Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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HISTOIRE DE LA TERRE





CRÉATION DE L'UNIVERS

Au commencement Dieu créa les cieux et la terre.
On a torturé de diverses manières ces mots si simples et si clairs.
Les uns ont traduit : « La matière, les éléments des cieux et de la terre. » Mais les anciens interprètes hébreux avaient déjà fait ressortir la force de l'article HA et de la particule ETH, qui précisent tellement la notion de cieux et celle de terre qu'on ne peut entendre ces deux mots que d'êtres réels et de corps qui frappent les sens sous une forme précise.

Selon d'autres le premier verset serait le simple titre du récit génésiaque. Mais le récit se trouverait alors commencer par un et : Et la terre était informe !

Des troisièmes, reliant le premier verset au deuxième et les isolant des suivants, ont proposé cette traduction : Lorsque Dieu créa..., la terre était informe et vide, et les ténèbres... Le chaos et les ténèbres seraient ainsi un fait primitif, l'état dans lequel la matière sortit des mains du Créateur.
Mais nous avons vu au contraire que ces ténèbres sont le soir du premier jour cosmogonique et le résultat d'une ruine ; il faut donc, bien plutôt, isoler le deuxième verset du premier, et dire : « La terre était informe.... quand Dieu dit que la lumière soit ? » il faut distinguer entre le commencement des temps et celui des six jours, entre la création de l'univers, dont il ne nous est dit qu'un mot, et celle de notre terre et du système solaire, qui a été sans doute séparée de la première par des milliers de siècles.

Nous entendons par ces cieux primitifs les étoiles fixes. Cette interprétation est fort contestable, mais ce qui ne l'est pas, d'après le livre de Job, c'est que des étoiles et les anges existaient déjà avant la terre. « Où étais-tu, dit l'Éternel à son serviteur dans l'épreuve, quand je fondais la terre...... alors que les étoiles du matin poussaient ensemble des cris de joie et que les enfants de Dieu chantaient en triomphe ? (Job XXXVIII, 4-7) »

Voilà donc un monde immense antérieur à celui des six jours, un monde formé d'astres et de créatures libres et intelligentes, un monde qui n'a pas eu, comme le nôtre, pour berceau un informe et ténébreux chaos, et qui s'est épanoui, tout resplendissant de lumière, à la première parole de Dieu. C'est ce monde, aux espaces et aux périodes incommensurables, que nous fait connaître l'astronomie ; c'est ce monde des anges qui sont pour ainsi dire comme autant de dieux.

Mais que savons-nous de l'histoire de ces astres et de ces anges ? La vision génésiaque ne nous en dit pas un mot, tandis qu'il circule sur toute la terre, et chez le peuple de Dieu aussi bien que chez les nations païennes, le bruit d'une antique révolte qui aurait éclaté parmi les intelligences célestes, et aurait amené l'expulsion des anges rebelles.
Les livres saints des Hébreux ne nous font point connaître l'origine de cette tradition ; la comparaison des mythes des Gentils donne lieu de croire qu'elle remonte plus haut que la grande dispersion des peuples (1). Moïse, qui dans le récit de la séduction de nos premiers parents tait le nom de Satan pour ne parler que d'un serpent, n'aurait-il point supprimé dans la vision cosmogonique, entre le premier verset et le second, certains détails qui, en s'altérant dans la mémoire des nations, avaient fait naître, ici une crainte des démons, qui troublait les esprits, là la croyance qu'ici-bas renaissaient les âmes qui avaient déchu jadis dans les cieux ?
Quoi qu'il en soit de cette supposition, nous savons par Jésus-Christ que c'est au commencement que le diable est devenu père du mensonge et du meurtre (Jean VIII.), et nous avons ainsi un fait au moins à placer, la chute des anges, entre la création des cieux et la terre informe.

Cette terre informe n'est pas celle qui a été créée en même temps que les cieux du commencement ; car les étoiles de ces cieux étaient parfaites dès leur naissance, et la terre, leur compagne, devait leur être semblable. La lettre du texte le veut ainsi, nous l'avons dit ; elle exclut la notion d'éléments impalpables. La terre avait été créée brillante de beauté, et elle est devenue informe et ténébreuse. Ce mot : est devenue, ne se trouve sans doute pas dans l'hébreu, qui dit simplement était, HAJ' THAH, et non point TH'HI, qui seul mettrait hors de doute la vérité de notre hypothèse. Mais ce verbe : était n'en démontre pas non plus la fausseté ; car il y a certainement après la première ligne une lacune, laissée avec intention ; et Moïse, en commençant au second verset l'histoire des six jours, s'exprime de manière à ne point s'expliquer sur l'origine du chaos. Il expose le fait et ne dit rien de plus. C'est une énigme qu'il propose aux siècles qui suivront.

Mais son silence même est significatif. Quand il commence par le nom de Dieu l'oeuvre de chacun des cinq derniers jours, pourquoi, dans le récit du premier, ce nom n'apparaît-il qu'au milieu ?

Si la terre était sortie informe et vide des mains de Dieu, comment les prophètes auraient-ils osé choisir ces mêmes mots pour peindre le dernier degré de ruine et de désolation où peut être réduit un pays rebelle (2?

Si les ténèbres du chaos venaient de Dieu, pourquoi Dieu ne les déclarerait-il pas bonnes aussi bien que la lumière ? Et ne sont-elles pas le pendant de ces ténèbres morales qui apparaissent à l'improviste dans l'histoire du Verbe telle que la trace saint Jean (Évangile de saint Jean, I, 1-5), qui ne reçoivent point Celui qui est la lumière et la vie, et dont on ignore l'origine, quoiqu'il soit dit que tout a été fait par Lui (3) ?

Ce soir par où commence le premier des six jours, ne suppose-t-il pas nécessairement un soleil qui s'est couché ? Le nom même gEREB désigne dans Job et dans Esaïe les profondes ténèbres de la nuit et des enfers (Job X, 21 ; Esaïe XLII, 7, XLVII, 2 ; XLIX, 9), et l'Érèbe dans la mythologie grecque est le fils du Chaos, le monde souterrain, le père de la Vieillesse et de la Mort, de la Discorde et de la Misère. Cet abîme sur lequel reposent les ténèbres, ne devient-il pas, dans le Nouveau Testament, qui seul nous parle avec quelques détails du royaume infernal, la demeure des démons ?

Ne pourrait-on pas même demander, d'une part, pourquoi Moïse, au lieu de dire simplement : Ce fut le premier jour, emploie un terme peu usité, celui d'un jour, qui peut sans doute avoir en hébreu le même sens que celui de premier, mais qui permet aussi de supposer que ce jour a été précédé de plusieurs autres ? D'autre part, pourquoi l'Esprit de Dieu ne fait-il que planer sur l'abîme, et que le réchauffer du dehors, au lieu de s'unir intimement à lui comme ce devrait être le cas si le chaos était l'embryon et non la ruine d'un monde ? Principio, dit Virgile, coelum ac terras... spiritus intus alit.

