Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



L'ÉGLISE DE L'UNITÉ DES FRÈRES


CHAPITRE III

LES PREMIERS TÉMOINS
(1727-1740)

La colonie de Herrnhut, à peine fondée et loin d'avoir trouvé son organisation définitive, devint le point de départ d'une activité exercée jusque dans les pays les plus lointains. Le foyer, à peine allumé, envoya ses étincelles jusqu'au bout du monde. On raconte qu'en 1728 déjà, il n'était pas rare que cent à cent cinquante lettres, arrivées à Herrnhut pour des affaires du règne de Dieu, y attendissent ensemble leurs réponses, et que la dépense pour la correspondance de l'année s'élevait à la somme de cent soixante thalers, soit six cents francs. Détail d'autant plus digne d'attention, qu'il appartient à une époque dont nous séparent plus de cent cinquante ans, et qu'il se produisit dans un milieu composé en grande partie d'hommes illettrés et sans fortune.

Les relations nombreuses que fait supposer le fait cité et qui allaient se multipliant d'année en année de la manière la plus frappante, durent leur origine à des voyages entrepris, le plus souvent, avec fort peu d'argent, au prix de grandes fatigues et de suprêmes efforts, soit au nom de Zinzendorf, soit sans le concours du comte et pour des motifs d'une nature diverse. Ce qu'il faut exclure, c'est la pensée d'une propagande en faveur de l'Eglise morave. Celle-ci, tout bien considéré, n'existait point encore. Herrnhut n'était qu'une fraction de l'Eglise luthérienne et plus spécialement de. la paroisse de Berthelsdorf. L'Eglise de l'Unité n'avait point encore été réorganisée et Zinzendorf, moins encore que tout autre, y pensait avant d'avoir été poussé dans cette voie par la force de circonstances indépendantes de sa volonté.

Mais s'il ne pouvait être question d'augmenter les. rangs d'une Eglise, loin d'être constituée, de puissantes considérations d'un autre genre arrachèrent les frères de Herrnhut au repos qu'ils venaient de trouver. Deux ordres d'idées étaient en présence l'un de l'autre. On désirait faire connaître, au près et au loin, aux amis du Règne de Dieu, à tous les cercles chrétiens qui avaient été vivifiés sous le souffle du piétisme, les grandes choses accomplies par Dieu pour la colonie de Herrnhut. On se disait qu'il fallait tendre la main à tous ces frères, les encourager sur la base des expériences précieuses qu'on avait faites et serrer les rangs autour du drapeau et de la personne du Christ. Les voyages entrepris dans ce but-là étaient, en premier lieu, l'oeuvre du comte de Zinzendorf.

D'autres étaient plutôt celle des Moraves. Arrachés par la bonté de Dieu à l'esclavage et aux erreurs de Rome, arrivés à la pleine jouissance des libertés et des lumières de l'Evangile, ils se sentaient pressés de porter du* secours à leurs compagnons de misère des temps d'autrefois. De là, un grand nombre de voyages d'évangélisation faits, la plupart, dans des pays catholiques, vraies tentatives missionnaires dans lesquelles se formèrent, selon une merveilleuse dispensation de Dieu, les futurs messagers de Christ au sein du monde païen. Quelques noms, à côté de Christian David, sont inséparables de ces entreprises dont l'histoire est riche en grands traits: Celui de Paul Schneider, retenu en prison durant quatre ans ; appelé à baiser un crucifix, il s'écria: « J'ai Jésus au fond de mon coeur »; et, menacé d'une prompte exécution: « Faites-le au plus vite, j'en suis, content. » Celui de Melchior Nitschmann, parti de Herrnhut le 26 avril 1728, muni d'une chemise, d'un mouchoir de poche et de deux florins et décédé, en 1729, dans les cachots du château de Schildberg, avec cette parole sur ses lèvres mourantes: « J'ai saisi le Sauveur; il ne me laisse pas et moi je ne le laisserai pas non plus. » Celui de Georges Schmidt, compagnon de souffrances de Nitschmann, qui, après six longues années de prison, devait partir pour le Sud de l'Afrique, prémices de l'armée missionnaire protestante dans le continent noir. Celui de David Nitschmann qui, au bout de trois ans de tortures morales et physiques, succomba entre les mains de l'ennemi, le 15 avril 1729, âgé d'à peine trente-deux ans.

Une énumération, même rapide et incomplète, des divers lieux où se rendirent les premiers frères de Herrnhut, au service tantôt d'une cause, tantôt d'une autre, ne manque pas d'offrir de l'intérêt. Elle prouve jusqu'à l'évidence que les flammes du feu sacré qui brûlait dans les coeurs, avaient dévoré et les timidités innées aux petits, appelés à se présenter devant les savants, les riches et les grands, et les craintes de l'inexpérience en face d'une tâche souvent fort délicate ou difficile, et le tremblement du coeur naturel à l'heure du danger.

