Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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L'ÉGLISE DE L'UNITÉ DES FRÈRES


CHAPITRE VIII

LE 16 SEPTEMBRE 1741
(13 novembre.)

 

Zinzendorf, avant de se mettre en route pour les -Etats-Unis, avait groupé autour de lui-même, à Londres, un cercle intime de neuf personnes, approuvées ,chacune par le sort. On remarquait parmi celles-ci son épouse, Frédéric de Watteville, Léonard Dober, Spangenberg. Il s'agissait d'une réunion d'adieux, d'entretiens suprêmes, d'un synode en petit, où allaient se traiter plusieurs questions dont étaient préoccupés les ,esprits et les coeurs. Le comte, personnellement, traversait une phase difficile de sa vie. Souffrant de ne pas avoir été compris, humilié par la pensée d'avoir quelquefois manqué de sagesse et d'amour, il éprouvait, plus que jamais, le besoin d'un sérieux retour sur lui-même et d'un nouvel examen de l'oeuvre dans laquelle Dieu avait bien voulu l'employer. « Il répandait son âme devant le Seigneur », disait de lui plus tard Spangenberg, « exposant à Dieu ses circonstances et celles de l'Eglise. Confondu par la grâce que son Maître lui avait faite, il l'en bénissait. Conscient aussi de ses fautes, sévère pour lui-même, s'accusant franchement des torts dont lui parlait ou semblait lui parler son passé, il cherchait avec ardeur le pardon. Souvent on le trouvait saisi d'une tristesse qu'il ne réussissait pas à cacher, et les yeux mouillés de larmes. Puis, s'enfuyant loin de ses frères, il cherchait la solitude, et dans la solitude Jésus-Christ, l'Ami des pécheurs, auquel son coeur avait soit de parler.»

Les entretiens fraternels commencèrent le 1 1 septembre et se prolongèrent jusqu'au 23. Résumant les impressions que lui avaient laissées ces journées, Spangenberg dit dans sa vie du comte de Zinzendorf: «Tout en nous appartenait aux sujets qu'on traitait; sauf ceux-ci, rien n'avait plus d'intérêt pour nous. Toute l'oeuvre que Dieu avait ordonnée et confiée aux Frères, fut examinée devant sa face. Racines, branches, feuilles, fleurs et fruits de l'arbre de l'Eglise, ce qu'il y avait de nuisible à sa croissance, comme aussi ce qui semblait être condition de sa prospérité, tout fut passé en revue, droitement, sincèrement, sans acception de personnes. Un seul désir remplissait nos coeurs, celui de savoir la volonté de Christ et de la faire fidèlement et dans la simplicité de l'enfant. Répondant à nos souhaits, plein de grâce pour nous, le Sauveur daigna alors nous révéler sa pensée et nous diriger comme un père dirige ses enfants et un maître ses serviteurs. Notre Aine était certaine de sa présence au milieu de nous, selon la promesse qu'il avait faite à ses premiers disciples: «Voici, je suis avec vous jusqu'à la fin du monde».

Parmi les questions traitées au sein de la conférence de Londres, il y en avait une qui occupait le premier rang. Elle concernait le ministère dont, jusqu'alors et depuis nombre d'années (1735), Léonard Dober avait été revêtu et dont il avait exprimé le désir d'être déchargé, c'est-à-dire la vocation d'ancien en chef de l'Eglise.

Cette charge, dont la pensée, les attributions, les devoirs;, avaient subi, dans le cours des années, des modifications successives toujours plus sensibles, avait fini par devenir un sacerdoce dont la responsabilité était écrasante et qui élevait l'homme à des fonctions dont l'exercice dans l'Eglise appartient à Christ seul.

L'ancien cri chef n'avait plus rien à voir, en 1741, aux affaires proprement dites de l'Eglise. Il ne s'occupait ni de l'administration des biens temporels, ni des questions d'organisation ecclésiastique, ni de la direction des cultes. Il était au dessus de toutes les questions, d'Eglise, comme il était au dessus de tous les serviteurs de l'Eglise, y compris les évêques. Il était l'homme de la prière par excellence, l'incarnation vivante de l'intercession permanente, celui dans la personne duquel la vocation et l'oeuvre des Frères étaient constamment placées sous le regard de Dieu et assurées de la protection divine.

