Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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L'ÉGLISE DE L'UNITÉ DES FRÈRES


CHAPITRE V

LES PREMIERS ENNEMIS ET AMIS

 

La vie intellectuelle de l'Allemagne, à l'époque de la fondation de Herrnhut, résidait, en grande partie,dans la théologie. On y distinguait deux écoles principales: l'orthodoxie et le piétisme. Une troisième, le rationalisme, ne comptait encore que quelques précurseurs, disciples de la philosophie de Wolf.

La colonie de Herrnhut n'échappa à l'attention d'aucun de ces trois camps du protestantisme allemand. Le rationalisme naissant se prononça par la bouche d'un élève de Wolf, et son verdict ne manqua pas de bienveillance. L'orthodoxie se montra méfiante. Il lui semblait que l'organisation de Herrnhut n'était pas sans analogie avec le jésuitisme et elle alla jusqu'à accuser Zinzendorf de vouloir s'ériger en chef d'une nouvelle secte. Le piétisme, représenté par le fils de A. H. Franke, le comte de Stollberg-Wernigerode, Freilinghausen et d'autres, combattait, dans le mouvement religieux qu'il observait, un dangereux rival dont il redoutait l'ascendant sur les esprits, et auquel il reprochait de rendre le chemin du salut trop facile.

Cependant Herrnhut ne manquait pas d'amis non plus, ni dans le camp orthodoxe, ni dans le camp piétiste. Une division des esprits fort remarquable se produisit à son sujet. Haïe ou méprisée par les uns, la colonie se trouvait être un objet d'admiration pour les autres.

Nous aurons à examiner les coups des adversaires d'abord et à nous occuper ensuite de l'appui que prêtaient les amis.

Les adversaires, vers 17 32, avaient rendu Zinzendorf suspect, à la cour de Dresde, de tendances ecclésiastiques révolutionnaires. Le gouvernement autrichien, en même temps, avait officiellement protesté contre l'émigration. Le comte, sur ces entrefaites, ayant réclamé un examen de sa cause, une commission gouvernementale, sous la présidence de George-Ernest de Gersdorf, se présenta à Herrnhut le 19 janvier 1732. Elle travailla quatre jours, examinant, interrogeant, écoutant, assistant à tous les cultes, puis elle repartit en emportant avec elle les meilleures impressions, « touchée », selon le témoignage de Zinzendorf, « et pleine d'affection pour la localité. »

La réponse du gouvernement se fit attendre. Quand elle fut donnée, le 27 novembre, elle contenait l'ordre à l'adresse de Zinzendorf, de ne plus recueillir aucun émigré et de vendre ses propriétés, ce qui équivalait à un décret de bannissement. Ce jour-là, on lisait, dans le livre des Textes, cette parole: S'il arrive que je périsse, je Périrai (Esther 4, 16). Quelques jours plus tard, le 2 décembre, Dieu donna à ses enfants cette autre parole d'encouragement: La bénédiction de l'Eternel est celle qui enrichit, et il n'y joint aucun travail (Prov. 10, 22).

Le comte s'empressa d'obéir. Un mois après la promulgation du décret royal, il vendit ses terres à son épouse. On passa l'acte après une prière d'intercession de Zinzendorf en faveur de la colonie de Herrnhut, de sa famille, de lui-même, du gouvernement, et de tous les persécutés pour la justice.

De nouvelles complications suivirent de près ce premier coup. La rupture avec les chefs piétistes de Halle devint définitive au mois de mai 1733. Elle s'accomplit également, sous la pression du piétisme, en janvier 1736, entre Zinzendorf et la cour de Danemark. Ce furent autant d'appuis humains que Dieu enlevait à l'oeuvre que sa main, après l'avoir créée, était jalouse de soutenir elle seule. Les choses en étaient là quand, le 20 mars de la même année, Zinzendorf, revenant de la Hollande, reçut l'ordre de quitter la Saxe. On lui annonçait en même temps l'envoi à Herrnhut d'une seconde commission royale, que son épouse alla recevoir, tandis que lui se rendait à Ebersdorf.

