur surprise et leur joie ont-elles été grandes, quand jusques dans leurs vallées est arrivé le bruit de ce que l'Évangile opérait parmi les nations. Dans leur étonnement et leur bonheur, ils ont choisi quelques-uns de leurs barbes ou pasteurs, et les ont envoyés reconnaître cette oeuvre de Dieu et s'informer de la doctrine et des moeurs des prédicateurs nouveaux. Les barbes, de retour dans leurs vallées, ont eu des merveilles à raconter. Ils avaient conversé avec Zwingli, avec Bucer, avec Oecolampade ils avaient entendu de lieu en lieu prêcher le pur Évangile dans les temples ; ils avaient vu le souffle de l'Éternel se mouvoir partout sur la terre et relever le peuple des morts.

C'était le règne de Dieu qu'ils avaient vu s'approcher. Alors les Vaudois conçurent à leur tour le désir d'être visités par leurs nouveaux frères. Ils leur écrivirent et les prièrent de leur envoyer des députés. Une assemblée se tint à Angrogne, le 1-2 septembre 1532, et ils eurent la joie d'y voir assister, comme les représentans de la réforme, Farel, Olivétan et Saulnier. C'est dans ce synode (le Chroniqueur, à sa page 29, en a déjà dit quelque chose) que fut prise la résolution de translater en langue française le grec et l'hébreu de l'Ancien et du Nouveau Testament. Que de fois déjà ce voeu de voir les Écritures mises à la portée de tous était sorti du coeur de Farel ! que d'instances il avait déjà faites à ce sujet à ses amis ! Or Olivétan (ou d'Olivet), l'un de ses deux compagnons de voyage, savait assez bien le grec et passablement l'hébreu. Il connaissait quelque peu l'italien et l'allemand, et partant il pouvait profiter des traductions qui venaient d'être faites en ces deux langues. Il pouvait encore faire usage des nombreux fragmens des Saintes Écritures conservés, en leur patois, dans la mémoire des habitans des Vallées et des quelques morceaux que leurs pasteurs en avaient mis par écrit. Tous les frères se tournèrent vers Olivétan et lui imposèrent la charge du grand travail que l'on venait de décider. Il y a employé ces deux années et demie. Errant, ballotté, nous l'avons rencontré à Genève précepteur dans la maison de Jean Chautemps (Chroniqueur, page 37) ; et nous l'avons vu bannir de cette ville. Il dut courir plus d'une fois de Neuchâtel aux Vallées, et des Vallées à Neuchâtel. Il dut se mettre en correspondance avec les hommes savans de la réforme.

On nomme parmi ceux qui lui ont prêté secours un jeune homme d'un grand savoir, son parent, et dont le nom est Calvin. Les Vaudois cependant s'occupaient à prélever sur leur pauvreté la somme nécessaire pour fournir aux frais de l'impression. J'ai sous les yeux une lettre où il est fait mention de 500 écus d'or, qu'ils envoyaient à Neuchâtel pour cet emploi. Un passage de cette lettre m'a frappé. Les porteurs d'une somme aussi considérable, du nombre desquels était Olivétan, racontent leur retour par Vevey, par Aigle et par le St-Bernard (1*). Arrivés à Bex, deux d'entr'eux y tombèrent malades, et leur voyage s'étant prolongé par cet accident, la bourse commune se trouva vide au bout de peu de jours, tant les pieux voyageurs, dévoués à leur grande oeuvre, avaient fait petite la part réservée à leurs propres besoins. C'est au milieu de ces vicissitudes, c'est à travers la maladie, les voyages et les occupations diverses que cette grande entreprise s'est achevée, et l'Eglise vient à cette heure d'être mise en possession de son résultat. Avec quelle pieuse allégresse, Olivétan n'a-t-il pas dû voir son travail arrivé au terme ! avec quelle douce joie n'a-t-il pas dû tracer les lignes suivantes, placées à la tête du volume, et qui renferment la dédicace qu'il en a faite au peuple chrétien !

