Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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Sermons et Méditations




Tenté de même que nous en toutes choses.

Nous n'avons pas un souverain Sacrificateur qui ne puisse compatir à nos infirmités, puisqu'il a été tenté de même que nous en toutes choses, sans péché. Allons donc avec confiance au trône la grâce, afin que nous obtenions miséricorde et que nous trouvions grâce pour être secourus au temps opportun.
Héb. IV, 15. 16.

Mes frères, c'est en présence d'une grâce faite à la foi, que nous placent ces paroles. Elles nous disent que si l'enfant de Dieu n'est à l'abri ni de la tentation, ni de la souffrance, il y a pour lui un secours assuré, et elles le pressent de s'en souvenir à l'heure difficile. Il arrive au chrétien de se faire je ne sais quelle idée vague des bénédictions qu'apporte à sa vie l'Évangile auquel il a cru. Il voit le salut rayonner sur son existence, mais comme une vertu lointaine seulement, dont les effets ne se produisent pour l'âme et le coeur que de temps à autre, dans telle heure de grâce et au jour surtout où le pauvre pécheur vient frapper à la porte du ciel. Mais ce qu'il a l'air d'oublier, c'est que Jésus-Christ peut et veut être pour lui un Sauveur de tous les instants, un Sauveur se mêlant, avec une infinie bonté et avec une infinie puissance, à la vie quotidienne de son racheté, un Sauveur prêt à lui tendre une main secourable dans n'importe quelle circonstance, quel embarras, quel danger, quelle peine - un Sauveur de près, en un mot, réalisant en plein sa promesse d'être avec les siens toujours jusqu'à la fin du monde ! Ah ! qu'ils sont rares encore, dans les rangs des croyants, ceux qui savent et qui comprennent ce que Jésus, après avoir partagé, dans les jours de sa chair, la vie dont nous vivons, sera pour l'homme qui regarde à lui !

L'Évangile, par la bouche des serviteurs du bon Maître, le dit et le répète. Il nous apprend que si le Fils de Dieu a voulu connaître notre sort jusque dans ses détails, c'est afin de pouvoir compatir à nos infirmités et secourir ceux qui sont tentés. Mais nous, tour à tour incrédules et craintifs, manquant de confiance, nous n'allons pas, comme nous devrions, au trône de la grâce pour obtenir miséricorde et trouver grâce. Secours, forces nouvelles, consolation, paix et pardon, Dieu a tout préparé pour nous en Jésus-Christ. Et nous, troublés, inquiets, faibles et coupables, nous passons devant ces dons, sans avoir l'air de les voir! Instruis-nous donc, Seigneur, parle-nous, donne-nous des coeurs qui comprennent, des mains qui sachent prendre ce que tu offres, des lèvres qui te bénissent de ce que tu donnes, et que nous disions, nous tous qui sommes tentés et qui souffrons : Je me lèverai et j'irai à Jésus-Christ ! N'avez-vous jamais eu de la peine, mes frères, à croire que l'homme, tel que vous le connaissez, a été créée à l'image du Dieu vivant ?
Eh quoi ! cet être qui pleure en naissant, que la souffrance guette au premier pas qu'il accomplit sur la terre et qu'elle accompagne jusqu'à ce que fatigué, brisé, il s'étende sur sa dernière couche pour mourir ; cet être constamment éprouvé et pour lequel les jours de bonheur même engendrent la tentation et ne sont jamais sans quelque mélange d'amertume ; cet être dont, tout bien compté, la vie entière est un combat à soutenir contre les ennemis du dedans et les ennemis du dehors, cet être-là aurait été fait à la ressemblance du bienheureux et seul Prince, le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs ? Il n'y a pas à en douter, toutefois : l'Écriture nous révèle qu'au commencement de toutes choses, l'Éternel Dieu créa l'homme à son image. Mais il est un fait plus étonnant encore, c'est que, lorsque le péché eut surgi, qu'il eut plongé dans la désolation ceux que Dieu avait destinés au bonheur et qu'il eut changé toute gloire humaine en confusion de face, Dieu a pris la ressemblance de l'homme, non pas de l'homme tel qu'il eût été sans le péché, mais de l'homme malheureux, affligé et humilié à la suite de son péché. Dans la personne de son Fils bien-aimé, son autre lui-même, je le vois s'anéantir, paraître sur cette terre de péché et de misère, prendre la forme de serviteur, se rendre semblable aux hommes en toutes choses. Je vois Jésus-Christ devenir tel que je suis, revêtu d'une chair semblable à la mienne, marchant dans le chemin épineux ouvert devant nos pas, épouser mon existence avec tout ce qu'elle a de pénible et de douloureux. J'apprends enfin qu'il a souffert, qu'il a été tenté de même que moi en toutes choses. Moi, créé un jour à l'image de Dieu, mais semblable aujourd'hui à l'enfant prodigue, privé des douceurs et des grâces de la maison paternelle ; et Jésus, le Saint et le Juste, créé à mon image altérée par le péché, livré à la souffrance, exposé à la tentation ! Quel renversement des destinées !

