Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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L'ÉGLISE DE L'UNITÉ DES FRÈRES


CHAPITRE VII

LE RENOUVELLEMENT DE L'ÉGLISE DE L'UNITÉ

 

Il n'y avait., on le sait, rien de combiné de la part de Zinzendorf dans la fondation de Herrnhut. L'établissement sur ses terres des émigrés moraves qu'il avait recueillis par pitié et fléchissant seulement devant l'impossibilité dans laquelle il se trouvait de les envoyer dans la principauté de Reuss, n'avait excité son intérêt qu'à l'heure où il eut compris que Dieu lui avait amené ces gens et qu'il fallait accepter d'en haut la tache nouvelle.

Mais, si le comte avait été loin de projeter la colonie morave, une pensée qui l'avait abordé bien moins encore, c'était celle de fonder une nouvelle Eglise ou bien de rendre l'existence à une Eglise disparue depuis un siècle. Les émigrés, selon lui, allaient tout simplement grossir les rangs des paroissiens luthériens du pasteur Rothe.

Quant aux nouveaux arrivés eux-mêmes, ils ne partageaient pas entièrement les vues de leur protecteur. Même après la salutaire secousse de 1727, ils tenaient à leur nom de Moraves et à une certaine indépendance ecclésiastique qui, à leur avis, leur revenait de droit. N'étaient-ils pas les fils d'une Eglise qui, à travers presque deux siècles, avait occupé sa place marquée? N'avaient-ils pas, en outre, tout quitté pour l'amour de la foi de leurs pères? Il y avait là, leur semblait-il, assez de titres valables à une autonomie ecclésiastique.

Le comte, trop juste pour méconnaître tout ce qu'il y avait de légitime dans ces prétentions, proposa un compromis qui fut accepté pour le moment. On convint que Herrnhut, sans sortir du giron de l'Eglise luthérienne, formerait une Eglise dans l'Eglise, conservant, à côté du ministère officiel du pasteur Rothe, de Berthelsdorf, un ministère laïque, son organisation ecclésiastique spéciale, et son nom (le morave. Le pasteur Rothe, assez clairvoyant pour comprendre ce que cet arrangement 'avait de délicat et d'incertain, essaya une protestation et fut appuyé dans ses Vues, par Madame de Gersdorf et d'autres. Mais Zinzendorf tint bon, assuré qu'il était de ne pouvoir sauver la position qu'aux conditions convenues, désireux aussi de pouvoir se servir, pour les affaires du règne de Dieu, de la vaillance et de l'énergie des précieux éléments que Dieu lui-même, d'une manière si remarquable, avait trouvé bon de lui envoyer.

Cependant de nouveaux conflits allaient surgir. Bien décidé à ne pas aller plus loin dans la voie de la séparation, préoccupé plutôt de la pensée d'affermir l'union étroite de Herrnhut avec l'Eglise luthérienne, le comte fit, en 1733, de grands efforts pour donner à la colonie un pasteur luthérien qu'il espérait avoir trouvé dans la personne de Steinhofer. N'ayant pas réussi dans cette affaire, il entra lui-même, en 1734, à Tubingue, dans les rangs du clergé luthérien. Dans cette nouvelle position, il pensait posséder dorénavant tout à la fois un bouclier protecteur contre les attaques des adversaires de Herrnhut, et un nouveau moyen de servir, par Herrnhut, les intérêts de l'Eglise luthérienne.

Il était à prévoir que les Moraves ne le suivraient pas dans la voie choisie. La force majeure des circonstances aussi ne tarda pas à entraver ses desseins. Herrnhut, en 1735 déjà, avait non seulement quelques rites ecclésiastiques qui lui étaient propres, mais aussi son recueil de cantiques à lui. A cela vint se joindre, en 1735, un événement fort important, quoique, à l'heure même, on n'en eût, bien probablement, pas mesuré la portée. Il fallait pour les missionnaires, appelés à prêcher l'Evangile et à administrer les sacrements, la consécration au saint ministère, mais Zinzendorf, pas plus que les Moraves, ne savaient comment l'obtenir pour les laïques qui partaient. Allant au devant de cet embarras, l'évêque Daniel Jablonsky, à Berlin, offrit aux Frères de transmettre à l'un des leurs la charge épiscopale de l'Eglise de l'Unité et de faciliter par là un ministère régulier pour l'oeuvre des Missions.

On accepta avec empressement, et David Nitschmann reçut, le 13 mars 173.5, à Berlin, l'ordination comme évêque.