« C'est Pierre Robert Olivetanus, l'humble et petit translateur, qui s'adresse à l'Eglise de Jésus-Christ :
« La bonne coutume, lui dit-il, a obtenu de toute ancienneté, que ceux qui mettent en avant quelque livre en public le viennent à dédier à quelque prince, roi ou empereur. Laquelle manière de faire n'est point totalement maintenue sans cause. Car avec ce qu'on est affriandé par l'expectation d'un royal remercîment, aucuns ont bien telle prudence qu'ils ne recevraient un écrit, s'il ne portait la livrée de quelque très-illustre, très-excellent, très-haut, très-redouté, très-victorieux, très-sacré, béatissime et sanctissime nom.
Pourtant après avoir vu tous les écrivains trotter l'un à son Mécénas libéralissime, l'autre à son patron colendissime, je, ayant en main cette présente translation de la Bible, n'ai pas tant fait pour icelle dame coutume et ne suis point entré en cette voie des Gentils. Aussi tel livre n'a-t-il que faire de faveur, support, ni aveu humain, ni de puissance ou paternité quelconque, fors que de toi, o paoure petite Église et de tes vrais fidèles, savans en la connaissance de Dieu.

J'adresse donc à toi seule ce trésor et ce de par un certain paoure peuple le tien ami et frère en Jésus-Christ, lequel depuis qu'il en fut jadis doué par les apôtres, en est toujours demeuré en jouissance et fruition. Et maintenant ce peuple, te voulant faire fête, te donne ce que tu souhaites. Il m'a donné cette charge, de tirer cette Parole hors des armoires grecques et hébraïsantes pour la mettre et la ranger en ces bougettes françaises puis en faire un présent à toi, ô paoure Église, à qui rien l'on ne présente. Et certes je ne vois raison pourquoi il se dût donner à autre qu'à toi, qui es tant mince et tant amaigrie qu'il ne te reste que la peau. Vraiment cette offre t'était due comme contenant ton patrimoine, a savoir cette Parole par laquelle, par la foi que tu as en elle, en pauvreté tu te réputes très-riche ; en solitude, bien accompagnée ; en tourmens, allégée ; en périls, assurée ; en adversités, prospère ; saine en la maladie et vivifiée en la mort. Je te présente ce don d'icelui paoure peuple d'aussi joyeuse affection que de bon coeur il t'est envoyé. Et n'ai honte de t'adresser un tel présent royal, bien que tu sois si malotrue et que tu aies le plus souvent en ta famille aveugles, boiteux, impotens, simples et idiots, vu que Christ s'est donné à telle manière de gens abjects, humbles et petits, qu'il mène vers son royaume. C'est sa petite bande invincible, sa petite armée victorieuse, à laquelle (comme un vrai chef de guerre) sa présence donne courage et de laquelle il chasse toute frayeur par sa vive et vigoureuse Parole.

Mais ne te voudrais-tu point enquérir quel est cet ami inconnu et cet étrange bienfaiteur qui se mêle ainsi de te donner le tien ? Écoute, le paoure peuple qui te fait ce présent a été plus de 300 ans banni de ta compagnie. Épars aux quatre parties de la Gaule, il est (à tort toutefois et pour le nom de Christ) tenu le plus méchant que jamais fut. Les nations emploient son nom pour extrême injure et reproche.

Toutefois c'est le vrai peuple de patience, lequel en silence et en espérance a vaincu tous assauts. Ne le connais-tu point ? C'est ton frère, ton Joseph, qui ne se peut plus tenir qu'il ne se donne à connaître à toi. Il attendait toujours que tu vinsses à reconnaître ton droit, qui t'est commun avec lui, et duquel il lui déplaisait d'être en jouissance sans toi. Long-temps il t'a vue au service de tant rigoureux et difficiles maîtres, trotter mal accoutrée, mal menée, morfondue, en si piteux état qu'on t'eût plutôt jugée être quelque paoure esclave, que la fille et l'héritière du Dominateur.

Te voyant tant misérable, ton frère s'est souventes fois ingéré, en passant et repassant, de t'appeler sa soeur. Mais toi, tout hébétée de tant de coups, de peines et de travaux, tu passais outre et tu allais ton chemin. Tu ne t'apercevais pas que tes religiosissimes maîtres n'avaient nulle pitié de toi, qu'ils ne te daignaient aider du petit doigt seulement, et n'ont même essayé, par manière de passe-temps, la pesanteur des fardeaux sous lesquels tu étais accablée.

