Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Sermons et Méditations




Priez les uns pour les autres.
Jacq. V. 16.

Mes frères, sur la première page du poème religieux que nous connaissons sous le nom de Livre de Job, se déroule devant nous une scène mystérieuse et effrayante. Mêlé à une assemblée d'enfants de Dieu, un être perfide se présente devant l'Éternel pour faire périr, par ses accusations, un homme pieux, irréprochable. Vous avez reconnu le calomniateur, le meurtrier dès le commencement, Satan travaillant à la perte de Job. Tournez la page ; ouvrez le Nouveau Testament, et les apôtres du Seigneur, parlant des choses que le Saint-Esprit leur a fait voir des yeux de la foi, vous transporteront eux aussi dans le ciel. Mais ce n'est plus pour vous y faire voir le terrible accusateur. La place qu'il occupait a été prise par un avocat plaidant la cause des perdus. Vous avez reconnu, cette fois, Jésus-Christ, dont il est dit qu'il intercède, même pour nous, et qu'il peut toujours sauver ceux qui s 'approchent de Dieu par lui.

Or, s'il y a là deux princes, celui des ténèbres, précipité aujourd'hui de son trône, mais investi encore, pour un temps, d'une partie de son pouvoir, et celui de la lumière, auquel toute puissance a été donnée dans le ciel et sur la terre, il y a deux camps, deux armées, deux peuples, obéissant chacun aux ordres qu'il reçoit. Il y a, sur cette terre, le peuple de Satan, le peuple des calomniateurs, des accusateurs, des séducteurs sans conscience, et il y a le peuple de Jésus-Christ, le peuple qui aime, qui pardonne, qui excuse et qui intercède, le peuple qui cherche à sauver ce qui est perdu. Mes frères, de ces deux troupes, je laisse celle qui est d'ici-bas, qui est de l'enfer. Je ne veux, à cette heure, m'occuper avec vous que de celle qui est d'en haut, qui est du ciel, qui fait ce que fait Jésus-Christ. Laissez-moi donc vous parler de l'intercession chrétienne ; vous dire, au nom du divin intercesseur, que vous êtes appelés, vous qui vous réclamez de son nom, à ce ministère excellent entre tous, et vous montrer, avec l'assistance du Saint-Esprit, la divine beauté et la divine grandeur de cette mission. Priez les uns pour les autres, écrivait saint Jacques aux chrétiens de la dispersion. Écoutons l'ordre qu'il nous donne comme de la part de celui qu'il sert et qui inspire sa plume, et sachons bénir Dieu qui daigne, en nous demandant nos intercessions, nous associer à l'oeuvre de son Fils même.

I

Mes frères, l'intercession chrétienne est une chose excellente, parce que, en effet, tout d'abord, elle joint ceux qui la pratiquent à l'oeuvre de salut et de régénération que poursuit Jésus-Christ. Prier pour mes frères, prier pour ceux que Dieu met à mes côtés, prier pour les miens, prier pour le monde, ce sera édifier le royaume de paix, de justice, de sainteté dont il est le chef ; ce sera coopérer à la destruction des oeuvres de Satan et à la disparition du mal ici-bas. Ah ! qui suis-je, moi, créature faite de poussière, homme aux lèvres souillées, pour avoir le droit de me présenter, à côté de Jésus-Christ, devant la Majesté divine, pour supplier Dieu de faire grâce, de pardonner, de guérir les ravages du péché, de délivrer ceux qui souffrent, de consoler les affligés, de purifier les coeurs, de sauver les âmes !