De fait, un grand pas au devant du renouvellement de l'ancienne Eglise de l'Unité venait de s'accomplir par cet acte solennel. Jablonsky lui-même semble avoir ainsi envisagé les choses. Zinzendorf seul n'admettait pas cette manière de voir. Contrarié dans ses plans par ce qui venait de se passer, et peu enclin à faire le sacrifice de ses vues, il se plut dès lors à distinguer entre une Eglise autonome (les Frères travaillant au service des Missions d'une part, et une Eglise morave non autonome, faisant partie de l'Eglise luthérienne et appelée à servir Christ dans la patrie, d'autre part. De là, cette phrase qui se lit dans les annales de Herrnhut de 1736: « Nous ne formons pas d'association religieuse à laquelle on puisse passer eu quittant l'Eglise établie ».

Dans le but tout à la fois de consacrer cet état de choses et de conserver à l'Eglise luthérienne tout ce que les Moraves avaient à donner, spirituellement, Zinzendorf, à la suite de ses entretiens avec Frédéric Guillaume 1er, accepta lui-même, le 20 mai 1737, la charge épiscopale des mains de Jablonsky. Il cumulait ainsi les charges de pasteur luthérien et d'évêque de l'ancienne Eglise de l'Unité.

Faut-il s'étonner qu'un grand nombre de ses frères ne le comprissent pas en cela, et que l'épiscopat du comte, produisant un effet contraire aux desseins de celui-ci, ait fait grandir chez les Moraves le désir d'une autonomie ecclésiastique dans la patrie comme elle existait déjà pour l'étranger? Une telle autonomie ne se justifiait-elle pas à mesure que les Frères, créant de nouvelles colonies à côté de celle de Herrnhut, s'étendant toujours davantage, se trouvaient dans des conditions toujours plus variées et plus compliquées? Tel nouvel établissement, le Herrnhaag, par exemple, ne jouissait-il pas déjà d'une indépendance ecclésiastique complète? N'y avait-on pas établi jusqu'à un séminaire de théologie dans lequel on enseignait ce qui avait le droit de s'appeler une doctrine des Frères?

En dépit de toutes ces considérations, Zinzendorf continua à s'opposer à un renouvellement formel, par les Frères, de l'ancienne Eglise de l'Unité. Il persista à vouloir maintenir Herrnhut, foyer primitif du mouvement que dirigeait sa puissante individualité, dans les cadres de l'Eglise luthérienne, et il alla jusqu'à projeter d'éloigner de cet endroit l'élément morave, rebelle à ses volontés. D'un autre côté, un voyage à St-Thomas, en 17391 lui ayant fait comprendre, tout à nouveau, la nécessité absolue pour les Missions d'une constitution ecclésiastique définie, il s'empressa, après son retour dans la Wetterau, de faire reconnaître par le gouvernement danois « l'Eglise des Frères établie aux Antilles ».

Il est nécessaire, pour comprendre le comte, de se dire que sa résistance à la formation d'une nouvelle Eglise en Europe ou bien plutôt à la restauration d'une Eglise qui avait cessé d'exister, loin d'être le fruit de l'opiniâtreté d'un esprit borné, trahissait un point de vue très élevé et une grande largeur. Il tenait à éloigner du cercle des Frères jusqu'aux apparences sectaires, inséparables, lui semblait-il, du nom d'une nouvelle Eglise. Etrangers à toutes les étroitesses, les Frères devaient, selon sa pensée, travailler en Europe à l'union intime, sous le drapeau de Christ, de tous ceux qui, dans n'importe quel pays, quelle Eglise, quelle dénomination religieuse ou quelle secte, croyaient par le coeur au Sauveur du monde. C'est pont, l'amour de cette grande mission qu'il les suppliait (le renoncer à toute autonomie ecclésiastique qui, nécessairement, se transformerait en frein et cri obstacle, parce qu'elle courait le risque d'être accusée de viser au prosélytisme.

D'après cela, Zinzendorf croyait ne pouvoir faire qu'une seule concession, compatible avec ses vues. C'était que, là, où l'y obligeraient (les circonstances indépendantes de sa volonté, le cercle des Frères, pour la réussite de son travail au sein de tous les enfants de Dieu, se couvrit, comme d'un bouclier, du nom de l'Eglise (le l'Unité et adoptât les formes d'une Eglise particulière.

Ce furent ces pensées que le comte développa, au sein de l'Eglise des pèlerins, dans les deux synodes d'Ebersdorf (1739) et de Gotha (1740). Ses compagnons d'oeuvre, natures plus pratiques et moins idéalistes que lui, eurent de la peine à se rendre à son opinion. Ils comprenaient ce que l'organisation, telle que la rêvait

Zinzendorf, avait de peu déterminé et de difficile à, saisir et croyaient devoir suivre une autre route.

L'opposition, se contenant en la présence du comte, fatigué, irritable à cette époque de sa vie, éclata quand celui-ci, en 1741, fut parti pour l'Amérique où l'emmenait la soif d'un travail sans entraves. La conférence générale, appelée à gouverner en son absence, se mit courageusement à l'oeuvre du renouvellement de l'Eglise de l'Unité et obtint, en 1742, la reconnaissance (le celle-ci par le gouvernement de Prusse. (1)

Les comtes d'Isenburg, dans la Wetterau, accordèrent la même faveur. Auprès d'autres gouvernements, la Russie, la Hollande, le Danemark et Coburg-Gotha, les Frères firent des démarches tendant à un but analogue.

