Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LE PROPHÈTE JONAS

CHAPITRE II
Mort et ressuscité.

 Le chapitre second de notre livre est la grande pierre d'achoppement du rationalisme et de l'évangélisme moderne qui lui ressemble comme un frère. Tout y paraît de la plus absolue invraisemblance : un homme avalé par un poisson ; qui reste trois jours et trois nuits dans son ventre et qui, de plus, y prononce une prière parvenue jusqu'à nous, cela dépasse, pense-t-on et écrit-on, toutes les limites permises en fait de fiction. Aujourd'hui on professe ne pouvoir admettre comme possible, comme vrai, que ce qui ne sort pas de l'expérience, dûment constatée, de l'humanité. Tout ce qui ne peut pas s'établir par les procédés scientifiques préconisés et en usage, est impitoyablement rejeté ! Renan aurait cru aux miracles racontés par nos Évangiles si une commission de médecins et de savants lui en avait garanti la réalité. Supposons pour un instant le voeu de Renan réalisé : Jésus vit dans notre vingtième siècle et y accomplit nombre de prodiges. La commission se réunit, observe, constate, examine, discute. Que va-t-il se produire ? Les uns, matérialistes ou positivistes, chercheront et trouveront (ici aussi, qui cherche trouve à coup sûr) des explications naturelles de ces phénomènes. D'autres, âmes religieuses et spiritualistes, s'inclineront comme devant des interventions divines. Et nous ne serons pas plus avancés après qu'avant. À l'heure actuelle, les Renans se comptent par milliers dans le monde des théologiens.

Que répondre à leurs arguments ? Reconnaissons tout d'abord que l'invraisemblable s'est souvent montré vrai et que le réel dépasse parfois tout ce que l'imagination a pu rêver de plus extraordinaire, et cela dans les deux domaines de la nature et de l'histoire. Ceci est un fait d'expérience maintes fois constaté et reconnu. N'en sera-t-il pas ainsi à plus forte raison si nous entrons dans le domaine du surnaturel, c'est-à-dire d'une intervention particulière de Dieu dans un but spécial ?

Une seconde remarque préliminaire s'impose encore à nous : il s'agit, dans le texte, non d'une baleine, mais d'un grand poisson, d'un cétacé, d'un monstre marin, connu ou inconnu de nous, rentrant ou non dans nos classifications. Laissons la baleine de Jonas, dont le gosier ne saurait livrer passage à un homme, et qui d'ailleurs ne se trouve pas dans le bassin de la Méditerranée, laissons-la aux esprits sarcastiques de la famille de Voltaire, qui se font la part belle en en prenant à leur aise avec les expressions mêmes dont se sert la Bible ; ce qui, pour le dire en passant, viole une des règles élémentaires de la science, laquelle consiste d'abord à voir ce qui est et à le placer à la base de toute argumentation.
La première vertu de l'interprète fidèle des Écritures doit être de prendre les mots qu'elle emploie en leur donnant leur sens et leur portée véritables et rien de plus. Agir autrement, c'est trahir la pensée d'un livre ou d'un auteur pour en avoir plus facilement raison ; c'est accomplir un acte déloyal. Nous avons été étonné et même froissé dans notre sens intime de voir ce mot malheureux de baleine appliqué au « grand poisson » de Jonas par un critique évangélique moderne. Nous le regrettons. À ce propos, il n'est peut-être pas inutile de remarquer ici que la Bible ignore notre langage précis et nos classifications. Sa langue est celle de la poésie ou de l'histoire simple et populaire.
C'est le livre de l'humanité, écrit pour être compris par tous les enfants des hommes, même les plus primitifs, et à toutes les périodes du développement humain. Elle est en dehors et au-dessus de ce que nous nous plaisons à appeler les progrès de la science. Elle les domine et les surpasse. De là la difficulté de trouver l'équivalent des termes désignant certains objets, certaines plantes ou certains animaux, ou même certaines catégories. On a tort, par exemple, d'attribuer au mot espèce, dans le récit de la création, le sens rigoureux que nous attachons à cette expression.