Enfin, si les ténèbres et les eaux du chaos venaient de Dieu, comment expliquerait-on que Dieu ne semble occupé, comme nous l'avons déjà dit (4), qu'à les faire disparaître de plus en plus dans les transformations successives qu'il fait subir à la terre ? Dès le premier jour il enlève aux ténèbres la moitié de leur empire par la création de la lumière ; au troisième la mer doit partager le sien avec les continents ; au quatrième la lune apporte la lumière dans le domaine de la nuit ; et, à la fin des temps, dans l'éternité, la terre nouvelle se distingue de la terre actuelle par l'absence de la nuit et de la mer.

Mais si la terre informe est le débris de la terre du commencement, quelle a été la cause de cette ruine ?
La Bible ne nous le dit pas ; toutefois nous savons par elle que toute catastrophe physique provient de quelque grande perturbation qui s'est passée dans le monde de la liberté (5). Or, entre les cieux de l'aurore et le chaos nous avons la chute des anges. Nous ferons donc de cette chute la cause de la ruine de la première terre, et nous supposons que cette terre était la demeure des anges déchus.
L'oeuvre des six jours devient ainsi la restauration et la purification d'un monde détruit et infecté par le péché. C'est là une hypothèse d'attente, que nous adoptons à cause des quelques rayons de lumière qu'elle jette à nos yeux sur la doctrine biblique des démons, et sur le mal physique que la géologie signale sur la terre avant l'homme et sa chute.

Au reste cette hypothèse, qui est fort ancienne chez les nations païennes, se retrouve dans le quatrième livre d'Esdras : A la mort du Fils de Dieu, le monde rentrera dans l'ancien silence (le chaos) des sept jours (ou pendant sept jours) comme dans les précédents jugements (de Dieu sur les anges rebelles).
Je ne sais si l'un ou l'autre des Pères de l'Église s'est approprié cette opinion. Elle a été pour la première fois formulée et développée au dix-septième siècle par un docteur protestant, Épiscopius (6). On la voit dans les temps modernes mise en honneur par Saint-Martin en France, par Frédéric de Meyer en Allemagne, et aujourd'hui elle est adoptée dans ce dernier pays par un grand nombre de théologiens de premier mérite.

CRÉATION DU SYSTÈME SOLAIRE.

PREMIER JOUR.

Et la terre était désordre et solitude, et il y avait des ténèbres sur la face d'un abîme, et (un Esprit ou) l'Esprit de Dieu planait sur la face des eaux. Et Dieu dit : « Qu'il y ait de la lumière ! » et il y a de la lumière. Et Dieu voit que la lumière est bonne. Et Dieu sépare entre la lumière et entre les ténèbres. Et Dieu nomme la lumière jour, et il nomma les ténèbres nuit. Et il y a un soir, et il y a un matin : un (ou premier) jour.

La terre ou le monde s'est offert au Voyant sous l'aspect d'une immense surface désordonnée, nul objet n'arrêtait ses regards. En la considérant plus attentivement il a reconnu qu'elle était tout entière un abîme sans fond, qui s'agitait sourdement et dont il croyait entendre le vague murmure (7). Enfin il discerne la nature des substances de ce chaos, et il ne sait les comparer qu'à des eaux.
Le souvenir de cette partie de la vision se retrouve dans la coutume des peuples antiques de compter la nuit avant le jour, et dans leurs théogonies qui commençaient par la nuit et le chaos, ou par l'eau (8).
Cependant Dieu n'a point abandonné l'abîme à lui-même. Son Esprit plane sur les eaux, comme un oiseau aux ailes étendues ; il les couve d'après le sens propre du verbe hébreu, il les réchauffe, les pénètre, les vivifie. Dans le reste de la vision il n'est plus question de lui ; mais il n'en est pas moins sans cesse présent. Nous l'avons déjà dit : c'est lui qui prépare l'apparition de la lumière, lui qui donnera à la terre ferme la puissance de produire les plantes, lui qui fera que les mers concourront avec Dieu à la création de leurs habitants (9). C'est lui qui, dans l'époque actuelle, fait subsister et soutient intérieurement tout ce que nommons la nature ; et son oeuvre physique est le type de l'oeuvre spirituelle qu'il accomplit dans le coeur des hommes.
Ôtez-lui sa personnalité, et vous aurez l'âme du monde des philosophes païens. Ne retenez de lui que l'image sous laquelle il s'est offert au Voyant du peuple primitif : vous aurez l'épervier, l'aigle, le cygne, symboles du Dieu suprême dans toute l'antiquité, et le monde que couve l'oiseau divin, sera l'oeuf cosmique des religions païennes.

Une parole divine se fait entendre dans la vision, et la lumière sort, jaillit, des ténèbres (2 Corinth. IV, 6), ensuite de la lente et efficace action de l'Esprit de Dieu. Dans le langage mythologique le chaos engendre, la nuit enfante la lumière.

La lumière : telle est donc la première oeuvre de Dieu dans la restauration du chaos, et Celui qui, d'un mot, l'avait fait apparaître, la considérant avec attention et la scrutant de ses regards pénétrants, vit qu'elle était bonne. Car elle est la plus pure image matérielle du Dieu invisible, qui se dit lui-même lumière, et qui habite une lumière inaccessible ; elle est la plus ancienne production de l'Esprit de Dieu réchauffant le chaos, et le signe permanent de sa permanente présence ; elle est le principe de vie dont Dieu fera son plus puissant instrument dans tout le reste de son travail. Déjà elle vient de remporter sur les ténèbres une première victoire, et elle les détruira complètement au jour qu'il n'y aura plus sur la terre ni de nuit, ni de mer, ni aucune autre trace du chaos.

D'abord la lumière était mêlée aux ténèbres ; elle s'agitait, palpitait, circulait dans la masse informe et vide. Mais bientôt Dieu opère une séparation entre la lumière et les ténèbres, qui deviennent le jour et la nuit. Les deux premiers noms indiquent contradiction, les deux derniers simple antithèse ou polarité. La nuit, ce sont les ténèbres du chaos que Dieu fait entrer comme partie intégrante dans sa nouvelle création, mais qu'il se garde toutefois de déclarer bonnes, et qui finiront par disparaître.

Les termes de nuit et de jour ne sont d'ailleurs pas pris ici dans leur sens ordinaire. Il s'agit d'une séparation faite non point dans le temps (celle-ci est indiquée par le soir et le matin qui font un jour), mais dans l'espace. Dieu a divisé les eaux du chaos où brille la lumière, en deux parts : l'une qui deviendra planètes et satellites et où se perpétuent la nature ténébreuse de l'abîme et le nom d'eaux, l'autre qui a pris une forme nouvelle et qui sera le soleil.