Qui es-tu, mon frère, ma soeur, pour qu'il te soit permis d'apporter devant le trône de Dieu les besoins, les misères, les douleurs, les détresses, les larmes des autres ? Seraient-ce vraiment nos bouches que la parole de Dieu déclarerait capables de demander le salut de nos familles et de nos maisons, le salut de telle âme qui nous est chère et que nous voyons se perdre, les progrès de l'Evangile sur cette terre de péché, la victoire de la vérité et de la justice, le succès des travaux de l'Eglise et l'avancement du Règne de Dieu ? Ce serait vous et moi dont Jésus-Christ, oserai-je le dire, accepterait le concours pour achever son oeuvre de salut et la conquête du monde ? Ce serait nous, si pauvres, si misérables à tant d'égards, dont il voudrait faire des ouvriers avec lui ? O vocation belle, grande, sainte entre toutes, dont nous sommes tous indignes, et qui, cependant, nous a été faite à tous à partir du jour où nous avons cru en Jésus-Christ et où nous avons déclaré vouloir le suivre ! Il n'en est pas d'autre qui, comme celle-là, nous élève et nous humilie tour à tour. Elle nous humilie, car, en se présentant à nous, elle nous fait sentir toute notre petitesse, toute notre insuffisance, toute notre incapacité et peut-être même la coupable et incroyable indolence de nos coeurs. Elle nous élève, car elle nous fait savoir que Dieu, en Jésus-Christ, veut malgré tout se servir de nous pour faire du bien, pour bénir et pour sauver ! Intercesseurs avec Jésus-Christ et comme Jésus-Christ ! Qui donc d'entre ceux qui comprennent que c'est là leur tâche ne se sentirait encouragé et ne rendrait grâce au Dieu de miséricorde et de bonté, qui honore les disciples de son Fils d'un mandat si beau !

II

Une oeuvre excellente, l'intercession chrétienne l'est encore parce qu'elle répond à des besoins aussi nombreux que profonds. Que de détails, que de faits, que de situations désespérées, que de causes perdues selon les hommes, qui appellent l'intercession année après année, jour après jour, j'allais dire à tout instant ! Voyez, au temps d'Abraham déjà, les villes impies de la plaine du Jourdain ; rien ne leur était plus nécessaire que l'intercession du pieux patriarche ; seule, elle pouvait les sauver de la perdition, seule, elle les aurait sauvées, si les dix justes que cherchait l'oeil de Dieu s'y étaient trouvés.

- Voyez le peuple d'Israël, égaré, perdu, dansant autour du veau d'or. La colère de l'Éternel s'enflamme. l'a, dit-il à Moïse, descends, ton peuple s'est corrompu ; c'est un peuple de col roide ; laisse-moi faire ; je les consumerai, mais je te ferai devenir une grande nation. Ici encore, que seraient devenus les coupables, si un intercesseur ne s'était tenu à la brèche ? Moïse prie, et Dieu fait grâce.

- Voyez les apôtres de Jésus-Christ, hommes sanctifiés par la parole de Dieu et par le Saint-Esprit, mais hommes faibles, portant leur trésor dans des vases de terre, exposés à mille dangers. livrés tous les jours à la mort à cause du nom de Jésus-Christ qu'ils aiment et qu'ils confessent. Quel est le service qu'ils demandent à leurs frères, aux Églises qu'ils ont fondées, à ces anciens païens qu'ils ont amenés à la connaissance de la vérité ? Quelle est la chose qu'ils déclarent leur être nécessaire à eux, témoins de Jésus-Christ, pour pouvoir continuer leur ministère avec courage et avec foi ? L'intercession, mes frères, l'intercession de ceux-là mêmes qui, de toute façon, sont moins avancés, moins affermis, moins fidèles, moins utiles qu'eux, mais qui cependant ont appris à prier. Mes frères, écrivent les apôtres, priez pour nous ! C'est ainsi que l'histoire du règne de Dieu sur la terre vient nous prouver qu'il a plu à Dieu d'instituer, comme une nécessité pour le monde et pour l'Eglise de Jésus-Christ, le ministère de l'intercession. Il veut que ses créatures s'entr'aident, par la prière, pour vaincre ensemble ce que, dans la vie de chacune, il y a d'erreurs, de fautes, de péchés, de misères, de douleurs et d'angoisses, d'insuffisance, de chemins sans issue et de tristesses sans consolation. Dieu pourrait se passer de l'homme sans doute, agir sans attendre nos supplications, faire grâce sans se soucier des plaidoyers que nous lui présentons en faveur de nos frères. Il pourrait manifester la grandeur de sa miséricorde et la puissance de son bras avant même que nous ouvrissions la bouche. Mais il lui a plu de faire entrer dans son oeuvre la coopération de nos prières, et je ne me tromperai pas, dès lors, en disant qu'il y a, au près comme au loin, sous notre toit comme dans le vaste monde, dans notre famille selon la chair et dans notre famille spirituelle, partout et toujours, des faits et des situations, des âmes et des coeurs qui demandent ces prières à grands cris, et auxquels ces prières sont indispensables. Vous êtes-vous dit quel bien vous êtes destinés à faire à vos frères, et avec quelle anxiété ils attendent que vous parliez d'eux au Seigneur ? Avez-vous essayé de discerner ces sujets d'intercession que le Maître tient là en réserve pour ses serviteurs ? Et si vous avez réussi, si vous avez compris qu'il y a là des cas urgents, n'avez-vous pas constaté aussi que ces cas, en un clin d'oeil, se sont multipliés sous vos regards, si bien que c'est à peine si vous avez pu y suffire ? N'avez-vous pas senti que Dieu, en vous confiant le ministère de l'intercession, vous donnait une charge belle et importante entre toutes dans son royaume ? Mes frères, soutenir par nos prières un enfant qui s'égare ou dont le chemin se complique, soutenir un compagnon de route, soutenir un malade, un affligé, soutenir un serviteur de Dieu qui fléchit sous le poids de sa tâche, soutenir telle cause chrétienne, soutenir telle oeuvre qui chancelle, soutenir ces frères et ces oeuvres par nos intercessions qu'ils réclament : quelle vocation glorieuse et sainte !

