Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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L'ÉGLISE DE L'UNITÉ DES FRÈRES


PREMIÈRE PARTIE

De la fondation de Herrnhut jusqu'à la mort du comte de Zinzendorf.
1722 - 1760

CHAPITRE I

LA FONDATION DE HERRNHUT

 

Vers la fin du mois de mai de l'année 17 22, le comte <le Zinzendorf était en séjour sur ses terres de Berthelsdorf. Causant, un jour, avec le pasteur Rothe, il apprit la présence dans la ville voisine de Görlitz d'un charpentier morave en quête, lui dit-on, d'un lieu de refuge pour des compatriotes qui se disposaient à quitter la Moravie pour l'amour de leur foi. Le comte, vivement intéressé par ces détails, fit prier l'étranger de se présenter devant lui et promit son secours aux émigrants. Sans songer à les recueillir sur son territoire, il espérait leur préparer une nouvelle patrie dans la principauté de Reuss-Ebersdorf où régnait l'un de ses amis.

Christian David, car c'était là le nom du charpentier, n'était pas un descendant des Frères de l'Unité. Né à Senftenberg, an sein de toutes les erreurs et de toutes les superstitions du catholicisme, mais sérieusement préoccupé du salut de, son âme, il avait été puissamment ébranlé par le chant d'un cantique, sortant de l'obscurité d'un cachot où quelques protestants souffraient pour leur foi. Sans tarder, il s'était mis en relation avec les parents des prisonniers. Insensiblement, la lumière s'était faite dans son âme. Par l'étude de la Bible, mais surtout dans les réunions piétistes du pasteur Schäfer, à Görlitz, où il avait échoué après avoir servi sous les drapeaux du roi de Prusse, il avait trouvé la paix de son âme. Heureux dans la possession (le ce trésor, il avait repris ensuite le chemin de sa patrie, annoncé la bonne nouvelle et provoqué un réveil des consciences. Individualité originale et puissante, prêchant, par sa conduite aussi bien que par sa parole, la consécration complète de l'homme à Christ, il avait enfin su triompher des indécisions et des doutes des réveillés qui s'étaient décidés à émigrer. Ces derniers portaient presque tous des noms allemands. C'étaient, selon les suppositions des historiens, des descendants d'un groupe de Vaudois allemands qui, en 1480, s'étaient joints aux Frères de Bohême et de Moravie.

Tandis que ces choses se passaient dans la contrée de Senftenberg, le piétisme exerçait son influence sur nu autre point de la Moravie encore. Les vieilles et pieuses traditions de l'Eglise de l'Unité, disparue depuis tant d'années, s'étaient réveillées à Kunewalde et à Zauchtenthal. Dieu avait choisi, pour l'accomplissement de ce ministère, le pasteur Jean Adam Steinmetz, à Teschen. Tout à la fois piétiste du fond de l'âme et homme aux vues profondes et larges, il avait dirigé les protestants moraves, accourus pour l'entendre, dans la voie de l'Evangile et d'une saine largeur spirituelle. « Il chassa d'eux l'esprit de secte, » disait plus tard à ce sujet le comte de Zinzendorf, « ce dont nous ne saurions lui être assez reconnaissants. »

A peine la promesse du comte obtenue, Christian David retourna en Moravie. Quelques-uns de ceux auxquels il dit: « J'ai trouvé un asile, » lui répondirent: « Cela nous vient de Dieu » et se déclarèrent prêts à tout quitter. « C'est le moment de partir, » ajouta le coutelier Jacob Neisser; « avant que ce soit trop tard, je veux sauver mon !me et celles de ma famille. Moi et mon frère Augustin, nous sommes décidés à tourner le dos à tous nos biens et à nous rendre au lieu que Dieu a choisi pour nous. » Puis, s'adressant à son cousin Michaël Jäschke : « Et toi, si tu le veux, fais comme nous. Nous t'emmènerons selon la promesse que nous avons faite à ton père, afin que ton âme aussi soit sauvée. » Le soir du même jour, mercredi après la Pentecôte de l'année 1722, un peu après dix heures, les émigrants partirent, n'emportant avec eux qu'un paquet de hardes. La petite troupe se composait de onze personnes: quatre hommes, trois femmes et quatre enfants dont deux jumeaux de trois mois.

Zinzendorf était absent quand les émigrants arrivèrent sur ses terres. On l'en avertit par lettre, et, revenu forcément de son premier plan, il permit l'établissement des étrangers aux environs de Berthelsdorf.

Le 17 juin, ils commencèrent leurs travaux. Plantant vigoureusement sa hache dans le premier tronc d'arbre, Christian David s'écria: C'est ici que le passereau a trouvé sa maison et l'hirondelle son nid: tes autels, ô Eternel des armées, mon Roi et mon Dieu!