Au mois d'août de l'année 1727, Jean Spindler se mit en route pour la Transylvanie où l'on espérait trouver des Eglises ayant besoin d'un encouragement fraternel. Quelques semaines plus tard, deux autres Moraves, dont un du nom de Nitschmann, partirent pour se rendre à Copenhague, auprès du prince Charles de Danemark, auquel ils devaient remettre, de la part de Zinzendorf, une histoire de la colonie de Herrnhut. Deux autres se rendirent chez le prince Charles-Ernest de Saalfeld, homme pieux, aux besoins spirituels duquel le piétisme de Halle n'avait pas répondu. En route, s'arrêtant à Iéna, ils firent connaissance, dans la maison du savant Buddäus, avec A. G. Spangenberg qui, dans la suite, devait jouer, au sein de l'Eglise de l'Unité, un rôle marquant. Presque en même temps, Christian

David, en société d'un second frère, parcourut l'Autriche et porta les consolations de la foi et les trésors de son expérience chrétienne aux protestants de Salzbourg, tandis qu'un quatrième groupe de messagers se dirigea sur la Bohême et la Moravie. - L'année suivante, le comte délégua trois frères à Londres auprès de la comtesse de Schaumburg-Lippe, dame haut placée à la cour d'Angleterre, qui s'était vivement intéressée à la fondation de Herrnhut. L'un des trois, Nitschmann le charpentier, a laissé de ce voyage, pour lequel on disposait d'une quarantaine de francs, un rapport remarquable par sa simplicité tout autant que par les incidents qu'il raconte. - Suivent des voyages à Halle, Sorau et Görlitz, dans le Brandebourg, en Silésie, en Suède et en Angleterre. - Encore une année, et Christian David s'aventure avec un compagnon de route jusqu'en Livonie, gagnant son pain chemin faisant à la sueur de son front et cherchant partout des frères dans la foi. - Plus tard, en 1731, nous rencontrons le même homme dans le Wurtemberg, à Lausanne et à Montmirail où il rédigea une description détaillée de Herrnhut. - D'autres frères, séjournant à Zurich et à Berne, font savoir à Herrnhut que le duc de Savoie vient d'expulser de ses terres quelques centaines de Vaudois et Zinzendorf s'empresse de leur offrir un refuge. - Toujours plus audacieux, le comte envoie, en 1734, à St-Petersbourg, un messager chargé d'examiner ce qu'il y aurait à faire pour Christ dans l'immense empire russe. - En 1735, une délégation de trois frères part pour Stockholm, Tornea et la Laponie. On n'oublie ni les juifs d'Amsterdam que vont visiter Léonard Dober et Samuel Lieberkühn (1738), ni les esclaves de l'Algérie auxquels Alvin Richter va annoncer Christ (1739). Arved Gradin est délégué auprès du patriarche de Constantinople. André Jaeschke se rend à Bucharest, désireux de découvrir, dans ces contrées, des descendants de l'ancienne Eglise de l'Unité qu'on savait y avoir compté des membres. A peine, en un mot, si l'on trouve un pays, de l'Allemagne non seulement, mais de l'Europe tout entière, où les messagers de Herrnhut ne se soient pas montrés.

Zinzendorf lui-même prenait une part active à ces voyages. On le rencontrait tantôt à côté de ses frères, tantôt seul, essayant de grouper les âmes, de venir spirituellement en aide aux délaissés de ce monde comme aux chrétiens en danger de s'égarer dans la voie de l'erreur, de plaider la cause de Christ et d'avancer son règne jusque dans les cours royales. Infatigable, ne reculant devant aucun sacrifice, toujours prêt et toujours courageux, ne calculant jamais, n'écoutant que l'appel de Dieu, il se donnait tout entier au service du Seigneur.

De retour à Herrnhut, les messagers de l'Eglise présentaient leurs rapports, palpitants d'intérêt quelquefois, et ouvrant devant leurs auditoires des horizons toujours nouveaux et toujours plus vastes. Ce qu'on venait d'apprendre se transformait alors en sujet de prière, et bientôt tout ce qu'il y avait en Allemagne, si ce n'est en Europe, de mouvements religieux, de faits soit réjouissants soit attristants dans le domaine spirituel, se trouva entraîné dans le cercle des choses pour lesquelles intercédait avec fidélité et zèle la jeune et chétive colonie morave.