Au soir du chaos a succédé le lever de la lumière, le matin d'un premier jour. Dans l'oeuvre de ce jour cosmogonique nous pouvons lire déjà l'histoire de l'humanité : son état de chute et de chaos ; puis la promesse d'un Rédempteur, laquelle se lève dans ses ténèbres comme une brillante aurore ; et plus tard la séparation entre les enfants de ténèbres et les enfants de lumière s'opérant depuis Seth et Caïn, à travers de tous les siècles, jusqu'au jour du dernier et définitif jugement.

Quelle que soit d'ailleurs l'explication qu'on donne du chaos, la distinction entre les cieux de l'aurore et ceux des six jours subsiste, et elle nous fournit une réponse pleinement satisfaisante à une première objection que fait l'astronomie au récit de Moïse. « Les voies lactées découvertes par W. Herschell, a-t-on dit, sont situées à de telles distances de nous que les rayons lumineux qu'elles nous envoient ne nous parviennent qu'au bout de myriades et de millions d'années.
Or, d'après la Genèse, elles auraient été créées le quatrième jour et fort peu de temps avant l'homme. L'homme devrait donc voir de siècle en siècle les cieux se peupler d'astres nouveaux, tandis que, dès l'origine de l'histoire, les cieux passent pour être le domaine de l'immuable. »
Mais, si ces voies lactées sont antérieures au chaos, l'objection tombe puisque un temps incommensurable a pu s'écouler entre la création du monde de l'aurore et celle de notre terre. D'ailleurs Herschel lui-même, revenant vers la fin de sa vie sur ses précédentes hypothèses, a dit que les nébuleuses qu'il avait prises d'abord pour des voies lactées situées à d'immenses distances, sont bien plutôt toutes comprises dans les limites de la nôtre. Ainsi le fait qu'on prétendait opposer à Moïse, n'est rien moins que certain (10).
La traduction du texte sacré dans le langage scientifique moderne, n'offre aucune difficulté.

L'abîme ténébreux, ce sont les substances élémentaires du système solaire à l'état de gaz, de vapeur ou d'éther.

L'abîme devenu lumineux, c'est la nébuleuse ou le nuage céleste. Le nuage est une forme de l'eau, et dans la vision le chaos se nomme les eaux.

La séparation de la lumière et des ténèbres, c'est la division de la nébuleuse en une sphère centrale qui formera le soleil, et en un très large anneau qui se partagera (si l'on tire parti de certaines hypothèses d'Herschel et de Laplace) en autant de zones qu'il y a de planètes. On connaît des nébuleuses qui sont précisément composées d'un anneau entourant une sphère. Cette figure rappelle le passage des Proverbes de Salomon, qui représentent Dieu disposant les deux et traçant un cercle au-dessus des abîmes (VIII, 27).

L'apparition de la lumière avant la formation du soleil a été jusqu'au siècle dernier une énigme insoluble pour les hommes de foi, une objection puissante entre les mains des adversaires de la Bible. On croyait, en effet, que la lumière ne pouvait provenir que du soleil, et l'on accusait Moïse de s'être mis en contradiction avec la nature et avec la raison. Mais Herschel a découvert que le soleil n'a de lumineux que les nuages qui enveloppent son corps opaque, rappelé et prouvé que les cieux renfermaient une multitude de nuages lumineux, supposé enfin que la nébuleuse était l'état primitif ou le berceau de tous les corps célestes.
Après lui, Arago a démontré à l'aide du polariscope ce qu'il avait pressenti : c'est que la lumière qui émane d'un gaz a d'autres propriétés que celle qui procède d'un autre corps. Le texte sacré s'est trouvé ainsi justifié, et l'objection s'est transformée en une preuve éclatante de l'inspiration.

Il est d'ailleurs, selon M. Beudant, tout à fait rationnel et pleinement conforme à l'état de nos connaissances actuelles, quand il s'agissait de mettre de l'ordre dans la confusion générale des choses, que de créer avant tout le fluide au moyen duquel les phénomènes de la lumière, de la chaleur, etc., pouvaient se manifester et porter la vie partout (11).

DEUXIÈME JOUR.

* Et Dieu dit : « Qu'il y ait une étendue au milieu des eaux, et qu'elle sépare les eaux d'avec les eaux. » Et Dieu fait l'étendue, et sépare entre les eaux qui sont au-dessous de l'étendue, et entre les eaux qui sont au-dessus de l'étendue. Et il en est ainsi. Et Dieu appelle l'étendue cieux. Et il y a un soir, et il y a un matin : deuxième jour.

Le prophète avait vu la lumière s'affaiblir, s'éclipser et faire place à un deuxième soir ; puis le matin avait paru de nouveau, éclairant une scène toute nouvelle.
Les regards du Voyant se détournaient des substances du chaos lumineuses et solaires pour se fixer sur les eaux opaques et nocturnes dont nous avons dit que les planètes devaient être formées. Il avait devant lui comme un épais brouillard, qui s'étendait à perte de vue et semblait remplir tout l'espace. Soudain retentit la voix de l'Éternel, et ce brouillard, ces eaux se séparent, pour ne plus se réunir, en eaux inférieures, qui sont les éléments de notre planète, et en eaux supérieures, qui, en se subdivisant, forment la Lune et tous les autres corps opaques de notre système. L'étendue qui de la terre s'élève à des hauteurs inconnues, c'est le ciel des oiseaux ou l'air, c'est le ciel des astres ou l'éther, ce sont les cieux ; c'est le vide (thohou) sur lequel Dieu a étendu les étoiles du septentrion, le néant sur lequel il a suspendu la terre (12; et comme cette étendue est un espace infranchissable et qu'elle maintient les astres et la terre à leurs distances respectives, on peut dans un certain sens la nommer , firmamentum. Le même nom pourrait se donner à la pesanteur qui est le ferme support de l'univers.
Il n'est pas dit des cieux que Dieu vit qu'ils étaient bons, parce qu'ils sont, non point une chose nouvelle comme l'était la lumière, mais le simple résultat d'une disposition autre des antiques eaux du chaos.
Au deuxième jour Dieu n'a rien créé ; il n'a fait que séparer.

Notons que dans plusieurs des cosmogonies païennes l'idée de séparation prévaut sur celle de production, et qu'elle donne en particulier la clef du mythe grec de Némésis (13).
Mais si Dieu ne déclare pas l'étendue bonne, au moins il lui donne un nom nouveau. En effet, dans la Vision, Dieu nomme les éléments physiques au jour où ils entrent en fonctions sous leur vraie forme dans l'économie de la nature : la lumière au premier jour, l'air et l'éther au deuxième, la mer et la terre ferme au troisième ; et par là il leur ôte, aux yeux de l'homme enclin à les adorer, leur fausse apparence de divinité ; car un dieu se nomme lui-même et ne se laisse pas imposer son nom par un autre. Quant aux êtres particuliers, astres, plantes, animaux, hommes, qui ne sont que des combinaisons diverses de ces éléments-là, Dieu semble avoir laissé à l'homme le soin de les dénommer.