Du reste, le lieu que l'économe du comte avait choisi pour les Moraves n'avait rien d'attrayant Marécageux, couvert de broussailles, il offrait l'aspect de la désolation. Aussi, dépourvus de tout comme ils l'étaient, les émigrés faillirent plus d'une fois perdre courage. « Nous avions le sentiment, » disaient-ils plus tard, « d'être comme de petits enfants qui se construisent une petite maison avec des bûchettes. » Et ceux qui passaient par là et qui observaient ces quelques hommes à l'oeuvre, se moquaient d'eux en disant: Quelle folie!

Folie selon les hommes, mais non pas auprès de Celui qui avait dit à Abraham: Sors de ta Patrie et de la parenté et va au pays que je te montrerai; voici je serai avec toi et je te ferai devenir une grande nation, Tu seras béni, et tu seras bénédiction. Un jour que la femme d'Augustin Neisser s'était écriée sous le poids du découragement: « Où prendrons-nous du pain dans ce désert? » le pieux Marche, précepteur dans la maison de Madame de Gersdorf à Hennersdorf lui répondit: « Si vous croyez, vous verrez, dans ce lieu même, la gloire de Dieu. » Parole prophétique à laquelle l'avenir a donné raison. La hutte perdue dans les bois du Hutberg devint le berceau d'une Eglise dont l'existence et les oeuvres proclament jusqu'à nos jours ces paroles de l'Apôtre: Dieu choisit les choses folles du monde pour confondre les sages; Dieu choisit les choses faibles et les plus méprisées pour confondre les fortes.

Le village naissant fut appelé Herrnhut (la garde du Seigneur). Inspiré par Marche et Heitz, ce nom fut généralement adopté en 1724- Il devait couper court à tout désir de la vanité humaine de rattacher à l'oeuvre commencée le souvenir de quelque nom d'homme. Il était destiné aussi à rappeler ces deux choses : La fidélité de Dieu à garder les siens et le devoir du chrétien de veiller et de prier en tout temps.

A la veille des fêtes de Noël, le comte de Zinzendorf revint en Lusace avec sa jeune épouse. Quand sa voiture s'approcha du Hutberg, une fenêtre, éclairée au milieu du bois, attira son attention. Ne se souvenant pas d'habitation humaine dans ce lieu, peu au clair sur l'emplacement de la colonie morave, il demanda des renseignements et apprit qu'il se trouvait en face des émigrés, établis sur ses terres. Le comte, alors, descendit, entra dans la maison, salua ses hôtes, se jeta avec eux à genoux et bénit ces lieux avec effusion.

A partir de ces jours mémorables, l'immigration morave continua à travers dix années. Tout arrivant fut obligé de se présenter d'abord devant le juge de paix de Berthelsdorf. Conformément aux exigences de la paix de Westphalie, on n'accordait le droit d'établissement à Herrnhut qu'à la condition d'un départ volontaire de la Moravie, pour l'amour de la foi seule et avec abandon de tous les biens terrestres.

L'une de ces nombreuses arrivées a marqué dans l'histoire de Herrnhut. C'était dans l'après-midi du 12 mai de l'année 1724. Zinzendorf, entouré d'un certain nombre de ses amis, ainsi que de toute la colonie morave, se disposait à poser solennellement la première pierre d'une vaste maison qu'il destinait à l'éducation de la jeunesse noble et dont la grande salle devait servir de chapelle aux émigrés. A ce moment, on vint lui annoncer l'arrivée tout inattendue de cinq hommes de Zauchtenthal en Moravie. Trois d'entre eux portaient le nom de David Nitschmann; le quatrième s'appelait Melchior Zeisberger et le cinquième Jean Töltschig. Tous, en route pour la ville de Lissa en Pologne où ils comptaient trouver des descendants des Frères de l'Unité, n'avaient désiré que saluer en passant la colonie de Herrnhut et son pieux protecteur, le comte de Zinzendorf. Mais celui-ci, évidemment préoccupé de l'événement du jour, les reçut si froidement qu'ils faillirent se retirer déçus et scandalisés. Nul doute, en effet, qu'ils ne se fussent remis en route, si Dieu, par de puissantes impressions produites sur leurs coeurs, ne les eût contraints de se fixer à Herrnhut.

Debout an milieu de l'assemblée, Zinzendorf ouvrit la solennité par un discours empreint du plus grand sérieux. Il parla du but visé dans la construction de cette maison. Il s'arrêta surtout à cette pensée qu'elle devait servir à l'honneur et à la gloire de Dieu seul. Il la voua à la destruction à partir du jour où elle ne répondrait plus à cette grande mission.