Zinzendorf faisait grand cas de ce ministère qui, à plus d'un égard, répondait à ses vues et à ses désirs les plus chers. La charge de l'ancien, dépouillée qu'elle était de tout ce qui rappelait le cadre étroit d'une Eglise particulière, lui semblait convenir, mieux que toute autre, à la grande et belle mission qu'il rêvait pour l'Eglise des Frères. Celle-ci, on le sait, devait travailler à l'union de tous les croyants dans n'importe quelles dénominations religieuses et, par là, à l'édification d'une Eglise vivante dans l'Eglise officielle, si loin quelquefois d'être l'Eglise de Christ. Qui donc, mieux que l'ancien, était qualifié pour lui prêter de l'appui dans l'exercice de ces fonctions? Le pasteur, l'évêque même, servaient nécessairement en premier lieu les intérêts de leur Eglise particulière. Seul l'ancien, par la nature même de la place qu'il occupait, était assez libre pour pouvoir se vouer à son Eglise dans la seule mesure du travail et des sacrifices que celle-ci accomplissait pour les autres. S'il appartenait à ces quelques frères qui l'avaient choisi, cet homme appartenait tout autant au grand cercle de tous les enfants de Dieu que Zinzendorf aurait voulu unir en un seul corps.

Il serait difficile, d'après ce que nous venons de dire, d'imaginer un ministère plus délicat par sa nature, plus élevé par sa pensée, plus universel par ses fonctions que celui de l'ancien. Aussi Zinzendorf aimait-il à dire, au sujet de l'homme qui s'en trouvait chargé: « Nous l'honorons au fond de nos coeurs de notre respect, tout autant que l'Eglise catholique honore son pape qu'elle a élevé sur un trône visible ». En même temps le comte ne se dissimulait pas à lui-même le danger moral que courait le frère si haut placé. «Je ne crois pas», dit-il un jour, « qu'après la mort de Léonard Dober on choisisse un nouvel ancien en chef. Il faut pour ce ministère des qualités exceptionnelles. Celui qui l'occupe, n'ose guère se dire une seule fois, dans l'espace de dix ans, qui il est et à quoi il est appelé. Autrement vous pourriez bien assister à une chute du genre de celle de Satan.»

Quant à Léonard Dober en particulier, certaines appréhensions ne manquaient pas de se produire. On ne les lui cachait pas. Lui-même les comprenait. Homme d'action, nature forte, caractère plein d'énergie, ne devait-il pas rencontrer, dans sa route, la tentation de s'arroger, en abusant de la confiance de ses frères, un pouvoir temporel qui aurait fait de lui le souverain chef de l'Eglise? De fait - personne ne le sentait plus profondément que lui-même - il n'était pas l'homme qu'il fallait pour la charge d'ancien. Plein d'humilité, ,dans l'espoir de pouvoir mieux servir Dieu dans d'autres conditions, il demanda donc, le 16 septembre, au matin, d'être déchargé de ses fonctions, à moins que le Seigneur lui-même, consulté par le sort, n'en décidât autrement.

La conférence de Londres, qui partageait les sentiments de Léonard Dober, se trouva dans un cruel embarras. Passant en revue tous les noms, elle n'en rencontra aucun qu'elle jugeât digne d'être associé à la charge en question. « Alors », racontent les procès-verbaux, « la pensée nous vint à tous, de remettre entre les mains du Sauveur les fonctions dont, jusqu'à ce jour, avait été revêtu un homme de notre choix. Ouvrant le livre de Textes de 1742, nous nous trouvâmes en face de ces paroles: Ainsi a dit l'Eternel, le Saint d'Israël, interrogez-moi sur les choses à venir et sur ce qui regarde mes fils et marquez-moi ce que je dois faire de l'ouvrage de mes mains (Es. 45, 11). Cela nous décida, sans tarder un seul instant de plus, nous choisîmes Christ pour notre Ancien. Seul il devait et pouvait l'être. Et lorsque, après cela, nous relûmes cette parole du jour: La gloire de l'Eternel remplissait toute la maison, elle fût pour nous la réponse d'En Haut à notre décision. »

Nul ne décrira ce qu'éprouvèrent, à ce moment solennel, les quelques frères et soeurs qui, par un acte de foi, don de la grâce divine agissant dans leur coeur, venaient d'annuler une charge humaine que tous jusqu'alors avaient envisagée comme indispensable à l'oeuvre des Frères. L'appui humain rejeté, l'appui céleste choisi; le visible sacrifié à l'invisible: voilà ce qui avait été accompli. A genoux, devant le Seigneur, tous adorèrent le céleste Ancien de l'Eglise.

