Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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L'ÉGLISE DE L'UNITÉ DES FRÈRES


CHAPITRE XVII

A L'HEURE DU CENTENAIRE DE 1822

 

L'histoire nous a conservé la parole suivante que le comte de Zinzendorf prononça le 26 septembre 1754 : « J'ignore si l'Eglise morave subsistera encore en 1822, ,ou bien, si ce qu'il y a en elle d'éléments vivants, faisant partie de la vraie Eglise invisible, s'abritera alors sous le nom de quelque autre dénomination visible .... Dès qu'elle aura cessé d'être une Eglise dont au moins la plupart des membres sont enfants de Dieu, il lui sera dit: Redeviens ce que tu as été, ou bien: cesse d'être. »

A côté du comte, son contemporain, le baron de Schrautenbach s'exprimait en ces termes: « L'Eglise des Frères est-elle appelée à vivre longtemps? - Nous lui prédisons qu'elle existera autant qu'elle sera fidèle à ses principes ... L'Eglise est un navire qui vogue sur les eaux impétueuses, mais qui est si bien bâti qu'il peut résister au choc des vagues. Sera-t-il toujours bien gouverné, la vigie fera-t-elle son devoir, n'y aura-t-il pas de maladie parmi l'équipage, tiendra-t-on la mer à travers tous les brouillards, n'y aura-t-il pas de naufrage ? ... C'est ce que nous ignorons. Quoi qu'il en soit, pendant de longues années encore, ses mâts et ses débris émergeront des flots, prêchant la vigilance à tous ceux qui traversent les océans. »

Le fait est, qu'un siècle après que Christian David eut coupé, à Herrnhut, le premier arbre pour la construction de ce village, celui-ci et, avec lui l'Eglise de l'Unité tout entière, célébra, le 17 juin 1822, son centenaire. Accourus de près et de loin, des diverses contrées de l'Allemagne, de la Suisse, de l'Angleterre, du, Danemark et de la Suède, moraves et non moraves, ecclésiastiques et laïques, pauvres paysans de la Moravie et ministres d'Etat de Saxe, se pressaient dans la vaste chapelle, où le choeur, ravivant nu pieux souvenir, les salua par ces paroles mises en musique pour la fête: C'est ici que le passereau a trouvé sa maison et l'hirondelle son nid, tes autels, ô Eternel des armées ! mon Roi et mon Dieu! Toute l'assemblée, rangée en cortège, se comptant par milliers, se rendit ensuite sur les lieux autrefois sauvages où le charpentier avait prononcé, un jour, ces paroles du psalmiste. On y avait fait dresser un bloc de granit, portant cette simple inscription: Le 17 juin 1722, fut coupé, à cette place, le premier arbre pour la construction de Herrnhut, Psaume 84, 4. La foule entoura ce monument.

Toutes les voix s'unirent dans un cantique d'actions de grâce. Tous les coeurs sentirent la grandeur de cette heure. Ce que les pères avaient cru, les enfants le voyaient. Dieu avait fait bien au delà de la pensée de l'homme. La poignée de pauvres exilés était devenue une Eglise, répandue sur toute la terre.

Mais à la joie et aux louanges se mêlèrent des accents de tristesse et d'humiliation. Le pasteur d'Albertini, au nom de l'Eglise, dans le culte du soir, laissa tomber de ses lèvres cette confession: Nous avons abandonné la première charité. Douleur profonde, avertissement sérieux, appel à la repentance et à un sincère retour à Christ! La barque de l'Eglise, sans ce renouvellement de vie dont, au milieu de ses grands souvenirs et des miséricordes infinies de Dieu, elle éprouvait un urgent besoin, allait infailliblement sombrer.

Quel était, à l'heure de son centenaire, l'état de l'Eglise de l'Unité ? - L'écrasant fardeau de sa dette avait disparu depuis 1801. Un nouveau déficit de 172,500 francs, survenu, pendant la période synodale de 1801-1818, pour la caisse des Missions, avait été couvert. La catastrophe politique que venait de traverser l'Europe, pour avoir laissé, dans quelques communautés, des traces douloureuses (pillage de Gnadenberg 1813), n'en avait pas sérieusement compromis l'existence, ni même, dans la plupart des cas, la prospérité. Et si celle-ci, au sein de plusieurs colonies de l'Eglise, avait sensiblement diminué, il fallait en chercher la cause ailleurs que dans la dureté des temps.

