Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



PAUL RABAUT

Apôtre du Désert


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PIÈCES JUSTIFICATIVES

LA PRÉDICATION AU DÉSERT

 Paul Rabaut en chaire. - Une visite chez lui. - Extrait de la relation d'un voyage en Languedoc

par Rudolf SCHNIZ, pasteur suisse


« Le jour de Noël 1773, je me dirigeai accompagné d'un négociant de Nîmes, de la ville vers l'endroit où la communauté a l'habitude de se rassembler pour célébrer le service divin. Cet endroit se trouve à une demi-heure environ de la ville. Dès que nous eûmes dépassé la porte, nous nous joignîmes à la multitude qui se pressait en foule vers cette place. Par un chemin pierreux, raboteux, extrêmement pénible, nous arrivâmes dans une vallée, étroite, déserte. D'un côté, un vignoble s'étend vers les hauteurs, de l'autre, une montagne sauvage, abrupte, couverte de rocs qui menacent ruine, encadre la triste localité ! De ce côté se tenait une foule immense. Les hommes étaient pressés les uns contre les autres et étagés sur les parois de la montagne comme sur les gradins d'un amphithéâtre. Libre à chacun de se préparer un siège d'une pierre ; au pied de la montagne se trouvait une petite tribune ou chaire, qu'on érige à chaque nouvelle occasion et qu'on démonte pour la remporter dès qu'elle a servi. Elle est destinée au prédicateur qui adresse la parole à la multitude qui se tient sur les pentes de la montagne.

« L'espace entourant la chaire s'appelle le parquet. On y a établi un demi-cercle de pierres qui servent de sièges aux anciens ou aux étrangers. On place devant la chaire une table pour la Sainte Cène ; on y mit un plat d'étain avec du pain coupé et deux coupes élevées d'argent, don d'une d'une matrone, morte dans le Seigneur.

« Le chiffre du peuple réuni se montait, car on s'en assure chaque fois avec exactitude, à 13.000.

« Tous ceux qui arrivaient dans la vallée étroite (on peut l'appeler désert) s'agenouillaient avant de pénétrer dans l'assemblée, sur le chemin dur et pierreux, et faisaient une prière. On entonnait tantôt tel psaume, tantôt tel autre. Pendant ce temps, les anciens circulaient avec un sachet parmi les rangées de pierres qui simulaient des bancs et exigeaient de chacun 3 sols, rétribution fixe destinée à la caisse des pauvres de la paroisse. Les uns s'asseyaient sur la terre nue, les gens considérables avaient apporté des coussins et des chaufferettes, parce que la journée était froide. Au dehors on voyait un grand nombre d'ânes et de chevaux attachés aux arbres et aux enclos ; il y avait aussi des litières qui avaient servi au transport des vieillards.

« Pendant le chant arrivèrent les trois pasteurs qui desservent la communauté. Ils étaient en costume bourgeois ; l'un d'eux revêtit à ciel ouvert la robe et monta en chaire pendant que les deux autres prirent place parmi les anciens. Les mains jointes et élevées vers le ciel, le prédicateur fit, dans les expressions du plus profond recueillement, une prière de coeur ; il lut ensuite une prière liturgique tirée de la vieille liturgie française et développa, sur un texte qu'il lut, un sermon édifiant, étudié, mais librement prononcé. Le grand chapeau rond rabattu sur sa figure pour l'abriter contre le soleil qui lui donnait dans les yeux, l'action extrêmement vive, libre et qui s'accordait parfaitement avec les paroles et les pensées intimes de l'orateur, lui conféraient une dignité particulière.

« Après la prédication et une courte prière, le pasteur lut en chaire l'institution de la Cène commémorative de Notre-Seigneur. La communauté, en attendant, se préparait à la communion. Le prédicateur et les deux autres pasteurs prirent place devant la table et lurent une exhortation et une prière. Ensuite on établit à quelque distance une autre table, devant laquelle se placèrent un pasteur et quelques anciens pour distribuer comme devant la première le pain et le vin. Avant de s'approcher de la table du Seigneur, chaque membre de la commune se mit à genoux, ou se couvrit la figure, ou alors s'inclina selon que l'espace le permettait, fit une prière silencieuse ou s'abandonna à de pieuses méditations, et reçut ensuite les symboles de la Passion du Seigneur.