III

Une oeuvre excellente, l'intercession chrétienne l'est en troisième lieu par les résultats qu'elle obtient. La prière du juste faite avec zèle, écrit saint Jacques, a une grande efficace. Elie était un homme sujet aux mêmes affections que nous, et néanmoins, il demanda par ses prières, qu'il ne plût pas sur la terre, durant trois ans et demi. Et il pria de nouveau et le ciel donna de la pluie et la terre produisit son fruit. Merveilleuse puissance que celle qui ferme et qui rouvre les bondes de la voûte céleste ! L'exemple, on en conviendra, est frappant. Mais des expériences semblables à celle qui a marqué dans la vie du prophète contemporain d'Achab, se sont trouvées dans l'existence de tous ceux qui ont prié. À tous, il a été donné de voir quelque miracle de la bonté et de la puissance de Dieu, miracle dans lequel ils ont pu saluer l'exaucement de leurs prières.

Que de délivrances obtenues, que de larmes séchées, que de fléaux détournés, que d'ennemis vaincus, que d'armes de Satan détruites, que de malheureux arrachés à l'esclavage du péché, que d'âmes sauvées, rendues au ciel, par l'humble et persévérante intercession des enfants de Dieu ! La foi l'a compris ; la foi a été certaine du fait, alors même qu'il a été impossible de l'établir et de le prouver par une démonstration mathématique. Vous avez été l'objet d'une intervention de Dieu ; vous avez vu une oeuvre de salut se faire dans l'âme d'un des vôtres : c'est ce que l'homme a pu observer. Une bataille a été gagnée dans la grande lutte que l'Évangile soutient contre les ténèbres : c'est encore ce que chacun a pu voir. Une calamité publique s'est transformée en bénédiction pour un village, une ville, un peuple tout entier ; chacun en a été frappé. Mais la cause secrète de ces événements étonnants, fort souvent un seul l'a connue, celui qui connaît toutes choses. C'est sa main qui a agi, sans doute, mais elle a été mue par tel chrétien, tel serviteur de Dieu, tel pauvre infirme cloué sur un lit de maladie, telle Église de Jésus-Christ intercédant en faveur de ceux qui étaient éprouvés. Ah! mes frères, si nos yeux pouvaient s'ouvrir, s'il leur était permis de jeter un regard sur les merveilles qu'opère l'intercession chrétienne, s'il se déchirait, le voile qui nous cache le comment et le pourquoi de tant de bontés de Dieu, dont nous avons été les objets, et de tant de miracles que nous avons contemplés dans la vie des autres et dans l'histoire du règne de Dieu sur la terre ! Ce que nous verrions alors, c'est la troupe bénie des intercesseurs, apportant à Dieu leurs supplications et leurs prières, et luttant à genoux avec le Seigneur. Qu'il ferait beau les connaître, ceux qui ont prié pour nous et qui ont obtenu pour nous la bénédiction ! Qu'il fera beau les connaître un jour dans le ciel ! Qu'il ferait beau, surtout, être du nombre de ceux qui ont prié, qui prient, et dont la prière est une bénédiction pour plusieurs ! Or, c'est précisément à cela que Dieu t'a destiné, mon frère, et qu'il m'a destiné, moi, tout indignes que nous soyons l'un et l'autre d'une oeuvre si belle, si grande, et si sûre de son succès !