Il y a deux manières de considérer la nature et de parler d'elle : la manière de l'homme tout simple qui ouvre ses yeux et son intelligence et qui dit simplement ce qu'il a vu, et la manière du savant qui la regarde à travers ses lunettes, c'est-à-dire ses théories scientifiques et qui la décrit selon les méthodes et les procédés appris. La première n'est point inférieure à la seconde, elle est plus universelle et plus vivante. Si elle est sujette à commettre quelques erreurs de détail, elle comprend, somme toute, et interprète mieux la nature, parce qu'elle la sent plus profondément, et que là aussi le sentiment a sa place et constitue une grande lumière. Le savant lui-même, lorsqu'il est dans la société, s'il a un peu d'esprit (ils n'en ont pas tous, tant s'en faut) quitte ses lunettes et son dialecte technique pour regarder et parler comme le commun des mortels. Telle est la manière dont le Livre divin nous présente les choses créées. Si on tenait habituellement compte de ce fait dans son interprétation, on éviterait, dans la plupart des cas, de l'accuser d'erreurs scientifiques, alors qu'il reste simplement en dehors de la science, en parlant le langage de tout le monde sans pour cela manquer à la vérité.

Quant au miracle lui-même du grand poisson préparé par Dieu et envoyé par lui au bon moment et au bon endroit ; quant au séjour de Jonas dans son sein, nous avouons ingénument que nous ne le trouvons pas plus impossible ou plus difficile à admettre qu'un des miracles quelconques dont fourmillent les Écritures, où tout est surnaturel d'ailleurs. Les Écritures elles-mêmes sont un miracle puisqu'elles contiennent la Révélation du Dieu vivant. Et c'est là précisément leur raison d'être et leur utilité. Tout ce que l'homme peut trouver par lui-même, Dieu le lui laisse chercher et découvrir : le but de la Révélation, que la Bible est chargée de nous transmettre, est précisément, comme l'indique le mot, de lever le voile qui nous dérobe la connaissance du Dieu créateur de toutes choses, saint, juste et sauveur. Quiconque admet la possibilité d'une intervention particulière de Dieu dans un cas particulier et pour un but particulier, n'hésite pas à admettre les faits étranges et anormaux que nous raconte la Parole de Dieu, faits qui se justifient pleinement dans l'immense majorité des cas aux yeux d'une raison éclairée par la lumière d'En Haut. La prétendue violation des lois de la nature, considérée comme une impossibilité, sous peine de voir l'univers absolument bouleversé, n'est pas pour effrayer un tel homme.

Ce que nous appelons lois de la nature, n'est autre chose que l'interprétation que nous donnons aux phénomènes constants et liés les uns aux autres qui tombent dans le domaine de notre observation. Elles ont un caractère contingent, parfois hypothétique, jamais absolu. Elles sont, dit M. Poincaré dans son livre sur la Valeur de la science, approximatives. Elles doivent être sans cesse complétées et modifiées, ce qui ne les empêche pas d'être très utiles au point de vue pratique. Elles ont de fait varié à travers les âges. Elles sont à la merci d'une découverte qui peut radicalement modifier nos conceptions et la manière de les formuler.
La science, si merveilleuse soit-elle, et elle est véritablement un tissu de merveilles, en est encore à ses premiers balbutiements quand il s'agit d'expliquer l'Univers. Elle a souvent, par l'organe de ses représentants, dépassé la limite que lui prescrivait le véritable esprit scientifique, pour ériger ses observations et ses expériences en lois formelles et décisives et en prenant un ton péremptoire et dogmatique qui aurait dû lui rester étranger.

L'Univers contient infiniment plus de choses visibles et invisibles que notre faible esprit ne peut en concevoir ; il renferme, cachées habituellement, se manifestant parfois, des possibilités à l'infini. Prétendre le faire rentrer tout entier dans la capacité d'une boîte crânienne d'homme, si vaste et si géniale soit-elle, c'est vouloir enfermer l'océan dans une coquille de noix. Vaine et ridicule entreprise ! Dieu, l'infini en science, en sagesse et en puissance, peut tout ce qu'il veut pour l'accomplissement de ses desseins, qui, eux aussi, dépassent le plus souvent la portée de nos facultés. Ce qui manque le plus à l'homme moderne, même pour mieux saisir et mieux apprécier les réalités du monde visible, c'est l'humilité. À plus forte raison s'il s'agit de saisir ce qui ne tombe pas sous les sens ou de s'approprier cette grande loi fondamentale que le monde matériel est sous la dépendance et au service de l'Esprit suprême et que la matière n'est rien en dehors de l'Esprit qui la gouverne, l'assouplit et la fait travailler à la réalisation de ses plans.

