UN
PROGRAMME DE VIE INDIVIDUELLE ET
COLLECTIVE
II
Lire
Romains XII, 3 à 8.
Par la grâce qui m'a été
donnée. Cette grâce confère
à l'apôtre le droit,
l'autorité, la liberté. Si le
messager de l'Évangile se présente en
son propre nom, personne n'est tenu de
l'écouter et de faire état de ce
qu'il dit. - Une seconde pensée qui ressort
de cette déclaration, c'est que le
ministère, l'apostolat de l'apôtre des
Gentils, ne repose ni sur sa valeur intellectuelle
pourtant très grande, ni sur sa culture
religieuse pourtant si riche et si complète,
ni sur son obéissance et sa
fidélité pourtant si scrupuleuses,
mais uniquement sur le bon vouloir de Dieu qui
choisit pour son oeuvre qui bon lui semble, ici des
pêcheurs, « hommes sans lettres et
du commun peuple » ; là un
péager, ailleurs un pharisien
élevé aux pieds de Gamaliel. - Enfin,
Paul considère son apostolat non comme une
« charge » (mot malheureux s'il
en fût), comme un fardeau qui pèse
lourdement sur ses épaules, mais comme une
grâce, c'est-à-dire comme une faveur,
un honneur et un privilège. Puissions-nous
considérer ainsi notre vocation de
serviteurs et de servantes de Christ, il en
résultera un travail empressé et
joyeux.
Je dis à chacun de ceux qui
sont parmi vous. La vie collective est la
résultante des vies individuelles et elle
influe à son tour sur chaque vie
particulière. Il y a action et
réaction constantes. Certains pasteurs
sociaux sont préoccupés de
créer un milieu spirituel sans
s'inquiéter de former des
individualités sanctifiées et
puissantes. C'est pourtant par là qu'il faut
commencer. Ce sont les atomes et les
molécules qui, unis par la cohésion,
forment des corps compacts, dont le physicien, le
chimiste ou le constructeur peuvent tirer parti. Ce
sont les cellules vivantes, formant chacune un
tout, qui, réunies, constituent un
être vivant répondant à un but
déterminé. Voyons donc les conditions
essentielles que chacun de nous est appelé
à réaliser.
D'abord et avant tout,
l'humilité Nous ne devons pas, en ce
qui concerne l'appréciation de
nous-mêmes « penser au delà
de ce qu'il faut penser, mais nous appliquer
à penser sainement » (traduction
littérale). Les sentiments qui nous
conviennent ne peuvent être que des
sentiments modestes. Et plus notre foi sera grande
et profonde, plus aussi nous nous sentirons petits,
misérables et insuffisants, comparés
à Celui qui en est l'objet. C'est notre foi
qui règle l'estime que nous avons de
nous-mêmes. La mesure de notre foi est aussi
celle de notre humilité. Voulons-nous
croître dans l'humilité, crions :
« Seigneur, augmente-nous la
foi ! » - C'est là la voie
profonde, la seule sûre et efficace. L'autre
voie, qui consiste à chercher toutes les
apparences de l'humilité, à en
prendre la livrée sans que le coeur soit
transformé et sans que la pensée soit
gagnée est illusoire. C'est le chemin large
et spacieux que beaucoup préfèrent
à cause même de sa
commodité.
L'orgueil nuit à nos relations
avec Dieu qui « résiste aux
orgueilleux, mais fait grâce aux
humbles »
(1 Pierre 5, 5). - Il nuit aussi
à nos relations avec nos frères, il
les altère et les trouble. Car les hommes,
eux aussi, résistent aux orgueilleux et ils
ont des yeux de lynx pour découvrir la
moindre trace de ce péché dans le
caractère ou l'attitude de leur prochain. Et
rien ne provoque l'opposition, la
résistance, comme l'orgueil. Dès
qu'il paraît ou qu'on le devine, on se met
sur ses gardes, on se tient sur la
défensive. - Enfin l'orgueil, visible ou
caché, choquant ou subtil, paralyse notre
développement spirituel, il entrave notre
vie intérieure. C'est un des plus
sérieux et des plus fréquents
obstacles à la communion fraternelle et
à la vie cachée avec Christ en
Dieu.
Un des fruits de l'humilité,
c'est la sobriété en
tout ; elle nous enseigne à nous
modérer, à nous contenir, à
nous posséder, à rester toujours dans
les limites du sens droit et de la sagesse.
