Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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SERMONS - EUG. BERSIER 

Tome IV


LA VIE ÉTERNELLE

Jésus-Christ a détruit la mort, et mis en évidence la vie et l'immortalité par l'Evangile.

(2 Tim. 1, 10.)


Mes frères,

Il est un peuple spirituel, partout répandu sur la terre, sorti de toutes les races et de toutes les classes d'hommes, un peuple qui va s'accroissant tous les jours, et qui proclame maintenant dans toutes les langues connues ses convictions et ses espérances. Ce peuple croit à la vie éternelle; il y croit avec une telle puissance que, lorsqu'il dépose en terre les restes de l'un des siens, il prononce sur sa fosse des paroles de victoire; ce n'est pas qu'il brave la mort dans un transport d'enthousiasme, ou que, d'un oeil indifférent, il n'y voie que le cours naturel, inévitable des choses. Il en sent, au contraire, toute la solennité, il en proclame l'horreur; il y voit le renversement de la volonté divine, mais il croit que la mort a été vaincue et que la vie aura le dernier mot sur elle. Ce peuple étrange, qui se propage par une filiation toute morale , n'est point un peuple de philosophes ou de savants; il en compte quelquefois dans son sein qui s'appellent Newton, Leibnitz, Pascal, Bossuet, mais la plupart de ceux qui le composent ne s'élèvent point au-dessus du niveau intellectuel de l'humanité. Il voit passer à côté de lui tous les systèmes de la philosophie, car il ne s'appuie sur aucun. Mais il sait que l'âme humaine est faite pour sa foi, et qu'elle y répond par un assentiment secret. Il ne se trompe pas; elle lui répond, en effet, chaque jour, à chaque heure. Depuis que nous sommes réunis ici ce matin, dans cette demi-heure qui s'est écoulée, des milliers de nos semblables sont morts; j'affirme, sans craindre de me tromper, que beaucoup d'entre eux ont été soutenus, fortifiés , consolés par cette foi, et que si, d'eux à nous, le silence pouvait se faire en cet instant, nous entendrions monter de quelque lit de mort, éloigné ou rapproché, l'accent ferme et confiant d'un chrétien qui retourne à son Dieu, et qui entre dans la mort comme un héritier de la vie éternelle.

Ceci n'est point un rêve, ni un brillant tableau; c'est de l'histoire. Je ne raconte rien ici dont le monde ne soit tous les jours témoin, rien que vous n'ayez pu voir de vos propres yeux. Il n'est peut-être pas un de ceux qui m'écoutent auquel il n'ait été donné de s'approcher, au moins une fois dans sa vie, du lit de mort d'un chrétien. Il y a vu ce spectacle, devant lequel se fût incliné Socrate, d'une âme s'avançant à travers les épaisses ténèbres du monde inconnu en y suivant un chemin assuré, et en s'appuyait sur une main qui ne lui manquait pas; il y a vu, dans l'anéantissement graduel et navrant du corps, cette âme projeter une lueur plus vive, une clarté plus sereine, et sortir triomphante et paisible des agonies suprêmes; il a suivi cette âme jusqu'au seuil mystérieux que le pied d'un vivant ne peut plus franchir, et il l'a vue sans exaltation, sans faux enthousiasme, humble et repentante, affirmer que l'amour de Dieu était désormais sa possession et son partage assuré. Ceux qui s'en allaient ainsi étaient bien divers par leur histoire. Les uns étaient des enfants encore, des enfants qui semblaient promis à la vie, et sur leurs lèvres pâlies par l'agonie est venu se placer un sourire de confiance et de paix; la mort ne les effrayait pas, car le ciel, pour eux, c'était la maison du Père. Les autres étaient des vieillards, et s'acheminaient vers la mort comme des pèlerins fatigués, mais assurés du repos. Les uns étaient des âmes saintes qui avaient à peine mesuré du regard la corruption de ce monde; les autres en avaient traversé les fanges, et leurs prières étaient toutes pénétrées de larmes et de repentir. Les uns échappaient à une existence de souffrances et d'isolement cruel; les autres devaient s'arracher à tous les biens, à toutes les joies que le monde envie. Mais tous, victorieux et confiants, allaient dans leur patrie : pour eux, c'était au delà du voile que la vraie vie allait commencer.

Eh bien! d'où vient ce fait unique, et sans parallèle dans le monde, d'un peuple de croyants confessant ainsi leur foi à la vie éternelle? Cette croyance a sa date dans l'histoire; elle remonte à Jésus-Christ : elle vient de lui. C'est à partir de lui qu'elle s'est emparée des coeurs avec une si prodigieuse puissance, qu'on courait au martyre comme à une fête, non pour fuir l'existence, comme l'Hindou qui se suicide, non pour aller chercher, comme les soldats de Mahomet, les jouissances d'un paradis sensuel, mais pour entrer dans la vie de la justice, de la sainteté, de l'amour.

