Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LA PUISSANCE DE LA PRIÈRE

VI
LA PRIÈRE ET LA GUÉRISON DES MALADIES

La faim n'est pas le seul ennemi de l'homme dans l'ordre matériel. Il y a la maladie.
La prière a-t-elle un pouvoir sur la maladie ? Est-elle en certains cas, un moyen de guérir ?
La chose est en tout cas possible. L'influence si énorme, si évidente du moral sur le physique ne nous permet pas d'en douter.

Voyez ce qui se passe en temps d'épidémie. Un homme s'est couché, s'imaginant ressentir les premières atteintes du mal. Survient un personnage investi, à ses yeux, de quelque autorité, parent, pasteur, maire ou médecin.
- Voulez-vous bien vous lever, dit-il au soi-disant malade. Vous n'avez rien. Debout ! Au travail ! ou vous êtes perdu.

Le pseudo-malade se lève, en hésitant. en protestant peut-être, mais enfin il se lève ; il se tient ferme sur ses pieds ; il reprend ses occupations. Il est sauvé.
Des faits semblables ont été cent fois observés.

Par suggestion ou autrement, si l'esprit d'un homme a ce pouvoir sur l'esprit d'un autre homme, que sera-ce de l'Esprit de Dieu ? Or la prière mobilise l'Esprit de Dieu ; elle concentre son action sur un point de l'espace et du temps, sur une personne ou sur un groupe de personnes.

C'est dans ce sentiment que le centenier de Capernaüm disait à Jésus, en qui il avait reconnu un organe de Dieu : « Je ne suis pas digne que tu entres chez moi : dis seulement une parole et mon serviteur sera guéri. » Et le serviteur fut guéri à distance par le rayonnement de la pensée, de la volonté, de l'esprit de Jésus, qui était l'esprit de Dieu même.

Ce qui nous apparaît comme possible, en vertu de l'empire exercé par l'esprit sur le corps, s'est réalisé maintes fois en Jésus de Nazareth, « cet homme que Dieu avait oint d'Esprit saint et de force, et qui allait de lieu en lieu, faisant du bien et guérissant tous ceux qui étaient sous l'empire du diable, parce que Dieu était avec lui. » (Actes X, 38.)

Ce que Jésus a fait avec une incomparable maîtrise, Dieu a donné à d'autres de le faire, aux apôtres d'abord et, après eux, à plusieurs de ses serviteurs et de ses servantes, dont je nommerai quelques-uns tout à l'heure, tous vrais et grands prieurs, saints, donnés à Dieu, corps et âme, et puisant en Lui seul leur vertu guérissante. Aucun d'eux n'a interdit l'usage des remèdes et de la médecine ; aucun ne s'est donne pour guérisseur. Dieu seul guérit. C'est ce qu'affirment à l'envi Catherine de Sienne, Dorothée Trudel, de Maennedorf près de Zurich, le pasteur Blumhardt, M. Vignes, de Vialas dans le Gard.

« Si tu as la foi, disait souvent Dorothée Trudel à ses malades, la prière peut te guérir. Le Seigneur en décidera. » Son premier souci était de guérir l'âme. C'est par l'âme, à travers l'âme, en quelque sorte, qu'elle essayait d'atteindre et de guérir le corps,
Elle ne promettait d'ailleurs à personne la guérison. Si vous vous convertissez, disait-elle, Dieu vous donnera la santé, qui vous est bonne : il vous fournira, les moyens d'être utile (1). »

Plus rude était le père Vignes, de Vialas, qui, quelquefois obtint par la prière de remarquables guérisons « Priez vous-mêmes », disait-il souvent à ses visiteurs. À quelqu'un qui venait de Berne il disait : « N'avez-vous donc aucun Dieu à Berne ? Ayez foi en Dieu et rentrez chez vous. »

Il faut beaucoup de réserve et beaucoup de sobriété dans les jugements lorsqu'on traite de cette question des guérisons par la prière.