Grâce à elle, nous pensons, nous
parlons et nous agissons sainement. Notre
être tout entier respire la santé
morale. Nous sommes appelés à vivre
dans le présent siècle
« dans la sagesse, dans la justice et
dans la piété »
(Tite 2, 2). La sagesse, ou
tempérance, ou modération, est
à la base. Le chrétien est le sage
par excellence, il n'est ni un emballé ni un
déprimé. Il vaut la peine que nous y
mettions de l'application, que nous apprenions
à penser sainement au sujet de
nous-mêmes et de toutes choses. Ainsi
« le penser sain nous rend humbles et
l'humilité nous fait penser
sainement. »
Voici un autre fruit de
l'humilité. Sous son influence,
dépouillé de tout amour-propre et de
tout désir de paraître, chacun se
laisse mettre par Dieu et aussi, à
l'occasion, par les hommes qui peuvent être
les instruments de Dieu, à la place qui lui
convient et n'accepte que les fonctions pour
lesquelles il a des aptitudes. Et il est
qualifié, en outre, d'un don de la
grâce divine. Ses dons naturels sont
sanctifiés et consacrés, ce qui leur
confère un caractère surnaturel et il
reçoit en outre des dons spirituels
spéciaux.
Un seul corps et plusieurs (ou
beaucoup de) membres (ou organes). Image
saisissante qui fait vivement
ressortir :
1° Le caractère vivant,
organique, de l'Eglise de Jésus-Christ. De
même que notre corps est une merveille, l'un
des chefs-d'oeuvre de la création, soit par
sa composition, soit par sa structure, soit par ses
fonctions, ainsi en est-il de l'Eglise. Il s'agit,
bien entendu, de l'Eglise mystique, idéale,
dite invisible, composée des seuls
rachetés et
régénérés
2° Cette image, employée
plusieurs fois par l'apôtre, met en saillie
la Tête, le Chef, qui gouverne, qui
commande, à qui tout doit remonter, se
rapporter ; où tout a son
retentissement et d'où partent toutes les
inspirations, toutes les impulsions et toutes les
réponses. C'est comme dans le corps
humain : toute impression, tout choc se
répercute dans le cerveau qui par un
mouvement réflexe répond
aussitôt à la communication
reçue. Un corps sans tête est une
monstruosité, une horreur ; ce n'est
plus d'ailleurs qu'un cadavre hideux et
répugnant. - Les Églises visibles
particulières doivent aspirer à
reproduire l'Église invisible, parfaite.
Christ est-il vraiment le Chef de ces
Églises et jusqu'à quel point
l'est-il ? Cela varie d'une Église
à l'autre ; mais on peut bien dire que
la plupart sont en voie de perdre leur Chef divin,
et que leurs relations avec lui tendent à
diminuer et à s'affaiblir. Un retour au Chef
et à la position de dépendance
vis-à-vis de lui s'impose aux diverses
fractions de la chrétienté
débilitée et
dégénérée.
3° Cette image du corps met aussi
en relief l'unité des membres et des organes
qui le constituent, unité établie et
maintenue par les rapports constants de chaque
membre avec le Chef.
(1 Cor. 12, 27.) Cette unité
est vivante, spontanée ; elle n'est pas
le fruit de la politique et de la diplomatie
ecclésiastique, le résultat de
combinaisons et d'arrangements humains, de
concessions et de compromis. Elle jaillit
d'elle-même de, l'état spirituel des
membres. Il ne suffit pas d'être
placés dans le même lieu et dans le
même cadre pour être unis. C'est
à notre avis une grave erreur de croire
qu'il suffira de mettre les gens ensemble pour que
l'accord se produise. Le contraire ne tardera pas
à se manifester ; les divergences de
pensées, de convictions, de méthodes,
de foi, de tempéraments et de
caractères, favorisées qu'elles
seront par le rapprochement et l'intimité,
surgiront bien vite. La désunion et les
déchirements suivront de près ;
à moins, ce qui est beaucoup pire, que tout
en restant ensemble on ne se mette à user de
procédés déloyaux et à
se faire une guerre dissimulée. Ces choses
ne sont pas rares à l'heure actuelle,
précisément parce qu'on a voulu
remplacer la vie organique par des combinaisons et
organisations artificielles, oubliant que c'est
dans le Chef seul que nous nous rencontrons
vraiment et que nous nous comprenons. C'est le
fluide invisible et puissant, le Saint-Esprit, qui
part de lui, qui nous fait communiquer et communier
les uns avec les autres.