Et maintenant que tu es un peu revenu à toi et que tu commences à connaître de quelle race tu es, ce peuple, ton frère s'avance et t'offre amiablement son tout. Or, avant donc, paoure petite Église, encore en état de chambrière et de servante. Va décrotter tes haillons, tout souillés de traditions vaines. Va laver tes mains toutes sales de faire l'oeuvre d'iniquité, afin que tu reçoives ton bien honnêtement, ainsi qu'il le veut. Veux-tu toujours ainsi être à maître ? n'est-il pas temps que tu écoutes ton Époux ? Christ t'aurait-il aimée en vain ? aurait-il perdu les peines lesquelles il a prises pour toi ? préfères-tu les ombres claustrales ? prises-tu plus les secrets chopinemens sous tes maîtres, que la table plantureuse et délicieuse de ton riche Époux ? Lui veux-tu point donner ta foi ? Qu'attends-tu ? n'y a-t-il pas assez de biens en la maison de son Père ? As-tu doute, as-tu peur ? as-tu suspicion ? Paourette, n'est-ce pas lui qui donne vie immortelle ? N'aie égard à ta petitesse, puis qu'il te considère en sa hautesse et qu'il lui plaît d'élire les choses basses pour faire honte aux choses altières. Ne te chaille, oublie tant seulement la marâtre que tu as si long-temps appelée ta mère. * Il est bien vrai que de ta part tu ne pourrais appâter à ton Époux chose que vaille ; paourette, mais qu'y ferais-tu. ? Viens donc hardiment, avec ta cour ; viens avec tes injuriés, tes emprisonnés, tes bannis ; viens avec tes tenaillés, tes flétris, tes démembrés. Il les veut comme lui-même il a été en ce monde, et il les appelle aimablement ; n'est-ce pas pour les soulager, les enrichir, et les faire triompher avec lui en sa cour célestielle ?

Maintenant donc, o noble Église, heureuse épouse du Fils du Roi, accepte cette Parole, où tu pourras voir la volonté de Christ le tien Époux (1). »

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Un mot sur les translations de la Bible en langue vulgaire.

Il serait difficile de dire quel jour fut le plus grand entre les jours de la réformation, de celui où Luther réduisit en cendres la bulle du pape, ou de celui auquel la Bible, traduite en langue vulgaire, fut par lui donnée au peuple allemand. Que l'on se représente bien l'oeuvre qui s'accomplit de nos jours. Aucun des réformateurs n'a fait appel à la raison. Aucun d'eux n'a en son propre nom fait appel au peuple chrétien. Tous, pressés de trouver un appui, ont ouvert les Écritures, et c'est l'Évangile en main qu'ils se sont levés devant Dieu, devant le pape et devant les fois. Ils ont appelé de l'Église telle qu'ils l'ont trouvée à l'Eglise des temps apostoliques ; voilà leur oeuvre, ils n'ont fait ni plus ni moins.

Remettre la Bible en lumière, publier de nouveau devant les nations la charte du peuple chrétien, c'est tout ce qu'ils ont voulu. Le jour où ce but a été atteint peut donc être considéré comme le grand jour, comme l'ère de la réformation. Jusqu'à ce que ce fait fut accompli, le protestantisme se présentait avec le caractère instable d'une oeuvre d'homme ; avec les apparences d'une révolution plus que d'une réforme, d'un fait politique plus que d'un fait religieux.

On se le représentait brandissant son audacieuse cognée, frappant, dispersant, déracinant les abus et l'on était à attendre ce qu'il ferait pour l'édification. Eh bien, le voici qui donne aux hommes l'Évangile et qui l'ouvre devant les yeux de tous Il pose ses doctrines ; il promulgue sa loi ; il dessine son caractère, et ce caractère est tout biblique, Ici commence son second âge et son époque d'organisation ; l'étude de la Bible est ce qui le distinguera ; l'étude de la Bible, mais faite ouvertement, au grand jour, en présence du peuple chrétien et non plus, comme elle se faisait, dans les murs sombres des couvens, ou sous les pesantes chaînes de l'école. C'est sur ce terrain que la réforme va développer son sens moral, dogmatique, profond.