L'action de Dieu n'est jamais baroque, jamais contradictoire à l'ordre naturel et au sens commun. Aussi la question que me posait un jour un médecin : « Dieu fait-il repousser les jambes coupées ? » n'a-t-elle ni sel ni à propos. Dieu, dans ses oeuvres, respecte le bon sens. Quand on le prie, il faut s'en souvenir. Mais dans l'arsenal infiniment riche des lois de Dieu, dans les virtualités de l'Esprit de Dieu, il y a assez de ressources pour déconcerter notre raison bornée, notre raison butée, et en particulier pour opérer de merveilleux effets de guérison.

La vie des saints en offre maint exemple. La vie des humbles en offre aussi. Preuve en soit ce trait que, m'a raconté un vieillard du Jura vaudois. « J'avais douze ans, me dit-il. lorsque mon père tomba très gravement malade. On m'envoya dans la ville voisine chercher le remède ordonné par le médecin. Comme je revenais, une détresse me saisit. Je me jetai à genoux au pied d'un sapin et suppliai le ciel de guérir mon père. Après cela, je me mis à courir pour ne pas arriver trop tard. Comme je montrais de loin la précieuse fiole : - « Ce n'est plus nécessaire, me cria-t-on. Le père va mieux. Il est hors de danger. - Depuis quand ? - Depuis ce matin vers dix heures. « C'était le moment où j'avais prié. «Depuis ce temps-là, j'ai toujours eu confiance au Très-Haut, conclut le vieillard, et Il m'a souvent délivré. »

Il y a, dans le Nouveau Testament, deux paroles trop oubliées, celle-ci dans l'Évangile selon saint Marc : « Ceux qui auront cru imposeront les mains aux malades et ceux-ci seront guéris », et cette autre, dans l'épître de saint Jacques : « Quelqu'un est-il malade ? Qu'il appelle les pasteurs de l'Eglise et que ceux-ci prient pour lui, après l'avoir oint d'huile au nom du Seigneur. La prière de la foi sauvera le malade. Le Seigneur le relèvera, et s'il a commis des péchés, ils lui seront pardonnés. »

Un pasteur français écrivait dernièrement à un de ses collègues qu'il avait employé l'imposition des mains et l'onction d'huile pour son petit garçon atteint d'une méningite et qu'il attribuait la guérison à cet acte inspiré par une foi sincère.
Qui limitera le pouvoir de la foi ?
Notre maladie de raisonner sur tout, nos doutes perpétuels, nos « J'admets » et « Je n'admets pas » dressent une infranchissable muraille entre les puissances célestes et notre pauvre âme desséchée.

Si nous nous conformions davantage aux prescriptions apostoliques, si nous délaissions moins les traditions anciennes, surtout si nous avions plus de foi en Dieu, plus de malades aussi seraient guéris.


VII
LA PRIÈRE ET LA VICTOIRE SUR LE PÉCHÉ

 

Obtenir de Dieu, par la prière, le pain quotidien ou une guérison, c'est quelque chose, assurément, mais combien peu en comparaison du salut de l'âme ! L'âme, c'est l'homme même, le fond de l'homme. Aussi vaut-elle plus que le monde entier.

L'âme a un ennemi pire que la famine et que la maladie, c'est le péché, désobéissance à l'ordre éternel et divin, lèpre et cancer de l'âme.
Pour affranchir une âme du péché, il faut deux choses : une opération de chirurgie, une amputation du péché, et, sur la plaie que laisse cette amputation, un baume qui et le pardon.
La prière, dans les deux cas, est un puissant et indispensable auxiliaire.

Trois exemples empruntés à la vie quotidienne, trois exemples entre mille, vont rendre la chose sensible.
Un homme buvait. Il ne vivait plus que pour boire. Depuis plus de vingt ans, il buvait passionnément, éperdument. Il était l'esclave de la boisson, son pantin, son polichinelle. Par nature il n'était pas méchant, pas brutal, plutôt doux et poli. La boisson lui faisait pourtant battre sa femme qu'il aimait, sa pauvre femme maladive et infirme, lorsqu'elle se mettait en travers de sa passion.