Or, veuillez remarquer qu'il n'en est pas de cette vérité comme de tant d'autres, qui, une fois découvertes, subsistent par elles-mêmes, par leur propre évidence; cette croyance, qui date de Jésus-Christ, est solidaire de lui, et tellement solidaire que là où baisse la foi chrétienne, là baisse aussi la foi en la vie éternelle, et que là où le Christ est reçu comme le roi des âmes, la vie éternelle les illumine aussitôt de ses espérances. Désormais, là foi à la vie éternelle dépend à ce point de Jésus-Christ, que l'on peut mesurer aujourd'hui les envahissements progressifs de l'idée du néant, à la place que le Christ a laissée vide dans les âmes qui ont rompu avec lui.

C'est là, mes frères, un fait dont nul ne peut diminuer l'importance, et qui frappe d'autant plus qu'on l'observe sérieusement et sans parti pris. Depuis dix-huit siècles, une portion toujours grandissante de l'humanité rend témoignage à la parole de mon texte, et dit avec saint Paul que Jésus-Christ a mis en évidence la vie et l'immortalité.

Ce fait, je voudrais l'expliquer; y réussirai-je? Je l'ignore; mais je vous supplie de remarquer que, dût mon explication être insuffisante et faible, le fait lui-même demeure tout entier devant vous, or c'est ce fait que je devais, avant tout, livrer à l'examen sincère de tous les hommes sérieux qui m'écoutent.

Et maintenant, à cette question : Par quel moyen Jésus-Christ a-t-il mis en évidence la vie et l'immortalité ? j'apporte une triple réponse : Par son enseignement, par sa rédemption, par sa résurrection. Abordons chacun de ces points.

Par son enseignement, ai-je dit d'abord; mais il faut expliquer ma pensée.

Est-ce que j'entends par là que Jésus-Christ a apporté aux hommes des arguments logiques pour leur prouver la vie éternelle, qu'il en a fait une démonstration savante, rigoureuse, invincible, qu'il a donné aux preuves que les philosophes employaient avant lui dans ce but une irrésistible valeur, qu'il y a lui-même ajouté des preuves nouvelles qui convainquent à jamais la raison ? Nullement, mes frères; je ne dirai point cela, parce que je ne le pense pas. Jamais Jésus-Christ n'a entrepris de prouver la vie future, et vous chercheriez en vain sur ses lèvres un seul raisonnement scientifique qui ait ce but : l'Evangile ne démontre pas plus la vie future qu'il ne démontre l'existence de Dieu.

Au reste, vous avez dû le remarquer, l'Evangile se meut dans un tout autre domaine que celui de la science ou de la philosophie; sans les condamner, il s'en passe : il montre la vérité, il ne la démontre pas. C'est bien là, pour le dire en passant, un des caractères qui doivent distinguer une révélation divine. Elle doit se justifier par d'autres preuves que celles de la science, car le nombre des savants est infiniment petit, et il y aurait quelque chose de révoltant à faire de la vérité religieuse le privilège de quelques esprits distingués; comme elle est nécessaire à tous, elle doit être accessible à tous. Jésus-Christ n'a point prouvé philosophiquement la vie éternelle. Selon la parole si frappante de mon texte, il a fait mieux, il l'a mise en évidence.

Mise en évidence! et comment? Pour mettre en évidence l'immortalité, que faudra-t-il faire ? Ah ! je vous entends. Il faudra écarter le voile mystérieux qui nous cache le monde invisible, y pénétrer et nous en raconter les secrets. Nous-mêmes, nous sommes fatalement arrêtés sur les rivages de ce formidable océan de la mort, et nous ne savons si quelque terre nouvelle brille là-bas, au delà de ses flots, à l'horizon mystérieux. Les ténèbres couvrent ses ondes; nous essayons de les éclairer, de diriger sur leurs profondeurs les rayons de notre pensée; mais cette pensée, qui peut suivre les astres dans leur course et calculer les lois du monde, vient s'éteindre dans ces brouillards. Nous prêtons l'oreille, et nous n'entendons que le bruit monotone des vagues auquel semble se mêler le gémissement de toutes les générations passées, ensevelies dans le commun naufrage qui nous attend tous. Nul n'est venu de ce monde-là, disons-nous, pour nous en raconter les secrets. Mais que quelqu'un paraisse, qu'il satisfasse notre ardente curiosité, qu'il nous dise ce qu'est le ciel, qu'il en dépeigne les beautés, qu'il nous raconte la vie qui est le partage des bienheureux dans la gloire, et notre soif sera enfin apaisée. Or, est-ce là ce qu'a fait Jésus-Christ?

Nous a-t-il raconté ce qui se passe dans le ciel? Nous en a-t-il dévoilé les mystères? Si peu que, comme on l'a bien souvent remarqué, l'Evangile ne donne rien ici à notre curiosité. Parcourez tous les enseignements de Jésus-Christ, vous n'y trouverez pas une description du ciel, pas une réponse à ces questions sans nombre que soulève notre esprit devant ses mystères. Si mettre en évidence l'immortalité signifie raconter les secrets du monde invisible, il faut le dire avec résolution: Jésus-Christ ne l'a pas fait.