Il fallait s'attendre à tout; chacun se le disait à Herrnhut. La destruction même du village n'était rien d'impossible, mais Dieu donna à ses serviteurs, effrayés et tremblants d'abord, de prendre courage et d'aller avec foi au-devant des événements. L'un d'eux écrivit ces lignes à l'adresse du comte: « Nous sommes prêts à tout quitter une seconde fois, si Dieu ne veut pas que Herrnhut subsiste et si sa main veut nous disséminer comme un bon sel de la terre.» Et Frédéric de Watteville, dans une lettre à Zinzendorf aussi, s'exprima en ces termes: « Le Sauveur sera glorifié par cette persécution et aucun mal ne nous arrivera. C'est ce que croient et confessent tous nos frères. Il ne me souvient pas d'avoir jamais vu, au milieu de nous, autant de simplicité de coeur, de joie dans le Seigneur, de communion fraternelle et de droiture que maintenant. Que l'amour de notre Dieu fasse de nous ce qui lui plaira. »

Au mois de mai, la commission arriva à Herrnhut et à sa tête M. le surintendant Löscher, théologien dont la réputation était grande. Au bout de dix jours d'un travail assidu, elle se retira, comme la première, satisfaite et vivement impressionnée. Quelques détails fort caractéristiques méritent d'être relevés. Interrogée, à l'issue d'une enquête, au sujet de la souffrance qu'elle devait éprouver de l'absence de son mari parti pour l'Amérique, Rosina Nitschmann répondit: « Non, je n'en souffre pas; il est le serviteur du Sauveur; du reste, nous nous aimons beaucoup. » - « Avez-vous lu la Confession d'Augsbourg? » continua le juge. - « Non, je ne connais que la Bible; c'est en elle que j'ai trouvé où appuyer ma foi; il ne me faut rien d'autre. » - « Estimez-vous que votre organisation et, en particulier, vos unions de prière soient indispensables pour être sauvés?» - «Pas cela, mais bien nécessaires pour une Eglise de Christ.» - « Et si vous étiez loin d'ici, dans un pays étranger? » - « Le Sauveur me resterait et je m'efforcerais de trouver deux ou trois croyants pour avoir avec eux de la communion fraternelle.»

Le pasteur Löscher rendit à Herrnhut un excellent témoignage. « Vous êtes, » s'écria-t-il les larmes aux yeux, « une Eglise pleine de piété. Ne vous en enorgueillissez pas. Soyez toujours plus fidèles. Ne suivez jamais la pensée de votre propre esprit, ne vous scandalisez pas de la conduite de tel pasteur luthérien, obéissez aux autorités. Vous êtes dépositaires d'une doctrine saine et pareille à celle que nous professons nous-mêmes; votre organisation seule nous manque. »

Grâce à la nature du rapport qu'avait présenté la commission, grâce aussi à l'intercession du feld-maréchal de Nazmer, beau-père de Zinzendorf, celui-ci reçut, en 1737, la permission de rentrer à Herrnhut après quinze mois d'absence. On y célébra, le 13 août, une fête d'actions de grâces, se souvenant tout à la fois des grands événements d'il y avait 10 ans et des délivrances merveilleuses de la dernière heure.

Mais l'ennemi ne dormait pas. Il continuait ses machinations contre Herrnhut, soit par la voie du Consistoire luthérien de Dresde, soit par celle du gouvernement. Ce dernier finit par faire présenter à Zinzendorf, en automne 1737, une pièce à signer. Elle contenait l'engagement de ne plus se rendre coupable des choses dont on l'accusait, et sollicitait par là des aveux complets. Comprenant alors qu'il fallait se soumettre ou se démettre, le comte choisit un second exil volontaire qu'un arrêt gouvernemental du mois d'avril 1738 rendit définitif et irrévocable.

Au commencement de décembre, Zinzendorf fit ses adieux à Herrnhut. Il parla avec les accents de la foi qui, même en succombant, compte sur la victoire. A ceux qu'il quittait, il laissa des paroles d'exhortation à la fidélité et à l'amour fraternel. Un grand nombre de frères l'accompagnèrent un bout de chemin. Les larmes de tous témoignaient des douleurs de ce déchirement. Pendant dix ans, Herrnhut ne devait plus revoir celui auquel, après Dieu, il devait son existence.

Mais à côté des ennemis, Dieu, dès longtemps, avait accordé à Zinzendorf et à ses frères un cercle de précieux amis, choisis tant dans le luthéranisme que dans les rangs des piétistes, parmi les petits de ce monde non seulement, mais aussi parmi les savants, les dignitaires ecclésiastiques et les princes.

Le piétisme donna à Herrnhut un homme d'une valeur inappréciable, Auguste-Gottlieb Spangenberg. Mis en rapport avec quelques messagers des Frères, en 1727, cet homme ne tarda pas à avouer tout haut avoir été. spirituellement mis sur le bon chemin par le ministère de ces simples laïques. Nature pratique et pleine d'énergie, il organisa à Iéna d'abord, puis à Halle où il professait à l'université et occupait en même temps une place dans l'orphelinat Franke, une association religieuse calquée sur le modèle de Herrnhut. Cela lui valut des avertissements, puis son congé qui le jeta, au printemps 1733, dans les bras de ses pauvres frères de la colonie du Hutberg, auxquels, selon une miséricordieuse dispensation de Dieu, il apportait tout le poids de son autorité, toute la ferveur de sa foi et de son amour, toute sa science, toute sa sobriété chrétienne, la largeur de ses vues et son talent d'organisation.

