Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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Sermons et Méditations




Il y a si longtemps !

Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m'as pas connu, Philippe ?
Jean XIV, 9.

Incontestablement, mes frères, les quelques mots que je viens de citer ont leur accent de tristesse. Ils sont comme un soupir, s'échappant du coeur de Jésus et trahissant une expérience douloureuse par laquelle il a été appelé à passer. Ce n'est pas, cette fois, quelque adversaire de sa personne et de son oeuvre qui lui a fait de la peine ; c'est l'un de ceux qui vivaient dans son intimité et qui de sa cause avaient fait la leur. Mais, circonstance qu'il faut noter, le coupable, Philippe, le disciple auquel le Maître parle, ne se doute pas qu'il a affligé le Seigneur qu'il aime et qu'il sert C'est involontairement qu'il a manqué de docilité. Depuis longtemps, à l'école de Jésus, ses yeux auraient dû s'ouvrir spirituellement, mais ils étaient restés fermés. Comment ? Pourquoi ? Si Philippe avait dû se prononcer à cet égard, il eût été embarrassé. L'interpellation de Jésus fut pour le disciple une sorte de révélation sur lui-même, sur des occasions manquées, sur des négligences, dont jamais il ne s'était rendu compte, sur son état d'âme, sur son coeur, sur son passé et son présent. Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m'as pas connu, Philippe ?

Serait-il impossible que notre conduite ressemblât à celle de cet homme, et que la parole par laquelle Jésus vint lui montrer ses torts nous fût nécessaire à nous aussi ? Ce qui est certain, c'est que cet appel plein de douceur, d'indulgence et de tristesse, est bien fait pour être écouté dans ce jour encore et dans tout milieu où il retentit.

I

Au nom même des termes dont se sert Jésus, je vous prierai d'abord, mes frères, de considérer sa parole comme s'adressant à chacun de vous individuellement. Il est hors de doute que plus d'une prédication chrétienne est restée sans effet sur nous, parce que nous avons négligé d'en prendre notre part personnelle. Il ne suffit pas, pour tirer profit d'un culte chrétien, d'y assister. Il faut, pour que l'oeuvre de Dieu se fasse, que le coeur soit disposé à recevoir l'aiguillon de la parole annoncée, qu'il se rappelle qu'elle s'adresse à lui personnellement, et qu'il laisse le Saint-Esprit de Dieu appliquer ces choses à ses circonstances spéciales. Serait-il difficile de comprendre ce devoir aujourd'hui, en présence de cette parole : Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m'as pas connu, Philippe ? Rien là de vague ni d'impersonnel. Jésus appelle affectueusement le disciple par son nom.
C'est à lui qu'il en veut ; c'est à lui qu'il désire faire du bien. Et nous, bien certains de ne pas abuser de nos libertés, substituons au nom de Philippe le nom que nous portons, et que la parole du Seigneur revête ainsi pour nous aussi un caractère tout personnel. Il y a si longtemps que je suis avec vous, - avec vous comme Église, comme troupeau chrétien, - et toi dont je connais le nom, dont je prononce le nom comme, un jour, j'ai prononcé le nom de mon disciple, tu ne m'as pas connu !

Mais si Jésus nous prend ainsi à part, s'il se place avec son avertissement, son appel, son mot de blâme devant chacun de nous comme si chacun de nous était seul présent, il importe plus que jamais de bien comprendre ce qu'il veut nous dire. Eh quoi ! nous laisserions le bon Maître s'approcher de nous en vain ? Nous laisserions cette heure de grâce s'écouler sans essayer d'apprendre ce qu'elle doit nous apporter, à vous et à moi auxquels elle est destinée ? Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m'as pas connu, Philippe ? Seigneur, dis-nous quelle est ici ta pensée ? Quelle est la chose que tu as à nous reprocher ? Quel est le point sur lequel tu voudrais voir un changement salutaire s'opérer en nous ?