Une chose restait à cet homme : la foi en Dieu. Il tenait cette foi de sa mère et il la gardait, malgré son abjection. Il croyait à un Dieu d'amour. Au fond de lui-même, il désirait appartenir à Dieu. Il y a de ces contrastes.
Quand il était à peu près de sang-froid, ou pouvait lui parler de Dieu, l'exhorter à ne plus boire, prier avec lui et pour lui. Sa femme et des amis chrétiens ne s'en firent pas faute.
Une invincible répugnance l'empêchait de signer même à terme bref, un engagement d'abstinence, Son tyran ne le permettait pas.

Après certains entretiens on le voyait ébranlé, hésitant, jamais décidé à signer. Sa santé s'en allait. Il avait des maux de tête, des éblouissements. Le foie lui faisait mal. Un médecin, consulté, avait dit : « Laissez-le tranquille. C'est un dipsomane. Il faut qu'il boive. Il boira jusqu'au bout... » Et il buvait.

Une nuit, il rêva que le diable le réclamait pour l'enfer. Comme il se débattait, il vit sa mère (morte depuis plusieurs années), qui le défendait contre Béelzébul et s'efforçait de l'attirer à Dieu. Cette scène dura longtemps.
Le lendemain matin, il dit à sa femme : « Tu sais, je signe, et pour la vie. C'est décidé. Je tiendrai. Tu verras. »
Et il « tient » depuis des années.

N'est-il pas évident que les prières de sa femme et de ses vrais amis ont été, pour lui, l'eau qui tombe goutte à goutte et finit par entamer le roc ? Les prières de sa mère ont fait le reste. Sans toutes ces prières, c'est le médecin qui aurait eu raison.

Voici un autre exemple, relatif, celui-ci, au pardon des péchés.
Ils sont bien rares. n'est-ce pas, parmi nous, ceux qui ont une pleine et joyeuse assurance d'être pardonnés devant Dieu ; ceux qui, suivant la magnifique expression du psalmiste, ont reçu la justice de Dieu leur Sauveur ?
On se contente le plus souvent d'une demi-foi, d'une demi-justice ; on n'a par conséquent qu'une demi-assurance et qu'une demi-joie.
Tel était l'état du vieillard dont je vais parler. Il croyait, mais le soleil de sa justice était encore voilé de brume.

Le départ pour le grand voyage, pour le voyage aérien, comme il l'appelait avec un sourire, approchait pour lui, et il le savait. Il priait Dieu de le préparer. Il priait ardemment. Je l'ai entendu prier à haute voix. Sa femme, qu'il avait perdue, jeune encore, avait aussi prié pour lui. Elle continuait sans doute à prier près de Dieu. Et voici comment Dieu répondit.
Un jour, de sa voix douce et claire, le vieillard me raconta ceci : J'ai fait, la nuit dernière, un rêve magnifique. J'ai rêvé d'abord que les péchés de toute ma vie se dressaient contre moi pour m'accuser et pour me condamner. Oh ! comme j'avais peur ! ... Mais voici que tout-à-coup je vis une lumière, j'entendis une voix, et cette voix, je le sentais, était pour moi ; et lentement, distinctement, elle me dit : « Si quelqu'un a péché, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ le juste... » Quel soulagement, quelle joie je ressentis alors ! Et quelle certitude ! Je n'avais plus l'ombre d'un doute. Comment aurais-je pu douter, avec un pareil avocat ?

Le péché n'est pas seulement vice, ivrognerie, débauche ou pillage du bien d'autrui. C'est aussi la force d'inertie, le nuage de doute, l'esprit de complaisance pour nous-mêmes qui nous empêche de croire et de nous réjouir en Dieu notre Sauveur. Contre cette forme spéciale du péché, la prière est aussi le plus sûr remède.