4° Un quatrième point qui
ressort de la comparaison de Paul, c`est la
diversité des dons qui entraîne
nécessairement la diversité des
fonctions et des ministères. Ces derniers ne
sont pas autre chose que la mise en oeuvre des
dons. Il n'existe personne dans l'Eglise qui
possède tous les dons et qui par
conséquent, soit apte à tous les
travaux D'autre part, il n'y a personne qui n'ait
reçu au moins un talent ou un marc à
faire valoir. Il doit donc y avoir une place pour
chacun et une oeuvre pour chacun, une orientation
et une direction pour l'utilisation de chaque
membre. Il s'agit de chercher et de trouver, de
consulter le Seigneur et sa Parole, de tenir compte
aussi de l'impression des frères et des
soeurs, de la congrégation elle-même
tout entière. Si les Églises
s'étaient souvenues des
vérités élémentaires et
banales que nous venons d'indiquer, on n'y verrait
pas des hommes surchargés, surmenés
et incapables de faire à fond le travail qui
leur est confié à cause de la
multiplicité de leurs occupations, et on
n'en verrait pas beaucoup d'autres a tout le jour
sans rien faire, parce que personne ne les a
loués », employer leur temps
à se disputer ou à juger, critiquer
et blâmer ce que font les autres, ou à
se plaindre de tout et de tous. - Quelle souffrance
et quelle tristesse n'éprouvent pas ceux
qui, appelés en vertu de
considérations tout humaines et charnelles,
telles que leur position sociale ou leur fortune,
sentent qu'ils ne sont pas à leur place,
qu'ils occupent des situations et sont
chargés de tâches pour lesquelles ils
ne possèdent par les capacités
indispensables. Mais quel bonheur pour ceux qui
peuvent se rendre à eux-mêmes et
à qui tous rendent le témoignage
qu'ils sont là où ils doivent
être et qu'ils répondent à un
besoin. Ils agissent avec fidélité,
« selon l'analogie de la
foi » ; avec zèle, avec soin,
avec dévouement et avec joie. Leur service
ne peut manquer d'être efficace. La
stérilité provient en grande partie
de la mauvaise administration des dons.
Disons, pour éviter tout
malentendu, qu'il existe des ministères
spéciaux qui sont voulus et donnés de
Dieu. « Dieu a donné les
uns comme apôtres, les autres comme
prophètes, etc. »
(Eph. 4, 11 à 13.)
Quelques-uns de ces ministères sont
permanents et réguliers ; d'autres sont
occasionnels et temporaires. Â côte de
ces « services » et en harmonie
avec eux existe le service constant, qui est le
partage de tous. Dans une Église digne de ce
nom et bien organisée, il y a du travail
pour tous et tous doivent travailler. C'est le
droit de chacun au travail et le devoir du travail
pour chacun qui doivent inspirer sa marche. Mais
que personne ne se glorifie de sa situation ou de
son travail dans l'Eglise. « Qu'as-tu que
tu ne l'aies reçu, et si tu l'as
reçu, pourquoi t'en glorifies-tu comme si tu
ne l'avais pas
reçu ? »
5° Enfin, il résulte de la
comparaison avec le corps la
solidarité des membres les uns avec
les autres.
1 Cor. 12 est le passage classique
sur cette question ; nécessaire pour
compléter les versets que nous
étudions, il nous donne la pensée
complète de l'apôtre. Les membres ne
sauraient rester isolés les uns des autres
et travailler chacun de son côté selon
ses lumières et fût-ce pour le mieux.
Forcément ils agissent et réagissent
sans cesse les uns sur les autres. Ce que chaque
membre ressent ou produit se répercute dans
les autres et dans tout le corps. Chaque membre
porte dans une certaine mesure la
responsabilité du corps entier, et le corps
entier porte la responsabilité de chaque
membre. Si un membre pèche, tout le corps en
reçoit de l'humiliation. Si un membre
souffre, tous les autres membres souffrent aussi,
et le corps entier est participant de cette
souffrance. Si un membre est à l'honneur,
les autres s'en réjouissent et le corps
entier en est glorifié.
Dans le corps il y a des membres en vue
qui frappent et attirent le regard, et des membres
cachés, souvent méconnus et peu
honorables aux yeux des hommes. Ces derniers, ceux
qui sont les moins dignes d'honneur, doivent
être les plus entourés de
prévenances et d'égards. - Ils ont
d'ailleurs besoin les uns des autres. Le pied a
besoin de la main et la main du pied, l'oreille a
besoin de l'oeil et l'oeil de l'oreille, et ainsi
de suite. Merveilleuse conception qui est devenue
l'idéal de la société
laïque et sur laquelle elle cherche à
se modeler tandis que l'Eglise en a à peine
entrevu l'excellence et la beauté et ne la
réalise guère. Oh ! revenons
à nos origines, à Christ et aux
apôtres ! Notre Nouveau Testament
contient tout ce qu'il faut pour satisfaire
pleinement aux aspirations les meilleures et les
plus profondes de nos âmes et de notre temps.
Il n'y a rien à inventer : il n'y a
qu'à prendre à pleines mains dans le
trésor inspiré et divin !
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