II

Mes frères, c'est tout d'abord un fait que Jésus rappelle à son disciple : Il y a si longtemps que je suis avec vous, lui dit-il, en lui signalant les trois années qui viennent de s'écouler. Trois années durant, les Douze avaient eu l'insigne privilège de posséder au milieu d'eux celui qui les avait groupés autour de sa personne ; trois années qui, bien certainement, doivent avoir paru, du temps de Jésus, une époque plus longue qu'ils n'auraient semblé de nos jours, où le mois, l'année même passent comme le songe d'une nuit. Mais le séjour de Jésus parmi ses disciples avait été long, surtout, parce qu'il avait eu une immense valeur pour leur âme, leur coeur et leur esprit. Un maître tel que Jésus ne laisse pas s'écouler une heure sans faire du bien à ceux dont il s'occupe. Il rachète chaque instant pour faire l'éducation de ses élèves et pour les instruire. Ses dons ont l'air de se multiplier à mesure que ses mains les distribuent à chacun. Il pense à tout, il pourvoit à tout avec la sagesse et la puissance du ciel, et, par-dessus tout le reste, les trésors de sa charité sont inépuisables. Il y a si longtemps que je sais avec vous ! ces mots rappelaient donc à Philippe ces années qui, pour lui, en valaient dix, vingt, qui valaient toute une vie !

Aujourd'hui, l'Eglise de Jésus-Christ est privée de la présence visible de son Chef. Mais ne pensez pas que, dans ces circonstances modifiées, Jésus ne dise plus à ceux qui ont cru en son nom ce qu'il disait à Philippe. S'ils ne peuvent plus connaître le Maître selon la, chair, ils peuvent le connaître selon l'Esprit. Il y a dix ou vingt ans que, par le baptême, vous avez été remis entre les bras du Bon Berger ! Il y a dix ou vingt ans aussi que le Bon Berger est avec vous ! Vous comptez cinquante ans, ou soixante-dix ? Il y a cinquante ans aussi, ou soixante ou soixante-dix que Jésus est à vos côtés. Pas un jour dans lequel il se soit dit : Ils pourront se passer de moi. Pas une heure dans laquelle il n'ait veillé sur son racheté, dont l'éducation morale et spirituelle lui était confiée. Je ne dis pas que nous autres, objets de sa fidélité et de sa sollicitude, l'ayons toujours laissé faire. Je soutiens bien moins encore que nous ayons toujours apprécié, comme elle le méritait, son incessante activité en notre faveur. Mais ce qui ne souffre pas de doute, c'est que Jésus, invisiblement, a été avec nous, tous les jours de notre vie. Nous avons été ces disciples d'Emmaüs auxquels il expliquait les Écritures, auxquels il reprochait leur incrédulité et pour lesquels, néanmoins, il tenait en réserve des paroles de relèvement et de grâce. Nous avons été du nombre de ceux auxquels un apôtre a dit : Vous êtes le champ que Dieu cultive. Pas d'erreur qui ait été commise par le divin cultivateur à l'égard des plantes dont ses mains étaient appelées à s'occuper ! La bonté et la sagesse se sont rencontrées sur notre route ; la vérité et la fidélité s'y sont entre-baisées. Ah ! si nous avions tout vu ! Si nous avions voulu tout voir ! Si, à cause de la dureté de notre coeur, de notre manque de docilité et de gratitude, de notre résistance à la voix divine, le Seigneur n'avait pas été obligé de nous frapper d'aveuglement, si bien que Jésus a disparu de devant nous et que nous nous sommes sentis seuls et malheureux dans ce monde ! Oui, si nous avions tout vu, s'il nous était possible de nous rappeler tout ce que le bon Maître nous a dit et tout ce qu'il a fait pour nous, directement, indirectement, par sa Parole, par son Esprit, par les circonstances, par le moyen de nos frères : sous quel jour nouveau ne nous apparaîtrait-elle pas, et dans quelle admiration de la miséricorde de Jésus-Christ envers nous ne nous jetterait-elle pas, cette parole qui résume tout notre passé : Il y a si longtemps que je suis avec vous !

III

Si longtemps ! J'ai dit que pour nous autres, cela signifie la durée de notre vie jusqu'à ce jour qui nous réunit sous le regard de Dieu. Pourquoi donc l'accent de tristesse que je crois surprendre dans ces quelques mots ? Ils trahissent une déception. J'y sens quelque chose qui rappelle l'insuccès, l'inutilité des efforts et le temps perdu. Jésus aurait-il à se plaindre de ceux pour lesquels il a été si bon ? Lui serait-il arrivé de ne pas atteindre le but qu'il s'était proposé ? Aurait-il eu du chagrin, au lieu de pouvoir éprouver de la satisfaction et de la joie. ?