Écoutez plutôt ce récit.
Je fus appelé, il n'y a pas longtemps, à visiter un jeune homme atteint de tuberculose des os. Nature ardente, alpiniste de marque, en dernier lieu employé de confiance dans une maison de commerce au Brésil, mon jeune ami tenait à la vie. Dans l'espoir de guérir, avec un mâle et stoïque courage, il laissait labourer sa chair par l'acier des instruments de chirurgie. Une lutte tragique se livrait dans son âme et se lisait comme un reflet d'orage sur ses traits énergiques. Bientôt il devint évident que son mal ne pardonnerait pas. Il recevait toujours mes visites avec plaisir Nous causions, nous lisions la Bible et nous priions ensemble ; mais un abattement mortel se peignait de plus en plus dans son regard et dans son attitude.

Un matin il me fit appeler. Je l'avais vu la veille dans un état d'extrême abattement. Quel ne fut pas mon étonnement de le voir souriant et comme illuminé !
« Vous paraissez, lui dis-je, avoir reçu une bonne nouvelle. » Et lui alors : « Oui, en effet. Nous avons beaucoup prié, cette nuit, ma mère et moi, et Dieu nous a entendus. » Il ajouta : « Les médecins font ce qu'ils peuvent ; ils font beaucoup de bien ; mais il n'y a que Dieu. » La prière avait chassé le démon de tristesse.

Deux jours après, le jeune héros, qui avait été, lui aussi, sur un champ de bataille, expirait en pleine victoire, après avoir déclaré qu'il allait « quitter ses haillons ». Il appelait ainsi son pauvre corps meurtri et décharné.


VIII
LA PRIÈRE ET L'ÉGLISE

 

Institution divine pour le salut des âmes, l'Eglise a la parole et la prière pour armes principales. La Parole de Dieu annoncée par l'Eglise est sans doute pour l'âme le pain substantiel ; mais ce qui amène les âmes à désirer ce pain, à le demander et à le redemander, à s'en nourrir enfin et à en vivre, c'est la prière. Sans la prière, la Parole de Dieu demeure un aliment sans saveur, sans attrait, sans effet.

Le Christ le savait bien. Il prêchait chaque jour, quelquefois presque tout le jour, mais c'était après avoir passé de longues années en prières et en méditations avant son ministère ; et pendant son ministère même, c'était souvent après avoir passé une partie de ses nuits en prière.

Si le pain de la parole du Christ conserve une telle vertu à travers tous les siècles, c'est que ce pain par la prière a été pétri dans la rosée d'en haut. Les prières du Christ en Galilée et en Judée planent encore sur nous ; et le Christ prie aussi au ciel pour les âmes rachetées au prix de son sang. Associer nos prières aux siennes, mettre nos prières au bénéfice de son intercession, c'est le moyen de les rendre efficaces.

Les serviteurs de Dieu et de l'Eglise n'ont jamais été puissants sans la prière. Le travail, le talent, le génie même n'ont jamais pu la suppléer, tandis que maintes fois la prière, l'esprit de prière, l'habitude de la prière ont suppléé le talent et le génie absents.

Quel prieur que l'apôtre Paul ! Il fonde les Églises à coups de prières, si l'on peut ainsi dire. Présent, il les arrose de prières. Absent, il les porte par la prière devant le trône de Dieu, afin qu'Il les bénisse. lisez, relisez les épîtres de Paul : partout vous le verrez se recommander « aux prières des saints », en rappelant que, nuit et jour, lui-même prie pour ses chers Philippiens, pour ses chers Corinthiens, pour ses chers Galates, bref, pour tous ceux qu'il appelle enfants en la foi. »