Grande aussi fut l'importance pour Herrnhut d'une déclaration publique de la faculté luthérienne de théologie de Tubingue du 19 avril 1733, Zinzendorf, accompagné de Martin Dober, avait apporté aux savants de cette haute école toutes les pièces nécessaires pour examiner la cause des Frères. Il y ajouta de nombreuses explications, conversant avec les professeurs, les pasteurs, les prélats du pays et plaidant, soit dans l'intimité du tête à tête, soit devant de grandes assemblées, en faveur de ceux que l'université de Halle attaquait et condamnait sans pitié. Quand enfin la faculté se prononça, elle le fit d'une manière favorable à Herrnhut. Elle approuva la doctrine des Frères, conforme, disait-elle à la confession d'Augsbourg; elle déclara avoir retrouvé dans leur constitution le modèle qu'avait laissé l'Eglise de l'Unité en Bohême et en Moravie; elle reconnut en eux un membre de l'Eglise chrétienne évangélique.

En tout cela, la faculté ne se dissimula point qu'elle allait provoquer une tempête de protestations. Elle avait conscience du courage dont elle faisait preuve et que lui inspirait cette conviction qu'il fallait « risquer quelque chose pour les affaires de Dieu. »

Dans l'Allemagne du Nord, également, Dieu sut procurer à Zinzendorf un puissant appui. Daniel Jablonsky, prédicateur de la cour de Berlin, évêque par l'ordination de l'Eglise de l'Unité (voir introduction p. 18) salua avec bonheur, dans ce qui se passait à Herrnhut, le renouvellement de l'Eglise de ses pères. Aussi, loin de se refuser, il se prêta, en 1735, à l'ordination de David Nitschmann, le Morave, et, en 1737, à celle de Zinzendorf lui-même (voir chap. VII). Plein de piété pour le grand passé auquel le rattachaient les liens les plus sacrés, il envisagea comme un privilège de rebâtir les murs que l'ennemi avait fait tomber. - A l'amitié du prédicateur, se joignit celle du souverain lui-même. Le 25 octobre 1736, Frédéric-Guillaume 1er de Prusse fit inviter Zinzendorf, en séjour à Berlin, à venir lui rendre visite au château de Wusterhausen. Prévenu contre le comte, le roi désirait le voir et le juger en connaissance de cause. Au bout de trois jours d'entretiens toujours plus intimes, sa Majesté déclara, en présence de la reine et de toute la cour, avoir été honteusement trompée au sujet du comte et assura celui-ci de sa bienveillance. Ce fut le roi aussi qui engagea Zinzendorf à accepter, des mains de Jablonsky, la charge épiscopale. Il se prêta en outre à une nouvelle enquête, réclamée par son hôte, sur la doctrine des Frères, et confia ce travail à deux dignitaires de l'Eglise luthérienne.

Il remit au comte des lettres de recommandation et le congédia avec bonté. Une correspondance poursuivie jusqu'à la mort du roi, en 1740, perpétua les relations nouées, et prépara la reconnaissance de l'Eglise des Frères par la cour de Prusse en 1742. - Vers la fin de la même année, Zinzendorf se rendit en Angleterre où l'amenait le désir de trouver dans l'Eglise anglicane un soutien pour les travaux missionnaires de Herrnhut.

L'archevêque John Potter de Cantorbéry le reçut en 1737 et ne tarda pas à reconnaître publiquement, dans l'association religieuse de Herrnhut, la fille de l'ancienne Eglise épiscopale de l'Unité, d'accord, pour la doctrine, avec les 39 articles de l'Eglise d'Angleterre.

Douze ans plus tard, un acte du Parlement, daté du 12 mai 1749, donna à l'Eglise renouvelée des Frères la place qu'elle a occupée, dès lors, dans le Royaume-Uni, seule Eglise officiellement reconnue à côté de l'Eglise anglicane.

Ainsi se dessinaient les camps, hostile l'un, favorable l'autre à la colonie de Herrnhut et à l'oeuvre des Frères commencée au près et au loin. Au milieu des persécutions des uns et des protections des autres, ce que Zinzendorf aurait voulu maintenir à l'état d'une simple paroisse luthérienne, devint une Eglise autonome, appelée à recueillir la succession de l'Eglise de l'Unité. Avant d'entrer dans les détails de ce développement, il nous reste à jeter un coup d'oeil sur la vaste diaspora que l'exil de Zinzendorf acheva de faire naître autour de Herrnhut, et dont l'existence ne manqua pas de jeter son poids dans la balance, pour le renouvellement de l'Eglise des Frères.



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