Les oeuvres de l'Eglise aussi florissaient. Les établissements d'éducation étaient, en 1820, à leur apogée. Un ukase de l'empereur Alexandre (1), de l'année 1817, avait ouvert à l'oeuvre de la diaspora de nouvelles et grandes portes dans les provinces baltiques. L'Eglise y possédait, en 1818, non moins de cent et quelques chapelles et étendait ses soins sur cinquante mille personnes, sans être entravée, d'aucune façon, dans son activité. (2)

Aux Missions, dont le centenaire approchait à grands pas (1832), de nombreuses victoires avaient été remportées. L'Eglise comptait, en 1832, quarante-une stations, quarante mille baptisés d'entre les païens, confiés à deux cent neuf frères et soeurs missionnaires. Elle avait vu se fonder plusieurs sociétés auxiliaires de Missions qui lui tendaient généreusement la main: la Société de Londres pour la propagation de l'Evangile parmi les païens (1741 et 1768) qui s'était chargée, dès 1797, de tous les frais de la Mission du Labrador et était devenue propriétaire du navire l'Harmony; la Société des Frères Unis pour la propagation de l'Evangile parmi les païens, à Bethléem en Pensylvanie (1787); la Société des Missions de Zeist (1793), aujourd'hui protectrice de l'oeuvre de Surinam; l'Association auxiliaire des Missions moraves à Londres (1818). L'aurore du siècle des Missions inondait ainsi de ses plus beaux rayons cette Eglise qui, quand la nuit était toute noire encore, avait commencé ses travaux dans le monde païen.

Dans son ensemble, l'Eglise de l'Unité se présentait sous la forme de trois branches. A côté du cercle des communautés de l'Allemagne, celles de l'Angleterre et des Etats-Unis de l'Amérique s'étaient développées, au point de vue de leur caractère et de leur indépendance. S'émancipant, petit à petit, de la tutelle allemande, tout en demeurant des membres fidèlement rattachés au corps de l'Eglise et humblement soumis au directoire siégeant à Berthelsdorf, près Herrnhut, elles avaient commencé à représenter l'esprit morave sous des faces nouvelles, légèrement modifiées selon les besoins nationaux.

On avait fondé les académies de théologie de Nazareth (Pensylvanie) pour l'Amérique, et de Fulneck pour l'Angleterre; on avait éprouvé le besoin, aussi, de faire précéder les synodes généraux et oecuméniques de Herrnhut de synodes provinciaux préparatoires au delà de la Manche et de l'Océan: autant de traits significatifs, témoignant de la vitalité de l'Eglise de l'Unité et préparant de nouveaux et d'importants pas en avant dans son organisation. (3)

Tel était, au centenaire de 1822, l'aspect que présentait extérieurement l'édifice de l'Eglise morave.Moralement, elle souffrait de plaies que nous ne passerons pas sous silence.

On remarquait, chez un certain nombre de ses conducteurs spirituels, à côté d'une grande fidélité dans l'exercice de leurs fonctions, un appauvrissement de la pensée théologique sous l'influence de la critique négative. Chez la plupart, l'absence des expériences les plus profondes de l'âme humaine, celles du péché et de la grâce divine, se faisaient sentir au détriment de leur influence pastorale.

On remarquait, dans les communautés (4), l'invasion toujours plus marquée de l'esprit mondain: soif de bien-être matériel, mécontentement, légèreté, frivolité. A la vérité, les sept mille qui n'avaient point fléchi le genou devant Baal, ne faisaient pas défaut; ils continuaient à former le noyau sur lequel reposait l'espérance de l'Eglise pour l'avenir; groupés pour la prière et l'édification mutuelle, ils nourrissaient le feu sacré et se fortifiaient les uns les autres pour le service de Christ (le ministre Passavant et ses frères à Herrnhut). Mais un grand nombre de personnes, appartenant à toutes les classes de la société, semblaient avoir oublié leur vocation de membres de l'Eglise de l'Unité, et sacrifiaient les intérêts de Christ à ceux du monde. Cet état de choses dura, sans changement réel, jusqu'au delà de l'année 1841,

On remarquait, enfin, chez cette Eglise, autrefois infatigable à porter au devant de n'importe quel besoin spirituel en dehors de ses rangs, les trésors de ses expériences et de ses connaissances religieuses, de même que les ardeurs de son amour fraternel, une tendance fâcheuse à se replier sur elle-même et à jouir, en égoïste, des grâces immenses que son Dieu lui avait faites. Si elle n'avait jamais songé à se refuser au monde païen, ni à supprimer telle autre oeuvre que son passé lui avait léguée, elle se montrait cependant moins jalouse de conserver, avec les cercles chrétiens de la patrie, cette unité de l'esprit par le lien de la paix que les pères avaient fidèlement cultivée. Symptôme d'autant plus fâcheux que, par-ci par-là, sous le souffle régénérateur de l'Evangile, les ossements de mort se remuaient en Allemagne, en Suisse et dans d'autres pays !

