Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LA PUISSANCE DE LA PRIÈRE

I
LE MOMENT DE PRIER

 

La prière réalise l'union avec Dieu. Elle est donc la religion en acte.
AUGUSTE SABATIER.

C'est le moment de prier.
Le temps est aux prieurs, - ce mot étant pris dans son sens naturel. Après avoir tant démoli, il faudra reconstruire, et les prieurs seront les indispensables agents de la reconstruction.

Sans les prieurs, que ferait-on ? On mettrait des pierres sur des pierres ; on signerait des tas de conventions. Mais pour lier les pierres et surtout pour lier les âmes, il manquerait le meilleur des ciments, le ciment de l'amour et de la durée, dont les prieurs ont le secret.

C'est l'âme qui fait les peuples. C'est l'âme aussi qui les refait. Or seule, la prière vivifiera et unira les âmes. Seule, elle multipliera les âmes de bonne volonté, tolérantes et fraternelles. Les, vrais et bons prieurs sont les vrais semeurs de paix et d'harmonie.

Vis-à-vis du monde partagé en deux camps, vis-à-vis du monde en danger de rechute dans la pire des barbaries, jamais plus qu'aujourd'hui on n'a eu besoin de prier, et jamais peut-être on n'a moins prié.
Il faut que cela change ! Et pour que cela change, il faut une armée de prieurs ; il faut des volontaires et des soldats de la prière.
Le salut du monde l'exige.


II
QU'EST-CE QUE LA PRIÈRE

 

Il y a bien des manières de prier, et il y en a de franchement mauvaises. Il y a des machines à prier. Il y a le moulin à prières des Thibétains et de leur grand lama. Il y a le marmonnement sourd, il y a la génuflexion mécanique de celui qui ne prie que par ordre, par pénitence imposée ou par peur, sans amour et sans foi.
Je ne reconnais point là la vraie prière.
Qu'est-ce donc que prier vraiment ?

Prier, c'est communiquer avec le monde des forces supérieures, avec les puissances bienfaisantes et amies de l'humanité, et tout d'abord avec le Christ qui, est au premier rang parmi ces puissances, avec le Christ, chef de l'humanité dans le domaine spirituel, Dieu-délégué de la planète Terre.

Prier, c'est s'approcher du centre de la vie ; c'est doubler, décupler, centupler sa pauvre énergie personnelle par des emprunts aux énergies cosmiques et surtout à l'Énergie suprême.

Prier, c'est mettre son âme « à l'unisson de l'infini ».

Prier, c'est remonter à la source de son esprit, à la source de toute lumière, de toute connaissance.

Prier, c'est, comme l'alouette, s'élever, en chantant, droit au soleil, au soleil des esprits, en plein milieu de création vitale, pour de là redescendre vers la besogne familière, vers la terre noire et parfois hostile.

Prier, c'est éclairer, c'est illuminer son âme aux irradiations des clartés éternelles.

Prier, c'est prendre un bain dans l'océan des perfections divines : Vérité, Amour, Justice, Sainteté ; c'est prendre par ce bain des forces pour la lutte.

Prier, c'est aussi se recueillir, se ramasser, se tasser en soi-même ; c'est imposer silence aux vains bruits du dehors et, à la faveur de ce recueillement, entrer dans la chapelle que chacun porte en soi, et là, écouter les voix intérieures, les voix incorruptibles, l'écho de la Sagesse, de la Bonté, de la Beauté suprême.

Prier, enfin, c'est entamer un dialogue avec Dieu... Mais avec quel Dieu ?

Aujourd'hui, il faut bien s'entendre ! Il est un Dieu casqué, botté, cuirassé, porteur d'un grand sabre.
Ses fabricants eux-mêmes en auront, en ont peut-être déjà honte.
Ce Dieu-là, nous n'en voulons pas. Jamais nous ne l'avons prié. Mais ce Dieu de contrefaçon ne supprime pas le vrai Dieu.

Le Dieu de l'enfant au coeur innocent, le Dieu de la mère et de la veuve en deuil, le Dieu du soldat qui meurt pour ce qu'il sait être la cause juste ; le Dieu des consciences droites, des coeurs sincères, des âmes généreuses, de la raison ferme et impartiale ; le Dieu qui est la terreur des criminels, le refuge des opprimés, le vengeur des victimes et le cauchemar des bourreaux ; le Dieu qui s'est fait homme en Jésus-Christ afin d'élever les hommes jusqu'à lui ; le Dieu qui a pleuré afin que ceux qui pleurent ne pleurent pas toujours ; le Dieu qui a porté la croix afin qu'un jour nous portions la couronne ; le Dieu qui est un Père et, en Jésus-Christ, un Frère et un Sauveur, - ce Dieu-là, c'est le nôtre. C'est le Dieu de l'humanité : Il existe pour elle : elle est faite pour Lui.
C'est ce Dieu-là que nous prierons.
Le prier, c'est notre grandeur et notre privilège ; c'est notre étoile des bons comme des mauvais jours.