Un serviteur éminent de l'Eglise au XIIe siècle, ce fut saint Bernard de Clairvaux. Prédicateur éloquent, grand réveilleur de consciences, fondateur d'innombrables monastères dont il sut faire autant de jardins de Dieu au milieu du désert, il fut une lumière au milieu des ténèbres, et cette lumière, il l'alluma en Dieu par la prière. Nous avons de lui cette pensée qui nous fait voir en lui un pratiquant et un maître de la prière : « Nous avons souvent un coeur vide et dur quand nous commençons à prier. Si nous persistons, la grâce descend souvent en nous, inonde notre coeur : alors un torrent de sentiments pieux remplit notre âme. »

Ce que Bernard de Clairvaux fut pour la France au XIIe siècle, John Wesley le fut pour l'Angleterre au XVIIIe siècle. On a dit qu'il laissa le monde meilleur qu'il ne l'avait trouvé. Certes, il n'a négligé ni le savoir ni le travail, lui qui aimait à lire les poètes grecs et latins, lui l'infatigable prédicateur qui traversa l'Angleterre en tout sens et huit fois l'Atlantique. Cependant la prière fut la racine de son oeuvre et de ses succès étonnants. Au début de son ministère chez les Indiens d'Amérique, il disait : « Qui me convertira, moi qui veux convertir les autres ? » et il priait sans cesse. C'est par ces prières ardentes qu'il obtint et qu'il conserva pendant plus d'un demi-siècle la puissance spirituelle qui attirait et transformait les foules. Quelqu'un qui l'a bien connu a dit de lui : « La prière était, à ses yeux, la principale occupation, et je l'ai vu sortir de son cabinet avec une telle sérénité empreinte sur son visage qu'il semblait ceint d'une auréole. »

Les succès des prédicateurs, non les succès mondains, les succès de vogue, mais ceux qui se traduisent par des changements accomplis dans les coeurs, sont proportionnés à leur puissance dans là prière. C'est une loi du royaume de Dieu aussi inflexible, aussi invariable que les lois physiques.

Sur le seuil de l'époque contemporaine, Fritz Oberlin a régénéré économiquement, moralement et religieusement une pauvre vallée des Vosges. Oui, mais Fritz Oberlin était l'homme dont le premier soin en rentrant de ses tournées pastorales était de noter à la craie sur sa porte le nom de ceux qui lui paraissaient devoir occuper une place spéciale dans ses intercessions. Il priait aussi nom par nom pour chacun de ses catéchumènes. Et il fit cela pendant plus de cinquante ans.

Quels exemples pour les modernes successeurs des apôtres qui gémissent de la stérilité de leurs travaux et qui négligent la prière !
Ah ! sans doute, le sol spirituel est dur de nos jours. Il est dur après que les doctrines athées et matérialistes ont été semées à pleines mains. Il est dur après que l'Allemand Frédéric Nietzsche a lancé dans le monde, avec trop de succès, sa fameuse théorie du renversement des valeurs, cette théorie qui consiste à prendre le contre-pied de tout ce qui a été enseigné jusqu'ici comme bien, beau et vrai. Il est dur, après le colossal scandale d'un peuple qui ressuscite et dépasse la barbarie antique, tout en criant : « Dieu avec nous ! ... » Mais plus le sol est dur, plus il faut le labourer, l'ensemencer, l'arroser de prières.

C'est du démon engendré par un demi-siècle d'antichristianisme que l'on peut dire ce que disait le Christ : « Cette sorte de démon ne sera chassée que par le jeûne et la prière. »

Dieu n'est pas mort, quoi qu'en ait dit Nietzsche, par la bouche de Zarathoustra, son sage favori. Comme on le prie, il répond. Quand on le prie faiblement, il répond faiblement. Quand on le priera beaucoup, avec force et en masse, il répondra de même. Le feu du ciel descendra et allumera un incendie d'amour, de foi et de justice.

La prière est l'âme de l'oeuvre. On fait beaucoup d'oeuvres aujourd'hui dans l'Eglise chrétienne ; mais quand la vraie prière en est absente, c'est de la philanthropie, chose estimable, utile, nécessaire. Ce n'est pas l'oeuvre de Dieu, celle qui crée et sauve.