Cependant l'oeuvre du deuxième jour ne se borne pas à séparer la terre des autres corps opaques. On voit par le récit du troisième jour que notre planète s'était formée, par la précipitation de ses diverses substances élémentaires, en une sphère solide, dont l'écorce rocheuse était recouverte uniformément par l'océan.
En astronomie l'oeuvre du second jour serait, d'après Laplace, la formation d'anneaux concentriques dans la nébuleuse solaire qui va se refroidissant et se condensant de plus en plus, et dont le mouvement de rotation s'accélère. Ces anneaux se brisent en plusieurs masses qui continuent à circuler à la même distance autour du soleil, et qui prennent une figure sphéroïdique avec un mouvement de rotation dans le sens de leur révolution. Ces masses vaporeuses dans chaque zone, ou se réunissent en une seule planète, ou en forment plusieurs, ou constituent des systèmes de satellites.

Ici encore la correspondance est parfaite entre la cosmogonie prophétique et l'hypothèse scientifique : des deux parts, les planètes ont été à l'origine des masses aqueuses ou gazeuses ; des deux parts elles se sont formées dans un commun nuage qui, en se divisant, a produit l'espace éthéré ou les cieux ; des deux parts, enfin, la masse gazeuse de la terre s'est solidifiée, et ses divers éléments se sont combinés entre eux sous leurs formes actuelles, et distribués du centre de notre planète à sa surface dans leur ordre présent.

Si le premier jour est tout astronomique, le deuxième est plutôt chimique. L'oeuvre de l'un embrasse toute la nébuleuse ; celle de l'autre ne concerne que les planètes.

TROISIÈME JOUR.

Et Dieu dit : « Que les eaux au-dessous des cieux, se rassemblent (ou, suivant d'anciens interprètes et une autre étymologie : se précipitent) en un seul lieu, et que paraisse le sec (ou la terre ferme). » Et il en est ainsi.
Et Dieu nomme le sec terre ; et le rassemblement (ou la précipitation) des eaux, il le nomma mers (14). Et Dieu voit que c'est bon. »

Arrêtons-nous ici. Le noyau solide de notre planète existe recouvert par les eaux : à la parole de Dieu les eaux s'abaissent et laissent apparaître les rochers qui forment l'écorce du noyau.
La Bible, au Psaume CIV, nous donne sur cette révolution des détails fort remarquables au point de vue scientifique.

« Il assit la terre sur ses bases,
pour qu'elle ne soit jamais, jamais ébranlée.
De l'abîme tu la couvris comme d'un vêtement :
(Alors) sur les monts se tenaient les eaux.
(Puis) à ta menace elles s'enfuient,
à la voix de ton tonnerre elles reculent ;
les montagnes se dressent, les vallées s'abaissent
au lieu que tu leur assignas.
Tu leur mis (aux eaux) une borne qu'elles ne franchiront pas ; elles ne reviendront plus couvrir la terre (15). »

L'abîme nous est bien connu ; c'est celui du chaos ténébreux, dont le représentant au troisième jour est l'océan sans limites qui enveloppe notre globe.
Mais sous ses eaux sont déjà de grandes inégalités de terrain, des élévations semblables à d'immenses montagnes et des enfoncements correspondants. Tout à coup la parole toute puissante du Créateur retentit, comme l'éclat du tonnerre, sur la planète, où tout s'ébranle ; une force inconnue soulève une partie du sol sous-marin au-dessus du niveau de l'océan et la met en rapport avec l'atmosphère ; en même temps se forment et dans les flots et sur la terre ferme de profondes vallées. Mais rien ne se fait que d'après la volonté de l'éternelle Sagesse, qui assigne à chaque relief de la surface terrestre sa forme et sa place, et qui fixe aux mers leurs limites. Désormais la terre aura toujours à sa surface des mers et des continents.

Le Livre de Job, au chapitre 38e, dépeint d'une manière saisissante l'état de l'océan primitif au moment où, bouleversé par les soulèvements de son sol, et recouvert de sombres nuées, il semblait prêt à engloutir les continents qui apparaissaient et à les replonger dans ses ténébreux abîmes.

Et qui est-ce qui enferma entre des portes la mer,
quand elle fit éruption du sein maternel ;
quand je lui donnai la nuée pour manteau,
et de sombres vapeurs pour langes ;
quand je lui prescrivis ma loi
et que je lui mis des barres et des portes ;
et que je dis : « Jusqu'ici tu viendras et pas plus avant ;
et ici s'arrêtera l'orgueil de tes vagues (1) ? »

i Traduction de M. Perret-Gentil ( Les Hagiographes et les Prophètes, Neuchâtel, 1847). Ce passage ne peut se rapporter au chaos ; car tout alors était abîme, eaux, gaz, et il n'y avait point de terre ferme que la mer pût briser. Cette éruption des eaux semblerait plutôt être une allusion au Déluge. Mais les deux dernières lignes expriment la même pensée que le verset 9 du Psaume CIV, et doivent se rapporter au même fait.

En rapportant à l'oeuvre du troisième jour, ainsi que l'ont fait avant nous d'anciens commentateurs (16), ces deux textes de Job et de Psaumes, et en les combinant avec celui de la Vision, nous obtenons de l'oeuvre du troisième jour une vue d'ensemble que la géologie ne fait que confirmer. Seulement elle établit des distinctions où la Bible n'en fait pas, et suit pas à pas les progrès d'une oeuvre que les écrivains sacrés embrassent d'un seul regard.

D'après la géologie comme d'après la Genèse, la terre, avant l'apparition des premiers êtres organiques, était tout entière recouverte par la mer. Première concordance, qui n'est pas la moins remarquable.

En second lieu, la science et la Révélation rendent compte de la formation des continents et des montagnes par des soulèvements. L'harmonie ici encore est parfaite.

D'après la géologie, les premiers continents émergés étaient des terres basses, sans hautes montagnes, sans profondes vallées, et le relief actuel de la terre ferme est le résultat d'une longue série de révolutions dont les dernières sont postérieures au Déluge.
Sur ce point même la Genèse, malgré la première apparence, n'est point en désaccord avec la science ; car la Vision marque simplement l'époque où les continents ont apparu, et garde un complet silence sur les modifications qu'ils ont subies.
Mais le soulèvement des terres suppose une force plutonique, et comment faire concorder cette action du feu que réclame la géologie, avec l'origine aqueuse que la Genèse attribue à la terre ? Il est incontestable que les Livres sacrés des Hébreux, que les traditions des peuples païens, que les plus anciens philosophes grecs (17) condamnent tous à l'envi celle des deux hypothèses géologiques qui fait de la terre à son origine un globe incandescent qui se serait insensiblement refroidi.
La terre était primitivement un globe d'eaux ; ces eaux se sont sans doute solidifiées en changeant de formes ; mais ce qui, sur la terre actuelle y ressemble le plus, c'est la mer et non le feu.
Le neptunisme a donc pour lui la Révélation. Mais il se concilie de la manière la plus simple avec l'hypothèse des soulèvements plutoniques ; car le feu, qui est un des éléments constitutifs de notre nature terrestre, a dû s'allumer dans les entrailles de notre globe au moment où se sont condensées et combinées les eaux primordiales, c'est-à-dire dans le courant du second jour, et il était donc en pleine activité lorsque la mer se rassembla dans son lieu et que parurent les continents. Il a manifesté sa puissance, d'abord par ces montagnes sous-marines dont nous parle le Psalmiste ; puis, d'après la Genèse, par l'émersion de la terre ferme et la retraite des eaux ; dans les temps postérieurs que nous fait connaître la géologie, par l'apparition des chaînes de montagnes, et nous savons que c'est par le feu que périra la terre à la fin de la période actuelle.