En effet ! Écoutez-le encore et vous apprendrez qu'il en est ainsi. Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m'as pas connu, Philippe ? Voilà la vérité, telle qu'elle éclate, pour Jésus, dans les paroles et dans la conduite de Philippe. Philippe aurait-il pu se prononcer comme il vient de le faire ; aurait-il pu dire cette étonnante parole : Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit ? Aurait-il fait preuve de tant d'inintelligence des choses de Dieu, s'il avait vraiment tiré profit des leçons du Maître ? Non, Philippe n'a pas permis à Jésus de lui ouvrir l'entendement et le coeur, Philippe n'a pas reçu les instructions de Jésus, Philippe a perdu les heures favorables qui lui avaient été accordées, nombreuses, excellentes, choisies par Dieu lui-même ! Les trois années pendant lesquelles Jésus s'est occupé de lui n'ont point amené le résultat voulu. Tu ne m'as pas connu, Philippe ! Malgré tout ce que j'ai fait pour toi, malgré tout ce que tu as entendu de ma bouche, malgré toutes les oeuvres de ma main que tu as vues, tu n'es pas arrivé à me connaître !

Peut-être, mes frères, serions-nous disposés à nous étonner d'un tel manque de docilité, à blâmer Philippe, à le trouver inexcusable. Mais sommes-nous bien sûrs d'être moins coupables que lui et de ne pas mériter à notre tour que Jésus nous dise : Tu ne m'as pas connu ! Jésus a voulu se faire connaître à nous, non pas vaguement, superficiellement, sous le nom que chacun lui donne, mais d'une manière personnelle et intime, avec son appel à la repentance, avec la grâce qu'il apporte au pécheur, avec son amour et sa puissance. Jésus a voulu nous apprendre à l'aimer et à lui donner la première place dans nos pensées, dans nos ambitions, dans notre activité. Jésus a voulu que, sous son influence, notre vie, nos habitudes, nos désirs se transformassent, et que, selon l'expression de Saint-Paul, l'efficace de sa résurrection parût en nous. Est-ce ainsi que nous l'avons connu ? Ou bien nous dirait-il, à nous qui sommes ici, à l'un ou à l'autre de ceux qui se sont rencontrés dans cette chapelle : Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m'as pas connu ? Je demande si Jésus a perdu sa peine en s'occupant de nous ; si, malgré tout ce qu'il a fait en notre faveur, nous sommes encore les mêmes ; s'il y a en nous des défauts de caractère, des habitudes condamnables, des paroles dures, des sentiments mauvais que nous avons mis à l'abri de la puissance de l'Évangile ? Je demande si, en dépit de tout ce que nous avons entendu, notre coeur ignore encore que Jésus est la perle de grand prix, qu'il ne nous servirait à rien de gagner le monde entier, si, en même temps, nous perdions ce Sauveur, et que la paix, le ciel ne sont que là où Jésus est aimé, adoré, servi avec fidélité ? Il y a si longtemps que je sais avec vous, et tu ne m'as pas connu, Philippe ? O parole humiliante pour ce disciple, auquel elle rappelait tout un passé riche en instructions reçues, en appels entendus, en faveurs de toutes sortes accordées par le Maître, mais pauvre en fruits, en progrès spirituels, en grâces vraiment acceptées par le coeur, en vertus transformant l'homme pécheur ! Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m'as pas connu ? Parole humiliante pour nous aussi, peut-être ! Avoir eu près de nous, depuis tant d'années, un maître, un éducateur si bon, si sage, si fidèle, un Rédempteur, un Sauveur si puissant, l'Envoyé même du Seigneur des cieux et de la terre, et en être toujours, quant à la connaissance du Fils de Dieu et quant à la vie chrétienne, au point où nous en sommes : mes frères, il y a là de quoi nous faire rentrer en nous-mêmes ! Ah ! quel bonheur de savoir aussi que Jésus ne veut pas nous laisser et que, malgré tout, à l'avenir comme par le passé, il poursuivra en nous son oeuvre ! Amen.



Sur le chemin d'Emmaüs.
Luc 24, 13-35.