Combien cette sobriété paraît frappante, quand on songe que Jésus-Christ pouvait si facilement enflammer l'âme de ses disciples, et les encourager à mourir, en leur dépeignant les splendeurs et les jouissances du monde d'au delà! Rappelez-vous tant de fondateurs de religions et de faux prophètes envoyant leurs disciples à la mort, en les enivrant de la promesse des délices que leur réservait le paradis. Dans l'enseignement de Jésus-Christ, rien de semblable. Ce n'est pas que le ciel dont il nous parle n'ait pas ses attraits et ses beautés; mais combien ces attraits sont d'un autre ordre et d'une autre nature! Je le montrerai plus tard. En ce moment, je me borne à remarquer que Jésus-Christ n'a rien voulu accorder à la curiosité humaine, à tout ce qui pouvait séduire l'imagination et l'enthousiasme de ses disciples.

Voilà ce que Jésus-Christ n'a pas fait, et ce que nous aurions attendu de lui. J'en reviens à ma question. Comment a-t-il mis en évidence, par son enseignement, la vie et l'immortalité ? Pour la résoudre, pour comprendre la nouveauté de son enseignement à cet égard, voyons quelles idées

Jésus-Christ a trouvées régnant autour de lui sur ce point. Qu'enseignait en cette matière le livre des Juifs, l'Ancien Testament ?

J'entends affirmer aujourd'hui que l'idée de la vie future est étrangère à l'Ancien Testament. J'entends soutenir que, sur ce point, les Juifs ont été inférieurs à presque toutes les nations. Ce peuple qui s'est fait de Dieu, on est bien forcé de le reconnaître, l'idée la plus sublime, qui seul, entre tous, a proclamé son unité, sa spiritualité, sa sainteté, ce peuple qui, dès ses jeunes années, a été en rapport avec des nations telles que l'Egypte, par exemple, où l'idée de la vie future apparaissait partout et dominait tout, aurait vécu pendant des siècles sans que cette question même se posât devant lui : Est-ce que cela est possible ? Est-ce que cela est vrai? On allègue à l'appui de cette idée le silence de l'Ancien Testament sur ce point. Examinons .

J'ouvre l'Ancien Testament, ce livre auquel l'idée de l'immortalité est restée, nous dit-on, presque étrangère, et dans ses premières pages, je vois énoncer ce fait saisissant que la mort n'était pas dans l'intention première et dans la volonté de Dieu, qu'elle est un désordre, un renversement, fruit de ce renversement moral qui s'appelle le péché. D'où cette conclusion s'impose à nous que l'homme, créé à l'image de Dieu, est fait par lui pour l'immortalité. Tel est, sur ce point, le premier enseignement de ce livre qui ignore, nous dit-on, l'immortalité. Et dans les pages qui suivent, parlant d'un patriarche qui marche dans les voies de Dieu, la Bible nous dit d'Hénoc , comme elle dira plus tard d'Elie, qu'il retourna à Dieu sans passer par la mort.

J'en viens à la loi de Moïse. Il n'y est point fait mention de l'éternité, je l'avoue sans hésiter; mais je prie de remarquer qu'il s'agit ici d'un code adressé à un peuple, et que les peuples ne revivent pas comme peuples. Supposez aujourd'hui le plus chrétien des législateurs dictant des lois au plus chrétien des peuples. Vous le verrez peut-être mettre son oeuvre sous l'invocation de Dieu; mais il l'achèvera tout entière sans y faire intervenir une seule fois l'idée de l'éternité. Pourquoi cela? Parce qu'il est dans la nature même de cette idée de rester étrangère à toute législation. Une législation ne se rapporte qu'à la vie présente; lors même qu'elle toucherait à la religion comme celle de Moïse, elle n'y touche que par des côtés visibles. Les seules sanctions qu'elle puisse promettre sont des sanctions temporelles; elle n'a pas à pénétrer dans le monde d'au delà, car sa mission y expire. Au reste, il y a dans l'histoire de l'Eglise des faits analogues. Nous avons vu, au seizième et au dix-septième siècle, par exemple, à Genève ou en Amérique, des peuples se former sous l'influence d'un puissant mouvement religieux; ces peuples étaient profondément pénétrés de la foi en l'éternité. Elle débordait dans toute leur vie individuelle, et cependant leur législation n'y fait pas même allusion. Cette législation touche à la religion, pourtant; elle sanctionne par des pénalités la morale chrétienne; elle punit le blasphème et l'incrédulité. Mais, je le répète, elle ne mentionne pas une seule fois l'idée d'une vie future, et on pourrait la parcourir tout entière sans se douter que ces peuples y croyaient. Le silence de la loi de Moïse sur ce point n'a donc rien qui m'étonne, et c'est par un étrange abus de logique qu'on prétend y trouver une preuve que les Hébreux croyaient à l'anéantissement.