Les prieurs que l'Eglise attend, et qu'elle aura un jour si nous savons les demander, la rendront de nouveau puissante pour le bien. Et ces prieurs ont eu des précurseurs.

David Livingstone, de Blantyre, en Écosse, a été un homme de prière, Littéralement, il est mort à genoux dans une hutte de l'Afrique centrale. C'est le secret de son oeuvre féconde, oeuvre d'amour, de pitié et de foi.

L'évangéliste américain David Moody, et avant lui Spurgeon, le célèbre prédicateur anglais, ont maintes fois renouvelé le miracle de la Pentecôte. Ils ont fait pousser à des foules d'hommes et de femmes le cri décisif, ce cri qui n'est pas : « Quelle belle prédication », mais : « Hommes frères, que ferons-nous ? » ... Pourquoi ? Comment ? Parce que Moody et Spurgeon étaient des hommes de prière.
« Ils prêchent ce que nous prêchons, me disait un pasteur qui avait entendu un de ces hommes de réveil. Je ne comprends pas qu'on y coure. » Si l'on y courait, c'était sans doute parce qu'on y sentait une force que tous n'ont pas.

Une prédication que la prière n'a pas préparée ressemble à une locomotive sans feu et sans vapeur. Combien de prédicateurs montent sur la locomotive sans avoir allumé le feu et s'étonnent qu'elle ne bouge pas !
Voici un fait bien simple, auquel je tiens, en raison même de sa simplicité, et parce qu'il nous montre comment, par la prière, les champs de travail les plus humbles et, semble-t-il, les plus stériles, peuvent être fertilisés.

Un pasteur, jeune encore, arrivait pour la première fois dans un village des Alpes dauphinoises où il venait d'être nommé. Dès qu'il aperçut de loin, au milieu des arbres, les premiers toits de sa nouvelle résidence, il supplia Dieu de bénir son activité. Sa prière fut exaucée. Au bout de quelques mois, il avait obtenu dans cette paroisse des résultats spirituels qui lui avaient été refusés ailleurs après huit ans d'efforts. Il y eut un vrai réveil des âmes. On en parla dans les paroisses voisines. « Il était temps », disait-on. En effet, depuis bien des années, cette paroisse ne s'était fait remarquer que par sa résistance obstinée à l'influence de l'Évangile.
Le jeune pasteur a toujours vu dans cette éclosion magnifique de vie morale et religieuse une réponse à la prière muette qu'il avait fait monter vers le ciel, par une belle journée d'été, pendant qu'une voiture rustique l'emportait vers des inconnus, ses futurs paroissiens.

Quelles merveilles on verrait si les quelques centaines de milliers de curés, de prêtres et de pasteurs des Églises catholiques, grecques orthodoxes, anglicanes et protestantes devenaient, avant tout, des hommes de prière !

Quand les prédicateurs diront à Dieu avant d'aller prêcher : « Je n'irai pas sans toi ! » et quand les humbles s'y mettront ; quand les malades, - qui ont le temps ; - quand les vieillards chrétiens - qui, souvent aussi, ont le temps ; - quand les jeunes gens et les jeunes filles, quand les pères et les mères, qui ont moins de temps, - prendront pourtant celui de prier pour que Dieu vienne, - le Dieu de Jésus-Christ, - alors les temps nouveaux luiront.


IX
LA PRIÈRE ET L'ÉTAT.

 

« L'État, c'est moi », disait Louis XIV, type dit monarque absolu. Aujourd'hui, dans nos pays démocratiques, l'État, c'est tout le monde. Le peuple est souverain, et le peuple, c'est tout le monde, spécialement les électeurs, dont les femmes seront bientôt.

Dans l'intérêt de l'État, il faut donc prier pour tout le monde, pour tous ceux qui ont une influence dans l'État. Mais il faut prier en particulier pour les délégués et les représentants de la souveraineté populaire, à tous les degrés et dans tous les domaines, pour tous ceux qui portent sur leurs épaules le lourd fardeau des affaires publiques, depuis les chefs d'État jusqu'aux plus modestes fonctionnaires.