Les Écritures n'étaient plus comprises par les prêtres ignorans ; et déjà des hommes de grand savoir ont commencé de les expliquer dans les universités régénérées. Les éditions des livres saints en hébreu. en grec, en latin se succèdent rapidement. Voilà ces livres traduits en allemand, en anglais, en italien, en français. Le peuple chrétien est réintégré dans la possession de ses titres et de sa constitution. Les sermons, rares qu'ils étaient, étaient prêchés en latin ; sous prétexte du respect dû à la sainteté du temple, on en avait banni la langue intelligible ; et les textes sacrés sont aujourd'hui partout l'objet de simples développemens.

Enfin le peuple ne savait pas lire, et la réformation fonde en tous lieux des écoles. Elle crée des instituteurs. Où le pasteur n'en trouve pas, son dévoûment y supplée, et lui-même il montre les lettres aux enfans ; car rien ne paraît trop bas à ces fils de l'Évangile. Bientôt grâces à ses soins, inspirés par Jésus-Christ, les sources de la foi se trouveront devenues accessibles à tous, les passages des Écritures seront dans toutes les bouches et la Bible sera descendue jusqu'aux enfans, Telle s'annonce l'époque dans laquelle nous venons d'entrer.

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NOUVELLES DE GENÈVE.

 

14 juin. J'espérais avoir aujourd'hui maints détails à vous donner sur la dispute de religion et je me vois trompé dans mon attente. Les combattans ont manqué à la bataille. Autres adversaires ne se sont présentés que le jacobin, et le docteur dont je vous ai entretenu. Le jacobin Jean Chappuis a paru aux premières conférences ; puis un jour tout à coup : « Je souhaiterais bien, dit-il, de continuer à me trouver ici ; mais mon Provincial m'appelle à Besançon et je dois vous prier de me permettre d'obéir. »

Messieurs ont ordonné qu'il demeurerait encore cinq jours à prendre part à la dispute ; puis ils l'ont laissé partir, je le crois, converti dans le coeur. Il n'est resté dès lors pour défendre la cause du pape que le docteur Pierre Caroli, qui paraît plus touché du désir de faire briller son esprit que de zèle pour la cause qu'il a le nom de soutenir.

J'ai recueilli sur cet homme quelques détails. Il est natif de Rosay, en Brie, dans le diocèse de Meaux. Soit qu'il eût montré du penchant pour la réforme, soit que sa vanité l'eût fait haïr de ses confrères, il fut chassé de la Sorbonne, il y a de ce dix ans. On ne sait dès lors s'il tient pour le pape, dont il a beaucoup de mal à dire, ou pour l'Évangile, dont il est loin d'avoir les moeurs. Lorsqu'il vint à Genève, l'an passé, Farel qui l'avait connu à Paris, et qui savait les désordres de sa vie, l'exhorta sérieusement à penser à sa conscience et à servir vraiment le Seigneur.

Je ne sais si Caroli tint compte de cet avis, mais un jour que Viret prêchait contre l'impureté, on le vit tout à coup sortir du temple en fureur, persuadé que c'était lui que le prédicateur avait en vue, et on l'entendit s'écrier : « Quoi ! ces gens toujours ? qu'ils attendent, je m'en vengerai. »
C'est bientôt après que la dispute a été dressée, et Caroli y est venu, je ne puis dire disputer pour le pape, mais plutôt essayer de susciter, si l'occasion s'en présentait, de l'embarras à Farel et à Viret, déployer en tout cas son savoir et faire sa cour à Messieurs. Aussi commence-t-il toujours par dire que « s'il fait des objections, ce n'est pas qu'il improuve la doctrine des prêcheurs, qu'il sait être orthodoxe et sainte ; qu'au contraire il est de tout son coeur dans leurs sentimens ; mais qu'il prend la parole pour faire tant mieux ressortir, combien la vérité de Jésus-Christ est forte, et combien elle est impénétrable à tous les traits des papistes. »