Après la loi, voici les Psaumes et les prophètes. Les Psaumes... ah! je sais que souvent ils expriment avec une tristesse amère l'idée que l'activité de l'homme finit au tombeau; mais aujourd'hui, ne pourriez-vous pas surprendre sur les lèvres d'un chrétien des expressions semblables, quand il pense à la brièveté de la vie, au peu de temps qui lui est donné ici-bas pour servir son Dieu ? Jésus-Christ, parlant de la mort, ne disait-il pas à ses disciples : « Hâtez-vous d'agir pendant qu'il est temps, car la nuit vient dans laquelle personne ne peut travailler. » Si tout finit avec la mort, expliquez-moi dans les Psaumes ces magnifiques élans vers Dieu, qui opposent à toutes les joies de la vie présente les délices de sa communion, et d'une communion sans fin. Ecoutez Asaph s'écriant : « Je serai toujours avec toi; tu m'as pris par la main droite, tu me conduiras par ton conseil, et puis tu me recevras dans la gloire. Quel autre que toi ai-je dans le ciel? Je n'ai pris plaisir sur la terre qu'en toi. Ma chair et mon coeur défaillaient, mais Dieu est le rocher de mon coeur et mon partage à jamais (1). » Ecoutez David : «Tu me feras connaître le chemin de la vie; devant ta face est la plénitude de la joie, le ravissement à ta droite pour l'éternité (2). » Et ailleurs : « Dieu rachètera mon âme de la puissance du sépulcre, quand il me rappellera à lui (3). » Ecoutez Job : « Je sais que mon Rédempteur est vivant, et qu'il demeurera le dernier sur la terre, et quand les vers auront rongé ma peau, je verrai Dieu de ma chair, je le verrai moi-même, mes yeux le verront et non pas un autre (4). » Libre à la critique de ne voir ici que des exclamations poétiques et des images. Singulières images qui resplendissent partout de l'idée de l'éternité, tellement qu'aujourd'hui, quand nous voulons exprimer nos plus vives espérances, nous ne savons que les emprunter. Etrange et bizarre rencontre qui fait que nous, chrétiens, citoyens des cieux et héritiers de la vie éternelle, nous ne pouvons mieux traduire nos pensées et notre foi que dans les paroles de ces hommes qui ne croyaient, nous dit-on, qu'au néant !

Au reste, j'avoue qu'à côté de ces élans, de ces pressentiments de l'éternité, il y a chez les croyants de l'Ancien Testament des doutes, des anxiétés, des incertitudes en présence de la mort. C'est l'âge crépusculaire encore; les ombres se mêlent partout à la lumière. D'ailleurs, cette lumière n'éclaire que les âmes d'élite qui sont comme les hautes cimes du monde spirituel; la masse du peuple d'Israël ne porte guère ses regards au delà de la vie présente; elle attend pour celui qui servira Dieu fidèlement la prospérité terrestre, les moissons abondantes, les fils et les filles se pressant autour de lui, ainsi que le dit le psaume, comme les flèches dans le carquois d'un guerrier, et sa blanche vieillesse s'écoulant honorée sous sa vigne et son figuier.

Mais, à mesure que les années s'écoulent, la lumière s'étend. La vie présente ne peut suffire à ceux qui cherchent la justice et la vérité. Trop souvent il leur faut voir s'anéantir leurs rêves de prospérité terrestre. Le juste est opprimé, la cause de Dieu est publiquement outragée et vaincue; ses témoins, ses prophètes succombent dans d'affreux supplices; Dieu ne règne donc pas sur cette terre; c'est ailleurs qu'il faut attendre et chercher son triomphe. Aussi voyons-nous apparaître toujours plus clairement l'idée d'un jugement futur, et celle d'une résurrection qu'Esaïe et Daniel expriment avec l'accent d'une triomphante certitude. Cette croyance devient tellement populaire, qu'au temps de Jésus-Christ tous y font allusion, et qu'elle est publiquement enseignée par les pharisiens , c'est-à-dire par les stricts conservateurs des traditions religieuses, tandis qu'elle est niée par les sadducéens, c'est-à-dire par les libres penseurs de ce temps.

Résumons donc les enseignements de l'Ancien Testament sur ce point. Au commencement, au début même des révélations hébraïques, la croyance à la vie future apparaît clairement, mais sous une forme naïve encore; l'homme, dans l'intention de Dieu, ne devrait pas mourir. Les âmes pieuses qui s'unissent étroitement à Dieu ont le sentiment qu'elles le possèdent pour l'éternité. Telle est la croyance qui, pendant plusieurs siècles, est en lutte avec l'idée populaire de l'anéantissement, ou tout au moins d'une vie confuse et sombre au sein du schéol. Peu à peu, cette croyance apparaît plus nette et plus universelle; elle se transforme en la double idée d'un jugement futur et d'une résurrection des morts (5).