Une nouvelle et grande impulsion fut donnée à celle-ci par le commencement de ses Missions en pays païen. Cet événement occupe, au milieu de l'activité déjà rapidement esquissée, une place trop importante pour qu'il ne soit pas utile de nous y arrêter un moment. Il acheva de porter les regards de l'Eglise naissante jusqu'aux terres les plus lointaines et de donner à Herrnhut son caractère oecuménique.

L'origine des Missions moraves remonte au 10 février de l'année 728. Ce jour-là, sous l'impression produite par les rapports de quelques messagers de l'Eglise, rentrés après l'accomplissement de leur tache, ,on prononça le nom du Groënland et des Antilles. C'était la main qui s'étendait, timidement, pour saisir la couronne des Missions. Quelques-uns objectèrent l'immense difficulté de l'oeuvre qui surgissait au loin. Mais Zinzendorf rassura les craintifs, et, le lendemain déjà, vingt-deux' frères se mirent, sous sa direction à étudier des langues étrangères, l'histoire ecclésiastique et la médecine afin d'être prêts à l'heure où Dieu les appellerait. Quatre années cependant s'écoulèrent avant qu'une décision fût prise. Il fallait de nouveaux et puissants encouragements d'En-Haut pour ébranler la première colonne missionnaire. Dieu les donna, en 1731, à l'occasion d'un voyage de Zinzendorf à Copenhague où il devait assister au couronnement du roi Christian VI.

Le comte avait fondé sur son séjour à la cour de belles et grandes espérances, dans lesquelles les intérêts de Herrnhut s'effaçaient derrière les intérêts du règne de Dieu en général. Il avait songé à la fondation, sous les auspices du monarque danois, d'une université foncièrement chrétienne, foyer de lumière spirituelle pour toute l'Allemagne (lu Nord, répandant les doctrines d'un piétisme large et dépouillé des étroitesses de Halle. Mais ce plan échoua. Dieu trouva bon de lui substituer une cause tout à la fois plus modeste et plus grande. Il plaça dans le chemin du comte un nègre des Antilles, valet de chambre du comte de Laurwig, et deux Esquimaux du Groënland en séjour dans la capitale danoise. Rencontre fortuite selon les hommes, mais engendrant, selon les desseins de la miséricorde divine, une oeuvre à laquelle l'Eglise de l'Unité renouvelée allait être redevable de ses plus fortes et plus nombreuses bénédictions !

En face de ces représentants du monde païen, le coeur de Zinzendorf s'émut. Entrevoyant la réalisation d'un plan hardiment conçu avec son ami de Watteville, il y avait de longues années déjà, il écrivit à son épouse :

Le comte Laurwig me permet d'emmener Antoine, son domestique noir, pour faire connaissance de Herrnhut et frayer la voie à la conversion des nègres d'Afrique et d'Amérique. Les Missions danoises au Groënland et en Laponie sont abandonnées. La place est à qui veut la prendre. je vois un vaste champ devant moi ; que le Seigneur veuille dire: Amen ! »

De retour à Herrnhut, Zinzendorf présenta son rapport à l'Eglise. Il lui fit part des renseignements recueillis sur l'île de St-Thomas et le Groënland, et déroula devant elle le tableau de l'immense misère spirituelle de ces contrées. Il n'en fallut pas davantage pour faire naître, dans le coeur de quelques-uns, le désir de voler an secours des malheureux. « Si le Seigneur trouvait que je fusse bon à cela, j'aimerais bien aller chez les esclaves nègres, » se dit Léonard Dober. Même réflexion dans l'âme de Tobie Leupold. Puis, s'étant ouverts l'un à l'autre, la main dans la main, unis pour l'accomplissement d'un suprême sacrifice, les deux hommes s'offrent pour le service de la Mission, tout prêts à accepter jusqu'aux chaînes de l'esclavage, afin de pouvoir prêcher aux esclaves Christ, le Libérateur.

Le Groënland aussi trouva ses apôtres. A genoux dans les bois du Hutberg, Matthieu Stach et Frédéric Böhnisch se consacrèrent aux Esquimaux. « Vous n'y trouverez pas même du bois pour vous construire une hutte, » leur dit-on. « Peu importe, » répliquèrent-ils; « nous nous creuserons un trou dans la terre et nous l'habiterons. »

Mais le départ des missionnaires se faisait attendre. L'Eglise, si riche jusqu'alors en hardiesses de la foi, hésitait à accepter les offres qui avaient été faîtes. Il se produisait même, dans son sein, une opposition que rien ne justifiait. On parlait d'exaltation, de bravades, d'un coup monté par lequel ces jeunes gens voudraient être mis en relief dans l'Eglise. On retint, pendant plus d'un an, ceux qui étaient prêts à partir à l'instant même où l'appel de Dieu avait retenti dans leurs âmes.