Je n'ai pas à m'occuper dans ce moment de ce que la bonté de Dieu aurait voulu faire de nous avant que, dans un jour terrible entre tous, le paradis se fermât sur les premiers coupables. Ma mission, aujourd'hui, est plus belle et doit avoir un caractère plus émouvant. Sur la foi de ceux qui l'ont vu de leurs propres yeux, je dois parler de ce Sauveur qui, du ciel, est venu vivre sur la terre de la vie dont nous vivons. Avez-vous cru que, quoique né dans ce monde, il ait, malgré tout, voulu être encore égal à Dieu sous son apparence humaine, échapper à nos luttes et à nos misères ? Détrompez-vous. Il n'est pas d'épreuve, ni de souffrance qui lui ait été épargnée ou qu'il ait essayé de repousser. Tenté de même que nous en toutes choses, c'est ainsi que nous le montrent les Évangiles. Tenté, selon le double sens que peut prendre ce mot : tenté par la tentation s'approchant de lui, l'assaillant à l'heure propice, se présentant sur sa route dans la personne du Prince des ténèbres, dans la personne d'un de ses disciples même ou dans telle situation de sa vie, - comme Abraham fut tenté par Dieu, éprouvé par des dispensations divines obscures et douloureuses, éprouvé par l'approche d'une coupe remplie d'amertume qu'il a l'ordre de vider jusqu'à la lie, éprouvé dans son âme et dans son corps. - Et à la tentation s'est jointe la souffrance. Il a souffert, ceux qui l'ont suivi de près l'affirment si haut qu'on pourrait résumer dans ce seul mot l'histoire de sa vie tout entière. Il a souffert, si bien qu'il n'est pas de souffrance humaine dont il ait ignoré les tristesses. Aucune de nos maladies qu'il n'ait portée, selon la parole du prophète ! Pas de fardeau qui n'ait pesé sur ses épaules avant de peser sur les nôtres ! Pas de combat destiné à l'homme, où il n'ait été appelé à résister jusqu'au sang !
Souffrances physiques, souffrances morales, ingratitude de la part de ceux qu'il avait comblés de témoignages de sa bonté, efforts d'une charité toujours patiente, constamment renouvelée, mais échouant sur des coeurs durs comme le roc, tel a été son lot ! Et dans sa souffrance, cet homme comme nous nous a ressemblé si parfaitement que l'oeil des autres n'a pas découvert tout ce qui l'a blessé. Sa vie, comme celle du plus petit d'entre nous, a eu ses secrets de souffrances que Dieu seul a vus. Ces plaies, dont nul ne se doute sinon celui qu'elles affligent et qui sont douloureuses entre toutes, lui aussi et lui le premier, il les a connues. C'est ainsi qu'il a appris ce que c'est que d'être homme. Entre lui et nous, entre nos conditions et les siennes, entre sa vie et la nôtre, il n'y a que cette seule différence, c'est que nous avons cédé à la tentation, et que lui, il est resté fidèle ; c'est que nous, nous avons protesté contre notre sort, et que lui, il a accepté le sien avec une soumission parfaite ; c'est que nous avons péché, et que lui, il est demeuré juste. Tenté de même que nous en foules choses, mais sans péché. Ce qu'a été, ici-bas, le Fils de Dieu, on n'aurait pu le dire avec plus de précision et de vérité.