IV

Une oeuvre excellente, l'intercession chrétienne l'est enfin, mes frères, parce qu'elle ne peut être pratiquée sans que le coeur et la vie de celui qui prie s'en ressentent d'une manière bienfaisante. Priez pour ceux qui vous sont chers, et votre affection, sanctifiée, deviendra plus vraie et plus profonde. Priez pour ceux que vous supportez avec peine, et vous apprendrez à les aimer. Priez pour le monde, et votre coeur s'élargira et saura avoir compassion, comme Jésus-Christ a eu compassion. Priez pour l'Eglise, et l'Eglise, gardée d'erreur, enrichie de dons célestes, sera pour vous une source de grâces toujours nouvelles. Priez pour la famille de Dieu, groupée autour de Jésus-Christ, et vous aurez de mieux en mieux votre place au foyer. Priez pour les autres, et l'homme nouveau en vous s'enrichira, se fortifiera, se transformera à l'image du grand intercesseur qui est Jésus-Christ. Intercédez, et vous éprouverez le bonheur que donnent le service de Jésus-Christ accompli auprès de ses rachetés et l'obéissance à l'ordre de Dieu le plus beau et le plus touchant.

Priez les uns pour les autres ! Aurais-je besoin de poursuivre, de nommer encore des grâces qui seront pour ceux qui obéiront ? Aurais-je besoin d'insister ? Où donc trouver, sur la route chrétienne, quelque oeuvre qui nous transporte plus haut, nous, pauvres et misérables pécheurs, quelque oeuvre qui soit plus nécessaire, plus salutaire à celui qui l'accomplit, que l'oeuvre de l'intercession faite au nom de Jésus-Christ ! Et cette oeuvre vous attend, mes frères, elle est du nombre de celles que Dieu a préparées pour vous afin que vous y marchiez ; c'est par elle que, selon la volonté de Dieu, vous serez bénédiction ; c'est par elle que vous serez bénis. Intercéder, pouvoir intercéder, quelle grâce, quel bonheur ! Amen.



L'
étroitesse de l'Évangile.

Combien étroite est la porte et resserré le chemin qui mènent à la vie ! Et il y en a peu qui le trouvent.
Matth. VII, 14.

Lorsque Jésus fut allé trouver Matthieu au bureau des péages de Capernaüm, et qu'il l'eut appelé à l'apostolat, l'ancien péager tint à célébrer par un festin l'honneur qui lui était échu. De nombreux membres de la société dont il avait fait partie vinrent se grouper, à sa table, autour de Jésus et des disciples. Ce fut le banquet des misérables et des proscrits dont le Sauveur des pécheurs acceptait la communion. Ce fut la divine largeur de l'Évangile mise en évidence devant tous.

La largeur de l'Évangile, scribes et pharisiens n'y comprennent rien. Ils s'étonnent, ils murmurent, ils se scandalisent. Manger avec des péagers et des gens de mauvaise vie ! Quel scandale ! Quel affront fait à toutes les convenances ! Mais les étroitesses du passé ont fait leur temps. Le Dieu d'Israël ouvre en Jésus-Christ ses bras à n'importe quel pécheur. Il veut que tous soient sauvés ! Il met sur les lèvres de son bien-aimé cette parole pleine de gratuité et de miséricorde universelle : Venez à moi, vous tous qui êtes travaillés et chargés ! C'est le monde qu'il veut arracher à la perdition, le monde tant païen que juif. Où que se trouve quelque coeur malheureux, quelque esclave du péché, l'amour divin va le chercher. Quelle que soit la nature du mal qui fait souffrir le pécheur, le divin Médecin apportera la guérison, jamais il ne sera trop tard pour que le Libérateur puisse faire son oeuvre. Il ne demandera, pour l'accomplir, ni argent, ni or, ni aucun don, ni aucun travail de l'homme. Il ne demandera que la foi qui accepte. 0 largeur de l'Évangile, que tu es belle, que tu es grande, toi que je vois éclater partout où paraît Jésus, le Sauveur !

Et cependant, devons-nous le taire ? ce même Jésus s'est écrié : Combien étroite est la porte et resserré le chemin qui mène à la vie, et il y eu a peu qui le trouvent ! Peu de sauvés, puisque, à côté de la largeur de l'Évangile, il y a l'étroitesse de l'Évangile. Peu de sauvés, à cause d'un fait que la miséricorde infinie de Dieu même n'a pu changer, mais qu'elle a dû laisser subsister. Peu de sauvés, à cause de cette pierre d'achoppement et de chute qui n'a pu être éloignée du chemin du salut, si largement, si généreusement ouvert devant les pas de tous !