Dira-t-on, après tout cela, que l'Eglise de Herrnhut était dévorée du désir de briller par des oeuvres extraordinaires dans le Royaume de Dieu ?

Dira-t-on que l'oeuvre de ses Missions a été combinée, organisée, entreprise par un effort de sa volonté à elle ?

Et l'Eglise pourra-t-elle oublier les résistances, les accusations injustes de la première heure, souvenir humiliant joint, à tout jamais, aux débuts d'une tâche qui, par un effet de la grâce gratuite et puissante de Dieu, devait la combler de tant de gloire ? N'est-elle pas obligée, ici encore, de dire à Dieu: C'est à toi qu'appartiennent l'honneur et la puissance? 1

La douloureuse épreuve de patience dans laquelle Dieu, par le moyen de leurs frères, avait placé les premiers missionnaires, ne pouvait d'ailleurs que faire mûrir leur foi. Engagé, au mois de juin 1732, à manifester, une fois encore, ses sentiments, Léonard Dober adressa à « l'Eglise de Dieu à Herrnhut » une lettre dans laquelle, avec autant de simplicité que d'humilité, il déposait le récit de ses expériences personnelles et l'assurance de son entière obéissance à la volonté de Christ et de l'Eglise. Dès lors, celle-ci n'hésita plus. Et le Seigneur, consulté par la voie du sort, accorda à son serviteur cette réponse catégorique: « Qu'il aille, et l'Eternel sera avec lui. »

Jeudi 21 août 1732, à 3 heures du matin, les premiers, missionnaires quittèrent Herrnhut pour se rendre à St-Thomas. Ce furent Léonard Dober, jeune homme de vingt-six ans, célibataire, potier, originaire du midi de l'Allemagne, et David Nitschmann, ayant dix ans de plus que Dober, Morave de naissance, marié, père de famille, s'arrachant aux doux liens qui le retenaient dans la patrie. Ce dernier avait remplacé Tobie Leupold et devait revenir des Antilles le plus tôt possible pour apporter à ses frères des nouvelles précises quant au commencement des travaux.

Quatre mois plus tard, le 13 décembre, victorieux des découragements et des détresses sans nombre qui s'étaient trouvés semés sur leur route, les missionnaires abordèrent à St-Thomas. Dieu leur donna, ce jour-là, cette parole: « l'Eternel passe en revue l'armée qui va combattre. » Le lendemain, dimanche, en débutant dans leurs travaux, ils étaient en face d'Abraham et d'Anna, frère et soeur d'Antoine, le nègre: deux pasteurs pour deux auditeurs.

Ainsi commença l'oeuvre des Missions moraves, grain de sénevé appelé à devenir un grand arbre!

Dès lors les départs missionnaires se succédèrent à Herrnhut, nombreux et hardis.

Le 19 janvier 1733, Mathieu Stach, Christian Stach et Christian David se mirent en route pour le Groënland.

Le 21 novembre 1734, une caravane de dix Moraves, auxquels se joignit plus tard A. G. Spangenberg, s'ébranla pour fonder en Géorgie une colonie missionnaire, destinée à porter l'Evangile du salut aux Indiens de l'Amérique du Nord.

En 1735, les Frères arborèrent le drapeau de Christ dans la Guyane Hollandaise.

En 1736, Georges Schmidt se présenta, avec la Parole de vie, devant les Hottentots du Cap de Bonne Espérance.

En 1737, le Morave Huckhoff se rendit dans la Guinée.

En 1738, André Grassmann et Schneider allèrent à la recherche des Samoyèdes sur les bords de la Mer Glaciale.

En 1739, Eller et David Nitschmann partirent pour l'île de Ceylan.

Coup sur coup, huit immenses voyages ! Année par année, une nouvelle entreprise missionnaire! Coup sur coup, année par année, des actes de foi qui ne pouvaient s'accomplir qu'au prix des sacrifices les plus grands et les plus douloureux!

Quand parut le livre des Paroles et Textes de l'année 1739 (1), il fut dédié « aux Eglises et aux serviteurs du Seigneur » dispersés dans tout le monde. La préface énuméra tous les lieux où les Frères s'étaient déjà établis

au nom de Christ et pour l'amour de l'Evangile de sa grâce. Elle renfermait non moins de trente-neuf noms divers, en Europe, en Asie, en Afrique et en Amérique. La Nouvelle-Hollande seule n'avait pas encore eu la visite des émigrés moraves.



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(1) Le 3 mai de l'année 1728, on avait commencé, à Herrnhut, de donner « la parole du jour ». En 1731, les Paroles et Textes furent publiés pour la première fois sous la forme d'un petit volume.

 

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