La vraie prière est un téléphone par le moyen duquel nous appelons le Père que nous avons au ciel... Nous l'appelons, et Il répond.

La vraie prière est une véritable télégraphie sans fil qui envoie des dépêches de l'homme à Dieu, puis en rapporte de Dieu à l'homme.

Par la prière nous causons face à face avec le Dieu vivant ; nous le prenons par la main comme un Père ; par la prière, comme on l'a dit, nous faisons mouvoir le bras qui gouverne le monde.

Catherine de Sienne a donné de la prière, où elle excellait, cette belle définition :

« La prière parfaite ne consiste pas dans la multitude des paroles, mais dans l'intensité du soupir qui élève l'âme à Dieu. Tout ce qui est dit et fait pour le salut des hommes est une prière continuelle, mais une prière qui ne nous exempte pas d'user dans certains moments de la prière mentale et verbale. Tout ce qui se fait pour l'amour de Dieu et du prochain, dans un but juste et droit, est une prière. Ils ne cessent pas de prier ceux qui ne cessent pas de faire le bien. Notre amour pour le prochain est une prière continuelle ; mais ce même amour nous poussera toujours à la prière pratique, à certains moments et bien au delà des heures prescrites, si le salut des âmes ou quelque difficulté où nous nous trouvons le demande. »

Quand tant d'êtres humains, nos frères et nos soeurs, pleurent sur des ruines, sur des berceaux, sur des tombeaux ; quand beaucoup d'entre eux ont tellement pleuré que la source des larmes est tarie et que dans leur oeil sec, on ne lit plus qu'un muet désespoir, oh ! comme on voudrait que chacun sût au moins appeler le Père, le Dieu des pardons et des miséricordes !... Mais voilà, le mal est trop grand ; la plaie trop large et trop profonde. Comme cette Rachel dont parle l'Évangile, ils ne veulent pas être consolés, parce que ce qu'ils aimaient n'est plus...


S'ils ne savent pas appeler Dieu, appelons-le pour eux.
Dieu répondra et par nous leur dira : « Invoque-moi au jour de ta détresse. Je te soulagerai d'abord ; puis un jour, car le temps est à moi comme l'éternité, un jour, je te délivrerai ; et alors tu me rendras gloire. »


III
COMMENT IL FAUT PRIER

 

Même adressées censément au vrai Dieu, il est des prières qui n'en sont pas, et que, par conséquent Dieu n'exauce pas.
Telle est évidemment la prière du violent et du méchant, prière de brigand qui demande à réussir son coup, prière de crocodile en quête de proie.
La prière du méchant est un péché ajouté à d'autres péchés.
C'est la confirmation du mot de Tacite : « Corruptio optimi pessima. » Ce qu'il y a de meilleur lorsqu'il est corrompu devient ce qu'il y a de pire.
Le masque de la prière sur une face de fourbe, de voleur, d'assassin, c'est un record d'hypocrisie ; c'est le renouvellement du baiser de Judas. C'est « Satan déguisé en ange de lumière ».
La prière de vengeance est une tentation très naturelle au coeur humain.

Pour écarter les brûlantes sollicitations de l'esprit de vengeance, rappelons-nous la nature de notre Dieu. « Il ne veut pas la mort du pécheur, mais sa conversion et sa vie. »

Rappelons-nous aussi l'exemple de Jésus. C'est à propos d'une prière de vengeance que Jésus dit à deux de ses disciples : « Vous ne savez de quel esprit vous êtes animés. » Sa vengeance, à lui, a été de prier pour ses bourreaux.

Des prières inutiles, ce sont les prières faites sans foi, ou avec si peu de foi que ce n'est pas la peine d'en parler, prières des lèvres, non du coeur ; prières de routine, prières qui font partie en quelque sorte de la toilette du matin ou du soir, mais qui n'ont pas plus de valeur morale et religieuse que les divers actes de cette toilette.