L'étroitesse de l'Évangile ! Mes frères, ne songeons pas à vouloir l'effacer ; l'Évangile, sans elle, ne serait plus l'Évangile. Il la lui faut, tout aussi bien que sa merveilleuse largeur. Il n'accomplira pas, sans elle, cette oeuvre de relèvement et de régénération qui fait du pécheur coupable et perdu un concitoyen des saints et un domestique de Dieu. Il ne serait, sans elle, qu'un rayonnement divin, éclairant pendant quelques courts instants la nuit du péché, pour la laisser paraître dans la suite d'autant plus noire. Non, ne demandons pas que l'étroitesse de l'Évangile disparaisse ; demandons plutôt à la voir et à la connaître comme l'ont vue et comme ont appris à la connaître tous les héritiers de la vie éternelle. Étroite la porte, resserré le chemin : divin Auteur de notre salut, si large de coeur, si désireux de nous sauver, si plein d'amour pour le monde perdu, qu'as-tu entendu par là ?

I

L'Évangile est étroit, d'abord, parce qu'il nous place dans la voie de l'obéissance et de la soumission. Il vient dire à l'homme qu'il n'est pas destiné à être son propre maître, à faire sa volonté, à vivre selon les pensées de son coeur. Il le met plutôt dans la dépendance d'un autre et il porte atteinte par là à son orgueil et à ses ambitions les plus chères. Dépendre, obéir, se soumettre, cette parole est dure, qui peut l'entendre ? Elle en a fait reculer des milliers. Elle suffit à expliquer pourquoi l'Évangile est en défaveur auprès du grand nombre. L'homme réclame sa liberté, sans se douter, hélas ! que la liberté qu'il rêve n'est, au fond, que la pire des servitudes et que lui, qui se déclare libre, est l'esclave de ses passions et de ses convoitises, l'esclave des choses d'ici-bas. La chaîne de fer ou d'or qu'il traîne il semble ne pas la voir, il a l'air de l'avoir choisie et de se plaire à la porter, il se persuade qu'il est libre, il affirme qu'il l'est, et, semblable aux Juifs repoussant la main de Jésus, il s'écrie : Nous n'avons jamais été les esclaves de personne ! Pauvre coeur humain ! Il ne sait pas, il ne veut pas savoir que nul ne sera libre avant d'avoir subi l'humiliation, à laquelle l'Évangile appelle tout homme qui veut être sauvé, et d'être entré, de bon coeur, dans le chemin de l'obéissance et de la soumission tracé pour lui en Jésus-Christ.

En Jésus-Christ, ai-je dit. C'est lui, en effet, qui se tient à l'entrée de la voie du salut, c'est lui que l'homme y rencontre à chaque pas, c'est lui qui demande, avec autorité, d'être reçu et suivi. Je suis le chemin, dit-il, non pas un des chemins possibles, mais le chemin, le seul et unique chemin qui mène à la vie. Je suis, dit-il, la vérité, non pas une vérité, mais la vérité même. Je suis la lumière, non pas un rayon de lumière, utile dans telle circonstance spéciale, indispensable ici ou là, mais la lumière venue au monde pour éclairer la conscience, le coeur et l'âme de tout homme. Je suis la vie ; ne la cherchez jamais ailleurs, ni dans quelque institution ecclésiastique, ni dans quelque habitude de piété, ni auprès de quelque homme, si excellent soit-il et quelque bons que soient les conseils qu'il donne.