« Malgré la grande multitude, malgré la confusion apparente de l'assemblée et la diversité des exercices de piété, tout se passa dans un ordre admirable et un silence surprenant. Une rangée s'approche après l'autre, les pasteurs présentent le pain et accompagnent cet acte chaque fois d'une courte exhortation ou d'un passage de l'Écriture. Les anciens distribuent le vin, sans cependant s'astreindre à une minutieuse uniformité ; ils le distribuent à leurs plus proches voisins, sans aucune distinction. Après la communion, chacun se retire à une certaine distance de la foule, s'agenouille, remercie Dieu et adore. Parfois se réunit un groupe de 6 à 10 demoiselles ou dames, ou autant d'hommes. Ils cherchent un coin solitaire sous un arbre, se prosternent devant le Seigneur et l'un fait à demi-voix une prière au nom des autres qui élèvent avec lui leur coeur à Dieu. Parfois une personne sort de la foule, se place sur une éminence, entonne un cantique de louange, entraîne les assistants jusqu'au moment où le culte se termine par le chant d'un psaume en commun, après quoi l'assemblée se sépara. Alors les anciens ou d'autres hommes honorables barrent l'entrée de la vallée et demandent l'aumône. Tous donnent et celui qui ne le fait pas se distingue honteusement. C'est ainsi que la communauté dispersa. Des femmes faibles se font porter par leurs domestiques ou s'en retournent à dos d'âne. On démonte immédiatement la chaire, on ramasse tous les vases et on les porte dans la maison réformée la plus proche. Le long du chemin, on trouve des gens qui vendent des livres d'édification, des bibles, des manuels, des récits de persécutions pour raffermir la constance. On rencontre aussi une foule extraordinaire de mendiants catholiques qui s'entendent à exploiter la charité des protestants . . . . . . . . . . .

« Le dimanche, jour après Noël. je me rendis une seconde fois à l'assemblée. Je pris place à l'une des extrémités, au haut de la montagne, en partie pour jouir de la vue de l'assemblée, qui se composait de 11.000 âmes, en partie pour m'assurer si l'on comprenait le prédicateur à une pareille distance.

« M. Paul Rabaut, le premier pasteur et le plus digne représentant de toutes les communes du Languedoc, prêcha avec une éloquence toute naturelle, et traita son sujet avec une habileté extraordinaire (1). Bien que je fusse à une très grande distance de la chaire, pas le moindre mot cependant ne m'échappa, tellement cette place et sa position amphithéâtrale se prêtent bien à la prédication. Le recueillement qu'on voyait exprimé aussi aujourd'hui sur la figure de la plupart des auditeurs, la décence, l'attention que chacun témoignait, et en général la multitude qui, pour s'instruire, se rendait malgré tant d'inconvénients à cet endroit sauvage et désert, tout cela m'édifiait de nouveau et me confondait quand je songeais à la tiédeur qui règne chez nous au culte public. Le service se fit aussi cette fois-ci de la façon déjà décrite. On distribua la Cène et on demanda l'aumône. »

Voilà pour les réunions pendant l'hiver (2). Schinz ayant marqué le désir de voir où se tenait le culte pendant l'été, on le mène en un endroit « qui se trouve à une bonne demi-lieue plus loin de la ville et dont l'accès est beaucoup plus difficile » (3). Il passe « à travers une montagne rocailleuse dans un ravin ou vallon resserré entre deux parois de rochers escarpés, où l'on est à l'abri de la chaleur d'été. On a creusé dans l'une des parois une niche et quelques marches qui y conduisent : c'est là que se trouve en été la chaire. Les rochers sont disposés de telle sorte qu'à peu de frais on pourrait établir un toit de l'un à l'autre, mais pour éviter des réclamations, ces bonnes gens s'en tiennent là. »
On vante à Schinz la prudence et le zèle de Paul Rabaut et dans l'après-midi on le conduit chez ce pasteur.