Ce miracle de l'ensevelissement de Jonas pendant trois jours et trois nuits dans le ventre du poisson (1), suivi de la sortie de ce sépulcre vivant est, nous le savons déjà, un type, ou tout au moins une image saisissante de ce qui est arrivé à Jésus. Le rapprochement n'est ni fortuit, ni forcé, car il nous est fourni par Jésus lui-même. Aux scribes et aux pharisiens qui lui demandaient un miracle, il répond les paroles bien connues : « De même que Jonas fut dans le ventre d'un grand poisson pendant trois jours et trois nuits, ainsi le Fils de l'homme sera dans le sein de la terre trois jours et trois nuits ». Et Jésus sous-entend manifestement : puis, il en sortira, de même que Jonas est sorti de sa retraite forcée. Et remarquons que notre divin Docteur appelle le fait concernant Jonas un miracle et qu'il le rapproche de celui de sa propre résurrection. Il y voit donc une intervention réelle de Dieu et non un simple symbole.

Le cantique de Jonas est d'une grande beauté, décrivant d'une manière aussi exacte qu'émouvante toutes ses impressions et toutes ses terreurs, et aussi toute sa foi, toute son assurance d'une délivrance finale et complète. Il sait que ce n'est jamais en vain que des lieux profonds (Ps. CXXX) on invoque l'Éternel. En cela il rappelle vivement le roi poète, auteur de tant de psaumes qui expriment si bien nos propres douleurs et nos propres aspirations et qui nous réconfortent par leur certitude de l'intervention de Dieu, leurs louanges et leurs actions de grâce anticipées. On sent ici que la dure expérience a profité au prophète ; qu'au contact de l'abîme, il s'est ressaisi moralement et purifié. On pressent qu'il sortira du tombeau un autre homme, un homme régénéré.

Et, en effet, le vieil homme, encore si vivace chez Jonas, a entendu sa sentence de mort, et cette sentence a été exécutée, elle a reçu son plein effet ; il est descendu dans les profondeurs de la mer et y a sombré. En d'autres termes, la sagesse propre, la volonté propre, l'amour-propre du serviteur de l'Éternel ont passé par une crise décisive qui leur a été fatale. Ils reparaîtront bien, nous aurons l'occasion de le constater, mais non plus comme « corps de péché » dominant sans partage, mais comme des membres encore en état de troubler l'homme et ses rapports avec son Dieu ; comme puissance de mécontentement et de tristesse, mais non comme puissance de révolte absolue. Désormais, le Seigneur peut adresser de nouveau la parole à Jonas et lui donner ses ordres, il sera écouté et obéi ; il lui sera répondu : me voici, ô Dieu, pour faire ta volonté ; j'irai partout où tu m'enverras, fût-ce au milieu des lions et des tigres ; je dirai tout ce que tu m'ordonneras, fût-ce des choses capables de déchaîner toutes les fureurs de l'enfer. Jonas est un homme assoupli. Et c'est là le fruit à jamais béni du terrible châtiment par lequel il vient de passer.