Avec l'apparition des continents cesse la création de la nature anorganique, et dans ce même troisième jour commence par les végétaux la création des êtres organiques.

Et Dieu dit : « Que la terre fasse verdir l'herbe (verte), la plante portant de la semence, l'arbre à fruit (18) faisant du fruit selon son espèce, qui a sa semence en lui sur la terre (19). » Et il en est ainsi ; et la terre fait sortir l'herbe, la plante portant de la semence, selon son espèce, et l'arbre faisant du fruit, qui a sa semence en lui, selon son espèce. Et Dieu voit que c'est bon.
Et il y a un soir, et il y a un matin : troisième jour.

Les regards du Voyant se détournent de la mer et se fixent sur la terre ferme. La mer participe de la nature du chaos ; elle est aride, ou du moins les quelques végétaux qu'elle produit se dérobent aux regards de l'homme ; bientôt elle recevra pour habitants des monstres informes, d'immenses serpents (Gen. I, 21 ; Esaïe XXVII, 1) ; plus tard elle sera le symbole des Gentils (Amos VII, 4-6), que bouleversent sans cesse de violentes révolutions (Psaumes LXV, 8 ), et du sein desquels surgiront successivement les monarchies universelles qui feront la guerre à l'Église de Dieu (Daniel VII, 23, et Apoc. XIII, 1) ; et dans l'éternité la mer ne sera plus (Apoc. XXI, 1). La terre ferme, au contraire, préfigure le peuple élu (Amos VII, 4-6 ; Apoc. XIII, 11) ; elle a été tirée du milieu des mers, comme il l'a été en la personne d'Abraham du milieu des Gentils ; elle est la demeure de l'homme, des animaux les plus parfaits, de la presque totalité des plantes ; sans elle notre planète ne serait qu'un abîme, et « Dieu l'avait créée non pour qu'elle restât informe (thohou) comme au temps du chaos, mais pour qu'elle fût habitée' (Esaïe XLV, 18)»

Dans la Vision, la terre à la parole de Dieu produit, sans doute à trois époques différentes, des végétaux de plus en plus grands et surtout toujours plus parfaits. Ce ne sont d'abord, sur le sol récemment émergé et privé encore de tout humus, que des herbes (20), c'est-à-dire de ces plantes qui recouvrent la terre d'un mince tapis de verdure, qui n'ont ni graines apparentes, ni fruits, et que les Grecs appelaient spontanées,.
Puis vinrent des plantes plus grandes, et à semences, mais sans fruits, les végétaux non ligneux, tout particulièrement ces légumes annuels que l'homme cultivera plus tard dans ses jardins (Gen. I, 29).
Enfin, le sol accru et fertilisé par les débris de ces plantes et de ces herbes, produisit de hauts arbres, qui portent des fruits, qui d'année en année laissent tomber de leurs branches élevées autour d'eux leurs semences, et dont la vie se prolonge pendant des siècles. Leurs fruits sont charnus, et cette chair, qui n'est ni nécessaire ni même utile à leur reproduction, annonçait à l'avance l'homme, qui en fera sa nourriture (Gen. I, 29)
.
Avec les végétaux commence l'espèce, ou l'être organique qui, une fois créé, se perpétue de siècle en siècle sans que jamais son caractère propre se détruise. Dieu n'intervient plus d'une manière directe dans son histoire, il l'abandonne en quelque manière à lui-même, et la différence radicale entre la création et la conservation apparaît ici dans tout son jour.
En même temps cette quasi-indépendance de la plante présage la liberté de l'homme, qui est non plus seulement une espèce, mais une personne, et qui dans sa vie individuelle a reçu de Dieu la faculté de faire tout ce qui lui plaît, si ce n'est de cesser d'être homme.

La terre, en produisant les végétaux, est arrivée au plus haut degré de gloire qui lui soit assigné pour la première partie de son existence. Elle le doit à l'action de l'Esprit de Dieu qui la pénétrait et vivifiait sans relâche, et à la condescendance toute gratuite du Créateur qui a voulu l'associer à son oeuvre. La voilà parée de mille et mille plantes diverses avant même que le soleil la réchauffe de ses ardents rayons.
Il y a là comme un type de cette portion de la vie humaine que l'Écriture désigne par le nom de psychique ou naturelle, et qui se termine au temps où la pure lumière du Christ se fait jour dans notre coeur. Avant ce moment déjà l'âme humaine peut faire sortir d'elle, même dans son état actuel de chute, bien des oeuvres grandes et belles.

Mais que signifient ces végétaux plus anciens que le soleil ?
Pour répondre à cette question, remontons au chaos. Nous y avons vu confondu dans une même masse gazeuse tout ce qui est aujourd'hui le système solaire.
Après l'éveil de la lumière, les éléments constitutifs du soleil ont été séparés de ceux des astres opaques, qui formaient un seul et vaste anneau.
Au deuxième jour, l'anneau se divise en un grand nombre de sphères qui deviennent planètes et satellites, et dont l'une est notre terre, qui se solidifie et forme un globe dont le noyau est enveloppé d'un océan sans limites, qu'enveloppe à son tour l'atmosphère.

Le troisième jour ne concerne dans la Vision que notre terre ; mais il est évident que les autres planètes pendant cette même période, et le soleil à dater de la première, poursuivent chacun leur développement propre et parcourent à peu près les mêmes phases que notre terre.
La lumière qui fait croître les plantes du troisième jour est donc celle de ce grand corps central qui va devenir notre soleil, et qui pourrait déjà en porter le nom, mais qui n'en a point encore l'éclat éblouissant (21). C'est une lumière plus pâle, plus douce, moins énergique que celle qui nous éclaire aujourd'hui, telle peut-être qu'il la fallait précisément pour que des plantes pussent germer et croître sur les rochers nus qui venaient de sortir du sein des eaux.
L'existence d'une flore antésolaire est sans doute fort étrange ; mais il y a dans cette étrangeté même la preuve que le récit génésiaque n'est pas un mythe. C'est là une imagination qui ne serait venue à l'esprit d'aucun homme, de même que jamais on n'aurait placé la lumière trois jours avant le soleil. À ces traits on reconnaît le doigt de Dieu, et la science vient plus tard justifier le texte sacré (22).
C'est ce qu'elle a fait récemment pour la lumière du premier jour ; c'est ce qu'elle fera sans doute bientôt pour les végétaux antérieurs au soleil et aux animaux. La géologie actuelle ne les a pas encore signalés dans les couches de l'écorce terrestre ; la flore la plus ancienne que l'on connaisse aujourd'hui est celle des terrains de transition et de la houille, qui renferment une foule d'animaux marins. Le désaccord entre la Genèse et la science est donc complet sur ce point, et toute tentative de les concilier ne se fait qu'aux dépens du texte sacré ; car on ne le sauve qu'en lui prêtant des inexactitudes qu'on ne pardonnerait pas à l'écrivain le plus ordinaire, et qui deviennent le motif d'objections sans réplique.