La prière qui part du coeur et qui est faite dans l'esprit de Jésus, étant faite pour la justice. ne se perd jamais dans le vide.
Moïse était puissant dans la prière ; il était aussi un meneur d'hommes, berger, chef d'Israël. Et plus d'une fois, quand le meneur d'hommes échouait, quand Israël ameuté méconnaissait l'autorité de son chef, le prieur Moïse remettait les esprits et les choses dans l'ordre.

Heureux les peuples qui ont à leur tête des Moïses modernes, bergers de foules et prieurs à la fois !
Tels ont été aux États-Unis d'Amérique les Washington, les Lincoln, les Grant, les Roosevelt ; en Angleterre, les Wilberforce, les Gladstone et tant d'autres.

Comme l'Angleterre et les États-Unis, la France, à tous les rangs de la société, n'a jamais manqué d'hommes de prière, d'hommes prêts à dire : « Je crois aux mains jointes. »
À cet égard, les premières journées d'août 1914 ont été hautement significatives.

Aux premiers bruits de mobilisation, nuit et jour ont été assiégés les églises et les temples de tous les cultes. Et par qui ? par une foule de soldats de tout grade et de toutes armes, qui venaient là se confesser, prier, recevoir Dieu, faire avec Lui leur paix, avant d'aller se battre et peut-être mourir.

Qui donc avait dit que le peuple de France avait laissé perdre sa religion ? Dans le coeur des Français revivait tout-à-coup l'esprit de sainte Geneviève, de saint Louis, de Duguesclin, de Jeanne d'Arc. La France laïque et républicaine croyait et priait comme l'ancienne France. La France éternelle reprenait conscience de son identité.
Ce fut alors que l'on vit, spectacle inoubliable, l'union sacrée se faire non seulement entre les partis politiques, mais, chose plus difficile et plus désirable encore, entre les Églises diverses. Ce fut alors que virent le jour, par dizaines et par centaines de milliers, ces petits livres intitulés Prières et chants pour le temps de la guerre (pour les catholiques), Livre de prières du soldat français (pour les protestants) ; petits livres souvent retrouvés dans les havresacs avec des taches de sueur et de sang. Ce fut alors qu'on entendit tant de troupiers français chanter avec entrain ce refrain d'espoir immortel :

Au ciel ! Au ciel ! Au ciel !
Tous ceux que nous pleurons,
Au ciel, au ciel, au ciel,
Nous les retrouverons.

Ou ces strophes d'espérance plus proche et plus immédiate :

Oui, nous la reverrons.,
L'église du village,
Qui couvre d'âge en âge
Nos champs et nos maisons
 
Oui, nous irons prier
Devant nos croix de pierre,
Pour ceux du cimetière
Qu'on ne peut oublier.

Et c'est ainsi que l'on s'achemina vers « le miracle de la Marne ». Admirable expression de la foi populaire ! Personne en effet ne fera admettre à l'instinct populaire que, dans cette victoire, avec le coup d'oeil, avec le génie militaire d'un Joffre et d'autres généraux, avec l'héroïsme des « poilus français » et de leurs alliés belges et anglais, il n'y ait pas eu autre chose, c'est-à-dire la main de Dieu, la réponse de Dieu à la prière de la France.
Depuis des années la Kultur avait tout préparé, tout calculé. La victoire lui paraissait vingt fois certaine... et ce fut la défaite. Une fois de plus on a pu dire : Gesta Dei per Francos. Dieu et la France ont combattu ensemble.