Mes frères, si jamais vous avez réuni, pour les placer les uns à côté des autres, les noms de ces privilégiés auxquels Jésus ressuscité est venu accorder quelque faveur particulière, vous devez avoir été frappés d'une chose, c'est qu'il s'est approché de préférence des faibles et des malades quant à la foi. Prenez Marie-Madeleine, prenez les apôtres Pierre et Thomas, prenez ces deux hommes dont St-Luc rappelle l'expérience sur la route d'Emmaüs. Ce sont là autant de gens sincères, sans doute, autant de coeurs donnés à Christ ; mais, en même temps, dans chacune de ces vies, quelles obscurités, quelles défaillances, quels doutes ! Et comme pour nous prouver qu'il n'a jamais cessé et qu'il ne cessera jamais d'appartenir, en tout premier lieu, à ceux d'entre les siens qu'accable la tristesse ou que menace la tentation ; comme pour affirmer aux croyants de tous les temps qu'il est toujours Celui qui redresse les genoux chancelants et qui console le coeur troublé, le Berger allant à la recherche de la brebis égarée ; comme pour nous apprendre que c'est là sa belle et douce vocation de Sauveur à laquelle il tient dans la gloire comme il y a tenu pendant les jours de son abaissement ; - pour apprendre, dis-je, ces choses à l'âme fatiguée et découragée, le divin Ressuscité s'est donné, avant tout, à ces quelques-uns, dont nous avons cité les noms. Dites-moi que leurs dispositions ne vous sont pas étrangères, que votre état d'âme n'est pas sans analogie avec le leur, que vous passez par où ils ont passé, et je vous répondrai que leur Sauveur est aussi le vôtre et que, par son intervention, votre histoire ressemblera à la leur. C'est de vous que s'approchera, comme un jour de Cléopas et de son compagnon de route inconnu, ce Maître miséricordieux et sage, pour vous parler, vous relever et affermir vos pas dans la voie chrétienne.

I

Dans la personne des deux hommes cheminant côte à côte, vers le soir du jour de la résurrection de Jésus-Christ, sur le chemin conduisant de Jérusalem au bourg d'Emmaüs, nous avons devant nous deux pauvres découragés. Habitaient-ils l'endroit où ils allaient, ou bien avaient-ils choisi, pour leur course, cette route écartée où, échappant aux regards des hommes, ils étaient seuls avec leur chagrin ? Qui le dira ? Le fait est qu'ils étaient du nombre de ces malheureux dont les espérances les plus chères se sont évanouies sous les coups d'un impitoyable destin. De ce Jésus dans lequel leur coeur avait salué le libérateur d'Israël, il ne leur restait qu'un souvenir bien doux, sans doute, mais assombri par la mémoire de l'épouvantable catastrophe du Vendredi-Saint. Une pensée, douloureuse entre toutes, les domine, c'est qu'ils l'ont perdu, lui qui avait été leur force et leur consolation, et les bruits même de la journée de Pâques ne réussissent pas à ramener en eux un rayon d'espoir. Quel abattement, quelle tristesse dans ces paroles que nous entendons tomber de leurs lèvres et qui aboutissent à ce dernier mot : Mais ils ne l'ont point vu !

Et cependant, remarquez-le, pendant que ces hommes tiennent ce langage, s'affligent de la perte et de l'absence de l'ami et du Maître, il marche à leurs côtés, leur parle, les interroge, les écoute ! Il est là, sous la forme de ce voyageur qui s'est associé à eux, Jésus de Nazareth, le prophète puissant en oeuvres et en paroles, qu'ils disent avoir perdu à jamais ! Pourquoi donc ne le reconnaissent-ils pas ? Pourquoi leurs yeux sont-ils retenus, et pourquoi leur coeur ne devine-t-il pas sa présence ? Leurs vêtements frôlent le sien, leurs oreilles perçoivent sa voix, et ils continuent à le pleurer comme on pleure un mort !

Mais ces choses ne sont pas demeurées rien qu'un souvenir du premier jour de Pâques ; elles se sont retrouvées, plutôt, dans la vie de plusieurs. Parmi les amis de Jésus-Christ, parmi les chrétiens dont se composent nos Églises, parmi les plus fidèles même, combien n'ont-ils pas été nombreux ceux qui ont ressemblé aux deux hommes en chemin pour Emmaüs ! Vous rappellerai-je, mes frères, les expériences qui, peut-être, ont été les vôtres ? Ferai-je revivre le souvenir de ces heures sombres, pleines de mystères pour le coeur et l'intelligence, où, sous le coup de l'épreuve, de la déception, de la souffrance, dans le sentiment d'un pénible isolement, vous vous êtes crus abandonnés des hommes non seulement, mais surtout de ce Jésus en qui vous aviez mis votre confiance ! Pour vous aussi, le Sauveur était alors comme mort et enseveli, et votre bouche redisait cette plainte d'Israël : l'Éternel m'a délaissé, le Seigneur m'a oublié ! Cependant, il était près de vous, comme, un jour, il fut près de ses amis affligés. Votre désolation l'avait attiré. il vous parlait par sa Parole, par ses serviteurs, par les événements, de mille manières, mais votre oeil spirituel ne l'apercevait pas, vous ne le reconnaissiez pas, et votre coeur ne comprenait pas ses intentions. En effet, mes frères, auquel d'entre nous ne serait-il arrivé de marcher comme s'il était seul. délaissé et perdu, tandis qu'invisible aux yeux de la chair, mais prêt à paraître aux regards de l'âme et du coeur, Jésus marchait à ses côtés ? Qui n'aurait jamais oublié qu'il est toujours là, fidèle à la promesse qu'il a faite à ses rachetés, et connaissant leurs circonstances mieux qu'ils ne les connaissent eux-mêmes ? Le chemin d'Emmaüs avec ses larges ombres et ses paroles de découragement et de tristesse, nous nous y sommes trouvés et nous avons répété, sous quelque forme nouvelle qui les appliquait à notre situation, ces mots d'autrefois : Nous espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël !

II

Mes frères, il y aurait un conseil à donner à celui pour lequel reviennent de tels moments, c'est de ne pas s'isoler dans sa tristesse. Cléopas et son compagnon de route ont certainement éprouvé je ne sais quel soulagement, en versant chacun son coeur dans celui de son ami. Ils ont éprouvé les bienfaisants effets de l'amitié chrétienne avec son échange de pensées, ses confidences intimes, comme les éprouvera encore celui qui les cherche sous le regard de Dieu. Tout bien compté, cependant, le pouvoir de l'homme, la où il s'agit de se venir en aide à lui-même, le pouvoir du chrétien même, trouve bien vite sa limite. Compatir adoucir la douleur, nous le pouvons, mais ôter la tristesse, là où elle pèse sur l'âme comme un lourd fardeau, non, nous ne le pouvons pas. Ce miracle de bonté, de puissance et de relèvement, ce retour au bonheur et à la paix, un seul l'opérera, et ce seul, ce sera ce Jésus qui, dans le chemin d'Emmaüs, se joignit aux deux Israélites attristés.

Avez-vous jamais observé de bien près les procédés pleins de délicatesse, de sagesse, de douceur, de condescendance qu'il a employés ? Voyez-le s'approcher des voyageurs et leur adresser la parole, reconnaissez en lui Celui duquel le prophète a dit qu'il ne romprait pas tout à fait le roseau froissé et qu'il n'éteindrait point le lumignon encore fumant.
- De quoi vous entreteniez-vous dans le chemin et pourquoi êtes-vous si tristes ? O le doux appel adressé au coeur affligé ! Que me dit-il, à moi, auquel il parvient aujourd'hui, sinon que Jésus demande que je lui parle, que je lui expose mon cas, que j'entre avec lui dans les détails comme si tout ce que je pourrais dire lui était inconnu, et que je lui donne cette preuve de confiance qu'il veut bien chercher en moi. Pourquoi si tristes ? L'entendez-vous de sa bouche de Sauveur, vous sur lesquels son oeil s'est arrêté à ce moment, parce qu'il sait que vous avez besoin de lui et que nul autre ne pourra vous être véritablement utile ?
Pourquoi si tristes ? Ne refusez pas de répondre. Videz, devant Celui qui vous parle par son Esprit, ce coeur dont il sait d'avance toute la pensée, mais qu'il veut connaître encore par vos aveux. Ne cachez rien, aucun mouvement d'incrédulité, aucune plainte, aucun désir. Donnez-vous tels que vous êtes, et le Sauveur, comme pour vous récompenser, vous parlera à son tour.

Vous l'entendez parler, en effet, aux deux hommes qu'il a rejoints. Pourra-t-il le faire, lui qui s'appelle la vérité même, sans leur donner à sentir d'abord leur erreur ? Eh quoi ? Ces deux disciples n'avaient-ils pas été au bénéfice de ses enseignements, ne possédaient-ils pas les Écritures, n'avaient-ils pas lu les paroles des prophètes et n'auraient-ils pas pu échapper à cette heure d'humiliation et d'affaissement spirituel et moral ?