« Il me reçut d'abord avec quelque réserve et des soupçons, mais dès qu'il eut reconnu en moi un collègue, il m'ouvrit tout son coeur. M. Rabaut est un homme comblé de dons naturels extraordinaires et sans études. D'origine et d'éducation moyennes, il se voua, lors des derniers troubles suscités contre les protestants, par pur zèle religieux, au ministère pastoral. Il exerce ces fonctions depuis trente et quelques années avec une énergie, un succès, une édification et une prudence telles que toutes les Églises du Languedoc s'en remettent maintenant à ses lumières dans les affaires importantes, le reconnaissent pour ainsi dire comme évêque ou directeur suprême des conseils. Au commencement de son ministère, il était l'objet principal de la haine des catholiques, de telle sorte qu'on mit sa tête à prix et qu'on l'entretint secrètement tantôt dans telle commune, tantôt dans telle autre. Mais peu à peu il sut, par sa prudence, se mettre dans un tel crédit auprès des catholiques que maintenant ceux-ci le consultent dans leurs propres affaires et le prennent pour arbitre dans des cas importants. C'est pourquoi on l'appelle par plaisanterie l'évêque Paul, pour le distinguer du véritable évêque de Nîmes qui le reconnaît d'ailleurs comme pasteur et lui donne des marques non équivoques de son amitié et de son estimo.

« Son extérieur est doux, prévenant et très vénérable. Une grande prudence, une conception rapide, un zèle pieux sont empreints sur son visage et se manifestent dans toutes ses actions. Je voulus lui montrer un certificat, mais il avoua que n'ayant jamais fait d'études complètes, il ne savait pas un mot de latin et ne comprenait que sa langue maternelle. »


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BAPTÊMES PROTESTANTS AU XVIIIe SIÈCLE

« Après avoir reçu beaucoup de personnes, il fut requis de faire un baptême. Je lui demandai la permission de l'accompagner et nous entrâmes, à quelque distance de la ville, dans deux maisons de paysans, où le baptême eut lieu de cette manière - dans la pièce la plus spacieuse de la maison, se trouvent réunis le père de l'enfant, une marraine et deux parrains. Le pasteur se place au milieu d'eux et commence, après une exhortation brève et qui varie chaque fois, à lire la prière de la liturgie française, puis l'institution du baptême. Un ancien verse ensuite d'un verre ordinaire sur la main du pasteur quelques gouttes d'eau dont celui-ci asperge la tête de l'enfant, en prononçant la formule ordinaire. Après cela les assistants s'embrassent et se donnent le baiser de l'amour chrétien. Le pasteur dresse l'acte de baptême sur du papier timbré, l'inscrit dans son registre composé, de feuilles du même papier, les témoins signent l'acte, et la cérémonie est terminée. »


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CONSULTATIONS AUPRÈS DU PASTEUR

UN DÎNER AVEC LUI

« Le baptême à peine achevé, une masse de gens venant de villages éloignés s'étaient groupés devant la porte, Ils demandèrent à M. Rabaut des conseils pour leurs diverses affaires et nul ne sortit mécontent de chez lui. Je quittai le pasteur après lui avoir promis de souper avec lui. M'étant rendu le soir chez lui à cet effet, il me conduisit chez un négociant qui l'avait prié de lui accorder ce plaisir. Les usages qui règnent parmi ces gens étaient bien touchants et nouveaux à mes yeux. Quelqu'élégant que fut le ton dans cette maison, tout cependant avait l'air chrétien. Le souper ressemblait en tout point aux agapes des premiers temps. Dès qu'on arrivait, on s'embrassait sans distinction d'âge ni de sexe, on faisait la prière avant de se mettre à table, et on remercia Dieu en se levant. »


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AU CONSISTOIRE

« L'avant-dernier jour de l'an, M. Rabaut m'emmena au consistoire. . . . . Les séances ont lieu dans une maison particulière, située en dehors de la ville. Le premier pasteur est le président de cette assemblée, et en sont membres les deux autres pasteurs, les pasteurs des environs qui pourraient séjourner dans la ville et seize hommes choisis parmi différentes professions, parmi les gentilshommes les plus riches, parmi les négociants, les artisans et les cultivateurs qui jouissent de la meilleure réputation.