Des prières sans valeur, ce sont aussi les prières molles et vagues, qui ne disent rien et qui ne veulent rien, vain bruit, vaine parade, vain simulacre de ce qu'il y a de plus sacré au monde.

Eh quoi ! il s'agit d'obtenir audience du Roi des rois, d'obtenir communication de sa force toute-puissante. O prodige ! Ambition folle, en apparence, et pourtant légitime ! Il s'agit, comme Jacob au bord du torrent de Jabbok, de lutter avec Dieu, et de vaincre dans cette lutte...

En ce moment où les puissances du mal sont déchaînées avec un acharnement extraordinaire d'un bout à l'autre du monde, au sein de chaque nation, au sein des Églises mêmes, en plein sanctuaire ; en ce moment où le Tentateur s'efforce de séduire les élus mêmes, tout est possible ; en ce moment où Satan, « le Prince de ce monde », comme au temps de Jésus, semble jouer la suprême partie, il s'agit de gagner la partie, pour Dieu et pour l'humanité ! Il s'agit de cela ! Et, à ce moment-là, nous opposerions à l'Ennemi séculaire de notre race, à ses citadelles, à ses armes et à ses bandes, nous opposerions... Quoi ?... Des prières de paille, des prières d'eau tiède, des prières endormies et endormantes, des oraisons sans pensée et sans âme !...
Autant vaudrait aller au combat avec, pour armes, un éventail, un plumeau, un roseau.

Non, non !... Prier, c'est croire.

La foi, dit saint Paul, un maître prieur, c'est le bouclier qui « éteint les traits enflammés du Malin. » La foi, c'est l'épée ; c'est, dirait-on aujourd'hui, la baïonnette, dont Satan n'a jamais attendu ni paré les coups. La foi, c'est l'irrésistible canon de siège qui nivelle les forts, comble les tranchées, disperse les hordes de Satan. La foi, Jésus l'a dit, c'est la force qui peut transporter les montagnes, - et que de montagnes à transporter pour réaliser le rêve de la Cité future !
La foi et Jésus sont les deux assises, les deux pôles de la prière.

Le Christ a eu conscience de ce rôle unique et vainqueur qui, de siècle en siècle, lui appartient. Comme un général en chef en une veille de victoire, il a lancé cet ordre du jour :
« En vérité, en vérité, je vous le dis, ce que vous demanderez au Père EN MON NOM, Il vous le donnera. »

En mon nom !... Suivant les temps, les circonstances, quel n'est pas le pouvoir d'un nom ou d'une signature ! Le nom de Jésus, avec celui de Dieu, est le plus grand des noms. Le pouvoir du nom de Jésus, le crédit de Jésus auprès de Dieu son Père, est illimité dans l'espace et le temps. Quiconque est l'ami et le serviteur de Jésus possède auprès de Dieu un blanc-seing utilisable à discrétion.

Sur la vertu du nom de Jésus, je lisais, l'autre jour, un trait bien caractéristique (1).
Le pasteur Blumhardt, un des modernes héros de la prière, était arrivé plus d'une fois, par le pouvoir qui lui venait d'en haut, à guérir des malades gravement atteints.
Une fois, cependant, il désespérait d'obtenir la victoire. La malade était en proie à des convulsions effrayantes, accompagnées de manifestations étranges. Tout à coup, saisi d'une inspiration subite, convaincu d'ailleurs qu'il se trouvait en face de phénomènes sataniques, Blumhardt saisit les mains de la malade et lui dit avec force : « Joins les mains et dis : « Seigneur, aide-moi ! » Quelques instants après, la jeune fille s'éveilla, répéta ces paroles, et les convulsions cessèrent aussitôt.

Durant plusieurs semaines, la pauvre possédée eut encore de terribles crises. Mais le remède était trouvé, Une nuit, vers deux heures du matin, elle s'écria d'une voix surhumaine : « Jésus est vainqueur ! Jésus est vainqueur ! »
Elle était guérie. Jusqu'à la mort de Blumhardt, c'est-à-dire pendant trente-huit ans, elle fut son aide la plus utile.

Dès lors, en plusieurs occasions critiques, Blumhardt poussa à haute voix ce cri : « Jésus et vainqueur ! » et jamais l'efficacité n'en fut démentie
« J'ai vaincu le monde », a dit le Christ en marchant à la croix... L'Ennemi le sait et se le tient pour dit.