Or, mes frères, cette existence du Fils de Dieu dans nos rangs a quelque chose à nous apprendre. Au nom même de Celui qui l'a vécue, je place devant elle mes compagnons d'épreuve et de douleur, ceux qui sont affligés et qui pleurent. Quel que soit leur besoin, leur chagrin, leur peine, leur infirmité, ils trouveront ici l'encouragement que leur âme attend et désire. Qu'ils regardent à Jésus-Christ homme, et que du spectacle que contemplent leurs yeux, ils laissent l'écrivain sacré tirer cette conclusion : Nous n'avons pas un souverain Sacrificateur qui ne puisse compatir à nos infirmités, puisqu'il a été tenté de même que nous en toutes choses, sans péché. En ce qu'il a souffert lui-même et été tenté, il peut aussi secourir ceux qui sont tentés. Paroles simples, mais grandes pour le coeur ! Qui ne les comprendrait ? Quel coeur ne les accueillerait, comme on accueille le plus bienfaisant des messages ? Elles établissent entre le sort, la vie et les expériences de Jésus, et mon sort, ma vie et mes expériences à moi, un rapport touchant. Elles me disent que, si Jésus, au nom du Père, est venu sentir le feu de la tentation et goûter les amertumes de la souffrance, il peut aussi se mettre à ma place, compatir à ce qui se passe dans ma vie et dans mon coeur, souffrir avec moi comme nous souffrons avec celui dont une expérience personnelle nous a fait comprendre la douleur. Mais n'y a-t-il pas là un baume sur nos blessures, un rayon de lumière répandu sur la route souvent obscure où nous marchons ? Croyant, dis à ton âme que dans le sanctuaire céleste, il est un souverain Sacrificateur qui a été tenté de même que toi en toutes choses, afin de pouvoir compatir à tes infirmités. Crois à ces compassions dont le coeur de Jésus déborde et qui te sont garanties par sa vie sur la terre que tu foules.

Crois à ces compassions aussi tendres que fidèles qui enveloppent et l'ensemble de ton existence et chacun de ses détails.

Crois à ces compassions meilleures que celles du plus dévoué et du plus excellent d'entre tes frères. Les compassions humaines peuvent être stériles, celles de Jésus ne le seront jamais. À sa commisération pour celui qui est tenté et qui souffre se joint le pouvoir de le secourir. Tel est le privilège que le Père lui a accordé après l'avoir vu soutenir la lutte et endurer la souffrance. Crois donc en la puissance qui lui a été donnée, après avoir cru à ses compassions infinies.

Crois en la souveraine vertu de ses mains, meurtries un jour pour toi sur la croix, et qui se tendent vers toi, aujourd'hui, de la gloire du ciel. Et s'il ne se trouvait dans ce monde personne pour te comprendre, personne non plus auquel tu pusses confier ce qui t'humilie, t'éprouve et t'afflige ; personne pour te secourir et personne pour te sauver, crois toujours, crois fermement en Celui dans lequel Dieu lui-même s'est abaissé jusqu'à toi ; crois en Jésus-Christ, le Sauveur compatissant et le Sauveur puissant ; crois en lui de cette foi qui est une pleine confiance, et va chercher auprès de lui ton salut!

À nous, en effet, à nous maintenant, d'apprendre pour notre bonheur une leçon suprême. Pour le pécheur tenté et éprouvé, elle se dégage des instructions que Dieu lui-même lui donne par la personne et la vie de Jésus-Christ, homme au milieu des hommes. Allons donc avec confiance au trône de la grâce, dit l'Écriture, afin que nous obtenions miséricorde et que nous trouvions grâce pour être secourus dans le temps opportun !