Le premier pasteur ouvrit la séance par une prière. Il parla d'abord des quelques désordres qui avaient eu lieu au culte de la dernière fête ; on résolut de prendre dorénavant de meilleures mesures ; on arrêta ensuite qu'il y aurait encore une communion pour le jour de l'an ; après quoi on fit le compte des aumônes de l'année écoulée, et on remit au trésorier un encaisse de 3.620 livres pour commencer l'année nouvelle. Toute la communauté est divisée en différents quartiers dont chacun est confié à un ancien chargé de surveiller la vie de ses coreligionnaires et de s'occuper des pauvres. L'un des anciens déposa sa charge pour cause de vieillesse et un autre fut élu à sa place. Le président exposa ensuite les empêchements opposés à plusieurs mariages. Puis on introduisit une jeune femme à laquelle on reprocha de s'être mariée à l'insu du consistoire « à la messe ». Les parents de cette pécheresse éplorée et repentante étaient présents et on leur, adressa à eux aussi les représentations et les exhortations convenables. Tous les trois furent obligés de dire amen aux voeux et à la bénédiction qui les terminèrent, de confesser à haute voix leur repentir et de promettre de réparer leur faute par une vie vertueuse et chrétienne. La pécheresse dut faire cette promesse à genoux. Après cela, chacun des anciens énuméra les indigents de son quartier et les recommanda aux secours de la caisse des pauvres. On prit leurs demandes en considération et on fit des dispositions pour chaque cas particulier. »

On délibéra ensuite sur les moyens à employer pour empêcher les mariages précoces, surtout parmi les gens pauvres. Enfin le caissier donna à chaque ancien la somme d'argent jugée nécessaire pour subvenir aux besoins de ses pauvres pendant le mois prochain. Chaque ancien a à sa disposition plusieurs diaconnesses qui ont l'obligation de s'occuper de plus près des malades et des pauvres et qui distribuent l'argent aux nécessiteux. L'ancien tient les comptes. » . . . . « La séance dura au moins quatre heures. »


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SERMON INÉDIT DU 26 NOVEMBRE 1745

Apoc. III, 11
Analyse et extraits (4)

Mes frères bien aimés en notre Seigneur Jésus-Christ.
Paul exhorte les Hébreux à la persévérance, surtout ceux d'entre eux qui étaient faibles en la foi : exhortations toujours actuelles et nécessaires, surtout lorsque la vérité est persécutée. Et comme on peut prévoir des afflictions, nous venons vous aider à combattre le bon combat, à vous montrer fermes, en vous faisant entendre la voix de Jésus « qui vient vous dire aujourd'hui par ma bouche : je viens bientôt ; tenez ferme ce que vous avez, de peur qu'on n'enlève votre couronne. »

Trois points : 1° Quel est le devoir prescrit par Jésus ; 2° les motifs qu'il donne ; 3° quelques conseils pour se mettre en état de résister.

PREMIÈRE PARTIE

Paroles adressées à l'ange, c'est-à-dire au pasteur de l'Eglise de Philadelphie. Laisser de côté la discussion épineuse de savoir si les 7 épîtres que Jean eut ordre d'adresser aux 7 églises de l'Asie Mineure étaient spécialement réservées à ces églises ou si le Sauveur a eu l'intention de les adresser à l'église universelle qui devrait vivre dans 7 périodes de temps. Quoi qu'il en soit, ces conseils, ces ordres, concernent certainement tous les chrétiens, et spécialement ceux qui sont persécutés.
De l'examen des paroles du texte et de celles qui le précèdent, il ressort que le devoir recommandé par Jésus consiste en ces trois choses : 1° ne pas trahir la vérité ; 2° la professer publiquement ; 3° persévérer dans cette vérité jusqu'au dernier soupir.