Nous pouvons nous représenter maintenant l'état des croyances dans le milieu où parut Jésus-Christ. Que fait Jésus-Christ? Il sanctionne de son autorité divine la croyance à la résurrection; il combat ouvertement le sadducéisme; il revient sans cesse à la grande pensée d'un jugement suprême; mais est-ce là tout ? Jésus-Christ n'a-t-il fait que propager dans le monde la croyance traditionnelle qu'il a trouvée au milieu de son peuple ? Rien ne serait plus injuste que de limiter là son oeuvre. Si je veux la résumer en un mot, je n'hésite pas à dire que Jésus-Christ a fondé la foi en la vie éternelle. Et comment? Ce n'est pas simplement en la supposant toujours, en éclairant de cette lumière tous ses enseignements, ce n'est pas seulement en parlant du ciel, ainsi que l'a si admirablement dit Fénelon, comme un fils parle de la maison de son père, c'est encore, c'est surtout, en nous révélant un idéal de vie auquel notre conscience est forcée de souscrire, et qui est dérisoire s'il ne doit pas se continuer et s'épanouir dans l'éternité.

Placez-vous, mes frères, en présence de l'enseignement de Jésus-Christ, et voyez ce qu'il devient du moment que la vie éternelle n'est pas. - Commencez par le commencement même. Ecoutez le sermon sur la montagne.

Prêtez l'oreille à ces béatitudes étranges qui ne ressemblent à rien de ce qu'avait jusque-là entendu la terre, qui donnent à toutes les ambitions naturelles, à tous les désirs intéressés du coeur humain un démenti si complet, à ces béatitudes dont l'accent est tel que, malgré l'émoussement de l'habitude, les moins croyants ne peuvent les entendre sans un attendrissement secret. Savez-vous ce que m'enseignent toutes ces paroles ? C'est la vie éternelle. Ecoutez: « Heureux les affligés, car ils seront consolés! Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés ! Heureux les débonnaires, car ils hériteront la terre! Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde ! » et dites si chacune de ces paroles n'ouvre pas devant vos regards comme une splendide échappée dans l'éternité même. Dites si chacune de ces paroles n'aboutit pas en se prolongeant à la vie éternelle. Ce simple exemple vous montre d'une manière frappante comment Jésus-Christ a fondé la foi à la vie future. Il l'a fondée sur l'âme humaine elle-même, interrogée dans ses instincts les plus profonds et les plus vrais. Eclairés par cette réflexion, prenons maintenant son enseignement dans sa pensée centrale et dominante.

Qu'est-ce que Jésus-Christ est venu faire ici-bas? Il le dit dès ses premières paroles; il est venu fonder le royaume de Dieu. «Convertissez-vous car le royaume de Dieu est proche, » ce sont ses premiers appels, et quand il se sépare de ses apôtres, il leur dit d'appeler toutes les nations à entrer dans ce royaume qui est désormais fondé.

Eh bien! qu'est-ce que le royaume de Dieu ? Aux yeux des Juifs qui croyaient le comprendre, c'était la réalisation prochaine de la théocratie, c'étaient les païens soumis et tremblants sous la verge de fer du Messie; c'était Jérusalem s'élevant comme la cité dominatrice et royale; c'était l'accomplissement terrestre des splendides descriptions des prophètes. Pour Jésus-Christ, qu'est-ce que le royaume de Dieu ? C'est la volonté de Dieu s'accomplissant dans la justice, la sainteté, l'amour. C'est cet accomplissement qu'il vient réaliser sur la terre. Il vient appeler dans le royaume de Dieu chaque âme qui l'écoute; il faut que chaque âme se convertisse à Dieu, et rentre ainsi dans l'ordre d'où le péché l'a fait sortir; ainsi se forme une nouvelle humanité, le peuple des enfants de Dieu qui entrent dès ici-bas dans la vie éternelle dont ils verront au delà du voile la réalisation complète et l'épanouissement.

Fonder le royaume de Dieu dans la justice, la sainteté, l'amour! Je ne sais ce que vous dit cette pensée; mais il me semble que si je n'étais pas chrétien, je m'inclinerais cependant devant elle comme devant la conception la plus sublime qui ait jamais éclairé notre terre. Aussi, cette pensée, l'humanité s'en est emparée, et vous la retrouvez aujourd'hui au fond des systèmes les plus hostiles au christianisme. Ils remplacent, il est vrai, le règne de Dieu par celui de l'homme; mais, à leurs yeux comme aux nôtres, l'histoire tend tout entière à la réalisation d'un magnifique idéal. C'est là ce qu'on appelle l'idée du progrès, idée chrétienne, étrangère à l'antiquité qui toujours a placé son âge d'or dans le passé. Seulement, l'incrédulité qui nie la vie future, place le royaume de la justice sur la terre, et nous dit que c'est lentement, après bien des siècles qu'il s'y réalisera. Consolation dérisoire! Moqueuse espérance! Car, à supposer que dans cinq, dix ou vingt siècles, l'humanité arrive à fonder ici-bas ce royaume, à supposer qu'une génération profite de tous les labeurs, de toutes les souffrances du passé, en quoi sa jouissance et son bonheur pourront-ils réparer les iniquités sous lesquelles ont souffert toutes celles qui l'auront précédée? L'Evangile n'a jamais favorisé ce rêve humanitaire si répandu aujourd'hui. C'est à chaque génération qu'il annonce la réparation et la justice, non dans un lointain et obscur avenir, mais dans la réalité de la vie future promise à chacun.