IV
EFFICACITÉ DE LA VRAIE PRIÈRE
ELLE DONNE L'EXPÉRIENCE DE DIEU ET DE LA LIBERTÉ

 

Rien n'est plus éloquent qu'une expérience. Or la vraie prière est une expérience. Cette expérience, il est vrai, comme toutes les expériences, vaut surtout pour celui qui la fait ; mais elle peut en engager d'autres à la faire à leur tour.
En la faisant, ils resteront dans la vraie et large tradition de l'humanité. En effet, par son antiquité et par son universalité, la prière est un fait humain.
C'est un fait naturel, dirai-je.

L'homme a toujours prié, il priera toujours. Il serait bien étrange, il serait contre nature que ce besoin inné qui pousse l'homme à prier aux heures graves de la vie fût une faim et une soif pour l'apaisement desquels il n'y aurait ni pain ni eau.

« Pendant qu'il priait, le ciel s'ouvrit et l'Esprit saint descendit sur lui » ; c'est en ces termes que l'Évangile de Luc nous raconte le baptême du Christ au Jourdain.

« Pendant qu'il priait, le ciel s'ouvrit », c'est une expérience, mais une expérience-type, une expérience qui s'est répétée des milliers et des millions de fois, qui se répète chaque fois qu'une âme chrétienne prie avec foi au nom de Jésus.

Oui, le ciel s'ouvre alors, mais non pas toujours à la minute. Il faut pomper un certain temps pour amener l'eau à jaillir de certaines sources. Il faut plusieurs battements d'ailes pour enlever de terre un oiseau. De même, le plus souvent, il faut au prieur même le plus exercé et le plus entraîné, quelques moments d'appel et de recherche avant de trouver Dieu. Mais quand on l'a trouvé, quelle récompense et quelle expérience ! l'expérience de Dieu même, l'expérience que Dieu existe, qu'Il est vivant et qu'Il entend, qu'Il répond à qui l'appelle et qu'Il se communique, qu'Il est justice, paix, amour et liberté.

Un des fruits les plus excellents de la prière de la foi, c'est de nous démontrer à nous-mêmes que nous sommes libres. C'est de renverser les murs de la prison d'un inflexible mécanisme où les matérialistes veulent nous enfermer. C'est de prouver qu'il y a, entre les êtres vivants, d'autres rapports que ceux qui se pèsent et se calculent, qu'il y a autre chose que la matière, qu'il y a l'esprit, et que l'esprit, que notre esprit est libre, libre comme l'oiseau, libre de s'envoler aux sphères éternelles, au dessus des brumes, des laideurs et des horreurs de ce bas monde, libre de s'unir à l'Esprit Souverain, libre de s'épurer de se régénérer, de se grandir à son contact.
Révélatrice et libératrice, telle est la vraie prière.
Ne fût-elle que cela, il vaudrait la peine d'en user.
Mais elle est davantage.

Dans toutes les sphères de la vie, elle est le grand, l'efficace secours à la portée de tous.


V
LA PRIÈRE ET LE PAIN QUOTIDIEN

 

L'homme est un esprit enfermé dans un corps. L'esprit prime le corps, l'anime, le conduit. Cependant, en ce monde, l'esprit ne peut se passer des services du corps. Les pédantes du grand siècle traitaient de guenille le corps. À quoi Molière répondait :

« Guenille, si l'on veut ; ma guenille m'est chère. »

Le Christ, sur ce point, tient l'avis de Molière. Jamais il n'a méconnu les besoins de la vie physique. Parlant du vêtement, du boire et du manger : « Votre Père céleste, a-t-il dit, sait que vous avez besoin de ses choses. » Et dans la prière qu'il nous a enseignée, les besoins du corps trouvent place avant même ceux de l'esprit, immédiatement après ce qui concerne nos devoirs envers Dieu.

Ne soyons pas plus spiritualistes que le Christ. Demandons à Dieu le pain quotidien, c'est-à-dire le nécessaire, rien que le nécessaire, mais tout le nécessaire ; mais demandons-le comme il faut demander toute chose, en nous soumettant d'avance aux lois divines, spécialement à la loi du travail. Demandons aussi avec foi, puisque prier sans foi, c'est vraiment battre l'eau avec un bâton.

Ainsi faisait le petit garçon dont parle un numéro du Libérateur, de M. Théodore Monod, de Paris, dans un apologue ingénieux :
- Maman, disait cet enfant à sa mère, tu dis, n'est-ce pas ? que, si nous demandons quelque chose à Dieu, Il nous le donne.
- Oui, mon enfant, pourvu que nous demandions avec foi.
- Eh bien, maman, puisque nous sommes pauvres et que nous n'avons pas de pain, je vais demander à Dieu avec foi de faire que demain il y ait un gros pain dans le buffet.
- Soit, pourvu que tu croies qu'il y en aura un.