Mais il est permis de supposer que les plantes du troisième jour ont entièrement disparu, soit dans la nuit cosmogonique du jour suivant, par quelque grande conflagration de la terre primitive, soit bien plutôt par la submersion des îles ou des continents peu étendus qui portaient cette antique flore.
Surtout on est en droit de répéter que la géologie est une science toute moderne qui n'a point encore dit son dernier mot, et d'en appeler de sa première sentence à son jugement définitif. La géologie du reste n'est pas la seule science physique qui soit intéressée dans la question.
La chimie et la physiologie, qui naguère encore disaient que l'existence des plantes et celle des animaux étaient indissolublement unies l'une à l'autre, ont reconnu que l'oxygène que les plantes exhalent et que les animaux empruntent à l'air par la respiration, et l'acide carbonique qu'expirent les animaux et que les plantes prennent à elles et décomposent, existent dans l'atmosphère en une telle abondance que l'une de ces deux classes d'êtres pourrait ne point exister du tout sans que l'autre en souffrît aucunement.
Ces deux sciences ne s'opposent donc point à l'hypothèse d'une flore se développant avant la création des animaux. Il semble bien, au contraire, nécessaire que ceux-ci n'apparaissent qu'après les végétaux, dont la principale fonction est de leur préparer leur nourriture en élaborant les substances anorganiques ; car si les plantes venaient à être supprimées, ils périraient bientôt tous d'une affreuse disette (23).

Enfin les sciences naturelles s'étonneront peut-être de voir la création des êtres organiques commencer au troisième jour pour être suspendues au quatrième et ne continuer qu'au cinquième. Le végétal se trouve ainsi isolé par l'astre de l'animal. Nous pourrions répondre que ces êtres sont rangés dans la Vision selon l'ordre de leur perfection relative :

Le minéral est.
Le végétal est et croît.
L'astre est, croît et se meut.
L'animal est, croît, se meut et sent.
L'homme est, croît, se meut, sent et pense.

Mais tel n'est pas le point de vue de la Genèse. Elle place d'une part dans la période des trois première jours et sous l'action de la lumière diffuse, le minéral et le végétal, qui n'ont point en eux une substance spirituelle qui se distinguerait de leurs corps, et d'autre part, dans la période des trois derniers jours et sous l'action du soleil, l'animal et l'homme, ou les âmes vivantes.
Là, la création du monde inorganique aboutit à la plante, par laquelle le minéral se fait aux phases du développement vital. Ici s'ouvre une ère toute nouvelle par l'apparition de l'âme, qui, s'enrichissant de facultés de plus en plus nombreuses, aboutit à la conscience et à la liberté, c'est-à-dire à l'immortalité, et tout le règne animal est l'échafaudage créé de Dieu pour supporter l'homme.

QUATRIÈME JOUR.

Et Dieu dit : « Qu'il y ait des luminaires dans l'étendue des cieux pour séparer entre le jour et entre la nuit, et qu'ils soient à signes et à époques et à jours et années, et qu'ils soient à luminaires dans l'étendue des deux pour luire sur la terre. » Et il en est ainsi.

Et Dieu fait les deux grands luminaires, le grand luminaire pour dominer sur le jour, et le petit luminaire pour dominer sur la nuit, et les étoiles. Et Dieu les place dans l'étendue des cieux pour luire sur la terre, et pour dominer sur le jour et sur la nuit, et pour séparer entre le jour et entre les ténèbres. Et Dieu voit que c'est bon.

Et il y a un soir, et il y a un matin : quatrième jour.

Au quatrième jour Dieu reprend et achève l'oeuvre du premier : avec la lumière il fait des luminaires et il la sépare complètement des ténèbres, ou dans le langage de la science moderne, il donne aux astres du système dont le soleil fait partie, leurs formes, leurs positions et leurs relations actuelles.

Il ne les crée pas ni ne les nomme, car ils sont en formation depuis longtemps, et tout être a son nom depuis le moment de sa naissance. Mais il les fait ce qu'ils seront et resteront jusqu'à la fin du temps présent.

Il les fait simples luminaires ; ils ne font que porter la lumière, tels que des chandeliers allumés dans le temple des cieux (24). La lumière qui les a précédés de trois jours a été comme rassemblée dans ces vases façonnés pour elle, ainsi que les eaux subsistaient avant les mers qu'elles ont formées par leur rassemblement.
La lumière est donc indépendante des astres lumineux ; elle a brillé avant et sans eux, elle peut se détacher d'eux, briller de nouveau sans eux et après eux, et elle le fera dans les nouveaux cieux (Esaïe LX, 19-20 ; Apoc. XXI, 23).
Mais n'est-ce pas chose surprenante que la science moderne vienne confirmer en plein l'intuition biblique, par ses découvertes sur la nature du soleil ? L'astre du jour n'est point un globe d'une substance toute lumineuse, auquel on ne pourrait enlever son éclat sans le détruire ; c'est une sphère opaque, analogue à notre terre ou à la lune, et qui ne doit sa clarté resplendissante qu'à une couche de nuages lumineux qui l'enveloppe de toutes parts ; c'est un chandelier sphérique qui porte au lieu de lampe une photosphère.

Le but de Dieu en faisant les luminaires était de triple nature.
Et d'abord Dieu voulait séparer d'une manière définitive la lumière des ténèbres, le jour de la nuit. La séparation en avait donc été imparfaite du premier jour à la fin du troisième.
En quoi consistait cette imperfection ?
Nous ne pouvons ni donner à la terre une photosphère : ce serait abolir la séparation faite au premier jour entre les substances opaques des planètes et la masse du soleil ; ni supposer que notre globe brillât par le fait de son incandescence primitive : ce serait déserter le neptunisme biblique pour le vulcanisme. Mais peut-être l'atmosphère lumineuse du soleil était-elle encore si peu condensée qu'elle dépassait l'orbite de la terre et qu'elle éclairait de tous les côtés notre planète ; ou plutôt encore celle-ci répandait-elle une douce et pâle lueur qui tempérait, sur l'hémisphère opposé à l'embryon solaire, l'absence de la lumière centrale, et dont les derniers restes seraient les aurores polaires.