En effet, mes frères, comment chercher le royaume de Dieu si l'éternité est un vain mot ? Comment poursuivre la justice idéale, si on doit se contenter de ce que peut nous donner la terre ?

Comment poursuivre la sainteté, s'il faut renoncer à vivre un jour affranchis de cette loi du péché que nous portons dans nos membres? Comment aimer enfin, comment donner son coeur à Dieu et à toutes les choses divines, si nous ne devons pas un jour retrouver Dieu et tout posséder en lui dans l'éternité? Jésus-Christ interroge l'âme humaine, et dans ses profondeurs il évoque ces aspirations que l'éternité seule pourra satisfaire.

Dès lors donc, voici comment la question sera posée : La foi à l'éternité sera la foi même au royaume de Dieu. Plus on croira au triomphe de la justice, de la vérité, du bien, plus on croira à la vie éternelle; plus on sera satisfait de la vie présente, moins on comprendra que l'éternité soit nécessaire. Au lieu donc de dire, comme le feront plus tard les mystiques: «Laissez votre imagination s'égarer dans l'extase, et vous verrez le ciel, » au lieu de dire, comme l'avaient dit avant lui les philosophes : £ Rassemblez dans votre raison toutes les preuves qui démontrent l'immortalité, » Jésus-Christ dit simplement : « Aimez, sanctifiez-vous, ayez soif de la justice ; plus vous ferez cela, plus l'éternité vous sera nécessaire, plus vous l'aimerez, plus vous y croirez; car, vivre pour la sainteté, c'est entrer déjà dès ici-bas dans la vie éternelle. »

Ainsi, pour Jésus-Christ, la vie éternelle commence, dès ici-bas, pour toute âme soumise à Dieu; quarante fois, ce mot revient dans le Nouveau Testament et toujours il désigne l'état d'une âme qui est entrée dans la communion de Dieu. Celle-là seule possède en effet la vraie vie. L'éternité embrasse le présent et le passé aussi bien que le futur. L'éternité, nous y sommes (!). Pour celui qui est entré dans le plan de Dieu, le royaume céleste commence dès ici-bas; seulement, tandis qu'ici-bas tout est soumis au vent de l'instabilité, dans cette autre économie que nous appelons le ciel, la vie sera pleine et permanente, et la joie y sera pour toujours.

C'est là ce que Jésus-Christ nous annonce directement, simplement, sans le prouver, car ce sont des choses qui ne se prouvent pas. La preuve ici ne doit pas remplacer la foi. C'est à nous de choisir entre le siècle présent et le siècle à venir, entre le monde et Dieu. Croyez-vous que la justice soit un leurre, l'amour un tourment dérisoire, la sainteté un idéal' à jamais impossible? Eh bien ! renoncez à croire à la vie éternelle... Croyez-vous au royaume de Dieu et à sa justice ? Ce royaume commence au dedans de vous. L'éternité, elle est dans votre âme même... Vous n'êtes rien si vous n'êtes pas éternels.

Voilà comment Jésus-Christ a, par son enseignement, fondé la foi à la vie éternelle. Mais cet enseignement même n'eût jamais suffi à fonder cette croyance, si l'oeuvre de la rédemption ne l'avait pas suivi et couronné. Vous allez comprendre pourquoi.

La vie éternelle, c'est la communion de Dieu. Mais suffit-il de nous le dire? Non, mes frères, car cette communion, nous en sommes sortis. Quoi ! suffira-t-il de dire à l'exilé qu'il est fait pour sa patrie, d'éveiller dans les profondeurs de son âme les lointains souvenirs qui la rappellent, de lui en décrire les grandeurs et les beautés ? Que lui dira tout cela, s'il sent peser sur son âme un juste arrêt qui l'en bannit pour toujours? Eh bien! nos âmes ont perdu leur patrie qui est la société du vrai Dieu; quand nous parlons de pureté, de justice et d'amour, nous n'avons plus le droit d'en parler le front haut; il faut nous souvenir que c'est en nous que ces saintes causes ont été vaincues; il faut nous rappeler les nombreuses et les mortelles défaites qu'elles y ont subies, toute cette histoire secrète, mais vraie, que nous ne connaissons que trop. La vie éternelle, la vie de la sainteté, la vie telle qu'elle doit se prolonger dans la communion de Dieu, la possédons-nous par nature ? Sommes-nous dignes d'habiter dans le sanctuaire du Très-Saint? N'avons-nous pas tous violé la loi de la cité céleste, et pouvons-nous y entrer sans qu'un acte réparateur, sans qu'un saint pardon nous en aient ouvert l'accès ? Dieu n'est-il qu'un père indulgent qui ne demande à ses enfants qu'un peu de repentir et de bonne volonté pour les réconcilier avec lui? Ou bien, Dieu veut-il que, pour que le pardon soit proclamé, la justice reçoive sa sanction et son éclatante confirmation?