Je suis le bon Berger. Je suis la porte ; si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé, il entrera, il sortira et trouvera de la pâture. Celui qui ne me suit pas, n'est pas digne de moi. Hors de moi, vous ne pouvez rien faire ! Vous le voyez, mes frères, c'est à prendre ou à laisser. Choisir Jésus-Christ, le prendre pour Maître, le suivre, le servir, se laisser conduire, garder, bénir par lui, ou bien périr avec les conseils que nous donnera notre propre coeur et dans le chemin où nous conduira notre propre sagesse : il faut l'un ou l'autre. D'autre possibilité, point ! Lequel des deux voulez-vous ? Oh ! combien étroite la porte et resserré le chemin !
Et ce Jésus, hâtons-nous de l'ajouter, ce Jésus qui se place de la sorte sur notre chemin, demande de nous non seulement des ovations, de l'admiration et des promesses, mais de l'obéissance. Il ne sera l'Auteur d'un éternel salut que pour ceux qui lui obéissent.
Il ne tolère pas que j'accepte en théorie et en principe seulement, son autorité sur ma personne, ma vie, mes actions, mes paroles et mes pensées ; il exige que je me livre à lui afin qu'il détruise en moi ce qui ne peut voir le royaume de Dieu, et qu'il fasse de moi un homme nouveau. Il va jusqu'à me dire cette parole que tout enfant du siècle repoussera comme une folie : Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à soi-même et qu'il me suive. Quiconque voudra sauver sa vie la perdra ; quiconque perdra sa vie pour l'amour de moi, la trouvera. Sauver, seulement quelques fibres de notre coeur naturel ; sauver, soustraire à la discipline de Jésus-Christ, ne fût-ce qu'une partie de notre raisonnement et de notre volonté ; sauver, conserver pour y revenir avec satisfaction, ne fût-ce qu'une seule de ces vanités, de ces ambitions, de ces habitudes, un seul de ces mauvais désirs, dans lesquels nous nous retrouvons nous-mêmes, qui nous plaisent et qui nous flattent - qui ne l'aurait jamais voulu ? Qui ne le voudrait aujourd'hui encore ? Mais il faut tout donner à Celui qui demande tout. Quiconque ne renonce pas à tout ce qu'il a, ne peut être mon disciple. Oh ! combien étroite est la porte et resserré le chemin !

Serait-il nécessaire d'affirmer que le dépouillement, auquel le Maître soumet son disciple, ne se fera jamais sans souffrance ? Il en coûtera au coeur de suivre le chemin de l'obéissance et de voir mourir ce qui compose l'homme terrestre. Jamais Jésus n'a essayé de le cacher. À ce scribe, qui, impressionné par sa parole, vient lui offrir ses services, il dit : Les renards ont des tanières, les oiseaux du ciel ont des nids, mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête ; le scribe serait-il prêt à partager ce sort ? Aux disciples, il annonce que le monde les haïra; seront-ils à même de le supporter ? À tous les siens, il ordonne, par une image significative, de lui ressembler, à lui qu'on clouera au bois maudit: Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il se charge chaque jour de sa croix et qu'il me suive. Il sera là, sans doute, pour secourir dans leur faiblesse tous ceux qui porteront son joug ; il leur rendra le courage, à l'heure de la défaillance, lui, qui a vaincu le monde ; il priera pour eux, lui, le divin Avocat de leur âme : il leur donnera et laissera sa paix, ce trésor que rien ne ravira au coeur racheté. Mais malgré cet appui, ces consolations, ces joies intimes du chrétien, combien étroite la porte et resserré le chemin de l'obéissance et de la soumission où il marche et qui seul le mènera à la vie !

II

L'Évangile est étroit encore parce qu'il nous place dans la voie de l'amour. Obéir et aimer, voilà la vie chrétienne ! - Aimez ! Appel plein de douceur, devoir facile, on le dirait ; facile, en effet, aussi longtemps qu'il s'agit d'aimer comme le monde aime. Si vous n'aimez que ceux qui vous aiment, quelle récompense en aurez-vous ? Les péagers mêmes n'en font-ils pas autant ? Et si vous ne faites accueil qu'à vos frères, que faites-vous d'extraordinaire ? Les péagers mêmes n'en font-ils pas autant ? Mais ce n'est pas ainsi que l'Évangile entend l'amour. Il se présente à la porte de notre coeur égoïste avec des ordres étonnants. Il demande une charité patiente, pleine de bonté pour tous et qui ne cherche point son intérêt. La montrerons-nous sans devoir faire un suprême effort sur nous-mêmes ? Il demande une charité qui ne soupçonne point le mal, qui excuse tout, qui croit tout, qui espère tout, qui supporte tout. Est-ce ainsi que nous aimerons, sans avoir surmonté d'abord, dans une lutte désespérée contre les sentiments et les dispositions qui nous sont naturels, la résistance qu'opposent à l'ordre divin notre coeur et notre caractère ? Et si l'Évangile ne va jamais jusqu'à vouloir faire passer la charité avant la vérité; si jamais il n'autorisera les concessions accordées par faiblesse, la conciliation sur toute la ligne, le sacrifice d'une conviction, quelqu'une de ces lâchetés morales dont le monde est plein ; si jamais il ne nous permet d'immoler ni la dignité du chrétien, ni la moindre parcelle de la fidélité que le chrétien doit à son Maître, il nous ordonne cependant, s'il se peut faire et autant qu'il dépend de, nous, d'avoir la paix avec tous les hommes. Il va plus loin encore en établissant pour nous cette règle de conduite, inconnue même du peuple de Dieu de l'Ancienne Alliance : Mais moi je vous dis : Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien a ceux qui vous haïssent, priez pour ceux qui vous outragent et qui vous persécutent ! Où donc s trouverait, - parmi tous ceux qui, selon la parole du Maître, ont voulu être parfaits, parfaits dans la charité, - où donc se trouverait le chrétien dont le coeur n'aurait jamais déclaré difficile, étrange, impraticable même, la voie où son Dieu l'appelle ? Avez-vous pu y marcher, sans vous apercevoir à chaque pas que votre amour-propre, votre susceptibilité, votre orgueil se redressaient et sans qu'une voix, celle de votre coeur naturel, vous criât : Tu ne peux pas aimer comme l'Évangile veut que nous aimions ! Oh ! combien étroite est la porte et combien resserré le chemin qui mènent à la vie !