On trahit la vérité, lorsqu'on fait, on dit ou qu'on laisse supposer, qu'on n'est pas chrétien ou qu'on a honte de l'être. Ainsi agit « le timide Saint-Pierre. » Ainsi certains chrétiens de la primitive église brûlent un grain d'encens. Ainsi des réformés - de nom - par paroles ou par écrit font abjuration. Actes indignes d'un disciple de Jésus-Christ qui discernera ceux qui le désavouent, car il veut notre dévoûment complet, prouvé, s'il le faut, par des sacrifices.

« S'il en était autrement, on pourrait associer les ténèbres et la lumière, Jésus-Christ avec Bélial, le temple de Dieu et celui des idoles, ce que saint Paul nous apprend être incompatible - on pourrait clocher des deux côtés, être adorateur du vrai Dieu et fléchir le genou devant Baal, comme faisaient autrefois les Israélites, ainsi qu'Elie le leur reprocha avec tant de force ; on pourrait adorer la bête et son image, prendre sa marque au front ou à la main sans craindre de boire dans la coupe de la colère de Dieu ; quoique saint Jean nous apprenne que ceux qui auront tenu cette conduite seront tourmentés aux suites des scribes et devant l'agneau.

Le chrétien ne doit rien craindre que de déplaire à son Sauveur... Rien n'est plus contraire à la fermeté chrétienne que de plier sous la volonté des persécuteurs et de faire les criminelles démarches qu'ils exigent ; alors, obéir aux hommes, c'est se révolter contre Dieu, et leur résister, c'est se montrer fidèle. »
Il faut de plus faire profession publique de la vérité.

Sans doute, une certaine prudence est nécessaire. La professer devant certains, si prévenus contre elle, serait jeter des perles devant les pourceaux. Mais, sous prétexte de prudence, ne désavouons pas notre Maître. Soyez prêts, dit Pierre, à répondre à qui vous demandera compte de votre espérance. (1 Pierre, III, 15). Professons la vérité, toutes les fois que l'exige sa défense, ou l'avancement du règne de Dieu, ou le salut des frères. C'est un devoir strictement commandé par Jésus qui, pour mieux engager à l'accomplir, ajoute cette magnifique promesse : celui qui me confessera devant les hommes, je le confesserai devant mon Père qui est dans les cieux. Voilà ce que comprirent une foule de martyrs dont l'histoire nous a conservé l'exemple.

Enfin il importe dans la profession de la vérité, de persévérer jusqu'à la fin ; car la fin de la vie surtout décide du bonheur ou du malheur éternel des hommes. Or nous ne pouvons prévoir notre fin. Donc il est nécessaire de persévérer jusqu'au martyre, s'il le faut. Soyez fidèles jusqu'à la mort et je vous donnerai la couronne de vie.

DEUXIÈME PARTIE

Sur quels motifs Jésus-Christ appuie-t-il ce devoir ? Nul ne l'a mieux rempli que lui-même, puisqu'il scella de son sang la vérité qu'il annonçait. Donc nul ne mérite mieux d'être obéi.

Premier motif.
- Sa prochaine venue. Différentes venues de Jésus-Christ mentionnées dans l'Évangile. Mais il y en a une plus ordinaire et plus fréquente. Jésus-Christ vient lorsque le fil de notre vie est rompu et que nous quittons ce monde : c'est lui qui a les clefs de la vie et de la mort, de l'enfer et du paradis toute puissance lui a été donnée dans le ciel et sur la terre ; notre vie donc dépend de lui : s'il peut en couper la trame quand il lui semble bon, nous en ignorons le temps. Mais ce que nous savons avec certitude, c'est qu'il n'est pas éloigné. . . . . . . . . . .

Si l'on devait rester longtemps sur la terre, les souffrances auxquelles nous expose la profession de la vérité pourraient nous faire de la peine, mais hélas ! notre vie est si courte ! C'est une fleur qui se fane, une ombre qui disparaît, un songe qui s'évanouit. Les patriarches, dont la vie était si longue en comparaison de la nôtre, trouvaient que leurs jours étaient courts, à plus forte raison pouvons-nous le dire des nôtres.
Le monde est comme un théâtre ; nous y faisons quelques tours, après quoi nous disparaissons pour toujours. Que sont quarante, soixante, quatre-vingts ans (5). À peine s'en aperçoit-on qu'ils sont écoulés ; encore y en a-t-il bien peu qui parviennent à cet âge-là. 0 Dieu ! tu as réduit nos jours à la mesure de quatre doigts et les années de notre vie sont devant toi comme un rien. Mais la vie étant si courte, peut-il faire de la peine au chrétien de souffrir quelque chose pour son Sauveur ? Quand pendant tout le cours d'une telle vie il faudrait souffrir pour un maître si bon et si libéral, ne devrait-on pas le faire gaîment et sans murmures.

