Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



L'ÉGLISE DE L'UNITÉ DES FRÈRES


CHAPITRE Il

DANGERS SECTAIRES

 

Si le sol spirituel de Herrnhut renfermait les germes ,d'une Eglise, il renfermait aussi ceux d'une secte. Ce qu'il produisit en premier lieu, ne fut pas du froment, mais de l'ivraie. La colonie morave, à peine établie, faillit devenir un nid de sectaires. Il y a dans ce fait une profonde humiliation et des instructions sévères.

Dieu, en permettant la crise morale et spirituelle qu'on va lire, anéantit l'auréole des martyrs pour l'amour de la foi. - Dieu fit comprendre aussi à la première génération de Herrnhut, ainsi qu'à toutes celles qui lui ont succédé, que l'homme peut avoir souffert pour l'Evangile et avoir courageusement rendu témoignage au nom de Christ, sans être fondé et enraciné dans la charité et avoir connu à fond la vérité. - Dieu prépara pour le coeur et la conscience de la future Eglise cette leçon qu'il lui a donné de ne jamais oublier, c'est que tout édifice spirituel menace ruine aussi longtemps qu'il ne s'érige pas sur la double base d'une profonde connaissance du péché d'une part, et de la grâce gratuite de Dieu en Jésus-Christ d'autre part. Un grand nombre de ceux qui étaient accourus à Herrnhut, ignoraient la corruption du coeur humain et la nature du péché. Honnêtes, vertueux, prêts au sacrifice, ils n'en avaient pas moins pour cela conservé leur orgueil spirituel et de subtiles concessions faites au mal Ils étaient le sépulcre blanchi, orné de la gloire de l'exil. D'autres, âmes plus droites et plus simples, cherchaient le secours non point dans les richesses de la grâce divine, mais dans les efforts de l'homme avide de sainteté. « Sur cent personnes, trois seulement étaient converties, » s'écria plus tard le comte de Zinzendorf.

Il est aisé, d'après tout cela, de suivre avec intérêt, avec compassion pour les coupables et avec reconnaissance envers Dieu, le cours des événements.

A mesure que le village de Herrnhut se peuplait, on y remarquait, d'une manière de plus en plus inquiétante, la présence du grand ennemi de toute communion fraternelle : l'esprit de jugement, observant, épluchant, critiquant les défauts du prochain, s'attaquant surtout à toute différence de vue doctrinale. De même qu'à Corinthe, l'un disait: Pour moi je suis disciple de Paul; l'autre: Et moi, je le suis D'Apollos ; un autre: Et moi, je le suis de Céphas; et un autre: Je suis de Christ. Piétistes, Luthériens, Moraves descendant de l'Eglise de l'Unité, Allemands du Nord, Allemands de la Souabe, chacun faisait valoir sa tête et les expériences de sa vie spirituelle.

Le baron de Watteville d'abord, puis le comte de Zinzendorf, s'efforcèrent de ramener la paix, mais le feu continuait à couver sous les cendres. Il en sortit, flamme menaçante, répandant au loin ses sinistres lueurs, pendant que Zinzendorf négociait, en 1726, à Ollmütz, en Moravie, avec le cardinal de Schrattenbach, au sujet de l'émigration de plus en plus entravée par le clergé romain. En l'absence du comte, les vues mystiques des uns, les tendances séparatistes des autres, avaient trouvé leur incarnation dans la personne d'un homme cultivé, à l'esprit contentieux et plein d'ambition, malgré toutes les apparences d'une grande piété. Enlevant d'un coup de main la position déjà minée, le conseiller Krüger, d'Ebersdorf, s'érigea en réformateur de Herrnhut. Il prêchait la séparation d'avec l'Eglise luthérienne qu'il accusait d'être mondanisée. Il allait jusqu'à nommer Zinzendorf la bête de l'Apocalypse et le pasteur Rothe le faux prophète. Sous son influence, toujours plus puissante, la révolte des esprits devint générale. On ne parlait plus que de la sortie de Babylone. L'erreur attaquait jusqu'aux doctrines fondamentales de l'Eglise chrétienne: la divinité du Christ et la réconciliation du pécheur avec Dieu par le sang de la croix. Christian David même, ébloui, séduit, appuyait Ces vues de tout le poids de sa forte individualité (1).

Le pasteur Rothe protesta, jaloux des droits de l'Eglise dont il était le serviteur, tout autant que du bonheur spirituel de ses paroissiens égarés. Mais son zèle à combattre le mouvement acheva de creuser un abîme entre lui et Herrnhut. Zinzendorf, accouru de la Moravie, essaya la douceur et les exhortations paternelles, mais il ne fut pas écouté non plus. Obligé de passer à Dresde l'hiver de 1726 à 1727, il finit par repartir de Berthelsdorf le coeur chargé, mais espérant contre espérance et ferme dans la foi.