Au comte succéda le baron Frédéric de Watteville, établi, depuis quelque temps, à Herrnhut même et au milieu des émigrés. A genoux sur la pierre fondamentale, il prononça une prière dont les accents se gravèrent en traits ineffaçables dans les coeurs des assistants. La parole d'une foi inébranlable et l'émotion d'une âme adorant les miséricordes divines s'y mêlaient à la plus joyeuse et la plus complète consécration à Dieu. « Vous avez beaucoup promis, » dit, après la cérémonie, la comtesse de Zinzendorf à Monsieur de Watteville; « si Dieu nous donne d'en voir la moitié, ce sera bien au-delà de nos espérances. » Et Zinzendorf lui-même avoua, dans la suite, plus d'une fois, n'avoir jamais rien entendu de pareil à cette prière. « C'est depuis le moment qu'elle fut prononcée, » aimait-il à ajouter, « que la grâce divine a agi avec puissance parmi les Frères. »

Saisis au coeur, ébranlés jusqu'au fond de leur être par ce qui venait de se passer sous leurs yeux, les cinq hommes, arrivés dans la matinée, ne songèrent plus à repartir. La main de Dieu les avait arrêtés et les avait joints à jamais à la colonie naissante au pied du Hutberg.

Ni Zinzendorf, ni personne d'autre, ne se doutait de la valeur de l'acquisition que Herrnhut venait de faire par là. Courageux, fermes, entiers dans la foi, dépositaires de souvenirs particulièrement vivants quant à l'Eglise de l'Unité, riches héritiers d'un grand passé,. les arrivants du 12 mai de l'année 1724 devinrent des colonnes de l'Eglise morave renouvelée, à laquelle ils avaient apporté un trésor inappréciable de traditions et de grâces.

Ainsi s'accroissait d'année en année la population de Herrnhut. En 1727, on y comptait déjà près de deux cents émigrés moraves, dont la plupart n'avaient pu échapper que par miracle à la servitude de l'Eglise de Rome, surveillant, poursuivant, punissant, torturant jusqu'au sang les hérétiques. D'autres, moins heureux, furent condamnés aux travaux forcés ou bien durent expier dans des cachots, pendant le reste de leurs jours, le courage d'avoir confessé Jésus-Christ comme leur seul Sauveur. Hardi jusqu'à la témérité, Christian David entreprit, néanmoins, toute une suite de voyages d'évangélisation dans son ancienne patrie. Au nom de Christ, il entrait dans la caverne du lion pour lui arracher sa proie. Mais personne ne réussit à mettre la main sur le prédicateur des bois. Dieu veillait sur son serviteur et le conservait pour l'amour de son peuple misérable et maltraité.

Connaîtra-t-on jamais tous les héroïsmes chrétiens de ces jours-là ? Saura-t-on ce qu'ont dû souffrir pour le nom de Christ ces hommes, ces femmes, ces enfants,, grandis dans le bien-être les uns et obligés de tout sacrifier, pauvres les autres et n'ayant que leur corps à offrir à la fureur de l'ennemi ? Appréciera-t-on à leur juste valeur, les luttes qui se sont livrées au fond des consciences et des coeurs jusqu'à ce que, triomphante de toutes les résistances, la foi eût appris à dire : tout pour Christ?

D'ailleurs, les habitants du village naissant de Herrnhut ne se composaient pas uniquement d'émigrés. A l'élément morave vinrent se joindre des éléments allemands. Des gens des environs, attirés par les prédications du pasteur Rothe, à Berthelsdorf, demandèrent la permission de s'établir à Herrnhut. D'autres, tels que les frères Martin et Léonard Dober, potiers l'un et l'autre, arrivèrent de la Souabe ; d'autres encore de diverses parties de l'empire allemand; en tout, jusqu'en 1727, une centaine de personnes. La localité, à cette époque, possédait trente-quatre maisons habitées par une population de trois cents âmes et régulièrement construites autour du grand édifice inauguré le 12 mai 1724. Deux nationalités s'y coudoyaient. Des différences de caractères et de vues s'y mêlaient les unes aux autres. Quoique unis par un amour commun porté à Christ, les coeurs et les esprits ne se comprenaient pas toujours.

Beau commencement! Miracle de la bonté et de la puissance de Dieu! Etat de choses fécond en dangers aussi! Problème encore irrésolu!

Qu'allait devenir et faire tout ce petit peuple à l'aspect bigarré qui se trouvait groupé au milieu des forêts du Hutberg?

Zinzendorf l'ignorait. Dieu seul le savait.

Aucun homme ne s'était créé ce champ de travail. Dieu l'avait préparé pour son serviteur, Dieu allait en prendre soin par Zinzendorf.



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