Courage donc, fidèles, ne vous laissez point abattre par les persécutions ; elles ne seront pas de longue durée. Vous dites souvent à l'Époux de l'Eglise : Seigneur Jésus, viens, viens terminer mes souffrances ; viens délivrer tes élus, viens essuyer leurs larmes et les faire régner glorieusement, et le voici qui vous répond dans mon texte : Je viens bientôt, bientôt je mettrai fin à vos combats, d'une manière ou d'autre ou vous aurez part à la glorieuse délivrance, que j'accorderai à mon Église sur la terre, ou vous triompherez avec les bienheureux dans le ciel, pourvu que vous me soyez inviolablement attachés et que vous marchiez sans broncher jusqu'au bout de la carrière. Encore un peu de temps, et celui qui doit venir viendra, il ne tardera point ; je viens bientôt, tenez ferme ce que vous avez, de peur qu'on n'enlève votre couronne ».

Second motif.
- L'excellence de la récompense promise aux fidèles. - Les écrivains sacrés la représentent sous des images rappelant ce qu'il y a de plus glorieux, presque toujours une couronne. Mais cela n'exprime qu'imparfaitement la félicité dont le Seigneur récompense ses enfants.

« On se fait des idées chimériques du bonheur des Rois, on se les représente nageant dans la joie, toujours satisfaits et contents ; mais qu'il faut rabattre beaucoup de ce portrait ! Que de soins qu'il faut prendre pour gouverner un grand peuple ! Que de chagrins ne cause pas un voisin ambitieux et remuant ! Que d'inquiétudes, que de soucis, que d'alarmes ! 0 couronne, disait Séleccus, qui saurait ce que tu pèses ne te relèverait jamais ! Le bonheur promis aux fidèles est bien différent de celui-là !

Être affranchi de tous les maux, tant du corps que de l'esprit, voir Dieu face à face, le contempler tel qu'il est, le connaître autant qu'il peut être connu, l'aimer avec toute l'ardeur dont on est capable, participer à sa félicité, être abreuvé au fleuve de ses délices, posséder ce parfait bonheur sans craindre de le perdre ni de la voir diminuer, être assuré au contraire qu'il augmentera toujours et qu'on le possédera autant que vivra et que régnera le Dieu bienheureux, voilà, mes frères, une faible ébauche des biens qui sont promis au fidèle sous l'image d'une couronne.

Quand on a de si glorieuses espérances, y a-t-il quelque chose qui doive rebuter ? Des biens si précieux ne méritent-ils pas qu'on souffre tant pour les posséder ? Que ne fait pas un courtisan pour s'attirer les bonnes grâces de son prince ? À quoi ne s'expose-t-on pas pour s'élever à quelque dignité ? Que n'entreprend pas un avare pour augmenter ses richesses ? Rien ne lui coûte ; il trouve des douceurs dans les plus grandes peines pourvu qu'il puisse parvenir à son but.

Et le chrétien qui attend une couronne immarcescible de gloire, le chrétien qui sait qu'il combat sous les yeux du véritable distributeur des récompenses, le chrétien qui a dans le ciel des trésors que les vers et la rouille ne gâtent point et où les voleurs ne percent ni ne dérobent, ne soutiendra-t-il pas quelques légers combats de souffrances, ne défendra-t-il pas la cause de son légitime prince, ne s'exposera-t-il pas aux périls les plus éminents plutôt que de tourner le dos et de faire naufrage quant à la foi ?