Au quatrième jour, la terre et les autres planètes auront perdu leur phosphorescence (25), en même temps que le soleil qui s'achevait se mettait à leur envoyer d'immenses torrents de lumière ; et dès lors ces astres auront eu, à chaque instant, par suite de leur mouvement de rotation, un hémisphère vivement éclairé et un hémisphère plongé dans de vraies ténèbres.

La nuit prit ainsi sa forme définitive, et le Dieu qui, au premier jour, n'avait pas déclaré bonnes les ténèbres, vit au quatrième que sa dernière oeuvre était bonne, y compris la nuit. L'alternative des heures de lumière, de veille, d'activité, et des heures d'obscurité, de sommeil et de repos, est devenue le moule auquel a dû s'habituer la vie de la plante antésolaire, et dans lequel sera jetée celle de l'animal et de l'homme.

En deuxième lieu, le Créateur a voulu que les luminaires fussent pour les hommes, d'abord des signes de sa toute puissance, puis les hérauts de leurs fêtes religieuses, et enfin les instruments qui, dans leur vie civile, leur indiquent les jours et les années.

Les astres sont, par leur éclat et leur beauté, par leur disposition dans l'espace, par la régularité de leurs mouvements, des signes, toujours visibles et toujours nouveaux, de la présence du Dieu dont les cieux nous racontent la gloire, la force et la sagesse ; par leurs éclipses ou leurs défaillances, par les taches du soleil, par la marche errante de la lune et des planètes, par leurs variations d'éclat, des signes de l'infirmité de la créature ; par l'apparition imprévue et les formes étranges des comètes, des signes des mystérieux décrets de l'Éternel qui fait surgir à l'improviste, dans la vie des individus et dans celle des peuples, des bénédictions ou des châtiments, des fléaux ou des délivrances, auxquels nul ne songeait.
Mais si en vertu de l'harmonie que Dieu a mise entre la nature et le monde de la liberté, les astres peuvent devenir les signes de quelque grand événement, tel que la naissance du Messie qu'annonça l'étoile des Mages, ils n'en sont nullement les causes, et toutes les superstitions de l'astrologie proviennent de ce que l'on a substitué ce dernier terme à celui de la Vision, qui les réfutait et les condamnait avant même qu'elles fussent nées.

Les astres qui parlent de Dieu aux hommes leur rappellent en outre les temps où ils doivent lui adresser leurs prières. Le soleil, d'un solstice à l'autre, fixe l'époque des grandes fêtes annuelles ; les phases de la lune marquent la semaine avec son jour de repos et de culte ; et les moments du jour et de la nuit que l'homme a réservés pour l'adoration, lui sont annoncés par la révolution diurne des cieux.
On traduit d'ordinaire, il est vrai, MOgADIM par saisons ; mais ce mot signifie avant tout : assemblée du peuple, jour de fête, et les saisons sont indiquées par les deux termes suivants : jours et années.
Cependant la religion ne remplit pas la vie entière de l'homme, et les astres règlent toutes ses occupations terrestres ; ils sont pour lui, comme le disait Platon, les instruments du temps, ils lui donnent son calendrier. Ce n'est que d'eux qu'il apprendra à calculer le nombre des jours que dure l'année avec ses saisons, et le nombre d'années terrestres qu'embrassent, soit les révolutions des planètes, soit les cycles de dix-neuf et de six cents ans, qui ramènent au même point du ciel la lune et le soleil, soit cette immense période de vingt-six mille ans, pendant laquelle l'axe de la terre décrit un cercle complet autour des pôles de l'écliptique.

Mais le dernier et grand but de Dieu en formant les luminaires des cieux, c'était de donner à la terre une lumière plus intense que celle qui l'avait éclairée jusqu'alors, et telle que la réclamaient les animaux et l'homme, qu'il allait appeler à l'existence.

Il fait donc pour dominer sur le jour le grand luminaire, le soleil, soit que cet astre fût demeuré, jusqu'à cette époque tardive, dans un état informe et embryonique, soit que le noyau opaque existât depuis longtemps, mais que les substances de sa photosphère ne formassent encore qu'une nébulosité pâle et diffuse. Désormais le soleil sera pour la terre, pendant le jour, l'unique source de lumière, il éclipsera chaque matin, par son éclat, tous les autres astres, et le jour trouvera en lui un maître unique.
Mais la nuit aura aussi son grand luminaire. Car il faut que les ténèbres qui régnaient seules au temps du chaos, et qui se sont vues dépossédées déjà par la lumière, de la plus grande partie de leur domaine, soient poursuivies par leur ennemie jusqu'au coeur même de leur empire. Cependant la lune, qui est la rivale du soleil par sa grandeur, et comme sa soeur par sa douce et paisible clarté, fait plus que de transformer la sombre nuit en un demi-jour : elle annonce, par le pouvoir souverain avec lequel elle domine sur la nuit, qu'un jour viendra où les vieilles ténèbres du chaos disparaîtront sans laisser la moindre trace de leur présence sur la terre, qui sera tout lumière.

La Vision ne révèle pas sans doute que l'astre des nuits emprunte à celui du jour sa clarté ; mais elle ne dit pas non plus le contraire, puisqu'elle fait de la lune un simple vase de lumière. La science viendra plus tard compléter le récit sacré sans avoir rien à y rectifier.

Le texte ne fait que nommer en passant les étoiles, qui ne sont, d'après notre interprétation, que les planètes. Mais il ajoute au tableau du quatrième jour un trait dont on n'a pas compris d'ordinaire toute la portée : Dieu plaça ces astres dans l'étendue des cieux (26).
Ils n'étaient donc pas jusqu'alors à leurs places définitives, et l'on ne peut condamner absolument les écrivains qui ont supposé que pendant les trois jours antérieurs la terre avait été une comète et un satellite. Au moins est-il certain que la présente organisation du système solaire ne date que de la quatrième période, et que jusqu'alors la terre n'avait ni ses jours de vingt-quatre heures, ni ses années de douze mois, ni ses climats astronomiques, ni ses vents, ni ses courants océaniques, ni ses marées.
Ainsi les astres de notre système solaire, dont les éléments, identiques pour tous (27), avaient été confondus dans le même chaos, et qui s'étaient développés plus ou moins isolément, ou du moins dont les relations mutuelles avaient été incertaines et variables, sont devenus au quatrième jour les membres d'un corps unique, les organes d'un grand tout dont l'unité n'est plus une masse informe et vide, et la diversité une apparente anarchie.