O gens sans intelligence et d'un coeur tardif à croire tout ce qu'ont dit les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît ces choses et qu'il entrât dans sa gloire ? Reproche, oh ! combien peu sévère encore, mais mille fois mérité par ceux auxquels il s'adresse ! Aurons-nous le droit de dire qu'il ne saurait nous atteindre ? N'avons-nous pas été instruits, nous aussi, par la Parole et l'Esprit du Seigneur, par l'expérience de l'Eglise de Jésus-Christ et par notre expérience personnelle, des promesses, des engagements, de la fidélité et de la puissance du Maître ? Pourquoi donc n'avons-nous pas vu, pourquoi n'avons-nous pas entendu ? Pourquoi avons-nous douté ? Pourquoi avons-nous craint ? Quelles excuses alléguerons-nous ? Mieux vaut nous taire et nous humilier sous la sentence qui vint frapper Cléopas et son collègue : O gens sans intelligence et d'un coeur tardif à croire ce qu'ont dit, les prophètes !

Mes frères, jamais Jésus-Christ ne fera son entrée dans quelque coeur dont il voudrait dissiper les ténèbres et qu'il voudrait remplir de sa bienfaisante lumière, par un chemin autre que celui de l'humiliation. Quoi qu'en dise notre orgueil si facilement blessé, c'est là la route royale sur laquelle le Prince de la paix pénètre dans la demeure qu'il se propose de remplir de sa présence et de son bonheur. - Je ne trouve sur les lèvres des voyageurs d'Emmaüs aucune protestation contre la parole de blâme qu'ils ont entendue. Leur conscience donne raison à cet étranger qui les reprend, leurs têtes se courbent sous son verdict et, à l'instant même, se lève sur eux un jour nouveau. En commençant par Moïse et continuant par tous les prophètes, il leur expliquait dans toutes les Écritures ce qui le regardait. C'est dire que, de sa main divine, Jésus retire le voile couvrant, pour ces hommes, le volume sacré.
Ces pages qu'ils avaient lues cent fois sans les comprendre, maintenant ils les comprennent. Telle parole, qu'ils avaient à peine remarquée, prend pour eux la valeur d'une révélation. Le nom, la personne, l'oeuvre de Celui qu'ils avaient nommé le prophète de Nazareth, apparaissent à leurs regards inondés d'une lumière inattendue. Il se dévoile pour eux, le grand mystère de la doctrine et de la vie chrétiennes : c'est que seul le chemin de la croix conduit à la gloire. La croix du Calvaire ne sera pour eux dorénavant ni folie, ni scandale., mais elle sera la puissance, et la sagesse de Dieu. Attendez encore quelques instants, et vous verrez le dernier bandeau tomber de ces yeux auxquels Jésus a appris à voir. Ils le reconnurent, lui, qui, depuis si longtemps déjà, était avec eux, partageant leur chagrin, s'occupant de leurs âmes, faisant en eux son oeuvre, à leur insu, en les conduisant pas à pas du doute à la foi ! Ils le reconnurent : O l'insigne bonheur ! Et nous ne connaîtrions, en songeant à notre passé, aucune expérience semblable à celle qui firent ces heureux ? Mes frères, lorsque, à l'heure où nous avions accepté une humiliation salutaire, le St-Esprit nous a signalé telle portion de l'Ecriture à laquelle nous n'avions pas pris garde ; lorsque, grâce à son enseignement, cette page a pris pour nous un sens nouveau ; lorsque nous avons appris à appliquer à nos vies, à nos luttes et à nos épreuves, des paroles que jusqu'alors nous avions mal interprétées ; lorsque nous avons vraiment compris Jésus ; lorsque nous avons cesse de nous étonner de ce que la volonté de Dieu, journellement, nous courbe sous quelque fardeau ; lorsque Jésus-Christ nous a dit que le suivre sur la voie du Calvaire, ce sera le suivre au ciel ; lorsque, dans ces moments de révélation et de grâce, nous avons senti le Maître tout près de nous et que nous avons reconnu sa voix, son coeur, son plan d'amour à notre égard ; alors, consolés, réjouis, nous avons refait, sur notre chemin d'Emmaüs, l'expérience des disciples de la première heure, et notre bonheur a ressemblé au leur.

Vous me direz que ces instants de fête n'ont pas duré. Ils ont été courts aussi pour Cléopas et son ami. Il disparut de devant eux. Mais leur âme a conservé la leçon qu'il leur avait donnée, et leur coeur a continué à jouir de se savoir aimé et connu par lui. Ils n'ont pas oublié que leur Maître était vivant, et cette conviction, née en eux à l'école de Jésus-Christ, les a rendus forts pour le combat de la vie. Amen.


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