Aux heures de détresse et de danger national, la loi se réveille. On prie. Il faut prier ! C'est un instinct humain, indestructible. C'est le cri de l'âme créée par Dieu, faite pour Lui.
Je ne dirai pas comme d'autres : « C'est la peur qui a fait cela, et la religion de la peur n'a rien de glorieux. » Le Français n'est pas peureux. C'est son moindre défaut. Il y a donc eu là autre chose que la peur. Il y a eu ce qu'un Père de l'Eglise, Tertullien, a appelé « le témoignage de l'âme naturellement chrétienne. »

Malheureusement ce témoignage est souvent fugitif, souvent semblable à l'éclair dans la nuit. L'éclair a lui ; la nuit revient. Il ne faut pas qu'elle revienne Il faut que l'éclair se transforme en lumière durable, en lumière éternelle.
C'est ce qui a eu lieu, nous le savons, pour un grand nombre de ceux qui ont chanté : « Nous voulons Dieu » ou d'autres paroles de foi, en août 1914. Combien de milliers de ceux-là dorment sous une croix de bois ou dans quelque fosse, anonyme, après que leur âme s'est envolée vers Dieu ! Je pense à vous, prêtres, pasteurs, missionnaires, étudiants en théologie ; à vous Charles Péguy, Psichari, Allier, Cornet-Auquier (il y en aurait trop à nommer), nobles esprits et coeurs chrétiens ; à vous, généraux, officiers et soldats, braves enfants de France ; à vous aussi Belges, Anglais, Italiens, intrépides champions du droit et de la liberté ; à vous, vous qui, comme le Christ, avez donné votre sang pour vos frères, pour votre patrie, pour la justice, pour la liberté du monde, pour nous. Et un invincible besoin du coeur, que l'Évangile ne réprouve pas, nous pousse à dire, avec l'Église ancienne : « Da eis, Domine, requiem aeternam. Donne-leur, Seigneur, le repos éternel. »

Le devoir, pour nous qui restons, c'est de prier pour les vivants ....

... Car l'heure de la détresse, l'heure du danger national n'est point passée. Même quand a sonné l'heure de la victoire, la détresse n'est point passée pour cela. D'autres dangers et d'autres luttes surgissent. Le mal n'abdique pas. L'enfer n'est pas vidé de ses démons, qu'il ne cesse de lancer à l'assaut de la terre. Pascal n'a-t-il pas dit : « Jésus-Christ sera en agonie jusqu'à la fin du monde. Il ne faut pas dormir pendant ce temps-là. » Non, il ne faut pas dormir, mais veiller et prier.

À quoi bon ? nous dira peut-être quelqu'un. Voyez la Belgique bâillonnée sur la tombe de ses héros Voyez le charnier serbe et le charnier arménien. Voyez tant de prières qui se sont perdues dans le ciel muet et vide, semble-t-il !

Mystère de douleur !... Mystère ! Nous l'avouons. Nous en souffrons. Mystère qui ne s'éclaire de quelques rayons que sur le Calvaire, au pied de la croix sur laquelle le Juste a crié : « Mon Dieu ! Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » Et pourtant il était là, le Juste, et il était quand même abandonné de Dieu, abandonné pour nous, à cause de nos péchés... Mais il ne l'a été que pour un temps. Le troisième jour, il est ressuscité. Il y a là un mystère qu'il nous faut accepter ;... mais il y a là aussi de quoi nous faire accepter le mystère.

Le Juste s'est révélé vainqueur. Un jour, il se lèvera pour tous, comme juge ou comme sauveur, comme juge, pour vous bourreaux ; comme sauveur, pour vous, pauvres victimes.

Et je pense ici à miss Edith Cavell, calme, résignée, souriante, quelques instants avant de tomber sous les balles du peloton d'exécution, à miss Cavell prenant alors congé du chapelain anglais qui lui avait donné la communion, avec un sourire et ces mots « Nous nous reverrons. »

À l'heure sombre où l'on semble abandonné de tous, et de Dieu même quelquefois, miss Cavell n'a pas prié en vain.


Table des matières


1 Dorothée Trudel, 1813-1862, par Edouard Rayroux. Cahors 1902.
(Dorothée Trudel: ici)

 

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