A son retour d'Amérique (1743), fort mécontent de la conduite de ceux auxquels il avait laissé la direction (les affaires, Zinzendorf essaya d'annuler les résultats obtenus et de faire valoir son plan à lui. Mais, outre les anciennes difficultés, il se heurta contre des obstacles d'un nouveau genre. L'Eglise luthérienne elle-même, à laquelle il avait voulu conserver l'élément morave, protesta, en soutenant par la bouche de S. J. Baumgarten, à Halle, que les Frères, ayant accepté l'épiscopat de l'Eglise de l'Unité et possédant un culte organisé à leur façon, s'étaient privés par là de leur place dans l'Eglise luthérienne et étaient devenus une Eglise nouvelle.

Cette fois, le comte fut obligé de se rendre. Au Synode de Marienborn, en 1745, il admit l'existence d'une Eglise morave à côté des Eglises luthérienne et réformée, mais en réservant formellement pour la première la faculté et le droit de réunir, dans son sein, des représentants de toutes les confessions évangéliques ,et de toutes les nuances du protestantisme croyant. Il alla si loin, qu'il reconnaissait tout luthérien, spirituellement vivant, comme membre de l'Eglise des Frères, sans exiger de sa part une sortie de l'Eglise de ses pères. Il suffisait, selon les vues du comte, de se prêter au travail de l'union des coeurs en Christ, tel que Dieu l'avait confié aux Frères, pour pouvoir dire: je suis des leurs.

Ces réserves faites, Zinzendorf voua ses soins à l'organisation définitive de l'Eglise des Frères. Il renouvela, en 1745, les grades ecclésiastiques de l'ancienne Eglise de l'Unité, en dépouillant l'épiscopat de toute prérogative autre que celle (le la consécration des ministres de la Parole. Il réussit, en outre, après son retour à Herrnhut, en 1747, à obtenir la reconnaissance de l'Eglise de la part du gouvernement de Saxe, tandis qu'en Angleterre fut publié, en faveur des Frères, l'acte du Parlement du 12 mai 1749, autorisant l'existence de l'Eglise morave sous le nom de: Unitas

Ce fut le jour où cet acte fut passé, que Zinzendorf aimait à nommer l'anniversaire du renouvellement de l'Eglise de l'Unité de Bohême et de Moravie. Pour l'Angleterre, pour les Missions, il se réjouissait sans arrière-pensée du résultat ainsi obtenu et des garanties ainsi trouvées.. Aussi se plaisait-il à appeler la ville de Londres le centre de l'Unitas Fratrum, l'Eglise morave épiscopale. Quant à l'Allemagne, en dépit de toutes les concessions que la marche des événements l'avait contraint de faire, il n'abandonna jamais, pour les Frères, l'idée d'une Eglise dans l'Eglise, et d'une activité internationale et en dehors de tous les cadres officiels.

Ce qui a survécu, jusqu'à nos jours, de ces vues du comte de Zinzendorf, auxquelles nul ne contestera une grande largeur et une belle profondeur de pensée, a trouvé son expression dans l'oeuvre de la diaspora, telle que l'Eglise des Frères la poursuit encore, au sein de toutes ses Eglises soeurs. Rayonnant autour des centres moraves constitués, un grand nombre de frères, au service de l'Eglise et envoyés par elle, s'efforcent d'établir l'union des coeurs entre tous ceux qui aiment Jésus-Christ, le Sauveur du monde. Ce qui caractérise cette oeuvre, c'est l'absence complète de tout esprit de propagande ecclésiastique. Ce qui la distingue de n'importe quelle autre oeuvre d'évangélisation, c'est que ceux qui l'accomplissent, s'adressent non pas aux masses inconverties, mais à l'âme du chrétien isolé et rempli de la soif de communion fraternelle dans le Seigneur.

Aussi longtemps qu'au sein des Eglises chrétiennes se trouveront des hommes et des femmes aimant le Sauveur, mais manquant, à la place où Dieu les a mis, des encouragements de la communion fraternelle et d'un appui pour leur foi, l'oeuvre de la diaspora morave aura sa valeur et se poursuivra sous la bénédiction du Seigneur.



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(1) Sur la bas, de cette reconnaissance par l'Etat, naquirent les Eglises de Gnadenberg près Bunzlau et de Gnadenfrei (en 1742), celle de Neusalz (1744), celle de Gnadenfeld, Haute Silésie L'Eglise de Niesky, près Görlitz, fondée en 1742 par des émigrés bohèmes, et située sur le territoire de Saxe, fut considérée, pendant quelque temps encore, comme faisant partie de l'Eglise établie de ce pays.

 

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