En d'autres termes, avons-nous besoin, pour entrer dans le ciel, d'un sacrifice rédempteur ? Vous savez dans quel sens l'Evangile a répondu à cette question. Le chemin qui nous mène à Dieu passe au pied d'une croix, et si cette croix n'avait pas été plantée, ce chemin ne se serait ouvert pour personne. Sans rédemption, point de vie éternelle. C'est par sa croix, tout autant que par son enseignement, que Jésus-Christ a mis en évidence l'immortalité. Le besoin de réparation est au fond de notre nature; c'est l'un de ces instincts que les préjugés ou l'insouciance morale peuvent méconnaître longtemps, mais qui subsistent toujours. Une voix que nous ne pouvons étouffer, nous dit qu'entre le ciel et nous il y a un mur infranchissable, et plus nous nous connaissons nous-mêmes, plus nous sentons la réalité de cet obstacle grandir. Mais qu'on nous montre un sacrifice réparateur accompli pour nous et auquel nous pouvons adhérer par la foi, notre conscience y répond par un assentiment secret. Aussi, n'êtes-vous pas frappés de ce fait que prêcher la croix, c'est prêcher du même coup la vie éternelle plus rapidement, plus sûrement que par tout autre moyen?

Mais la croix elle-même aurait-elle cette efficace, si la résurrection ne la suivait pas ? Ecoutez saint Paul. Quand il écrit à Timothée que Jésus-Christ a vaincu la mort et a mis en évidence la vie et l'immortalité par l'Evangile , sur quoi place-t-il l'accent avant tout, si ce n'est sur la résurrection du Seigneur? Je sais que lorsque nous prononçons ce mot de résurrection, nous voyons se reproduire ce qui se passa à Athènes, quand saint Paul y prêcha Jésus-Christ. On le laissa parler jusqu'au moment où il annonça la résurrection de son Maître, à ce moment il fut interrompu par les rires de quelques-uns de ses auditeurs. or, je n'oublie pas qu'aujourd'hui cette prédication soulève de semblables doutes, et que les Athéniens d'aujourd'hui sont souvent dans nos églises; mais je me souviens aussi que saint Paul n'a pas changé son Evangile pour plaire aux Athéniens, et moi qui suis son disciple, je ne changerai pas le mien pour vous plaire. D'ailleurs, le changer ainsi, je vous le demande, ne serait-ce pas le désarmer?

Un fait demeure que nul ne peut nier, c'est que c'est avec Jésus-Christ que la foi en la vie éternelle est entrée dans l'humanité. Or, ôtez la résurrection de Jésus-Christ, et voyez si ce fait se serait encore produit.

Sans la résurrection, que resterait-il de l'Evangile? - « La personne de Jésus-Christ et son enseignement, répondez-vous; sa vie et sa parole resplendiront toujours du même éclat. Qu'est-ce qu'un miracle pourrait ajouter à la sublimité de ses discours ou de son caractère? » - La réponse paraît plausible; et, cependant, je vous rendrai ici attentifs à un fait. Nous avons entendu de nos jours beaucoup d'hommes qui tenaient le même langage, qui voulaient d'un Christ sans miracles et sans résurrection, qui nous demandaient ce que de tels prodiges ajoutaient à sa sainteté. Les années se sont passées, nous avons vu ces hommes suivre le courant de leur pensée; peu à peu la sainteté Parfaite du Christ s'est obscurcie à leurs yeux; ils ont découvert des taches dans sa vie; son auréole divine a pâli; ils ne voient plus aujourd'hui en lui que le sage de Nazareth, sublime, mais ignorant et pécheur comme tous les enfants des hommes. En y réfléchissant, j'ai compris qu'il y avait là l'effet d'une irrésistible logique. La personne du Christ est une comme son enseignement.

On n'en retranche pas arbitrairement telles ou telles parties. Tout se tient en lui; sa vie, sa parole tendent à la résurrection comme à leur couronnement naturel; tout en lui suppose une victoire sur la mort (6); si cette victoire n'a pas été remportée, soli autorité en est ébranlée, sa parole y perd quelque chose de sa sereine certitude, sa grandeur idéale pâlit. Les faits, nous l'avons dit, le prouvent tous les jours.
 

Supposons pourtant qu'il n'en soit pas ainsi. Admettons que le Christ, vaincu comme tous les hommes par la mort, reste aussi grand, aussi saint. Avez-vous réfléchi à l'autre côté de la question ? Vous êtes-vous demandé si la foi à la vie future ne serait pas à jamais ébranlée le jour où le fait de la résurrection de Jésus-Christ aurait disparu de l'histoire?

La croyance à la vie future, disions-nous il y a un instant, est solidaire de l'Evangile. Eh bien! croyez-vous que l'Evangile eût été prêché sans la résurrection du Christ? Quel est le mot créateur qui retentit au jour de la Pentecôte et qui fonda l'Eglise ? « Christ est ressuscité des morts et nous en sommes tous les témoins! » Quelle est la croyance qui a transformé les apôtres, qui leur a donné la force, l'héroïsme et l'intrépide confiance? Quel est le fait qu'en plein jour ils ont pu jeter aux Juifs qui n'ont pas osé leur répondre? Quelle est l'étonnante nouvelle qui déborde de toutes les épîtres de saint Paul, et sans laquelle il déclare que la foi elle-même est vaine? C'est la résurrection de Jésus-Christ.