Doux appel ! Il me montre mon chemin, il m'autorise à faire ce que, moi, pauvre pécheur, je devrais craindre de faire. Il me dit que le trône de la justice est devenu pour moi le trône de la grâce, puisque Jésus s'y tient et qu'il y fait prévaloir l'efficace perpétuelle de son sacrifice. Il me presse d'y porter par la foi, avec une entière confiance, mes embarras, ma peine, mon fardeau, mon coeur tenté, mon âme éprouvée, ma misère, ma perdition, tout ce qui me tourmente et me blesse, ce qui me prive de la gloire qui vient de Dieu, me couvre de honte et me condamne ; et, en retour de mes aveux, de mes supplications, il me promet miséricorde et grâce, secours dans le temps opportun. Quelle est, mes frères, la vie chrétienne qui ignore ces jours, douloureux entre tous, où Dieu semble cacher sa face, fermer son oreille, frapper au lieu de bénir, et où le coeur doit convenir en tremblant que le châtiment qui l'atteint est mérité ? Mais dans cette extrémité même, dans cette extrémité surtout, il y a miséricorde et grâce pour qui les cherche en Jésus-Christ. À lui donc, qui est plus grand que notre coeur. À lui, nous les faibles pour trouver la force ! À lui, nous qui sommes découragés, il nous rendra le courage ! À lui, nous qui succombons ; il nous donnera la victoire ! À lui, nous qui sommes coupables : il pardonne ! À lui, nous qui sommes perdus ; il sauve ! À lui, afin d'obtenir miséricorde et de trouver sous quelque forme que ces dons nous soient nécessaires ! À lui, prêt à nous faire selon les compassions de son coeur et la puissance de son bras ! À lui, rendu semblable à nous un jour, afin que par son oeuvre d'amour, il rétablît dans ses frères l'image du Dieu saint et vivant, qu'il les ramenât au Père et leur rendit le bonheur ! Amen.



Portez les fardeaux les uns des autres et accomplissez ainsi la loi de Christ.
Gal. VI, 2.

Je n'avance rien de nouveau, mes frères, en disant que le monde, toujours en quête de reproches à faire à l'Évangile de Jésus-Christ, prête aux disciples du Seigneur les dispositions de ce pharisien qui, debout dans le temple, se vantait de ne pas être comme le reste des hommes. Cette accusation, nous la repoussons, parce qu'elle est fausse. La Bible que nous lisons, l'Évangile, Jésus-Christ dont nous reconnaissons l'autorité sur nos âmes et dans lequel nous saluons notre seul Sauveur, nos expériences chrétiennes aussi, nos souvenirs d'hier et nos souvenirs d'aujourd'hui, tout s'unit pour nous dire, sans ménagement pour notre orgueil, que nous sommes de pauvres pécheurs, et, convaincus de la justesse de ce verdict, nous acceptons l'humiliation. En un sens, cependant, le monde ne se trompe pas : ce même Évangile qui nous abaisse, nous autres chrétiens, nous élève aussi, crée pour nous, parmi nos semblables, une situation à part, nous met sous le régime d'une loi d'exception, nous investit de charges qui ne sont pas pour tous. Vous êtes, nous dit-il par la bouche de Saint-Pierre, la race élue ; vous êtes sacrificateurs et rois, vous êtes la nation sainte, le peuple acquis, afin que vous annonciez les vertus de Celui qui, des ténèbres, vous a appelés à sa merveilleuse lumière. Et si frappés de la beauté et de la grandeur de ces titres, nous demandons quel est le ministère auquel ils nous destinent, je veux dire quelles sont les fonctions royales et sacerdotales que nous avons à remplir, St-Paul nous les signale dans cette ligne qu'il écrivait aux chrétiens de la Galatie : Vous qui êtes spirituels, portez les fardeaux les uns des autres et accomplissez ainsi la loi de Christ.

Jésus-Christ a pris sur lui nos fardeaux : Venez à moi, vous tous qui êtes travaillés et chargés et moi, je vous soulagerai; voilà son appel, sa vocation, sa joie. « Il naquit pour servir, et servir fut sa gloire. » Dès lors, la route est tracée devant nos pas, à nous qui croyons en son saint nom et qui avons accepté son salut. Faire comme le Maître, lui ressembler dans son oeuvre de secours, de soulagement, de miséricorde, accourir vers ce frère que nous voyons courbé. sous quelque fardeau, lui aider à le porter, en charger nos épaules, ce sera là notre mission, la mission du chrétien ; ce seront là les conditions nouvelles et exceptionnelles où nous place, sur cette terre, l'Évangile de Jésus-Christ.