Au commencement de l'année 1727, Dieu intervint. On constata chez Krüger une maladie mentale qui nécessita son éloignement de Herrnhut. Des deux partis qui s'étaient formés, l'un persévéra dans des tendances sectaires, l'autre supplia Zinzendorf de revenir pour rétablir l'ordre. Le comte ne s'y refusa pas. Ayant obtenu un congé de plusieurs mois, il retourna à Berthelsdorf et se mit à l'oeuvre. D'accord avec le pasteur Rothe, il se chargea à lui seul de la cure d'âmes au sein de la colonie de Herrnhut. Ménageant les faibles, usant de patience et d'amour envers tous, appuyé dans ses démarches par le travail de l'Esprit de Dieu dans les coeurs, il réussit à ramener les égarés un à un à l'Eglise officielle et aux moyens de grâce dont elle disposait. Au mois de mai, l'aspect spirituel de Herrnhut avait changé. Le troupeau était rendu à son pasteur; la guerre des opinions divergentes avait cessé; l'orgueil avait fait place à l'humilité et la propre justice à la soif de la justice de Christ; ceux qui s'étaient combattus, ne désiraient plus que de pouvoir s'aimer.

Mais au milieu de cette merveilleuse transformation, un voeu se maintenait, fort et légitime. Les Moraves, tout en s'engageant à se courber sous l'autorité de l'Eglise luthérienne et de son pasteur, voulaient conserver les principes de constitution et de discipline ecclésiastiques qu'ils avaient hérités de l'ancienne Eglise de l'Unité. Zinzendorf, trop large, trop juste aussi, pour s'opposer à ces voeux, en essaya la réalisation. En cela, des membres du clergé luthérien même lui prêtèrent l'appui de leur assentiment. Le pasteur Steinmetz, entre autres, quoique ennemi déclaré de toute séparation, le supplia de ne pas sacrifier des trésors, qu'une fois perdus, on ne retrouverait plus, même en les cherchant avec larmes.

Il fut donc décidé que la colonie de Herrnhut formerait une Eglise dans l'Eglise (ecclesiola in ecclesia), ayant ses statuts, son organisation, ses rites à elle, tout en faisant partie de la paroisse luthérienne de Berthelsdorf. Sur le modèle de l'Eglise de l'Unité, elle devait être dirigée par un collège de douze anciens dont quatre occuperaient le premier rang. Zinzendorf devint maire du village et de Watteville fut appelé à seconder le comte dans ses fonctions. Des cultes journaliers devaient contribuer à entretenir la vie spirituelle et la communion des coeurs. On y donnait une large place au chant, afin que chacun prit une part active au service rendu à Dieu.

Un événement que rien n'avait fait prévoir, vint mettre le sceau divin sur ces arrangements humains, dont il avait été solennellement donné connaissance aux habitants de Herrnhut, le 12 mai de l'année 1727

Quelques mois après, au commencement d'août, ]'Esprit qui souffle où il veut et quand cela lui plaît, fit sentir, comme jamais auparavant, son action dans les coeurs. Il y forma des prières empreintes d'une grande ferveur, il pénétra les assemblées, il rendit son témoignage par la bouche de ceux qui parlaient. Dimanche 10 août surtout, la colonie morave, groupée, pour son culte de l'après-midi, autour du pasteur Rothe, éprouva la présence de Dieu à tel point, qu'oubliant le temps qui s'enfuyait, elle demeura réunie, chantant et priant, jusque bien avant dans la nuit.

Le lendemain, son pasteur lui envoya une invitation à un service de Cène qui devait se célébrer le 13, dans le temple paroissial de Berthelsdorf. L'appel fut écouté avec empressement. On consacra le reste de la journée, ainsi que le lendemain tout entier, è la préparation au saint repas.

Quelques-uns, vieux et jeunes, qui jusqu'alors s'étaient tenus à distance de la Table sacrée, subirent devant l'Eglise un examen quant à leur foi. Outre cela,

Zinzendorf, allant de maison en maison, un ami auprès des amis, eut pour chacun une parole d'exhortation ou d'encouragement selon le besoin individuel.

La journée du 13 arrivée, toute la colonie se réunit dans la salle des cultes pour écouter un discours sur la Cène du Seigneur. De là, on se mit en chemin pour le temple de Berthelsdorf. En route, de l'abondance du coeur la bouche parlait. Doux entretiens dans lesquels les âmes s'épanchèrent, se rencontrant dans un seul et même désir et dans de communes humiliations! Echange de pardons aussi, demandés et accordés dans l'amour de Christ!