Les sacrifices que l'on peut faire, les souffrances auxquelles on peut s'exposer, les combats que l'on a à soutenir pour la cause de Dieu, tout cela, dis-je, peut-il entrer en parallèle avec ce poids éternel de gloire souverainement excellente qui attend le fidèle au delà du trépas ? Et qu'on ne s'abuse point : personne n'est couronné, s'il n'a vaillamment combattu. Si nous souffrons avec Jésus-Christ, dit saint Paul, nous régnerons aussi avec lui, mais si nous le renonçons, il nous renoncera aussi. Nous sommes, dit ailleurs le même apôtre, nous sommes les héritiers de Dieu et les cohéritiers de Jésus-Christ, pourvu, ajoute-t-il, que nous souffrions avec lui pour être glorifiés avec lui. »

Troisième et dernier motif.
- Le danger de perdre cette couronne. Elle n'est qu'aux victorieux. Que de combats, que d'efforts pour vaincre ! Mille ennemis nous assiègent. Le démon tourne sans cesse autour de nous : il inspire l'orgueil, le doute, la sérénité, le désespoir.

« Jetez les yeux sur le monde, vous n'y verrez partout que pièges et que tentations, vous y entendrez débiter les maximes les plus relâchées et les plus opposées à celles de l'Évangile. Au lieu que l'Evangile vous enseigne qu'il ne faut jamais avoir honte de se dire disciple du fils de Dieu, l'on vous dira dans le monde qu'il faut cacher ce que l'on pense et se contenter comme Nicodème d'être disciple secret de Jésus-Christ ; au lieu que l'Evangile vous apprend qu'il vaut mieux perdre la vie que de faire un seul acte contraire à sa conscience, le monde vous dira que la vie est trop précieuse pour l'exposer à un tel prix et qu'il vaut mieux offenser Dieu que de s'exposer à la mort ; au lieu que l'Evangile vous apprend que le Seigneur vomira les tièdes hors de sa bouche et qu'un feu éternel est préparé aux timides, on vous dira dans le monde que Dieu est trop bon pour damner tant de gens et que sans doute il leur fera miséricorde ; au lieu que l'Evangile vous apprend qu'on ne saurait servir Dieu et le monde, l'on vous dira au contraire que ces deux choses ne sont point incompatibles.

Et quand aurais-je fini, si je voulais rapporter toutes les maximes que débitent les gens du siècle et qui sont opposées aux maximes de la religion ? Dans le monde vous ne verrez que des exemples contagieux, et qui ne sait le funeste penchant que l'on a à imiter les autres, et surtout ceux qui pèchent ; car telle est la dépravation de notre nature que nous avons plus d'inclination au mal qu'au bien. Combien d'autres moyens ne met-on pas en oeuvre pour séduire les fidèles ; tantôt on emploie les promesses, on n'a pas honte d'imiter le démon et de dire comme lui : nous vous donnerons les royaumes de la terre et leur gloire, nous vous procurerons de grands avantages temporels, si vous voulez vous prosterner devant nos dieux et faire ce que nous exigeons de vous ; tantôt on emploie les menaces, les prisons, les galères, les exils. C'est là ce que l'on vous fait envisager pour vous porter à faire naufrage quant à la foi. Quelquefois on ne se borne pas aux menaces et on en vient aux plus violentes persécutions ; on vous arrache d'entre les bras d'une famille, on vous confine dans un cachot, on vous envoie ramer sur une galère, ou encore l'on vous fait perdre la vie par le martyre.

Et ce qui donne de la force à toutes ces tentations, c'est qu'on est soi-même faible et qu'on n'à pas de plus dangereux ennemi que sa propre chair. On hait les souffrances : comment s'y exposer ? On aime d'être à son aise et on ne peut se résoudre à renoncer à ses commodités ; on est attaché à une famille, à des parents, à des amis, et il est dur de s'en séparer. Oh ! que notre Sauveur a bien raison de nous dire : tenez ferme ce que vous avez, de peur qu'on n'enlève votre couronne. »

TROISIÈME PARTIE

Conseils pour rester fermes dans la profession de la vérité.