Que ceux-là s'en étonnent qui ne voient dans la résurrection qu'un prodige destiné à aller rejoindre dans le monde du merveilleux toutes les autres inventions de l'imagination des hommes. Pour nous la résurrection est le couronnement même de la prédication de Jésus-Christ, la mise en évidence de la vie et de l'immortalité. L'idée dominante de l'Evangile, c'est que la sainteté ne doit pas mourir. Or n'est-ce rien, est-ce un hors d'oeuvre, un prestigieux prodige que le fait qui nous montre qu'une fois dans l'histoire, la mort a été vaincue par la sainteté et que le plus grand des miracles dans l'ordre moral , je veux dire l'apparition de Jésus-Christ, a provoqué le plus grand des miracles dans l'ordre de l'histoire, je veux dire cette résurrection sans laquelle il n'y aurait eu ni les apôtres, ni l'Eglise, ni le christianisme, ni ce monde nouveau que le christianisme a produit? Est-il indifférent pour notre foi en la vie éternelle de savoir que Jésus-Christ qui toujours a parlé comme le vainqueur de la mort, parce que seul il a été le saint et le juste, a été finalement vaincu par elle et a fait à son tour son naufrage dans cet océan d'où nul n'est jamais revenu? Nous est-il indifférent de croire que l'oeuvre de la rédemption de Jésus-Christ, au lieu d'être l'accomplissement: d'un plan divin sanctionné par Dieu même qui le ressuscite des morts, n'est plus que le rêve idéal d'un grand martyr qui succombe devant un ciel fermé et un Dieu impassible et muet? Nous est-il indifférent de croire que le christianisme, cette résurrection de Pâme et du monde, au lieu d'avoir eu pour point de départ le triomphe de la sainteté sur la mort, n'a pas d'autre cause historique qu'une hallucination de Marie-Madeleine et que l'égarement de quelques pauvres insensés!

Vous dites que la foi à la vie éternelle ne peut à aucun degré dépendre d'un miracle. Prenez garde, voilà dix-huit siècles qu'elle en dépend, et sans ce miracle on peut se demander sérieusement si elle fût jamais entrée dans l'humanité. Vous dites : « Sans la résurrection, l'Evangile n'en est pas moins sublime et vrai,» vous me citez ses merveilleux préceptes d'humilité, de charité. Je vous réponds : « Cinq siècles avant le Christ, il y eut au fond des Indes un homme qui dans le inonde païen a été le plus grand précurseur et comme le type admirable du Christ. Il prêcha l'humilité, l'abaissement, le sacrifice, il commanda l'amour et le pardon des injures; étant riche il se fit pauvre, étant roi, il se fit esclave pour sauver ses frères; c'était le Bouddha'. Or savez-vous ce qu'a produit sa doctrine partout où elle a régné? Le découragement, le désespoir, le suicide et la servitude la plus écrasante qui ait encore pesé sur l'humanité. Pourquoi ? Parce qu'à cette doctrine, il manquait une parole de victoire, parce que son dernier mot a été l'anéantissement dans la mort.

Pour moi, mon Christ est celui de l'Evangile et des apôtres. Je l'accepte tout entier. Cet enseignement si sublime qui me semblait suffire pour fonder la foi à la vie éternelle, sans la rédemption, il fût resté infructueux; sans la résurrection, il n'eût pas même été prêché. C'est par de grands faits que Dieu instruit l'humanité. Il fallait la croix pour qu'on crût au pardon, il fallait le sépulcre ouvert pour qu'on crût à la vie éternelle. Tout se tient dans l'Evangile, tout se tient aussi dans la foi des chrétiens. Si la résurrection n'était pas, si l'Eglise ne devait plus fêter son jour de Pâques, si Jésus-Christ était retourné dans la poudre qui nous attend tous, si ce rempart derrière lequel s'abrite depuis dix-huit siècles la foi de tant de générations chrétiennes devait être forcé, ce serait la doctrine du néant qui triompherait. Vous donc qui ne voulez pas de son triomphe, vous qui comprenez qu'il s'agit ici de vos espérances, de vos convictions, des morts que vous pleurez et de vos affections sacrées, serrez-vous avec moi autour du Prince de la vie, et redisons tous ensemble auprès de son tombeau vide la grande nouvelle avec laquelle saint Paul a réveillé le monde : «Jésus-Christ a vaincu la mort et il a mis en évidence la vie et l'immortalité par son Evangile. »
 


Table des matières

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(1) Ps. LXXIII, 23-26.
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(2) Id. XVI, 11.
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(3) Id. XLIX, 16.
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(4) Job XIX, 25, 26.
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(5) On trouvera dans l'Appendice qui suit ce discours une dissertation plus étendue sur ce point spécial, et qui justifiera, nous l'espérons, notre assertion.
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(6) M. Coulin, dans ses conférences sur le Fils de l'Homme, a fait ressortir cette pensée avec beaucoup de puissance.

 

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