Au temple, l'assemblée entonna un cantique. Ce fut -un cri de repentance et de consécration à Dieu, s'échappant de tous les coeurs avec tant de puissance qu'il atteignit jusqu'à la conscience d'une grande pécheresse accourue pour voir ce qui se passait. Après cela, le pasteur Rothe prononça la bénédiction sur les catéchumènes, puis, il se jeta à genoux avec tous les assistants. A ce moment, une grande émotion s'empara des coeurs. Prosternée devant son Dieu, l'Eglise aurait voulu faire monter vers lui un second chant, mais les larmes coulaient, inondant et étouffant le sacrifice des lèvres.

Plusieurs frères élevèrent la voix pour prier. Leurs paroles révélèrent les pensées et les voeux dont tous les coeurs étaient pleins. Ils supplièrent le Seigneur de venir en aide à ce troupeau chrétien, qui avait vu se briser sa propre force sur les écueils des mésintelligences et de la séparation sectaire. Ils lui demandèrent ses lumières sur le caractère d'une vraie Eglise de, Christ, la fidélité dans les grandes et dans les petites choses, les fruits de l'Esprit, l'union des coeurs. Ils intercédèrent pour ceux qui, à droite et à gauche, s'étaient égarés loin du bon chemin, insistant pour que Dieu, par son Esprit, ne permit à aucune âme de s'appuyer, pour son salut, sur autre chose que Jésus-Christ seul.

Quand les supplications, les intercessions, les confessions eurent cessé, Zinzendorf, selon le rite luthérien> prononça l'absolution et l'Eglise s'approcha de la Table sacrée. Le pasteur Süss, de Hennersdorf, administra le sacrement; Rothe était au milieu de sa paroisse. La joie du Seigneur débordait dans l'assemblée qui célébrait comme le renouvellement d'une alliance rompue. « Presque hors de nous-mêmes, nous rentrâmes chez nous à midi, » disait plus tard l'un de ceux qui avaient pris part aux grâces du 13 août. « Paisibles, joyeux, nous traversâmes les jours qui suivirent. Chacun apprit à aimer! »

Vers la fin du mois, Christian David et Melchior Nitschmann, fortuitement absents de Herrnhut, le 13 août, revinrent au milieu de leurs frères. « Qu'avez-vous fait le 13, dans la matinée ? » s'écrièrent-ils, à peine rentrés. Pour eux, ils s'étaient sentis pressés, à l'heure même où l'Eglise se trouvait réunie à Berthelsdorf, de se souvenir de leurs frères dans la prière. Retirés dans la solitude d'un grenier, ils y avaient répandu leur âme devant Dieu, intercédant avec larmes pour Herrnhut. jamais ni l'un ni l'autre n'avait connu des douceurs semblables à celles de cette heure de fête. Il ne leur était resté qu'un seul regret, celui de ne pouvoir associer leurs frères à ce grand bonheur.

Mais leurs frères aussi, sans qu'ils s'en fussent doutés, avaient goûté toutes les miséricordes de Dieu. Et ce qui leur était arrivé, loin de leur foyer spirituel, n'avait été que la réponse divine aux intercessions qu'au temple de Berthelsdorf on avait fait monter vers Dieu en leur faveur. Christian David et Melchior Nitschmann, anciens de l'Eglise l'un et l'autre, avaient été, en effet, l'objet d'une prière fervente.

Et nous, après plus d'un siècle et demi, nous nous sentons toujours encouragés par ce fait à dire avec la sainte Eglise chrétienne universelle: je crois à la communion des Saints.

Chaque fois aussi que l'année ramène pour l'Eglise morave le 13 août, elle se souvient devant Jésus-Christ son Chef et avec des accents de reconnaissance offerts à Dieu, des grandes bénédictions de 1727. Chaque fois, elle déplore, aux pieds de son Maître, ses transgressions de la loi de l'amour et lui demande sur son ensemble, comme sur chacun de ses membres, l'effusion d'un Esprit de charité.

S'il y a dans l'histoire de l'Eglise morave un fait auquel elle doive son existence prolongée jusqu'à nos jours et son caractère d'Eglise des Frères, c'est l'intervention divine au moment critique dont nous venons de parler. Ils ont passé, les Inspirés de la Wetterau, les Séparatistes de Berleburg et telles autres dénominations qui, après être nées, elles aussi, au sein du piétisme du XVII ème siècle, étaient dégénérées en sectes dépourvues de simplicité, de sobriété chrétienne comme de charité, et méprisaient, en même temps que l'Eglise établie, les moyens de grâce donnés par Christ. C'est pour avoir échappé, par un effet des adorables bontés de Dieu, à cette chute profonde que l'Eglise morave est encore debout au milieu de ses Eglises soeurs protestantes.



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(1) Voir Zinzendorf, vie de Christian David, racontée à Herrnhut en 1751 : « Il ne voulait rien savoir de la réconciliation avec Dieu par Christ et de la divinité du Sauveur. A partir de 1727 seulement, son coeur honnête et franchement ouvert à l'influence du Saint-Esprit, apprit à attacher à ces doctrines une grande importance et à les aimer. »

 

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