En effet.
Le lendemain, l'enfant, à peine levé, court ouvrir le buffet. Il était vide. Alors l'enfant :
- Tu vois, maman. Ah, ! j'en étais bien sûr.

Prière sans foi, prière sans exaucement, c'est tout un.
Que de fois, en revanche, Dieu a merveilleusement exaucé ceux qui lui demandaient avec foi le pain quotidien !

Les exemples sont innombrables. En voici quelques-uns, empruntés non aux livres, mais à mes relations. Je pourrais en citer aussi de personnels.

« Un jour, me raconta mon ami A. M., je devais payer une traite à jour fixe et il me manquait une quarantaine de francs. J'étais en grand souci. Je me mis à prier. Quelques instants après, le facteur passa et me remit un pli marqué du sceau de la préfecture de Gap. C'était un bon de quarante-neuf francs en remboursement de ce que, j'avais versé en excédent pour une canalisation. »

Le trait suivant, d'un milieu moins rustique, est parvenu, l'autre jour, à ma connaissance. Il s'agissait d'un homme que je connais, éclairé, instruit et d'une parfaite honorabilité. Malgré toutes ces qualités, M. X. se trouvait dans une situation très gênée. Directeur d'un institut de fondation récente, il avait vu sa clientèle fondre subitement et il ne savait comment faire face à ses obligations. Homme de foi vivante, il se mit en prière, sans voir d'ailleurs d'où pourrait lui venir le secours. Après des semaines d'angoisse, au moment où il s'y attendait le moins, dix mille francs lui arrivèrent, c'est-à-dire le nécessaire.

Voici ce qui s'était passé. Pendant deux ans il avait eu pour élèves deux frères, fils d'un étranger habitant un pays lointain et se trouvant alors, lui aussi, dam une situation très étroite. Avant la guerre, il était venu chercher ses fils, sans pouvoir rien remettre à M. X. de ce qu'il lui devait, et il était parti sans même donner son adresse. M. X. avait passé la somme en souffrance aux profits et pertes. Il n'y comptait plus. Il n'y pensait même plus, tant il jugeait nulles les chances de recouvrement. C'est cependant ce débiteur réputé insolvable qui lui écrivit : « J'ai fait de meilleures affaires, et je suis heureux de m'acquitter intégralement de ce que je vous dois. »

M. X. a raison de dire avec l'apôtre Jean : « Nous savons que Dieu nous exauce, quoi que nous lui demandions, parce que nous avons reçu ce que nous lui avons demandé. » (1 Jean V, 14-15.)

Je causais, un soir, avec un négociant d'une grande ville, placé à la tête d'une affaire importante et prospère.
- Dans les affaires, me dit-il, celui qui ne réussit pas, c'est qu'il ne le veut pas.
- Comment cela ? fis-je un peu ahuri ; car enfin chacun veut le succès.
- Eh oui, il n'y a qu'à demander à Celui qui a dit : « Demandez et vous recevrez. » J'en ai fait vingt fois l'expérience.

J'ajoute que ce négociant-là jouit de l'estime générale et qu'il la mérite. Il est non seulement juste, mais bon et paternel avec ses nombreux employés, ce qui, sans doute, ne nuit pas à l'efficacité de ses prières.

Il est un exemple que je n'ai pas le droit d'omettre ici. C'est celui de George Muller, le célèbre philanthrope de Bristol.
Tout jeune encore, George, Muller résolut de prendre à la lettre les promesses de l'Écriture sainte et de compter sur Dieu avant tout pour sa subsistance. Selon sa propre expression, il prit Dieu pour associé.

Muller eut une vie excessivement active et féconde. Il fit distribuer à ses frais plus de deux millions d'exemplaires des Saintes Écritures et plus de cent millions de traités religieux. Il bâtit cinq grands orphelinats et y recueillit des milliers d'orphelins. Il fonda des écoles et des cours d'adultes où furent instruits plus de 120 000 élèves de tous les âges. Pour toutes ces oeuvres, Muller reçut et administra environ 35 millions de francs et fit de longs et nombreux voyages. Pendant les 68 ans que dura son ministère, il ne posséda en propre que ses vêtements, son mobilier et l'argent nécessaire aux dépenses courantes. Sa méthode consistait à faire connaître ses besoins généraux, mais sans parler en détail de ses besoins du moment. Pour ces derniers, il s'adressait directement à Dieu, certain que, tôt ou tard, les prières sont exaucées si l'on a confiance.
La confiance de George Muller était illimitée.