I

Portez les fardeaux les uns des autres ! Ordre étrange, en effet, étrange aussi longtemps que je l'envisage des yeux de l'homme irrégénéré qui ne connaît que les faiblesses et les lois de ce monde. Cet être que la Bible appelle l'homme naturel (par où elle entend l'homme qui ne connaît ni Jésus-Christ, ni les vertus régénératrices de l'Évangile), cet homme naturel ne songe qu'à lui-même et ne connaît que sa peine. Demandez-lui de se souvenir de celle du frère qui est à ses côtés et, presque toujours, il la déclarera plus supportable que la sienne propre, moins réelle, moins pénible, moins digne de compassion que celle qui pèse sur ses épaules. Il ajoutera que sa force ne suffit point pour porter son propre fardeau ; comment lui servirait-elle à porter celui des autres ? Et si cet homme, jaloux, malgré tout, de se faire la réputation d'être bon, serviable, compatissant, généreux, ne refuse pas toujours son aide ; si cet homme, dans telle occasion qui appelle la compassion à grands cris, prête à quelque malheureux l'appui de son bras ; s'il tient à ce que, de temps à autre, un fruit excellent apparaisse sur l'arbre de sa vie, une vertu, un acte de charité, un sacrifice qui fasse parler de lui, non, ce ne sera pas là ce que St-Paul entend par cette parole : Portez les fardeaux les uns des autres. Cet homme dont je vous parle, sera toujours sous la loi de ce monde qui admet et protège l'égoïsme du coeur naturel. Il ne sera pas sous la loi de Jésus-Christ qui ordonne cette chose nouvelle, inouïe partout où l'Évangile ne règne pas, impossible là où Jésus n'a pas été reçu et où Jésus n'est pas aimé, cette chose qui se nomme l'oubli journalier et incessant de soi-même au service du frère !

Portez les fardeaux les uns des autres, vous qui êtes spirituels ! Quel ordre ! Il établit entre les croyants une communion de peines, de souffrance même, qu'ils auront à accepter volontairement et joyeusement, dans la force que Jésus-Christ leur donnera. Jusqu'où s'étendront ces obligations ? Où s'arrêteront-elles ? Il serait difficile de le dire. Partout où le chrétien voit un frère marchant sous le poids de quelque fardeau, partout où il devine une peine, une souffrance, il se doit à cette infortune. Sa mission ne finira pas même là où il sort des rangs de ceux qui confessent avec lui leur foi au Sauveur du monde. Pourrions-nous croire l'Évangile étroit à tel point qu'il nous permît de ne secourir que les membres de nos Églises ? Serait-ce là l'exemple que Jésus a laissé aux siens ? N'a-t-il pas pris sur lui n'importe quel fardeau et le fardeau de n'importe qui ? À nous de nous souvenir de sa manière d'agir, et de l'imiter.

Il est, mes frères, une catégorie d'hommes que leur vocation terrestre place, bien particulièrement, en présence de ce devoir commun à tous les chrétiens, et qui sont appelés, j'allais dire d'office, à porter les fardeaux de leurs frères. Ce sont les ministres de la Parole, les pasteurs du troupeau, les serviteurs de Jésus-Christ dans son Église. Leur tâche, s'ils la comprennent, s'ils ont à coeur de l'accomplir, est grande, infiniment plus lourde qu'on ne le croit communément, beaucoup plus riche qu'on ne le pense en humiliations journalières. Ce sont eux qui, les premiers, éprouvent tous les jours à quel point il est difficile à l'homme de porter, avec son propre fardeau, celui des autres, et à quel point la force naturelle de l'homme est insuffisante pour ces choses.

Ah ! je ne m'étonne pas qu'un St-Paul même, fléchissant sous le poids de son ministère, ait demandé les prières de ces Églises, auxquelles il adressait ses lettres. En réclamant ce secours, il était incontestablement dans son droit. Si le pasteur doit porter le fardeau de l'Eglise, l'Eglise aussi doit porter le fardeau du pasteur. Elle manquerait à son devoir, elle s'écarterait de la voie de Jésus-Christ, si elle se contentait d'être servie, de recevoir, d'être soulagée. Elle a, vis-à-vis de son conducteur spirituel, des obligations sacrées. Et plus le fardeau est pesant sur les épaules de celui qui est appelé à la guider, plus elle sera jalouse de le porter avec lui.