Telle est l'oeuvre de ce quatrième jour, que d'anciens commentateurs juifs voulaient déjà confondre avec celle du premier jour, et où des géologues n'ont vu que le moment, fort insignifiant, où, les épais nuages qui entouraient la terre, venant à se dissiper, les astres ont apparu en leur lieu dans le ciel. Mais le texte, dont chaque terme est d'une parfaite clarté, entend bien que le soleil est plus jeune que la terre, « moins ancien que le jour, moins âgé qu'une fleur, moins nécessaire qu'aucun des effets qu'on lui attribue (28). »
Par là l'humanité était prémunie contre le culte des astres et tout spécialement du soleil. Mais le péché l'a emporté sur la prévoyance de Dieu, et les païens ont adoré le dieu du jour sans toutefois oublier qu'il était né après les montagnes, après la terre (29). »

Dans le langage symbolique de la Bible, les astres qui dominent sur le jour et la nuit, figurent les autorités qui dominent soit sur l'État, soit sur l'Église ; et dans la doctrine des types, il en est peu de plus frappants que celui du soleil du quatrième jour, auquel correspond dans l'histoire de l'humanité le Messie, le soleil de justice, qui, après avoir dès l'origine éclairé d'une lumière pâle et diffuse tous les hommes, s'est levé enfin sur eux tout resplendissant de grâce et de vérité.

L'astronomie garde un complet silence sur l'oeuvre du quatrième jour, et la géologie qui n'a point encore trouvé les plantes antésolaires, ne connaît point la longue période qui devrait séparer ces plantes des premiers animaux, et pendant laquelle la nature organique ne s'est point enrichie d'êtres nouveaux.


Table des matières

Page suivante:


(1) Voyez Peuple Primitif, liv. III ; liv. IV, ch. I ; t. II, p. 52 sq.

(2) Esaïe XXIV, 10 ; XXXIV, 11 ; Jérém. IV, 23 ; Nahum II, 10. Il y a d'ailleurs d'autres passages où Tohou et Bohou signifient simplement : vide, néant ; Job XXVI, 7 ; Esaïe XLI, 29, etc.


(3) Esaïe (XLV, 7) réfutant le dualisme des Perses qui faisaient d'Ahriman le créateur de la moitié ténébreuse de l'univers, rapporte directement à l'Éternel la création des ténèbres et de l'adversité. Mais le sens de ce passage se détermine par l'erreur qu'il combat. Dieu n'est pas l'auteur du mal, mais il l'a permis et accepté, et, par là même, en quelque manière créé.

(4) Voyez page 6 sq.

(5) Voyez page 3.

(6) Nous apprenons par Malebranche, dans son livre de l'Infini créé, que Bonnaire Mansuy disait que « notre globe était formé des débris d'un monde antérieur, mis en fusion par un fluide incubateur. »

(7) D'après le sens étymologique de TH'HOM.


(8) Voyez Peuple primitif, liv. II, ch. ; liv. IV.

(9) Voyez page 9.

(10) Voyez notre écrit de l'Astronomie et la Révélation.

(11) Cours élémentaire d'histoire naturelle. Géologie, p. 333.

(12) Job XXVI, 7. Ce passage suffit pour détruire la fable du firmament d'airain qu'on impute aux écrivains sacrés. D'ailleurs le texte de la Genèse dit : « Les eaux au-dessus de l'étendue, » et non : sur elle comme sur une voûte solide.
Qu'on nous permette de rappeler ici un passage de l'excellent écrit de Duguet : « Comme les yeux n'observent rien de sensible, en un jour serein, dans l'espace presque infini qui est entre nous et les étoiles, l'Écriture compte cet espace comme une même étendue, et elle lui donne le même nom de ciel et de firmament, indépendamment du voisinage ou de la distance de la terre, parce qu'aucune limite dont les sens puissent juger ne borne et ne partage ce ciel en plusieurs étages, et que tout y paraît égal. Les yeux ne voient pas où finit l'air et où commence une autre substance plus pure. Ils jugent que tout ce qui est jusqu'au soleil et aux étoiles est semblable.
Et l'Écriture, se conformant au jugement des yeux, qui est simple et naturel, appelle ciel tout ce qui est entre la terre et les étoiles, n'employant jamais le mot d'air, qui ne subsiste point en hébreu. - En cela l'Écriture a réformé par avance les fausses hypothèses de plusieurs cieux, où l'on a cru que chaque planète était attachée, et d'un dernier où l'on a cru que les étoiles fixes étaient enchâssées comme des diamants. Elle a détruit cette vaine structure, qui est la fiction des hommes et non l'ouvrage de Dieu, et elle a démoli ces compartiments et ces cloisons, qui interrompent un espace que Dieu a laissé libre et commun depuis la terre jusqu'aux extrémités du ciel. »

(13) Voyez Peuple primitif, t. I, p. 245 seq. 373 sq.

(14) Dieu commence par nommer le sec, qui est venu le dernier, mais qui est le plus parfait. C'est ainsi qu'au premier jour il a nommé la lumière avant les ténèbres. L'idée fondamentale de progrès se retrouve jusque dans les moindres détails.


(15) Couvrir la terre d'une manière permanente, ce qui n'exclut point le Déluge, que le Psalmiste parait avoir considéré ici comme une simple inondation passagère, et auquel il n'aurait pu faire allusion sans sortir de son sujet. Un cantique n'est pas une leçon de géologie.

(16) Vandersteen au 16e, Rupert au 12e siècle, d'après M. de Serres, t. I, p. 382, pour le Psaume CIV.

(17) Voyez Peuple primitif, t. I, p. 320.

(18) Remarquez l'absence de la copule et ; la gradation est ainsi rendue plus sensible.

(19) Sur la terre, c'est-à-dire à une certaine hauteur au-dessus du sol.

(20) Comp. Proverbes XXVII, 25, où ce mot se traduit par foin.

(21) On pourrait aussi supposer que la terre et les autres planètes avaient alors chacune leur photosphère. Mais l'autre hypothèse me paraît mieux concorder avec la séparation primordiale de la lumière ou de la masse solaire, et des ténèbres ou des substances planétaires.

(22) On a prétendu que la Vision génésiaque n'était qu'une amplification des scènes qui se succèdent à chaque lever de soleil : l'aurore et les végétaux sont là avant l'astre du jour. Mais les poissons, les oiseaux et les animaux n'attendent pas son lever pour sortir de leurs retraites et animer les eaux, les airs et la terre.
Chaque matin est bien jusqu'à un certain point une image de la création du monde, en vertu de la grande loi des analogies (p. 37) ; mais jamais homme n'aurait déduit d'un spectacle de lever de soleil une cosmogonie en sept jours, dont six de travail et un de repos, un travail ici de séparation, là de création, et ailleurs de simple formation, un tableau où les plantes sont plus anciennes que le soleil, où les animaux ne sont pas tous créés le même jour, etc., etc.

(23) Dumas. Essai de statique chimique des êtres organisés. Paris, 1842.

(24) Le mot hébreu traduit ici par luminaires, signifie ailleurs chandelier.

(25) Vénus possède encore une lumière propre, ainsi que l'a constaté l'astronomie.

(26) Comp. Genèse II, Dieu formant d'abord l'homme, puis le plaçant dans le jardin.
(
27) L'astronomie n'est point contraire à cette identité des éléments.

(28) Duguet.

(29) Hésiode. Théog. v. 117. 129. 135. 371.

 

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