« Quand je perds une clef ou tout autre objet, écrit-il, je demande au Seigneur de me la faire trouver, et je sais qu'Il me répondra. Quand j'ai donné rendez-vous à quelqu'un, quand ce quelqu'un ne vient pas à l'heure convenue et que cela commence à me gêner, je demande au Seigneur de bien vouloir hâter l'arrivée attendue, et je sais qu'Il me répondra. Quand je ne comprends pas un passage de la Parole de Dieu, j'élève mon coeur au Seigneur, pour qu'Il veuille bien m'instruire par son Saint-Esprit et je sais qu'Il m'instruira, bien que je ne sache pas quand ni comment Il le fera. Quand je dois prêcher la Parole, je cherche du secours auprès du Seigneur, et je suis plein de joie parce que je compte sur son appui (2). »

Dans ses orphelinats, on fut souvent bien près de la disette ; on eut rarement faim.

« Jamais, dit Muller, je n'ai senti plus vivement la présence de Dieu et sa fidélité que lorsque, le déjeuner terminé, il ne restait rien pour le dîner - et nous étions plus de cent - ou lorsque, après dîner, il ne restait rien pour le thé, et que le Seigneur pourvoyait à tout, sans que nous eussions informé de nos besoins une seule créature humaine. »

En ne demandant les moyens de construire ses orphelinats qu'à la prière et à la foi, Muller déclare qu'il voulait avant tout démontrer que Notre Père céleste est le même Dieu fidèle qu'il a toujours été, tout prêt, aujourd'hui comme autrefois, à prouver qu'il est le Dieu vivant à tous ceux qui mettent en lui leur confiance. Aussi refusa-t-il d'emprunter de l'argent pour aucune de ses entreprises.

Chose remarquable, S. Muller, ce géant de la prière, a été aussi un géant de l'action au service de ses semblables. Aussi quand George Muller mourut à quatre-vingt-six ans.. ce fut un deuil public dans toute l'Angleterre. Les cochers de Bristol, le jour des funérailles, mirent du crêpe à leurs fouets. Ce détail en dit long.

Que penser du système de George Muller et de l'exaucement de ses prières ?
« Hasard, coïncidences ; séries de hasards et de coïncidences ; superstition » ! diront les incroyants en haussant les épaules. À quoi les croyants, forts de leurs expériences et de celles de milliers d'autres, répondront : « Réalité, réalité naturelle et rationnelle entre toutes, puisque dans l'univers, la source suprême de force est en Dieu, et puisque la prière est un emprunt à cette source. »

À la lumière de la science, le monde entier nous apparaît de plus en plus comme un échange, un entre-croisement d'énergies et de forces (3). Pourquoi, dès lors, l'esprit de l'homme ne serait-il pas influencé, actionné, enrichi, par l'Esprit souverain ? Pourquoi

Celui qui commande aux anges, aux saintes myriades aux choses visibles et aux invisibles, n'exaucerait-il pas ceux qui entrent en contact avec lui par la prière de la foi ? Et pourquoi, dans ce but, n'influencerait-il pas et, en certains cas, ne modifierait-il pas les phénomènes, tant matériels que spirituels ? N'est-il pas Celui qui « fait des vents ses messagers et des flammes de feu ses serviteurs ? » Celui aussi qui « incline les coeurs comme des ruisseaux d'eau ? » Il ne lui est pas plus difficile d'exaucer la prière que de créer la feuille d'une rose ou l'aile d'un papillon.


Table des matières


1 Jean-Christophe Blumhardt, le pasteur des bains de Boll, par M. et Mme F. Grin, pasteur. Lausanne, Mignot 1882, p. 47 à 54 et 131.

2 Ces détails sur George Muller et cette citation sont empruntés à un ouvrage qui fait autorité : L'Expérience religieuse, Essai de Psychologie descriptive, par William James, Professeur de Psychologie à l'Université Harvard. Paris, Félix Alcan, 1906.

3 Voir là-dessus les belles pages de M. Duclaux directeur de l'Institut Pasteur, citées par M. Armand Sabatier, doyen honoraire de la Faculté des Sciences de l'Université de Montpellier, Philosophie de l'Effort, Essais philosophiques d'un naturaliste. Paris, Alcan 1908. (P. 150 et 151 dans le chapitre sur la Prière.)

 

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