Et ceci nous amène au cercle de ceux qu'une commune foi unit à un Sauveur commun à tous, à la famille de Jésus-Christ dans son ensemble. Au sein de ce troupeau, mis à part, au milieu de la génération perverse et incrédule d'un monde qui n'a pas connu Dieu, ni gardé sa Parole, au sein de l'Eglise chrétienne que je ne confonds avec aucune de nos dénominations spéciales, doit être constamment rappelé et fidèlement pratiqué cet ordre apostolique : Portez, les fardeaux les uns des autres. Il serait bon qu'on le gravât sur les murs de tout intérieur chrétien, afin que l'oeil l'aperçût dès le matin et que le coeur n'eût jamais la possibilité de dire pour son excuse qu'il l'a oublié. Sur les murs d'abord qui abritent la famille chrétienne. Quelque incroyable que cela puisse paraître, il n'en est pas moins vrai que les membres de la famille même selon la chair ne songent pas toujours à porter les fardeaux les uns des autres, eux auxquels les lois de la nature prêchent ce devoir avant même que l'Évangile le leur signale. Sur les murs, ensuite, entre lesquels s'écoulent les existences solitaires qui poussent au service de soi-même, parce qu'elles ne connaissent pas les obligations naturelles. Qu'en pensez-vous ? ne seront-elles pas également privées de contentement d'esprit, de paix, de bonheur et de joie, jusqu'au jour où se révélera à elles, illuminée d'un rayon d'en haut, expliquée par le St-Esprit, cette parole de l'apôtre : Portez les fardeaux les uns des autres ? Ah ! la belle, la grande vocation que celle-là ! Combien digne du chrétien, combien digne de remplir notre temps, d'occuper nos pensées, combien propre à donner de la valeur à notre vie en la rendant utile ! Dites donc aux jeunes, dites aux vieux, dites à tous les âges représentés dans l'Eglise du Seigneur, dites à tous ceux qui, avec nous, courent au-devant du même but, dites-leur,quelles que soient d'ailleurs leurs circonstances et leurs occupations, dites-leur qu'ils sont appelés à porter les fardeaux les uns des autres, et que c'est par l'obéissance à cet ordre qu'ils accompliront la loi de Christ.

Oui, mes frères, plus les membres de l'Eglise de Jésus-Christ auront compris par le coeur, et mieux ils pratiqueront la règle divinement établie pour le bien de tous, plus aussi ils éprouveront cette satisfaction intime que l'Évangile seul procure, soit qu'il ordonne, soit qu'il donne. Et plus, à l'exemple de leur Maître, ils seront larges et généreux dans l'exercice de leurs fonctions sacrées, plus aussi ils seront bénis et récompensés par grâce. Autour d'eux, dans le monde que déchirent les envies et les jalousies, où chacun suit son propre chemin, où les épreuves frappent sans qu'il y ait une consolation apportée par l'Évangile, dans ce monde, chrétien de nom seulement, que de fardeaux lourds à porter, que d'épaules qui fléchissent, parce qu'il n'y a personne pour les soulager ! Un champ d'activité immense s'ouvre ici pour le chrétien. Qui aura pitié, qui aidera, si ce n'est lui, par lequel seul peut se perpétuer le ministère de Celui qui s'écriait : J'ai compassion de cette foule ! Qui, si ce n'est lui, mettra la main à l'oeuvre, là où, d'avance, il faut renoncer à rencontrer quelque réciprocité de service, d'affection ou de sacrifice, là où il faut donner sans rien attendre en retour, se donner sans même pouvoir espérer être compris ni remercié !

Portez les fardeaux les uns des autres ! Mes frères, voilà notre tâche. Il ne nous appartient pas, à nous qui sommes spirituels, de demander avant tout qui nous aidera à porter notre fardeau, à nous, faire cela, ce serait tenir le langage du monde. Non, l'Évangile nous élève ; l'Évangile nous réserve une vocation qui n'est pas d'ici-bas, bien qu'elle doive s'exercer sur cette terre de peines et de fatigues ; l'Évangile nous dit de prendre le fardeau des autres et de le porter. Comment faire pour lui obéir ?