Premier conseil : affermissez votre foi. « Il est un grand nombre de personnes qui peuvent dire avec plus de raison que les disciples de Jésus-Christ : Seigneur, augmente-nous la foi. La plupart des protestants le sont, non après un travail personnel, mais parce qu'ils sont nés dans une famille protestante. Ils n'ont donc qu'une foi humaine, mais une telle foi peut-elle être à l'épreuve des tentations un peu violentes et faut-il être surpris que des gens si mal instruits se laissent séduire ; pour donner donc à la foi la solidité et la consistance nécessaires, je voudrais qu'on étudiât les preuves qui établissent la vérité de la religion chrétienne en général et de la religion réformée en particulier ; on ne manque pas de secours pour cela ; tout le monde, pour ainsi dire, a entre les mains des livres sur ces matières, et s'il y a des gens qui ne soient pas instruits, c'est qu'ils ne veulent pas l'être.

On pourrait employer à cela un temps que l'on emploie à des amusements frivoles. Autrefois, on étudiait beaucoup la controverse, aujourd'hui elle est extrêmement négligée. Pourquoi cela ? Ne sommes-nous pas environnés de gens qui nous contestent nos dogmes ? ne pouvons-nous pas être appelés à rendre raison de notre foi, et n'est-il pas important que nous soyons en état de le faire ? Notre salut ne demande-t-il pas que nous sachions quels sont les points capitaux qui nous séparent de l'Eglise romaine et pouvons-nous ignorer d'ailleurs que la foi n'est véritable et salutaire qu'autant qu'elle est éclairée ? »

Second conseil : avoir une conscience pure. Le coeur impur supporte mal les souffrances, qui alors sont funestes, loin d'être salutaires. Le secours de Dieu est nécessaire, pour que nos souffrances bien supportées lui soient agréables. Mais son secours n'est acquis qu'à celui qui est pur.

Troisième conseil : acquérir « dans un degré éminent », l'amour pour Dieu. « L'amour rend tout aisé », thème fréquemment développé dans les sermons de Paul Rabaut.

Quatrième conseil : lire les histoires des martyrs qui nous montrent le courage dans des faiblesses semblables aux nôtres, la fidélité des promesses de Dieu, la force qui sort de son secours, et des modèles entraînants. Il faut réfléchir sur ces souffrances et surtout sur celles de Jésus-Christ et les motifs qui l'ont porté à les subir.

Cinquième conseil : s'habituer à la peine, au travail, aux privations. La mollesse nous rend incapables de supporter la moindre souffrance, tandis qu'une vie volontairement austère et rude nous rend propres à tout supporter.

Sixième conseil : « fréquenter les exercices de piété », communier souvent. L'expérience prouve que l'abandon du culte produit la tiédeur et l'indifférence. N'étant pas de purs esprits nous avons besoin de « quelque chose de sensible et d'extérieur qui fasse impression sur nos sens » : la prédication, les chants, les prières entretiennent la piété ; surtout la communion dispose à suivre Jésus-Christ « et à aller avec lui en prison et à la mort ».

Septième conseil : prier souvent et avec ardeur. Nos forces ne sont rien sans la grâce de Dieu : Elle n'est jamais refusée à qui la demande, « dans le dessein de suivre les mouvements qu'elle lui inspirera. »

Conclusion : que rien ne vous détourne de la profession de la vérité.


Table des matières

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(1) C'est le sermon de 1713, compose le 24 Décembre que nous citons plus loin.

(2) Elles avaient lieu à l'Ermitage, amphithéâtre sur le penchant d'une colline abritée du mistral, dominant le torrent desséché du Cadereau, entre le chemin de Sauve et celui d'Alais, à un kilomètre de Nîmes.

(3) C'était la carrière de Lèque, à un kilomètre an N.-O. de Nîmes, sur la route d'Alais.
 

(4) Avec l'orthographe moderne. - Cette année 1745 avait été marquée par des ordonnances royales (en Février) contre les assemblées, par le martyre de Louis Rauc, pasteur, et par des persécutions dans le Dauphiné.

(5) Analogie avec Bossuet, Méditation sur la brièveté de la vie. Noter que les premiers volumes de la première édition de Bossuet. par Déforis, ne parurent qu'en 1772. Rabaut et Bossuet se sont souvenus du Psaume 90.

 

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