Sa vanité a paru en ce que dès l'ouverture de la dispute. il a mis sur le tapis cette question : « A l'égard de quelle nature Jésus-Christ a-t-il la domination du ciel et de la terre ? Si c'est, a-t-il dit, à l'égard de la nature divine, cette domination ne lui a pas été donnée depuis son incarnation ; si à l'égard de la nature humaine, elle est dévolue à sa mère par droit d'héritage, depuis qu'il est mort sans enfans. » - Farel, avant de répondre à cette objection, a fait observer qu'on n'était pas réuni pour traiter des questions semblables, que le but de la dispute était de montrer au peuple assemblé que les doctrines des réformés étaient vraiment tirées de la Parole de Dieu, et qu'en sortant du champ convenu de la controverse on tromperait l'attente des auditeurs.

Vous le voyez, il n'y avait pas là, quoi qu'on puisse dire, de sérieux défenseurs des vieilles choses. Mais à défaut de discours les faits se sont chargés de plaider. Voici (je montre Froment, Farel et Viret), voici des hommes qui, il y a trois ans, sont venus dans Genève, portant leur vie dans leurs mains, l'offrant gaîment à Dieu et ne craignant point de prendre la parole, bien que le peuple fut alors tout entier contre eux. En voilà d'autres (je montre les prêtres), qui refusent le combat, aujourd'hui qu'il leur est offert à chances bien moins inégales. Les voilà tous muets, pas un seul parmi eux de ces hommes que la foi contraint de parler. Ce fait n'a-t-il pas un langage ? et ce langage est celui que le peuple comprend le mieux. Aussi les Citoyens n'attendent-ils pas pour se prononcer que la dispute soit à sa fin. Chaque jour amène à la réforme quelques amis nouveaux. Les hommes ardens sont arrivés les premiers où ils ont vu la liberté et le courage. Peu à peu viennent les âmes que Dieu mène ; les unes altérées de justice, à qui les prêcheurs ont fait connaître d'où vient à l'homme le secours ; les autres abattues sur le chemin, à qui le pardon du ciel, rafraîchissante rosée, a rendu la vie et la vertu. Ce sont des orphelins à qui l'Évangile a donné un Père ; des coeurs travaillés, à qui il a apporté la paix ; des âmes gémissantes, à qui il a donné de comprendre que ce que l'homme ne peut faire, Dieu l'achève dans sa bonté. Ces hommes destinés à croire viennent se ranger les uns après les autres, tous donnant gloire au nom de Dieu. Déjà même commence de venir sur leurs pas cette foule qui va où va la victoire, et qui ne tardera pas à se porter comme un torrent dans l'église de la réformation (2).

 

SOURCES.

. (1) Ruchat. Les Manuscrits de Choupard. Gilles, Histoire des Vaudois. Les Avant-Propos de la Bible d'Olivétan. - Cette version d'Olivétan est demeurée, avec peu de Modifications, le texte à l'usage des réformés français. Le travail de ces premiers traducteurs est surprenant ; beaucoup de connaissances leur manquaient ; mais ils avaient l'Esprit de la Bible et cet Esprit les servait bien.

.(2) Nos sources accoutumées et de plus Ruchat, seconde partie (encore manuscrite) à l'année 1537. Galazii defensio, page 17 et suivantes. Dupin, Bibl. écl. XIII.

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VARIÉTÉS.

 

Presque en même temps que notre version française, viennent de paraître la traduction italienne et la traduction anglaise de l'Écriture sainte. Il existait bien d'anciennes traductions italiennes des saints livres, faites d'après la Vulgate.
Celle de Nicolo Malerbi a été réimprimée vingt fois en Italie depuis le commencement du siècle ; mais n'en est pas moins écrite dans un style qui la rend peu digne de cet âge.