III

L'Évangile est étroit, encore, et j'allais dire surtout, parce qu'il nous met dans la voie où, pour le meilleur même, le plus excellent, le plus obéissant, le plus aimant des hommes, tout est grâce à jamais. Vous êtes-vous déjà placés, en la prenant bien au sérieux, devant cette parole que Jésus dit un jour à ses disciples : Quand vous aurez fait, tout ce qui vous est commandé, dites : Nous sommes des serviteurs inutiles, car nous n'avons fait que ce que nous étions obligés de faire ! Quelle exigence que celle-là ! Elle ravit au disciple de Christ jusqu'au sentiment de satisfaction, si légitime selon le monde, qu'il voudrait éprouver en se disant, qu'au service du Maître, il a fait son possible. Elle ne lui laisse que l'humiliation d'une vie dont seule la grâce divine pourra faire sortir quelque bien et dont seule elle pourra combler les innombrables lacunes. Pensez-vous que ces choses soient faciles à accepter pour un coeur tel que le nôtre, disposé toujours à grossir les mérites de l'homme et à le juger indispensable avec ce qu'il a à donner ? Prenez encore cette déclaration solennelle et grave de St-Paul : Vous êtes sauvés par grâce par la foi ; cela ne vient pas de vous, c'est un don de Dieu. Ce n'est point par les oeuvres, afin que personne ne se glorifie. Je n'en exagérerai pas la portée en disant qu'elle ne laisse au chrétien le plus accompli pas d'autre espoir de salut qu'au plus grand pécheur. Un acte de grâce, gratuitement accompli, engloutissant le péché, réparant les erreurs, lavant le pécheur de ses fautes, le revêtant du fin lin de la justice de Christ, voilà ce qui les sauvera l'un comme l'autre ! La raison et le coeur humains imagineraient-ils quelque coup plus sensible à notre orgueil, quelque réponse plus dure à nos prétentions, quelque chose de plus diamétralement opposé enfin à la manière de faire et de penser du siècle présent ? Vraiment, tu as eu raison de dire, ô Jésus : Combien étroite est la porte et combien resserré le chemin qui mènent à ta vie ! Oui, combien étroite, combien resserré ! Et combien il m'est facile de comprendre aussi ce que Jésus ajoute : il y en a peu qui le trouvent ! La largeur de l'Évangile plairait à tous ; son étroitesse n'est acceptée que par le petit nombre. Un jour, scandalisés des paroles de Jésus, plusieurs de ses disciples se retirèrent et ils n'allèrent plus avec lui. Mais Jésus a l'air de ne pas s'en étonner. Et vous, demande-t-il aux douze, ne voulez-vous point aussi vous en aller ? Le Maître les laisse libres ; ils connaissent sa pensée, sa volonté, ses dispensations, l'étroitesse du chemin qu'il leur indique ; à eux maintenant de prendre une décision ; à eux autrefois, à nous aujourd'hui. Que ferons-nous ? Sommé de répondre : Seigneur, à qui irions-nous ? tu as les paroles de la vie éternelle, s'écrie Pierre. À qui irions-nous ? disons-le à notre tour. Tes paroles, quelque sévères qu'elles soient, sont pourtant et seront toujours notre seul salut. Amen.


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