Et nous ? Il faut aussi que d'une façon ou d'une autre nous passions par ce travail intérieur et profond qui nous jettera aux pieds de notre Sauveur, à son entière disposition, dans une volonté absolument soumise. Il faut que notre moi orgueilleux, égoïste et confiant en lui-même, malgré toute notre piété, soit condamné à mort, crucifié, enseveli et qu'il ressuscite en nouveauté de vie. « Morts au péché, dit St-Paul, mais vivants pour Dieu en Jésus-Christ, notre Seigneur ». Rom. VI, 11. Il faut qu'en nous aussi s'accomplisse le miracle du prophète Jonas et celui du Seigneur Jésus-Christ. Nous n'aurons de vie féconde qu'à cette condition, et que dans la mesure où le miracle se sera produit et se renouvellera sans cesse en nous. Car il doit se renouveler dans tous les détails de notre caractère, de notre volonté, de nos sentiments et de nos paroles et actes jusqu'à ce qu'il soit entièrement consommé, ce qui veut dire jusqu'à ce que nous soyons à l'abri des atteintes de l'Ennemi, étant entièrement semblables à Celui qui nous a rachetés, ayant enfin atteint sa stature parfaite. Toute épreuve, tout coup reçu, tout dépouillement, toute humiliation, doivent se transformer par nous en exercice d'assouplissement, mâtant les membres du péché et fortifiant les membres de la justice.

C'est quand tout paraît perdu pour Jonas et pour son ministère, parce que Jonas lui-même, à vues humaines, est un homme perdu, que tout se retrouve et est sauvé ; c'est quand la défaite semble complète et sans remède que la victoire est assurée. C'est le triomphe par la Croix ; c'est aussi, par suite, le triomphe de la croix, car elle seule et capable d'assurer un pareil résultat. Telle est bien aussi l'histoire de Jésus. Quand, tout meurtri et tout sanglant, il agonisait, au Calvaire, abreuvé des outrages de ses ennemis, sa cause, son royaume, semblaient ruinés à tout jamais.
Mais, ô prodige ! cette colline maudite devient le roc inébranlable sur lequel repose tout l'édifice ; cet ignoble instrument de supplice destiné aux esclaves devient l'auguste signe de ralliement pour une multitude que personne ne peut compter ! - Il en fut de même pour l'Eglise : née de la croix, elle n'a vécut et ne s'est développée que sous la croix. Aux heures les plus sombres et les plus douloureuses, où il semblait qu'elle allait s'anéantir, l'Éternel faisait des martyrs la semence de vie et de rénovation. Rien n'est plus à redouter pour le royaume de Dieu que la tranquillité, la faveur du monde et la prospérité matérielle et extérieure. Peut-être n'est-il pas inutile de rappeler cette vérité capitale à notre époque où beaucoup de représentants en vue de l'Évangile ne rêvent que triomphes éclatants et victoires remportées presque sans coup férir et surtout sans en recevoir.
De là cette ardeur à adoucir, à arrondir les angles de la vérité qui sauve, disons le mot, à mondaniser le christianisme, soit dans la doctrine, soit dans la pratique, pour éviter tout choc pénible avec le siècle et gagner beaucoup d'hommes, à qui, à quoi ? Nous nous le demandons parfois avec angoisse. On oublie que toujours et partout : « si le grain de blé, jeté en terre, ne meurt pas, il demeure seul, mais que s'il meurt, il porte beaucoup de fruit. » Jean XII, 24.

C'est là la loi fondamentale et inéluctable du progrès et de la conquête : mourir pour vivre, renoncer à tout et tout perdre pour tout conquérir. Quiconque la viole n'a compris que la surface de l'Évangile ; le fond lui échappe.

Quoi qu'il en soit, il y a pour nous dans cette défaite se changeant en sainteté et en victoire un précieux enseignement qu'il ne faut pas laisser perdre. C'est un puissant réconfort pour nos âmes si faciles à se laisser abattre par l'adversité et par l'opposition du siècle et à tomber dans le doute qui paralyse les forces vives. Souvenons-nous donc de Jonas et de Celui qui était plus grand que Jonas !

Après ce que nous venons de faire ressortir, on aurait de la peine à ranger le miracle de Jonas restant trois jours dans le ventre du grand poisson et en sortant vivant dans la catégorie des miracles réputés inutiles. C'est là, d'ailleurs, une classification extrêmement délicate et encore plus dangereuse, au sujet de laquelle, comme sur tous les points en litige, il serait tout à fait impossible de mettre les théologiens d'accord.


Table des matières


1 Disons à ce propos que des faits plus ou moins analogues et dont l'authenticité n'est pas douteuse. ont été souvent signalés, même ces derniers temps.

 

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