Quelques observations ne manqueront pas d'utilité pour ceux qui voudraient se rendre un compte exact de l'expérience du 16 septembre 1741.

Il faut constater d'abord, que la conférence de Londres, dans son installation du céleste Ancien, ne se borna pas à rendre hommage a Christ comme au Chef suprême de l'Eglise en général. Depuis bien des années, les Frères avaient fait ce premier pas. En 1730 déjà, le comte de Zinzendorf s'était écrié: « Ce n'est pas moi qui vous préside; c'est Christ. Christ, voilà le Chef de l'Eglise; essaye, qui voudra, de le détrôner! » Mais, si l'on n'avait jamais douté de la divine prérogative du Seigneur de régner lui seul sur son Eglise et de la gouverner, on s'était cependant rendu coupable, au sujet de cette doctrine, d'une inconséquence dont les suites menaçaient d'être fâcheuses.

Spangenberg relève ce point fatal dans un discours du 10 septembre 1778, Condamnant, dans un retour sur le passé, l'installation d'un ancien en chef humain, il s'écrie: « Ne nous suffit-il donc pas de posséder cette parole de Christ: Un seul est votre Maître et pour vous, vous êtes tous frères? Mais l'homme est toujours enclin à vouloir posséder ce qui saute aux yeux. C'est de cela que le Sauveur a voulu nous guérir. Il n'y a jamais eu d'époque où je n'eusse pas cru que Christ fût notre Ancien. Il l'a été dès l'éternité. Mais nous avons voulu avoir un ancien humain avec et à côté du divin; et voilà l'erreur que Dieu a détruite. »

Il y a, dans cette déclaration, un aveu de grande valeur. Les Frères, jusqu'en 1741, tout en reconnaissant l'autorité suprême de Jésus-Christ sur l'Eglise, n'avaient pas cru pouvoir se passer d'un homme dont le sacerdoce était, pour eux, comme une garantie de succès et une bénédiction indispensable à leur travail. Supprimer l'ancien humain, c'était donc rendre complet un acte de foi, consommé, jusqu'alors, à moitié seulement. C'était tout remettre entre les mains de Christ, et tout attendre de lui seul. C'était croire que l'oeuvre dans laquelle l'Eglise des Frères pensait avoir trouvé sa tâche spéciale, savoir l'union des croyants autour du Sauveur, s'accomplirait par la seule force de Jésus-Christ. C'était aussi compter sur ce Dieu Sauveur pour le dénouement de toutes les complications de l'heure présente et de l'avenir, tant de celles qui concernaient l'Eglise que de celles qui regardaient les individus. Or, il fallait que l'Eglise des Frères en arrivât là. La suppression de l'ancien humain était pour elle une nécessité, mais une de ces nécessités qui ne se réalisent que par l'opération puissante de l'Esprit de Dieu dans les coeurs.

Cela dit, nous citerons, sans crainte de malentendu, les paroles suivantes, empruntées à la biographie du comte de Zinzendorf par Spangenberg, et se rapportant à l'expérience du 16 septembre 1741: « La question n'était pas de savoir, si le Sauveur était, ou non, le Pasteur et l'Evêque de nos âmes. Notre désir était plutôt qu'il daignât traiter une alliance spéciale avec le pauvre et petit peuple des Frères, (1) qu'il nous envisageât comme les siens, qu'il prit soin de toutes nos circonstances, même des plus petites, qu'il veillât sur nous tous et qu'il se donnât à chaque membre de l'Eglise individuellement, accomplissant d'une manière parfaite ce que l'ancien humain n'avait accompli au milieu de nous, que bien imparfaitement. Pour nous, nous nous engageâmes à l'aimer et à l'honorer, à vivre avec lui dans une communion personnelle et intime, à nous conformer à sa volonté, à ne plus jamais choisir de maître humain pour les affaires du coeur, mais à demeurer fidèlement attachés à notre Chef divin, lors même que toute la génération perverse de nos jours lui tournerait le dos. »

Le 13 novembre, la démission de Léonard Dober fut portée à la connaissance des Eglises de Herrnhut et du Herrnhaag. Ce fut aussi et surtout un jour de nouvelle et joyeuse consécration à Christ, dans la personne duquel, comme jamais auparavant, l'Eglise des. Frères saluait son unique Chef, pourvoyant à tout selon les richesses de la grâce divine.