Les hommes pieux et les savans désiraient depuis long-temps une version moins barbare et plus conforme à l'original.
Elle a été à la fin entreprise par Antoine Bruccioli, de Florence. Bruccioli joint à la connaissance de l'hébreu l'instruction classique qui distingue cette illustre cité. Après avoir brillé parmi les académiciens de Florence, il fut exilé pour avoir pris part à la résistance opposée sans succès aux usurpations des Médicis. Il voyagea en France et en Allemagne, d'où il revint l'esprit enrichi de nouvelles connaissances et impatient de rehausser la gloire de sa patrie.

Mais sur de simples soupçons d'hérésie, il fut une seconde fois banni de Florence et courut risque de périr. Il a trouvé un asile à Venise, où il a établi, avec deux de ses frères, une imprimerie au moyen de laquelle il a publié sa traduction. Il a fait paraître en 1530 le Nouveau-Testament, et durant les années qui ont suivi, les autres parties dit Livre saint. Je ne sais s'il sera placé au rang des protestans ; mais dans les préfaces et les commentaires, qui accompagnent sa traduction, il établit le droit qu'ont tous chrétiens de lire la Parole de Dieu, avec une vivacité de style et des sentimens dignes d'un ami de la réforme. La Bible de Bruccioli se répand en Italie avec un prodigieux succès.

Un écoulement plus rapide encore attendait la version anglaise de Tyndal. Deux amis, Fryth et Tyndal, aussi remarquable l'un que l'autre par la piété et le savoir, l'ont commencée de concert ; il a été donné au dernier seul de l'achever. Fryth, condamné en 1533, par les évêques d'Angleterre, à être brûlé vif, a accru le nombre des martyrs. Son ami, réservé pour être l'apôtre de l'Angleterre, comme déjà l'on entend plus d'une bouche l'appeler, réussit à s'enfuir ; il se réfugia dans les Pays-Bas et y a achevé sa translation des Saintes Écritures. Elle se répand rapidement dans toute l'Angleterre.
Les évêques en ont conçu une grande fureur. Ils ne négligent rien pour arracher le volume de la main des hommes. On raconte (une histoire appelle une autre histoire) que l'évêque de Londres, étant fort en souci de savoir comment ou pourrait faire disparaître l'édition, prit conseil d'un marchand, secret ami de Tyndal. « Achetez tous les exemplaires » lui a répondu celui-ci. L'Évêque trouva l'avis bon, donna l'argent et le marchand l'envoya à Tyndal, lui végétait dans l'exil. La somme a servi à faire une seconde édition. Tyndal cependant n'a pas vu la fin de cette nouvelle entreprise. Il vient d'aller de vie à trépas.
Poursuivi dès longtemps par les théologiens de Louvain, il a fini par être pris à Anvers, par être détenu en dure et longue captivité et par subir à Wiword, en Brabant, sa sentence de mort. Il a été brûlé vif et a quitté la terre, laissant un grand exemple de constance et de vertu après lui.


Table des matières

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1* Des compagnons d'Olivétan l'un se nomme Adam, et est celui qui écrit la lettre ; l'autre est Martin Gouin, bien connu des amis de l'Évangile.


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Noms propres de cette page:

Aigle - Allemagne - Alpes - Anabaptistes - Angleterre - Angrogne - Antoine - Anvers - Apennins

Babylone - Bécold - Bernard - Besançon - Bockelson - Brabant - Brie - Bruccioli - Bucer

Cabrières - Calabre - Calvin - Caroli - Chappuis - Chautemps - Choupard - Coblence

Dupin

Énoch

Farel - Flandre - Florence - Freysinières - Frise - Froment - Fryth

Galazii - Gaule - Genève - Germanie - Gilles - Gouin

Hollandais - Hollande

Knipperdoling

Leyde - Lippe - Lisbonne - Londres - Lubec - Luzerne

Maccabées - Malerbi - Matthieu - Mérendol - Muncer - Munster

Neuchâtel - Nicolo

Oberstein - Oecolampade - Olivet - Olivétan - Olivetanus

Picard - Pierre - Pierrot - Pirot

Robert - Romand - Rosay - Ruchat

Saulnier - Sion - Sorbonne - Strasbourg

Vaudois - Viret - Vulgate

Waldeck - Warmdorf - Westphalie - Wingle - Wiword - Worms

Zélande - Zwingli

 

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