Ceux que Dieu avait placés, un jour, dans les premiers rangs, allaient-ils passer aux derniers ? L'Eglise de l'Unité, en dépit de ses travaux et de sa doctrine, avait-elle fait son temps ? Se croyait-elle être quelque chose et pouvoir se suffire à elle-même, pour n'être, par ce fait même, plus rien aux yeux de Dieu?

Le synode général de 1818, clairvoyant jusqu'à un certain point, s'occupa de ces graves questions. Il proclama, au nom de l'Eglise, le désir de celle-ci, d'être toujours une Eglise vivante, fidèle à Jésus-Christ, son Chef suprême, et il s'efforça de prendre, sous le regard de Dieu, des mesures sages et utiles. Il sacrifia quelques formes qui avaient perdu leur raison d'être (5), et en maintint d'autres avec d'autant plus de ténacité qu'elles lui semblaient indispensables à la prospérité de l'Eglise.

La célébration du jubilé de 1822, aussi, ne fut pas sans laisser, dans les coeurs et dans les consciences, des traces bénies. En contemplant son grand passé (6) la ferveur des pères, les miséricordes divines, l'Eglise se ressouvint de sa vocation et de ses obligations. Chez un grand nombre de ses membres s'accentua ce soupir: Ramène-nous et fais reluire ta face! Humiliée, appauvrie, déchue, l'Eglise se mit à chercher, avec une certaine anxiété, le bonheur et les forces spirituelles d'autrefois et à soupirer après une régénération morale.

Dieu, pour cela, lui tendit la main. De la part de l'Eglise évangélique allemande, lui affluèrent les premières grâces dont elle avait besoin. Ceux que, par le moyen des écrits de Zinzendorf par exemple, elle avait eu le privilège de nourrir spirituellement, à travers les sécheresses du rationalisme, jusque bien avant dans le XIX ème siècle, et pendant que dans son propre milieu le manque de vie spirituelle se faisait déjà sentir, vinrent au secours de sa faiblesse, et lui rendirent ainsi le bien pour le bien. Le fleuve de vie retrouva le chemin de la source où il avait commencé à jaillir. Les Tholuk, les Néander, les Hengstenberg et tant d'autres représentants d'une théologie aussi puissante par sa valeur intellectuelle que par la fermeté de sa foi, gagnèrent, sur le clergé de l'Eglise de l'Unité, une influence bénie dont elle gardera à jamais un souvenir reconnaissant et fidèle.

Dieu fit plus et mieux encore. Intervenant personnellement et presque sans intermédiaire humain, il donna, en 1841, à l'Eglise de l'Unité un réveil dont il est difficile de mesurer les grandes et saintes conséquences. (7)

Adorable fidélité du souverain Pasteur des âmes envers un peuple inconstant dans toutes ses voies et indigne de ses bontés. Il a dit: Quoi qu'il en soit, ils sont mon peuple et des enfants qui ne dégénéreront plus ; et il a été leur Sauveur! A nous la confusion de face, à lui l'honneur et la gloire à jamais!

Un siècle après que l'ancienne Eglise de l'Unité de Bohème et de Moravie eut célébré, en 1557, à Slecza, son centenaire, elle avait cessé d'exister. Il est permis de poser, d'après un historien moderne, cette question: L'Eglise mère était-elle, à l'heure de son jubilé de cent ans, moins riche en vie spirituelle et en forces vitales que ne l'était, en 1822, dans une occasion semblable,, sa fille, l'Eglise de l'Unité renouvelée ? Nous croyons devoir répondre que celle-ci, de préférence à celle-là et en dépit des graves lacunes que nous avons constatées, renfermait des germes de vie qui rendirent possible et qui sollicitèrent l'action de l'Esprit, soufflant avec puissance sur le champ de Dieu. Nous voulons dire: La pleine possession de l'Evangile de la grâce gratuite de Dieu, en Jésus-Christ, le Sauveur et l'esprit missionnaire, puissamment développés.



Table des matières

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(1) L'empereur, le 21 avril 1813, visita Herrnhut, et plus tard, en société du roi Frédéric-Guillaume III de Prusse, la communauté de Gnadenfrei.
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2) Plus tard des difficultés très sérieuses surgirent pour elle du sein du clergé luthérien, opposé à son oeuvre.
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(3) Voir chapitre XXII.
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(4) Sauf celle de Königsfeld (Bade), placée sous l'excellente direction du pasteur Martin.
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(5) Nous mentionnerons à cette occasion, et à titre de renseignement seulement, que les synodes de 1818 et 1825 abolirent le sort obligatoire pour les mariages dans l'Eglise, et des cérémonies religieuses telles que le lavement des pieds.
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(6) Les mémoires de Fr.-L. Kölbing 1821.
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(7) Voir chapitre XVIII. (page suivante)

 

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