La fête, particulièrement à Herrnhut, revêtit le caractère d'une grande solennité religieuse. A 10 heures du matin, l'Eglise, convoquée par les trombones, se réunit à la chapelle. Une lettre du comte la mit au courant de ce qui venait de se passer à Londres. Le Seigneur, invisiblement présent au milieu de ceux qui se disposaient à lui offrir leurs hommages et leurs adorations, parla avec puissance aux coeurs et aux consciences.

Emus, humiliés, confondus par les miséricordes de leur Sauveur, heureux de pouvoir le nommer leur Maître et de s'abandonner sans réserve à sa sagesse et à sa grâce,, tous se jetèrent à genoux devant le céleste Ancien.

Parmi les larmes qui coulaient en abondance , se trouvèrent, chez plusieurs, celles de la repentance. Le message du comte avait parlé d'une amnistie générale qui, dans ce jour de fête, serait accordée, de la part de l'Eglise, à, tous ceux qui l'avaient contristée et qui se trouvaient sous sa discipline. Confirmant encore cette promesse de son serviteur, le Seigneur remua, par son Esprit, les consciences des coupables. Ceux-ci, après le culte, s'empressèrent de confesser avec humilité leurs fautes aux pasteurs. Il y en avait parmi eux, qui, depuis dix ans, avaient persévéré dans leur impénitence. Dieu, en les courbant sous lé joug de son amour, mit son sceau sur la fête de l'Ancien.

A plusieurs reprises, dans la même journée, l'Eglise se réunit encore devant la face du Seigneur. Les enfants aussi eurent leur culte à eux. Vieux et jeunes ne se lassaient pas de chanter les louanges du Seigneur, en se groupant sous la houlette du bon et divin Berger. Il y eut une grande grâce sur eux tous. Dieu, d'une manière exceptionnelle, avait béni et enrichi son peuple.

Toutes les années, depuis les faits que nous venons de rapporter, se célèbrent dans l'Eglise des Frères le 16 septembre et le 13 novembre. A la première de ces dates, les serviteurs de l'Eglise se réunissent pour un service d'humiliation et de consécration à Christ, le souverain Chef de son troupeau. Le 3 novembre, toute l'Eglise renouvelle le cantique de louange qu'entonnèrent, en 1741, les Eglises de Herrnhut et du Herrnhaag à l'honneur et à la gloire du céleste Ancien. Elle se souvient des innombrables preuves qu'elle a reçues, a travers sa longue histoire, de la fidèle sollicitude et (le la puissance de Celui qui avait fait dire aux pères: Interrogez-moi sur ce qui regarde mes fils. » Elle ressaisit, par la foi, la main de son Dieu et elle lui demande des secours nouveaux pour son ensemble et pour chacun de ses membres, pour toute oeuvre qui s'accomplit dans son sein ou par son moyen, comme aussi pour la solution de tous les problèmes qui l'agitent.

Ainsi se place, dans l'Eglise des Frères, à côté de la fête du 13 août, la fête du 13 novembre. L'une et l'autre, la fête de l'amour fraternel et la fête de la consécration à Christ, seul et unique Chef de l'Eglise, lui ont été données par Dieu, intervenant dans son histoire, à deux époques différentes, avec une puissance particulière. Le 13 août 1727, il sauva l'Eglise, en danger de dégénérer en secte. Le 13 novembre 1741, il fit la grâce à l'Eglise de renoncer au dernier de ses appuis humains pour ne plus compter que sur Christ seul.

Trésor de grands et d'impérissables souvenirs! Source toujours jaillissante, où l'Eglise n'a jamais cessé de puiser vie et forces nouvelles!

On raconte que quelques frères observèrent à Herrnhut, le 13 novembre 1741, un fort bel arc-en-ciel. Un siècle plus tard, le même jour, le phénomène s'y répéta. Ce fut pour les hommes qui y prirent garde, le signe de l'alliance et de l'éternelle fidélité de Celui qui avait donné à ses enfants de croire en son saint nom et de se confier en son pouvoir.



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1) Pour couper court à toute fausse interprétation de ces termes, nous ajouterons cette autre parole de Spangenberg: « Oh! si seulement il y avait beaucoup de communautés chrétiennes qui fussent dans ces dispositions et qui demandassent à Jésus la même grâce ! Il ne se déroberait pas à elles. Que dis-je ? ne fût-ce qu'un seul homme qui demandât individuellement cette faveur, s'il la demande en simplicité, en esprit et en vérité, le Sauveur est fidèle, il se souvient de sa grande promesse et ne confond point la foi de celui qui s'est adressé à Lui. »

 

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