II

Il faudrait donner ici autant de réponses qu'il y a de cas particuliers, de circonstances individuelles. Les fardeaux que nous apercevons et dont nous soupçonnons l'existence sont de nature infiniment diverse. Depuis le fardeau du péché oppressant une conscience réveillée sous l'action du St-Esprit, depuis les tourments d'une âme angoissée au sujet de son salut, jusqu'au fardeau d'un embarras momentané, d'une santé affaiblie, d'une tâche journalière trop grande ou peu conforme aux goûts de celui auquel elle est confiée, d'une épreuve domestique, d'une situation difficile, quelle variété de peines et de souffrances ! Et si je me dis que, parmi tous ceux qui vivent à mes côtés, il n'en est pas un seul qui n'ait sa part, grande ou petite, connue ou inconnue, du fardeau commun ; pas un non plus dont les besoins de secours soient les mêmes que ceux de tel autre, je serai tenté de reculer devant l'appel de Dieu et de me déclarer incapable de faire ce qu'il me demande. Porter les fardeaux les uns les autres ? Mais, pour vaquer à ce ministère, il faudrait la sagesse du ciel et la charité de Jésus-Christ même ! Et nous ne sommes, les uns et les autres, que des hommes remplis d'infirmités, manquant de savoir-faire, et pauvres, toujours pauvres en compassion !

On pourra nous dire, sans doute, que Dieu donne ce qu'il ordonne et que plus nous apprendrons à connaître Jésus-Christ par le coeur, par une foi personnelle et vivante, plus aussi nous serons rendus capables de marcher sur ses traces. Mais en attendant, et pour être encouragés, souvenons-nous d'une chose, c'est que jamais, pour ceux qui prendront au sérieux la vocation que l'Évangile leur donne, il ne s'agira d'accomplir ce qui serait vraiment au-dessus de leur pouvoir. Dans aucune de ses pages, la Bible ne nous demande l'impossible. Jamais Dieu n'est ce maître sévère qui voudrait moissonner là où il n'a pas semer. Pourvu donc que nous nous disions à quoi nous sommes destinés, et que nous nous laissions arracher à la torpeur spirituelle dans laquelle nous sommes facilement plongés, le Maître nous montrera ce que nous devons et ce que nous pouvons faire.

Portez les fardeaux les uns des autres, vous qui êtes spirituels : Ce sera ouvrir les yeux pour voir ce qui pèse sur le coeur et sur la vie de ceux qui nous entourent ; ce sera nous laisser attendrir ; ce sera apporter un témoignage de sympathie, d'amour fraternel, de compassion chrétienne ; ce sera être prêt, sans doute, à accomplir quelque sacrifice digne de ce nom, mais ce sera déjà ce serrement de main dans lequel on sent le coeur. Quelquefois cependant, fort souvent même, ce que le Seigneur nous demande, ce n'est pas l'acte visible, c'est cet acte invisible plutôt qui s'appelle la prière. Qui donc, d'entre tous ceux qui ont le droit de se nommer chrétiens, ne saurait pas prier ? Et la prière, ne l'oublions pas, c'est une puissance qui allège les fardeaux les plus lourds, qui roule les pierres, qui abaisse les montagnes, qui comble les abîmes. Prie, mon frère, prie pour ceux qui s'affaissent sous leurs fardeaux, prie pour les autres, prie pour tous ceux que cette prédication a rappelés à ton souvenir et, pour ta part, tu porteras leurs fardeaux, accomplissant ainsi la loi de Christ, prouvant par ta conduite qu'il a vécu et qu'il a laissé dans ce monde des imitateurs qui prêchent son saint et grand nom, et avancent son règne de paix et de bonheur !

Portez les fardeaux les uns des autres ! Oui, mes frères, croyons-le, il nous est possible, en Jésus-Christ, de renoncer à la vie dont vivent les enfants de ce monde, eux qui se compliquent l'existence par leur égoïsme et leur orgueil. Le Maître veut et peut nous donner d'être au service les uns des autres, unis par un même désir, celui de porter chacun le fardeau de son frère. Cela ne rapportera rien selon le monde, mais ce sera accomplir la loi de Christ, le Sauveur et le juste Juge de tous. Amen.


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